Didier Rousseau EXPANSION.COM "La règle des trois tiers est dangereuse"18 mai 2009
1. 18/05/2009
Interview
Partage des profits : "La règle des trois tiers est dangereuse"
Propos recueillis par Danièle Licata
Didier Rousseau, président de Weave, cabinet de conseil aux
entreprises, estime qu'augmenter la part de l'épargne salariale se ferait
au détriment de l'investissement. Ce qui priverait l'économie française
d'un moteur puissant.
La remise du rapport du directeur général de l'Insee, Jean-Philippe
Cotis, a relancé le débat sur le partage des profits. C'est maintenant
aux partenaires sociaux de s'emparer du dossier. Pouvez-vous nous
rappeler les conclusions du rapport ?
Le constat que dresse le rapport Cotis est simple : stabilité sur une
longue période de la part des salaires dans la valeur ajoutée (autour
des deux tiers) ; progression très faible des salaires nets depuis vingt ans
due à une croissance insuffisante et au choix d'une protection sociale
très coûteuse ; et enfin, une montée de l'emploi précaire et une
envolée des hauts salaires.
Nicolas Sarkozy avait annoncé en pleine polémique sur la rémunération
des banquiers, qu'en cas de blocage des négociations entre
partenaires sociaux, l'Etat pourrait légiférer, en souhaitant notamment
appliquer la règle des "trois tiers". Quel est votre point de vue ?
La règle, un tiers des bénéfices aux salariés, un tiers aux actionnaires
sous forme de dividendes et un tiers réinvestis dans l'entreprise, est
dangereuse. Car les profits sont aujourd'hui répartis de la manière
suivant : 57% pour l'investissement, 36% pour les revenus du capital et 7%
pour l'épargne salariale. Augmenter la part de l'épargne salariale se
ferait au détriment de l'investissement. C'est donc priver l'économie
française d'un moteur puissant.
2. Durant ces dernières années, les dépenses d'investissement n'ont cessé
de diminuer. Pourquoi ?
Et ce n'est pas fini. La dernière enquête de l'Insee montre que les
dépenses d'investissement devraient chuter de 18% cette année dans
l'industrie et de 21% dans l'industrie manufacturière. Les entreprise
françaises n'ont aujourd'hui aucune perspective. Elles se concentrent
donc sur leur trésorerie. Conséquence : elles déstockent, débauchent
et gèlent leurs investissements.
Pourquoi les salaires sont restés stables ?
D'abord, parce ce que la croissance a été très faible ces dernières
années. Ensuite, parce qu'il y a eu une envolée des emplois précaires,
peu rémunérés. Enfin, parce que c'est le prix d'une politique sociale très
protectrice.
Quelles sont vos perspectives pour les mois à venir ?
Les entreprises ont devant elles encore deux années difficiles. Car, si
pour l'heure la consommation semble résister, elle pourrait lâcher. Avec
la montée en flèche du chômage le risque est que les ménages se
mettent à épargner davantage. L'économie française n'aurait alors
plus aucun moteur.