Proximité terrain, rencontres avec les acteurs partenaires.
Le gouvernement mise sur la capacité de communication, de dialogue plus que sur son expertise en matière de droit du travail pour avancer sur les dossiers sociaux...
Ce "plan B" serait-il annonciateur d'une nouvelle politique de concertation, du retour de la société démocratique ?
La politique sociale francaise tiraillée de toutes parts !
Myriam El Khomri - Une communication de proximité
1. VENDREDI 4 SEPTEMBRE 2015
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L’ascensionéclairdeMyriamElKhomri
Lasecrétaired’EtatàlavilleasuccédéàFrançoisRebsamen,mercredi2septembre,auministèredutravail
L
econseildesministresdu
mercredi 2 septembre
vient de s’achever. My-
riam El Khomri se rend
dans le bureau de François Hol-
lande, qui l’attend en compagnie
du premier ministre, Manuel
Valls, du secrétaire général de
l’Elysée,Jean-PierreJouyet,etdela
directrice de cabinet de Mati-
gnon, Valérie Bédague-Hamilius.
La réunion acte la promotion de
cette jeune femme de 37 ans. Le
communiqué de presse qui an-
nonce sa nomination au poste de
ministre du travail, en remplace-
ment de François Rebsamen, est
déjà prêt. Celle qui occupait jus-
que-là la fonction de secrétaire
d’Etat chargée de la politique de la
ville a appris sa promotion deux
jours auparavant. Une ascension
fulgurante pour celle dont le pre-
mier ministre écorchait le nom il
y a encore un an.
La première réunion de travail
est courte – une demi-heure –
mais la ligne est tracée. La nou-
velle ministre doit mobiliser l’en-
semble des dispositifs déjà exis-
tants, principalement les contrats
de génération et les emplois
d’avenir, pour intensifier la lutte
contre le chômage. Elle doit égale-
ment préparer les rendez-vous
des mois à venir : la remise du
rapport Combrexelle sur l’évolu-
tion du droit du travail, la confé-
rence sociale prévue mi-octobre,
la mise en place du compte péni-
bilité et la négociation de l’assu-
rance-chômage.
« J’ai tout de suite pris cons-
cience de l’immense responsabi-
lité qui m’était confiée, assure
Mme El Khomri au Monde. Je me
suis occupée pendant un an et
demi des quartiers populaires, qui
sont ceux dans lesquels il y a mal-
heureusement les plus grands pro-
blèmes d’emploi. A travers mes
nombreux déplacements, je me
suis rendu compte qu’il y a une ur-
gence sociale chez beaucoup de
Français à laquelle ma mission
sera de répondre. »
Plan B
Après avoir été tenté par un rema-
niement de plus grande ampleur,
MM.HollandeetVallsontdoncfi-
nalementoptépourunremplace-
ment poste pour poste. Le porte-
feuille de la ville, que délaisse
Mme El Khomri, sera récupéré par
son ministre de tutelle, Patrick
Kanner.
Ce remaniement a minima aura
pris du temps. Beaucoup de
temps. Trois semaines se sont
écouléesdepuisqueFrançoisReb-
samen a annoncé sa démission
pour redevenir maire de Dijon. Le
chef de l’Etat et le premier minis-
tre ont temporisé pour observer
l’évolution de la situation à Eu-
rope Ecologie-Les Verts. « L’exécu-
tif a été attentif ces derniers jours
pour voir s’il y avait la possibilité
de constituer un bloc écologiste ré-
formateur qui aurait eu sa place
au gouvernement », explique un
conseiller. Estimant que la situa-
tion n’était pas mûre du côté des
écologistes,MM.HollandeetValls
ont finalement décidé, lundi, de
passer à un plan B, celui d’une no-
mination surprise.
Le profil de Myriam El Khomri
en dit long sur l’orientation stra-
tégique de l’exécutif. Sa jeunesse
d’abord.Ellerejointleclubdesmi-
nistres trentenaires, avec Emma-
nuel Macron (économie), Najat
Vallaud-Belkacem (éducation),
Matthias Fekl (commerce exté-
rieur) et Sylvia Pinel (logement).
« François Hollande pense que
c’est sa responsabilité de dirigeant
de favoriser le renouvellement, en
confiant davantage de responsa-
bilités à des personnalités de la
nouvelle génération et auxquelles
on n’aurait pas forcément pensé »,
explique-t-on à l’Elysée.
Myriam El Khomri est égale-
ment récompensée pour sa
loyauté envers l’exécutif. Une
constantedanslesremaniements
depuislasortiedesministrescon-
testataires Arnaud Montebourg,
Benoît Hamon et Aurélie Filip-
petti, en août 2014. Alors que se
profilent des négociations à ris-
que au sein de la majorité sur
l’évolution du droit du travail, la
nomination à ce poste-clé d’une
fidèle est une façon de verrouiller
le dispositif. La nouvelle ministre,
quin’ajamaisprofessédegrandes
convictions en la matière, ne ris-
que pas de torpiller les ambitions
réformatricesdel’exécutif,quide-
vrait continuer à piloter l’essen-
tiel du dossier.
Depuis son entrée au gouverne-
ment, en août 2014, la jeune
femme s’est attiré beaucoup d’élo-
ges de la part de MM. Hollande et
Valls. « C’est un profil différent des
noms qui ont circulé : c’est une
femme, jeune, une élue, qui a été
une ministre solide, qui a montré
qu’elle savait gérer des dossiers dif-
ficiles comme la politique de la
ville », vante-t-on à Matignon.
Au PS depuis 2002
Sa trajectoire rappelle en tout
pointcelledeNajatVallaud-Belka-
cem.NéeàRabat,d’unpèremaro-
cain et d’une mère française, My-
riam El Khomri est arrivé en
France à l’âge de 9 ans. La jeune
femme, qui rêvait d’être actrice,
entame des études de droit pu-
blic. Après le 21 avril 2002, elle
s’engage au PS et devient adjointe
à la mairie de Paris en 2008, avant
d’être porte-parole de la campa-
gne d’Anne Hidalgo en 2014.
A l’époque, elle se spécialise
danslapolitiquedelavilleetlasé-
curité.Enrevanche,ellenes’estja-
maisfrottéedirectementauxpro-
blématiques de l’emploi et au si
complexe droit du travail. « Je ne
croispasqu’onattended’unminis-
tre de connaître sur le bout des
doigts le code du travail, se dé-
fend-elle. Ma méthode, c’est d’être
sur le terrain pour mobiliser les ac-
teurs, d’être une femme de dialo-
gue et de réforme. Je n’aurai pas
peur de mettre les mains dans le
Meccano, d’ouvrir le capot. » Il
n’empêche, les partenaires so-
ciaux s’étaient plaints de la mé-
connaissance du code du travail
de la part de son prédécesseur,
François Rebsamen.
Parrapportàunprofilplustech-
nocratiquecommeceluidusecré-
taire d’Etat aux transports, Alain
Vidalies, avocat spécialiste du
droit du travail, Mme El Khomri
semble surtout avoir été choisie
pour ses talents en matière de
communication. François Hol-
lande et Manuel Valls ont particu-
lièrement apprécié sa présence
dans les quartiers sensibles après
les attentats de janvier et sa capa-
cité à discuter avec les acteurs de
Myriam El Khomri visite une agence Pôle emploi dans le 19e arrondissement de Paris, mercredi 2 septembre. ALAIN GUILHOT/DIVERGENCE POUR «LE MONDE»
« Ma méthode,
c’est d’être
sur le terrain
pour mobiliser
les acteurs,
d’être une femme
de dialogue
et de réforme »
MYRIAM EL KHOMRI
ministre du travail
la politique de la ville. La nouvelle
ministre devrait d’ailleurs faire
du « terrain », mot qu’elle brandit
à tout bout de champ, sa marque
de fabrique.
Sitôt la passation de pouvoir
réalisée, elle s’est rendue, mer-
credi, dans une agence Pôle em-
ploi du 19e arrondissement de Pa-
ris. Dans les prochains jours, elle
doit multiplier les rencontres
avec son prédécesseur, avec les
partenaires sociaux et avec le di-
recteur de Pôle emploi.
Mme El Khomri sait qu’elle est
très attendue dans les semaines
qui viennent. Avec ce nouveau
ministère, où Michel Sapin et
François Rebsamen, deux fidèles
du président, se sont abîmés poli-
tiquement en se voyant condam-
nés à commenter mois après
mois les mauvais chiffres du chô-
mage, elle change de division.
Avec en toile de fond, l’inversion
de la courbe du chômage, sur la-
quelle elle n’aura finalement que
peu de prise. Mais M. Hollande a
indexé sa participation à la pro-
chaine élection présidentielle sur
cette promesse et Myriam El
Khomri en est désormais la pre-
mière comptable. p
bastien bonnefous et nicolas
chapuis - annoté ERIC LEGER
LES DATES
18 FÉVRIER 1978
Naissance à Rabat (Maroc). Elle
vit en France depuis ses 9 ans.
MARS 2008
Elue dans le 18e arrondissement
de Paris. Elle devient en 2011, ad-
jointe à la protection de l’enfance
puis à la sécurité.
27 AOÛT 2014
Secrétaire d’Etat à la politique de
la ville du gouvernement Valls II.
2 SEPTEMBRE 2015
Ministre du travail, de l’emploi,
de la formation professionnelle
et du dialogue social