Saint Georges, martyr, et la lègend du dragon.pptx
Elevation
1. Élévation
Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delà le soleil, par delà les éthers,
Par delà les confins des sphères étoilées,
Mon esprit, tu te meus avec agilité,
Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l'onde,
Tu sillonnes gaiement l'immensité profonde
Avec une indicible et mâle volupté.
Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides;
Va te purifier dans l'air supérieur,
Et bois, comme une pure et divine liqueur,
Le feu clair qui remplit les espaces limpides.
Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l'existence brumeuse,
Heureux celui qui peut d'une aile vigoureuse
S'élancer vers les champs lumineux et sereins;
Celui dont les pensers, comme des alouettes,
Vers les cieux le matin prennent un libre essor,
— Qui plane sur la vie, et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes!
2. — Charles Baudelaire
Elévation est le troisième poème de la section « Spleen et Idéal » de Les Fleurs
du Mal de Charles Baudelaire, après l’Albatros, qui relate la chute du poète et le
malaise qui le prend à vivre chez les hommes du commun, voilà le poème
inverse.
Le titre est polysémique : l’élévation est l’action de s’élever, le mouvement
d’ascension ; le résultat de cette action, la supériorité dans le voce liturgique, le
moment de la messe ou le prêtre éleva l’hostie.
Ce poème, composé de cinq quatrains d’alexandrins aux rimes embrassées, met
en scène le mouvement d’élévation du poète qui vit dans un monde de duel en
connaissant une libération permise par le langage poétique.
Apres la chute douloureuse et humiliante de l’Albatros, le poète change de
situation et découvre le bonheur du mouvement qui symbolise la vie (après
l’immobilisation forcée sur le navire des hommes d’équipage). Ce bonheur est
physique et spirituel, le poète est tout-puissant.
Le titre nous oriente vers une interpretation mystique.
Loin des médiocrités terrestres et des sources du Spleen, c'est dans la région
sublime de l'idéal que le poète trouve son vrai climat.
En interprétant les mystérieuses correspondances, entre le monde visible et les
réalités supérieures, la Poésie conduit en effet ses élus vers les cimes où
Baudelaire veut établir la sérénité de son rêve.
Récourant au vocabulaire du monde matériel, il crée ces impressions d'élan
spirituel, d'ascension exaltante, d'activité libre et heureuse.
C'est le comportement cruel des humains à l’égard du cœur subtil du poète dont
ils n’entendent guère le langage qui blesse le poète: le domaine de ce cœur est
donc le ciel, car c’est seulement en prenant de la hauteur qu’on peut percevoir la
vie autrement qu’un être vulgaire ; ce qui convient à cet esprit sensible, c’est
l’élévation ! Baudelaire la conseille à son âme :
Le poème s'ouvre avec un climax ascendant proche d'un mouvement d'une
caméra cinématographique, qui procède progressivement des surfaces les plus
basses, les étangs et les vallées, en s'élévant au dessus des arbres et des nuages,
jusqu' à arriver aux confins des sphères étoilées, un vers où l'on remarque un
souvenir de Platon qui décrit dans le Phédon l'ascension des âmes vers le pure
séjour supra-terrestre.
La deuxième strophe developpe la métaphore filée concernant la mer: l' esprit
du poète est comparé à un expert nageur qui sillonne cet espace ethérée :
l'attention se concentre sur le verbe pâme, qui traduit la sensation de bonheur,
d'apaisement et de soulagement de l'âme inquiète du poète; d'autres notations
positives, bon nageur, gaiment, indicible et male volupté, renforcent l'idée de
3. cette région comme la seule où le poète puisse se réaliser totallement. C'est pour
ces espaces qui est fait l'esprit du poète.
La troisème strophe introduit une sorte de monologue que le poète entretient
avec soi-même, fondé sur des impératifs qui l'invitent à s'éloigner de l'existence
banale, vulgaire, médiocre, resumée dans une sensation olfactive, les miasmes
morbides, où se mèle par un effet sonore d'allittération , le plaisir et le dégout de
la perversion; l'expression divine liqueur déjà entendue dans Fonction du poète
de Hugo reaffirme la convinction romantique de la communion entre la nature
du poète et celle de la divinité.
La quatrième strophe fait récours à une allittération entre chagrins et chargent
qui associée au mot poids exprime la condition de existence lourde, misérable,
fatiguante parce que dominée par le spleen; le poids des chagrins opprime
l'esprit du poète comme le couvercle du poème Spleen.
L'opposition est aussi entre lumière et ombre, l'existence brumeuse s'oppose aux
champs lumineux, comme dans la strophe précedente entre pureté et impureté,
miasmes morbides contre pure et purifier.
La deuxième partie de la strophe s'ouvre avec un écho de “Heureux qui comme
Ulysse” de du Bellay. (poeta del rinascimento, non mi ricorso se ve l'ho fatto
studiare).
Le poète-nageur est devenu un oiseau qui , grace à son aile vigoureuse, s'élance
vers les cieux de la Poèsie. Il est inevitable de penser à l'albatros, dont la double
condition est résumée dans cette strophe par la dicotomie de ses deux parties, l'
une montrant le poète opprimé par ses chagrins, l'autre heureux dans l'Azur de
la poésie.
La métaphore continue dans la strophe suivante jusqu' à la coupure du rythme ,
typiquement annoncée par le tiret, qui montre le poète de retour de l'expérience
exaltante de l'élévation, nourri d'une nouvelle divine connaissance qui lui a
donné le pouvoir de dechiffrer le langage sécret de la nature.
Et tout le reste est Correspondances.