3. Ecole nationale supérieure d’arts Paris-Cergy
DNSEP2012
la langue comme expérience
Violaine Lochu
sous la direction de Federico Nicolao
4.
5. « Elargir l’art ?
Non prends plutôt l’art avec toi pour aller
dans la voie qui est plus étroitement la
tienne. Et dégage-toi.»
Paul Celan
6.
7. 7
Ce mémoire est constitué de cinq parties. Chacune d’entre elles
regroupe une/des partitions de performances. Ce sont des textes
quej’aiécritsetquej’aiensuiteperformés/joués.Chaquepartition
estaccompagnéedenotesquisontsouventdesréflexionsautourde
la pièce. Cependant la difficulté à réaliser ce mémoire ne se situe
pastellementici.Ilyatouteunepartieinvisibleetsouterraineque
tu ne pourras lire car je ne l’ai pas écrite.Tu ne devineras que sans
doute peu le travail de chercheur, de lecteur, d’écriv(eur) qui m’a
tant nourrie. Ces 8 derniers mois ont foisonné de tentatives pour
décortiquercequejefais,saisirlesficellesdunœuddemapratique.
Essayerdelacomprendre,ladémêler,del’ouvriraumondeetdela
confronteràundomaineparticulier.Etpuisàchaqueessai,latâche
s’agrandissait.Lesujet,ouplutôtlessujets,quemontravailaborde,
passaient leur temps à m’échapper. Chacun d’entre eux était si
vaste, soulevait à lui seul tant de questions, tant de problèmes…
Jemesentaisàlafoisdépasséeparl’étenduedelatâcheetàlafois
si excitée d’en faire l’expérience. L’une des difficultés majeures
était celle d’écrire. Là où mon travail avait su aborder les choses
avec simplicité instinctive, mon écriture se faisait compliquée et
incontrôlée.Elleétaitsouventencrise,débordaitdetouslescôtés,
s’emballait d’enthousiasme angoissé. Elle s’étouffait, s’avalait
elle-même et en cela se faisait l’écho d’une difficulté à dire et à
respirer qui me préoccupe artistiquement.
introduction
8. 8
Comment écrire, situer ma pratique dans un espace plus large ?
Comment trouver ma voix au milieu d’une discussion depuis
longtemps amorcée ? Comment te décrire tout ce fertile fatras
d’interrogations mentales ? Comment être sûre que ce que je te
décrirai ne changera pas encore ? Et puis au fond, pourquoi fixer
l’insaisissable ? Pour cela, pour problématiser mon travail, j’ai
d’abord tenté d’adopter une méthode rigoureuse et scientifique,
à l’universitaire. J’ai essayé d’isoler, d’organiser, de dépiécer
ce bazar. Mais cette autre manière d’aborder les choses, de les
connaîtrem’étaitéloignée.Jenemesentaispasàmaplace,comme
contrainte à un mode d’écriture académique qui ne me convenait
pas. Ce moi, ou plutôt cet autre universitaire, n’était pas assez
solide et libre pour répondre à mes difficultés.
Bon voilà, je le confie, je le dis, je pose le problème (ou plutôt les
centaines de problèmes). Je t’expose les sujets que j’ai croisés et
tu te rendras compte par toi-même de la complexité :
Bref le langage, la parole, la langue, l’identité, le territoire, la
nationalité. Chacun de ces sujets en contient des milliers en lui-
même.Chacund’euxafaittantd’adeptesetdemortsquerienque
leur nomination nous effraie. Et puis moi, j’arrive, je me mets à
lire,desdizainesd’ouvrages,j’espèrepouvoirdirequelquechose,
encore. J’espère trouver ma place, comprendre où je me situe,
trouver ma voix, mon cri. Finalement, j’ose à peine chuchoter. Je
marche sur la pointe des pieds, sur des œufs prêts à exploser. Je
languematernelle,languevernaculaire,langued’origine,
langue interdite, langue étrangère, langue exotique,
langue minoritaire, langue adoptée, langue sociale,
langue pensée, langue balbutiante, langue chantée,
langue organe, langue intime, langue incommunicable,
languemajoritaire,languedialectale,langueimaginaire,
langueidentitaire,languenationale,languenatale,langue
amante, langue morte, langue mythique,
langue véhiculaire, langue intersistes, langue limite,
langue bégayante...
9. 9
rêve d’eux la nuit, Saussure, Deleuze, Derrida, Bailly, Lacoue-
Labarthe,Amery... L’ignorance ingénue de ces premiers pas a été
maforcecesderniersmois.CommeK.dansLechâteau,nesachant
rien, j’ose demander l’impossible :
J’yaidédiébeaucoupdetemps.Leschosesmerésistantj’aimême
tenté de défoncer les murs. Je courais à perdre haleine vers un
horizon toujours plus lointain. Je prenais sans doute du plaisir
dansledéfi,jejouissaisdepousserplusloinleslimites.Jemontais
encoreetencoreverslesommetquin’enfinissaitpasdesedérober.
Je me rassurais à transpirer, à endurer. Cette énergie incontrôlée
c’est la même dont j’use pour réaliser mes pièces. Je joue avec les
prouesses, m’angoisse de les dépasser. C’est ainsi que j’ai voulu
parler l’anglais comme un américain (Jeff Perkins) en 10 jours,
ainsi que j’ai voulu monter toute une théorie sur une Vierge de
l’humilité du quatrocento italien en faisant l’économie de son
contexte3
,ainsiquej’auraisvouluprendrepositionsurlaquestion
de la langue... Mais voilà à un moment donné, je m’épuise, et
la tempête arrive. Je suffoque, je dois m’arrêter avec toutes les
difficultés que cela comporte. Je me replie, marmonne dans mon
coin et pleure d’impatience. Et puis je m’endors d’un sommeil
« Je suis sans doute ignorant, en tous cas la vérité demeure
et c’est triste pour moi, mais cela a tout de même aussi
l’avantage que l’ignorant a plus d’audace ; c’est pourquoi
j’ai envie d’assumer encore un moment d’ignorance et ses
conséquences fâcheuses, tant que mes forces y suffiront2
. »
2
Kafka, Le château, Paris, Flammarion, 1984, p 83
3
LaViergedel’humilitéenquestionaétéréalisévers1423parGentiledaFabriano.
Elleacecideparticulierquedescalligraphiesarabessontinscritesdanssonauréole.
On peut y lire le shahada : « la ilaha illa allah » « il n’y a pas de Dieu queAllah »
c’est-à-dire la profession de foi musulmane. Ceci m’a dans un premier temps
surprise (bien que les échanges commerciaux et culturels féconds entre Florence
etl’Egypte,expliquentquedesartistesaientpufacilementrecopier,s’influencerde
calligraphies kufiques à partir de miniatures, tissus…). Puis m’a ensuite fascinée,
j’yvoyaisl’échoàtantdeproblématiquesliéesàmontravail;l’attraitverslabeauté
de l’étranger, son prélévement puis sa mise en situation dans un autre contexte, sa
porosité constante vers un ailleurs, son ado(a)ption…
10. 10
profond, d’oubli, comme apaisée par l’endorphine cérébrale. Le
réveil est long et difficile mais vous êtes là.Vous me dites qu’il ne
faut pas être déçue :
Et puis, au final j’y ai gagné à ma manière, je le verrai avec le
temps. A la base, tu me le rappelles, je ne suis pas écrivain, je
suisartiste(vraiment?).Toutecetteaventuredelectureetd’effort
d’écriture nourriront la suite. La difficulté n’est pas une sanction.
Maintenant,aprèsavoirfaitl’étatdesterritoirestraversés,jepeux
rouvrir les portes.
En chant, j’ai vécu le même type d’expérience. J’ai voulu chanter
comme les femmes des Pouilles, cette voix si puissante du sud de
l’Italie. Je suis allée là bas, j’en ai rencontrées et j’ai ingurgité.
En imitant sans connaissance la beauté de leur timbre je me suis
retrouvée aphone. C’est souvent la pire des choses que d’être
muet... Je suis revenue en France et j’ai cherché à comprendre.
Professeur de chant, orthophoniste, phoniatre, tous étaient
d’accord. En chœur ils me le disaient : « respire!». Maintenant,
J’essaie de trouver une position d’ancrage pour pouvoir respirer.
Faire en sorte que mon souffle devienne ma voix sans douleur.
Chercher les résonnances au plus profond de soi. Revenir à la
base de la matière charnelle, se masturber vocalement. Respirer,
émettre. Tout simplement. Sans épuisement.
« Vous êtes si jeune, si neuf devant les choses, que je
voudraisvousprier,autantquejesaislefaire,d’êtrepatient
en face de tout ce qui n’est pas résolu dans votre cœur.
Efforcezvousd’aimervosquestionsellesmêmes,chacune
commeunepiècequivousestfermée,commeunlivreécrit
dansunelangueétrangère(…)Nevivezpourl’instantque
dans vos questions. Peut être simplement en les vivant,
finirez vous par entrer, insensiblement, un jour, dans les
réponses4
.»
4
Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète, in Œuvre I prose, Paris, Le
seuil, 1966, p26
11. 11
Ce retour aux bases, aux sources, ce début de descente, cette
recherche d’ancrage et de position a eu lieu dans ma recherche
d’écriture du mémoire. C’est vrai, je te l’avoue, je ne suis pas
toujours satisfaite du résultat que tu as entre les mains, et puis qui
l’est entre nous? On est souvent énervés à l’idée qu’on ne pourra
pasdireexactementcequel’onvoudrait,frustrésdenepasraconter
touteslesbeautésquel’onacroisées.Jesuisunpeuinquièteparce
quetutediraspeutêtre:Quelmanquederecul!Quellefumisterie !
Quel romantisme à deux balles ! Quelle envolée lyrique ! Et puis
merde,jem’enfousaufinal.Jepensequetupeuxcomprendre,que
quiquonque a recherché, a fait l’effort d’aller au bout saura être
indulgent à mon égard (ce n’est pas non plus ça que je demande,
entendons nous bien).
Bref cette aventure du « mémoire » sans être encore effective
en soi, n’ayant pas donné le résultat auquel je m’attendais, m’a
cependantaccompagnéeceshuitderniersmois.Jen’aipasencore
le recul nécessaire pour te dire ce qui adviendra par la suite. Ce
que je peux te dire c’est qu’elle m’a pris beaucoup d’énergie. Je
n’ai pas autant produit que d’habitude. Je me suis souvent sentie
comme un citron pressé auquel on demandait encore du jus. En
faisantcet effort de déconstruction etde recentrage,je ne pouvais
plus vraiment être dans le surajout. Je cherchais une position non
dans l’excitation de l’envol, mais une position terrestre qui me
permette de tenir debout, d’être suffisamment charpentée pour
affrontertouslesvents.Jenelesuistoujourspas,occupéeàprendre
soin de mon principal défaut : celui de courir à en perdre haleine
versdesdestinéesdifficilesd’accès.Principaldéfautquiestaussi
une qualité. Mais j’essaye de ne plus le subir, de savoir qu’il est
là, d’être à l’aise avec. C’est comme les chanteurs qui font de leur
défautvocalleurempreintepersonnelle.Cetteaventure-mémoire
a aussi et surtout apporté de la matière à ma pratique, parfois de
la clarification par les mots. Elle m’a permis en me confrontant
à d’autres voix, de me situer et d’assumer d’autant plus mes
balbutiements interlinguistiques...
15. 15
1 - Stranieri ovunque....................................................13
2 - Notes.........................................................................29
Les textes de Claire Fontaine.....................................30
Réflexions sur la langue italiannique.........................32
Notes sur l’interlangue..............................................34
Inspiration.................................................................35
Partition deTu Bella/Toi Belle...................................36
Table des matières
19. 19
Gris
Vert
Orange
Rouge
Bleu
néologismes ou barbarismes, invention de
nouveaux mots italianiques.
Exemple : parlar qui vient de parlare à la place de parler.
traduction littérale d’expressions italiennes.
Exemple: ça se retrouve de front qui vientde ci si ritrova di
fronte à la place de on se trouve face à.
emprunt des mots ou expressions italiennes
employés tels quels, auxquels la langue
française attribue un sens qui n’est forcement
celui de la langue italienne.
Exemple : le terme opera sera utilisé selon son sens italien
originel (œuvre) et non pas selon le sens strict de
l’italianisme français (qui désigne un genre de récital
hanté ou le lieu où il est représenté).
accentuation italienne de termes français.
Exemple : société (avec accent sur le é final) qui vient de
sociétà.
ajouts de petites locutions propres à la langue
italienne.
Exemple : les ses relations vient de le sue relazione.
Consignes de lecture
20. 20
Bonjour à toutes et à tous,
Jevaisessayeraujourd’huid’exposerlesgrandstraitsdelapensée
del’artistecollectiveClaireFontaineafindemieuxsaisirlesenjeux
de l’œuvre Stranieri ovunque acquise par la fondation Kadist.
Cette dernière, réalisée en 2005, se présente sous la forme d’une
phraseécriteaunéonquimesure100cmdelongueur,10delargeur
et 4,5 d’épaisseur. Les mots « stranieri ovunque » sont écrits en
majuscule dans une police relativement classique. Cette œuvre
appartient à une série déclinant les termes « étrangers partout »
en plusieurs langues.
Qu’est ce que signifie faire de l’art aujourd’hui ? Y-a-t-il encore
unsensàpenserproduiredesformesnouvelles?Quellesrelations
l’artisteentretient-ilaveclesformesdepouvoir?Tellessont,entre
autres,lesgrandesquestionsauxquelless’attaqueClaireFontaine.
Nous rappellerons dans un premier temps qui est Claire Fontaine
et les raisons de sa fondation. Après avoir présenté le concept
propreàl’artistecollective,àsavoir«l’artistereadymade»,nous
verrons en quoi Stranieri ovunque est une œuvre emblématique
de la pratique de Claire Fontaine. Pour cela je m’appuierai sur les
textes écrits par l’artiste collective, tels que :Artistes ready made
et grève humaine. Quelques prècisions, Document à l’usage de
France3etNotebiographiqueainsiquesuruneinterviewréalisée
parJohnKelsey.Touscesdocumentssontdisponiblessursonsite1
.
Claire Fontaine est une artiste collective formée en 2004, vivant
à Paris et qui tire son nom d’une marque populaire de cahiers
scolastiques. Le fait de se déclarer « artiste collective » crée une
ambigüité notevole, qui lui permet de ne pas rentrer dans les
catégoriesconnuestelsque«collectifd’artiste»ou«mouvement ».
L’idée de se définir en tant que telle provient entre autre du fait
qu’aujourd’hui il est impossible de se penser autosuffichient ;
l’artiste a toujours besoin d’autres personnes qui subalpatanent
lasous-traitancedecertainsaspectsdelapièce,l’organisationdes
évènements ou encore les rapports à l’argent. De plus, selon elle/
1
http://www.clairefontaine.ws/index.html
21. 21
eux, le lavore manuel ne peut être séparé du travail intellectuel,
l’un ne prévaut pas sur l’autre. Pour ce motif, elle/ils insiste(nt)
surlefaitqueClaireFontainen’estcomposéeque«d’assistants »,
son centre de direction demeurant vide. Il est plus judicieux de
mettresousunpseudonymeletravailcollectifdeClaireFontaine ;
lapratiqueartistiquepersonnelledesmembresétantdifférenteles
uns des autres tant sur le piane qualitatif que quantitatif.
La sensation d’impotence politique, d’une manquanse de liberté
professionnelle et personnelle et d’une débolesse à résister au
système sont les éléments qui ont scaténé la naissance de Claire
Fontaine. Cette dernière est alors pensée comme un espace
d’immédiatetédanslequelonarrêteraitdequiaquéreret«d’évaluer
le pour et le contre » pour agir directement. Les modes d’actions
sont pensés autour d’un langage formel condivisé et avec comme
objectif de pratiquer, de communiquer, de sodisfare des besoins
simples.
Bien que naissant d’un certain rifiute du fonctionnement de notre
société, que l’on peut avertir dans des propos tels que « Nous
nous scontrons tous les jours contre l’inferne de la pauvreté,
contre la brutalité de l’espace quadrillé des sbires, les policiotés,
les vigiles privatés de toute espèce. (…) Nous sommes dévastés
par la violence des corps-fattes-merci qui sont l’autre face
des corps sans documents expulsés et des corps prigionniers
ammaquiés dans l’unique patumière de la société française où la
récolte différenciée n’est pas obligatoire2
.». Claire fontaine ne se
revendiquepascommepratiquantunartrévolutionnaire,ouencore
comme étant exemplaire. Elle se dit elle-même « inquinitée » par
le système « Nos corps sont les ricétacoles d’idées collectives et
de problèmes politiques qui nous traversent3
.». Elle a pleinement
conscience de ne pas être virgine, de faire partie d’une société,
d’une organisation sociale. Elle ne cherche donc pas à s’astrare
d’un fonctionnement, mais plutôt d’avoir constatemment en tête
sa propre contradiction. Elle affirme à ce propos: «Je ne suis pas
sicurequelatentativedesetireràl’extérieurdescontradictionsau
2
Claire Fontaine, Document à l’usage de France 3, op.cit.
3
ibidem
22. 22
moyend’unepositiondevérginitédonnesesfruits.ClaireFontaine
ne croit pas, à l’exemplarité et aux relations politiques et sociales
quiendérivent4
.».L’artn’auraitpasunemissionrévolutionnaire,
ne chercherait pas à interromper l’ordine des choses. La pratique
artistique serait plutôt pensée comme un moyen d’expression
d’éléments qui seraient autrement affogatés et englobés du flux
dumonde.L’artauraitenprimedetoutunrôled’accompagnateur
d’unemanifestationhumaineplusglobale:«l’artestunemanière
derestersvégliésjusqu’àcequecesmomentsseproduisent.Nous
les accompagnons là où ils se manifestent, nous n’avons pas
l’ambitsion de les produire5
.».
Unetelleconceptionduruoledel’artetdel’artistenepeutcondurer
Claire Fontaine qu’à être sceptique aux confrons du monde de
l’art contemporain qui le circonde. Seconde elle, le monde de
l’art, tout comme le reste de la nostre société, serait costitué de
subjectivités standardisées. En effet les artistes vivant seconde
les mêmes critères en seraient arrivés se somiglier tous. Cela
dériverait en partie du fait qu’il n’existerait plus ni moments ni
luogues pour coltiver sa propre exception. Les « laboratoires de
subjectivité » tels que les grandes métropoles occidentales ou les
maisons occupées seraient de toutes parts contrôlés et répréssés
de tous points de vue par le potère en charge. L’artiste croisserait
alors dans une ambiance définie, il appartiendrait à « cette masse
degensproductrice/consommatricequisespotentd’inauguration
en inauguration dans les grandes capitales, de résidence en
résidence, de fiera en biennales6
.». Formatatés par les scuoles
d’art, les mercates, les galerie, la stampe, les artistes auraient les
mêmes goustes, les mêmes vestitement, les mêmes rifériments
bien qu’ils habitent à une millaine de kilomètres de distance.
Etant confrontatés aux stesses critères de jugement, ayant accès
aux stesses mezzo techniches ils se trouvent donc de front à un
processus analogue de stimulation de créativité. Ca s’arriverait
alors à une «crise du caractère singolaire des productions ».
4
Claire Fontaine, Claire Fontaine interviewée par John Kelsey, op.cit, p2
5
ibidem
6
Claire Fontaine, Artistes ready made et grève humaine. Quelques précisions,
op.cit., p3
23. 23
Comme l’imagine Foucault, si l’ont ne gardait des opéras que les
titolesenannulantlenomdel’auteur,onferaitbeaucoupdefatigue
à remonter à la paternité du lavore.
De conséquence, dans de telles conditsions de production de la
sogetivité artistique, aldelà d’une crise de la productsion, ça se
retrouve de front à une crise de la singolarité de l’auteur. Pour
Claire fontaine on ne peut donc parler aujourd’hui que d’artistes
ready-made, d’altronde elle-même s’auto-diquiare comme ça :
« l’artiste elle-même est l’équivalent subjectif d’un orinale ou
d’une scatole Brillo, aussi en dehors de lieu, privatée de sa valeur
d’use et intercambiale comme les produits qu’elle crée7
.»
Claire Fontaine ne mire donc pas à créare des formes nuoves et
originales.Deconséquence,moultdelessesopérassontcostituées
d’imaginesoudetestespréexistants.Parésiempedanslediptyque
We are really made artist et we are all bad consumers, l’artiste
a dépeint ces phrases sur les Marylins de Warhol. Dans le cas de
Stranieri ovunuque, la phrase scrittée est le nom d’un collective
anarquiste de Torino qui combat le racisme dans les ses diverses
manifestatsions.Danscelal’artistecollectivediquiarepratiquare
de l’expropriationisme plutôt que de l’appropriationisme :
« Je cherche (…) à créare une condivisense, une accessibilité,
un réinvestissement politique de le ce que je produque. Je
n’attribusque rien à moi-stesse en tant que sujette. Je ne rube que
pour redistribuir8
. ». Ce qui est richercaté n’est pas tant le lavore
prodotté mais plutôt l’effet qu’il va émaner : « ce qu’on chiame le
nostre«lavore»n’aenquantquetelaucunintérêt,cequecompte
est ce qui attraverse de lui et malgré lui se communique, c’est ça
le valore concrète de ses contenus9
. ».
L’œuvre Stranieri ovunque apostrophe, s’impose à l’attention à
travers l’ambivalence, la polysémie innée de cette association de
paroles qui en français signifique -étrangers partout-. Le mode
7
Claire Fontaine, Note biographique, op.cit
8
Claire Fontaine, Claire Fontaine interviewée par John Kelsey, op.cit, p5
9
Claire Fontaine, Document à l’usage de France 3, op.cit.
24. 24
dans lequel l’opéra vient être présentée ne fait qu’amplifiquer
cette ambigüité : espostée sous forme de néons sur une paroi
négro, elle est coupée de dehors de le son conteste d’origine, ne
seréféricheàriendepréchis.Lasatypographiesobrenelarendque
d’autant plus neutrale, a-spatiale et atemporale. Claire Fontaine
donne trois interprétations de cette opéra dans la sa intervue avec
John Kelsey. Dans un prime temps ça pourrait se lire cette opéra
comme si elle se riférissait à les phénomènes d’immigration et
d’émigration, problèmes politiches moult actuels. D’altronde
ces notions préoccupent un sac l’artiste collective qui a scritté le
spectaculaire teste militant Etrangers partout. Les ses membres
sembrent être eux-mêmes colpités diretament parce que certains
d’euxsareberaientd’originestranière,étantallésviadeleurmaison
« sans motifs particulièrs sinon celle de ne être plus à maison
propre10
».
Puis la phrase persiste, nous interrogue nous-stesses ; si le
stranière est ovunque n’est-ce pas en nous-stesse qu’il existe en
prime luogue? N’avons-nous tous pas gia prouver une sensation
de dépossetssion en respect à l’identité présuntée que nous
raprésentons pour la société? Les principales cambes du potere
par une série d’interventes nous marquent depuis la nascite, nous
classifientsegondlenostresesse,lanostreorigine,lanostreclasse
ect…ClaireFontaineconstate«lesnoscorpssontattraverséspar
les rapports de potere et les nos divenirs orientatés des moyens
attraversés lesquels nous nous opponiamons à le stesse potere
ou nous en sposiamons les flux11
. ». L’opéra agiche donc en
ce qu’elle produche une prèse de conchience en respect à soi-
stesse. Elle interrompe le normal cours des choses, comporte
une prèse de distantse qui nous trasforme en spetatores estériores
de nous-stesses. Diventamons stranières à travers une sorte de
soste, un interstice se scave entre l’ordine instituité et la notre
appartenance à cet ultime. Chiara Fonte fait en mode que les ses
opéras innesquinent ce phénomène d’éstranation (qu’elle diche
ritrouvare chez Brecht). Parle de « prisme de le stranière » qui
10
Claire Fontaine, Note biographique, op.cit
11
Claire Fontaine, Artistes ready made et grève humaine. Quelques précisions,
op.cit., p1
25. 25
nouspermettreberait d’afferareleslégameslogichesetpolitiches
qui restannent pour la majore partie du tempo invisibiles ou pour
le moins véssutés inconschiemment. L’espérience esthétique
dève fare scattare un « spaesamente salutare » qui nous permette
de vinchérer en lucidité. Chiara Fonte avichine les effets de cet
« art comme fonte, essendant un dispositive et non un luogue de
réalisatsion de les affétivité vives12
» avec celles d’un schiopere.
Cetteultimeraprésentemoinsundiretteàlaviolentsequ’undirette
à se sostrare à celle que le donneur de lavore eserchite sur les
ses impiégates. Est la fin de les relatsions qui sottometonent les
uns à les altres. Fait perdère la familiarité avec la misère de le
sfrutatement ordinare, rend éstragnier un phénomène quotidian
et assimilité. Pouvons parlare de prochessus révolustionnare.
Nonostante comment le fare perdurare dans le tempo? Comment
créareunschiopèrevéramentradicalequiserebait unmezzo sans
fine?ChiaraFontealorsimaginesonconcheptde«grèvehumaine
qu’elle définiche cosi : « Elle est piu dgénérale de le sciopère
dgénéral et elle a pour sciope la transformatsion des relatsions
sochiales informalles qui sont à la base de la dominatsion. Le
caratèreradicaldecetypederivolteestqu’elleneconochepasde
risultate réformiste de lequel elle saverait se sodisfare13
. ».
Enultimeluogue,ChiareFontespièguequeStranieriovunque,piu
que nous interrogare sur la nostre straniété, de provoquare queste
phénomène de prèse de conchience, de «spaesamente salutare »,
requiame ce le que Gilles Deleuze quiame « la lingue dans la
lingue ». Quinde je finisque par le citare ;
“Uno stile, è riuscire a balbettare nella propria lingua (…) non
essere balbuziente nelle sue parole, ma essere balbuziente nel
linguaggio stesso. Essere come uno straniero nella sua propria
lingua. (…) Dobbiamo essere bilingue anche in una sola lingua,
dobbiamo avere una lingua minore all’interno della nostra
lingua, dobbiamo fare della nostra lingua un utilizzo minore. Il
multi-linguismo non è solo la possessione di più sistemi di cui
12
Claire Fontaine, Artistes ready made et grève humaine. Quelques précisions,
op.cit., p8
13
Ibidem, p9
26. 26
ognuno sarebbe omogeneo in se stesso; è prima la linea di fuga
o di variazione che intacca ogni sistema impedendogli di essere
omogeneo. Non parlare come un irlandese o rumeno in un’altra
lingua che la propria ma al contrario, parlare la propria lingua
come uno straniero14
”.
14 Gilles Deleuze et Félix Guattari, Kafka, pour une littérature mineure, Paris,
éditions de minuit, collection critique, 1975
30. 30
Stranieri ovunque m’a dès le premier regard interrogée. Sa
phrase résonnait en moi de sa polysémie et se faisait l’écho à
de nombreuses sensations. L’œuvre m’a tout naturellement
conduite aux textes du collectif Claire Fontaine. J’ai été frappée
par son écriture : son engagement, sa teneur, ses références. Un
contenu littéraire magnifique m’était donnée tel un readymade.
Mon intervention consistait alors à injecter formellement ce que
certains propos stipulaient.
Les textes de Claire Fontaine
31. 31
«JK:LapratiquedeClaireFontainesembletournerautourdumot
«étranger »…peux tu dire quelque chose sur ce concept – si ça en
est un – et comment il informe (infecte) tes activités et tactiques ?
CF:Lasériedesnéonsenplusieurslangues«Etrangerspartout»,
par exemple, vient du nom d’un collectif d’anarchistes de
Turin qui combat le racisme dans ses multiples manifestations.
L’ambivalencedeleurnomm’afaitpenserauxeffetsqu’ilpourrait
avoir s’il avait été matériellement déplacé dans des lieux et des
contextes différents. Il est clair qu’aujourd’hui l’immigration
et l’émigration sont plus des simples épiphénomènes liés à
l’économie. Ce sont des expériences existentielles et perceptives
à part entière.
Quant à l’étrangeté que nous pouvons tous ressentir devant un
mondeentièrementfabriquéetgouvernépardeslogiquesinsensées,
elle peut certainement être un moteur pour la lutte. Dans l’idée de
grève humaine il y a beaucoup de choses qui viennent de Brecht,
decequ’ildécritcommeunprocessusde«devenirétranger »aux
rapports de pouvoir qui nous constituent, pour produire - dans cet
intervalledufluxnormaldeschoses-desévénements.Jecroisaussi
quedansnotretravaill’usagededifférenteslanguesn’estpasune
coquetterie. Il vient du fait d’être des gens qui sont nés ailleurs et
sont partis sans une raison particulière si ce n’est que celle de ne
plusêtrechez-soi.Dansl’usaged’unelanguequin’estpaslasienne
propre se manifestent des contradictions, des rapports de force,
des violences, que la langue maternelle noie ou émousse. La lutte
aveclesensdonnealorsformeàcequeDeleuzeetGuattaridisent
trouver chez Kafka, la« langue étrangère dans la langue » et au
fondc’estbiencelle-ciquelesartistescherchentàparler.Cen’est
quedanscetteimpropriétéquigîtunepromessedecommunauté.1
»
1
Extrait de l’interview de Claire Fontaine par John Kelsey, http://www.claire-
fontaine.ws/pdf/jk_interview.pdf
32. 32
Le texte de la performance conférence sur l’œuvre Stranieri
ovunque pourrait se lire comme jouant avec certaines difficultés
liées au passage entre deux langues (ici entre le français qui
est la langue source à l’italien représentant la langue cible).
Traduire signifie : passer dans une langue à une autre en visant
à l’équivalence entre l’énoncé original et l’énoncé obtenu. La
traduction se déroule selon un processus que l’on pourrait diviser
en trois étapes majeures. Dans un premier temps on cherche à
comprendre,onassimilelesensvéhiculéparletexte.Parlasuiteon
déverbalisec'est-à-direquel’onoublielesmots,lesphrasesdebase
pour en conserver le sens. Enfin on en arrive à une réexpression ;
une reformulation du vouloir dire dans la langue cible.
Dans le cas de conférence sur l’œuvre Stranieri ovunque, on se
situedansunesortedeflottemententrelesétapesdelatraduction.
Les éléments stylistiques ne s’expriment dans aucune des deux
langues,hésitententrelesdeux.Onpourraitrapprochercetypede
langage d’une mauvaise traduction qu’aurait fait un italien d’un
texte français. Cependant nous sommes bien loin de ce type de
balbutiement,ouencored’unequelquonqueanalyselinguistique.
Les « fautes » de traduction ne sont pas des erreurs dues à un
manquedeconnaissance.Ellessontvoulues,ellessontpenséeset
recherchéesselondesrèglesbienprécisesetgarantesd’unnouveau
langage. Ce dernier pourrait se situer comme au carrefour entre
l’italien et le français, le mix de ces deux langues en donnerait
une troisième. Il se rapprocherait alors d’une langue poétique, ou
plutôt d’un exercice stylistique proche du macaronisme qui est
aussi une langue mêlée, hybride, mélangeant le latin à d’autres
dialectesoulangues:«Macaronique:espècedepoèmeburlesque
consistant en un mélange de mots de plusieurs langues, ainsi que
Réflexion sur la langue italiannique
33. 33
d’expressions de la langue vulgaire latinisée, ou de mots latins
à terminaisons modernes. Caelius Rhodiginus fait observer
que chez les italiens le mot macaroni signifie un homme d’un
comiquegrossieretparcequecettepoésieestcomposéedemotsde
diverseslanguesetd’expressionsextravagantes,ilsl’ontnommée
macaronique1
. ». Cette définition manque pourtant de rigueur
car « la vraie macaronée a ses règles 2
». L’écrivain macaronique
(Dante, Rabelais, Molière, Queneau…) prend le radicale de sa
languematernelleetyajouteuneflexionlatine.Unetellepratique
nécessiteuneprofondeconnaissancedulatin,elleoscilleentreun
amusement et une occupation très sérieuse et difficile.
Lalanguequejenommeitaliannique,dontj’usedanslaconférence-
performance Stranieri ovunque, agit de la même manière. J’ai
construitcettedernièreselondesrèglesstrictesquiprennenteffet
au fur et à mesure. Ce qui peut paraître amusant pour celui qui
n’a pas de notion de l’italien, semble logique à quelqu’un qui fait
usagedesdeuxlangues.Lalangueitalianniqueestpraticablepour
quiquonque a une pratique assidue du français et de l’italien car
elle est une interlangue.
1
Définition issue de l’Encyclopédie britannique citée par Octave Delepierre in
« Macaroneana ou mélange de littératures macaroniques des différents peuples
de l’Europe », Brighton, Ghancia, 1852, p 16
2
Octave Delepierre, ibidem, p10
34. 34
27/12/10, Evron
Voilà comment je décrirais l’apprentissage d’une
langue…
Les premiers temps, unique sensation sonore, on en-
tend la langue de l’extérieur, une sorte de musique
dans laquelle on n’attribue rien à rien.
Au fur et à mesure l’oreille se dresse, découpe et
décompose, repère les constituants, entend l’unité.
Elle finit par quitter la forme pour le contenu.
Alors commence la comparaison, comprendre l’étran-
ger en le référant à son propre système, calquer mot
pour mot, nommer, référer, contrôler ce qui reste en
dehors.
Puis, un jour la contamination a eu lieu sans qu’on
ait eu vraiment le temps de s’en apercevoir. Le mot
vient de lui-même, naturellement sans qu’on y ait
réfléchi. Il a pris la même place qu’un autre. L’ex-
pression et la syntaxe se logent dans la bouche sans
préméditation.
La langue jusque là étrangère ne l’est plus, elle
vous sort d’entre les lèvres, comme ça. Quelque part
cet apprentissage vous a fait prendre une sorte de
recul face à votre propre langue. En apprendre une
autre fait prendre conscience de phénomènes jusque
là évidents. Le mot maternel ne sonne plus aussi
bien qu’avant, on le réentend comme pour la première
fois. Il n’y a plus l’inconsistance de l’habitude,
sa matière vous revient en mémoire, ça bégaye de
nouveau, ça gazouille comme les premiers jours.
Malgré cette rupture avec la langue mère, l’autre,
l’adoptive vous reste pourtant à jamais étrangère.
L’impuissance d’y être admis totalement s’exprime
dans l’accent traitre qui démasque. Sensation d’im-
posture constante ?
C’est alors qu’arrive la langue mêlée, l’interlan-
gage. Un lien, enfin entre le couple qui s’entre-
choque.
Note d’insomnie sur l’interlangue
35. 35
C.F est un collectif qui vis à Paris fondée dans
le 2004. Après avoir pris son nom de une mark des
caiers scolastiques, C.F as définit soi même un
artist ready made et ell a commencée à élaboréer une
versions d’art neo conceptuelle qui souventes est
symilaire aux travaux de autres gens.
Ell’utilisés du neon, les vidéos, la sculpture, la
péinture et l’expression écrit, son travaux peux
être descript comment une interpellation « in pro-
gress » sur l’impotence politique et le cris de
singoularitée que aparement caractérizés l’art de
notre temps. Mais si l’artiste même est l’équiva-
lent subjectif de une toilette ou de boite brillo
autrement en dehors de lieux decontextualizée de son
valéur d’utilizarion et interchangeable commént les
produites qui fabriqués soi mêmes, sert tojours le
possibilitée d’un grêve humaine.
A l’âge de deux ans CF utilizes la freshness et la
geunesse pour transformer in singolaritée chaques
teroristés esistentielle en recherce d’emancipa-
tion subjective. Elle grandis entrés les rouines de
la fonction de l’autor en essayent avec des métodes
collectif de productions, détournement et avec la
création des différentés excamotagée pour la parta-
ger de la propriété primat e de l’esprit intellec-
tuel.
Inspiration
(Nota biografica de Claire Fontaine donnée à
traduire en français à un ami italien.)
36. 36
CetexteestlapartitiondelaperformanceTubella/Toibellependant
laquelleestdiffuséunenregistrementd’unchantpopulaireitalien
des Pouilles dont je viens chuchoter la traduction au micro. Au
départ le chuchotement est inaudible puis au fur et à mesure de
la performance le volume du chant italien s’amoindrit jusqu’à ce
que l’on n’entende plus que sa traduction française. L’italien et le
français se rejettent et se marient, cafouillent et s’affrontent dans
lecreuxdel’oreille,donnentnaissanceàunedoubleécoute,àune
langue hésitante cousine de la langue italiannique.
Partition de Tu bella/Toi belle
37. Tu bella calu tieni lu piettu tunu
Num sacciu ci so minne o so cutugne
Stateve citti, stave en silenzio
ca chiu ve le sentite lu miu cantari
Bella lu mare, bella la marina
bella la figlia de lu marinaru
Tu bella tra gli belli e tu bella sei
e tra gli belli la parma porti
O rondine ci rondinu lu mare
Ferma quannu ti dicu o doï paroli
Tu bella calu tieni lu piettu tunu
Num sacciu ci so minne o so cutugne
Stateve citti, stave en silenzio
ca chiu ve le sentite lu miu cantari
Toi ma belle tu as les pectoraux bien tendus
on sait pas si c’est des seins ou des coins
Restez en silence restez silencieux
comme ça vous l’entendez plus mon chant
Belle est la mer, belle est la marine
Belle est la fille du marin
Toi entre toutes les belles et toi belle tu es
et entre tous les beaux la parme tu portes
O petite ronde ô ronde de la mer
Arrête quand je te dis ô deux paroles
Toi ma belle tu as les pectoraux bien tendus
on sait pas si c’est des seins ou des coins
Restez en silence restez silencieux
comme ça vous l’entendez plus mon chant
Tu bella/Toi belle
41. 41
I - LSMM......................................................................43
Psaume 90.................................................................48
SalveRegina..............................................................60
II - Note d’intention.....................................................77
TABLE DES MATIERES
42.
43. 43
Lestextesquisuiventsontlespartitions-traductionsdedeuxchants
cisterciens latins (Psaume 90 et Salve regina misericordiae) en
langue des signes moniales. Je les ai performés dans la salle des
chapitres de l’abbaye de Maubuisson. Le premier, étant de nature
rythmique,étaittraduitautempodelapulsationd’unmétronome.
Le second, de caractère plus mélodique, était accompagné de la
diffusion d’une partition qui retraçait le parcours vocal du chant
d’origine1
.
1
Pour plus d’information vous pouvez consulter la note d’intention p 79
1 - LSMM
(langue des signes moniales musicale)
(Performance, 6 min, réalisée le 13/05/11 à l’abbaye de Maubuisson)
44.
45. 45
Consignes de lecture
MAJUSCULE
gris italique
I
Gris
Bleu
Orange
traduction du chant en LSM écrite
texte latin du chant
repères de pulsation
Dictionnairedelalanguedessignesfrançaise
d’autrefois, le langage de la physionomie et
du geste mis à la portée de tous, abbé Louis-
Marie Lambert, présenté parYves Delaporte,
collectionréférencesdel’ethnologie,éditions
du CTHS, Paris, 2005.
Geste des moines, regard des sourds, Aude
deSaint-Loup,YvesDelaporte,MarcRenard,
Siloë, Mayenne, 1997
www.sematos.eu/lsf.html
La suite est la description du geste à accomplir
pour traduire un terme. Les couleurs des mots
indiquent l’ouvrage dans lequel je les ai trouvés :
46. CELUI DEMEURE SOUS HAUT
Qui habitat in adiutorio Altissimi
I I I I I I
DANS PROTECTION CIEL DEMEURE
In protectione dei caeli commerabitur
I I I I I I
DIRE MAITRE SOUTIEN MIEN ET REFUGE
Dicet domino susceptor meus es tu et refugium
I I I I I I I
DIEU MIEN ESPERANCE EN LUI
Deus meus sperabo in eum
I I I I
PARCE QUE DELIVRER MOI LACET CHASSE
Quoniam ipse liberavit me de laqueo venantium
I I I I I I
ET PAROLE TROUBLE
Et a verbo aspero
I I I
psaume 90
47. EPAULES OMBRE COUVRIR
Scapulis suis ombubrabit tibi
I I I I I
ET SOUS AILES ESPERANCE
Et sub pennis euis sperabis
I I I I
BOUCLIER ENTOURER VERITE TOI
Scuto circumbabite veritas eius
I I I I I
NON CRAINDRE PEUR NUIT
Non timebis a timore nocturno
I I I I I
FLECHE VOLER JOUR
A sagitta volante in die
I I I I I
NON CHEMIN NUIT
A negotio perabulante in tenebris
I I I I I
NON CHUTE DEMONS MIDI
Ab incursu et daemonio meridiano
I I I I I
48. TOMBER A COTE MILLE
Cadent a latere tuo mille
I I I I
ET DIX MILLE DROITE TA
Et decem milla a dextris tuis
I I I I I
A TOI ENNEMI NON APPROCHER
Ad te autem non appropiquabit
I I I I
SUFFIT YEUX TES REGARDER
Verutamen occulis tuis considerabis
I I I I I I
ET PUNIR PECHE VOIR
Et retributionem peccatorum videbis
I I I I I
49. 49
1- Qui
celui : un et vous
Un s’indique par le doigt levé.
Vous avec le V dactyl tracer un demi-cercle devant
soi.
2 - Habitat
habiter : maison-coucher
maison avec les deux mains en dos d’âne exprimer la
toiture.
coucher poser la main gauche sur la main droite
étendue.
3 - In
sous on passe la main sous quelque chose.
4 - Altissimi
haut élever la main forte.
1 - Protectione
protection étendre devant soi les 2 bras comme sur
quelqu’un qu’on protège
2 - Dei
Dieu former un trinagle avec les pouces et les index levés
en tenant les autres doigts fermés.
3 - Caeli
ciel demi cercle vers la voute des cieux.
4 - Comemorabitur
reposer croiser les doigts puis croiser les bras sur le buste.
QUI1
HABITAT2
IN3
ADIUTORIO4
ALTISSIMI5
IN1
PROTECTIONE2
DEI3
CAELI4
COMEMORABITUR5
50. 50
1 - Dicet
dire placer index sur la bouche et le diriger vers la
personne à qui on dit.
2 - Domino
maître amener la m.d par un mouvement circulaire comme
sur la tête de quelqu’un placé en face.
3 - Susceptor
soutien : aider.
aider appuyer l’avant du bras gauche sur la main
droite qui le soutient.
4 - Meus
mon indiquer sur soi même avec la main sur la poitrine.
5 - Et
et le bras droit couché, agiter légèrement la main comme
pour repousser quelque chose de gauche à droite.
6 - Refugium
refuge : protéger et maison
protection étendre devant soi les 2 bras comme sur
quelqu’un qu’on protège.
maison avec les deux mains en dos d’âne exprimer la
toiture.
DICET1
DOMINO2
SUSCEPTOR3
MEUS4
ES TU ET5
REFUGIUM6
51. 51
1 - Deus
dieu former un triangle avec les pouces et les index levés
en tenant les autres doigts fermés.
2 - Sperabo
espérance placer la m.d en __| et la main gauche en __|
un peu plus en avant et leur imprimer le mouvement
du viens, viens, viens.
3 - In
en venir frapper la m.d dans la m.g.
1 - Quoniam
car la m.d étendue vient frapper dans la paume de la m.g
deux fois.
2 - Liberavit
libérer : menotte et briser
menotte fermer les poings et tenir les poignets assujetis
l’un sur l’autre comme avec des menottes.
briser séparer les deux mains ;
3 - Laqueo
lacet cordon
cordon action de l’amener en anneaux de la m.g à la
m.g ;
4 - Venantium
chassé faire glisser le poing fermé droit sur la paume de
m.g.
QUONIAM2
LIBERAVIT3
ME DE LAQUEO4
VENANTIUM5
DEUS1
SPERABO2
IN3
EUM
52. 52
1 - Et
et le bras droit couché, agiter légèrement la main comme
pour repousser quelque chose de gauche à droite.
2 - Verbo
parole : dire.
Dicet/dire : placer index sur la bouche et le diriger vers
la personne à qui on dit.
3 - Aspero
trouble rouler les bras l’un autour de l’autre.
1 - Scapulis
épaules les indiquer sur soi même.
2 - Ombrabit
ombre : nuit.
Nuit monter les mains ouvertes à hauteur d’épaule
puis les descendre en les refermant.
3 - Tibi
couvrir selon le cas en figurer l’acte.
ET1
A VERBO2
ASPERO3
SCAPULIS1
SUIS OMBRABIT2
TIBI3
53. 53
1 - Et
et le bras droit couché, agiter légèrement la main comme
pour repousser quelque chose de gauche à droite.
2 - Sub
sous on passe la main sous quelque chose.
3 - Pennis
ailes placer le bout du pouce sur le coin de la bouche en
étendant la main et en la remuant.
4 - Sperabo
espérance placer la m.d en __| et la main gauche en __|
un peu plus en avant et leur imprimer le mouvement
du viens, viens, viens.
1 - Scuto
bouclier avec le bras gauche en figurer l’usage.
2 - Cirxumbabit
entourer avec l’index de la m.d tracer comme un cercle
autour de la m.g.
3 - Veritas
verité affirmer avec le V dactyl. De la m.d.
ET1
SUB2
PENNIS3
SPERABIS4
SCUTO1
CIRCUMBABIT2
VERITAS3
EIUS4
54. 54
1 - Non
non déplacer l’index de la m.d. vers la m.g avec mouve
ment similaire de la tête.
2 - Timebis
craindre reculer et trembler des mains avec expression
analogique.
3 - Timore
peur placer la m.d sur le haut de la poitrine et exprimer la
peur avec le visage.
4 - Nocturno
Nuit monter les mains ouvertes à hauteur d’épaule puis
les descendre en les refermant.
1 - Sagita
flèche en simuler le tir.
2 - Volante
voler en figurer l’acte.
3 - Die
jour enfoncer le doigt dans la joue.
NON1
TIMEBIS2
A TIMORE3
NOCTURNO4
A SAGITA1
VOLANTE2
IN DIE3
55. 55
1 - A negotio
non déplacer l’index de la m.d. vers la m.g avec mouve
ment similaire de la tête.
2 - Perabulante
chemin l’indiquer en éloigant devant soi les deux mains
ouvertes parallèles et verticales comme deux haies.
4 - In
en venir frapper la m.d dans la m.g.
5 - Tenebris
ténèbres nuit.
Nuit monter les mains ouvertes à hauteur d’épaule puis les
decendre en les refermant.
1 - Ab
ni déplacer l’index de la m.d. vers la m.g avec mouvement
similaire de la tête.
2 - Incursu
chûte former un N dactyl avec la m.g sur la main droite
étendue puis laisser tomber.
3 - Daemonio
démon on peut en simuler les cornes.
4 - Meridiano
midi : jour et moitié
jour enfoncer le doigt dans la joue.
Moitié indiquer l’objet et coupe la paume de la m.g
avec le tranchant de la m.d.
A NEGOTIO1
PERABULANTE2
IN4
TENEBRIS5
AB1
INCURSU2
ET DAEMONIO3
MERIDIANO4
56. 56
1 - Cadent
tomber former un N dactyl avec la m.g sur la main droite
étendue puis laisser tomber.
2 - A Latere
côté mettre la m.g paralallement sur la m.d puis ouvrir
comme une porte.
3 - Mille
Mille ouvrir les mains à hauteur d’épaule et les agiter trois
fois.
1 - Et
et le bras droit couché, agiter légèrement la main comme
pour repousser quelque chose de gauche à droite.
2 - Decem
dix : l’indiquer avec les doigts ouverts.
3 - Mille
Mille ouvrir les mains à hauteur d’épaule et les agiter trois
fois.
4- Dextris
droite l’indiquer avec la main droite levée.
CADENT1
A LATERE2
TUO MILLE3
ET1
DECEM2
MILLE3
A DEXTRIS4
TUIS
57. 57
1 - Ad te
à toi indiquer celui à qui on parle.
2 - Autem
ennemi darder l’un contre l’autre l’index de chaque main
comme une épée.
3 - Non
non déplacer l’index de la m.d. vers la m.g avec mouve
ment similaire de la tête.
4 - Apropiquabit
approcher rapprocher en deux ou trois temps la m.d de la
m.g sur la poitrine.
1 - Verutamen
suffire : assez
assez : passer deux ou trois fois la m.d ouverte
comme un niveau sur la m.g placée verticalement.
2 - Oculis
œil le désigner sur soi.
3 - Considerabis
regarder placer l’index et le medium en V sous les yeux et
le diriger vers l’objet que l’on voit.
AD1
TE AUTEM2
NON3
APROPIQUABIT4
VERUTAMEN1
OCULIS2
TUIS CONSIDERABIS3
58. 58
1 - Retributiomem
châtiment : punir
punir : frapper avec force le poignet droit sur le
poignet gauche, disposés comme dans une menotte.
2 - Peccatorum/
Pêché se frapper la poitrine ;
3 - Videbis
voir placer l’index et le medium en V sous les yeux et le
diriger vers l’objet que l’on voit.
RETRIBUTIONEM1
PECCATORUM2
VIDEBIS3
59.
60. SA LVE, RE GI NA MI SE RI COR DI AE
Sa lut, Rei ne mi sé ri cor de,
I- Salut à toi ô reine de Miséricorde
VI TA, DULCE DO ET SPES NOS TRA, SAL VE
vie, dou ceur, espérance nô tre, sa lut
II- O vie, ô douceur, notre espérance, salut,
AD TE CLAMA MUS, E XU LES FI LII E VAE
A toi cr ier ex hil fi ls e ve
III- Enfants d’Ève, nous crions vers toi dans notre exil,
Salve regina misericordiae
61. E I A ERGO, ADVOCA TA NOSTRA, ILLOS TU OS MISERICOR DES
S’il vous plait, avoca te no tre, tourne tes mi sé ri cor des
O CULOS AD NOS CON CER TE
yeux vers nous com pa ti ssants
ET IE SUM, BE NE DIC TUM FRUCTUM VENTRIS TU I
Et Jé sus bé ni fru it ventre toi
VI- Et Jésus, le fruit béni de tes entrailles,
AD TE SUSPIRA MUS GEMENTES ET FLENTES IN HAC LA CRIMA RUM VA LLE
A toi gé mir sou pi rer pleurs par mi lar mes va llée
IV- Vers toi nous soupirons parmi les cris et les pleurs dans cette vallée de larmes.
V- O toi notre avocate, tournez vers nous vos yeux plein de bonté.
62. NO BIS POST HOC E XI LI UM OS TENDE
No tre après cet e xi il mon trer.
VII- après cet exil montre le nous.
O CLE MENS, O PI A
o cle mence, o pi tié
O DUL CIS MA RI A!
o dou ceur, Ma rie
VIII- Ô clémente, ô bonne, ô douce Marie !
63.
64. Salut à toi ô reine de Miséricorde
SALVE, REGISNA MISERICORDIAE
Salut, Reine miséricorde,
O vie, ô douceur, notre espérance, salut,
VITA, DULCEDO ET SPES NOSTRA, SALVE
vie, douceur, espérance nôtre, salut.
Enfants d'Ève, nous crions vers toi dans notre exil,
AD TE CLAMAMUS, EXULES FILII EVAE
Toi crier exil fils Eve
Vers toi nous soupirons parmi les cris et les pleurs
AD TE SUSPIRAMUS, GEMENTES ET FLENTES
A toi gémir soupirer pleurs
dans cette vallée de larmes.
IN HAC LACRIMARUM VALLE
parmi larmes vallée
Salve regina misericordia
I
II
III
IV
65. O toi notre avocate,
EIA ERGO, ADVOCATA NOSTRA,
S’il vous plait, avocate notre,
tournez vers nous vos yeux plein de bonté.
ILLOS TUOS MISERICORDES
tourne tes miséricordes
OCULOS AD NOS CONCERTE
yeux vers nous compatissants
Et Jésus, le fruit béni de tes entrailles,
ET IESUM, BENEDICTUM FRUCTUM VENTRIS TUI
Et Jésus, béni fruit ventre toi
Après cet exil montre le nous.
NOBIS POST HOC EXILIUM OSTENDE
Notre après cet exil montrer.
Ô clémente, ô bonne, ô douce Marie !
O CLEMENS, O PIA, O DULCIS MARIA!
O clemence, o pitié, o douceur, Marie
V
VI
VII
VIII
66. 66
1- Salut
salve le cas en précise l’acte
2 - Reine
regina : femme roi
femme indiquer sur la joue et descendant sous le
menton le ruban de la coiffe.
roi indiquer avec les mains une couronne sur la tête.
3 - Misericordiae
Miséricordes : cœur pardonné
cœur : décrire un cœur sur la poitrine avec les index
pardonner : pêché effacé
pêché se frapper la poitrine
effacer passer la m.d fermée sur la paume de
la main gauche.
I Salve1
, Regina2
misericordiae3
67. 67
1 - Vita
vie remonter le long des flancs le « N » dactyl. Avec
expression d’animation.
2 - Dulcedo
douceur mettre le bout du doigt entre les lèvres qu’on
remue doucement.
3 - Spes
espérance placer la m.d en __| et la main gauche en
__| un peu plus en avant et leur imprimer le mouvement du
viens, viens, viens.
4 - Nostra
notre plaquer le N dactyl. Sur la poitrine puis décrire à
l’aide de l’index deux cercles de gauche à droite devant soi.
5 - Salut
salve le cas en précise l’acte
II Vita1
, dulcedo2
et spes3
nostra4
, salve5
68. 68
1 - Ad te
à toi indiquer celui à qui on parle.
2 - Claramus
crier prendre un cri sur sa bouche et le lancer dans la
direction voulue.
3 - Exhules
exilé : chassé
chassé faire glisser le poing fermé droit sur la paume
de m.g.
4 - Filii
fils ou enfant remuer le petit doigt entre les lèvres.
5 - Evae
eve : femme première
femme passer deux doigts autour du front.
premier donné à l’index levé un léger mouvement.
III Ad1
te clamamus2,
exules3
filii4
Evae5
69. 69
1 - Ad te
à toi indiquer celui à qui on parle.
2 - Suspiramus
soupirer : soupir fatigue
soupir en exprimer l’acte.
fatigue mettre les paumes des deux mains contre la
poitrine, la m.d en haut et la m.g en bas et inverser.
3 - Gementes
cris prendre un cri sur sa bouche et le lancer dans la
direction voulue.
4 - Et
et le bras droit couché, agiter légèrement la main comme
pour repousser quelque chose de gauche à droite.
5 - Flentes
pleurs avec l’index de chaque main indiquer
alternativement comme des larmes qui coulent des yeux.
6 - In hac
parmi lever le petit doigt et le pouce du poing fermé et
venir taper sur la paume de la m.g.
7 - Lacrimarum
larmes fomer une boucle avec l’index et le pouce et
descendre le long de la joue.
8 - Valle
vallée : montagne
montagne avec les mains en dessiner les sinuosités
montantes et descendantes.
IV Ad te1
suspiramus2
, gementes3
et flentes4
in hac5
lacrimarum6
valle7
70. 70
1 - Eia ergo
s’il vous plait : je prie
prier joindre les mains, les doigts entrelacés.
2 - Advocata
avocate : Marie est l’avocate des pêcheurs : Marie pêché
aider
marie : femme dieu
femme passer deux doigts autour du front
dieu former un triangle avec les pouces et
les index levés en tenant les autres doigts fermés.
3 - Nostra
notre plaquer le N dactyl. Sur la poitrine puis décrire à
l’aide de l’index deux cercles de gauche à droite devant soi.
4 - Illos
tourner m.d en griffe effectue trois tours devant la poitrine.
5 - Tuos
tes : toi
toi indiquer celui à qui on parle.
6 - Misericordiae
miséricordes : cœur pardonné
cœur décrire un cœur sur la poitrine avec les index
pardonner : pêché effacé
pêché se frapper la poitrine
effacer passer la m.d fermée sur la paume de
la main gauche.
V Eia ergo1
, advocata2
nostra3
,illos4
tuos5
misericordes6
oculos7
ad nos8
concerte9
71. 71
7 - Oculos
yeux : œil
Œil : l’indiquer sur soi même
8 - Ad
vers : geste ou mouvement indicateur _ souvent le cas et
l’objet en précise le signe.
9 - Nos
nous : décrire un cercle de gauche à droite devant soi à
l’aide de l’index.
10 - Concerte
compatissant : bon compassion
Bon passer doucement à plusieurs reprises sur la
poitrine la main étendue.
Compassion avec le médius de la m.d se piquer le
cœur avec expression analogue.
72. 72
1 - Et
et le bras droit couché, agiter légèrement la main comme
pour repousser quelque chose de gauche à droite.
2 - Iesum
jésus : le signe de dieu et de croix.
dieu former un triangle avec les pouces et les index
levés en tenant les autres doigts fermés.
croix croiser les index sans les remuer.
3 - Bénedictum
béni décrire une croix en l’air avec la main étendue.
4 - Fructum
fruit frapper du creux de la main le coude gauche en tenant
l’avant bras élevé.
5 - Ventris
entrailles : entrailles de mère : mère, cœur, tendre
mère : femme enfantant
femme : passer deux doigts autour du front
enfanter : appuyer les deux mains ouvertes
sur les flancs, les ramener l’une vers l’autre
en avant.
cœur : décrire un cœur sur la poitrine avec l’index.
tendre : action de pétrir ou palper quelque chose de
mou.
VI Et1
Iesum2
, benedictum3
fructum4
ventris5
tui6
73. 73
1 - Nobis
notre plaquer le N dactyl. Sur la poitrine puis décrire à
l’aide de l’index deux cercles de gauche à droite devant soi.
2 - Post hoc
après porter la main étendue près de la hanche en la
mouvant en arrière.
3 - Exilium
exilé : chassé
chassé faire glisser le poing fermé droit sur la paume
de m.g.
4 - Ostende
montrer présenter la main gauche ouverte et y porter
l’index et le doigt du milieu, s.indicatif.
VII Nobis1
post2
hoc exilium3
ostende4
74. 74
1 - O
o traduire le vocalise par une vaguelette avec la main
2 - Clemens
clément : Cœur pardonnant
cœur décrire un cœur sur la poitrine avec l’index.
pardonner : pêché effacé
pêché se frapper la poitrine
effacer passer la m.d fermée sur la paume de
la main gauche.
3 - O
o traduire le vocalise par une vaguelette avec la main
4 - Pia
piété : dieu aimé
dieu former un triangle avec les pouces et les index
levés en tenant les autres doigts fermés.
aimer placer une des deux mains sur le cœur avec
expression analogue.
5 - Dulcis
douceur mettre le bout du doigt entre les lèvres qu’on
remue doucement.
6 - Maria
marie : le signe de femme et de dieu
femme passer deux doigts autour du front
dieu former un triangle avec les pouces et les index
levés en tenant les autres doigts fermés.
VIII O1
clemens2
, o3
pia4
, o5
dulcis6
Maria7
75.
76.
77. 77
2 - Note d’intention
(rédigée à l’intention du site d’art
contemporain de l’abbaye de Maubuisson
enamontdelaréalisationdelaperformance)
78. 78
Réaliser un projet à l’abbaye de Maubuisson m’a forcement
amenée à me pencher sur deux aspects qui sont récurrents dans
ma pratique artistique à savoir le langage et la musique. Hors le
propred’uneabbayecistercienne,commecelledeMaubuisson,est
sans doute son ambiance silencieuse. La parole était proscrite en
dehorsdelasalledeschapitres,lieuoùonseréunissaitl’ensemble
des membres de l’abbaye pour organiser la vie collective mais
surtout pour faire la lecture des chapitres du jour, se confesser,
chanter.Dansunpremiertempsjeprésenteraibrièvementcequ’est
laLanguedesSignesdesMoinesetlechantcistercien.Parlasuite
je décrirai la manière dont je prépare ma performance et la mise
en œuvre de cette dernière.
La moniale était toujours en position de priante, en permanence
attentiveàlaparoledeDieu.Riennedevaitdoncperturbersapaix
intérieure,cetteconversationsacréepermanente.C’estpourcette
raison, que les abbayes cisterciennes étaient souvent bâties dans
deslieuxreculés,queleursarchitecturesétaientépurées,etsurtout
que le temps de parole était extrêmement modéré. Les moniales
faisaient « vœu de silence» cela signifiait qu’elles réservaient
l’usagedelavoixauxdialoguescommunautairesetauxentretiens
personnels avec le supérieur. La conversation spontanée était
réservéeàderaresoccasionsspéciales.Afindecommuniquerdans
1 - Deux langages…
a - La LSM
79. 79
le quotidien, les moniales développèrent une langue des signes
quicouvraitledomainedelaviemonastique;nourriture,boisson,
objetsliturgiques,membresdelacommunauté,bâtiments…Aux
277 signes codifiés s’en rajoutèrent d’autres issus du contexte
particulier ou de l’imagination des moniales. Ce système de
communicationpeutêtredéfinicommeunelangueetnoncomme
un simple français signé ou encore des codes frustres, dans la
mesureoùilremplittouteslesfonctionscomplexesattribuéesaux
languesnaturelles(commel’humouretlamétaphoreparexemple).
Comme la langue vocale possède des phonèmes, la LSM a des
gestèmes.
« L’originalité du système monastique vient de s’être imposé une
contrainte volontaire, alors qu’il n’y avait pas d’obstacle concret
pourcommuniqueroralement,cequejustifiaientdansd’autrescas
la distance, les échanges avec des étrangers, le besoin d’un secret
d’initiés qui ne pouvaient s’isoler, l’effet amplificateur du geste
qui soutient et garantit la portée d’un discours ou d’un serment
etc.…Etenréalitépourlesmoinesderéserverlaparoleauxsujets
divins dans les moments et des lieux choisis.1
»
L’un des lieux et moment choisis était la récitation de psaumes,
d’antiennes, de versets, de compiles chantés dans la salle du
chapitre.Lechantcistercienestuneréformedeschantsgrégoriens
par Bernard de Clairvaux. Tout comme le chant grégorien, ce
type de chant est sacré, anonyme, interprété par un chœur ou un
soliste et destiné à soutenir le texte liturgique en latin. En effet
cettemusiquerécitativeprendsonoriginedansletexteetfavorise
l’intériorisationetlaconsciencedesparoleschantées.Ilexistedeux
grands types de passages. Les premiers sont les psalmodiques ou
syllabique dont le rythme provient des paroles et où l’on récite le
textesurunenoteunique.D’autrespassagessontditsneumatiques
1
Aude de saint loup « vie des signes monastiques dans l’histoire » in Gestes
des moines, regard des sourds, Aude de Saint Loup, Yves Delaporte et Marc
Renard, Siloé, collections rencontres, Laval, 1997
b - Le chant cistercien
80. 80
ou mélismatiques ce qui signifie qu’une syllabe est chargée de
plusieurs notes, la mélodie est prépondérante.
Ainsi une même personne (en occurrence une moniale) portait
en elle deux types de langages très différents et étanches l’un
à l’autre. Le latin est vocal et destiné à dieu tandis que l’autre
est gestuel, réservé aux tâches triviales et quotidiennes et sert
à la communication avec d’autres bas-mortels. Mon idée est
d’entrecroiser ces deux langues, créer une confusion dans l’ordre
établi. Je traduis des chants cisterciens en langue des signes.
LatraductiondulatinenLSMcomportedenombreusesdifficultés.
La première d’entre elles est de trouver des ouvrages tels des
dictionnaires ou des méthodes nécessaires à la traduction. La
transcription écrite de la LSM n’est venue que tardivement par
rapportàl’anciennetédesapratique.Maissurtoutl’écrits’estvoulu
dès le début restrictif par rapport à l’imagination débordante des
moines qui en étaient arrivés à tout dire. Car rappelons que « (…)
le point de départ de ce système n’était pas de substituer un mode
de communication à un autre mais de limiter les conversations
au strict minimum2
. ». De plus l’écrit permet d’harmoniser, de
réduire à une base commune la diversité des langues gestuelles
pratiquées différemment dans chaque abbaye. En somme, l’écrit
amène à un contrôle de la part des supérieurs de l’église sur les
moines. Le catalogue le plus riche de la langue des moines est
sans aucun doute Le langage par signes chez les moines. Un
catalogue des signes de l’abbaye de Fleury de Davril Anselme3
qui est cependant rédigé en latin (que je ne comprends pas). J’ai
2
Aude de saint loup « vie des signes monastiques dans l’histoire », opus cit, p 50
3
« Le langage par signes chez les moines. Un catalogue des signes de l’abbaye de
Fleury », DavrilAnselme, in Sous la règle de saint Benoît structures monastiques
et sociétés en France du Moyen Age à l’époque moderne, colloque (Paris 1980),
collection Centre de recherches d’histoire et de philologie de la IV°section de
l’Ecole pratique des Hautes Etudes ; V . Hautes études médiévales et modernes,
librairie Droz, Genève, 1982
2 -La performance
a -Passage du latin à la langue des signes
81. 81
par la suite trouvé un ouvrage contenant un catalogue en français
; Gestes des moines, regard des sourds4
. Cependant les termes
rapportés sont en nombre très limités (pour les raisons que j’ai
expliquées avant). J’ai donc eu besoin d’un dictionnaire plus
complet pour réaliser une traduction intégrale des chants. Pour
cela j’ai utilisé le Dictionnaire de la langue des signes française
d’autrefois5
. Ce dernier est au plus proche de ma démarche pour
deux raisons fondamentales. D’une c’est le premier dictionnaire
bilingue LSF français qui prend pour parti de mettre en place une
traduction la plus ouverte possible. Elle laisse une grande liberté
àceluiquil’interprète,n’amèneversquelquechosed’apprisetde
figécommelaLanguedesSourdsFrançaisd’aujourd’hui.Elleest
« plutôt un stimulant et à un appel à la nature, qu’une pédagogie
descriptive de la position des bras et des mains6
. ». L’approche
instinctive se prêtait plus à mon projet, me laissait davantage de
liberté que la LSF contemporaine. De plus ce dictionnaire a été
écritparunhommed’église,bonnombredetermesreligieux(qui
reviennent souvent dans les chants) sont décrits avec précisions.
Je pense notamment au terme avocate, l’abbé précise « Marie est
l’avocate des pêcheurs7
» et donne une indication précise quant
à la manière de traduire ce concept religieux, tandis qu’un autre
dictionnaire de LSF de taille équivalente ne signale que avocate,
dans son sens le plus connu, celui qui travaille au tribunal.
En dernier cas j’ai utilisé un dictionnaire de LSF8
pour les termes
que je n’arrivais pas à trouver ailleurs, ou alors dont la gestuelle
meparaissaitplusadaptée(plusexpressivegestuellementparlant).
Si je précise mes sources c’est parce que chacune d’entres elles a
une manière différente de transcrire la langue des signes. En effet
iln’existepasdesystèmed’écriturepropreàcettelangue,onpeut
4
Gestes des moines, regard des sourds, opus.cit
5
Dictionnaire de la langue des signes française d’autrefois, le langage de la
physionomie et du geste mis à la portée de tous, abbé Louis-Marie Lambert,
présenté par Yves Delaporte,collection références de l’ethnologie, éditions du
CTHS, Paris, 2005.
6
L’abbé Lambert in Dictionnaire de la langue des signes française d’autre-
fois, le langage de la physionomie et du geste mis à la portée de tous, opus
cit., p 16
7
Ibidem, p 126
8
www.sematos.eu/lsf.html
82. 82
utiliserdesdessins,desvidéosmaissurtoutdesdescriptions.Celles
de l’abbé sont plus ou moins précises et datées, celles des moines
sont allusives tandis que celles de la LSF sont plus arrêtées. Ces
phrases laissent plus ou moins une interprétation de la part de
celui qui s’en empare et sont différentes les unes des autres dans
la description d’un geste, je les trouve presque poétiques. Elles
sont lisibles sur la partition9
.
Lelangagegestuelquejemetsenœuvren’estdoncpasl’application
de la LSM, qu’il m’est impossible de reconstituer avec le peu de
sources que j’ai, mais plutôt un collage entre différentes langues
des signes. Cette idée de « collage » ne peut être que d’autant plus
mise en avant avec le fait que j’ai composé les traductions des
chantsnonpasdansl’idéed’unetraductionausensstrictduterme
(danslebutdecommuniqueràdessourdsuncontenusémantique),
maisaveccommeobjectifd’accompagnerunchant,d’êtreauplus
près de sa structure musicale. Ce que j’articule gestuellement ne
peutdoncpasêtreconsidérécommelangageausensstrictduterme.
«Aucun ne contestera que son apprentissage (de la LSF) requiert
autant d’efforts que celui de n’importe quelle langue étrangère ;
et tous savent que la part la plus difficile est précisément celle
qui, fondée sur des structures de transfert, nécessite l’acquisition
de subtiles stratégies et l’abandon de toute référence à la logique
linéaire et discontinue des langues vocales10
.»
9
pour la réalisation de ma performance j’ai réalisé une partition qui reprend
chaque phrase descriptive du signe interprété. La source de chaque élément est
signalée par une couleur.
10
Yves delaporte « présentation dictionnaire de la langue des signes » in
Dictionnaire de la langue des signes française d’autrefois, le langage de la
physionomie et du geste mis à la portée de tous, opus cit.
83. 83
b - Traduction du chant
Comment traduire un chant ? Déjà d’une langue vocale à une
autre le chant, tout comme la poésie, est une forme difficilement
traduisible:commentêtreprochedusensdutextetoutenrentrant
dans la structure rythmique et mélodique de base ? Dans le cas de
la traduction en LSMM, on ne peut pas calquer la rythmique du
textechantésurceluiparlégestuellement(commeonpeutlefaire
par exemple avec d’un chant en italien vers le français). Un mot
quicomporteplusieurssyllabescommeparexemple«espérance »
se traduit par un unique signe. Par conséquent c’est la manière
d’enchaîner,dedéployerlessignesdansl’espacequivontpouvoir
donneruneidéedelavaleurmusicaleduchanttraduit.Lalongueur
dudéploiementdugeste,sonenchainementaveclesignesuivant,
son expression, donneront une idée du rythme, des liaisons, des
nuances, voire de la mélodie du chant cistercien.
Il existe des traductions en LSF de certaines chansons, et même
une fête de la musique pour les malentendants11
. J’ai pu voir
sur internet des clips ou des concerts en LSF12
. Le traducteur
évoque corporellement le chant, il est à la limite de la danse et du
langage13
. Même pour celui qui ne comprend pas la LSF, on peut
pourtant ressentir la cadence, l’univers du chant en regardant le
traducteur.D’unepartparcequecertainssignessontassezfacilesà
comprendre,assezlittérauxdansleurimage.D’autrepartparceque
la personne déploie ses mouvements selon une certaine énergie.
11
L’association sourds du Morbihan a organisé l’an dernier la fête
des mains, une fête de la musique pour les sourds qui a lieu le 20 juin
2009 à Vannes http://www.unapeda.asso.fr/article.php3?id_article=834
12
On peut regarder des clips en LSF sur http://www.websourd.org/spip.
php?article118875
13
Le chorégraphe Philippe Découflé s’empare de cette danse de la langue des
signe notamment dans ce clip du p’tit bal :
http://www.dailymotion.com/video/xt5qn_philippe-decoufle-le-p-tit-bal_mu-
sic
84. 84
Dans le cas de la performance LSMM, je ne veux pas qu’on
entende le chant cistercien initial. La traduction musicale se fera
visuellement, à la fois à travers le rythme et l’expression de mes
gestes.Jeveuxquelechantsoitressentiautrementqueparl’écoute.
La performance se déroulera en deux temps. La première partie
est la « traduction » du Psaume 90 Scuto circumdabit te veritas
eius/Savéritét’entoureracommeunbouclier,tunecraindraspas
les terreurs de la nuit qui est récité le soir à l’office des complies,
l’undesderniersdelajournée,quiévoquelapromessed’unenuit
apaisée. Comme je le disais plus haut, le psaume a la particularité
d’être récité sur une même note et dans le cas de celui-ci sur des
structures rythmiques régulières à un tempo de 64 à la noire. Lors
de cette première partie je traduirai ce chant selon le tempo et le
rythme du chant initial. Le son d’un métronome viendra donner
la pulsation à cette traduction..
La deuxième partie est la traduction de l’antienne Salve regina
misericordiae/Salut reine des miséricordes qui est récité chaque
soir de l’année à la fin des compiles. Ce chant est mélismatique,
c'est-à-dire que l’aspect mélodique prédomine. Je traduirai de la
mêmemanièrecechantenLSMMtandisqueseraprojetéederrière
moilapartition14
decemorceau.Lesneumespasserontdunoirau
gris au fur et à mesure de l’avancée du morceau, comme le font
les paroles des chants karaokés.
14
cf p 62
c - Mise en place de la performance
89. 89
1 - Salvons le stranièrois !..............................91
(performance, environ 3 heures, réalisée le 7/10/11
lors de la semaine FRASQ au Générateur)
Pétition signée le 7/10/11.......................................106
2 - Stranièrois..............................................................109
(sommaire et premier chapitre du Que sais-je sur le peuple stranièrois)
3 - Les nouilles quitareux au conilliou de pommé...123
(recette stranièroise extraite de l’encyclopédie wikipédia)
4 - notes.......................................................................129
Table des matières
90.
91. 91
Ce texte accompagné d’images est la transcription d’une
performance qui consistait à présenter un mouvement militant
nommé Salvons le Stranièrois, défenseur d’une culture et d’une
langue aujourd’hui disparues. S’en suit la pétition avec les
signatures récoltées lors de la performance.
1 - Salvons le stranièrois
(performance, environ 3 heures, réalisée le 7/10/11, FRASQ au Générateur)
93. 93
Bonjour à toutes et à tous,
Jemeprésente,jesuisViolaineLochu,unedesreprésentantesdu
mouvement Salvons le stranierois. Je chercherai à vous décrire
toutaulongdecetteprésentationcequ’estSalvonslestranierois.
Dans un premier temps je ferai un bref retour historique pour
rappeler ce que sont la langue et la culture stranièroises. Je
présenterai ensuite les membres de notre bureau ainsi que nos
objectifs et activités.
Je suppose que peu d’entre vous connaissent le stranièrois. C’est
en effet une langue qui a quasiment disparue et qui n’a jamais
eu beaucoup de locuteurs. Le stranièrois est né en Mayenne, un
départementdel’ouestdelaFrancequisesitueentreRennesetLe
mans.Ilétaitsurtoutparléparlaminoritéstranièroiseauxalentours
d’Evron,c’est-à-direaunordestdelaMayenne.Cettelangueestun
savantmélangedegrammaireitaliennedesonoritésmayennaises
etd’expressionsd’autreslanguesd’oïl.Pourcomprendrecomment
apunaîtreunetellelangueàcetendroit,ilestnécessairederappeler
l’histoire des stranièrois.
Le peuple stranièrois s’est réfugié au XVIe en Mayenne pour
des motifs politiques et religieux. En effet c’est une communauté
italiennequiaduquitterlesAbruzzessuiteàl’inquisitionitalienne
duXVesiècle.Lesstranièrois,alorsappelésstrangipi,pratiquaient
unritetrèsspécifiquequel’égliseavaitjugéàl’époquehérétique.
Malgré les interdictions du clergé, le peuple continue à adorer
saintDominicodiCucolloetsesserpents.Laterriblenuitdu7mai
Le stranièrois
Le peuple stranièrois
94. 94
1477, les inquisiteurs mènent au bûcher les prêtres stranièrois
accusés de profanation. S’en suit une rébellion dans le village de
Prezzaoùleshabitantsstranièroisessayèrentdesauverleurcuréet
s’attaquèrentauxautorités.Lesinquisiteurs,aidésdelapopulation
locale, se mettent alors à traquer et assassiner l’ensemble des
stranièrois. En quelques semaines, la population stranièroise est
décimée.
LepeuderescapésdecemassacrequittelesAbruzzes;commencent
alors de dures années d’exil pendant lesquelles les stranièrois
cherchent un endroit où s’établir. Leur quête les mène dans le
nord de la France et plus précisément dans l’actuelle Mayenne.
Acette époque la Mayenne sort d’une longue période de guerre
éprouvante. Les anglais au cours de randonnées dévastatrices
La Mayenne, territoire du stranièrois
95. 95
avaient mis à sac des villages, réduisant à néant de nombreuses
airesd’agriculture.Leslocauxontbesoindemaind’œuvreetsont
intéressés par les nombreuses connaissances des stranièrois. En
effet ceux-ci leur font découvrir entre autre l’usage de la chaux
pour rendre plus fertile les terrains de plantation. Les seigneurs
locaux accueillent et garantissent la sécurité aux stranièrois sous
certainesconditions(lourdimpôtfoncier,libertédeculterestreinte,
interdiction de prosélytisme, incapacité juridique).
C’estainsiquelesstranièroiss’établissentauxalentoursd’Evronen
1581.IlsconstruisentunechapellesurleMontaiguoùilsdéposent
les reliques de Saint Dominico di Cucullo et fondent le village de
Stramière(actuellementHambers).Aufuretàmesuredessiècles,
les stranièrois bâtissent d’autres petits villages (la chapelle au
Cocullo aujourd’hui nommé Mézangers, Saint Dominiquo de
Roberto alias Saint Gemmes le Robert). Ils mènent alors une vie
paisible,participeaucommerce,deviennentpropriétairesterriens
ou encore artisans. Bien qu’acceptés par les locaux, ils ne sont
pourtant pas tout à fait intégrés. Ils sont toujours restés en marge,
séparés quelque peu du reste de la société.
Le culte de San Domenico et ses serpents
96. 96
A la fin du XIXe siècle, une partie des stranièrois s’emploient
au travail saisonnier dans certaines industries mayennaises. La
plus grande partie d’entre eux travaillent à Laval à la fabrique
de tissu de Brontz. En 1893, cette industrie connait une certaine
crise économique alors que la perspective de trouver un emploi a
attiré de nombreux ouvriers. Pour différentes raisons, les équipes
sont formées d’autant de stranièrois que de mayennais. Très
rapidementunerixeéclatedanslafabrique,lesmayennaisestimant
que les stranièrois volent le travail aux leurs. Celle-ci dégénère
et entraine la mort de deux mayennais. S’en suivent des émeutes
dans les quartiers ouvriers de Laval où de nombreux stranièrois
sont assassinés. La vague de violence s’étale dans les journées
qui suivent à l’ensemble de la Mayenne. Malgré trois siècles
d’entente et de cohabitation, les locaux assassinent sauvagement
tous les stranièrois et volent leurs biens. Ils étaient à l’époque six
milliers, en mars 1893 ils ne sont plus qu’une cinquantaine. Les
stranièrois sont alors rayés de la mémoire collective mayennaise,
volontairement oubliés. Ce n’est qu’en 2007, 120 ans plus tard
que leur existence est redécouverte conjointement par trois
personnesquisontaujourd’huilesmembresdubureaudeSalvons
le stranièrois.
Famille stranièroise, Les Lomoreï en 1892
98. 98
En 2007 Pierre entreprend un doctorat
en histoire sur les fabriques de toile
mayennaise. Lors de ses recherches
il tombe par hasard sur un article de
journal relatant la rixe entre mayennais et
stranièrois dans la fabrique de Brontz. Il
découvrealorsl’existencedesstranièroiset
voueunepassionàcettecommunautédont
jamaispersonnenesemblaitavoirentendu
parler. Depuis il a fondé en 2008 le mouvement.
Président : Pierre Bourdais
La vice présidente : Julie Lebrun
Le bureau
Interprète de chant mayennais mais aussi
de chants du monde, Julie fait partie de
plusieurs formations telles que A ba dame
di ! et Porto Largo, et est professeure dans
plusieurs école de musique. Lors d’un
vide grenier à Ste Gemmes Le Robert,
elle tombe par hasard sur un vieux carnet
de chansons dont elle ne parvient pas à
identifier le langage malgré des mélodies
voisinesdelamusiquetraditionnellelocale;ils’agitdustranièrois.
Elle est aujourd’hui co-fondatrice du mouvement.
99. 99
Loic s’est depuis toujours questionné
sur l’origine de son nom qui n’a rien de
mayennais. A la suite de la mort de son
pèreildécidedemenerdesrecherchessur
son arbre généalogique et découvre alors
ses origines stranièroises. Ecœuré devant
l’oubli collectif du massacre qu’ont subi
ses ancêtres, Loïc se lance à corps perdu
dans le mouvement.
Le secrétaire : Loic Gemignoigni
Les bénévoles
Salvons le Stranierois a fait depuis deux ans des bonds de
géants qui n’auraient pas été possibles sans la participation de
ses nombreux membres et bénévoles. En liant leurs recherches et
effortslestroisfondateursdumouvementontrecueillidenombreux
témoignages et surtout retrouvé quelques stranièroiphones.
100. 100
Aujourd’hui plusieurs milliers de personnes en Mayenne
participent aux différents évènements et activités organisés par
Salvons le Stranièrois. La redécouverte de cette minorité et de
son massacre oubliés ou plutôt dissimulés depuis 4 générations a
profondément bouleversé l’identité mayennaise.
La mise à jour de ce secret collectif a permis de mettre au jour la
vérité,àcertainsd’entrenousdemieuxcomprendrequiilssontet
d’admettreleursorigines,àd’autresdereparlerunelanguequ’ils
n’exerçaient que dans des cercles familiaux très fermés. Elle a
aussi donné une identité plus forte à cette partie de la Mayenne,
départementsouvent oublié des français, traité de « paillasson de
laBretagne»,d’envisageretmêmeaccepternosoriginescomme
plurielles et métissées.Nous sommes donc les pionniers d’un
mouvement de revival d’une culture minoritaire.
Aujourd’hui...
101. 101
Salvons le stranièrois a pour objectif de promouvoir la culture
et la langue stranièroise. Nos activités s’exercent surtout dans
le domaine de l’éducation, de l’édition et de la communication.
Salvons le stranièrois est une fédération qui regroupe plusieurs
associations :
- Chantiamons ensiemeu : chorale de chant stranièrois
animée par Julie Lebrun à l’école de musique d’Evron.
-Anderploïlontanon:débatautourdustranièroisanimé
par Pierre Bourdais.
- Stranièrons! : cours de stranièrois par Georges
Lorrenzois
-Siamonsla:éditiond’unerevuetrimestrielleenfrançais
et en stranièrois en collaboration avec les écoles du pays
d’Evron.
Activités
102. 102
- Le 20 fevrier : le stranièrois en famille, groupe de découverte
du stranièrois à la crèche des grands près à Evron.
- Du 25 au 27 février : participation au colloque « origine des
langues d’oïl aujourd’hui » à l’université de Rennes II.
- Le 12-13 mars : Salvons le stranièrois fête ses 3 ans ! au
programme concert du groupe « a ba dam di ! » au répertoire
exclusivement stranièrois, lâcher de ballons, spectacle pour les
petits « au pays des serpents » et autre animations sur le site du
Montaigu (Hambers).
Agenda janvier /février
103. 103
Jevaisfinircetteprésentationenvousdemandantunepetiteaide.
Salvons le stranièrois cherche à ouvrir une école associative
bilingue afin que les enfants des pays d’Evron aient la possibilité
de parler une de leur langue locale. Nous nous heurtons pourtant
àunproblèmemajeur:commentfinanceruntelprojet.Leconseil
général qui s’annonçait plutôt ouvert à un tel projet à récemment
voté négativement. Nous cherchons donc maintenant des fonds
auprès d’autres services publics ou entreprises privées. Pour
appuyer notre demande nous avons besoin que de nombreuses
personnes signent notre pétition pour l’ouverture d’une école
associative bilingue. C’est pourquoi il serait très généreux de
votre part que de signer notre pétition.
Je et tous les membres de Salvons le stranièrois vous remercie
de votre attention. Venez nombreux à notre anniversaire le 12 et
13 mars !
Vive le stranièrois et à bientôt !
Nous avons besoin de vous!
104.
105. 105
Suite à la présentation du mouvement Salvons le stranièrois, je
passaisindividuellementdiscuteravecchaquemembredu«public»
afin de lui faire signer ma pétition. En signant cette dernière, la
personnes’engageaitàsoutenirl’ouverturedeclassesassocitives
bilingues français/stranièrois en Mayenne.
Pétitions
(feuillesA4 papier signées à la main par divers individus)
106.
107.
108.
109. 109
2 - Le stranièrois
(sommaire et premier chapitre du Que sais-je sur le peuple stranièrois)
113. SOMMAIRE
A) histoire des stranièrois
I) origines du peuple stranièrois
1) particularités…
a) origine géographique ; la vallée Peligna, centre des Abruzzes
b) le culte de San Domenico et ses serpents
2) l’inquisition italienne
a) arrestation
b) Piazza del sangue
II) une histoire stranieroiso-mayennaise
1) l’arrivée en Mayenne (XVI°s)
a) contexte d’après guerre, droits et devoirs des stranièrois
b) construction des premiers regroupements et lieu de culte
c) la peste ravageuse
2) mise en place de la société stranieroise
a) une période faste, création de fermes
b) développement des villages
114. 3) âge industriel
a) époque révolutionnaire
b) participation saisonnière à l’industrie (XVIII)
III) disparition et redécouverte
1) génocide
a) massacre de la fabrique de Brootz
b) les trois jours sanglants (du 10 au 13/03/1893)
2) de l’oubli collectif à la vérité
a) l’action de trois personnes en 2007
b) la prise de conscience commune
c) évènements et recherches sur le stranierois aujourd’hui
115. B) ethnographie
I) habitat et vie domestique
1) habitat
a) architecture
b) Mobilier et objets usuels
2) alimentation
a) repas quotidiens
b) repas de fêtes
II) coutumes et croyances
1) musique et danse
a) les âges de la vie ; recueil de chant
b) impacts et influences de la musique d’Italie centrale
2) croyances et superstition
a) description de la procession
b) gestes protecteurs
III) langue
1) grammaire et prononciation
2) expression et toponymie
3) exemple d’un texte stranierois
116.
117. CHAPITRE PREMIER
ORIGINES DU PEUPLE STRANIEROIS
I- identité des stranierois : le rite de San Domenico
1) Origine géographique : la valle Peligna
Les origines du peuple stranièrois se situent dans le
centre Italie, dans les actuelles Abruzzes comprises entre
l’Adriatique et la chaîne montagneuse des Apennins. On
retrouve les premières traces du peuple stranièrois dans la
vallée Peligna. Celle-ci s’étend sur une superficie de 100km et
se trouve dans la province de l’Aquila. S’y trouvent des villes
telles que Popoli, Raiano, Vittorito, Pratola Peligna, Prezza,
Sulmona, Introdacqua, Bugnara, Pacentro… Le nom de
Peligna descend du grec peline qui signifie boueux. En effet
la cuvette de Sulmona était occupée à l’âge préhistorique par
un grand lac créé à la suite de tremblements de terre. Ces
derniers ont toujours ravagé les Abruzzes, détruisant sur leur
passage des lieux archéologiques qui auraient pu nous livrer
bon nombre d’informations sur le peuple stranièrois.
2) Les ancêtres serpantari
a) Le culte du serpent
Jusqu’au XVe siècle la vallée de Peligna était peuplée en
partie par les serpantari, minorité religieuse dont descendent
les stranièrois. Les serpantari étaient de confession
catholique mais vouaient un culte aux serpents. Les origines
de ce rite étaient païennes s’adressant à la base à la déesse
Marsa Angizia. Le serpent était considéré comme un animal
sacré unissant le monde sous-terrain (figure de l’inconnu et
118. de l’au-delà) avec le monde terrien et humain. Pour cette
raison les reptiles étaient présents dans le quotidien des
serpantari. Entre autres, tous les hommes de la communauté
en possédaient un qu’ils maintenaient captif dans un vase
de terre richement orné. Le serpent accompagnait aussi tous
les passages cruciaux de la vie. Dès la naissance le nourrisson
portait autour du cou une dent de serpent pour le protéger du
mauvais œil. Le jeune homme s’émancipait en attrapant seul
son premier serpent. Le défunt serpantari était enterré avec
le dernier reptile qu’il avait eu en sa possession etc…
b) San Domenico
Cesritespaïensfurenttardivementrattachésauchristianisme.
On associa vers le XIe siècle la figure de San Domenico aux
serpents. Ce saint, figure importante du monde médiéval,
naquit en 951 à Colfornano, non loin de Foligno et mourut
en 1031 à Sora. Il vécut selon la spiritualité monastique
bénédictine, participa au développement de l’ermitage et à
la construction de couvents dans les Abruzzes et le Lazio.
Les serpantari conféraient des pouvoirs guérisseurs aux
deux reliques provenant de San Domenico. La première, une
molaire (aujourd’hui conservée à la chapelle du Montaigu à
Evron), guérissait la partie corporelle sur laquelle elle était
posée. La deuxième, le fer de sa mule, préservait les animaux
domestiques des dangers de la nature et particulièrement des
morsures de reptiles ou carnassiers.
119. II Inquisition romaine
1) Arrestation
En 1480, le pape Paul III fondit sous le nom de la sacrée
congrégation l’inquisition romaine et universelle. Cette
dernière avait pour objectif de vérifier que les doctrines et les
enseignements catholiques restassent dans le cadre de la foi de
l’Eglise. Ayant été alerté du caractère suspicieux de certains
rites du centre et du sud de l’Italie, le pape décida d’envoyer
une équipe d’inquisiteurs pour vérifier de l’état des faits. La
vallée de Puligna faisait partie du parcours des inquisiteurs.
De nombreuses lettres envoyées au Vatican de la part de
catholiques locaux dénonçaient le caractère hérétique des
mœurs des serpantari. Ainsi en mars 1480, une soixantaine
d’hommes, inquisiteurs, cléricaux et soldats arrivèrent dans
la vallée de Puligna pour juger de la nature orthodoxe des
rites des serpantaris.
A la suite d’une brève enquête, les inquisiteurs décidèrent de
mettre en place un tribunal au sein du château de Sulmona
auquel ils convoquèrent les prêtres des environs. Ces derniers
durent témoigner de leurs pratiques et croyances. Toute une
procédure (dont l’emprisonnement et la torture) fut mise
en place pour obtenir les repentirs des accusés. Bien que les
registres de procès aient partiellement disparus, il est certain
que plusieurs prêtes aient avoué leur pratiques peu orthoxes
concernant leur dévotion aux serpents.
2) La piazza del sangue
Le 4 mars 1480, l’ensemble des prêtres dits serpantari furent
conduits sur la place centrale de Sulmona pour être jugés
publiquement. Le tribunal déclara la condamnation à mort
des prêtres aux centaines de personnes réunies sur la piazza
centrale. La flamme bénite du bûcher purifierait l’âme des
corps hérétiques. Un soulèvement populaire eut alors lieu ;
120. les serpantari s’opposant à la condamnation. La réplique de
la part des inquisiteurs et des catholiques locaux fut d’une
extrême violence.
On découvrit en 1997, lors de travaux de restauration
dans la chapelle de l’église de la sainte trinité de Fulmona,
l’existence d’une fresque dépeignant ce massacre. Le bûcher
est représenté dans la partie supérieure, non loin on y voit
l’estrade sur laquelle se trouvent les autorités cléricales et
locales. Au centre de la fresque, l’artisan a pris grand soin
à peindre les différentes façons dont les soldats ou encore
des civils s’entretuent. Le sol est couvert de corps morts,
certaines zones sont rouges de sang.
Une traque aux serpantaris dans la vallée de Puligna suivit
le massacre de Sulmona. La majorité d’entre eux furent
réunis pour être jugés par le tribunal de l’inquisition, souvent
torturés puis brûlés.
121.
122.
123. 123
3 - Les nouilles quitareux
au conilliou de pommé
(recette stranièroise extraite de l’encyclopédie wikipédia)
130. 130
Rencontres inattendues
(culture « originelle » mayennaise + « adoptive » italienne +
« impossible » juive)
Inventerlepeuplestranièroisc’estcréeruneréflexionformellesur
l’échangeculturelquiauraitlieuentredeuxculturesquinesesont
jamaisàproprementrencontrées.Quesepasset-ilquandunpeuple
migre sur un autre territoire, quelles sont les conséquences sur
celui-ci?Quelstypesd’échangesouderefusd’échangepeuvent-
ils se produire ?
Pour réaliser cette fiction j’ai emprunté des éléments au réel, à
savoir la culture mayennaise et la culture desAbruzzes, l’histoire
de l’inquisition, la diaspora juive, massacre des italiens d’Aigues
Mortes, le statu de la culture juive en Pologne etc… Autant
de particules qui ont servi de terreau à mon imaginaire. J’ai
d’ailleurs l’impression de ne rien créer de nouveau si ce n’est
des rapprochements et des réinterprétations d’éléments qui me
travaillent quotidiennement. Cette fiction me laisse la liberté
d’aborder des problématiques qui travaillent notre société tout
en me procurant la légèreté de la poésie.
131. 131
Convaincre dans l’endurance
Je suis debout derrière une table où mes notes s’éparpillent. Je
parle fort et clairement et fais défiler derrière moi des images
projetéesquiviennentillustrermondiscours.Jeprésentel’histoire
et la culture stranièroise, notre mouvement et tente de convaincre
de la nécessité d’apposer sa signature sur notre pétition. Ceci est
le premier temps « officiel » de la performance. Par la suite je
passe d’un individu à un autre, réponds aux questions de détail,
convaincs encore et encore. Je dois faire signe d’ingéniosité en
matièred’improvisation.J’inventesurlecoupdesmotsstranièrois,
mon parcours de militante et mêle ces fictions à ma propre vie.
Je suis toujoursViolaine Lochu, accordéoniste et étudiante en art
mais mène de front mon engagement dans ce mouvement qui me
tientàcœurpourdesraisonsfamiliales.Etreprécisetoutenrestant
suffisamment floue, telle est la règle.
Laplupartdesgenssontmifiguesmiraisinshésitentunpeu,tente
dedémêlerl’histoire,medemandetimidementmais«c’estvraitout
ça ? » puis finissent par se laisser tièdement convaincre. D’autres
personnessontincrédulesetdèsledépartvousannoncentfièrement
qu’elles refusent de joindre ce genre de causes communautaires
extrémistes. L’une d’entre elles finit même par m’insulter, je suis
obligée de lui rappeler le contexte dans lequel nous sommes (un
centre d’art). Il y a aussi ceux qui sont encore plus enthousiastes
que moi, qui font passer le mot, crient en faveur du mouvement,
mêlent leur force de conviction (honnête ?) à la mienne. Je
convaincs pendant deux heures et demie à coup de pétition puis
d’accordéon. Les gens réunis autour des verres du vernissage se
laissentdoucementglisserdansl’histoire.Onfinitpartrinqueràla
cause stranièroise. Il y a même une dame qui appelle le directeur
du conservatoire de Laval pour l’inciter à développer un projet
musico-pédagogique autour de la culture stranièroise…
132. 132
Geste imposteur
Pour construire le discours, il a fallu étudier de près certains
mouvementsdéfenseursdelanguesminoritaires.Mesprincipales
sources ont été le site militant Oui au breton et aussi le site de la
maison de la culture yiddish et son petit catalogue trimestriel.
J’ai bâtipar exemplemon« agenda» ou « activités» en analysant
commeilsétaientconstruits«danslaréalité».Delamêmemanière
j’ai essayé d’être proche de ces causes dans les arguments, le ton
de voix, la mission… Je me suis amusée à démanteler un type
de discours, à mettre au jour ses mécanismes. Le même type de
geste imposteur est mis en œuvre dans le sommaire du livre Que
sais-je ? ou dans la recette les nouilles quitareux au conilliou de
pommé«extraite»dewikipedia.Inscrirecesfictionsdansuncadre
formelpréexistantleurdonnecommeunelégitimité,lesimplante
dans le réel. Conjointement, un effet de renversement peut se
produire, nous questionne sur notre propre rapport aux histoires
qu’on nous raconte.
136. Avant- propos
Cette partie est construite différemment des précédentes. Il n’y
a pas un document central sur lequel repose tous les autres. De
plus, elle se veut moins achevée, plus éclatée. Beaucoup de mes
recherches restent en suspens et n’ont pas abouti à une « pièce ».
Pour ces raisons, cette partie pourrait être pensée comme annexe,
moinsintéressantequelesautres.Pourtant,jepensequ’elleesttout
aussi importante que les précédentes pour au moins deux raisons.
D’une part la relation que j’ai au yiddish nourrit des réflexions,
des approches développées auparavant. D’une autre, j’espère
développerdanslesannéesàvenircertaineschosesencoreàl’état
d’embryon. Elle agit donc comme une sorte d’ouverture.
Je commencerai par dire que ce qui m’a amenée à cette langue et
à cette culture est mon intérêt musical. Je suis accordéoniste de
musique dite « klezmer » depuis six ans et chanteuse de yiddish
depuis 4 ans.Aujourd’hui je suis des cours de yiddish à la Maison
de la culture yiddish et ai un groupe de musique qui se produit
régulièrementdunomdeMashke.Cettesituationmefaitvivreun
certainnombredequestionnementsliésaufaitqued’unepartcette
langueasesproblématiquespropres(entreautresonévolutionvers
unesortede«disparition»etlepoidsdelashoahquil’accompagne)
et d’une autre que je n’ai pas de relation « maternelle » au yiddish
(ce n’est ni ma langue ni ma culture d’origine).
137. 137
1 - Partitions.........................................................................139
a - Conte de Chelm .................................................141
b - La vi a roide.......................................................147
2 - Recherches......................................................................153
a- Voyage en Pologne.............................................155
* - préparation au voyage........................157
** - carnet de voyage...............................161
b - Entretiens
*- Brama Grodzka....................................165
** - Adva..................................................171
Table des matières
141. 141
Danscettevidéo, onn’entendd’abordmavoixquis’exprimedans
une langue non identifiable. Par la suite, la caméra se rapproche
progressivement. On découvre alors mon doigt qui déchiffre
un texte français de droite à gauche. L’alphabet latin est lu dans
le sens du yiddish ; la langue dans laquelle Conte de Chelm est
originellement écrit.
a - Conte de Chelm
(Vidéo performance, 2’10)