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SUSAN MALLERY 
La promesse oubliée 
Traduction française de PERRINE DEBRAY 
© 2006, Susan Macias Redmond. © 2007, Harlequin S.A.
Résumé 
Depuis la tragédie qui a marqué son enfance et dont elle n'a jamais parlé à personne, 
Rachel s'est fait la promesse de ne pas s'engager et rompt tout lien amoureux dès qu'il 
devient trop fort. Jusqu'au jour où elle fait la connaissance de Carter et vit avec lui une 
brève liaison passionnée. Une liaison d'autant plus déstabilisante pour Rachel qu'elle a 
brisé son serment en tombant amoureuse. Mais il y a plus bouleversant encore : car elle 
est enceinte de Carter. Et ce dernier n'accepter jamais de renoncer à devenir le père de 
leur enfant..."
1. 
Rachel Harper aimait dresser toutes sortes de listes. Ainsi fit-elle la liste de ses bonnes 
résolutions parmi lesquelles figuraient en bonne place celle d’enrichir sa vie sociale, de 
s’intéresser davantage à l’actualité et de ne plus laisser le linge sale s’entasser autant. 
Pour l’heure, elle n’était parvenue qu’à regarder le journal télévisé. La lessive et les 
relations humaines attendraient encore un peu. 
Ce soir-là, assise dans un bar, elle se rendit compte qu’à vingt-cinq ans, elle ne savait 
toujours pas comment se comporter dans un tel endroit. A vrai dire, elle était arrivée 
dans ce bar pour une raison assez singulière : elle avait accepté d’y accompagner Diane, 
une nouvelle enseignante de son établissement, qui avait des soucis avec son petit ami et 
qui comptait sur Rachel pour la soutenir moralement. Rachel n’y avait pas vu 
d’inconvénient, d’autant qu’une des nombreuses résolutions de ses fameuses listes 
consistait à sortir plus. Ainsi s’était-elle retrouvée dans un bar dans lequel elle avait 
aussitôt remarqué la présence d’un nombre beaucoup plus important d’hommes que de 
femmes. 
Elle saisit son verre à cocktail et en but une grande gorgée. 
— Quel lâche ! Tu vas voir qu’il ne va même pas oser venir me parler ce soir ! lança 
Diane, qui était assise en face de Rachel, adossée contre le mur. Cela ne m’étonnerait pas 
de lui, poursuivit-elle, j’ai bien envie de le gifler dès que je le verrai. 
Elle s’interrompit un instant, puis sourit. 
— As-tu remarqué que je n’arrête pas de dire « je », comme dans l’article dont je t’ai 
parlé ? 
— Oui, en effet, murmura Rachel. 
Rachel s’abstint de lui expliquer que l’article en question, qui prodiguait des conseils 
d’ordre psychologique, ne préconisait pas d’utiliser la première personne du singulier 
pour exprimer ce type de propos négatifs. 
— Le voilà, dit Diane en se levant, souhaite-moi bonne chance ! 
Rachel jeta un coup d’oeil rapide en direction de l’homme de grande taille aux cheveux 
foncés qui venait de faire son apparition et qui regardait les autres hommes d’un air 
supérieur. 
— Bon courage ! lui dit-elle. 
« Tu en auras besoin », pensa-t-elle tout bas.
Carter Brockett regarda la jeune fille aux boucles brunes, dans sa tenue si classique. 
Presque instantanément, il pressentit qu’elle viendrait semer le trouble dans sa vie. 
D’après lui, les femmes avaient toujours été l’unique source de souffrance de son 
existence. Il s’était toujours mieux porté lorsqu’il les tenait à distance. 
Toutefois, il ne pouvait s’empêcher d’apprécier chez elles leur plastique, leur sens de la 
répartie et leur vision féminine de la société. De plus, sa mère lui avait appris qu’il était 
de son devoir de protéger les plus faibles que lui. 
Ainsi, cette jolie brune qui paraissait un peu perdue dans ce bar ne le laissait pas 
indifférent. Elle lui semblait fragile, et il doutait fort que derrière cette frêle façade se 
dissimulait une dominatrice aimant manier le fouet et revêtir des tenues de cuir. 
Ce bar était connu pour être le repaire de policiers et de femmes peu farouches. Carter y 
venait rarement pour ne pas risquer de se faire repérer. Mais, ce soir, l’un de ses contacts, 
un policier infiltré, avait insisté pour le rencontrer en ce lieu. Carter avait accepté, en 
espérant qu’aucune de ses connaissances ne vienne lui parler. 
Tout s’était bien déroulé ; il avait réglé ses affaires en toute discrétion avec son contact et 
s’apprêtait à quitter le bar lorsque la petite brune et son amie y étaient entrées. 
A présent, l’amie était absorbée dans une discussion houleuse avec Eddy. Connaissant 
les manières cavalières d’Eddy envers la gent féminine, Carter se doutait que la 
conversation allait mal se terminer. Il fit un signe de tête à Jenny, la barmaid, puis lui 
montra du doigt la jeune femme brune. Pour toute réaction, Jenny haussa les sourcils. 
Jenny et lui étaient sortis ensemble et se connaissaient suffisamment bien pour savoir ce 
que l’autre pensait sans avoir besoin de parler. Jenny comprit qu’après quelques mois de 
célibat voulu, il était de nouveau prêt à goûter à une relation intime. Même si cela ne lui 
réussissait jamais et que ces relations tournaient souvent au cauchemar. 
Il jeta un coup d’oeil autour de lui et s’aperçut qu’il n’était pas le seul à avoir remarqué la 
jeune femme brune et ses vêtements austères qui détonnaient avec ses courbes 
voluptueuses. S’il voulait lui épargner les frasques des autres policiers, il fallait qu’il 
l’aborde de suite. 
Il marcha jusqu’au bar, où Jenny lui tendit une bière et une margarita. Il ne réagit pas au 
sourire complice qu’elle lui fit et s’avança jusqu’à la table de Rachel. 
— Bonsoir, je m’appelle Carter. Tu permets que je m’asseye à tes côtés ? lui dit-il en 
posant la margarita sur la table et en lui adressant un sourire charmeur. 
En matière de séduction, tout passe par le sourire. Depuis l’adolescence, il avait appris à 
jouer de cet atout, pour qu’il laisse transparaître juste ce qu’il faut d’intérêt, de charme et 
de retenue. Cela marchait à tous les coups. 
La jeune femme haussa la tête, rougit, se leva, puis se rassit brusquement. Elle était si
maladroite qu’elle renversa au passage son verre — heureusement presque vide — dont 
le contenu se répandit sur la table et sur sa robe. 
— Oh non, s’exclama-t-elle d’une voix douce et mélodieuse, zut, je n’arrive pas à croire 
que... 
Elle pinça les lèvres et le regarda de nouveau. 
Il avait déjà essuyé la table avec des serviettes en papier, mais s’était abstenu d’éponger 
lui-même la robe de la demoiselle. 
— Ça va ? demanda-t-il, curieux d’en savoir plus sur une femme qui réussissait à se sortir 
d’une situation embarrassante sans prononcer un seul juron. 
— Oui, merci. 
Il lui tendit le verre qu’il venait de lui apporter. 
Elle regarda d’abord le cocktail, puis posa son regard sur Carter. 
— Je ne suis pas venue seule. 
Carter la dévisageait toujours. 
— Oui, j’ai vu que tu étais arrivée avec une amie. 
Elle acquiesça lentement. 
— Elle est en train de rompre avec son petit ami. Elle avait besoin que je la soutienne. 
D’habitude, je ne... 
Elle soupira et dit : 
— Elle va bientôt revenir à cette table. 
— Pas de problème, lui répondit-il tranquillement, je vais te tenir compagnie jusqu’à son 
retour. 
La lumière du bar était tamisée, mais il pouvait voir que les yeux de Rachel étaient verts. 
Ses cheveux foncés tombaient en boucles sensuelles jusqu’au niveau de ses épaules. 
Carter songea que cela faisait trop longtemps qu’il n’avait pas été en charmante 
compagnie pour se laisser fasciner ainsi. 
Visiblement mal à l’aise, la jeune femme changeait sans cesse de position. Elle n’avait 
pas encore touché à son verre. 
— C’est moi ou c’est le bar qui te fait peur ? lui demanda-t-il. 
— Pardon ? Euh, les deux je crois. 
Aussitôt, elle posa sa main sur sa bouche. 
— Désolée, je ne devrais pas dire ça. 
— Ne t’excuse pas. Je trouve que la franchise est une grande qualité. A choisir entre le
bar et moi, qu’est-ce qui t’effraie le plus ? 
Elle parcourut la pièce du regard, puis revint poser ses yeux sur lui. 
— Toi surtout. 
Il sourit. 
— Je suis flatté. 
— Ah bon ? Ça te plaît de penser qu’on peut avoir peur de toi ? 
Il se pencha en avant et lui dit à mi-voix, pour qu’elle s’incline également vers lui : 
— Cela me plaît de penser qu’on me trouve dangereux. Tous les hommes rêvent de 
paraître dangereux, car les femmes adorent ça. 
Il fut surpris de la voir rire. 
— O.K. Carter. Je vois que tu es un séducteur-né et qu’on ne joue pas dans la même 
division. Sache que je ne suis pas de celles qui viennent se faire draguer dans les bars et 
que cette situation me met particulièrement mal à l’aise. 
Elle regarda la table où était assise sa collègue. 
— Je n’arrive pas à dire si leur discussion s’envenime ou non. Qu’est-ce que tu en penses 
? lui demanda-t-elle. 
Il regarda Eddy, qui se trouvait face à la femme blonde, dans un coin du bar. 
— Eh bien, cela dépend de ce que tu entends par « envenimer ». Je n’ai pas l’impression 
qu’ils sont en train de rompre. 
— Je ne sais pas. Diane avait la ferme intention de lui dire tout ce qu’elle avait sur le 
coeur, une fois pour toutes, en insistant bien sur les « je ». 
— Les « je » ? répéta-t-il en fronçant les sourcils. 
Elle sourit. 
— Elle va parler essentiellement à la première personne du singulier ; « je pense que tu 
me manques de respect ; je pense que tu fais exprès d’être toujours en retard », etc. Elle 
risque aussi de lui dire : « J’ai envie de te gifler », ce qui ne va pas arranger les choses. 
Enfin, je ne connais pas Eddy. Qui sait, peut-être aime-t-il être traité de la sorte ? 
Carter était en train de tomber sous le charme de la jeune femme. 
— Comment t’appelles-tu ? la questionna-t-il. 
— Rachel. 
— Tu n’utilises aucun gros mot, tu ne traînes pas dans les bars, alors dis-moi, que fais-tu 
dans la vie ? 
— Comment sais-tu que je ne jure pas ?
— Lorsque tu as renversé ton verre, tu n’as dit que « zut». 
— Ah, c’est vrai. C’est une habitude que j’ai prise parce que je suis institutrice. Je ne 
peux pas me permettre de dire des jurons devant les enfants, alors je m’efforce de ne plus 
les utiliser. C’est pourquoi tu m’entendras dire « zut » ou « flûte », expliqua-t-elle en 
souriant. Parfois, les gens me prennent pour une simple d’esprit quand j’utilise ce type de 
mots, mais peu importe. Et toi, qui es-tu ? 
« Comment répondre à une telle question ? », se demanda Carter, sachant qu’il ne 
pouvait pas lui parler de son métier, au sujet duquel il se devait d’être le plus discret 
possible. 
— Je suis un homme comme les autres. 
— Tu peux peut-être m’en dire un peu plus ? Que fais-tu dans la vie ? 
Elle fixait maintenant le diamant que Carter portait à l’oreille et ses cheveux, qui 
n’avaient apparemment pas vu les ciseaux du coiffeur depuis longtemps. 
« Ce que je fais dépend de mes missions », pensa-t-il, mais il se contenta de lui répondre : 
— Je travaille dans un magasin de choppers, puis il précisa : ce sont des motos. 
Elle se redressa. 
— Je sais ce qu’est un chopper quand même ! Je ne suis pas une arriérée. 
Son indignation lui donna envie de rire. Elle lui faisait penser à un petit chaton 
affrontant un gros chien. Le chaton a beau faire le gros dos, voire cracher, il n’en reste pas 
moins un petit animal inoffensif. 
— Tu viens peut-être d’un coin perdu du désert où les gens ne connaissent pas grand-chose 
à la civilisation. 
Les lèvres de Rachel remuèrent et se contractèrent, comme si elle se retenait de sourire. 
Il poussa la margarita vers elle. 
— Tous les glaçons sont en train de fondre, fit-il remarquer. 
Elle hésita un instant, puis but une gorgée du cocktail. 
— Tu es de la région ? lui demanda-t-elle. 
— J’y suis né et j’y ai grandi. Toute ma famille vit ici. 
— Toute ta famille ? 
Carter hésita un instant. Il n’avait pas pour habitude de parler de lui ou de sa vie. Dans 
sa profession, trop en dire pouvait lui causer des ennuis. Toutefois, il eut rapidement le 
sentiment que le seul risque qu’il courait en parlant à Rachel était de perdre son statut de 
célibataire. 
— Trois soeurs et une mère qui aiment me rendre fou.
Il parlait d’elles avec autant d’amour que d’exaspération. 
Le regard de Rachel se fit mélancolique. 
— C’est bien, commenta-t-elle. Que tu sois proche de ta famille, pas qu’elles te rendent 
fou. 
— Tu n’as pas de bonnes relations avec ta famille ? 
— Je n’ai pas de famille. 
Il ne sut plus quoi dire. Il avait simplement cherché à se montrer agréable, pas à lui 
rappeler qu’elle était seule au monde ! 
— Tu es originaire d’ici ? lança-t-il. 
— De Riverside ? Non. 
Elle secoua la tête. Sa chevelure suivit le mouvement et la lumière y apporta des reflets 
magnifiques. Carter était complètement envoûté. 
— J’ai emménagé ici après mes études. Je cherchais une banlieue agréable et tranquille. 
Elle soupira et conclut : 
— Rien de bien passionnant. 
— Hé, j’ai vécu ici toute ma vie. Je peux te faire découvrir des endroits très sympas et 
très romantiques. 
Elle sourit. 
— Dans la ville où j’habitais, nous allions flirter près de la rivière. Enfin, on ne pouvait 
pas vraiment appeler ça une rivière, car elle était asséchée une bonne partie de l’année. 
— Ah, ah, tu allais flirter ! la taquina-t-il. Tu flirtes beaucoup ? 
Elle haussa les épaules et jeta un coup d’oeil vers la table de Diane et Eddy. 
— Plus beaucoup. Au fait, pourquoi es-tu venu ici ce soir? 
Il sourit. 
— Pour rencontrer une fille aussi magnifique que toi. 
Elle pencha la tête et rougit. Cela faisait bien longtemps que Carter n’avait plus eu le 
bonheur de voir une femme rougir. 
— Merci pour le compliment, dit-elle. Je passe mes journées avec des enfants de cinq ans 
qui ne pensent qu’à essayer de me mettre de la colle dans les cheveux. J’apprécie de 
changer un peu d’environnement ce soir ! 
— Serais-tu en train de me comparer à un enfant de cinq ans ? dit-il, en faisant mine 
d’être indigné. 
— Beaucoup d’hommes sont aussi immatures que des enfants.
— Ce n’est pas mon cas, je suis parfaitement mature et je suis un homme responsable. 
Elle n’en parut pas convaincue. 
— Bien sûr. 
« Intéressant. » Tel fut le mot qui vint à l’esprit de Rachel pour qualifier Carter. Puis elle 
se ravisa ; le mot « intéressant » était trop faible. Elle devait admettre qu’il était très beau, 
sans doute l’un des plus beaux Californiens qu’elle ait vus jusqu’ici. Elle regardait encore 
ses cheveux en bataille et sa boucle d’oreille, en se demandant qui la lui avait offerte. Elle 
songea qu’il lui fallait vraiment sortir plus souvent puisqu’elle s’emballait de la sorte sur 
le premier venu. 
Il était grand et large d’épaules. Son sourire la faisait chavirer. Elle se demanda s’il 
cachait des tatouages sous son jean ou son T-shirt chambray. Elle imagina un instant être 
de ces femmes fatales, vêtues de cuir et de dentelles, qui savent comment se comporter 
en compagnie d’un homme comme Carter. Contrairement à ces femmes, elle manquait 
d’assurance et elle continuait à rougir et à espérer que Diane revienne à sa table afin 
qu’elles quittent cet endroit. 
Au fond, elle n’avait pas vraiment envie de partir tout de suite. Carter était très différent 
des hommes qu’elle fréquentait généralement, mais il lui plaisait d’imaginer avoir une 
relation avec lui, même si elle ne croyait pas vraiment une telle relation possible. 
Elle but sa margarita et se visualisa vêtue d’une guêpière en dentelle rouge et d’un string 
noir sous un pantalon en cuir et un bustier. Comment cette Rachel-là agirait-elle ? 
— Dis-moi un secret, lui murmura-t-elle. 
Elle fut elle-même surprise d’avoir ainsi fait preuve d’audace. A en juger par 
l’expression de son visage, Carter aussi fut étonné. Instinctivement, elle voulut faire 
marche arrière et lui dire qu’il n’était pas obligé de lui dire quoi que ce soit, mais elle se 
résolut à ne pas se démonter. 
Il réfléchit un moment, puis haussa les épaules. 
— J’essaie inlassablement de renoncer aux femmes. Elles envahissent ma vie et je sais 
qu’il est mieux pour moi de ne pas me frotter à elles. 
Elle ne s’attendait pas à une telle réponse. 
— Au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, moi aussi je suis une femme ! lança-t-elle sur le 
ton de plaisanterie. 
Il sourit. 
— J’ai remarqué. 
— Et c’est comme ça que tu renonces aux femmes ? En les abordant dans les bars ? 
Il prit une gorgée de bière.
— Je n’ai pas encore complètement réussi à y renoncer, admit-il. Je les évite pendant 
quelques mois, puis je tombe sur quelqu’un que je ne peux m’empêcher d’accoster. A ton 
tour de me dire un secret. 
— Je suis une danseuse, répondit-elle sans prendre le temps de réfléchir. 
Elle regretta presque immédiatement d’avoir répondu si vite. 
— Enfin, j’étais danseuse. Quand j’étais petite, j’espérais devenir danseuse 
professionnelle, mais je n’ai pas la morphologie qu’il faut pour cela. 
Il eut la bienséance de continuer à regarder son visage plutôt que de lorgner ses formes. 
— Quel type de danse ? demanda-t-il. 
— Un peu de tout : de la danse classique, du modem-jazz. Je prends toujours des cours. 
C’est un peu bête puisque je n’en ferai jamais mon métier. 
— Pas du tout ! C’est important de faire des activités simplement pour le plaisir. 
Soudain, on entendit Diane crier : 
— Tu n’es qu’un imbécile Eddy. Je me demande bien pourquoi j’ai fait tant d’efforts. 
— Chérie, calme-toi voyons ! 
Eddy voulut saisir la main de Diane, mais elle l’en empêcha. 
— Je te déteste. Va te faire voir. 
— Pas besoin de me parler sur ce ton ! 
Diane lui lança un regard glacial. 
— C’est la dernière fois que je t’adressais la parole. Ce n’est plus la peine d’essayer de 
m’appeler. Tout est fini entre nous. 
— Très bien. Et ne viens pas ensuite me supplier de te pardonner. 
Diane se leva et sortit du bar comme une furie. 
— Elle m’avait dit qu’elle voulait rompre, mais je ne pensais pas qu’elle parlait 
sérieusement, dit Rachel, qui venait d’observer la scène. 
Elle regarda en direction de la porte. 
— Il faut que j’aille voir comment elle va. 
— Bien sûr. 
Rachel se leva et Carter l’imita. 
— Merci pour le cocktail et pour la conversation, lui dit-elle, se sentant soudainement 
gênée. Tu as été très gentil. 
— Ce n’est pas vraiment ce qu’un homme aime entendre...
— Oh, c’est vrai ! Excuse-moi, je voulais dire que tu t’es montré très dangereux ce soir. 
J’ai été terrifiée, dit-elle en riant. 
— Voilà, c’est mieux. 
Il fit le tour de la table pour s’approcher d’elle et lui posa un doux baiser furtif sur les 
lèvres. 
— Prends soin de toi Rachel, lui dit-il avant de se diriger vers le comptoir. 
Elle le regarda s’éloigner, puis se retourna et sortit du bar. Elle n’aurait jamais imaginé 
rencontrer un homme aussi charmant dans ce genre d’établissement, en particulier ce bar 
à la façade peu engageante. Après une telle rencontre, elle aurait désormais envie à coup 
sûr de sortir plus souvent. 
Elle s’avança vers la voiture de Diane, mais... Sa voiture avait disparu ! 
Rachel se souvenait parfaitement que Diane s’était garée sous le néon du bar, car elle 
avait alors remarqué que cette lumière donnait des teintes violettes à sa robe. Comme 
Diane ne se trouvait pas sur le parking en train de crier comme une hystérique, Rachel en 
déduisit que la voiture n’avait pas été volée, mais que Diane était partie sans elle. 
— C’est malin, comment je vais rentrer chez moi ? s’exclama-t-elle à haute voix. 
Elle marcha jusqu’au bord de la route et observa les voitures qui y circulaient. La voiture 
bleue de Diane n’était pas en vue. Elle soupira. Elle n’arrivait pas à le croire : Diane avait 
eu le culot de l’oublier ! 
— Il y a un problème ? 
Elle reconnut la voix de Carter derrière elle. 
Elle avait passé un moment délicieux à converser avec lui et ne voulait pas tout gâcher 
maintenant qu’elle était de mauvaise humeur. 
Elle se retourna pour se trouver face à lui et haussa les épaules. 
— Ton amie devait vraiment être bouleversée pour t’oublier 
sur place, indiqua-t-il, devinant ce qu’il venait de se passer. Ce n’est pas grave, je vais te 
ramener chez toi. 
Elle aurait préféré lui dire que ce n’était pas la peine, qu’elle allait appeler une autre 
amie ou un taxi, mais elle n’avait pas envie de déranger une amie à une heure aussi 
tardive et les taxis étaient plutôt rares dans cette petite ville. 
— Tu n’as rien à craindre tu sais, lui confia-t-il. 
— Tu m’as pourtant dit que tu étais dangereux. 
— Je le suis uniquement dans mes rêves. 
Il inclina la tête dans un geste charmant. Elle soupira et accepta sa proposition en
hochant la tête. 
— Merci, lança-t-elle en le suivant. 
Il se mit à marcher en direction d’une grosse camionnette noire. 
— De rien. Ce sera ma bonne action de la semaine. Ma mère sera ravie d’apprendre que 
j’ai fait un beau geste ! 
A l’entendre parler de nouveau de sa mère, Rachel se détendit un peu. 
— Tu as une belle camionnette, on domine la route au volant d’un tel engin, commenta-t- 
elle. 
— C’est un véhicule de macho, lui dit-il en souriant. 
Elle ne put s’empêcher de rire. 
— Oui, évidemment ! Tu pourrais même la surélever davantage en mettant des plus gros 
pneus. 
Il mit le contact et lui demanda : 
— Où va-t-on ? 
Elle boucla sa ceinture de sécurité et lui indiqua la direction à prendre. 
Une fois sorti du parking, Carter lui fit la remarque suivante : 
— Il faudra que tu aies une discussion sérieuse avec ton amie. Cela ne se fait pas 
d’abandonner quelqu’un dans un bar comme ça. 
— Je suis bien d’accord avec toi. J’ai été sidérée quand j’ai vu que sa voiture n’était plus 
là. En fait, je ne connais pas très bien cette fille... 
— C’est une collègue ? 
— Oui. Depuis la rentrée de cette année. Elle s’occupe des CM1. 
— Des grands ! dit-il en plaisantant. 
— Plus grands que mes élèves. En CM1, ils ne mangent plus de colle et ne font plus ce 
genre de bêtises. Mais je ne me plains pas, j’aime m’occuper des petits. Ils sont pleins 
d’enthousiasme. Ils découvrent de nouvelles choses chaque jour. Si je fais correctement 
mon travail, je peux leur inculquer le goût d’apprendre et d’étudier. 
Le téléphone portable de Carter sonna. Il le sortit de sa poche et prit l’appel. 
— Oui ? Comment l’as-tu su ? 
Il rit puis poursuivit la discussion au téléphone : 
— Non, c’est bon. Bonne soirée. 
Il raccrocha.
— Ton amie est retournée au bar pour venir te chercher, expliqua-t-il à Rachel. 
— Ah bon ? Dans ce cas, je serai plus indulgente avec elle quand je lui parlerai demain. 
Qui a appelé pour dire ça ? 
— Jenny, la barmaid. Elle se charge d’avertir Diane que je te ramène. 
Diane allait peut-être penser qu’elle ramenait chez elle un homme qu’elle venait à peine 
de rencontrer et Rachel n’aimait pas beaucoup cette idée. Elle garda cette pensée pour 
elle. 
— Comment se fait-il que la barmaid ait ton numéro de portable ? 
— Ne t’inquiète pas, cela ne signifie pas que je suis un pilier de ce bar. Je connais Jenny 
depuis très longtemps. Nous sommes amis depuis des années. 
« De l’amitié ? Rien de plus ? » se demanda Rachel. 
Carter se gara devant l’immeuble de la jeune femme, qui se trouvait dans le plus ancien 
quartier de la ville. Rachel avait eu un coup de coeur pour le style architectural de ce lieu. 
Il coupa le moteur et observa l’auvent sous lequel se trouvaient les voitures des résidents. 
— Laisse-moi deviner, dit-il, la tienne, c’est la Ford grise. 
Elle enleva la ceinture de sécurité et répondit : 
— Non, c’est la décapotable rouge. 
Il ouvrit de grands yeux. 
— Je ne te crois pas ! 
— C’est pourtant la vérité. 
Il posa son regard sur elle. 
— Je regrette de ne pas avoir eu une institutrice aussi cool que toi. 
— Peut-être qu’elle l’était, mais qu’à l’époque, tu ne l’as pas remarqué. 
— Peut-être en effet. 
Il sortit de la camionnette. Elle en fit de même et ils se rejoignirent sur le trottoir. 
— Inutile de m’accompagner jusqu’à la porte, déclara-t-elle. 
— Mais j’en ai envie. Je ne fais pas les choses à moitié. 
Elle se sentait nerveuse, mais pas effrayée. Carter lui 
plaisait. Elle était persuadée qu’elle ne le reverrait plus jamais après, mais était heureuse 
de constater qu’il se comportait en gentleman. 
Ils marchèrent vers son appartement. Il désigna un parterre de fleurs et dit : 
— Ce sont les tiennes ?
— Oui, le jardinage est une autre de mes passions, répondit-elle en sortant ses clés de 
son sac à main. 
— Une institutrice qui aime danser et qui a la main verte... Intéressant. 
Il se rapprocha d’elle et effleura sa joue du bout des doigts. 
— Je vais t’embrasser Rachel. Je te préviens pour que tu puisses, au choix, courir te 
réfugier chez toi, me gifler ou accepter mon baiser. 
La lumière du porche répandit des reflets dorés sur la chevelure de Carter. Il était beau 
et sexy, irrésistible. Cela faisait des mois qu’elle n’était plus sortie avec un homme et que 
personne ne l’avait plus embrassée. Elle ne s’était pas rendu compte que la présence d’un 
homme lui manquait. Mais, ce soir, elle ressentait ce manque. 
— Je ne suis pas du genre à donner des gifles, murmura-t-elle, ses yeux dans les siens. 
Il lui sourit doucement et elle frémit. 
— C’est bon à savoir, dit-il juste avant de l’embrasser.
2. 
La bouche de Carter était tiède, ferme et tendre à la fois. Rachel s’attendait à un baiser 
de macho, d’un homme qui cherche à s’imposer, mais ce ne fut pas le cas. Dans un 
mouvement de va-et-vient, il lui donna simplement envie d’en vouloir davantage. 
L’un d’eux s’approcha plus près de l’autre. Elle ne savait pas vraiment si c’était lui ou 
elle qui avait provoqué ce rapprochement soudain. Ce dont elle était certaine, c’était 
qu’elle aimait sentir son corps fort et musclé contre le sien. Son odeur était très agréable. 
Elle lui rappelait les parfums de la nature relevés d’une note de fragrance masculine. La 
chaleur qui se dégageait de son corps donnait envie à Rachel de se blottir encore plus près 
lui, comme un chat cherchant un recoin bien au chaud. 
D’une main, Carter lui effleurait la joue tandis que son autre main était posée sur sa 
hanche. Elle se demanda s’il l’empêchait ainsi de bouger. Elle aurait pu lui expliquer qu’il 
n’avait nullement besoin de la retenir car elle n’avait aucune intention de s’éloigner de 
lui, mais il aurait fallu pour cela décoller ses lèvres des siennes. Aussi décida-t-elle de ne 
rien dire et continua-t-elle de l’embrasser. 
Il passa doucement le bout de sa langue sur la lèvre inférieure de Rachel, dans un petit 
mouvement excitant et érotique. Elle entrouvrit les lèvres et retint son souffle, désirant 
qu’il approfondisse son baiser. 
Il s’approcha doucement, comme pour la laisser libre de reculer. Rachel resta lovée 
contre lui. Elle songea à la dernière fois qu’elle avait embrassé un homme et se rendit 
compte que cela ne datait pas d’hier. Depuis qu’elle avait rompu ses fiançailles près de 
deux ans plus tôt, elle n’avait plus senti cette chaleur masculine contre son corps. 
Subitement, alors que leurs langues s’entremêlaient, elle ressentit un besoin aussi 
insoutenable qu’inattendu. Elle le désirait, elle avait envie d’amour. Son corps réclamait 
ardemment les caresses de cet homme qu’elle venait à peine de rencontrer. Sa peau était 
tendue et sa poitrine gonflée. Elle laissa tomber son sac à terre, mit ses deux bras autour 
du cou de Carter et s’appuya sur lui. 
Il émit un gémissement sourd, qui eut pour effet de durcir les mamelons de Rachel. Il la 
serra contre lui tout en laissant errer ses mains le long du dos de sa partenaire. Elle 
inclina la tête et il l’embrassa avec toujours plus de fougue, explorant sa bouche et 
déclenchant en elle un tumulte de sensations. 
Elle fut stupéfaite de la force de cette passion. Jamais auparavant un baiser ne l’avait 
mise en pareil état. Qui plus est, cet homme lui était presque totalement inconnu. C’était 
insensé, exaltant et excitant. Elle n’y était pas habituée.
Carter recula d’un pas. Il lui posa des baisers sur les joues, puis sur le menton et dans le 
cou. 
— Tu es tellement belle, murmura-t-il, pourquoi t’amuses-tu à séduire les hommes 
comme ça ? 
En émoi, Rachel pouvait à peine respirer et encore moins parler. Elle tenta de se ressaisir 
et dit : 
— Que veux-tu dire ? 
— Je parle de tes courbes magnifiques dans cette petite robe très classique, marmonna-t-il 
en lui léchant le creux de l’oreille. Les filles comme toi devraient être interdites. 
Elle ouvrit de grands yeux et scruta l’obscurité de la nuit. 
— Vraiment ? glapit-elle. Pourtant j’ai quelques kilos en trop, je suis loin d’être... 
— Incroyable ? lui coupa-t-il la parole en continuant à frotter sa bouche contre la sienne. 
Sexy ? Renversante ? 
Il se redressa, sourit et ajouta : 
— Si je te connaissais depuis plus longtemps ou si je ne savais pas me tenir, je te 
montrerais l’état dans lequel tu me mets. 
Cette remarque éveilla toute la curiosité de Rachel. L’avait-elle tant excité ? 
Il restait parfaitement maître de lui alors qu’elle tremblait de tous ses membres. Elle 
plongea son regard dans ses yeux foncés et y vit le feu du désir, un désir similaire à celui 
qu’elle ressentait de plus en plus fort en elle. 
— Je n’ai jamais..., dit-elle en s’éclaircissant la voix, d’habitude, je ne... 
— Je sais, dit-il avec une pointe d’amertume, moi non plus, je ne fais pas l’amour le 
premier soir. 
Il sourit tristement. 
— Maintenant que je t’ai rencontrée Rachel, je n’ai plus envie de renoncer aux femmes. 
Il l’embrassa de nouveau, puis se baissa pour ramasser son sac. Il le lui tendit ensuite. 
Elle serra ce sac contre elle à deux mains, comme pour s’interdire de le serrer lui. 
Il respira profondément. 
— Allez, rentre chez toi et repense à l’agréable soirée que nous avons passée ensemble. 
En fronçant les sourcils, il ajouta : 
— Et je te conseille de fermer ta porte à clé ! 
Elle sourit. 
— Tu n’es pas du genre à entrer chez les gens par effraction.
— Je ne sais pas. Avant ce soir, je n’avais jamais été aussi tenté de m’introduire chez 
quelqu’un. 
Elle frissonna. Elle savait qu’il était plus sage de suivre ses conseils et de rentrer seule 
chez elle, mais il lui était extrêmement difficile de s’y résoudre. Pourtant, c’est ce qu’elle 
fit. Une fois dans son appartement, elle plaça ses clés et son sac sur la petite table dans 
l’entrée, puis se retourna pour lui dire au revoir. 
Sans savoir comment, ils se retrouvèrent de nouveau dans les bras l’un de l’autre. Une 
fois encore, elle ne sut dire qui avait pris les devants et elle s’en fichait ; elle se sentait 
tellement bien dans ses bras. Elle percevait les mouvements de ses mains viriles le long de 
son dos. Lorsqu’il s’attarda au niveau de ses hanches, elle se cambra vers lui 
instinctivement. Son ventre frôla son sexe tendu. Il la désirait vraiment. Le désir de 
Carter était aussi intense que le sien. 
Elle s’était toujours montrée très prudente avec les hommes. Elle avait vécu deux 
histoires d’amour et avait attendu d’être sûre qu’ils soient amoureux et prêts à l’épouser 
avant de passer à l’acte avec eux. Jamais elle n’avait fait l’amour avec un inconnu. Avant 
ce soir, elle n’avait même jamais embrassé un inconnu. En d’autres circonstances, elle 
aurait eu honte de son comportement avec Carter, mais ce soir, elle ne s’en souciait 
nullement. 
Elle posa ses mains sur le torse de Carter et se lança à la découverte de son corps à tâtons. 
Leurs langues s’entrelaçaient et Rachel prenait plaisir à humer le doux parfum de sa 
peau. Il mit ses mains sur sa taille et la souleva doucement, la laissant libre une fois 
encore de faire marche arrière. Spontanément, elle attrapa ses paumes et les fit glisser 
jusqu’à ses seins. 
Elle s’étonnait d’agir de façon aussi libertine, ce qui ne lui ressemblait pas, et elle 
savourait sans retenue le plaisir de ses caresses. Elle se préoccuperait du sentiment de 
culpabilité plus tard. Pour l’heure, elle ne souhaitait que profiter du plaisir de sentir ses 
mains sur son corps et donner libre cours à sa jouissance. 
Le désir de Rachel alla crescendo. Elle se rapprocha encore plus de lui tandis qu’il 
commençait à déboutonner sa robe. Elle tira sur le T-shirt de Carter. Il recula d’un pas et 
l’ôta. Une seule petite lampe éclairait la pièce, mais Rachel put constater le rythme 
saccadé de la respiration de Carter et son désir, qui se manifestait sous la ceinture de son 
jean. 
Ils s’étreignirent de nouveau à corps perdu. Elle pouvait désormais toucher son dos et 
son torse, et découvrir la chaleur et la douceur de sa peau. Il finit de déboutonner la robe 
et de la déshabiller. Rachel l’aida à en retirer les manches et jeta son vêtement à terre. 
En temps normal, elle se serait sentie gênée, mais pas cette fois. Carter se pencha et porta 
l’un de ses mamelons à la bouche. Elle s’abandonna à cette chaleur mouillée de ses lèvres
qui la suçaient. Elle lui toucha la tête, le dos et les bras, et voulut pouvoir le caresser 
partout à la fois. 
Il la poussa doucement en arrière. Elle se laissa tomber sur le canapé. Il prit délicatement 
place sur elle et leurs membres s’enchevêtrèrent spontanément. Il parvint rapidement à 
exciter la zone sensible entre les cuisses de Rachel en se pressant contre elle. 
« Encore », pensait Rachel, qui souhaitait follement aller plus loin. Sentir sa bouche sur 
sa peau nue suffisait déjà presque à la faire jouir. Tout en mordillant son mamelon, il 
glissa sa main sur le bas de son ventre et la débarrassa de sa culotte. 
Il trouva immédiatement ses zones érogènes. Fallait-il voir là un coup de chance ou 
l’aboutissement d’années d’expérience ? Peu importait à Rachel de le savoir. Il se frotta 
contre son clitoris gonflé. Elle eut le souffle coupé. 
Variant le rythme de ses caresses, il la toucha jusqu’à ce qu’elle atteigne le septième ciel. 
Elle s’agrippa à lui et s’abandonna au plaisir. Alors qu’elle atteignait l’orgasme, il retira 
son jean et la pénétra. 
Elle jouit de nouveau lorsqu’il fut à l’intérieur d’elle. Ils s’embrassèrent et se serrèrent 
éperdument. Il cria son prénom et se raidit en jouissant à son tour, puis ils restèrent 
immobiles, enlacés. 
Rachel aima sentir le poids de Carter sur elle. Elle avait encore du mal à croire qu’elle 
venait de faire l’amour avec un inconnu sur son canapé, au milieu des senteurs de jasmin 
qui flottaient dans la nuit. 
Rachel se réveilla quelques minutes avant la sonnerie du réveil. Les rayons du soleil 
répandaient une douce lumière dans la pièce. Elle était encore ensommeillée et ses 
pensées embrouillées. D’habitude, elle fermait toujours les volets et tirait les rideaux 
avant de se coucher, mais ce matin, la fenêtre laissait passer la lumière du jour... 
Tout à coup, elle se souvint de ce qui s’était passé la veille au soir. Elle se trouvait dans 
son lit. Elle se rappela qu’il l’y avait portée, afin que leur deuxième rapport sexuel ait lieu 
dans un endroit plus confortable. Elle s’assit, poussa un cri perçant, puis se réfugia de 
nouveau sous la couette. Elle était complètement nue. En temps normal, elle ne dormait 
jamais nue. En temps normal, elle ne ramenait jamais chez elle un homme qu’elle venait 
à peine de rencontrer pour faire l’amour avec lui de surcroît ! 
Elle sentit ses joues rougir de gêne. Que lui était-il donc passé par la tête pour agir ainsi ? 
Elle s’était laissé submerger par l’émoi qu’il avait fait naître en elle. 
Elle jugeait son acte inexcusable. En aucun cas elle ne pouvait justifier ce qu’elle avait 
fait. « Un moment d’égarement », pensa-t-elle amèrement. 
Elle regarda autour d’elle, pour chercher à savoir si Carter se trouvait encore dans 
l’appartement. Aucun bruit ne s’échappait de la salle de bains et elle ne voyait aucun de
ses vêtements. Etait-il donc parti ? Etait-ce mieux ainsi ? 
Alors qu’elle commençait à se poser beaucoup de questions, elle remarqua une feuille de 
papier déposée au pied du lit. Elle se pencha doucement, en prenant soin de garder la 
couette sur son corps nu, et ramassa le papier. 
« Bonjour Rachel. Désolé de partir sans te dire au revoir, mais je dois être au travail très 
tôt et comme nous avons peu dormi cette nuit, j’ai préféré ne pas te réveiller ce matin. Tu 
es incroyable et j’espère que l’on se reverra bientôt. Voici mon numéro de portable. » 
Il avait ensuite écrit son numéro de téléphone et avait signé. 
Rachel relut le message plusieurs fois avant de le poser sur sa table de nuit. Elle était 
soulagée de le savoir loin d’elle. Elle éviterait ainsi la conversation embarrassante du 
lendemain de la première nuit. Elle voulait tourner rapidement la page de cette histoire 
d’un soir. 
Elle se leva et courut vers l’armoire pour enfiler une robe de chambre. Elle allait tout 
oublier et ne plus repenser à cet épisode extraordinaire. 
Cependant, alors qu’elle marchait vers la cuisine pour aller faire du café, elle s’aperçut 
que ses hanches et ses cuisses étaient courbaturées et qu’elle se sentait un peu endolorie 
au niveau de ses parties intimes. 
« Pas étonnant », songea-t-elle en souriant. Le premier rapport avait été passionné et 
ardent, tandis que le deuxième s’était déroulé plus langoureusement. 
Voilà qu’elle était déjà en train d’y repenser ! 
— Il ne faut plus que j’y pense, se dit-elle à voix haute. Plus du tout, c’est du passé ! 
Ce dont elle devait se souvenir, c’était qu’elle avait commis une grosse erreur, qu’elle ne 
devrait plus jamais refaire. Carter aurait pu être un meurtrier psychopathe. Il aurait pu 
l’assassiner et la découper en morceaux. Elle s’était comportée de façon stupide, et, par 
chance, en était sortie indemne. 
Elle n’avait pas l’intention d’appeler Carter. A quoi bon ? Il devait penser qu’elle n’était 
qu’une fille facile et elle détestait cette idée. Toutefois, elle ne pouvait pas lui en vouloir 
étant donné son comportement. Elle ignorait comment elle pourrait effacer cette image 
fausse qu’elle avait donné d’elle-même. Carter était un bel homme ; ce genre d’aventures 
devait sans doute lui être coutumier. Il ne penserait probablement plus jamais à elle, tout 
comme elle allait ne plus jamais penser à lui dès à présent. 
Une fois dans la cuisine, elle remarqua que la cafetière était pleine et qu’un délicieux 
arôme de café parfumait toute la pièce. « Il a fait du café avant de partir, comme c’est 
attentionné de sa part », se dit-elle en soupirant. 
Le téléphone sonna. Aussitôt, le coeur de Rachel se mit à palpiter. Cependant, elle se 
ressaisit, fermement décidée à ne plus succomber au charme de Carter, ni espérer qu’il
l’appelle. De toute façon, il savait où elle habitait, mais elle ne lui avait pas donné son 
numéro de, téléphone. 
— Allô ? 
— Rachel ? C’est Diane. Ça va ? 
— Oui. 
Diane soupira : 
— Je suis vraiment désolée pour hier soir. Je n’arrive pas à croire que je sois partie, en te 
laissant sur place. J’ai failli en avoir une crise cardiaque quand je suis arrivée chez moi et 
que je me suis rendu compte que tu étais toujours là-bas. Je suis retournée 
immédiatement au bar, mais la serveuse m’a dit que quelqu’un avait déjà proposé de te 
raccompagner. Tu es sûre que ça va ? 
— Oui, répondit Rachel, qui voulait s’en convaincre en même temps. 
— Bon, tant mieux. Tu sais, Eddy me rend folle. Je ne veux plus jamais entendre parler 
de lui. 
Diane soupira et continua : 
— Je t’envie ; toi, tu sais être raisonnable avec les hommes. 
Rachel se retint de grimacer. 
— Je ne suis pas toujours raisonnable non plus. 
Diane rit. 
— Ne dis pas de bêtises. Quand as-tu fait quelque chose d’insensé avec un homme pour 
la dernière fois ? 
Rachel n’avait certainement pas envie de répondre à cette question ! Elle l’éluda d’un 
petit rire et mit un terme à leur conversation : 
— Je dois me préparer, merci d’avoir appelé. On se voit plus tard à l’école, O.K. ? 
— D’accord, à plus tard. 
Rachel raccrocha le combiné et se versa une tasse de café. Une nouvelle journée débutait. 
Elle allait repartir sur de bonnes bases et commencer par ne plus passer de folles nuits 
avec des inconnus. Elle allait redevenir la femme raisonnable que Diane voyait en elle. 
C’était mieux ainsi. 
Rachel et ses amies se retrouvèrent au cours de tricot. Rachel aimait les petits bruits 
rythmés des aiguilles à tricoter, qui lui rappelaient les soirées de son enfance passées dans 
sa famille d’accueil, lorsque sa mère adoptive tricotait et qu’elle buvait du chocolat 
chaud, assise au coin de la cheminée. 
— Elle va me renvoyer du cours si ça continue, dit Crissy à voix basse.
Noëlle adressa un large sourire à Rachel, puis les deux jeunes femmes se tournèrent vers 
leur amie : 
— Mais non, voyons, elle t’aime bien. 
— Elle est bien obligée, je lui ai offert un forfait d’un mois dans l’une de mes salles de 
gym. Je sais que ça ne se fait pas de soudoyer les gens de la sorte, mais je ne voyais pas 
d’autres solutions ! déclara Crissy en tirant sur son tricot pour essayer de l’arranger. 
Rachel, sourire aux lèvres, lui dit alors : 
— Tu ferais mieux de faire attention à ce que tu fais. 
Crissy se mit à rire : 
— Tu sais bien que j’assiste à ces cours uniquement parce que je sais que nous sortons 
ensuite dîner ensemble. Je ne m’en sortais pas si mal aux premiers cours, mais 
maintenant, cela devient horriblement compliqué. 
— Tu pourrais arrêter de venir au cours et nous rejoindre simplement après pour le 
dîner, non ? suggéra Noëlle. 
— Non, ça va, je me débrouille, répondit Crissy en tendant ses aiguilles à Rachel. 
Rachel estima le désastre de l’ouvrage et commença à le détricoter. 
— Ce n’est pourtant pas difficile de monter des mailles, fit-elle remarquer. 
— Je suis une femme d’affaires. Je sais diriger mon entreprise, mais je suis nulle en 
activités manuelles. La belle affaire ! lança Crissy. 
Noëlle, qui se montrait toujours conciliante, posa sa main sur le bras de Crissy et lui dit : 
— Il faut juste que tu t’appliques un peu plus. 
— Même en m’appliquant, je n’y arrive pas, objecta Crissy. 
Rachel regarda Noëlle. 
— C’est un cas désespéré ! 
— Oui, on dirait bien, dit Noëlle gaiement, mais on l’aime comme elle est. 
Noëlle posa ses aiguilles à tricoter et étira ses bras au-dessus de sa tête. 
— Mes os craquent de partout. Je n’ai que vingt ans et je suis déjà aussi raide et 
ankylosée qu’une petite vieille ! 
Crissy serra Noëlle dans ses bras. 
— Tu n’es pas une petite vieille, tu es enceinte, ce n’est pas pareil ! 
Elle mit la main sur le ventre rond de son amie, avant d’ajouter : 
— C’est difficile de croire que tu en sois déjà à ton sixième mois de grossesse ; ton ventre 
n’est pas encore très gros.
— Pourtant j’ai l’impression d’être énorme, dit Noëlle en souriant. 
— Comment ça va avec Dev ? demanda Rachel. 
Noëlle prit un air rêveur. 
— Tout est parfait. Il veut qu’on parte en vacances avant la naissance du bébé. Une sorte 
de voyage de noces tardif en quelque sorte. Mais il préfère que je ne prenne pas l’avion, 
donc il songe à une croisière. Nous partirons peut-être à la fin du mois de janvier. 
Rachel était heureuse pour Noëlle, qui rayonnait de bonheur. Son union avec Devlin 
Hunter n’avait été, à l’origine, rien d’autre qu’un mariage d’intérêt, mais ils étaient 
ensuite tombés sincèrement amoureux l’un de l’autre. Au début de sa grossesse, elle avait 
vécu une période difficile, car les médecins avaient évoqué un problème de santé du 
foetus, mais les dernières analyses médicales avaient finalement prouvé que le bébé se 
portait bien. 
Noëlle remit ses mèches blondes derrières ses oreilles. 
— Et vous deux, quoi de neuf ? demanda-t-elle. 
Crissy rit. 
— Depuis la semaine dernière ? Ma foi, rien de nouveau ! Et toi Rachel ? Tu as des 
nouvelles croustillantes à nous raconter ? 
— Pas vraiment, murmura Rachel. 
Son corps ne s’était pas encore tout à fait remis de sa folle aventure, qui avait eu lieu 
trois soirs auparavant, mais elle ne voulait pas leur confier cela. Elle savait pourtant que 
ses amies ne se permettraient pas de la juger, mais elle n’était pas prête à en parler. 
D’ailleurs, elle était toujours incapable de s’expliquer comment elle avait autant laissé 
déraper la situation ce soir-là avec Carter. Il est vrai qu’il s’était montré drôle, charmant 
et sexy, et qu’elle n’avait pas souvent l’occasion de rencontrer ce type d’hommes. Elle 
côtoyait plutôt des hommes mariés, les pères de ses élèves. Il est vrai aussi qu’elle n’était 
sortie avec personne depuis longtemps, mais elle estimait que tout cela n’excusait pas ses 
actes. 
Pire encore, elle commençait à regretter d’avoir jeté le petit mot de Carter. Pourtant, cela 
n’avait aucun sens : elle n’allait tout de même pas l’appeler ? Pour lui dire quoi ? 
L’inviter à sortir avec elle ? Il penserait que seul le sexe l’intéressait. Quelle humiliation ! 
Bien sûr, elle avait apprécié sa nuit d’amour avec lui, mais elle ne voulait pas fonder une 
relation uniquement sur cela. Elle était dans un état de confusion et de doute qui ne 
présageait rien de bon. 
Elle avait mieux à faire que de chercher à s’engager dans une relation. S’attacher à 
quelqu’un impliquait un risque de perdre la personne et elle avait déjà suffisamment 
souffert précédemment pour accepter de courir un tel risque.
— Rachel, ça va ? demanda Noëlle. 
— Euh, oui, répondit Rachel en rendant à Crissy son tricot. Pardon, j’avais la tête 
ailleurs. 
— Tu faisais une drôle de tête. A quoi pensais-tu ? interrogea Crissy. 
Rachel s’efforça de ne pas rougir. 
— A rien. 
Crissy ne sembla pas convaincue. 
— Bon, je ne veux pas me mêler de tes affaires. J’espère simplement que tu n’es pas en 
train de tomber amoureuse et que tu ne vas pas te retrouver enceinte toi aussi. 
— Je ne sors avec personne en ce moment, dit simplement Rachel. 
— Pas besoin de sortir avec quelqu’un depuis des mois pour tomber enceinte ! lança 
Crissy en souriant. 
Noëlle rit et Rachel se força à sourire. Enceinte ? Non ! C’était impossible. Elle ne 
pouvait pas être enceinte ! Ils n’avaient fait l’amour que deux fois. 
Deux fois sans préservatifs. 
Dix-sept jours après avoir passé la nuit en compagnie de Carter et quatorze jours après 
avoir pris conscience qu’elle risquait d’être enceinte, Rachel s’assit sur le bord de sa 
baignoire, trois tests de grossesse à la main. 
Elle avait espéré avoir ses règles à la date prévue, puis avait attendu quelques jours en 
tâchant de ne pas trop s’inquiéter. 
Elle regardait maintenant les trois tests, qui indiquaient tous le même résultat : positif !
3. 
Jamais Rachel n’aurait pensé remettre un jour les pieds dans le bar où elle avait 
rencontré Carter. Malheureusement, elle s’était débarrassée du morceau de papier sur 
lequel le jeune homme avait laissé son numéro de téléphone et elle devait trouver un 
moyen d’entrer en contact avec lui. Elle s’était souvenue qu’une des serveuses, dont elle 
ignorait le nom, avait son numéro et elle avait, par conséquent, décidé d’aller la voir pour 
obtenir les coordonnées de Carter. 
Il était 15 h 30 lorsqu’elle franchit la porte du bar. Elle se sentait nerveuse. La jupe 
qu’elle portait était maculée de taches ; ses petits élèves ne se gênaient pas pour venir se 
coller à elle avec leurs doigts pleins de peinture ou de colle. Heureusement, les taches 
disparaîtraient au premier lavage. Si seulement son problème de grossesse pouvait se 
dissiper aussi facilement... 
Comme il était encore tôt, l’endroit était presque désert. Sans regarder les quelques rares 
clients, Rachel se dirigea droit vers le bar et fut soulagée de reconnaître la serveuse 
présente dans le bar lors de la fameuse soirée, trois semaines auparavant. 
La femme derrière le comptoir sourit. 
— Bonjour, puis-je vous aider ? 
Elle était belle, avec ses grands yeux verts et sa coupe de cheveux courte et branchée ; 
elle devait avoir entre vingt-cinq et trente ans. 
— Je l’espère, répondit Rachel, qui tremblait. Je cherche Carter. 
La serveuse souriait toujours. 
— Carter comment ? 
— Je ne connais pas son nom de famille, admit Rachel tout en sentant l’humiliation 
monter en elle. Je l’ai rencontré complètement par hasard ici il y a trois semaines. J’étais 
venue pour accompagner une amie qui allait rompre et... 
Elle reprit sa respiration avant de se remettre à parler : 
— Mais peu importe, n’est-ce pas ? Bref, nous nous sommes rencontrés il y a quelque 
temps et je dois lui parler. C’est très important. Il s’appelle Carter. Il mesure environ un 
mètre quatre-vingts, il a les cheveux blonds et il porte une boucle d’oreille. 
Dans sa lancée, Rachel laissa échapper la précision suivante : 
— Il a une cicatrice en forme d’éclair sur la cuisse droite, au niveau de son... 
Alors, la barmaid s’exclama :
— Ah ! C’est de ce Carter-là que tu parles ! Assieds-toi. Je vais voir si j’arrive à le joindre. 
Carter était partagé entre soulagement et agacement. Il n’en revenait pas que Rachel ait 
attendu trois semaines avant de reprendre contact avec lui. Carter savait qu’attendre et 
paraître distant permettait à coup sûr d’être désirable aux yeux de l’autre, mais en règle 
générale, c’était lui et non pas ses conquêtes qui jouait à ce petit jeu. 
Elle voulait se faire désirer et il ne se laisserait pas prendre à ce piège, pensa-t-il, 
d’autant plus qu’il n’avait pas particulièrement envie de s’engager dans une relation. 
En théorie, il n’y avait donc aucun problème. En pratique, toutefois, son raisonnement 
tenait moins la route : il n’avait pas cessé de penser à Rachel au cours de ces dernières 
semaines. Il savait où elle vivait, mais n’avait pas pris l’initiative d’aller la voir. Après 
tout, il lui avait laissé son numéro de téléphone et elle ne l’avait pas appelé. Selon lui, 
cela en disait long sur le peu d’intérêt qu’elle lui portait. 
Malgré tout, en entrant dans le bar, il était déterminé à la séduire, même s’il n’était pas 
certain de la désirer. Sa fierté masculine était enjeu. Il fit un signe de la tête à Jenny, qui 
répondit en montrant du doigt une table dans le fond du bar. Il bomba le torse et avança 
nonchalamment dans cette direction. En arrivant devant la table, il dut s’arrêter un 
instant, tant la beauté de Rachel lui avait coupé le souffle. 
Elle se tenait très droite sur la banquette, dans l’expectative. Elle donnait une image très 
prude d’elle-même dans cette tenue et avec les cheveux tirés en arrière pour former une 
natte. Carter savait que sous cette apparence se cachait une femme plutôt dévergondée, 
qui embrassait divinement bien et faisait l’amour en se donnant corps et âme. 
L’espace d’une seconde, le fantasme de lui faire l’amour sur la table du bar lui traversa 
l’esprit. Comme il n’était pas de ceux qui aiment se donner en spectacle, il oublia bien 
vite cette idée. De plus, rien ne lui permettait d’affirmer que Rachel avait toujours envie 
de lui. 
— Rachel, lui dit-il. 
Elle se leva à moitié, puis retomba sur la banquette. 
— Bonjour Carter. 
Il prit place en face d’elle et remarqua une grande enveloppe qu’elle avait déposée sur la 
table. 
— Cela fait un bout de temps depuis l’autre soir, déclara-t-il. 
Elle fit oui d’un signe de tête. 
— Trois semaines exactement. 
Elle passa sa langue sur ses lèvres, ce qui suffit à troubler Carter. Pourquoi lui faisait-elle 
tant d’effet ?
Elle mit ses mains sur la table, les noua avant de les séparer aussitôt et de les placer sur 
ses genoux. Ses gestes trahissaient sa nervosité. 
Il avait l’intention de l’écouter simplement, sans trop intervenir, afin d’en apprendre 
plus sur elle. Mais il ne put s’empêcher de lâcher : 
— Tu ne m’as pas appelé. 
Il s’en voulut aussitôt. 
— Pardon ? dit-elle en cillant. 
— Tu ne m’as pas appelé. Pourtant, j’ai été poli. Je devais me lever tôt et je ne voulais pas 
te réveiller, alors je t’ai laissé un petit mot, avec mon numéro de téléphone. 
Il se pencha vers elle et lui dit encore : 
— Je ne fais pas ça avec n’importe qui tu sais. C’est ce que tu pensais ? Tu pensais que tu 
pouvais profiter de moi un soir et m’oublier le lendemain ? 
Il regretta immédiatement de lui avoir dit tout cela. Comment de telles paroles avaient-elles 
pu s’échapper de sa bouche ? Il venait de s’exprimer comme une femme ! 
Rachel ouvrit de grands yeux. 
— Je n’ai pas profité de toi. 
— Si, tu es arrivée à tes fins, puis tu t’es complètement désintéressée de moi. 
— Ce sont les hommes qui profitent du sexe faible, et non l’inverse. 
— Vraiment ? Seuls les hommes sont capables de mal agir ? Le comportement des 
femmes est toujours irréprochable ? 
— Non, bien sûr que non. 
Elle le dévisagea et lui dit : 
— Mais je n’ai pas essayé de profiter de toi. 
— Tu aurais pu m’appeler. 
— Je ne savais pas quoi te dire. 
— Tu aurais pu dire « Merci pour cette soirée formidable. On devrait se revoir à 
l’occasion », par exemple. 
Mais peut-être n’avait-elle pas eu envie de le revoir ? Non, c’était impossible, se rassura-t- 
il. 
Elle prit une grande inspiration. 
— Carter, je suis désolée de ne pas avoir appelé, mais il faut maintenant que nous 
parlions de quelque chose de plus important. 
Plus important ? Lorsque les femmes voulaient parler de « choses plus importantes »,
elles abordaient généralement le sujet de la relation et de l’engagement. Toutefois, il 
songea que Rachel et lui se connaissaient bien trop peu pour commencer une telle 
discussion. 
— Je t’écoute, dit-il, intrigué. 
Elle expira profondément. 
— La nuit que nous avons passée ensemble n’a pas été sans conséquences. 
Il prit le temps de réfléchir à la phrase qu’elle venait de prononcer. Son sang se glaça. 
— Si tu as quelque chose, tu aurais dû me prévenir, grommela-t-il. 
En vérité, il ne pouvait s’en prendre qu’à lui-même. Il ne s’était pas protégé pendant 
leurs rapports sexuels. Même s’il n’avait pas eu de préservatifs dans son portefeuille ce 
soir-là, il aurait dû prendre le temps d’évoquer la question de la protection avec elle et 
agir en adulte responsable. Avait-il contracté une maladie à cause de son inconscience ? 
— Comment ça « si j’ai quelque chose » ? dit-elle d’une voix légèrement agacée. Je ne 
suis pas malade ! 
— Moi non plus, je n’ai pas de maladies, je vais bien. Alors si nous sommes tous les deux 
en bonne santé, quel est le problème ? 
— Tu pourrais le deviner, toi qui t’y connais si bien en femmes : je suis enceinte. 
Jenny arriva sur ces entrefaites pour leur demander s’ils voulaient boire quelque chose. 
Il regarda Jenny et lui dit : 
— Laisse-nous une minute. 
— O.K. 
Jenny regarda rapidement Rachel, puis retourna au bar. 
— Tu ne prends pas la pilule ? demanda-t-il, en songeant qu’il aurait mieux fait de lui 
poser cette question plus tôt. 
— Non, répondit-elle d’une voix basse et gênée. 
— Tu m’as laissé te faire l’amour sans aucune protection ni contraceptif ? 
Elle ouvrit la bouche puis la referma. Quand elle se décida à parler, elle lui expliqua : 
— Je n’avais en aucun cas prévu que nous ferions l’amour ce soir-là et, sur le coup, je n’ai 
pas réfléchi. 
Carter pensa qu’elle allait ensuite lui dire que c’était sa faute. 
— Je ne fais pas ce genre de choses très souvent, avoua-t-elle, visiblement toujours aussi 
gênée. 
— Que veux-tu dire ? lui demanda-t-il.
Elle regarda autour d’elle et poursuivit en baissant encore le son de sa voix. 
— Je n’ai été qu’avec deux hommes et j’étais fiancée dans les deux cas. 
— Tu as déjà été mariée ? Deux fois ? 
Il semblait quelque peu outré. Elle s’appuya contre la banquette et émit un petit 
gémissement. 
— Non, j’ai été fiancée, mais jamais mariée. Mais peu importe, je ne suis pas ici pour te 
raconter ma vie, mais pour t’annoncer que je suis enceinte. 
— J’ai bien compris. 
— Un bébé va naître. 
Le mot « bébé » eut l’effet d’un électrochoc pour Carter. Si le terme « enceinte » évoquait 
un état dangereux et effrayant, qui permettait de piéger un homme, le mot de « bébé » 
prenait, lui, une connotation beaucoup plus positive, presque miraculeuse. Il eut le 
sourire aux lèvres. 
— Oui. 
— Pas la peine de sourire. Nous n’avons pas désiré cet enfant. Nous ne nous connaissons 
même pas. 
Elle lui tendit l’enveloppe et déclara : 
— Je me suis rendue chez un avocat. L’enveloppe contient un accord très simple. Je ne te 
demande rien et ne te demanderai jamais rien. En contrepartie, tu t’engages à désavouer 
la paternité de cet enfant. 
— Pourquoi ferais-je une chose pareille ? 
Elle roula les yeux. 
— Parce que c’est la meilleure solution. Nous nous connaissons à peine ; nous ne 
pouvons pas élever un enfant ensemble. 
Du coin de l’oeil, il vit que Jenny était au téléphone. 
Il ne savait pas exactement ce qu’il ressentait. Il avait simplement la certitude que le 
bébé serait une fille et qu’il était hors de question qu’il renonce à ses droits de père. 
— Il faut que nous discutions, dit-il, puis il grimaça en se rendant compte qu’une fois 
encore, il avait dit exactement ce qu’une femme aurait dit. 
— Je t’ai tout dit. Tu n’as plus qu’à lire les documents qui se trouvent dans l’enveloppe. 
Il se pencha vers elle. 
— Je ne veux pas poursuivre cette conversation dans un bar. 
Elle hésita et lui dit :
— Je ne t’invite plus chez moi. Tu sais ce que ça a donné la dernière fois. 
Il voulait lui faire comprendre qu’il n’était pas obnubilé par l’idée d’avoir des relations 
sexuelles avec elle. Toutefois, il savait que ce serait mentir que de dire le contraire. Il 
admirait sa peau claire et les courbes que formaient ses lèvres lorsqu’elle souriait. 
Malheureusement, elle souriait peu à présent. 
— Je ne cherche pas à coucher avec toi. On peut aller chez moi si tu veux. Tu n’as qu’à 
me suivre avec ta voiture. Je ne veux tout simplement pas poursuivre la discussion ici. 
Il ne précisa pas que la serveuse, son ancienne petite amie, continuait régulièrement à 
prendre des nouvelles de sa mère et qu’à cet instant précis, elle était peut-être même au 
téléphone avec elle. 
Rachel réfléchit un moment, puis acquiesça. 
— O.K. On va chez toi. Mais je veux que tu réfléchisses sérieusement à ma proposition. 
Je n’essaie pas de te piéger. 
— Tant mieux ! 
En temps normal, Rachel aimait conduire sa petite décapotable, mais, ce jour-là, dans 
son état de fébrilité, elle n’apprécia guère le trajet. La conversation avec Carter ne s’était 
pas déroulée comme elle l’avait imaginé. Tout d’abord, il avait lourdement insisté sur le 
fait qu’elle ne l’avait pas appelé, comme s’il en avait souffert. Elle n’avait pas pensé une 
seule seconde qu’il lui avait laissé son numéro parce qu’il espérait vraiment recevoir un 
appel de sa part. Elle avait supposé qu’il couchait avec un tas de femmes et qu’elle n’était 
qu’une parmi tant d’autres. Ses suppositions étaient-elles erronées ? Avait-il été vraiment 
peiné de ne pas avoir reçu de ses nouvelles ? Elle avait du mal à imaginer qu’elle pouvait 
lui plaire. 
Ensuite, il avait immédiatement refusé de renoncer à ses droits concernant le bébé. 
Jamais elle n’aurait pensé qu’il voudrait assumer ce type de responsabilités, car elle 
croyait que tous les hommes fuyaient leurs obligations. Elle devait lui faire comprendre 
qu’ils n’allaient pas vivre cette grossesse comme un couple le ferait. Elle avait déjà 
suffisamment de mal à accepter le fait d’être enceinte pour devoir en plus gérer une 
relation avec lui. 
Elle suivit sa grosse camionnette noire jusque dans un quartier agréable, qui devait être 
essentiellement peuplé de jeunes couples avec enfants. Il se gara dans l’allée d’une jolie 
maison de plain-pied et elle stationna sa voiture dans la rue. 
Elle sortit de la décapotable et jeta un coup d’oeil circulaire au voisinage. Elle avait 
l’impression de retrouver son enfance ; le quartier ressemblait étrangement à celui dans 
lequel elle avait grandi. Même après toutes ces années, elle se souvenait de sa chambre de 
petite fille dans les moindres détails : la couleur du papier peint, les étagères de livres sur 
les murs, le désordre de ses jouets et sa maman qui lui demandait de ranger. Elle devenait
souvent très mélancolique lorsqu’elle repensait à son enfance. 
— Rachel ? 
Elle leva les yeux et vit que Carter l’attendait sur le pas de la porte. Elle s’avança dans 
l’allée et entra dans la maison avec lui. 
Les murs du salon étaient peints en vert clair et de grands rideaux beiges étaient 
suspendus au-dessus des fenêtres. Les meubles paraissaient relativement neufs. Elle 
trouva la décoration de la pièce assez soignée. 
Il l’invita à s’asseoir et lui proposa un verre, qu’elle refusa. 
Elle déposa son enveloppe sur la table basse et prit place sur le canapé. Carter marchait 
de long en large dans la pièce. Il s’arrêta un instant devant elle, comme s’il était sur le 
point de prendre la parole, mais ne fit que secouer la tête et se remit à arpenter le salon. 
Elle comprenait qu’il avait besoin de temps. Elle-même ne s’était pas encore faite à l’idée, 
alors qu’elle avait appris sa grossesse depuis plusieurs jours déjà. 
— Je n’avais pas prévu cela, lui lança-t-elle d’une voix douce. Je veux que tu le saches. Ce 
qui s’est passé entre nous était absolument inattendu. 
Il la regarda et lui sourit. 
— Je sais, j’y étais. 
Son regard la troubla. Dans un élan, elle eut envie de se lever et de se blottir dans ses 
bras. Il la serrerait fort et... Soudain, elle se souvint que c’est ainsi que la situation avait 
dérapé la première fois. 
Elle s’éclaircit la voix. 
— Je ne veux pas que tu t’inquiètes. Je peux parfaitement me débrouiller toute seule. 
En réalité, elle était terrifiée à l’idée d’être une mère célibataire, mais elle ne voulait pas 
lui communiquer cette peur. 
— Je ne veux mettre aucune pression sur tes épaules. Prends tout le temps que tu 
souhaites pour lire les documents. 
L’expression sur le visage de Carter s’assombrit. 
— Que ce soit bien clair entre nous : je ne veux pas abandonner mon enfant. 
— Tu veux être père ? 
— A vrai dire, je n’avais pas prévu cela cette semaine, mais il s’agit de mon enfant. 
Il émit un petit rire étranglé. 
— Ce sera ma fille autant que la tienne et tu ne m’en priveras pas. 
Il mit ses mains sur ses hanches. Comme elle était assise et lui debout, il paraissait encore 
plus puissant et viril. Elle fut intimidée.
— Tu ne penses pas ce que tu dis, murmura-t-elle, prise au dépourvu à la fois par le 
charisme et par les paroles de Carter. Je n’ai pas pensé une minute que tu réagirais ainsi. 
— Nous avons fait un enfant et nous devons à présent en assumer la responsabilité. 
Il n’avait pas tort, mais elle ne s’attendait pas à l’entendre tenir un tel discours. 
La porte d’entrée s’ouvrit alors et trois femmes firent leur apparition dans le salon. 
L’une d’elles avait une cinquantaine d’années et les deux autres devaient être à peu près 
du même âge que Carter. Rachel les regarda fixement. 
— Maman, ce n’est pas le bon moment, grommela-t-il. 
La femme l’écarta de son chemin pour se retrouver devant 
Rachel. 
— Tais-toi donc Carter, quand on met une femme enceinte sans le vouloir, on n’a pas 
droit à la parole. 
La mère de Carter avait des cheveux blonds et courts, et les mêmes yeux que son fils. 
C’était une petite femme qui débordait d’énergie. Les deux autres femmes étaient plus 
grandes. Elles étaient belles et un peu intimidantes aussi. 
— Comment êtes-vous au courant ? demanda Rachel d’un ton hésitant. 
Carter se carra dans l’un des fauteuils en face du canapé. 
— Jenny l’a appelée. Rachel, je te présente ma mère, Nina Brockett, et deux de mes 
soeurs, Liz et Merry. Maman, voici Rachel. 
— Pourquoi la serveuse vous a-t-elle appelée ? demanda encore Rachel, qui cherchait à 
mieux comprendre la situation. 
— Jenny est une amie de la famille, lui répondit Nina. 
— Nous restons en contact avec la plupart des anciennes petites amies de Carter. Nous 
en avons vu défiler beaucoup, mais tu es la première à être tombée enceinte, ajouta l’une 
des soeurs. 
Rachel fut très surprise d’apprendre que Jenny, la barmaid du bar, était l’ex de Carter. 
— Jenny est mariée maintenant, précisa Carter, qui avait lu la stupéfaction dans les yeux 
de Rachel. 
Nina prit place à côté de Rachel sur le canapé. 
— Il va falloir te ménager. Tu vas avoir un bébé, lui dit-elle. 
Rachel ne prêta guère attention à cette remarque, mais regarda Carter. 
— Tu es sorti avec Jenny ? demanda-t-elle en rougissant. Tout à l’heure, dans le bar, 
quand je te cherchais, elle a fait mine de ne pas savoir de qui je voulais parler. J’ai dû te 
décrire et...
Elle se rendit compte que les trois femmes l’observaient et n’eut pas envie de continuer à 
parler de Jenny. 
— Peu importe, murmura-t-elle. 
— Jenny a beaucoup d’humour ; elle adore faire des blagues, marmonna Carter. 
Une des soeurs sourit et dit : 
— C’est une fille géniale. Carter a été le témoin à son mariage et elle a été mon témoin 
au mien. 
Rachel jeta un coup d’oeil rapide en direction de la porte. Elle n’avait qu’une envie, 
c’était de fuir en courant. Une discussion au sujet des ex de Carter avec sa mère et ses 
soeurs ? C’était plus qu’elle n’en pouvait supporter ! 
Nina lui prit la main. 
— Ne t’inquiète pas, tout va bien se passer. Tu es un peu inquiète pour le moment, parce 
que tu ne nous connais pas encore. D’ailleurs, je ne sais pas pourquoi mon fils ne t’avait 
pas encore parlé de nous, mais... 
— Maman, laisse-la tranquille. 
La mère de Carter poursuivit : 
— Je ne t’embête pas, n’est-ce pas ? Je veux t’aider. J’aime beaucoup aider les autres. Dis-moi, 
de quoi étiez-vous en train de parler lorsque nous sommes arrivées ? 
Rachel regarda l’enveloppe sur la table. Elle comprenait maintenant un peu mieux que 
Carter puisse tenir à cet enfant, car la famille occupait manifestement une place 
importante dans sa vie. 
— C’était une conversation privée, lança Carter. 
— Tu peux nous le dire, dit l’une des soeurs, de toute façon, nous finirons bien par le 
savoir. 
— Non, répondit Carter assez sèchement. 
Il regarda Rachel. 
— Si tu veux t’enfuir en courant, vas-y, je ne t’en voudrai pas ! 
La mère de Carter tenait toujours la main de Rachel, qui tenta de la dégager. 
— Carter et moi devons discuter de certains points, dit-elle timidement. 
— Bien entendu, dit Nina en lui souriant. Je vois que tu es une fille bien et que tu n’as 
pas fait exprès de tomber enceinte. Maintenant que tu attends ce bébé, nous allons nous 
préparer à l’accueillir. 
Nous ? Rachel préférait l’utilisation de la première personne du singulier.
— En fait, c’est plutôt MOI qui vais me préparer, dit-elle. 
— Et MOI, qui suis le père, continua Carter. 
— Oui, je ne dis pas le contraire. D’ailleurs, c’est bien la raison pour laquelle je suis 
venue te parler de ta paternité, répondit Rachel. 
— Je te rappelle quand même que tu ne m’as pas appelé. 
Les soeurs se regardèrent, étonnées. 
— Tu es sortie avec Carter et tu ne l’as pas rappelé le lendemain ? lança l’une d’elle. 
— D’habitude, elles appellent toujours, continua l’autre. Parfois, c’est presque du 
harcèlement. 
— Elles sont toutes folles de mon fils, dit Nina avec fierté. 
Rachel haussa les sourcils. 
— Ne fais pas attention à ce qu’elles disent, lui conseilla Carter. 
— Peut-être que ce qu’elles disent m’intéresse ? 
— Non, vraiment, crois-moi, il vaut mieux que tu ne les écoutes pas. 
Nina les interrompit. 
— Nous devons parler de la cérémonie. Puisque vous allez avoir un bébé ensemble, vous 
devez vous marier. 
— Quoi ? s’exclamèrent en choeur Rachel et Carter.
4. 
Carter connaissait suffisamment bien sa mère pour ne plus être surpris en l’écoutant. 
Pourtant, il devait admettre qu’elle avait poussé le bouchon très loin cette fois. Il la 
laissait toujours parler et écoutait ce qu’elle avait à lui dire, mais ne se sentait nullement 
obligé de suivre ses recommandations. 
Il se leva, marcha en direction de la porte et prit la parole : 
— Ça suffit. Merci à vous trois d’être passées et à bientôt ! 
Sa mère se leva également, s’arrêta devant lui et lui lança un regard furieux. 
— Carter Brockett, je ne plaisante pas. 
— Moi non plus, maman. Cette histoire concerne Rachel et moi. Nous n’avons pas 
besoin que tu nous dises ce que nous devons faire. 
— Carter, tu vas avoir un bébé. Ce n’est pas rien ! 
Au fond, Carter savait que sa mère voulait bien faire. Elle l’aimait et était prête à tout 
pour son fils bien-aimé. Toutefois, cet amour débordant était parfois insupportable. 
Il se pencha et l’embrassa. 
— Je sais maman. Fais-moi confiance, d’accord ? 
Elle haussa les épaules, puis acquiesça. Elle sortit de la maison, suivie de ses deux filles. 
— Tu t’es mis dans de beaux draps, lui murmura au passage Merry en souriant. 
— Merci pour ton soutien et ta compréhension, soeurette ! 
— De rien. 
Il referma la porte derrière elles. 
Rachel se trouvait toujours sur le canapé, l’air assez déboussolé. Carter savait que la 
première impression que donnaient les membres de sa famille pouvait souvent être 
déconcertante. Il alla dans la cuisine et lui rapporta un grand verre d’eau. Elle le regarda 
fixement. 
— Ça va ? lui demanda-t-il. 
— Non. 
— Ne t’inquiète pas au sujet de ma famille. Tu viens de rencontrer ma mère et deux de 
mes soeurs. J’ai aussi une troisième soeur. Je suis le benjamin de la famille, le seul garçon. 
Mon père est mort avant ma naissance, donc j’ai toujours vécu uniquement entouré de 
filles.
Rachel but une gorgée d’eau. 
— Quand tu m’as expliqué que les femmes étaient une source d’ennuis pour toi, je 
pensais que tu faisais référence à tes relations amoureuses, pas à ta famille. 
— Tout mon entourage est féminin. Même mon labrador est une chienne. 
Elle esquissa un petit sourire. 
— Quoi qu’il en soit, ta famille tient visiblement beaucoup à toi et t’aime énormément. 
Elle reprit une gorgée d’eau. 
— Jenny a vraiment appelé ta mère pour lui raconter ce qu’elle avait entendu ? 
— Oui. Jenny est restée très proche de ma mère et de mes soeurs, comme beaucoup de 
mes autres anciennes petites amies d’ailleurs. Elles viennent parfois leur rendre visite et il 
m’arrive par conséquent de les croiser. 
Il était resté en bons termes avec ses ex. Parfois, il se demandait s’il ne préférerait pas 
qu’elles soient fâchées et vindicatives. Cela aurait, par exemple, permis d’éviter les 
ennuis liés au coup de fil de Jenny. 
Il n’avait rien contre Jenny. Il l’appréciait beaucoup et elle avait épousé un homme bien. 
Mais pourquoi avait-elle cru bon de prévenir sa mère de la grossesse de Rachel ? 
Rachel se rendit compte de l’embarras de Carter. 
— Je n’ai pas fait exprès de tomber enceinte. 
— Je le sais bien. Nous n’avions pas prévu cela. 
Elle baissa la tête, mais il remarqua son petit sourire. 
— A vrai dire, je me suis un peu laissé emporter. Je n’avais jamais vécu une telle 
aventure, avoua-t-elle. 
— Moi non plus. 
Elle redressa la tête et roula les yeux. 
— Arrête ton cinéma. Je ne te connais peut-être pas bien, mais je commence à avoir une 
idée assez précise de ton passé. Ne me fais pas croire que tu n’as pas eu de multiples 
conquêtes. 
— J’ai eu beaucoup de petites amies, mais j’ai rarement ressenti une passion si forte. 
— Tu ne penses pas ce que tu dis. 
Carter la trouvait absolument charmante lorsqu’elle doutait de la sorte. Elle l’attirait 
toujours autant, mais la situation serait encore plus complexe pour lui s’ils devenaient 
amants. Il pensait qu’il était plus sage de ne pas tomber sous son charme. Mais comment 
résister à son doux parfum ?
— Si, je pense ce que je dis. Tu es belle, sexy et tu as le sens de l’humour. Tu as un look 
très sage, mais sous tes vêtements se cache un corps plein de grâce. Tu es irrésistible. 
— Eh bien, alors tu as de la chance de m’avoir eue ! 
— Oui, beaucoup de chance, dit-il en souriant, sauf que nous devons maintenant nous 
préoccuper des conséquences de notre nuit d’amour. Rachel, je ne vais pas abandonner 
ma fille. 
— Tu ne sais pas si le bébé sera une fille. 
— J’en suis sûr ! Il faut qu’on trouve une solution, parce que je refuse de signer les 
papiers que tu as apportés. 
Rachel avait légitimement pensé qu’il n’aurait pas la volonté d’assumer sa responsabilité 
de père, car la plupart des hommes auraient volontiers accepté de s’y soustraire. 
Carter ne faisait pas partie de cette catégorie d’hommes lâches. Sa mère lui avait 
toujours appris à respecter les valeurs familiales plus que tout. 
— O.K., je comprends maintenant que je te connais un peu mieux. 
Elle se redressa et mit sa main sur son ventre. 
— Quelle solution suggères-tu alors ? Ne le prends pas mal, mais je n’ai pas l’intention 
de suivre le conseil de ta mère. 
— Tu ne veux pas m’épouser ? demanda-t-il d’un ton taquin. 
— Je ne te connais pas. 
— Je suis un beau parti. 
— En tout cas, on peut dire que tu ne manques pas d’assurance ! 
Il sourit. 
— Mais c’est la vérité, demande à qui tu voudras, on te le confirmera. 
— Je peux demander à tes centaines d’ex. 
— Je n’en ai pas autant. 
Il se leva et continua : 
— Ecoute, il nous reste environ huit mois avant la naissance du bébé, n’est-ce pas ? 
— Oui, à peu près. 
— O.K. Cela nous laisse du temps pour réfléchir à ce que nous voulons faire. Ma mère 
n’a pas le monopole de la meilleure solution. Nous allons prendre notre temps, réfléchir 
calmement et trouver la solution qui nous convient. 
Il hésita un instant et demanda : 
— Tu vas garder le bébé, n’est-ce pas ?
— Bien sûr ! protesta-t-elle. Je veux cet enfant. 
— Moi aussi. Nous allons donc étudier les possibilités qui s’offrent à nous. Nous ne 
vivons pas très loin l’un de l’autre, donc nous pourrions facilement instaurer un système 
de garde partagée. Je suggère que nous continuions à apprendre à mieux nous connaître 
dans un premier temps. 
Elle se mordit la lèvre inférieure. Il trouva ce geste très sexy et il se troubla. Ils étaient de 
nouveau seuls dans la maison, ils pourraient... « Non, se dit-il, ce n’est pas raisonnable 
d’avoir de telles pensées maintenant. » 
Visiblement inconsciente du trouble dans lequel elle venait de plonger Carter, Rachel 
poursuivit la conversation : 
— Oui, très bonne idée. 
Il saisit un stylo et un morceau de papier et y inscrivit son numéro de téléphone fixe et 
son numéro de portable. 
En lui tendant le papier, il lui dit : 
— Tu me promets de ne pas le jeter cette fois ? 
— C’est promis. 
— Pourquoi tu n’avais pas voulu m’appeler ? 
Elle soupira. 
— Combien de fois vas-tu me poser cette question ? 
— Je te la poserai tant que tu n’y auras pas répondu. 
Elle se renfonça dans le canapé. 
— Je ne pouvais pas t’appeler Carter, parce que, sincèrement, je ne savais pas quoi te 
dire. Je n’avais jamais agi comme ça et j’avais peur que tu méjugés mal. Moi-même, je ne 
savais pas quoi penser de mon comportement. 
Il haussa les épaules d’un mouvement exagéré et soupira, en souriant. 
— En somme, tu t’es servie de moi pour assouvir ton appétit sexuel. 
— Tu es impossible ! Tu sais très bien que ce n’est pas vrai ! 
Elle se pencha pour attraper le papier et le stylo. Elle se retrouva alors tout contre lui, sa 
poitrine appuyée contre son bras et l’une de ses mains posée sur son ventre. La réaction 
de Carter ne se fit pas attendre. Il n’eut qu’une envie, celle de la prendre dans ses bras. 
Leurs regards se croisèrent et il fut heureux de lire dans le sien autant de désir. 
Cependant, elle fit preuve d’une plus grande maîtrise que lui. 
— Je vais te donner mon numéro aussi, murmura-t-elle en reprenant sa position initiale 
dans le canapé et en s’empressant d’écrire ses coordonnées.
— Nous devrions nous revoir pour continuer à discuter. Samedi prochain, ça te va ? 
demanda-t-il. 
— Oui. Tu veux sortir ou... Dans tous les cas, ça va ressembler à un rancard... 
— Mais cela n’en sera pas un. J’apporterai le dîner et nous mangerons chez toi, nous y 
serons plus tranquille. Ma mère ne risquera pas de débarquer cette fois et de nous 
interrompre... 
— D’interrompre notre conversation, rectifia Rachel. 
— Oui, oui, nous ne ferons que parler, consentit-il. 
Carter ouvrit la porte de derrière et siffla Goldie. Le labrador beige sortit de sa belle 
niche, s’étira et s’avança d’un pas nonchalant vers son maître. La chienne lui lécha la 
main, puis colla sa tête contre sa cuisse, quémandant ainsi une caresse. 
— Tu es toujours en train de réclamer des câlins, mais c’est toujours moi qui les donne, 
jamais toi. Allez viens, on va aller voir maman. 
A ces mots, Goldie dressa les oreilles et se mit à trotter allègrement. Avant de traverser 
la rue, Goldie attendit que Carter vérifie qu’il n’y avait pas de voitures, puis elle se 
précipita jusqu’au petit jardin se trouvant devant la propriété de Nina Brockett. Elle 
renifla le grand arbre, puis alla directement à la porte d’entrée et se dressa sur ses deux 
pattes arrière pour appuyer ses pattes avant sur la porte. 
La mère de Carter ne tarda pas à ouvrir la porte. 
— Bonjour Goldie. Viens là ma belle. Un reste de rôti t’attend dans la cuisine. 
Elle regarda ensuite son fils. 
— Si tu es venu pour me dire d’arrêter de mettre le nez dans tes affaires, tu peux aussi 
bien repartir tout de suite. 
— C’est en effet ce que j’ai l’intention de te dire, et je sais très bien que tu n’auras pas le 
coeur à me renvoyer chez moi sans m’avoir avant donné à manger ! 
— Tu te crois malin, grommela-t-elle. 
Cela dit, au lieu de lui claquer la porte au nez, elle le fit entrer et le dirigea droit vers la 
cuisine. 
Carter avait grandi dans cette maison. Il en avait peint les murs, l’avait carrelée et avait 
cassé une fenêtre en jouant au base-bail dans le jardin avec Billy Hinton. Cet endroit 
regorgeait de souvenirs, agréables pour la plupart. 
La cuisine américaine était spacieuse, avec de grands placards peints et une gigantesque 
gazinière, sur laquelle mijotait un plat quasiment en permanence. D’ailleurs, à ce 
moment précis, une sauce à la carbonara y mitonnait.
— Où sont les filles ? questionna-t-il. 
— Je leur ai dit de rentrer chez elles. Je voulais te parler seul à seul. 
Cette remarque ne présageait rien de bon. Il prit un tabouret du bar et saisit un des 
biscuits dans une assiette posée sur la table. 
— J’apprécie que tu veuilles m’aider et je t’aime, mais, s’il te plaît, ne te mêle pas de 
cette histoire. C’est à moi et à Rachel de décider de ce que nous devons faire. 
— Ce que vous devez faire ? répéta sa mère, en colère. 
Elle lui lança un regard furieux. Comme il était assis, leurs yeux étaient au même niveau. 
— Carter, voyons, si la femme avec qui tu as des relations sexuelles tombe enceinte, tu 
dois l’épouser ! Je pensais t’avoir transmis certaines valeurs. 
Sa mère était une femme d’un charisme incroyable. Il ignorait ce qui lui donnait un tel 
charisme, mais il en avait toujours été très admiratif. Lorsqu’elle adoptait un certain ton 
et qu’elle le regardait d’une certaine manière, il avait l’impression d’être encore un 
garçonnet de dix ans en face d’elle. 
— La société évolue, fit-il remarquer. De nos jours, beaucoup de femmes élèvent des 
enfants seules. C’est ce que Rachel veut. 
Il n’avait pas oublié que la première intention de Rachel avait été de le convaincre de 
renoncer à cet enfant. Une telle proposition n’émanait manifestement pas d’une femme 
qui aurait désiré l’épouser. 
— L’as-tu demandée en mariage ? Lui as-tu expliqué que tu étais une personne 
responsable ? 
— Je lui ai dit que je voulais jouer mon rôle de père, que je voulais partager la garde de 
l’enfant. 
Sa mère se dirigea vers l’évier, où elle commença à récurer des casseroles. 
— Comment ça « partager la garde » ? Tu veux vivre à temps partiel avec ton enfant ? Tu 
n’es pas sérieux Carter. Tu dois épouser cette fille. 
— Elle ne veut pas se marier avec moi. 
— Comment le sais-tu ? Le lui as-tu demandé ? 
Il se garda de lui parler des papiers que Rachel avait voulu lui faire signer. Elle n’aurait 
sans doute pas compris pour quelle raison une femme chercherait à éloigner un père de 
son enfant et elle aurait risqué de prendre Rachel en grippe. Nina Brockett était une 
femme adorable, mais il fallait admettre qu’elle pouvait se montrer très rancunière. 
Comme Rachel allait être la mère de son enfant, Nina et Rachel allaient avoir de 
multiples occasions de se croiser, et il préférait par conséquent que sa mère ait une bonne 
opinion de Rachel.
— Je ne le lui ai pas demandé, parce que je connais déjà sa réponse, dit-il simplement. 
— Tu te trompes peut-être. La vie est pleine de surprises. 
— Maman, arrête. 
Elle jeta le torchon et se retourna pour être face à lui. 
— Non, je ne vais pas arrêter. Tu es mon fils et il s’agit de ton premier enfant. Il faut que 
tu sois un père pour ce bébé. 
Il reposa le biscuit qu’il tenait dans la main. 
— Je vais être son père, dit-il calmement, je vais être présent dans sa vie. 
L’expression du visage de sa mère s’adoucit. 
— Je sais, Carter, excuse-moi. Tu sais mieux que personne ce que c’est de grandir sans 
père. 
— Oui, alors fais-moi confiance, déclara-t-il. 
— Ce n’est pas facile de te faire confiance. Je ne peux même pas compter sur toi pour 
mettre des préservatifs. 
Son franc-parler le surprendrait décidément toujours ! Carter, qui souhaitait mettre un 
terme à cette visite, chercha Goldie des yeux. La chienne reniflait l’assiette posée à terre, 
dont elle venait de lécher les dernières miettes. 
— Il faut que j’y aille, lança-t-il en se levant. 
Il siffla Goldie. 
— Epouse cette fille. 
— Je t’aime maman. 
— Je t’aime aussi, mais je t’aimerais encore plus si tu épousais Rachel. 
— O.K. ! 
Quand sa mère avait une idée en tête, rien ne pouvait l’en faire démordre. Tant qu’ils ne 
seraient pas mariés, il savait qu’elle ne le laisserait pas en paix. 
En théorie, il n’avait rien contre le mariage... des autres. Lui ne voyait pas l’intérêt de 
passer la vie entière avec une seule et même personne. 
Ses soeurs lui répétaient souvent qu’il raisonnait de la sorte parce qu’il n’avait jamais été 
amoureux et que le jour où il serait vraiment épris d’une femme, il comprendrait. Il leur 
disait qu’il ne tomberait jamais amoureux. Non pas que l’idée d’être amoureux ne lui 
déplaise, au contraire ; il était désireux de ressentir cette envie de se réveiller tous les 
matins au côté d’une femme qu’il aimerait plus que tout. Seulement, il n’avait jamais 
rencontré une telle femme. Il avait fini par se convaincre que l’existence de l’âme soeur 
n’était qu’un mythe.
Si Rachel avait tenu à se marier pour que le bébé porte le nom du père, il aurait 
probablement accepté, pour autant qu’elle comprenne que cela ne signifiait pas qu’il était 
amoureux d’elle. Mais, apparemment, le mariage était bien la dernière chose à laquelle 
Rachel pensait. Alors ils trouveraient une autre solution, adaptée à leurs besoins et à ceux 
de l’enfant. Il ne croyait peut-être pas à l’âme soeur, mais savait l’importance de l’amour 
entre parents et enfants, et n’allait pas laisser cet amour s’échapper. 
— Commandons une bouteille de vin, suggéra Crissy alors que les filles prenaient place 
dans le restaurant après le cours de tricot. Je ne suis vraiment pas douée en tricot ! ajouta-t- 
elle. 
— Tu n’es pas si mauvaise, dit Noëlle gentiment. 
— Mon amie Jan a sursauté lorsqu’elle a vu ce que j’avais tricoté. Si ça continue, vous 
allez passer dans le cours de niveau supérieur et moi je vais rester chez les débutantes à 
démêler mes pelotes de laine. 
Rachel rit. 
— Tu exagères vraiment ! 
Crissy s’empara de la carte de menu. 
— J’exagère à peine et tu le sais, tu passes ton temps à rectifier les erreurs que je fais avec 
mes aiguilles. Enfin, je ne devrais pas en faire tout un plat, ce n’est pas important. Même 
si je suis nulle en tricot, cela ne m’empêche pas d’être une femme exceptionnelle, qui a 
réussi une belle carrière ! 
— Et qui a une superbe voiture ! ajouta Noëlle. 
— Je dirais même une voiture de luxe ! renchérit Rachel en songeant au magnifique 
cabriolet que son amie venait d’acquérir. 
— Et j’ai des amies fantastiques, conclut Crissy, donc tout va bien. Je n’ai pas de petit 
ami, mais c’est un choix de ma part, je n’ai pas envie de m’encombrer l’esprit avec des 
histoires de coeur. Si mon seul problème est de ne pas savoir tricoter, je suppose que je 
n’ai pas à me plaindre. Mais je suis quand même envieuse de toutes ces filles capables de 
réaliser des travaux manuels. 
Rachel pensa à la réussite professionnelle de Crissy, qui avait lancé une chaîne de salles 
de sport réservées aux femmes. Elle avait ouvert quatre salles en un an et n’était pas près 
de s’arrêter en si bon chemin. 
— Toi tu es capable de faire fortune, c’est bien aussi ! Tu veux échanger ton job contre le 
mien ? Tu pourrais faire des travaux manuels avec mes élèves... 
— Non merci, sans façon ! dit Crissy en souriant. Tu fais un métier très utile, mais je 
préfère toucher mon salaire que le tien.
— J’ai toujours voulu être institutrice, je m’épanouis pleinement dans mon travail, 
commenta Rachel. 
En réalité, Rachel avait surtout rêvé d’être danseuse professionnelle avant d’entamer sa 
carrière d’enseignante. 
Crissy avait maintenant le nez dans son menu. 
— Que commandons-nous ? Rachel, tu boiras du vin avec moi, n’est-ce pas ? Je ne veux 
pas être la seule à en prendre et Noëlle ne peux pas en boire puisqu’elle est enceinte. 
Rachel ne sut quoi répondre à son amie. Elle avait évidemment l’intention de leur dire 
qu’elle était enceinte, mais ne pensait pas faire cette annonce aussi précocement. 
— Tu vas bien Rachel ? Tu es très calme ce soir, fit remarquer Noëlle. 
— Oui, je vais bien, confirma Rachel. 
— Alors, quoi de neuf ? Au moins toi tu n’es pas enceinte comme madame ici présente, 
lança Crissy en regardant Noëlle d’un air complice. 
Rachel inspira et dit : 
— Eh bien si, moi aussi, je suis enceinte. 
Noëlle ouvrit de grands yeux. 
— C’est vrai Rachel ? C’est fantastique ! 
Crissy cligna plusieurs fois des yeux, puis leva un bras. 
— Serveur ! Apportez-moi une margarita. Il me faut un remontant ! 
Elle rebaissa le bras et s’adressa à Rachel : 
— Enceinte ? Tu en es sûre ? Tu vas avoir un bébé ? 
Rachel fit oui de la tête. 
— J’ai fait sept tests de grossesse différents. Il n’y a aucun doute. 
— Il y a donc un homme dans ta vie. Je ne savais pas que tu sortais avec quelqu’un, dit 
Crissy. 
Puis elle se tourna vers Noëlle et lui demanda : 
— Tu le savais toi ? 
— Non. Parle-nous de cet homme ! Qui est le père ? 
— C’est une question difficile, admit Rachel. 
Le serveur apporta le cocktail de Crissy et elles commandèrent leur repas. Lorsqu’il fut 
parti, Noëlle se pencha vers Rachel, les coudes sur la table et lui dit : 
— Allez, raconte-nous tout.
Rachel avala la gorgée d’eau qu’elle venait de prendre. 
— D’accord, mais vous devez me promettre de ne pas mal me juger. Je n’agis jamais 
comme ça d’habitude, j’accepte rarement des rendez-vous galants et je ne couche jamais 
avec un homme dès le premier soir. 
— Tu veux dire que cette fois-ci tu as couché avec le type à votre premier rendez-vous ? 
Je suis impressionnée. Je te savais capable de tricoter, de t’occuper de jeunes enfants, mais 
là, tu me surprends. Donne-nous plus de détails ! 
Rachel leur expliqua qu’elle avait accompagné Diane dans un bar, que Carter lui avait 
payé un verre et qu’ils avaient commencé à discuter tous les deux. Elle leur conta ensuite 
que Diane avait déguerpi en la laissant seule sur place et que Carter lui avait offert de la 
raccompagner. 
— Sur le pas de ma porte, j’avais seulement l’intention de l’embrasser sur la joue. Je 
n’avais pas du tout prévu de perdre le contrôle de la situation comme je l’ai fait. 
— Eh bien ! Il doit vraiment bien embrasser ! commenta Crissy. 
Rachel tenta de ne pas rougir. 
— On s’est laissé emporter, comme dans les films. Le lendemain, il est parti très tôt parce 
qu’il devait aller travailler. Avant de partir, il m’a laissé son numéro de téléphone sur un 
bout de papier. 
Noëlle croisa les bras. 
— Vous sortez ensemble depuis un moment déjà. Pourquoi ne nous avais-tu pas encore 
parlé de lui ? 
— Nous ne sortons pas ensemble, rectifia Rachel. 
Crissy lâcha la paille de son verre pour prendre la parole. 
— Tu as rencontré un homme qui t’a tellement bien embrassée que tu n’as pas pu 
t’empêcher de faire l’amour avec lui, mais vous ne sortez pas ensemble ? 
— Je ne l’ai pas appelé. 
— Pourquoi ? demandèrent les deux filles en même temps. 
Rachel tripotait sa fourchette et sa serviette en papier. 
— Je ne sais pas. Je ne savais pas quoi lui dire. Il allait penser que j’étais une fille facile, 
alors que je ne suis pas comme ça normalement. 
Crissy grimaça. 
— C’est pour ça que tu ne l’as pas appelé ? 
Et Noëlle de continuer : 
— Rachel, je peux comprendre que tu te sentes un peu gênée, mais tu aurais pu
demander à le revoir quand même ? 
Rachel ne savait honnêtement pas quoi répondre. Elle avait revu Carter et elle devait 
admettre qu’elle l’appréciait toujours, et plus seulement d’un point de vue sexuel. 
— C’est compliqué, dit-elle, j’ai pensé que la meilleure solution pour moi serait de 
l’éviter. 
— Mais tu es tombée enceinte... L’as-tu prévenu ? demanda Crissy. 
— Oui. En fait, je suis d’abord allée chez un avocat. 
Elle leur expliqua qu’elle avait voulu faire signer à Carter 
une décharge de responsabilité. 
— Il a accepté de signer ? Il a accepté de renoncer à son enfant ? balbutia Noëlle. 
— Non. Il a refusé. J’ai l’impression qu’il a été vexé que je lui propose cela. Ensuite, sa 
mère et deux de ses soeurs sont arrivées chez lui ; elles savaient déjà que j’étais enceinte. 
Crissy et Noëlle échangèrent un regard perplexe. Voyant cela, Rachel leur expliqua alors 
la discussion au sujet du bébé avec Carter dans le bar, la présence de Jenny, puis la fin de 
la discussion chez Carter. 
— Sa mère pense que nous devrions nous marier. 
— Elle a raison, dit Noëlle d’un ton guindé, vous allez avoir un bébé ensemble, il faut 
vous marier. 
— Nous ne sommes plus au xixc siècle, rétorqua Crissy. Les gens ne sont plus obligés de 
se marier pour avoir des enfants. Rachel, fais ce que tu veux. Si tu préfères être une mère 
célibataire, c’est ton choix. 
— Au niveau du travail, cela ne poserait pas de problème, dit doucement Rachel. 
L’année dernière, une des institutrices a eu un enfant alors qu’elle était célibataire. 
Noëlle se pencha vers Rachel. 
— Bien sûr que tu as le droit d’être une mère célibataire, mais est-ce vraiment ce que tu 
souhaites ? Tu sais, Dev et moi ne nous sommes pas mariés par amour, mais finalement, 
nous nous aimons maintenant passionnément. 
— Ton exemple est un cas exceptionnel, fit remarquer Crissy. Rachel, tu n’es pas obligée 
d’épouser un parfait inconnu. 
— Elle le connaît quand même un peu, puisqu’elle l’a vu entièrement nu ! renchérit 
Noëlle. 
— Qu’est-ce que tu veux faire, Rachel ? finit par demander Crissy. 
Rachel soupira.
— Je ne sais pas. Carter et moi avons décidé de nous voir de temps en temps pour mieux 
faire connaissance, avant de décider quoi que ce soit. En plus, le mariage était l’idée de sa 
mère, pas la sienne. Lui n’avait pas évoqué cette solution avec moi. 
— S’il t’avait proposé de t’épouser, que lui aurais-tu dit ? questionna Noëlle. 
— Je ne sais pas non plus, admit la jeune femme. 
Elle repensa à la conversation qu’elle avait eue avec Carter. 
— Il m’a fait remarquer que je m’habillais presque comme une bonne soeur ! 
Noëlle fut tellement surprise par cette remarque qu’elle faillit avaler son eau de travers. 
Rachel ajouta : 
— C’est vrai que je m’habille de façon assez simple. C’est mieux lorsqu’on travaille 
entouré d’enfants. Vous trouvez que mon style est trop classique ? 
Crissy regarda son chemisier à manches courtes et sa longue jupe. 
— Tu ne suis pas les dernières tendances de la mode, mais tu es bien habillée. 
— En fait, il a réussi à tourner cette remarque sur mes vêtements en compliment. Il a dit 
qu’il me trouvait très attirante, même si je m’habillais comme une bonne soeur, précisa 
Rachel. 
— Elle prend sa défense, constata Noëlle, c’est bon signe. 
— Je ne prends pas sa défense, je vous donne des explications, protesta Rachel. 
— Ecoute Rachel, fais ce qui te semble bon pour toi. C’est ton bébé, alors ne laisse 
personne d’autre prendre des décisions à ta place. 
— C’est aussi le bébé de Carter, fit remarquer Noëlle, et il semble prendre sa paternité à 
coeur. 
— Oui, il veut être père. Et puis, il y a toute sa famille... Ils ont l’air très gentils. 
Cette famille lui rappelait d’ailleurs un peu la sienne. Pourrait-elle s’intégrer dans une 
nouvelle famille ? 
— Carter a dit que nous devrions prendre notre temps. Nous allons nous revoir et 
discuter davantage de la situation. 
— C’est bien, pas d’emballement ! 
— Je ne suis pas du genre à m’emballer, affirma Rachel. 
— La preuve ! dit Crissy en fixant des yeux le ventre de Rachel. 
— Oui, bon, ce soir-là, j’ai eu un moment de folie. Mais, ce que je voulais dire, c’est que 
je vis sans famille depuis l’âge de douze ans, donc je sais prendre soin de moi. 
— Maintenant, tu ne seras plus seule dans la vie, dit Noëlle.
— Un bébé, murmura Rachel. Je ne me rends pas encore compte. Je n’ai toujours pas 
l’impression d’être enceinte. 
— Oui, ça a été pareil pour moi au début, mais je ne parlais pas du bébé, je faisais 
référence à Carter. 
— Carter ne fait pas partie de ma vie. 
— Je crois au contraire qu’il en fait maintenant partie pour toujours, puisque un bébé 
vous unit, lui dit Crissy.
5. 
Vingt minutes avant l’heure à laquelle Carter devait arriver, Rachel commença à se 
sentir nerveuse et à faire les cent pas. Elle savait qu’il ne venait que pour parler, mais ne 
pouvait s’empêcher de se rappeler ce qui s’était passé entre eux la dernière fois qu’il avait 
mis les pieds chez elle. Ses souvenirs étaient tellement agréables qu’elle n’avait même 
plus honte d’avoir cédé à la tentation. 
Cela dit, la grossesse l’angoissait énormément et si elle avait pu remonter le temps et 
empêcher la conception, elle l’aurait fait sans l’ombre d’une hésitation. Toutefois, elle 
ressentait encore d’exquis frissons en repensant aux mains de Carter sur son corps. Elle 
devrait faire bien attention à présent à ce que la scène de l’autre soir ne se reproduise pas. 
« Inutile de compliquer la situation encore plus », se dit-elle. 
Elle regarda la table de la salle à manger qu’elle venait de dresser de trois manières 
différentes avant d’opter finalement pour un set de table et des serviettes en papier sans 
prétention. Après tout, elle ne cherchait pas à le séduire ; il ne devait donc pas avoir 
l’impression qu’elle s’était donné du mal. Ce repas était censé n’être rien de plus qu’un 
simple dîner avec un ami... Un ami un peu spécial toutefois... 
Elle se trouvait dans un tel état d’agitation fébrile qu’elle fut soulagée lorsqu’elle 
entendit enfin des bruits de pas dehors. 
— Bonjour, dit-elle en ouvrant la porte avant même qu’il n’ait sonné. 
— Bonjour. 
Carter sourit, puis entra. 
— J’avais oublié qu’il y avait tant de plantes chez toi, dit-il en voyant la multitude de 
pots suspendus et posés à terre. 
— Oui, j’ai la main verte. 
Il lui tendit un panier. 
— Le dîner de madame ! s’exclama-t-il. J’espère que tu aimes les pâtes. 
— Bien sûr ! Tout le monde aime les pâtes. 
Il était beau. En règle générale, elle était attirée par des hommes aux cheveux courts, 
vêtus de chemises à col boutonné, et qui portaient des mocassins. Carter, lui, avait sur le 
dos un T-shirt rouge délavé qu’il n’avait pas pris la peine de rentrer dans son jean. Ses 
chaussures étaient loin d’être neuves et il ne portait pas de chaussettes. Quant à sa 
coiffure, des mèches blondes lui arrivaient presque au niveau des épaules.
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N 1213 la promesse oubliee susan mallery

  • 1.
  • 2. SUSAN MALLERY La promesse oubliée Traduction française de PERRINE DEBRAY © 2006, Susan Macias Redmond. © 2007, Harlequin S.A.
  • 3. Résumé Depuis la tragédie qui a marqué son enfance et dont elle n'a jamais parlé à personne, Rachel s'est fait la promesse de ne pas s'engager et rompt tout lien amoureux dès qu'il devient trop fort. Jusqu'au jour où elle fait la connaissance de Carter et vit avec lui une brève liaison passionnée. Une liaison d'autant plus déstabilisante pour Rachel qu'elle a brisé son serment en tombant amoureuse. Mais il y a plus bouleversant encore : car elle est enceinte de Carter. Et ce dernier n'accepter jamais de renoncer à devenir le père de leur enfant..."
  • 4. 1. Rachel Harper aimait dresser toutes sortes de listes. Ainsi fit-elle la liste de ses bonnes résolutions parmi lesquelles figuraient en bonne place celle d’enrichir sa vie sociale, de s’intéresser davantage à l’actualité et de ne plus laisser le linge sale s’entasser autant. Pour l’heure, elle n’était parvenue qu’à regarder le journal télévisé. La lessive et les relations humaines attendraient encore un peu. Ce soir-là, assise dans un bar, elle se rendit compte qu’à vingt-cinq ans, elle ne savait toujours pas comment se comporter dans un tel endroit. A vrai dire, elle était arrivée dans ce bar pour une raison assez singulière : elle avait accepté d’y accompagner Diane, une nouvelle enseignante de son établissement, qui avait des soucis avec son petit ami et qui comptait sur Rachel pour la soutenir moralement. Rachel n’y avait pas vu d’inconvénient, d’autant qu’une des nombreuses résolutions de ses fameuses listes consistait à sortir plus. Ainsi s’était-elle retrouvée dans un bar dans lequel elle avait aussitôt remarqué la présence d’un nombre beaucoup plus important d’hommes que de femmes. Elle saisit son verre à cocktail et en but une grande gorgée. — Quel lâche ! Tu vas voir qu’il ne va même pas oser venir me parler ce soir ! lança Diane, qui était assise en face de Rachel, adossée contre le mur. Cela ne m’étonnerait pas de lui, poursuivit-elle, j’ai bien envie de le gifler dès que je le verrai. Elle s’interrompit un instant, puis sourit. — As-tu remarqué que je n’arrête pas de dire « je », comme dans l’article dont je t’ai parlé ? — Oui, en effet, murmura Rachel. Rachel s’abstint de lui expliquer que l’article en question, qui prodiguait des conseils d’ordre psychologique, ne préconisait pas d’utiliser la première personne du singulier pour exprimer ce type de propos négatifs. — Le voilà, dit Diane en se levant, souhaite-moi bonne chance ! Rachel jeta un coup d’oeil rapide en direction de l’homme de grande taille aux cheveux foncés qui venait de faire son apparition et qui regardait les autres hommes d’un air supérieur. — Bon courage ! lui dit-elle. « Tu en auras besoin », pensa-t-elle tout bas.
  • 5. Carter Brockett regarda la jeune fille aux boucles brunes, dans sa tenue si classique. Presque instantanément, il pressentit qu’elle viendrait semer le trouble dans sa vie. D’après lui, les femmes avaient toujours été l’unique source de souffrance de son existence. Il s’était toujours mieux porté lorsqu’il les tenait à distance. Toutefois, il ne pouvait s’empêcher d’apprécier chez elles leur plastique, leur sens de la répartie et leur vision féminine de la société. De plus, sa mère lui avait appris qu’il était de son devoir de protéger les plus faibles que lui. Ainsi, cette jolie brune qui paraissait un peu perdue dans ce bar ne le laissait pas indifférent. Elle lui semblait fragile, et il doutait fort que derrière cette frêle façade se dissimulait une dominatrice aimant manier le fouet et revêtir des tenues de cuir. Ce bar était connu pour être le repaire de policiers et de femmes peu farouches. Carter y venait rarement pour ne pas risquer de se faire repérer. Mais, ce soir, l’un de ses contacts, un policier infiltré, avait insisté pour le rencontrer en ce lieu. Carter avait accepté, en espérant qu’aucune de ses connaissances ne vienne lui parler. Tout s’était bien déroulé ; il avait réglé ses affaires en toute discrétion avec son contact et s’apprêtait à quitter le bar lorsque la petite brune et son amie y étaient entrées. A présent, l’amie était absorbée dans une discussion houleuse avec Eddy. Connaissant les manières cavalières d’Eddy envers la gent féminine, Carter se doutait que la conversation allait mal se terminer. Il fit un signe de tête à Jenny, la barmaid, puis lui montra du doigt la jeune femme brune. Pour toute réaction, Jenny haussa les sourcils. Jenny et lui étaient sortis ensemble et se connaissaient suffisamment bien pour savoir ce que l’autre pensait sans avoir besoin de parler. Jenny comprit qu’après quelques mois de célibat voulu, il était de nouveau prêt à goûter à une relation intime. Même si cela ne lui réussissait jamais et que ces relations tournaient souvent au cauchemar. Il jeta un coup d’oeil autour de lui et s’aperçut qu’il n’était pas le seul à avoir remarqué la jeune femme brune et ses vêtements austères qui détonnaient avec ses courbes voluptueuses. S’il voulait lui épargner les frasques des autres policiers, il fallait qu’il l’aborde de suite. Il marcha jusqu’au bar, où Jenny lui tendit une bière et une margarita. Il ne réagit pas au sourire complice qu’elle lui fit et s’avança jusqu’à la table de Rachel. — Bonsoir, je m’appelle Carter. Tu permets que je m’asseye à tes côtés ? lui dit-il en posant la margarita sur la table et en lui adressant un sourire charmeur. En matière de séduction, tout passe par le sourire. Depuis l’adolescence, il avait appris à jouer de cet atout, pour qu’il laisse transparaître juste ce qu’il faut d’intérêt, de charme et de retenue. Cela marchait à tous les coups. La jeune femme haussa la tête, rougit, se leva, puis se rassit brusquement. Elle était si
  • 6. maladroite qu’elle renversa au passage son verre — heureusement presque vide — dont le contenu se répandit sur la table et sur sa robe. — Oh non, s’exclama-t-elle d’une voix douce et mélodieuse, zut, je n’arrive pas à croire que... Elle pinça les lèvres et le regarda de nouveau. Il avait déjà essuyé la table avec des serviettes en papier, mais s’était abstenu d’éponger lui-même la robe de la demoiselle. — Ça va ? demanda-t-il, curieux d’en savoir plus sur une femme qui réussissait à se sortir d’une situation embarrassante sans prononcer un seul juron. — Oui, merci. Il lui tendit le verre qu’il venait de lui apporter. Elle regarda d’abord le cocktail, puis posa son regard sur Carter. — Je ne suis pas venue seule. Carter la dévisageait toujours. — Oui, j’ai vu que tu étais arrivée avec une amie. Elle acquiesça lentement. — Elle est en train de rompre avec son petit ami. Elle avait besoin que je la soutienne. D’habitude, je ne... Elle soupira et dit : — Elle va bientôt revenir à cette table. — Pas de problème, lui répondit-il tranquillement, je vais te tenir compagnie jusqu’à son retour. La lumière du bar était tamisée, mais il pouvait voir que les yeux de Rachel étaient verts. Ses cheveux foncés tombaient en boucles sensuelles jusqu’au niveau de ses épaules. Carter songea que cela faisait trop longtemps qu’il n’avait pas été en charmante compagnie pour se laisser fasciner ainsi. Visiblement mal à l’aise, la jeune femme changeait sans cesse de position. Elle n’avait pas encore touché à son verre. — C’est moi ou c’est le bar qui te fait peur ? lui demanda-t-il. — Pardon ? Euh, les deux je crois. Aussitôt, elle posa sa main sur sa bouche. — Désolée, je ne devrais pas dire ça. — Ne t’excuse pas. Je trouve que la franchise est une grande qualité. A choisir entre le
  • 7. bar et moi, qu’est-ce qui t’effraie le plus ? Elle parcourut la pièce du regard, puis revint poser ses yeux sur lui. — Toi surtout. Il sourit. — Je suis flatté. — Ah bon ? Ça te plaît de penser qu’on peut avoir peur de toi ? Il se pencha en avant et lui dit à mi-voix, pour qu’elle s’incline également vers lui : — Cela me plaît de penser qu’on me trouve dangereux. Tous les hommes rêvent de paraître dangereux, car les femmes adorent ça. Il fut surpris de la voir rire. — O.K. Carter. Je vois que tu es un séducteur-né et qu’on ne joue pas dans la même division. Sache que je ne suis pas de celles qui viennent se faire draguer dans les bars et que cette situation me met particulièrement mal à l’aise. Elle regarda la table où était assise sa collègue. — Je n’arrive pas à dire si leur discussion s’envenime ou non. Qu’est-ce que tu en penses ? lui demanda-t-elle. Il regarda Eddy, qui se trouvait face à la femme blonde, dans un coin du bar. — Eh bien, cela dépend de ce que tu entends par « envenimer ». Je n’ai pas l’impression qu’ils sont en train de rompre. — Je ne sais pas. Diane avait la ferme intention de lui dire tout ce qu’elle avait sur le coeur, une fois pour toutes, en insistant bien sur les « je ». — Les « je » ? répéta-t-il en fronçant les sourcils. Elle sourit. — Elle va parler essentiellement à la première personne du singulier ; « je pense que tu me manques de respect ; je pense que tu fais exprès d’être toujours en retard », etc. Elle risque aussi de lui dire : « J’ai envie de te gifler », ce qui ne va pas arranger les choses. Enfin, je ne connais pas Eddy. Qui sait, peut-être aime-t-il être traité de la sorte ? Carter était en train de tomber sous le charme de la jeune femme. — Comment t’appelles-tu ? la questionna-t-il. — Rachel. — Tu n’utilises aucun gros mot, tu ne traînes pas dans les bars, alors dis-moi, que fais-tu dans la vie ? — Comment sais-tu que je ne jure pas ?
  • 8. — Lorsque tu as renversé ton verre, tu n’as dit que « zut». — Ah, c’est vrai. C’est une habitude que j’ai prise parce que je suis institutrice. Je ne peux pas me permettre de dire des jurons devant les enfants, alors je m’efforce de ne plus les utiliser. C’est pourquoi tu m’entendras dire « zut » ou « flûte », expliqua-t-elle en souriant. Parfois, les gens me prennent pour une simple d’esprit quand j’utilise ce type de mots, mais peu importe. Et toi, qui es-tu ? « Comment répondre à une telle question ? », se demanda Carter, sachant qu’il ne pouvait pas lui parler de son métier, au sujet duquel il se devait d’être le plus discret possible. — Je suis un homme comme les autres. — Tu peux peut-être m’en dire un peu plus ? Que fais-tu dans la vie ? Elle fixait maintenant le diamant que Carter portait à l’oreille et ses cheveux, qui n’avaient apparemment pas vu les ciseaux du coiffeur depuis longtemps. « Ce que je fais dépend de mes missions », pensa-t-il, mais il se contenta de lui répondre : — Je travaille dans un magasin de choppers, puis il précisa : ce sont des motos. Elle se redressa. — Je sais ce qu’est un chopper quand même ! Je ne suis pas une arriérée. Son indignation lui donna envie de rire. Elle lui faisait penser à un petit chaton affrontant un gros chien. Le chaton a beau faire le gros dos, voire cracher, il n’en reste pas moins un petit animal inoffensif. — Tu viens peut-être d’un coin perdu du désert où les gens ne connaissent pas grand-chose à la civilisation. Les lèvres de Rachel remuèrent et se contractèrent, comme si elle se retenait de sourire. Il poussa la margarita vers elle. — Tous les glaçons sont en train de fondre, fit-il remarquer. Elle hésita un instant, puis but une gorgée du cocktail. — Tu es de la région ? lui demanda-t-elle. — J’y suis né et j’y ai grandi. Toute ma famille vit ici. — Toute ta famille ? Carter hésita un instant. Il n’avait pas pour habitude de parler de lui ou de sa vie. Dans sa profession, trop en dire pouvait lui causer des ennuis. Toutefois, il eut rapidement le sentiment que le seul risque qu’il courait en parlant à Rachel était de perdre son statut de célibataire. — Trois soeurs et une mère qui aiment me rendre fou.
  • 9. Il parlait d’elles avec autant d’amour que d’exaspération. Le regard de Rachel se fit mélancolique. — C’est bien, commenta-t-elle. Que tu sois proche de ta famille, pas qu’elles te rendent fou. — Tu n’as pas de bonnes relations avec ta famille ? — Je n’ai pas de famille. Il ne sut plus quoi dire. Il avait simplement cherché à se montrer agréable, pas à lui rappeler qu’elle était seule au monde ! — Tu es originaire d’ici ? lança-t-il. — De Riverside ? Non. Elle secoua la tête. Sa chevelure suivit le mouvement et la lumière y apporta des reflets magnifiques. Carter était complètement envoûté. — J’ai emménagé ici après mes études. Je cherchais une banlieue agréable et tranquille. Elle soupira et conclut : — Rien de bien passionnant. — Hé, j’ai vécu ici toute ma vie. Je peux te faire découvrir des endroits très sympas et très romantiques. Elle sourit. — Dans la ville où j’habitais, nous allions flirter près de la rivière. Enfin, on ne pouvait pas vraiment appeler ça une rivière, car elle était asséchée une bonne partie de l’année. — Ah, ah, tu allais flirter ! la taquina-t-il. Tu flirtes beaucoup ? Elle haussa les épaules et jeta un coup d’oeil vers la table de Diane et Eddy. — Plus beaucoup. Au fait, pourquoi es-tu venu ici ce soir? Il sourit. — Pour rencontrer une fille aussi magnifique que toi. Elle pencha la tête et rougit. Cela faisait bien longtemps que Carter n’avait plus eu le bonheur de voir une femme rougir. — Merci pour le compliment, dit-elle. Je passe mes journées avec des enfants de cinq ans qui ne pensent qu’à essayer de me mettre de la colle dans les cheveux. J’apprécie de changer un peu d’environnement ce soir ! — Serais-tu en train de me comparer à un enfant de cinq ans ? dit-il, en faisant mine d’être indigné. — Beaucoup d’hommes sont aussi immatures que des enfants.
  • 10. — Ce n’est pas mon cas, je suis parfaitement mature et je suis un homme responsable. Elle n’en parut pas convaincue. — Bien sûr. « Intéressant. » Tel fut le mot qui vint à l’esprit de Rachel pour qualifier Carter. Puis elle se ravisa ; le mot « intéressant » était trop faible. Elle devait admettre qu’il était très beau, sans doute l’un des plus beaux Californiens qu’elle ait vus jusqu’ici. Elle regardait encore ses cheveux en bataille et sa boucle d’oreille, en se demandant qui la lui avait offerte. Elle songea qu’il lui fallait vraiment sortir plus souvent puisqu’elle s’emballait de la sorte sur le premier venu. Il était grand et large d’épaules. Son sourire la faisait chavirer. Elle se demanda s’il cachait des tatouages sous son jean ou son T-shirt chambray. Elle imagina un instant être de ces femmes fatales, vêtues de cuir et de dentelles, qui savent comment se comporter en compagnie d’un homme comme Carter. Contrairement à ces femmes, elle manquait d’assurance et elle continuait à rougir et à espérer que Diane revienne à sa table afin qu’elles quittent cet endroit. Au fond, elle n’avait pas vraiment envie de partir tout de suite. Carter était très différent des hommes qu’elle fréquentait généralement, mais il lui plaisait d’imaginer avoir une relation avec lui, même si elle ne croyait pas vraiment une telle relation possible. Elle but sa margarita et se visualisa vêtue d’une guêpière en dentelle rouge et d’un string noir sous un pantalon en cuir et un bustier. Comment cette Rachel-là agirait-elle ? — Dis-moi un secret, lui murmura-t-elle. Elle fut elle-même surprise d’avoir ainsi fait preuve d’audace. A en juger par l’expression de son visage, Carter aussi fut étonné. Instinctivement, elle voulut faire marche arrière et lui dire qu’il n’était pas obligé de lui dire quoi que ce soit, mais elle se résolut à ne pas se démonter. Il réfléchit un moment, puis haussa les épaules. — J’essaie inlassablement de renoncer aux femmes. Elles envahissent ma vie et je sais qu’il est mieux pour moi de ne pas me frotter à elles. Elle ne s’attendait pas à une telle réponse. — Au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, moi aussi je suis une femme ! lança-t-elle sur le ton de plaisanterie. Il sourit. — J’ai remarqué. — Et c’est comme ça que tu renonces aux femmes ? En les abordant dans les bars ? Il prit une gorgée de bière.
  • 11. — Je n’ai pas encore complètement réussi à y renoncer, admit-il. Je les évite pendant quelques mois, puis je tombe sur quelqu’un que je ne peux m’empêcher d’accoster. A ton tour de me dire un secret. — Je suis une danseuse, répondit-elle sans prendre le temps de réfléchir. Elle regretta presque immédiatement d’avoir répondu si vite. — Enfin, j’étais danseuse. Quand j’étais petite, j’espérais devenir danseuse professionnelle, mais je n’ai pas la morphologie qu’il faut pour cela. Il eut la bienséance de continuer à regarder son visage plutôt que de lorgner ses formes. — Quel type de danse ? demanda-t-il. — Un peu de tout : de la danse classique, du modem-jazz. Je prends toujours des cours. C’est un peu bête puisque je n’en ferai jamais mon métier. — Pas du tout ! C’est important de faire des activités simplement pour le plaisir. Soudain, on entendit Diane crier : — Tu n’es qu’un imbécile Eddy. Je me demande bien pourquoi j’ai fait tant d’efforts. — Chérie, calme-toi voyons ! Eddy voulut saisir la main de Diane, mais elle l’en empêcha. — Je te déteste. Va te faire voir. — Pas besoin de me parler sur ce ton ! Diane lui lança un regard glacial. — C’est la dernière fois que je t’adressais la parole. Ce n’est plus la peine d’essayer de m’appeler. Tout est fini entre nous. — Très bien. Et ne viens pas ensuite me supplier de te pardonner. Diane se leva et sortit du bar comme une furie. — Elle m’avait dit qu’elle voulait rompre, mais je ne pensais pas qu’elle parlait sérieusement, dit Rachel, qui venait d’observer la scène. Elle regarda en direction de la porte. — Il faut que j’aille voir comment elle va. — Bien sûr. Rachel se leva et Carter l’imita. — Merci pour le cocktail et pour la conversation, lui dit-elle, se sentant soudainement gênée. Tu as été très gentil. — Ce n’est pas vraiment ce qu’un homme aime entendre...
  • 12. — Oh, c’est vrai ! Excuse-moi, je voulais dire que tu t’es montré très dangereux ce soir. J’ai été terrifiée, dit-elle en riant. — Voilà, c’est mieux. Il fit le tour de la table pour s’approcher d’elle et lui posa un doux baiser furtif sur les lèvres. — Prends soin de toi Rachel, lui dit-il avant de se diriger vers le comptoir. Elle le regarda s’éloigner, puis se retourna et sortit du bar. Elle n’aurait jamais imaginé rencontrer un homme aussi charmant dans ce genre d’établissement, en particulier ce bar à la façade peu engageante. Après une telle rencontre, elle aurait désormais envie à coup sûr de sortir plus souvent. Elle s’avança vers la voiture de Diane, mais... Sa voiture avait disparu ! Rachel se souvenait parfaitement que Diane s’était garée sous le néon du bar, car elle avait alors remarqué que cette lumière donnait des teintes violettes à sa robe. Comme Diane ne se trouvait pas sur le parking en train de crier comme une hystérique, Rachel en déduisit que la voiture n’avait pas été volée, mais que Diane était partie sans elle. — C’est malin, comment je vais rentrer chez moi ? s’exclama-t-elle à haute voix. Elle marcha jusqu’au bord de la route et observa les voitures qui y circulaient. La voiture bleue de Diane n’était pas en vue. Elle soupira. Elle n’arrivait pas à le croire : Diane avait eu le culot de l’oublier ! — Il y a un problème ? Elle reconnut la voix de Carter derrière elle. Elle avait passé un moment délicieux à converser avec lui et ne voulait pas tout gâcher maintenant qu’elle était de mauvaise humeur. Elle se retourna pour se trouver face à lui et haussa les épaules. — Ton amie devait vraiment être bouleversée pour t’oublier sur place, indiqua-t-il, devinant ce qu’il venait de se passer. Ce n’est pas grave, je vais te ramener chez toi. Elle aurait préféré lui dire que ce n’était pas la peine, qu’elle allait appeler une autre amie ou un taxi, mais elle n’avait pas envie de déranger une amie à une heure aussi tardive et les taxis étaient plutôt rares dans cette petite ville. — Tu n’as rien à craindre tu sais, lui confia-t-il. — Tu m’as pourtant dit que tu étais dangereux. — Je le suis uniquement dans mes rêves. Il inclina la tête dans un geste charmant. Elle soupira et accepta sa proposition en
  • 13. hochant la tête. — Merci, lança-t-elle en le suivant. Il se mit à marcher en direction d’une grosse camionnette noire. — De rien. Ce sera ma bonne action de la semaine. Ma mère sera ravie d’apprendre que j’ai fait un beau geste ! A l’entendre parler de nouveau de sa mère, Rachel se détendit un peu. — Tu as une belle camionnette, on domine la route au volant d’un tel engin, commenta-t- elle. — C’est un véhicule de macho, lui dit-il en souriant. Elle ne put s’empêcher de rire. — Oui, évidemment ! Tu pourrais même la surélever davantage en mettant des plus gros pneus. Il mit le contact et lui demanda : — Où va-t-on ? Elle boucla sa ceinture de sécurité et lui indiqua la direction à prendre. Une fois sorti du parking, Carter lui fit la remarque suivante : — Il faudra que tu aies une discussion sérieuse avec ton amie. Cela ne se fait pas d’abandonner quelqu’un dans un bar comme ça. — Je suis bien d’accord avec toi. J’ai été sidérée quand j’ai vu que sa voiture n’était plus là. En fait, je ne connais pas très bien cette fille... — C’est une collègue ? — Oui. Depuis la rentrée de cette année. Elle s’occupe des CM1. — Des grands ! dit-il en plaisantant. — Plus grands que mes élèves. En CM1, ils ne mangent plus de colle et ne font plus ce genre de bêtises. Mais je ne me plains pas, j’aime m’occuper des petits. Ils sont pleins d’enthousiasme. Ils découvrent de nouvelles choses chaque jour. Si je fais correctement mon travail, je peux leur inculquer le goût d’apprendre et d’étudier. Le téléphone portable de Carter sonna. Il le sortit de sa poche et prit l’appel. — Oui ? Comment l’as-tu su ? Il rit puis poursuivit la discussion au téléphone : — Non, c’est bon. Bonne soirée. Il raccrocha.
  • 14. — Ton amie est retournée au bar pour venir te chercher, expliqua-t-il à Rachel. — Ah bon ? Dans ce cas, je serai plus indulgente avec elle quand je lui parlerai demain. Qui a appelé pour dire ça ? — Jenny, la barmaid. Elle se charge d’avertir Diane que je te ramène. Diane allait peut-être penser qu’elle ramenait chez elle un homme qu’elle venait à peine de rencontrer et Rachel n’aimait pas beaucoup cette idée. Elle garda cette pensée pour elle. — Comment se fait-il que la barmaid ait ton numéro de portable ? — Ne t’inquiète pas, cela ne signifie pas que je suis un pilier de ce bar. Je connais Jenny depuis très longtemps. Nous sommes amis depuis des années. « De l’amitié ? Rien de plus ? » se demanda Rachel. Carter se gara devant l’immeuble de la jeune femme, qui se trouvait dans le plus ancien quartier de la ville. Rachel avait eu un coup de coeur pour le style architectural de ce lieu. Il coupa le moteur et observa l’auvent sous lequel se trouvaient les voitures des résidents. — Laisse-moi deviner, dit-il, la tienne, c’est la Ford grise. Elle enleva la ceinture de sécurité et répondit : — Non, c’est la décapotable rouge. Il ouvrit de grands yeux. — Je ne te crois pas ! — C’est pourtant la vérité. Il posa son regard sur elle. — Je regrette de ne pas avoir eu une institutrice aussi cool que toi. — Peut-être qu’elle l’était, mais qu’à l’époque, tu ne l’as pas remarqué. — Peut-être en effet. Il sortit de la camionnette. Elle en fit de même et ils se rejoignirent sur le trottoir. — Inutile de m’accompagner jusqu’à la porte, déclara-t-elle. — Mais j’en ai envie. Je ne fais pas les choses à moitié. Elle se sentait nerveuse, mais pas effrayée. Carter lui plaisait. Elle était persuadée qu’elle ne le reverrait plus jamais après, mais était heureuse de constater qu’il se comportait en gentleman. Ils marchèrent vers son appartement. Il désigna un parterre de fleurs et dit : — Ce sont les tiennes ?
  • 15. — Oui, le jardinage est une autre de mes passions, répondit-elle en sortant ses clés de son sac à main. — Une institutrice qui aime danser et qui a la main verte... Intéressant. Il se rapprocha d’elle et effleura sa joue du bout des doigts. — Je vais t’embrasser Rachel. Je te préviens pour que tu puisses, au choix, courir te réfugier chez toi, me gifler ou accepter mon baiser. La lumière du porche répandit des reflets dorés sur la chevelure de Carter. Il était beau et sexy, irrésistible. Cela faisait des mois qu’elle n’était plus sortie avec un homme et que personne ne l’avait plus embrassée. Elle ne s’était pas rendu compte que la présence d’un homme lui manquait. Mais, ce soir, elle ressentait ce manque. — Je ne suis pas du genre à donner des gifles, murmura-t-elle, ses yeux dans les siens. Il lui sourit doucement et elle frémit. — C’est bon à savoir, dit-il juste avant de l’embrasser.
  • 16. 2. La bouche de Carter était tiède, ferme et tendre à la fois. Rachel s’attendait à un baiser de macho, d’un homme qui cherche à s’imposer, mais ce ne fut pas le cas. Dans un mouvement de va-et-vient, il lui donna simplement envie d’en vouloir davantage. L’un d’eux s’approcha plus près de l’autre. Elle ne savait pas vraiment si c’était lui ou elle qui avait provoqué ce rapprochement soudain. Ce dont elle était certaine, c’était qu’elle aimait sentir son corps fort et musclé contre le sien. Son odeur était très agréable. Elle lui rappelait les parfums de la nature relevés d’une note de fragrance masculine. La chaleur qui se dégageait de son corps donnait envie à Rachel de se blottir encore plus près lui, comme un chat cherchant un recoin bien au chaud. D’une main, Carter lui effleurait la joue tandis que son autre main était posée sur sa hanche. Elle se demanda s’il l’empêchait ainsi de bouger. Elle aurait pu lui expliquer qu’il n’avait nullement besoin de la retenir car elle n’avait aucune intention de s’éloigner de lui, mais il aurait fallu pour cela décoller ses lèvres des siennes. Aussi décida-t-elle de ne rien dire et continua-t-elle de l’embrasser. Il passa doucement le bout de sa langue sur la lèvre inférieure de Rachel, dans un petit mouvement excitant et érotique. Elle entrouvrit les lèvres et retint son souffle, désirant qu’il approfondisse son baiser. Il s’approcha doucement, comme pour la laisser libre de reculer. Rachel resta lovée contre lui. Elle songea à la dernière fois qu’elle avait embrassé un homme et se rendit compte que cela ne datait pas d’hier. Depuis qu’elle avait rompu ses fiançailles près de deux ans plus tôt, elle n’avait plus senti cette chaleur masculine contre son corps. Subitement, alors que leurs langues s’entremêlaient, elle ressentit un besoin aussi insoutenable qu’inattendu. Elle le désirait, elle avait envie d’amour. Son corps réclamait ardemment les caresses de cet homme qu’elle venait à peine de rencontrer. Sa peau était tendue et sa poitrine gonflée. Elle laissa tomber son sac à terre, mit ses deux bras autour du cou de Carter et s’appuya sur lui. Il émit un gémissement sourd, qui eut pour effet de durcir les mamelons de Rachel. Il la serra contre lui tout en laissant errer ses mains le long du dos de sa partenaire. Elle inclina la tête et il l’embrassa avec toujours plus de fougue, explorant sa bouche et déclenchant en elle un tumulte de sensations. Elle fut stupéfaite de la force de cette passion. Jamais auparavant un baiser ne l’avait mise en pareil état. Qui plus est, cet homme lui était presque totalement inconnu. C’était insensé, exaltant et excitant. Elle n’y était pas habituée.
  • 17. Carter recula d’un pas. Il lui posa des baisers sur les joues, puis sur le menton et dans le cou. — Tu es tellement belle, murmura-t-il, pourquoi t’amuses-tu à séduire les hommes comme ça ? En émoi, Rachel pouvait à peine respirer et encore moins parler. Elle tenta de se ressaisir et dit : — Que veux-tu dire ? — Je parle de tes courbes magnifiques dans cette petite robe très classique, marmonna-t-il en lui léchant le creux de l’oreille. Les filles comme toi devraient être interdites. Elle ouvrit de grands yeux et scruta l’obscurité de la nuit. — Vraiment ? glapit-elle. Pourtant j’ai quelques kilos en trop, je suis loin d’être... — Incroyable ? lui coupa-t-il la parole en continuant à frotter sa bouche contre la sienne. Sexy ? Renversante ? Il se redressa, sourit et ajouta : — Si je te connaissais depuis plus longtemps ou si je ne savais pas me tenir, je te montrerais l’état dans lequel tu me mets. Cette remarque éveilla toute la curiosité de Rachel. L’avait-elle tant excité ? Il restait parfaitement maître de lui alors qu’elle tremblait de tous ses membres. Elle plongea son regard dans ses yeux foncés et y vit le feu du désir, un désir similaire à celui qu’elle ressentait de plus en plus fort en elle. — Je n’ai jamais..., dit-elle en s’éclaircissant la voix, d’habitude, je ne... — Je sais, dit-il avec une pointe d’amertume, moi non plus, je ne fais pas l’amour le premier soir. Il sourit tristement. — Maintenant que je t’ai rencontrée Rachel, je n’ai plus envie de renoncer aux femmes. Il l’embrassa de nouveau, puis se baissa pour ramasser son sac. Il le lui tendit ensuite. Elle serra ce sac contre elle à deux mains, comme pour s’interdire de le serrer lui. Il respira profondément. — Allez, rentre chez toi et repense à l’agréable soirée que nous avons passée ensemble. En fronçant les sourcils, il ajouta : — Et je te conseille de fermer ta porte à clé ! Elle sourit. — Tu n’es pas du genre à entrer chez les gens par effraction.
  • 18. — Je ne sais pas. Avant ce soir, je n’avais jamais été aussi tenté de m’introduire chez quelqu’un. Elle frissonna. Elle savait qu’il était plus sage de suivre ses conseils et de rentrer seule chez elle, mais il lui était extrêmement difficile de s’y résoudre. Pourtant, c’est ce qu’elle fit. Une fois dans son appartement, elle plaça ses clés et son sac sur la petite table dans l’entrée, puis se retourna pour lui dire au revoir. Sans savoir comment, ils se retrouvèrent de nouveau dans les bras l’un de l’autre. Une fois encore, elle ne sut dire qui avait pris les devants et elle s’en fichait ; elle se sentait tellement bien dans ses bras. Elle percevait les mouvements de ses mains viriles le long de son dos. Lorsqu’il s’attarda au niveau de ses hanches, elle se cambra vers lui instinctivement. Son ventre frôla son sexe tendu. Il la désirait vraiment. Le désir de Carter était aussi intense que le sien. Elle s’était toujours montrée très prudente avec les hommes. Elle avait vécu deux histoires d’amour et avait attendu d’être sûre qu’ils soient amoureux et prêts à l’épouser avant de passer à l’acte avec eux. Jamais elle n’avait fait l’amour avec un inconnu. Avant ce soir, elle n’avait même jamais embrassé un inconnu. En d’autres circonstances, elle aurait eu honte de son comportement avec Carter, mais ce soir, elle ne s’en souciait nullement. Elle posa ses mains sur le torse de Carter et se lança à la découverte de son corps à tâtons. Leurs langues s’entrelaçaient et Rachel prenait plaisir à humer le doux parfum de sa peau. Il mit ses mains sur sa taille et la souleva doucement, la laissant libre une fois encore de faire marche arrière. Spontanément, elle attrapa ses paumes et les fit glisser jusqu’à ses seins. Elle s’étonnait d’agir de façon aussi libertine, ce qui ne lui ressemblait pas, et elle savourait sans retenue le plaisir de ses caresses. Elle se préoccuperait du sentiment de culpabilité plus tard. Pour l’heure, elle ne souhaitait que profiter du plaisir de sentir ses mains sur son corps et donner libre cours à sa jouissance. Le désir de Rachel alla crescendo. Elle se rapprocha encore plus de lui tandis qu’il commençait à déboutonner sa robe. Elle tira sur le T-shirt de Carter. Il recula d’un pas et l’ôta. Une seule petite lampe éclairait la pièce, mais Rachel put constater le rythme saccadé de la respiration de Carter et son désir, qui se manifestait sous la ceinture de son jean. Ils s’étreignirent de nouveau à corps perdu. Elle pouvait désormais toucher son dos et son torse, et découvrir la chaleur et la douceur de sa peau. Il finit de déboutonner la robe et de la déshabiller. Rachel l’aida à en retirer les manches et jeta son vêtement à terre. En temps normal, elle se serait sentie gênée, mais pas cette fois. Carter se pencha et porta l’un de ses mamelons à la bouche. Elle s’abandonna à cette chaleur mouillée de ses lèvres
  • 19. qui la suçaient. Elle lui toucha la tête, le dos et les bras, et voulut pouvoir le caresser partout à la fois. Il la poussa doucement en arrière. Elle se laissa tomber sur le canapé. Il prit délicatement place sur elle et leurs membres s’enchevêtrèrent spontanément. Il parvint rapidement à exciter la zone sensible entre les cuisses de Rachel en se pressant contre elle. « Encore », pensait Rachel, qui souhaitait follement aller plus loin. Sentir sa bouche sur sa peau nue suffisait déjà presque à la faire jouir. Tout en mordillant son mamelon, il glissa sa main sur le bas de son ventre et la débarrassa de sa culotte. Il trouva immédiatement ses zones érogènes. Fallait-il voir là un coup de chance ou l’aboutissement d’années d’expérience ? Peu importait à Rachel de le savoir. Il se frotta contre son clitoris gonflé. Elle eut le souffle coupé. Variant le rythme de ses caresses, il la toucha jusqu’à ce qu’elle atteigne le septième ciel. Elle s’agrippa à lui et s’abandonna au plaisir. Alors qu’elle atteignait l’orgasme, il retira son jean et la pénétra. Elle jouit de nouveau lorsqu’il fut à l’intérieur d’elle. Ils s’embrassèrent et se serrèrent éperdument. Il cria son prénom et se raidit en jouissant à son tour, puis ils restèrent immobiles, enlacés. Rachel aima sentir le poids de Carter sur elle. Elle avait encore du mal à croire qu’elle venait de faire l’amour avec un inconnu sur son canapé, au milieu des senteurs de jasmin qui flottaient dans la nuit. Rachel se réveilla quelques minutes avant la sonnerie du réveil. Les rayons du soleil répandaient une douce lumière dans la pièce. Elle était encore ensommeillée et ses pensées embrouillées. D’habitude, elle fermait toujours les volets et tirait les rideaux avant de se coucher, mais ce matin, la fenêtre laissait passer la lumière du jour... Tout à coup, elle se souvint de ce qui s’était passé la veille au soir. Elle se trouvait dans son lit. Elle se rappela qu’il l’y avait portée, afin que leur deuxième rapport sexuel ait lieu dans un endroit plus confortable. Elle s’assit, poussa un cri perçant, puis se réfugia de nouveau sous la couette. Elle était complètement nue. En temps normal, elle ne dormait jamais nue. En temps normal, elle ne ramenait jamais chez elle un homme qu’elle venait à peine de rencontrer pour faire l’amour avec lui de surcroît ! Elle sentit ses joues rougir de gêne. Que lui était-il donc passé par la tête pour agir ainsi ? Elle s’était laissé submerger par l’émoi qu’il avait fait naître en elle. Elle jugeait son acte inexcusable. En aucun cas elle ne pouvait justifier ce qu’elle avait fait. « Un moment d’égarement », pensa-t-elle amèrement. Elle regarda autour d’elle, pour chercher à savoir si Carter se trouvait encore dans l’appartement. Aucun bruit ne s’échappait de la salle de bains et elle ne voyait aucun de
  • 20. ses vêtements. Etait-il donc parti ? Etait-ce mieux ainsi ? Alors qu’elle commençait à se poser beaucoup de questions, elle remarqua une feuille de papier déposée au pied du lit. Elle se pencha doucement, en prenant soin de garder la couette sur son corps nu, et ramassa le papier. « Bonjour Rachel. Désolé de partir sans te dire au revoir, mais je dois être au travail très tôt et comme nous avons peu dormi cette nuit, j’ai préféré ne pas te réveiller ce matin. Tu es incroyable et j’espère que l’on se reverra bientôt. Voici mon numéro de portable. » Il avait ensuite écrit son numéro de téléphone et avait signé. Rachel relut le message plusieurs fois avant de le poser sur sa table de nuit. Elle était soulagée de le savoir loin d’elle. Elle éviterait ainsi la conversation embarrassante du lendemain de la première nuit. Elle voulait tourner rapidement la page de cette histoire d’un soir. Elle se leva et courut vers l’armoire pour enfiler une robe de chambre. Elle allait tout oublier et ne plus repenser à cet épisode extraordinaire. Cependant, alors qu’elle marchait vers la cuisine pour aller faire du café, elle s’aperçut que ses hanches et ses cuisses étaient courbaturées et qu’elle se sentait un peu endolorie au niveau de ses parties intimes. « Pas étonnant », songea-t-elle en souriant. Le premier rapport avait été passionné et ardent, tandis que le deuxième s’était déroulé plus langoureusement. Voilà qu’elle était déjà en train d’y repenser ! — Il ne faut plus que j’y pense, se dit-elle à voix haute. Plus du tout, c’est du passé ! Ce dont elle devait se souvenir, c’était qu’elle avait commis une grosse erreur, qu’elle ne devrait plus jamais refaire. Carter aurait pu être un meurtrier psychopathe. Il aurait pu l’assassiner et la découper en morceaux. Elle s’était comportée de façon stupide, et, par chance, en était sortie indemne. Elle n’avait pas l’intention d’appeler Carter. A quoi bon ? Il devait penser qu’elle n’était qu’une fille facile et elle détestait cette idée. Toutefois, elle ne pouvait pas lui en vouloir étant donné son comportement. Elle ignorait comment elle pourrait effacer cette image fausse qu’elle avait donné d’elle-même. Carter était un bel homme ; ce genre d’aventures devait sans doute lui être coutumier. Il ne penserait probablement plus jamais à elle, tout comme elle allait ne plus jamais penser à lui dès à présent. Une fois dans la cuisine, elle remarqua que la cafetière était pleine et qu’un délicieux arôme de café parfumait toute la pièce. « Il a fait du café avant de partir, comme c’est attentionné de sa part », se dit-elle en soupirant. Le téléphone sonna. Aussitôt, le coeur de Rachel se mit à palpiter. Cependant, elle se ressaisit, fermement décidée à ne plus succomber au charme de Carter, ni espérer qu’il
  • 21. l’appelle. De toute façon, il savait où elle habitait, mais elle ne lui avait pas donné son numéro de, téléphone. — Allô ? — Rachel ? C’est Diane. Ça va ? — Oui. Diane soupira : — Je suis vraiment désolée pour hier soir. Je n’arrive pas à croire que je sois partie, en te laissant sur place. J’ai failli en avoir une crise cardiaque quand je suis arrivée chez moi et que je me suis rendu compte que tu étais toujours là-bas. Je suis retournée immédiatement au bar, mais la serveuse m’a dit que quelqu’un avait déjà proposé de te raccompagner. Tu es sûre que ça va ? — Oui, répondit Rachel, qui voulait s’en convaincre en même temps. — Bon, tant mieux. Tu sais, Eddy me rend folle. Je ne veux plus jamais entendre parler de lui. Diane soupira et continua : — Je t’envie ; toi, tu sais être raisonnable avec les hommes. Rachel se retint de grimacer. — Je ne suis pas toujours raisonnable non plus. Diane rit. — Ne dis pas de bêtises. Quand as-tu fait quelque chose d’insensé avec un homme pour la dernière fois ? Rachel n’avait certainement pas envie de répondre à cette question ! Elle l’éluda d’un petit rire et mit un terme à leur conversation : — Je dois me préparer, merci d’avoir appelé. On se voit plus tard à l’école, O.K. ? — D’accord, à plus tard. Rachel raccrocha le combiné et se versa une tasse de café. Une nouvelle journée débutait. Elle allait repartir sur de bonnes bases et commencer par ne plus passer de folles nuits avec des inconnus. Elle allait redevenir la femme raisonnable que Diane voyait en elle. C’était mieux ainsi. Rachel et ses amies se retrouvèrent au cours de tricot. Rachel aimait les petits bruits rythmés des aiguilles à tricoter, qui lui rappelaient les soirées de son enfance passées dans sa famille d’accueil, lorsque sa mère adoptive tricotait et qu’elle buvait du chocolat chaud, assise au coin de la cheminée. — Elle va me renvoyer du cours si ça continue, dit Crissy à voix basse.
  • 22. Noëlle adressa un large sourire à Rachel, puis les deux jeunes femmes se tournèrent vers leur amie : — Mais non, voyons, elle t’aime bien. — Elle est bien obligée, je lui ai offert un forfait d’un mois dans l’une de mes salles de gym. Je sais que ça ne se fait pas de soudoyer les gens de la sorte, mais je ne voyais pas d’autres solutions ! déclara Crissy en tirant sur son tricot pour essayer de l’arranger. Rachel, sourire aux lèvres, lui dit alors : — Tu ferais mieux de faire attention à ce que tu fais. Crissy se mit à rire : — Tu sais bien que j’assiste à ces cours uniquement parce que je sais que nous sortons ensuite dîner ensemble. Je ne m’en sortais pas si mal aux premiers cours, mais maintenant, cela devient horriblement compliqué. — Tu pourrais arrêter de venir au cours et nous rejoindre simplement après pour le dîner, non ? suggéra Noëlle. — Non, ça va, je me débrouille, répondit Crissy en tendant ses aiguilles à Rachel. Rachel estima le désastre de l’ouvrage et commença à le détricoter. — Ce n’est pourtant pas difficile de monter des mailles, fit-elle remarquer. — Je suis une femme d’affaires. Je sais diriger mon entreprise, mais je suis nulle en activités manuelles. La belle affaire ! lança Crissy. Noëlle, qui se montrait toujours conciliante, posa sa main sur le bras de Crissy et lui dit : — Il faut juste que tu t’appliques un peu plus. — Même en m’appliquant, je n’y arrive pas, objecta Crissy. Rachel regarda Noëlle. — C’est un cas désespéré ! — Oui, on dirait bien, dit Noëlle gaiement, mais on l’aime comme elle est. Noëlle posa ses aiguilles à tricoter et étira ses bras au-dessus de sa tête. — Mes os craquent de partout. Je n’ai que vingt ans et je suis déjà aussi raide et ankylosée qu’une petite vieille ! Crissy serra Noëlle dans ses bras. — Tu n’es pas une petite vieille, tu es enceinte, ce n’est pas pareil ! Elle mit la main sur le ventre rond de son amie, avant d’ajouter : — C’est difficile de croire que tu en sois déjà à ton sixième mois de grossesse ; ton ventre n’est pas encore très gros.
  • 23. — Pourtant j’ai l’impression d’être énorme, dit Noëlle en souriant. — Comment ça va avec Dev ? demanda Rachel. Noëlle prit un air rêveur. — Tout est parfait. Il veut qu’on parte en vacances avant la naissance du bébé. Une sorte de voyage de noces tardif en quelque sorte. Mais il préfère que je ne prenne pas l’avion, donc il songe à une croisière. Nous partirons peut-être à la fin du mois de janvier. Rachel était heureuse pour Noëlle, qui rayonnait de bonheur. Son union avec Devlin Hunter n’avait été, à l’origine, rien d’autre qu’un mariage d’intérêt, mais ils étaient ensuite tombés sincèrement amoureux l’un de l’autre. Au début de sa grossesse, elle avait vécu une période difficile, car les médecins avaient évoqué un problème de santé du foetus, mais les dernières analyses médicales avaient finalement prouvé que le bébé se portait bien. Noëlle remit ses mèches blondes derrières ses oreilles. — Et vous deux, quoi de neuf ? demanda-t-elle. Crissy rit. — Depuis la semaine dernière ? Ma foi, rien de nouveau ! Et toi Rachel ? Tu as des nouvelles croustillantes à nous raconter ? — Pas vraiment, murmura Rachel. Son corps ne s’était pas encore tout à fait remis de sa folle aventure, qui avait eu lieu trois soirs auparavant, mais elle ne voulait pas leur confier cela. Elle savait pourtant que ses amies ne se permettraient pas de la juger, mais elle n’était pas prête à en parler. D’ailleurs, elle était toujours incapable de s’expliquer comment elle avait autant laissé déraper la situation ce soir-là avec Carter. Il est vrai qu’il s’était montré drôle, charmant et sexy, et qu’elle n’avait pas souvent l’occasion de rencontrer ce type d’hommes. Elle côtoyait plutôt des hommes mariés, les pères de ses élèves. Il est vrai aussi qu’elle n’était sortie avec personne depuis longtemps, mais elle estimait que tout cela n’excusait pas ses actes. Pire encore, elle commençait à regretter d’avoir jeté le petit mot de Carter. Pourtant, cela n’avait aucun sens : elle n’allait tout de même pas l’appeler ? Pour lui dire quoi ? L’inviter à sortir avec elle ? Il penserait que seul le sexe l’intéressait. Quelle humiliation ! Bien sûr, elle avait apprécié sa nuit d’amour avec lui, mais elle ne voulait pas fonder une relation uniquement sur cela. Elle était dans un état de confusion et de doute qui ne présageait rien de bon. Elle avait mieux à faire que de chercher à s’engager dans une relation. S’attacher à quelqu’un impliquait un risque de perdre la personne et elle avait déjà suffisamment souffert précédemment pour accepter de courir un tel risque.
  • 24. — Rachel, ça va ? demanda Noëlle. — Euh, oui, répondit Rachel en rendant à Crissy son tricot. Pardon, j’avais la tête ailleurs. — Tu faisais une drôle de tête. A quoi pensais-tu ? interrogea Crissy. Rachel s’efforça de ne pas rougir. — A rien. Crissy ne sembla pas convaincue. — Bon, je ne veux pas me mêler de tes affaires. J’espère simplement que tu n’es pas en train de tomber amoureuse et que tu ne vas pas te retrouver enceinte toi aussi. — Je ne sors avec personne en ce moment, dit simplement Rachel. — Pas besoin de sortir avec quelqu’un depuis des mois pour tomber enceinte ! lança Crissy en souriant. Noëlle rit et Rachel se força à sourire. Enceinte ? Non ! C’était impossible. Elle ne pouvait pas être enceinte ! Ils n’avaient fait l’amour que deux fois. Deux fois sans préservatifs. Dix-sept jours après avoir passé la nuit en compagnie de Carter et quatorze jours après avoir pris conscience qu’elle risquait d’être enceinte, Rachel s’assit sur le bord de sa baignoire, trois tests de grossesse à la main. Elle avait espéré avoir ses règles à la date prévue, puis avait attendu quelques jours en tâchant de ne pas trop s’inquiéter. Elle regardait maintenant les trois tests, qui indiquaient tous le même résultat : positif !
  • 25. 3. Jamais Rachel n’aurait pensé remettre un jour les pieds dans le bar où elle avait rencontré Carter. Malheureusement, elle s’était débarrassée du morceau de papier sur lequel le jeune homme avait laissé son numéro de téléphone et elle devait trouver un moyen d’entrer en contact avec lui. Elle s’était souvenue qu’une des serveuses, dont elle ignorait le nom, avait son numéro et elle avait, par conséquent, décidé d’aller la voir pour obtenir les coordonnées de Carter. Il était 15 h 30 lorsqu’elle franchit la porte du bar. Elle se sentait nerveuse. La jupe qu’elle portait était maculée de taches ; ses petits élèves ne se gênaient pas pour venir se coller à elle avec leurs doigts pleins de peinture ou de colle. Heureusement, les taches disparaîtraient au premier lavage. Si seulement son problème de grossesse pouvait se dissiper aussi facilement... Comme il était encore tôt, l’endroit était presque désert. Sans regarder les quelques rares clients, Rachel se dirigea droit vers le bar et fut soulagée de reconnaître la serveuse présente dans le bar lors de la fameuse soirée, trois semaines auparavant. La femme derrière le comptoir sourit. — Bonjour, puis-je vous aider ? Elle était belle, avec ses grands yeux verts et sa coupe de cheveux courte et branchée ; elle devait avoir entre vingt-cinq et trente ans. — Je l’espère, répondit Rachel, qui tremblait. Je cherche Carter. La serveuse souriait toujours. — Carter comment ? — Je ne connais pas son nom de famille, admit Rachel tout en sentant l’humiliation monter en elle. Je l’ai rencontré complètement par hasard ici il y a trois semaines. J’étais venue pour accompagner une amie qui allait rompre et... Elle reprit sa respiration avant de se remettre à parler : — Mais peu importe, n’est-ce pas ? Bref, nous nous sommes rencontrés il y a quelque temps et je dois lui parler. C’est très important. Il s’appelle Carter. Il mesure environ un mètre quatre-vingts, il a les cheveux blonds et il porte une boucle d’oreille. Dans sa lancée, Rachel laissa échapper la précision suivante : — Il a une cicatrice en forme d’éclair sur la cuisse droite, au niveau de son... Alors, la barmaid s’exclama :
  • 26. — Ah ! C’est de ce Carter-là que tu parles ! Assieds-toi. Je vais voir si j’arrive à le joindre. Carter était partagé entre soulagement et agacement. Il n’en revenait pas que Rachel ait attendu trois semaines avant de reprendre contact avec lui. Carter savait qu’attendre et paraître distant permettait à coup sûr d’être désirable aux yeux de l’autre, mais en règle générale, c’était lui et non pas ses conquêtes qui jouait à ce petit jeu. Elle voulait se faire désirer et il ne se laisserait pas prendre à ce piège, pensa-t-il, d’autant plus qu’il n’avait pas particulièrement envie de s’engager dans une relation. En théorie, il n’y avait donc aucun problème. En pratique, toutefois, son raisonnement tenait moins la route : il n’avait pas cessé de penser à Rachel au cours de ces dernières semaines. Il savait où elle vivait, mais n’avait pas pris l’initiative d’aller la voir. Après tout, il lui avait laissé son numéro de téléphone et elle ne l’avait pas appelé. Selon lui, cela en disait long sur le peu d’intérêt qu’elle lui portait. Malgré tout, en entrant dans le bar, il était déterminé à la séduire, même s’il n’était pas certain de la désirer. Sa fierté masculine était enjeu. Il fit un signe de la tête à Jenny, qui répondit en montrant du doigt une table dans le fond du bar. Il bomba le torse et avança nonchalamment dans cette direction. En arrivant devant la table, il dut s’arrêter un instant, tant la beauté de Rachel lui avait coupé le souffle. Elle se tenait très droite sur la banquette, dans l’expectative. Elle donnait une image très prude d’elle-même dans cette tenue et avec les cheveux tirés en arrière pour former une natte. Carter savait que sous cette apparence se cachait une femme plutôt dévergondée, qui embrassait divinement bien et faisait l’amour en se donnant corps et âme. L’espace d’une seconde, le fantasme de lui faire l’amour sur la table du bar lui traversa l’esprit. Comme il n’était pas de ceux qui aiment se donner en spectacle, il oublia bien vite cette idée. De plus, rien ne lui permettait d’affirmer que Rachel avait toujours envie de lui. — Rachel, lui dit-il. Elle se leva à moitié, puis retomba sur la banquette. — Bonjour Carter. Il prit place en face d’elle et remarqua une grande enveloppe qu’elle avait déposée sur la table. — Cela fait un bout de temps depuis l’autre soir, déclara-t-il. Elle fit oui d’un signe de tête. — Trois semaines exactement. Elle passa sa langue sur ses lèvres, ce qui suffit à troubler Carter. Pourquoi lui faisait-elle tant d’effet ?
  • 27. Elle mit ses mains sur la table, les noua avant de les séparer aussitôt et de les placer sur ses genoux. Ses gestes trahissaient sa nervosité. Il avait l’intention de l’écouter simplement, sans trop intervenir, afin d’en apprendre plus sur elle. Mais il ne put s’empêcher de lâcher : — Tu ne m’as pas appelé. Il s’en voulut aussitôt. — Pardon ? dit-elle en cillant. — Tu ne m’as pas appelé. Pourtant, j’ai été poli. Je devais me lever tôt et je ne voulais pas te réveiller, alors je t’ai laissé un petit mot, avec mon numéro de téléphone. Il se pencha vers elle et lui dit encore : — Je ne fais pas ça avec n’importe qui tu sais. C’est ce que tu pensais ? Tu pensais que tu pouvais profiter de moi un soir et m’oublier le lendemain ? Il regretta immédiatement de lui avoir dit tout cela. Comment de telles paroles avaient-elles pu s’échapper de sa bouche ? Il venait de s’exprimer comme une femme ! Rachel ouvrit de grands yeux. — Je n’ai pas profité de toi. — Si, tu es arrivée à tes fins, puis tu t’es complètement désintéressée de moi. — Ce sont les hommes qui profitent du sexe faible, et non l’inverse. — Vraiment ? Seuls les hommes sont capables de mal agir ? Le comportement des femmes est toujours irréprochable ? — Non, bien sûr que non. Elle le dévisagea et lui dit : — Mais je n’ai pas essayé de profiter de toi. — Tu aurais pu m’appeler. — Je ne savais pas quoi te dire. — Tu aurais pu dire « Merci pour cette soirée formidable. On devrait se revoir à l’occasion », par exemple. Mais peut-être n’avait-elle pas eu envie de le revoir ? Non, c’était impossible, se rassura-t- il. Elle prit une grande inspiration. — Carter, je suis désolée de ne pas avoir appelé, mais il faut maintenant que nous parlions de quelque chose de plus important. Plus important ? Lorsque les femmes voulaient parler de « choses plus importantes »,
  • 28. elles abordaient généralement le sujet de la relation et de l’engagement. Toutefois, il songea que Rachel et lui se connaissaient bien trop peu pour commencer une telle discussion. — Je t’écoute, dit-il, intrigué. Elle expira profondément. — La nuit que nous avons passée ensemble n’a pas été sans conséquences. Il prit le temps de réfléchir à la phrase qu’elle venait de prononcer. Son sang se glaça. — Si tu as quelque chose, tu aurais dû me prévenir, grommela-t-il. En vérité, il ne pouvait s’en prendre qu’à lui-même. Il ne s’était pas protégé pendant leurs rapports sexuels. Même s’il n’avait pas eu de préservatifs dans son portefeuille ce soir-là, il aurait dû prendre le temps d’évoquer la question de la protection avec elle et agir en adulte responsable. Avait-il contracté une maladie à cause de son inconscience ? — Comment ça « si j’ai quelque chose » ? dit-elle d’une voix légèrement agacée. Je ne suis pas malade ! — Moi non plus, je n’ai pas de maladies, je vais bien. Alors si nous sommes tous les deux en bonne santé, quel est le problème ? — Tu pourrais le deviner, toi qui t’y connais si bien en femmes : je suis enceinte. Jenny arriva sur ces entrefaites pour leur demander s’ils voulaient boire quelque chose. Il regarda Jenny et lui dit : — Laisse-nous une minute. — O.K. Jenny regarda rapidement Rachel, puis retourna au bar. — Tu ne prends pas la pilule ? demanda-t-il, en songeant qu’il aurait mieux fait de lui poser cette question plus tôt. — Non, répondit-elle d’une voix basse et gênée. — Tu m’as laissé te faire l’amour sans aucune protection ni contraceptif ? Elle ouvrit la bouche puis la referma. Quand elle se décida à parler, elle lui expliqua : — Je n’avais en aucun cas prévu que nous ferions l’amour ce soir-là et, sur le coup, je n’ai pas réfléchi. Carter pensa qu’elle allait ensuite lui dire que c’était sa faute. — Je ne fais pas ce genre de choses très souvent, avoua-t-elle, visiblement toujours aussi gênée. — Que veux-tu dire ? lui demanda-t-il.
  • 29. Elle regarda autour d’elle et poursuivit en baissant encore le son de sa voix. — Je n’ai été qu’avec deux hommes et j’étais fiancée dans les deux cas. — Tu as déjà été mariée ? Deux fois ? Il semblait quelque peu outré. Elle s’appuya contre la banquette et émit un petit gémissement. — Non, j’ai été fiancée, mais jamais mariée. Mais peu importe, je ne suis pas ici pour te raconter ma vie, mais pour t’annoncer que je suis enceinte. — J’ai bien compris. — Un bébé va naître. Le mot « bébé » eut l’effet d’un électrochoc pour Carter. Si le terme « enceinte » évoquait un état dangereux et effrayant, qui permettait de piéger un homme, le mot de « bébé » prenait, lui, une connotation beaucoup plus positive, presque miraculeuse. Il eut le sourire aux lèvres. — Oui. — Pas la peine de sourire. Nous n’avons pas désiré cet enfant. Nous ne nous connaissons même pas. Elle lui tendit l’enveloppe et déclara : — Je me suis rendue chez un avocat. L’enveloppe contient un accord très simple. Je ne te demande rien et ne te demanderai jamais rien. En contrepartie, tu t’engages à désavouer la paternité de cet enfant. — Pourquoi ferais-je une chose pareille ? Elle roula les yeux. — Parce que c’est la meilleure solution. Nous nous connaissons à peine ; nous ne pouvons pas élever un enfant ensemble. Du coin de l’oeil, il vit que Jenny était au téléphone. Il ne savait pas exactement ce qu’il ressentait. Il avait simplement la certitude que le bébé serait une fille et qu’il était hors de question qu’il renonce à ses droits de père. — Il faut que nous discutions, dit-il, puis il grimaça en se rendant compte qu’une fois encore, il avait dit exactement ce qu’une femme aurait dit. — Je t’ai tout dit. Tu n’as plus qu’à lire les documents qui se trouvent dans l’enveloppe. Il se pencha vers elle. — Je ne veux pas poursuivre cette conversation dans un bar. Elle hésita et lui dit :
  • 30. — Je ne t’invite plus chez moi. Tu sais ce que ça a donné la dernière fois. Il voulait lui faire comprendre qu’il n’était pas obnubilé par l’idée d’avoir des relations sexuelles avec elle. Toutefois, il savait que ce serait mentir que de dire le contraire. Il admirait sa peau claire et les courbes que formaient ses lèvres lorsqu’elle souriait. Malheureusement, elle souriait peu à présent. — Je ne cherche pas à coucher avec toi. On peut aller chez moi si tu veux. Tu n’as qu’à me suivre avec ta voiture. Je ne veux tout simplement pas poursuivre la discussion ici. Il ne précisa pas que la serveuse, son ancienne petite amie, continuait régulièrement à prendre des nouvelles de sa mère et qu’à cet instant précis, elle était peut-être même au téléphone avec elle. Rachel réfléchit un moment, puis acquiesça. — O.K. On va chez toi. Mais je veux que tu réfléchisses sérieusement à ma proposition. Je n’essaie pas de te piéger. — Tant mieux ! En temps normal, Rachel aimait conduire sa petite décapotable, mais, ce jour-là, dans son état de fébrilité, elle n’apprécia guère le trajet. La conversation avec Carter ne s’était pas déroulée comme elle l’avait imaginé. Tout d’abord, il avait lourdement insisté sur le fait qu’elle ne l’avait pas appelé, comme s’il en avait souffert. Elle n’avait pas pensé une seule seconde qu’il lui avait laissé son numéro parce qu’il espérait vraiment recevoir un appel de sa part. Elle avait supposé qu’il couchait avec un tas de femmes et qu’elle n’était qu’une parmi tant d’autres. Ses suppositions étaient-elles erronées ? Avait-il été vraiment peiné de ne pas avoir reçu de ses nouvelles ? Elle avait du mal à imaginer qu’elle pouvait lui plaire. Ensuite, il avait immédiatement refusé de renoncer à ses droits concernant le bébé. Jamais elle n’aurait pensé qu’il voudrait assumer ce type de responsabilités, car elle croyait que tous les hommes fuyaient leurs obligations. Elle devait lui faire comprendre qu’ils n’allaient pas vivre cette grossesse comme un couple le ferait. Elle avait déjà suffisamment de mal à accepter le fait d’être enceinte pour devoir en plus gérer une relation avec lui. Elle suivit sa grosse camionnette noire jusque dans un quartier agréable, qui devait être essentiellement peuplé de jeunes couples avec enfants. Il se gara dans l’allée d’une jolie maison de plain-pied et elle stationna sa voiture dans la rue. Elle sortit de la décapotable et jeta un coup d’oeil circulaire au voisinage. Elle avait l’impression de retrouver son enfance ; le quartier ressemblait étrangement à celui dans lequel elle avait grandi. Même après toutes ces années, elle se souvenait de sa chambre de petite fille dans les moindres détails : la couleur du papier peint, les étagères de livres sur les murs, le désordre de ses jouets et sa maman qui lui demandait de ranger. Elle devenait
  • 31. souvent très mélancolique lorsqu’elle repensait à son enfance. — Rachel ? Elle leva les yeux et vit que Carter l’attendait sur le pas de la porte. Elle s’avança dans l’allée et entra dans la maison avec lui. Les murs du salon étaient peints en vert clair et de grands rideaux beiges étaient suspendus au-dessus des fenêtres. Les meubles paraissaient relativement neufs. Elle trouva la décoration de la pièce assez soignée. Il l’invita à s’asseoir et lui proposa un verre, qu’elle refusa. Elle déposa son enveloppe sur la table basse et prit place sur le canapé. Carter marchait de long en large dans la pièce. Il s’arrêta un instant devant elle, comme s’il était sur le point de prendre la parole, mais ne fit que secouer la tête et se remit à arpenter le salon. Elle comprenait qu’il avait besoin de temps. Elle-même ne s’était pas encore faite à l’idée, alors qu’elle avait appris sa grossesse depuis plusieurs jours déjà. — Je n’avais pas prévu cela, lui lança-t-elle d’une voix douce. Je veux que tu le saches. Ce qui s’est passé entre nous était absolument inattendu. Il la regarda et lui sourit. — Je sais, j’y étais. Son regard la troubla. Dans un élan, elle eut envie de se lever et de se blottir dans ses bras. Il la serrerait fort et... Soudain, elle se souvint que c’est ainsi que la situation avait dérapé la première fois. Elle s’éclaircit la voix. — Je ne veux pas que tu t’inquiètes. Je peux parfaitement me débrouiller toute seule. En réalité, elle était terrifiée à l’idée d’être une mère célibataire, mais elle ne voulait pas lui communiquer cette peur. — Je ne veux mettre aucune pression sur tes épaules. Prends tout le temps que tu souhaites pour lire les documents. L’expression sur le visage de Carter s’assombrit. — Que ce soit bien clair entre nous : je ne veux pas abandonner mon enfant. — Tu veux être père ? — A vrai dire, je n’avais pas prévu cela cette semaine, mais il s’agit de mon enfant. Il émit un petit rire étranglé. — Ce sera ma fille autant que la tienne et tu ne m’en priveras pas. Il mit ses mains sur ses hanches. Comme elle était assise et lui debout, il paraissait encore plus puissant et viril. Elle fut intimidée.
  • 32. — Tu ne penses pas ce que tu dis, murmura-t-elle, prise au dépourvu à la fois par le charisme et par les paroles de Carter. Je n’ai pas pensé une minute que tu réagirais ainsi. — Nous avons fait un enfant et nous devons à présent en assumer la responsabilité. Il n’avait pas tort, mais elle ne s’attendait pas à l’entendre tenir un tel discours. La porte d’entrée s’ouvrit alors et trois femmes firent leur apparition dans le salon. L’une d’elles avait une cinquantaine d’années et les deux autres devaient être à peu près du même âge que Carter. Rachel les regarda fixement. — Maman, ce n’est pas le bon moment, grommela-t-il. La femme l’écarta de son chemin pour se retrouver devant Rachel. — Tais-toi donc Carter, quand on met une femme enceinte sans le vouloir, on n’a pas droit à la parole. La mère de Carter avait des cheveux blonds et courts, et les mêmes yeux que son fils. C’était une petite femme qui débordait d’énergie. Les deux autres femmes étaient plus grandes. Elles étaient belles et un peu intimidantes aussi. — Comment êtes-vous au courant ? demanda Rachel d’un ton hésitant. Carter se carra dans l’un des fauteuils en face du canapé. — Jenny l’a appelée. Rachel, je te présente ma mère, Nina Brockett, et deux de mes soeurs, Liz et Merry. Maman, voici Rachel. — Pourquoi la serveuse vous a-t-elle appelée ? demanda encore Rachel, qui cherchait à mieux comprendre la situation. — Jenny est une amie de la famille, lui répondit Nina. — Nous restons en contact avec la plupart des anciennes petites amies de Carter. Nous en avons vu défiler beaucoup, mais tu es la première à être tombée enceinte, ajouta l’une des soeurs. Rachel fut très surprise d’apprendre que Jenny, la barmaid du bar, était l’ex de Carter. — Jenny est mariée maintenant, précisa Carter, qui avait lu la stupéfaction dans les yeux de Rachel. Nina prit place à côté de Rachel sur le canapé. — Il va falloir te ménager. Tu vas avoir un bébé, lui dit-elle. Rachel ne prêta guère attention à cette remarque, mais regarda Carter. — Tu es sorti avec Jenny ? demanda-t-elle en rougissant. Tout à l’heure, dans le bar, quand je te cherchais, elle a fait mine de ne pas savoir de qui je voulais parler. J’ai dû te décrire et...
  • 33. Elle se rendit compte que les trois femmes l’observaient et n’eut pas envie de continuer à parler de Jenny. — Peu importe, murmura-t-elle. — Jenny a beaucoup d’humour ; elle adore faire des blagues, marmonna Carter. Une des soeurs sourit et dit : — C’est une fille géniale. Carter a été le témoin à son mariage et elle a été mon témoin au mien. Rachel jeta un coup d’oeil rapide en direction de la porte. Elle n’avait qu’une envie, c’était de fuir en courant. Une discussion au sujet des ex de Carter avec sa mère et ses soeurs ? C’était plus qu’elle n’en pouvait supporter ! Nina lui prit la main. — Ne t’inquiète pas, tout va bien se passer. Tu es un peu inquiète pour le moment, parce que tu ne nous connais pas encore. D’ailleurs, je ne sais pas pourquoi mon fils ne t’avait pas encore parlé de nous, mais... — Maman, laisse-la tranquille. La mère de Carter poursuivit : — Je ne t’embête pas, n’est-ce pas ? Je veux t’aider. J’aime beaucoup aider les autres. Dis-moi, de quoi étiez-vous en train de parler lorsque nous sommes arrivées ? Rachel regarda l’enveloppe sur la table. Elle comprenait maintenant un peu mieux que Carter puisse tenir à cet enfant, car la famille occupait manifestement une place importante dans sa vie. — C’était une conversation privée, lança Carter. — Tu peux nous le dire, dit l’une des soeurs, de toute façon, nous finirons bien par le savoir. — Non, répondit Carter assez sèchement. Il regarda Rachel. — Si tu veux t’enfuir en courant, vas-y, je ne t’en voudrai pas ! La mère de Carter tenait toujours la main de Rachel, qui tenta de la dégager. — Carter et moi devons discuter de certains points, dit-elle timidement. — Bien entendu, dit Nina en lui souriant. Je vois que tu es une fille bien et que tu n’as pas fait exprès de tomber enceinte. Maintenant que tu attends ce bébé, nous allons nous préparer à l’accueillir. Nous ? Rachel préférait l’utilisation de la première personne du singulier.
  • 34. — En fait, c’est plutôt MOI qui vais me préparer, dit-elle. — Et MOI, qui suis le père, continua Carter. — Oui, je ne dis pas le contraire. D’ailleurs, c’est bien la raison pour laquelle je suis venue te parler de ta paternité, répondit Rachel. — Je te rappelle quand même que tu ne m’as pas appelé. Les soeurs se regardèrent, étonnées. — Tu es sortie avec Carter et tu ne l’as pas rappelé le lendemain ? lança l’une d’elle. — D’habitude, elles appellent toujours, continua l’autre. Parfois, c’est presque du harcèlement. — Elles sont toutes folles de mon fils, dit Nina avec fierté. Rachel haussa les sourcils. — Ne fais pas attention à ce qu’elles disent, lui conseilla Carter. — Peut-être que ce qu’elles disent m’intéresse ? — Non, vraiment, crois-moi, il vaut mieux que tu ne les écoutes pas. Nina les interrompit. — Nous devons parler de la cérémonie. Puisque vous allez avoir un bébé ensemble, vous devez vous marier. — Quoi ? s’exclamèrent en choeur Rachel et Carter.
  • 35. 4. Carter connaissait suffisamment bien sa mère pour ne plus être surpris en l’écoutant. Pourtant, il devait admettre qu’elle avait poussé le bouchon très loin cette fois. Il la laissait toujours parler et écoutait ce qu’elle avait à lui dire, mais ne se sentait nullement obligé de suivre ses recommandations. Il se leva, marcha en direction de la porte et prit la parole : — Ça suffit. Merci à vous trois d’être passées et à bientôt ! Sa mère se leva également, s’arrêta devant lui et lui lança un regard furieux. — Carter Brockett, je ne plaisante pas. — Moi non plus, maman. Cette histoire concerne Rachel et moi. Nous n’avons pas besoin que tu nous dises ce que nous devons faire. — Carter, tu vas avoir un bébé. Ce n’est pas rien ! Au fond, Carter savait que sa mère voulait bien faire. Elle l’aimait et était prête à tout pour son fils bien-aimé. Toutefois, cet amour débordant était parfois insupportable. Il se pencha et l’embrassa. — Je sais maman. Fais-moi confiance, d’accord ? Elle haussa les épaules, puis acquiesça. Elle sortit de la maison, suivie de ses deux filles. — Tu t’es mis dans de beaux draps, lui murmura au passage Merry en souriant. — Merci pour ton soutien et ta compréhension, soeurette ! — De rien. Il referma la porte derrière elles. Rachel se trouvait toujours sur le canapé, l’air assez déboussolé. Carter savait que la première impression que donnaient les membres de sa famille pouvait souvent être déconcertante. Il alla dans la cuisine et lui rapporta un grand verre d’eau. Elle le regarda fixement. — Ça va ? lui demanda-t-il. — Non. — Ne t’inquiète pas au sujet de ma famille. Tu viens de rencontrer ma mère et deux de mes soeurs. J’ai aussi une troisième soeur. Je suis le benjamin de la famille, le seul garçon. Mon père est mort avant ma naissance, donc j’ai toujours vécu uniquement entouré de filles.
  • 36. Rachel but une gorgée d’eau. — Quand tu m’as expliqué que les femmes étaient une source d’ennuis pour toi, je pensais que tu faisais référence à tes relations amoureuses, pas à ta famille. — Tout mon entourage est féminin. Même mon labrador est une chienne. Elle esquissa un petit sourire. — Quoi qu’il en soit, ta famille tient visiblement beaucoup à toi et t’aime énormément. Elle reprit une gorgée d’eau. — Jenny a vraiment appelé ta mère pour lui raconter ce qu’elle avait entendu ? — Oui. Jenny est restée très proche de ma mère et de mes soeurs, comme beaucoup de mes autres anciennes petites amies d’ailleurs. Elles viennent parfois leur rendre visite et il m’arrive par conséquent de les croiser. Il était resté en bons termes avec ses ex. Parfois, il se demandait s’il ne préférerait pas qu’elles soient fâchées et vindicatives. Cela aurait, par exemple, permis d’éviter les ennuis liés au coup de fil de Jenny. Il n’avait rien contre Jenny. Il l’appréciait beaucoup et elle avait épousé un homme bien. Mais pourquoi avait-elle cru bon de prévenir sa mère de la grossesse de Rachel ? Rachel se rendit compte de l’embarras de Carter. — Je n’ai pas fait exprès de tomber enceinte. — Je le sais bien. Nous n’avions pas prévu cela. Elle baissa la tête, mais il remarqua son petit sourire. — A vrai dire, je me suis un peu laissé emporter. Je n’avais jamais vécu une telle aventure, avoua-t-elle. — Moi non plus. Elle redressa la tête et roula les yeux. — Arrête ton cinéma. Je ne te connais peut-être pas bien, mais je commence à avoir une idée assez précise de ton passé. Ne me fais pas croire que tu n’as pas eu de multiples conquêtes. — J’ai eu beaucoup de petites amies, mais j’ai rarement ressenti une passion si forte. — Tu ne penses pas ce que tu dis. Carter la trouvait absolument charmante lorsqu’elle doutait de la sorte. Elle l’attirait toujours autant, mais la situation serait encore plus complexe pour lui s’ils devenaient amants. Il pensait qu’il était plus sage de ne pas tomber sous son charme. Mais comment résister à son doux parfum ?
  • 37. — Si, je pense ce que je dis. Tu es belle, sexy et tu as le sens de l’humour. Tu as un look très sage, mais sous tes vêtements se cache un corps plein de grâce. Tu es irrésistible. — Eh bien, alors tu as de la chance de m’avoir eue ! — Oui, beaucoup de chance, dit-il en souriant, sauf que nous devons maintenant nous préoccuper des conséquences de notre nuit d’amour. Rachel, je ne vais pas abandonner ma fille. — Tu ne sais pas si le bébé sera une fille. — J’en suis sûr ! Il faut qu’on trouve une solution, parce que je refuse de signer les papiers que tu as apportés. Rachel avait légitimement pensé qu’il n’aurait pas la volonté d’assumer sa responsabilité de père, car la plupart des hommes auraient volontiers accepté de s’y soustraire. Carter ne faisait pas partie de cette catégorie d’hommes lâches. Sa mère lui avait toujours appris à respecter les valeurs familiales plus que tout. — O.K., je comprends maintenant que je te connais un peu mieux. Elle se redressa et mit sa main sur son ventre. — Quelle solution suggères-tu alors ? Ne le prends pas mal, mais je n’ai pas l’intention de suivre le conseil de ta mère. — Tu ne veux pas m’épouser ? demanda-t-il d’un ton taquin. — Je ne te connais pas. — Je suis un beau parti. — En tout cas, on peut dire que tu ne manques pas d’assurance ! Il sourit. — Mais c’est la vérité, demande à qui tu voudras, on te le confirmera. — Je peux demander à tes centaines d’ex. — Je n’en ai pas autant. Il se leva et continua : — Ecoute, il nous reste environ huit mois avant la naissance du bébé, n’est-ce pas ? — Oui, à peu près. — O.K. Cela nous laisse du temps pour réfléchir à ce que nous voulons faire. Ma mère n’a pas le monopole de la meilleure solution. Nous allons prendre notre temps, réfléchir calmement et trouver la solution qui nous convient. Il hésita un instant et demanda : — Tu vas garder le bébé, n’est-ce pas ?
  • 38. — Bien sûr ! protesta-t-elle. Je veux cet enfant. — Moi aussi. Nous allons donc étudier les possibilités qui s’offrent à nous. Nous ne vivons pas très loin l’un de l’autre, donc nous pourrions facilement instaurer un système de garde partagée. Je suggère que nous continuions à apprendre à mieux nous connaître dans un premier temps. Elle se mordit la lèvre inférieure. Il trouva ce geste très sexy et il se troubla. Ils étaient de nouveau seuls dans la maison, ils pourraient... « Non, se dit-il, ce n’est pas raisonnable d’avoir de telles pensées maintenant. » Visiblement inconsciente du trouble dans lequel elle venait de plonger Carter, Rachel poursuivit la conversation : — Oui, très bonne idée. Il saisit un stylo et un morceau de papier et y inscrivit son numéro de téléphone fixe et son numéro de portable. En lui tendant le papier, il lui dit : — Tu me promets de ne pas le jeter cette fois ? — C’est promis. — Pourquoi tu n’avais pas voulu m’appeler ? Elle soupira. — Combien de fois vas-tu me poser cette question ? — Je te la poserai tant que tu n’y auras pas répondu. Elle se renfonça dans le canapé. — Je ne pouvais pas t’appeler Carter, parce que, sincèrement, je ne savais pas quoi te dire. Je n’avais jamais agi comme ça et j’avais peur que tu méjugés mal. Moi-même, je ne savais pas quoi penser de mon comportement. Il haussa les épaules d’un mouvement exagéré et soupira, en souriant. — En somme, tu t’es servie de moi pour assouvir ton appétit sexuel. — Tu es impossible ! Tu sais très bien que ce n’est pas vrai ! Elle se pencha pour attraper le papier et le stylo. Elle se retrouva alors tout contre lui, sa poitrine appuyée contre son bras et l’une de ses mains posée sur son ventre. La réaction de Carter ne se fit pas attendre. Il n’eut qu’une envie, celle de la prendre dans ses bras. Leurs regards se croisèrent et il fut heureux de lire dans le sien autant de désir. Cependant, elle fit preuve d’une plus grande maîtrise que lui. — Je vais te donner mon numéro aussi, murmura-t-elle en reprenant sa position initiale dans le canapé et en s’empressant d’écrire ses coordonnées.
  • 39. — Nous devrions nous revoir pour continuer à discuter. Samedi prochain, ça te va ? demanda-t-il. — Oui. Tu veux sortir ou... Dans tous les cas, ça va ressembler à un rancard... — Mais cela n’en sera pas un. J’apporterai le dîner et nous mangerons chez toi, nous y serons plus tranquille. Ma mère ne risquera pas de débarquer cette fois et de nous interrompre... — D’interrompre notre conversation, rectifia Rachel. — Oui, oui, nous ne ferons que parler, consentit-il. Carter ouvrit la porte de derrière et siffla Goldie. Le labrador beige sortit de sa belle niche, s’étira et s’avança d’un pas nonchalant vers son maître. La chienne lui lécha la main, puis colla sa tête contre sa cuisse, quémandant ainsi une caresse. — Tu es toujours en train de réclamer des câlins, mais c’est toujours moi qui les donne, jamais toi. Allez viens, on va aller voir maman. A ces mots, Goldie dressa les oreilles et se mit à trotter allègrement. Avant de traverser la rue, Goldie attendit que Carter vérifie qu’il n’y avait pas de voitures, puis elle se précipita jusqu’au petit jardin se trouvant devant la propriété de Nina Brockett. Elle renifla le grand arbre, puis alla directement à la porte d’entrée et se dressa sur ses deux pattes arrière pour appuyer ses pattes avant sur la porte. La mère de Carter ne tarda pas à ouvrir la porte. — Bonjour Goldie. Viens là ma belle. Un reste de rôti t’attend dans la cuisine. Elle regarda ensuite son fils. — Si tu es venu pour me dire d’arrêter de mettre le nez dans tes affaires, tu peux aussi bien repartir tout de suite. — C’est en effet ce que j’ai l’intention de te dire, et je sais très bien que tu n’auras pas le coeur à me renvoyer chez moi sans m’avoir avant donné à manger ! — Tu te crois malin, grommela-t-elle. Cela dit, au lieu de lui claquer la porte au nez, elle le fit entrer et le dirigea droit vers la cuisine. Carter avait grandi dans cette maison. Il en avait peint les murs, l’avait carrelée et avait cassé une fenêtre en jouant au base-bail dans le jardin avec Billy Hinton. Cet endroit regorgeait de souvenirs, agréables pour la plupart. La cuisine américaine était spacieuse, avec de grands placards peints et une gigantesque gazinière, sur laquelle mijotait un plat quasiment en permanence. D’ailleurs, à ce moment précis, une sauce à la carbonara y mitonnait.
  • 40. — Où sont les filles ? questionna-t-il. — Je leur ai dit de rentrer chez elles. Je voulais te parler seul à seul. Cette remarque ne présageait rien de bon. Il prit un tabouret du bar et saisit un des biscuits dans une assiette posée sur la table. — J’apprécie que tu veuilles m’aider et je t’aime, mais, s’il te plaît, ne te mêle pas de cette histoire. C’est à moi et à Rachel de décider de ce que nous devons faire. — Ce que vous devez faire ? répéta sa mère, en colère. Elle lui lança un regard furieux. Comme il était assis, leurs yeux étaient au même niveau. — Carter, voyons, si la femme avec qui tu as des relations sexuelles tombe enceinte, tu dois l’épouser ! Je pensais t’avoir transmis certaines valeurs. Sa mère était une femme d’un charisme incroyable. Il ignorait ce qui lui donnait un tel charisme, mais il en avait toujours été très admiratif. Lorsqu’elle adoptait un certain ton et qu’elle le regardait d’une certaine manière, il avait l’impression d’être encore un garçonnet de dix ans en face d’elle. — La société évolue, fit-il remarquer. De nos jours, beaucoup de femmes élèvent des enfants seules. C’est ce que Rachel veut. Il n’avait pas oublié que la première intention de Rachel avait été de le convaincre de renoncer à cet enfant. Une telle proposition n’émanait manifestement pas d’une femme qui aurait désiré l’épouser. — L’as-tu demandée en mariage ? Lui as-tu expliqué que tu étais une personne responsable ? — Je lui ai dit que je voulais jouer mon rôle de père, que je voulais partager la garde de l’enfant. Sa mère se dirigea vers l’évier, où elle commença à récurer des casseroles. — Comment ça « partager la garde » ? Tu veux vivre à temps partiel avec ton enfant ? Tu n’es pas sérieux Carter. Tu dois épouser cette fille. — Elle ne veut pas se marier avec moi. — Comment le sais-tu ? Le lui as-tu demandé ? Il se garda de lui parler des papiers que Rachel avait voulu lui faire signer. Elle n’aurait sans doute pas compris pour quelle raison une femme chercherait à éloigner un père de son enfant et elle aurait risqué de prendre Rachel en grippe. Nina Brockett était une femme adorable, mais il fallait admettre qu’elle pouvait se montrer très rancunière. Comme Rachel allait être la mère de son enfant, Nina et Rachel allaient avoir de multiples occasions de se croiser, et il préférait par conséquent que sa mère ait une bonne opinion de Rachel.
  • 41. — Je ne le lui ai pas demandé, parce que je connais déjà sa réponse, dit-il simplement. — Tu te trompes peut-être. La vie est pleine de surprises. — Maman, arrête. Elle jeta le torchon et se retourna pour être face à lui. — Non, je ne vais pas arrêter. Tu es mon fils et il s’agit de ton premier enfant. Il faut que tu sois un père pour ce bébé. Il reposa le biscuit qu’il tenait dans la main. — Je vais être son père, dit-il calmement, je vais être présent dans sa vie. L’expression du visage de sa mère s’adoucit. — Je sais, Carter, excuse-moi. Tu sais mieux que personne ce que c’est de grandir sans père. — Oui, alors fais-moi confiance, déclara-t-il. — Ce n’est pas facile de te faire confiance. Je ne peux même pas compter sur toi pour mettre des préservatifs. Son franc-parler le surprendrait décidément toujours ! Carter, qui souhaitait mettre un terme à cette visite, chercha Goldie des yeux. La chienne reniflait l’assiette posée à terre, dont elle venait de lécher les dernières miettes. — Il faut que j’y aille, lança-t-il en se levant. Il siffla Goldie. — Epouse cette fille. — Je t’aime maman. — Je t’aime aussi, mais je t’aimerais encore plus si tu épousais Rachel. — O.K. ! Quand sa mère avait une idée en tête, rien ne pouvait l’en faire démordre. Tant qu’ils ne seraient pas mariés, il savait qu’elle ne le laisserait pas en paix. En théorie, il n’avait rien contre le mariage... des autres. Lui ne voyait pas l’intérêt de passer la vie entière avec une seule et même personne. Ses soeurs lui répétaient souvent qu’il raisonnait de la sorte parce qu’il n’avait jamais été amoureux et que le jour où il serait vraiment épris d’une femme, il comprendrait. Il leur disait qu’il ne tomberait jamais amoureux. Non pas que l’idée d’être amoureux ne lui déplaise, au contraire ; il était désireux de ressentir cette envie de se réveiller tous les matins au côté d’une femme qu’il aimerait plus que tout. Seulement, il n’avait jamais rencontré une telle femme. Il avait fini par se convaincre que l’existence de l’âme soeur n’était qu’un mythe.
  • 42. Si Rachel avait tenu à se marier pour que le bébé porte le nom du père, il aurait probablement accepté, pour autant qu’elle comprenne que cela ne signifiait pas qu’il était amoureux d’elle. Mais, apparemment, le mariage était bien la dernière chose à laquelle Rachel pensait. Alors ils trouveraient une autre solution, adaptée à leurs besoins et à ceux de l’enfant. Il ne croyait peut-être pas à l’âme soeur, mais savait l’importance de l’amour entre parents et enfants, et n’allait pas laisser cet amour s’échapper. — Commandons une bouteille de vin, suggéra Crissy alors que les filles prenaient place dans le restaurant après le cours de tricot. Je ne suis vraiment pas douée en tricot ! ajouta-t- elle. — Tu n’es pas si mauvaise, dit Noëlle gentiment. — Mon amie Jan a sursauté lorsqu’elle a vu ce que j’avais tricoté. Si ça continue, vous allez passer dans le cours de niveau supérieur et moi je vais rester chez les débutantes à démêler mes pelotes de laine. Rachel rit. — Tu exagères vraiment ! Crissy s’empara de la carte de menu. — J’exagère à peine et tu le sais, tu passes ton temps à rectifier les erreurs que je fais avec mes aiguilles. Enfin, je ne devrais pas en faire tout un plat, ce n’est pas important. Même si je suis nulle en tricot, cela ne m’empêche pas d’être une femme exceptionnelle, qui a réussi une belle carrière ! — Et qui a une superbe voiture ! ajouta Noëlle. — Je dirais même une voiture de luxe ! renchérit Rachel en songeant au magnifique cabriolet que son amie venait d’acquérir. — Et j’ai des amies fantastiques, conclut Crissy, donc tout va bien. Je n’ai pas de petit ami, mais c’est un choix de ma part, je n’ai pas envie de m’encombrer l’esprit avec des histoires de coeur. Si mon seul problème est de ne pas savoir tricoter, je suppose que je n’ai pas à me plaindre. Mais je suis quand même envieuse de toutes ces filles capables de réaliser des travaux manuels. Rachel pensa à la réussite professionnelle de Crissy, qui avait lancé une chaîne de salles de sport réservées aux femmes. Elle avait ouvert quatre salles en un an et n’était pas près de s’arrêter en si bon chemin. — Toi tu es capable de faire fortune, c’est bien aussi ! Tu veux échanger ton job contre le mien ? Tu pourrais faire des travaux manuels avec mes élèves... — Non merci, sans façon ! dit Crissy en souriant. Tu fais un métier très utile, mais je préfère toucher mon salaire que le tien.
  • 43. — J’ai toujours voulu être institutrice, je m’épanouis pleinement dans mon travail, commenta Rachel. En réalité, Rachel avait surtout rêvé d’être danseuse professionnelle avant d’entamer sa carrière d’enseignante. Crissy avait maintenant le nez dans son menu. — Que commandons-nous ? Rachel, tu boiras du vin avec moi, n’est-ce pas ? Je ne veux pas être la seule à en prendre et Noëlle ne peux pas en boire puisqu’elle est enceinte. Rachel ne sut quoi répondre à son amie. Elle avait évidemment l’intention de leur dire qu’elle était enceinte, mais ne pensait pas faire cette annonce aussi précocement. — Tu vas bien Rachel ? Tu es très calme ce soir, fit remarquer Noëlle. — Oui, je vais bien, confirma Rachel. — Alors, quoi de neuf ? Au moins toi tu n’es pas enceinte comme madame ici présente, lança Crissy en regardant Noëlle d’un air complice. Rachel inspira et dit : — Eh bien si, moi aussi, je suis enceinte. Noëlle ouvrit de grands yeux. — C’est vrai Rachel ? C’est fantastique ! Crissy cligna plusieurs fois des yeux, puis leva un bras. — Serveur ! Apportez-moi une margarita. Il me faut un remontant ! Elle rebaissa le bras et s’adressa à Rachel : — Enceinte ? Tu en es sûre ? Tu vas avoir un bébé ? Rachel fit oui de la tête. — J’ai fait sept tests de grossesse différents. Il n’y a aucun doute. — Il y a donc un homme dans ta vie. Je ne savais pas que tu sortais avec quelqu’un, dit Crissy. Puis elle se tourna vers Noëlle et lui demanda : — Tu le savais toi ? — Non. Parle-nous de cet homme ! Qui est le père ? — C’est une question difficile, admit Rachel. Le serveur apporta le cocktail de Crissy et elles commandèrent leur repas. Lorsqu’il fut parti, Noëlle se pencha vers Rachel, les coudes sur la table et lui dit : — Allez, raconte-nous tout.
  • 44. Rachel avala la gorgée d’eau qu’elle venait de prendre. — D’accord, mais vous devez me promettre de ne pas mal me juger. Je n’agis jamais comme ça d’habitude, j’accepte rarement des rendez-vous galants et je ne couche jamais avec un homme dès le premier soir. — Tu veux dire que cette fois-ci tu as couché avec le type à votre premier rendez-vous ? Je suis impressionnée. Je te savais capable de tricoter, de t’occuper de jeunes enfants, mais là, tu me surprends. Donne-nous plus de détails ! Rachel leur expliqua qu’elle avait accompagné Diane dans un bar, que Carter lui avait payé un verre et qu’ils avaient commencé à discuter tous les deux. Elle leur conta ensuite que Diane avait déguerpi en la laissant seule sur place et que Carter lui avait offert de la raccompagner. — Sur le pas de ma porte, j’avais seulement l’intention de l’embrasser sur la joue. Je n’avais pas du tout prévu de perdre le contrôle de la situation comme je l’ai fait. — Eh bien ! Il doit vraiment bien embrasser ! commenta Crissy. Rachel tenta de ne pas rougir. — On s’est laissé emporter, comme dans les films. Le lendemain, il est parti très tôt parce qu’il devait aller travailler. Avant de partir, il m’a laissé son numéro de téléphone sur un bout de papier. Noëlle croisa les bras. — Vous sortez ensemble depuis un moment déjà. Pourquoi ne nous avais-tu pas encore parlé de lui ? — Nous ne sortons pas ensemble, rectifia Rachel. Crissy lâcha la paille de son verre pour prendre la parole. — Tu as rencontré un homme qui t’a tellement bien embrassée que tu n’as pas pu t’empêcher de faire l’amour avec lui, mais vous ne sortez pas ensemble ? — Je ne l’ai pas appelé. — Pourquoi ? demandèrent les deux filles en même temps. Rachel tripotait sa fourchette et sa serviette en papier. — Je ne sais pas. Je ne savais pas quoi lui dire. Il allait penser que j’étais une fille facile, alors que je ne suis pas comme ça normalement. Crissy grimaça. — C’est pour ça que tu ne l’as pas appelé ? Et Noëlle de continuer : — Rachel, je peux comprendre que tu te sentes un peu gênée, mais tu aurais pu
  • 45. demander à le revoir quand même ? Rachel ne savait honnêtement pas quoi répondre. Elle avait revu Carter et elle devait admettre qu’elle l’appréciait toujours, et plus seulement d’un point de vue sexuel. — C’est compliqué, dit-elle, j’ai pensé que la meilleure solution pour moi serait de l’éviter. — Mais tu es tombée enceinte... L’as-tu prévenu ? demanda Crissy. — Oui. En fait, je suis d’abord allée chez un avocat. Elle leur expliqua qu’elle avait voulu faire signer à Carter une décharge de responsabilité. — Il a accepté de signer ? Il a accepté de renoncer à son enfant ? balbutia Noëlle. — Non. Il a refusé. J’ai l’impression qu’il a été vexé que je lui propose cela. Ensuite, sa mère et deux de ses soeurs sont arrivées chez lui ; elles savaient déjà que j’étais enceinte. Crissy et Noëlle échangèrent un regard perplexe. Voyant cela, Rachel leur expliqua alors la discussion au sujet du bébé avec Carter dans le bar, la présence de Jenny, puis la fin de la discussion chez Carter. — Sa mère pense que nous devrions nous marier. — Elle a raison, dit Noëlle d’un ton guindé, vous allez avoir un bébé ensemble, il faut vous marier. — Nous ne sommes plus au xixc siècle, rétorqua Crissy. Les gens ne sont plus obligés de se marier pour avoir des enfants. Rachel, fais ce que tu veux. Si tu préfères être une mère célibataire, c’est ton choix. — Au niveau du travail, cela ne poserait pas de problème, dit doucement Rachel. L’année dernière, une des institutrices a eu un enfant alors qu’elle était célibataire. Noëlle se pencha vers Rachel. — Bien sûr que tu as le droit d’être une mère célibataire, mais est-ce vraiment ce que tu souhaites ? Tu sais, Dev et moi ne nous sommes pas mariés par amour, mais finalement, nous nous aimons maintenant passionnément. — Ton exemple est un cas exceptionnel, fit remarquer Crissy. Rachel, tu n’es pas obligée d’épouser un parfait inconnu. — Elle le connaît quand même un peu, puisqu’elle l’a vu entièrement nu ! renchérit Noëlle. — Qu’est-ce que tu veux faire, Rachel ? finit par demander Crissy. Rachel soupira.
  • 46. — Je ne sais pas. Carter et moi avons décidé de nous voir de temps en temps pour mieux faire connaissance, avant de décider quoi que ce soit. En plus, le mariage était l’idée de sa mère, pas la sienne. Lui n’avait pas évoqué cette solution avec moi. — S’il t’avait proposé de t’épouser, que lui aurais-tu dit ? questionna Noëlle. — Je ne sais pas non plus, admit la jeune femme. Elle repensa à la conversation qu’elle avait eue avec Carter. — Il m’a fait remarquer que je m’habillais presque comme une bonne soeur ! Noëlle fut tellement surprise par cette remarque qu’elle faillit avaler son eau de travers. Rachel ajouta : — C’est vrai que je m’habille de façon assez simple. C’est mieux lorsqu’on travaille entouré d’enfants. Vous trouvez que mon style est trop classique ? Crissy regarda son chemisier à manches courtes et sa longue jupe. — Tu ne suis pas les dernières tendances de la mode, mais tu es bien habillée. — En fait, il a réussi à tourner cette remarque sur mes vêtements en compliment. Il a dit qu’il me trouvait très attirante, même si je m’habillais comme une bonne soeur, précisa Rachel. — Elle prend sa défense, constata Noëlle, c’est bon signe. — Je ne prends pas sa défense, je vous donne des explications, protesta Rachel. — Ecoute Rachel, fais ce qui te semble bon pour toi. C’est ton bébé, alors ne laisse personne d’autre prendre des décisions à ta place. — C’est aussi le bébé de Carter, fit remarquer Noëlle, et il semble prendre sa paternité à coeur. — Oui, il veut être père. Et puis, il y a toute sa famille... Ils ont l’air très gentils. Cette famille lui rappelait d’ailleurs un peu la sienne. Pourrait-elle s’intégrer dans une nouvelle famille ? — Carter a dit que nous devrions prendre notre temps. Nous allons nous revoir et discuter davantage de la situation. — C’est bien, pas d’emballement ! — Je ne suis pas du genre à m’emballer, affirma Rachel. — La preuve ! dit Crissy en fixant des yeux le ventre de Rachel. — Oui, bon, ce soir-là, j’ai eu un moment de folie. Mais, ce que je voulais dire, c’est que je vis sans famille depuis l’âge de douze ans, donc je sais prendre soin de moi. — Maintenant, tu ne seras plus seule dans la vie, dit Noëlle.
  • 47. — Un bébé, murmura Rachel. Je ne me rends pas encore compte. Je n’ai toujours pas l’impression d’être enceinte. — Oui, ça a été pareil pour moi au début, mais je ne parlais pas du bébé, je faisais référence à Carter. — Carter ne fait pas partie de ma vie. — Je crois au contraire qu’il en fait maintenant partie pour toujours, puisque un bébé vous unit, lui dit Crissy.
  • 48. 5. Vingt minutes avant l’heure à laquelle Carter devait arriver, Rachel commença à se sentir nerveuse et à faire les cent pas. Elle savait qu’il ne venait que pour parler, mais ne pouvait s’empêcher de se rappeler ce qui s’était passé entre eux la dernière fois qu’il avait mis les pieds chez elle. Ses souvenirs étaient tellement agréables qu’elle n’avait même plus honte d’avoir cédé à la tentation. Cela dit, la grossesse l’angoissait énormément et si elle avait pu remonter le temps et empêcher la conception, elle l’aurait fait sans l’ombre d’une hésitation. Toutefois, elle ressentait encore d’exquis frissons en repensant aux mains de Carter sur son corps. Elle devrait faire bien attention à présent à ce que la scène de l’autre soir ne se reproduise pas. « Inutile de compliquer la situation encore plus », se dit-elle. Elle regarda la table de la salle à manger qu’elle venait de dresser de trois manières différentes avant d’opter finalement pour un set de table et des serviettes en papier sans prétention. Après tout, elle ne cherchait pas à le séduire ; il ne devait donc pas avoir l’impression qu’elle s’était donné du mal. Ce repas était censé n’être rien de plus qu’un simple dîner avec un ami... Un ami un peu spécial toutefois... Elle se trouvait dans un tel état d’agitation fébrile qu’elle fut soulagée lorsqu’elle entendit enfin des bruits de pas dehors. — Bonjour, dit-elle en ouvrant la porte avant même qu’il n’ait sonné. — Bonjour. Carter sourit, puis entra. — J’avais oublié qu’il y avait tant de plantes chez toi, dit-il en voyant la multitude de pots suspendus et posés à terre. — Oui, j’ai la main verte. Il lui tendit un panier. — Le dîner de madame ! s’exclama-t-il. J’espère que tu aimes les pâtes. — Bien sûr ! Tout le monde aime les pâtes. Il était beau. En règle générale, elle était attirée par des hommes aux cheveux courts, vêtus de chemises à col boutonné, et qui portaient des mocassins. Carter, lui, avait sur le dos un T-shirt rouge délavé qu’il n’avait pas pris la peine de rentrer dans son jean. Ses chaussures étaient loin d’être neuves et il ne portait pas de chaussettes. Quant à sa coiffure, des mèches blondes lui arrivaient presque au niveau des épaules.