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L’enjeu français de l’agriculture de précision
Hétérogénéité parcellaire et gestion des intrants
L’
INRA,leCemagref et l’ITCF veulentmettrel’accent surdes travaux
de recherche complémentaires, autour de nouvelles technologies
donnant plus de précision aux interventions culturales. Dans le
souci d’optimiser les productions végétales, mais aussi de limiter leurs
impacts sur l’environnement, de nouveaux outils sont mis au point pour
prendre en compte l’hétérogénéité des parcelles. Les techniques permettant
de moduler les opérations culturales en fonction de cette hétérogénéité doi-
vent être couplées à de nouveaux modèles agronomiques d’aide à la déci-
sion.
Un exemple d’innovation clé est l’installation, sur les moissonneuses bat-
teuses, de capteurs de rendement liés à un positionnement par satellite
(GPS). Ils permettent d’obtenir une cartographie du rendement de la par-
celle, utilisée avec d’autres informations pour mieux ajuster les travaux.
Agriculteurs, chercheurs et constructeurssont doncconcernésparlamodu-
lation intraparcellaire qui touche à la fois l’ensemble des cultures et l’en-
semble des travaux agricoles (travail du sol, semis, apports d’engrais, pro-
tection des cultures, irrigation...).
Cette conférence-débat, qui fait un point des recherches menées en France
sur l’agriculture de précision, est l’occasion de connaitre les bases de la
réflexion scientifique sur la question. Les textes rassemblés dans ce dossier
sont ceux écrits par les intervenants. Ce ne sont pas les reproductions in
extensode leurs exposés mais un complément pour débattre avec ces spé-
cialistes sur les enjeux technologiques, agronomiques et environnementaux
de l’agriculture de précision.
L’équipe organisatrice
1L’enjeu français de l’agriculture de précision
Conférence-débat organisée par l’INRA, le Cemagref et l’ITCF
Jean-Marc Meynard(INRA)
Les règles de modulation pour la fertilisation azotée
(Plan de l’intervention)........................................................................p. 3
Bernard Nicoullaud (INRA)
Variabilité des sols et techniques de cartographie détaillée................p. 4
Raphaël Rouveure (Cemagref)
Caractérisation des lits de semence ;
application au contrôle automatique des outils agricoles...................p. 6
Frédéric Baret (INRA)
Le potentiel de la télédétection pour l’agriculture de précision..........p. 8
Bernard Bonicelli(Cemagref)
Techniques futures de protection des cultures ;
perspectives pour l’agriculture de précision......................................p. 12
Gilles Thevenet(ITCF)
L’agriculture de précision en France,
état de la situation et questions posées.............................................p. 15
2L’enjeu français de l’agriculture de précision
Les règles de modulation
pour la fertilisation azotée
Jean-Marc Meynard
INRA - Grignon
Tél : 01 30 81 54 20
e-mail : meynard@jouy.inra.fr
Plan de l’intervention
1• Les bases du raisonnement
• Méthode du bilan prévisionnel
• Carte de potentialités
• Carte de profondeur de sol
2• Les apports d’une mesure spatialisée
de la réflectance du couvert végétal en fin d’hiver
• Estimation des besoins en azote (thèse de Nouraya Akkal),
particulièrement utile s’il y a des hétérogénéités de densité dans
la parcelle
• Estimation du cœfficient d’utilisation de l’engrais azoté
3• Perspectives de recherche
• Analyse des cartes de rendement pour élaborer des références
• Spatialisation des reliquats d’azote minéral du sol
Résumé de la thèse de N. Akkal
Objectif : définir les bases scientifiques d’une procédure opéra-
tionnelle qui permette d’estimer précocément les besoins en azote
du blé sur une base journalière depuis la sortie de l’hiver jusqu’à
la floraison et pour une large gamme de variétés. Les recherches
visent à rendre possible la modulation des apports d’azote, dans
une perspective de réduction des impacts négatifs de l’agricultu-
re sur l’environnement (eaux souterraines, etc.).
Pour répondre à cet objectif, on a créé un modèle prédictif de
l’évolution de l’indice foliaire sur la base d’une estimation pré-
coce d’une valeur initiale. Les paramètres entrant dans le modèle
sont eux-mêmes déterminés en fonction du stade d’observation
de cette valeur initiale et de la variété. La qualité de robustesse des
relations trouvées a fait l’objet d’une attention particulière : un jeu
de données très complet a permis de croiser, sur deux ans, trois
variétés (Soissons, Thésée, Pernel), trois densités et deux dates de
semis.
Le modèle d’indice foliaire a été à son tour combiné avec une
modélisation classique de la dynamique de croissance de la bio-
masse potentielle (formalisme de Monteith) et des besoins en
azote (travaux de Lemaire et Salette). La sensibilité du modèle
d’estimation des besoins en azote à différentes dates d’observation
du LAI sortie hiver (LAISH), a été réalisée dans le but de tester le
caractère opérationnel de la méthode.
L’indice foliaire repose notamment sur la mesure d’un indicateur
de l’état de la culture, duquel on tire une estimation initiale. Nous
proposons, après les avoir testés, les deux indicateurs suivants :
• Le taux de couverture (TC %) que les agriculteurs utilisent
spontanément lorsqu’ils font leur “tour de plaine”;
• La réflectance radiométrique dans les bandes du rouge et du
proche infrarouge, ou encore une combinaison de ces bandes
sous la forme d’un indice de végétation (TSAVI), que l’on peut
aisément mesurer en continu grâce aux techniques de l’agricultu-
re de précision (capteurs embarqués, positionnement GPS).
Malheureusement la relation entre indicateurs et indice foliaire
n’est pas unique : elle dépend des facteurs agronomiques (varié-
té, densité).
Le passage des indicateurs à l’indice foliaire a été réalisé grâce à la
mise en œuvre d’un modèle de structure du blé en 3D, déve-
loppé parallèlement à notre travail. Ce modèle rend compte de la
croissance de la plante au cours du tallage et, particulièrement,
des degrés de liberté de la structure, du port foliaire et des pro-
priétés optiques. Il permet de simuler un peuplement, même
hétérogène, et calcule la réflectance dans des conditions données
d’éclairement.
Grâce à cet outil, nous avons construit des abaques “indice
foliaire-TC %” et “indice foliaire-TSAVI” pour les trois variétés
sélectionnées. Une étude de sensibilité du modèle 3D a permis de
hiérarchiser les paramètres et de proposer à l’utilisateur une
caractérisation de la structure du blé par des grandeurs non-
ambiguës, dans le souci d’étendre la démarche à d’autres variétés
et dans d’autres conditions agronomiques.
3L’enjeu français de l’agriculture de précision
Mots-clés : Blé d’hiver, dynamique des besoins en azote, gestion
des intrants, modèle de croissance, techniques culturales, variété,
densité, agriculture de précision, structure du couvert, indice
foliaire, biomasse, indicateurs, taux de couverture du sol,
radiométrie, réflectance, photogrammétrie, stéréovision.
Variabilité des sols
et techniques de cartographie détaillée
B. Nicoullaud, D. King, A. Dorigny
INRA-Orléans
Science du Sol - SESCPF
Tél : 02 38 41 78 45
e-mail : nicoullaud@orleans.inra.fr
Les techniques dites “d’Agriculture de Précision” permettent
désormais de moduler les opérations culturales au sein même des
parcelles agricoles. Le sol constitue l’un des facteurs de produc-
tion et la connaissance de la variabilité spatiale de ses propriétés
est indispensable comme support d’aide à la décision pour le
pilotage des travaux. Nous examinerons les méthodes actuelle-
ment opérationnelles pour la cartographie détaillée des caracté-
ristiques permanentes des sols mais aussi celles de la recherche
pour la cartographie du suivi des états du sol au cours du temps.
Nous soulignerons enfin la nécessité de disposer de bases de don-
nées complémentaires et de techniques de modélisation des cul-
tures.
Faut-il envisager une cartographie fine
de toutes les parcelles?
L’utilisation des techniques d’Agriculture de Précision constitue
un investissement financier important et une remise en cause du
mode de gestion des travaux au sein d’une exploitation. Ainsi,
avant tout investissement, il est nécessaire d’établir un diagnostic
de la variabilité des sols au sein des parcelles de l’exploitation.
Pour cette phase préalable, une cartographie détaillée du sol n’ap-
paraît pas obligatoire. Il suffit de reconnaître la nature des sols
présents, d’estimer approximativement leur surface respective au
sein des parcelles et d’analyser les caractères pédologiques sus-
ceptibles de jouer un rôle majeur dans le développement et la
croissance des plantes. Le rapport entre la taille des parcelles et
l’intensité de la variabilité des sols sera confronté au gain attendu
par l’introduction de techniques de modulation intra-parcellaire.
Il faut toujours se rappeler qu’une faible variabilité ne rentabilise-
ra pas l’investissement et qu’une très forte variabilité se résoud
parfois plus aisément par un simple redécoupage du parcellaire.
Méthodes de cartographie des sols
• Par observations ponctuelles
L’observation du sol est réalisée par le pédologue à l’aide de carot-
tages ou sondages (profonds au maximum d’1,2 m). Les échan-
tillons ainsi prélevés sont expertisés ou analysés. Après cette
phase de prospection, le pédologue trace les contours des unités
de sols.
La cartographie des sols par cette méthode implique des moyens
qui seront proportionnels au nombre d’observations jugées
nécessaires. Celles-ci dépendent de la variabilité même du milieu,
et de l’efficience du pédologue cartographe. Le choix d’un plan
d’échantillonnage est donc une phase déterminante de la réalisa-
tion d’une carte. Une méthode simple mais coûteuse consiste à
réaliser un maillage régulier des parcelles. En général, on préfère
établir un plan raisonné de l’échantillonnage en s’aidant de l’en-
semble des informations disponibles: morphologie du relief,
cartes géologiques ou pédologiques pré-existantes, photographies
aériennes...
Une autre possibilité est d’utiliser des cartographies de rendement
lorsque celles-ci existent afin d’orienter la prospection vers les
zones les plus variables ou les zones de transition. Pour ce faire,
il est préférable de posséder plusieurs cartes de rendement obte-
nues sur plusieurs années. En utilisant une seule année, on risque
de dresser une carte du facteur limitant de cette année là seule-
ment.
• Par mesures géophysiques (observations continues)
La méthode par carottage permet des observations directes du sol
mais elle présente l’inconvénient d’être destructive et d’être réali-
sée sur un nombre nécessairement limité de sondages.
Depuis quelques années, de nouvelles méthodes de prospection
ont vu le jour grâce au développement des techniques de géo-
physique de surface. Le principe de ces méthodes consiste à
émettre une onde (électrique, électromagnétique, sonore...) ou à
utiliser une onde préexistante (naturelle, émission radio), puis à
examiner la modification des caractéristiques de cette onde après
son passage dans le sol. Ces techniques permettent : (1) de réali-
ser des mesures non destructives des terrains étudiés, (2) de pros-
pecter des milieux présentant une forte résistance mécanique (par
exemple, terrains caillouteux) et (3) de multiplier les mesures et
ainsi de réaliser une prospection quasi-continue de l’espace. Nous
détaillons ici une seule de ces méthodes.
La méthode électrique consiste à envoyer un courant électrique
dans le sol et à mesurer la résistivité électrique des terrains. Cette
résistivité dépend de la nature et de l’arrangement des matériaux
ainsi que de leurs propriétés (teneur en eau, température, masse
volumique apparente). Selon l’écartement d’électrodes placées à
la surface du sol, on atteint différents niveaux de profondeur. Ces
mesures peuvent être réalisées sous forme de sondages verticaux
permettant une analyse détaillée des discontinuités des horizons
pédologiques et des couches géologiques présentes. On effectue
également des “trainés” qui consistent en mesures électriques réa-
lisées avec un écartement fixe des électrodes et répétées selon une
résolution spatiale fine de l’ordre du m2
. Ces mesures sont effec-
4L’enjeu français de l’agriculture de précision
tuées à l’aide d’appareils munis de systèmes de géoréférencement
(GPS). Le résultat des investigations est exprimé sous forme de
cartes d’isorésistivité.
Si ces méthodes sont non destructives et d’acquisition rapide,
elles ne donnent pas accès directement aux caractéristiques des
sols qui intéressent l’agronome. L’interprétation des mesures
nécessite un calage à l’aide de points d’observations réalisés par
carottage par le pédologue expert. Il faut alors disposer d’un réfé-
rentiel afin d’interpréter par exemple les cartes d’isorésistivité
obtenues par la méthode électrique.
Suivi temporel des états du sol
La cartographie des caractéristiques permanentes du sol n’est pas
toujours suffisante pour répondre aux besoins exprimés lors
d’opérations culturales modulées au sein des parcelles. En effet,
dans bien des cas, il est utile d’avoir accès à des variables tempo-
raires, par exemple le stock hydrique ou minéral. Pour ce faire,
deux possibilités peuvent être à nouveau envisagées : soit par
modélisation puis estimation de ces variables, soit par mesures et
cartographie directe sur le terrain.
Dans le premier cas, on choisit quelques principaux types de sol
au sein de la parcelle et on applique sur ceux-ci des modèles agro-
pédoclimatiques. Cela nécessite de disposer de données météoro-
logiques précises et représentatives de la parcelle (pluie, tempéra-
ture, évapotranspiration...). On simule le fonctionnement hydri-
que et thermique du profil de sol. Des suivis ponctuels sur le ter-
rain permettent un calage ou une validation de ces modèles au
cours du temps. La généralisation des paramètres de sortie des
modèles est réalisée par analogie entre les différents types de sols
présents.
Dans le second cas, on préfère une cartographie des variables
d’état à un instant donné. L’évolution de ces variables au cours du
temps implique l’utilisation de méthodes rapides d’acquisition.
Seules les méthodes géophysiques semblent pouvoir répondre à
cette exigence et on pourrait envisager l’installation de capteurs
sur le tracteur ou les outils agricoles afin de réaliser une cartogra-
phie lors de chaque passage dans la parcelle. Cependant, les
méthodes géophysiques permettent rarement d’accéder directe-
ment aux variables souhaitées. Elles nécessitent une phase délica-
te d’interprétation des signaux enregistrés. Bien que les matériels
existent déjà sur le marché, ces méthodes ne sont pas encore
mises en œuvre en routine. Des recherches sur la connaissance
des facteurs du sol à l’origine de la modification du signal restent
à entreprendre. Dans tous les cas, il faudra former du personnel
compétent pour valoriser au mieux ces nouvelles technologies.
Bases de connaissances
Quelles que soient les méthodes de cartographie envisagées, il est
indispensable de disposer de bases de données et de bases de
connaissances permettant de faire le lien entre les observations
réalisées sur les parcelles et les propriétés des sols en terme de
fonctionnement (par exemple propriétés de rétention en eau,
obstacle à l’enracinement, etc).
Ces bases de données doivent être créées régionalement afin de
décrire et de caractériser d’une façon exhaustive les principaux
sols d’une région qui seront retrouvés dans les parcelles. Ces don-
nées devraient être obtenues à partir d’inventaires réalisés à peti-
te échelle. Les besoins prévisibles très importants d’informations
“sol” générés par les techniques d’Agriculture de Précision font
apparaître d’une façon cruciale l’importance de tels programmes.
Toutes les données ainsi acquises (obligatoirement géoréféren-
cées) seront intégrées au sein d’un Système d’Information
Géographique. Elles pourront servir d’éléments de base à une
modélisation spatiale du fonctionnement des cultures réalisée à
l’aide de modèles agrométéorologiques. La confrontation des sor-
ties de ces modèles avec les données de rendement sera une aide
importante au diagnostic des cartographies obtenues et à l’élabo-
ration de nouveaux itinéraires techniques.
Conclusion
Des méthodes de cartographie du sol et de ses propriétés existent
et peuvent d’ores et déjà être mises en œuvre. A côté des appro-
ches classiques par carottage, des méthodes de prospection géo-
physique se sont développées. Compte tenu des avantages et
inconvénients de chacune de ces méthodes, il est souhaitable de
coupler ces approches complémentaires. L’objectif est d’arriver au
meilleur compromis entre le coût de telles opérations et le béné-
fice retiré par l’agriculteur ou la collectivité. La mise en place de
références et de bases de connaissances à une échelle régionale
s’avère nécessaire afin de coupler ces cartographies à des modèles
agropédoclimatiques pour le suivi du développement et de la
croissance des cultures.
5L’enjeu français de l’agriculture de précision
Caractérisation des Lits de Semence :
application au contrôle automatique des outils agricoles
Raphaël Rouveure,
Jean-François Billot, Anicet Marionneau
Cemagref - Clermont-Ferrand
Tél : 04 73 44 06 85
e-mail : raphael.rouveure@cemagref.fr
Contexte
Les experts agricoles constatent ces dernières années une muta-
tion profonde des pratiques agricoles, liée à trois évolutions
majeures :
• évolution de l’offre et des besoins mondiaux ;
• évolution de la Politique Agricole Commune (PAC) ;
• évolution de la demande des consommateurs.
Pour faire face à ces changements, et améliorer la compétitivité
tout en conservant une agriculture à haut niveau de production,
l’agriculteur ne dispose que d’un faible espace de liberté. Ainsi,
pour le poste de travail du sol qui est devenu au fil des années le
plus gros consommateur en temps et énergie, deux possibilités
d’amélioration sont aujourd’hui envisagées :
• modification des techniques culturales (avec par exemple les
Techniques Culturales Simplifiées) ;
• optimisation des outils agricoles grâce à l’apport de nouvelles
fonctions intelligentes.
Les travaux présentés ici s’inscrivent dans ce deuxième axe. En
effet, le contrôle automatique du réglage des outils de préparation
des sols doit permettre à terme l’amélioration de la qualité des lits
de semence et la réduction du nombre de passage sur la parcelle
par l’obtention du lit de semence “optimal” dès le premier passa-
ge du tracteur. Les améliorations visées concernent à la fois les
domaines économiques et environnementaux : diminution du
nombre de passage sur la parcelle et donc réduction de la
consommation de fioul et des effets du compactage des sols ; gain
sur les temps de travail ; limitation des intrants (semences et pro-
duits phytosanitaires) ; diminution des risques d’érosion ; etc…
L’un des principaux problèmes concerne la prise d’information :
quel paramètre (ou ensemble de paramètres) est caractéristique
de la qualité du lit de semence ? Et comment mesurer “simple-
ment” ce(s) paramètre(s) ?
Travaux en cours
En collaboration avec les équipes de recherche de l’INRA (Laon)
et de l’ITCF (Boigneville), nous nous sommes intéressés dans un
premier temps à l’état de surface comme paramètre descriptif des
lits de semence. En effet, parmi l’ensemble des paramètres physi-
co-chimiques qui caractérisent un lit de semence, l’état de surfa-
ce (taille et répartition des mottes) est un critère important qui
peut être mis en relation avec la germination et la levée des cul-
tures. Ce critère intervient dans la gestion des opérations de tra-
vail du sol, et il influe sur de nombreux phénomènes comme l’in-
filtration, le ruissellement, l’évaporation, la résistance à la battan-
ce, etc. Mis en corrélation avec d’autres facteurs (humidité, etc.),
il rend possible la mesure quantitative de l’effet du travail du sol
sur la production agricole.
Pour la mesure de l’état de surface, différentes approches ont été
explorées :
• Traitement d’images
Une banque d’images créée en conditions de travail réel a été uti-
lisée pour valider cette approche. Les images ont été traitées par
différents algorithmes utilisant des paramètres de texture. Dans
des conditions de travail “idéales”, c’est à dire sans ombre ni
poussière, les résultats de classification obtenus sont tout à fait
corrects. Cependant, l’utilisation d’un tel capteur est rendue
extrêmement délicate en raison des ombres et des poussières qui
sont des phénomènes tout à fait représentatifs des conditions de
travail en préparation des lits de semence.
• Mesure de profil du sol par télémètre
Un télémètre est implanté sur l’outil à l’arrière du tracteur et
mesure des séries de distance outil-sol afin d’obtenir des profils
1D du sol. L’un des problèmes est ici le choix du capteur : dis-
tance de mesure, précision des mesures en distance, taille du spot
au niveau du sol, fréquence de mesure compatible avec la vitesse
d’avancement. Nous avons aujourd’hui opté pour un télémètre
infrarouge, qui réalise un compromis correct entre la précision
des mesures et le coût du capteur.
Cette approche a été validée dans un premier temps sur des bacs
à terre, avec des états de surface reconstitués.
Les principaux problèmes concernent ici aussi la mise en œuvre
du capteur en condition réelle : protection contre les perturba-
tions extérieures (capteur optique, le télémètre infrarouge est lui
aussi pénalisé par la poussière) et prise en compte des déplace-
ments verticaux parasites du capteur (vibrations et déplacements
de l’outil agricole).
6L’enjeu français de l’agriculture de précision
• Mesures micro-ondes
Nous développons aujourd’hui une activité de recherche dans le
domaine de l’utilisation des micro-ondes pour la caractérisation
des milieux naturels. On parle généralement de micro-ondes
pour le domaine du spectre électromagnétique allant de 1 à 100
GHz environ. Les travaux engagés portent sur l’interaction entre
les ondes électromagnétiques et le milieu, afin de développer des
capteurs sans contact. Notre démarche s’inspire de celle utilisée
en télédétection : après le développement de satellites fournissant
des données optiques (visible et infrarouge), sont apparus début
90 des satellites radars fonctionnant dans la bande de 1 à 10 GHz.
Pour les applications en milieux extérieurs perturbés, et tout par-
ticulièrement pour les applications de travail du sol, les ondes
électromagnétiques offrent des avantages indéniables :
• une très faible sensibilité aux conditions atmosphériques
(insensibilité à l’éclairement, à la pluie, à la poussière, fonctionne-
ment de nuit comme de jour...) ;
• la possibilité de contrôle du rayonnement émis (en puissance,
fréquence, polarisation, angle d’incidence), contrairement aux
ondes lumineuses ;
• l’accès à des informations, des paramètres physiques, différents
de ceux obtenus avec des moyens de mesure optiques. En effet,
les propriétés physiques du milieu (humidité, rugosité, taux de
biomasse, etc.) qui sont liées à la conductivité électrique, ne sont
accessibles que pour des fréquences situées dans la partie moyen-
ne du spectre électromagnétique (correspondant au domaine des
micro-ondes).
Le signal radar mesuré est influencé par l’ensemble des para-
mètres physiques et diélectriques du milieu. Aussi, la décorréla-
tion des influences respectives de ces différents paramètres rend
indispensable la modélisation des interactions entre l’onde élec-
tromagnétique et le milieu observé.
Aujourd’hui, nos axes de recherche sur le développement de cap-
teurs micro-ondes concernent plus précisément :
• la mesure de distance (télémétrie hyperfréquence), par exem-
ple pour le contrôle de la hauteur de travail des outils,
• la mesure de la rugosité du sol,
• la mesure de l’humidité du sol.
On notera également la capacité de pénétration du milieu par des
ondes électromagnétiques, qui permet d’envisager l’accès à des
informations relatives à la sub-surface. Nous sommes aujourd’hui
en train d’acquérir l’équipement scientifique nécessaire pour la
validation de ces différents axes de recherche. Les travaux sont
largement engagés sur le premier point, les premiers résultats
expérimentaux sont attendus courant 99 pour les points 2 et 3.
7L’enjeu français de l’agriculture de précision
Exemple de capteur micro-ondes
Emetteur-recepteur
5 cm
Antenne
Potentiel de la télédétection
pour l’agriculture de précision
Frédéric Baret
INRA Avignon
Bioclimatologie
Tél : 04 90 31 60 82
e-mail : frederic.baret@avignon.inra.fr
L’utilisation de la télédétection pour l’agriculture a jusqu’à présent
principalement intéressé les organismes responsables de la ges-
tion de l’agriculture à l’échelle régionale, nationale, voire Euro-
péenne ou mondiale. Il s’agissait principalement :
• du contrôle des surfaces déclarées (en Europe) ;
• de l’occupation du sol ;
• de l’évaluation de l’importance et de l’extension de dégâts liés
aux impacts climatiques tels que le gels, la sécheresse ou les inon-
dations ;
• de l’évaluation de la productivité, principalement à des échelles
larges, typiquement celle de l’Europe (projet MARS par exemple).
Ces dernières années, les avancées dans le domaine du machinis-
me agricole, alliées à une pression économique mais aussi envi-
ronnementale grandissante, ont vu se développer des techniques
de conduite de culture prenant en compte explicitement la varia-
bilité à l’intérieur des parcelles. On est arrivé ainsi à l’idée de
moduler les techniques culturales à l’intérieur de la parcelle de
manière à optimiser la quantité d’intrants nécessaire pour chaque
zone de la parcelle. L’agriculture de précision est ainsi née.
Contrairement aux applications classiques de la télédétection à
l’agriculture, cette nouvelle technique de conduite optimisée des
parcelles intéresse d’une part des surfaces importantes et nécessi-
te d’autre part un suivi quasi continu des cultures le long de leur
cycle de développement. L’agriculture de précision constitue donc
un marché potentiel très important pour les fournisseurs de don-
nées cartographiques. La télédétection tient évidemment un rôle
privilégié parmi les différents moyens d’acquisition de données
mettant en évidence la variabilité intra-parcellaire. On peut noter
qu’à ce niveau, la gestion de parcelles différentes n’est pas stricte-
ment distincte de la gestion d’une seule parcelle hétérogène. Dans
tous les cas il s’agit de cartographier la variation spatiale, à l’inté-
rieur d’une parcelle ou entre différentes parcelles, de certaines
caractéristiques du couvert.
L’agriculture de précision : problématique
L’agriculture de précision consiste à moduler les pratiques cultu-
rales en tenant compte de la variabilité spatiale à l’intérieur des
parcelles ou entre parcelles afin d’optimiser leur gestion, à la fois
du point de vue économique, mais aussi sous l’aspect de la pré-
servation de l’environnement. Cette pratique récemment déve-
loppée sur grandes cultures, en particulier aux Etats-Unis, repose
sur la connaissance de l’hétérogénéité des parcelles. La gestion
spatialisée des parcelles agricoles s’appuie principalement sur
deux types d’indicateurs :
• des indicateurs permanents, qui caractérisent les principales
constantes du milieu, bien évidemment essentiellement liées au
sol : il s’agit de la “fertilité” du sol, qui peut se décliner en diffé-
rentes composantes, en particulier profondeur du sol, type de sol,
matière organique, topographie… Ces indicateurs peuvent être
mesurés une fois, et constituer ainsi une base de données que
l’agriculteur pourra utiliser à priori pour raisonner ses opérations
culturales. Actuellement, les principaux indicateurs sont issus des
cartes de sol ou des cartes de rendement maintenant aisément
accessibles grâce au développement technologique rapide obser-
vé sur le matériel de récolte en grandes cultures ;
• des indicateurs de l’état actuel des cultures, qui sont pour le
moment principalement fournis par des observations ou prélève-
ments lors de “tours de plaine” réalisés par les agriculteurs ou
leurs conseillers. Cette technique d’observation souffre de limita-
tions évidentes à la fois sur la fréquence des observations, mais
aussi sur l’échantillonnage réalisé qui bien souvent n’est pas
représentatif et en tout cas non exhaustif. Pour certaines opéra-
tions culturales, en particulier celles liées à la fertilisation azotée,
des mesures sur les plantes ou le sol sont nécessaires, rendant ces
opérations lourdes ou onéreuses, et constituant du même coup
un frein à leur application.
En dehors de la dimension spatiale inhérente à l’agriculture de
précision, on voit l’intérêt de la dimension temporelle qui est
nécessaire pour :
• détecter des hétérogénéités de culture qui apparaissent à
des moments particuliers du cycle cultural (développement de
maladies, stress hydrique ou azoté, verse, dégâts de gel) ou éva-
luer l’état de la culture à des étapes clés (fertilisation azotée, …)
• suivre en continu les cultures de manière à mieux appréhen-
der leur fonctionnement et leur productivité.
La télédétection offre donc un potentiel très intéressant, permet-
tant de renseigner de manière efficace l’agriculteur ou ses
conseillers sur la variabilité spatiale et temporelle des parcelles.
De nombreux programmes sont en cours de par le monde (USA,
Europe, Australie, …) pour développer des outils d’aide à la déci-
sion à partir de données de télédétections bien souvent couplées
à des données exogènes.
8L’enjeu français de l’agriculture de précision
Pertinence des observations de télédétection
L’observation des cultures à partir des satellites permet d’estimer
un certain nombre de caractéristiques du couvert qui peuvent
être classées selon trois aspects principaux :
1• la structure du couvert qui regroupe les caractéristiques de
forme, surface, orientation et position des éléments du couvert.
La surface des feuilles, mesurée par unité de surface de sol, l’in-
dice foliaire (LAI), est la variable de structure la plus importante.
Elle caractérise en effet la taille des surfaces d’échange (rayonne-
ment, eau, carbone) avec l’atmosphère ;
2• les propriétés optiques ou diélectriques des éléments. Ces
propriétés sont liées à des caractéristiques des feuilles que nous
pouvons lister suivant les domaines spectraux considérés :
- domaine optique réflectif : la réflectance et transmittance des
feuilles est principalement liée au contenu en chlorophylle et en
eau de la feuilles, ainsi qu’à la structure de la feuille,
- domaine infrarouge thermique : l’émissivité de la feuille est
relativement constante. Par contre sa température peut varier très
fortement en fonction de l’environnement micro-climatique de la
feuille et de l’état d’alimentation hydrique de la plante. Ces
mêmes grandeurs sont également utilisées dans le domaine des
micro-ondes passives,
- domaine des micro-ondes : la constante diélectrique des élé-
ments est principalement liée à leur contenu en eau. Il faut noter
que, dans ce domaine, les éléments autres que les feuilles peuvent
jouer un rôle majeur, contrairement à ce qui est généralement
observé dans les domaines de longueur d’onde plus courtes ;
3• Les propriétés du sol. Ici encore, selon les domaines spec-
traux, les propriétés du sol sont liées à différentes caractéris-
tiques :
- domaine optique réflectif : la réflectance dépendra de la rugo-
sité du sol, de sa composition en matière organique, fer, de son
humidité, de sa texture et structure,
- dans le domaine thermique, l’émissivité dépendra du type de
sol, de l’humidité du sol et de sa rugosité. Sa température dépen-
dra également de son humidité pour des conditions micro-clima-
tiques données,
- dans le domaine des micro-ondes, la rugosité et l‘humidité sont
les principales caractéristiques qui influencent le signal rétrodif-
fusé.
Le tableau 1 (cf. page 10) résume les principales variables bio-
physiques estimables par télédétection en fonction du domaine
spectral considéré.
Ces différentes variables biophysiques peuvent être utilisées
comme indicateurs pour moduler un certain nombre d’opéra-
tions culturales. Le tableau 2 (cf. page 10) présente les applica-
tions potentielles les plus importantes avec les variables biophy-
siques du couvert associées. L’estimation des variables biophy-
siques doit être dynamique, c’est à dire qu’un véritable suivi dans
le temps doit être effectué tout le long du cycle cultural pour per-
mettre d’obtenir par interpolation ou extrapolation les variables
biophysiques à certains stades critiques ou bien détecter des gra-
dients spatiaux évoluant dans le temps et indicateurs de pro-
blèmes potentiels (stress, maladie, …).
On remarque (Tableau 2) que le domaine du visible et du proche
infrarouge (400-1100 nm) est celui qui apporte le plus d’infor-
mations. L’infrarouge thermique est important pour la phénologie
et la conduite de l’irrigation, éventuellement la détection de mala-
dies qui se manifestent par une limitation de l’alimentation
hydrique (piétins, …). L’utilisation du domaine des micro-ondes
se trouve principalement cantonné à l’estimation de l’humidité de
surface du sol, caractéristique essentielle pour la préparation des
lits de semence et l’implantation de la culture.
Enfin, en dehors des variables biophysiques strictement utili-
sables pour mieux gérer les techniques culturales, le suivi au
cours du cycle de ces variables constitue une source d’informa-
tions unique pour l’estimation du rendement et de sa qualité,
mais aussi de la fertilité des sols tout comme les cartes de rende-
ment réalisés au champ peuvent l’être.
L’approche générale suivie passe par trois étapes nécessaires qui
sont (figure 1) :
1• l’estimation de la variable biophysique d’intérêt à partir de la
donnée satellitale. C’est la problématique télédétection pure,
2• l’estimation des variables agronomiques dérivées servant de
base à la modulation de la technique culturale. Cette étape fait
intervenir les modèles écophysiologiques,
3• la préconisation, qui doit intégrer les contraintes économi-
ques, celles de l’exploitation, ainsi que l’environnement. C’est ici
le domaine de l’agronomie.
L’exemple de la fumure azotée
La gestion de la fumure azotée constitue actuellement un exemple
d’application possible particulièrement intéressant. Il apparaît
imprécis de prédire le bilan azoté d’une culture compte tenu de
la difficile quantification des mécanismes de transport de trans-
formation et d’utilisation de l’azote par les cultures. La gestion de
la fumure azotée des cultures de blé est donc de plus en plus rai-
sonnée en fonction de l’état azoté du couvert dont l’évaluation est
9L’enjeu français de l’agriculture de précision
Figure 1. Les différentes
étapes envisagées
dans l’approche permettant
d’utiliser les données
de télédétection pour modu-
ler les opérations culturales
en agriculture de précision.
réalisée à partir de la mesure du contenu en chlorophylle des
feuilles à certains stades de développement de la culture :
• au dessus d’un certain seuil de contenu en chlorophylle des
feuilles, on décidera de ne pas apporter d’azote ou de retarder ou
réduire l’apport initialement prévu ;
• en dessous de ce seuil de contenu en chlorophylle, la culture
est considérée ayant une alimentation azotée insuffisante. Il
conviendra alors d’apporter une dose d’engrais qui sera fonction
de l’état d’alimentation azotée de la culture appréciée par la mesu-
re du contenu en chlorophylle des feuilles, des besoins estimés de
la culture et du stade phénologique.
La technique de mesure du contenu en chlorophylle des feuilles
est basée sur une mesure au champ de la transmittance des
feuilles des étages supérieurs de la culture. Cette technique, bien
que séduisante et efficace localement, se heurte aux limitations de
la mesure manuelle au sol, en particulier par sa lourdeur et son
échantillonnage difficilement représentatif et non exhaustif. Il est
donc malaisé de mesurer des hétérogénéités de la parcelle ou
d’échantillonner de nombreuses parcelles avec une telle tech-
nique.
La télédétection dans le domaine du visible-proche infrarouge
permet d’estimer le contenu en chlorophylle des couverts.
L’approche qu’il est possible de développer est basée sur l’utilisa-
tion de modèles de transfert radiatif. L’inversion de ces modèles
permet d’estimer avec une précision relativement bonne le conte-
nu en chlorophylle des feuilles. Il est ainsi possible de cartogra-
phier cette variable. La dose, et éventuellement la date d’apport
d’azote, pourront être modulés en s’adaptant aux besoins de la
culture en chaque point de la ou des parcelles.
La méthode proposée, basée sur l’inversion de modèles de trans-
fert radiatifs, est relativement complexe et nécessite une bonne
connaissance de la culture. Il est possible de l’appliquer selon
deux modalités :
• en relatif, où les estimations de contenu en chlorophylle sont
étalonnées sur quelques mesures au sol. Cette méthode peut être
appliquée sans avoir une connaissance approfondie de la culture ;
• en absolu, où, sans mesures au sol, l’estimation du contenu en
chlorophylle est directement utilisée pour calculer la dose d’en-
grais à apporter. Cette méthode nécessite une grande connaissan-
ce de la culture et donc un étalonnage préalable des modèles de
transfert radiatif (principalement, adaptation de la description de
la structure de la culture).
Quoiqu’il en soit, l’inversion des modèles de transfert radiatif est
d’autant plus efficace et précise que le problème est bien con-
traint. Ces contraintes proviennent évidemment de la connais-
sance que l’on a a priori sur les gammes de variations des para-
mètres du modèle. Elles peuvent également venir de l’utilisation
de données multi-temporelles. En effet, le développement de la
10L’enjeu français de l’agriculture de précision
Variables Visible Proche Infra-rouge Micro-ondes Micro-ondes
Biophysiques Proche Infrarouge Moyen Infrarouge thermique actives (radar) passives
LAI +++ +++ + ++ +
Taux de couverture ++++ ++++ ++ ++ +
Port foliaire +++ +++ + + +
Taille des feuilles + + + + +
Hauteur du couvert - - - ++ -
Contenu en chlorophylle +++ - - - -
Contenu en eau - +++ - +++ +++
Température - - ++++ - ++
Humidité (surface) - + + ++ +++
Rugosité + + - ++ +
Résidus de récolte +++ ++ - -
Matière organique ++ ++ - - -
Tableau 1 : Variables biophysiques estimables par télédétection. Le niveau de précision et robustesse de l’estimation
est indiqué par le nombre de + (“ ++++ ” précis et robuste ; “ - ” non estimable par télédétection.
Tableau 2 : Variables biophysiques estimables par télédétection et utilisables pour différentes applications. Les domaines spectraux à partir desquels ces variables
sont observables sont indiqués (VIS : visible ; PIR : proche infrarouge ; MIR : moyen infrarouge ; IRT : infrarouge thermique ; µonde : micro-ondes)
Application Variables biophysiques Domaine spectral
Fumure azotée .........................................................................LAI (biomasse), Chlorophylle .............................................VIS/PIR
Irrigation ..................................................................................Température ...........................................................................IRT
travail du sol/ semis .................................................................Humidité du sol ...................................................................µonde
Phénologie ...............................................................................LAI, structure, Température, ............................................VIS/PIT IRT
Attaque parasitaire ...................................................................Chlorophylle, LAI, résidus de récolte...............................VIS/PIR/MIR
Fertilité du sol .........................................................................LAI (biomasse), matière organique..................................VIS/PIR/(MIR)
Rendement ...............................................................................LAI, chlorophylle, Température.........................................VIS/PIR IRT
Qualité (protéines) ...................................................................Chlorophylle, LAI ...............................................................VIS/PIR
structure des plantes obéit à des lois de croissance très strictes et
ayant une forte cohérence temporelle, ce qui réduit considérable-
ment le domaines des possibles. Ainsi, l’utilisation de modèles
dynamiques d’évolution de la structure des couverts, couplés aux
modèles de transfert radiatif, impose des contraintes fortes sur
l’inversion, rendant les estimations des caractéristiques du cou-
vert plus précises en restreignant les ambiguïtés.
L’inversion du modèle de transfert radiatif fournira en outre une
estimation de l’indice foliaire qui est un indicateur particulière-
ment pertinent pour évaluer le potentiel de rendement de la cul-
ture, donc une estimation de ses besoins potentiels. Enfin, le suivi
de l’état azoté de la culture et de l’indice foliaire permettent de
recaler dans le temps la phénologie de la culture, ainsi que de réa-
liser des estimations de qualité de la récolte, principalement liée
à la teneur en protéines des grains. De la même manière on pour-
ra apprécier les risques de verse et de maladies.
Caractéristiques des capteurs
de télédétection utilisables
pour l’agriculture de précision
Les capteurs de télédétection sont définis par leur caractéristiques
spatiales, spectrales, radiométriques, temporelles et direction-
nelles. Pour une mission ayant comme principal objectif l’agri-
culture de précision, le capteur devra avoir les spécifications sui-
vantes :
• résolution spatiale. La résolution spatiale est dictée par la
taille caractéristique des hétérogénéités à observer. Suivant l’origi-
ne de l’hétérogénéité spatiale (sol, maladies, problèmes d’opéra-
tions culturales, verse…), sa taille peut varier dans des propor-
tions très importantes allant du mètre à plusieurs centaines de
mètre. Par contre, l’autre facteur limitant à prendre en compte est
la dimension caractéristique des outils culturaux utilisés. Elle est
définie par la largeur de travail (qui peut éventuellement être
modulée) qui varie de 3 à 24m, et par l’inertie longitudinale du
système, qui varie de 1 à 10m suivant les opérations culturales.
Une résolution utile de 5m à 20m est donc bien adaptée à ces
contraintes. Elle permet également d’accéder à un échantillonage
parcellaire relativement fin (parcelles de l’ordre de l’hectare) qui
pourtant n’est pas celui principalement visé par l’agriculture de
précision ;
• Résolution et échantillonnage spectral. Comme nous le
montre le tableau 2, le domaine du visible et proche infrarouge
est celui qui est le plus riche en information sur le couvert. On
pourra également utiliser le domaine de l’infrarouge thermique
pour les problèmes d’irrigation, de phénologie et éventuellement
de détection de maladies.
Dans le domaine du visible et du proche infrarouge, les variables
biophysiques d’intérêt sont principalement l’indice foliaire et le
contenu en chlorophylle. Le signal réfléchi par les couverts végé-
taux dans ce domaine spectral est sensible aux propriétés
optiques du sol, à la structure du couvert, à la structure interne
des feuilles et à leur surface spécifique. En outre, il faudra avoir la
possibilité de réaliser des corrections atmosphériques. L’estima-
tion robuste des variables indice foliaire et contenu en chloro-
phylle va donc demander d’échantillonner les principales figures
d’absorption des constituants du couvert et de l’atmosphère
(chlorophylle, sol, matière sèche des feuilles, aérosols, vapeur
d’eau). Un minimum d’une dizaine de bandes spectrales (sui-
vant la résolution radiométrique) réparties sur le domaine 400-
1000 nm sera donc nécessaire. Il faudra également bien échan-
tillonner la transition rouge-infrarouge (red-edge) où la densité
spectrale d’information est importante.
La résolution spectrale est définie par la taille caractéristique des
figures d’absorption. C’est donc principalement l’atmosphère et le
red-edge qui vont imposer des largeurs de bandes spectrales
proches de 10 nm. Ces largeurs peuvent être relâchées dans les
longueurs d’onde plus courtes où les figures d’absorption sont
assez souples. La position des bandes spectrales devra être stable
dans le temps et connue avec une très bonne précision ( mieux
que 0.5 nm).
Echantillonnage temporel
C’est sans doute une des contraintes majeures du système. Il faut
en effet être capable de suivre tout au long du cycle cultural les
évolutions parfois très rapides constatées. La fréquence de mesu-
re utile doit être au minimum de la semaine. Cette fréquence est
celle qui est généralement adoptée pour les mesures au sol.
Compte tenu des problèmes de nébulosité, il faut donc avoir une
fréquence d’acquisition d’images de l’ordre de 1 à 3 jours pour
assurer, avec une bonne probabilité, une fréquence utile de
l’ordre de la semaine.
Echantillonnage directionnel
Les mesures directionnelles permettent d’obtenir des informa-
tions sur la structure du couvert. Toutefois, il apparaît que la
dimension spectrale est absolument nécessaire, et que la dimen-
sion directionnelle n’apporte qu’une quantité d’information mar-
ginale supplémentaire. De plus, la complexité (ou le coût) de l’ob-
tention de mesures directionnelles associées à une résolution spa-
tiale décimétrique et à une très haute fréquence de mesure n’est
pour le moment pas envisageable. On se contentera donc de
visées au nadir* ou proches de cette direction.
Résolution radiométrique, étalonnage
La résolution radiométrique est essentielle pour obtenir des esti-
mations aussi précises que possible des variables d’intérêt. Un
rapport signal sur bruit supérieur à 400 pour les niveaux de lumi-
nance observés sur les cultures, comme cela est actuellement
obtenu par les systèmes spectraux imageurs aéroportés actuels,
est absolument nécessaire.
L’estimation des variables d’intérêt à partir des mesures satellitales
fait intervenir, comme nous l’avons vu, des modèles de transfert
radiatif (atmosphère, couvert, feuille). L’étalonnage absolu et sur-
tout inter-bandes doit être le plus précis possible.
* Point de la sphère céleste diamètralement opposé au zénith.
11L’enjeu français de l’agriculture de précision
Techniques futures de protection des cultures
Quelques perspectives pour l’agriculture de précision
Bernard Bonicelli
Cemagref - Montpellier
UR Génie de Equipements Agricoles et
Forestiers
Tel :04 67 04 63 10
e-mail : bernard.bonicelli@cemagref.fr
Pour des enjeux principalement environnementaux, de nom-
breux travaux sont actuellement menés afin de mieux contrôler
les apports de produits chimiques pour la protection des cultures.
Cela se traduit concrètement par la recherche d’un meilleur cibla-
ge des dépôts selon les caractéristiques locales de la culture (prise
en compte des niveaux d’attaque et de la configuration du végé-
tal), d’un suivi précis des opérations de traitement (traçabilité) et
enfin en dernier recours, par l’étude de techniques alternatives
(non chimiques).
Des équipes pluridisciplinaires sont mobilisées pour réaliser ces
travaux et étudier à la fois les aspects agronomiques, biologiques,
chimiques et les problèmes liés aux techniques d’application. De
la même manière, on associe les compétences de spécialistes pour
étudier le devenir des pesticides et leur influence sur la qualité
des produits (dégradation et toxicité) et sur l’environnement (pol-
lutions).
On peut définir les principales composantes de l’agriculture dite
de “précision”, qui constitue une opportunité technique pour
améliorer les pratiques de protection des cultures, comme :
• la prise d’information (détection, localisation)
• la collecte et la structuration de l’information (SIG)
• la prise de décision (supervision, préconisation)
• le contrôle des apports (modulation)
Dans le domaine particulier de la protection des cultures, les
technologies de “précision” concernent principalement la lutte
contre les mauvaises herbes et leur traitement localisé, les autres
ennemis des plantes (maladies, insectes) nécessitent pour l’instant
des traitements plus généralisés comme on les pratique aujour-
d’hui. Au delà de l’amélioration déjà considérable des machines
de traitement classiques, différents constructeurs proposent des
machines beaucoup plus sophistiquées qui sont capables de res-
pecter les contraintes de l’agriculture de précision (Tyler,
Chavtrac, Hardy). Tout en étant extrêmement important, le
potentiel de ces nouvelles technologies n’est toutefois pas évident
et constitue un choix qui a des conséquences tant en termes
financiers qu’en termes d’organisations et de pratique. Les aspects
réglementaires comme le développement de labels peuvent tou-
tefois accélérer l’utilisation de ces techniques. A ce stade il faut
prendre en compte l’ensemble de l’évolution actuelle des pra-
tiques et des équipements et des services associés qui devrait
conduire progressivement à un saut technologique quasiment
irréversible dans les pays comme la France (ce qui est déjà en par-
tie le cas sur le continent nord américain).
En termes de perspectives il est donc important d’analyser les
techniques actuellement connues et d’envisager leurs utilisations
potentielles et les évolutions probables des pratiques associées.
L’évolution des équipements est abordée suivant deux aspects :
• les capteurs (systèmes de détection des adventices) ;
• les procédés (techniques de pulvérisation).
Les systèmes de détection
En préalable, il est important de souligner qu’il ne peut pas exis-
ter de réelle stratégie de lutte ni d’automatisation possible des
techniques d’application sans repérage approprié des maladies ou
des adventices à éradiquer. Cette détection peut être envisagée à
différentes distances : au niveau du sol (opérateur ou machine)
pour une action en temps réel ou par télédétection pour une
action en temps différé. Au sol, les techniques possibles de repé-
rage se cantonnent à des configurations simples. Les systèmes les
plus simples détectent les plantules par passage dans une barriè-
re photo-électrique ou par radiomètrie. Les systèmes les plus
sophistiqués utilisent des caméras et des dispositifs de traitement
d’image. Tous ces systèmes ne sont pas utilisables à tous les stades
de croissance de la culture et ne sont pratiquement envisageables
qu’en tout début de végétation. Avec encore plus d’ambition,
l’idée d’un repérage déporté par prise de vue aérienne ou par télé-
détection est séduisante. La précision actuelle des repérages par
satellite (1 pixel=1 km2
actuellement, 10 m2
dans le futur) semble
toutefois encore loin de celle escomptée pour un traitement loca-
lisé. A cela se rajoute le prix toujours élevé d’une image qu’il faut
multiplier par un nombre nécessairement important pour agir
convenablement dans le temps. Les vues aériennes sont plus réa-
listes. En dernier lieu, il ne faut pas négliger les possibilités de
repérage visuel par l’opérateur à partir de la cabine de son engin
ou lors d’une démarche spécifique de diagnostic ou de sur-
veillance.
Par ailleurs, sauf lors d’une action directe (contrôle du pulvérisa-
teur à l’aide du système de détection), les observations recueillies
doivent être référencées géographiquement pour alimenter un
système d’information ou de suivi. Cela est immédiat pour les
techniques de télédétection ou de photo interprétation. Un cap-
teur spécifique (GPS ou autre) est par contre nécessaire dans tous
les autres cas. Pour des raisons évidentes de cohérence, la préci-
sion de chaque maillon du système de repérage devra être suffi-
sante.
12L’enjeu français de l’agriculture de précision
C’est par une représentation cartographique que l’information est
ensuite généralement mise en forme. Là encore l’échelle de repré-
sentation est un élément très important tant en terme de décision
qu’en terme d’action pratique. En définitive, pour qu’un disposi-
tif de détection soit opérationnel, ce sera la cohérence du système
complet (capteurs, système de contrôle ou de décision, machine)
qui devra être assurée. Au delà de leur faisabilité, on comprend
mieux pourquoi un système de détection correctement intégré
sera à priori toujours d’un coût élevé et apparaîtra difficilement
sur le marché.
Les techniques d’application
La régularité et l’adaptation des doses appliquées sur les végétaux
à protéger peuvent être considérablement améliorées par l’opti-
misation des techniques classiques. Les techniques les plus évo-
luées sont aujourd’hui :
• les systèmes de stabilisation de rampe (passifs et actifs) ;
• les systèmes anti-dérive (buses, produits additifs et système à
assistance d’air) ;
• les procédés d’injection directe (limitation de la manipulation
des produits) ;
• les dispositifs de modulation (variation continue des débits et
des caractéristiques des jets de pulvérisation).
En pratique il s’agit de trouver des compromis techniques per-
mettant de réaliser des avancées significatives. Ainsi les systèmes
de stabilisation permettent de limiter les mouvements des buses
qui peuvent alors fonctionner dans des conditions plus précises
(buses plus proches des cibles, mouvements de recouvrement
limités, etc.). Une fois ces conditions contrôlées, les procédés
anti-dérive peuvent être réellement efficaces. Il faudra toutefois
toujours vérifier leur réel intérêt agronomique en fonction de
leurs conditions d’utilisation (caractérisation précise des doses
réellement efficaces : taille et nombre des impacts).
Si les aspects opérationnels (composition des mélanges, charge-
ments, déchargements, modulation) sont théoriquement faciles à
améliorer par l’injection directe, on se heurte alors à des pro-
blèmes d’identification automatique des produits (étiquettage) ou
de multiplicité de solutions techniques (utilisation de produits
granulés ou liquides par exemple). Les dispositifs de modulation
peuvent alors prendre différentes formes, la plus simple étant de
moduler en “tout ou rien” sur une largeur d’une rampe, la plus
sophistiquée étant de moduler en continu sur chaque buse (ajus-
tement du débit et des tailles des gouttes). Les dispositifs de trans-
port des gouttes ont aussi une influence (électrostatique, assis-
tance d’air, etc.) plus ou moins déterminante par rapport aux
conditions d’utilisation (vent, mouvements parasites, etc.).
En définitive des résultats comparables peuvent être atteints avec
des techniques très différentes et le seul critère réellement impor-
tant reste ici aussi la cohérence du dispositif complet par rapport
à des objectifs clairement définis. Comme pour les systèmes de
détection, le facteur d’échelle est primordial et il est par exemple
assez évident qu’il ne sera pas utile de réaliser une modulation
très précise si le système de décision n’est pas du même ordre.
Dans tous les cas, le strict respect des conditions optimales de
traitement (doses préconisées, conditions météo) reste la premiè-
re des décisions à prendre.
Partant des constats qui précèdent, les constructeurs de matériels
s’orientent vers des équipements à la carte, du plus simple au plus
sophistiqué. Dans les deux cas, l’élément le plus important reste
certainement le procédé de pulvérisation qu’il faudra adapter aux
besoins nouveaux (produits, environnements différents) et tenter
de rendre robuste (réglages, usures).
En conclusion, si la modulation automatique de la pulvérisation
peut constituer une opportunité technologique, elle sera toujours
difficile à justifier d’un point de vue économique et l’amélioration
des procédés plus classiques restera la priorité. Par contre, le suivi
précis et fiable des opérations de protection des cultures est une
nécessité que seules des techniques adaptées, très proches de
celles envisagées pour la modulation, permettront d’atteindre.
Le suivi des opérations
L’objectif de la traçabilité réside dans le suivi précis des applica-
tions de produits chimiques au niveau d’une parcelle agricole ou
à une échelle inférieure. Des dispositifs complémentaires ou iden-
tiques à ceux des chapitres précédents sont nécessaires pour rele-
ver les paramètres de fonctionnement et d’utilisation des appa-
reils, les géo-référencer, les mémoriser, les transférer et les repré-
senter.
La justification de ces dispositifs de traçabilité est principalement
de l’ordre de la santé publique et l’attente des consommateurs se
traduit par l’établissement de contrats de qualité entre les pro-
ducteurs et les distributeurs permettant par exemple de respecter
des limites maximales de résidus (LMR) de produits chimiques
effectivement présents sur les produits récoltés. La législation
impose ces LMR et on peut facilement imaginer une extension de
cette réglementation ou un règlement du même ordre pour les
sols afin de limiter les risques de pollution. Concrètement ces
limites sont définies expérimentalement par les Services de la
Protection des Végétaux pour chaque croisement culture - para-
site. Elles se traduisent par une dose unique de produit à appli-
quer sur un hectare. Pour les respecter, cela suppose que les trai-
tements phytosanitaires soient effectués dans des conditions
proches et à l’aide d’un matériel en bon état de fonctionnement
(conditions idéales). L’examen des pratiques réelles révèle de
grandes différences : matériel vétuste ou mal réglé, vitesses
d’avancement inadaptées, densités de végétation non prises en
13L’enjeu français de l’agriculture de précision
compte, conditions météorologiques non acceptables, etc.
L’analyse du mode opératoire est aussi très importante notam-
ment pour vérifier les procédures de remplissage, de rinçage ou
de vidange des appareils.
Ainsi, seul un relevé précis des conditions d’application permet
d’avoir une évaluation exacte des quantités de produits réelle-
ment utilisés et déposés sur les cultures. D’un point de vue tech-
nique, ce suivi nécessite le même ensemble de dispositifs que
celui de l’agriculture de précision (système d’acquisition, de stoc-
kage, de transmission et de représentation des données géo-réfé-
rencées) qui a été décrit précédemment. En définitive, comme
précédemment, malgré leur justification et leur intérêt indé-
niable, c’est le coût de ces dispositifs qui risque de freiner leur uti-
lisation.
Les techniques alternatives
L’agriculture biologique amène le problème de la suppression des
produits chimiques pour la protection des cultures. Des procédés
mécaniques, thermiques ou électriques sont dans ce cas là envi-
sageables. Dans ce cadre le Cemagref a par exemple développé un
procédé électrique de désherbage sélectif relativement simple qui
permet de détruire des plantules par éclatement cellulaire à l’aide
de courtes décharges de 15000 volts. Au niveau professionnel
l’automatisation de ces tâches est à envisager. Ces techniques
alternatives ont toutefois un coût d’autant plus important qu’elles
sont sophistiquées. L’effort de recherche et de développement est
donc à poursuivre dans tous les cas afin de proposer de véritables
techniques alternatives.
Conclusion
De nombreuses possibilités d’évolution technique des équipe-
ments de protection des cultures sont envisageables à court
terme. Pour être viables, ces évolutions doivent être issues d’une
réelle demande des utilisateurs et des consommateurs qui
devront en assumer le coût aussi bien en terme financier qu’en
terme technique et organisationnel. Face à l’essor des labels et à
la nécessité d’utiliser des pratiques culturales réellement adaptées
et raisonnées (l’agriculture citoyenne), la traçabilité des applica-
tions chimiques devrait constituer la première application
concrète des techniques de précision. Cette traçabilité devra per-
mettre d’objectiver l’ampleur des problèmes de pollution notam-
ment et de relativiser les marges d’évolution des techniques et des
pratiques qui ne sont à priori pas infinies.
14L’enjeu français de l’agriculture de précision
L’agriculture de précision en France :
état de la situation et questions posées
Gilles Thevenet, Denis Boisgontier
ITCF - Direction Scientifique
Tél : 01 44 31 10 00
e-mail : gthevenet@itcf.fr
Concept et enjeux
Au delà de sa forte médiatisation mettant en avant les nouvelles
technologies qui se développent dans le monde agricole aujour-
d’hui, l’agriculture de précision est un concept de conduite des
parcelles agricoles qui part du constat de l’existence de variabili-
té à l’intérieur de la parcelle.
Prendre en compte cette variabilité pour la conduite des cultures
revient à utiliser les différentes zones qu’il est possible d’identifier
au sein de la parcelle comme base de raisonnement de la prise de
décision. La “difficulté” de cette pratique réside aujourd’hui dans
l’identification des différentes zones au sein de la parcelle et dans
les prises de décisions adéquates.
Pour l’agriculteur, la modulation intraparcellaire peut concerner :
• l’ensemble des opérations culturales : le travail du sol, le semis,
les apports d’amendements, les apports d’engrais, la protection
des cultures (mauvaises herbes, maladies fongiques), l’irrigation ;
• l’ensemble des cultures : grandes cultures, cultures maraichè-
res, industrielles, cultures.
Mais on ne peut l’appliquer que si elle est :
• agronomiquement nécessaire ;
• techniquement possible ;
• économiquement intéressante.
Depuis longtemps déjà, bon nombre d’agriculteurs font varier
leur dose de semis, d’azote, etc., selon la nature de sol rencontrée
sur la parcelle. Cependant, la pratique “à vue” est remise en cause
par les nouvelles technologies comme le GPS, l’utilisation
d’images satellitales, de capteurs, etc. qui devraient permettre de
mieux appréhender et prendre en compte la variabilité intrapar-
cellaire.
L’agriculture de précision est donc à considérer comme un pas
supplémentaire vers plus de précision pour les opérations cultu-
rales par la pratique de la bonne intervention (dose, réglage, …)
au bon moment et au bon endroit. En gérant au mieux la pro-
duction de ses parcelles l’agriculteur peut :
• accroître son bénéfice et augmenter la compétitivité de ses pro-
duits (en quantité et/ou en qualité) ;
• mieux prendre en compte la protection de l’environnement.
L’agriculture de précision à travers le monde
Le concept d’agriculture de précision sous sa forme actuelle, c’est
à dire la prise en compte de la variabilité intraparcellaire avec des
moyens technologiques nouveaux (tels que les systèmes GPS, les
capteurs de rendement, …) est né aux Etats-Unis il y a mainte-
nant plus de 15 années avec les étapes suivantes :
• en 1985, des chercheurs de l’Université du Minnesota ont uti-
lisé des cartes des sols au 1/20 000 digitalisées afin de faire varier
les apports d’amendements calciques sur des parcelles agricoles.
A cette époque apparait la pratique du grid-sampling : les prélè-
vements pour analyse se font avec un maillage fixe (environ un
point par hectare) ;
• fin des années 80-début des années 90 : les cartes de teneur en
éléments minéraux issues du grid-sampling permettent de réali-
ser des cartes de préconisations pour les apports en modulé des
éléments fertilisants et pour les corrections de pH ;
• 1993 : début de l’utilisation des capteurs de rendement ;
• milieu des années 90 : développement de l’utilisation des capteurs
de rendement et des systèmes GPS. En 1994, les capteurs de ren-
dement étaient estimés à 1200 puis 4400 en 1995, 8000 en 1996
et plus de 17 000 en 1997 dont la moitié avec systèmes GPS ;
• en 1998, environ 6 millions d’hectares ont été cartographiés
avec des capteurs de rendement reliés à des systèmes GPS et
beaucoup plus sont couverts avec des cartographies issues du
“grid-sampling”.
L’offre en matériels et services pour l’agriculture de précision est
aujourd’hui “conséquente”, principalement sous l’impulsion de :
• firmes de l’agro-fournitures et principalement Case-IH, Ag
Chem…
• coopératives comme Cenex/Land O’Lakes, Illini FS…
• conseillers privés spécialisés dans l’agriculture de précision ;
• société de l’informatique et de l’électronique comme ESRI,
Trimble, …
L’agriculture de précision aux Etats-Unis concerne principalement
aujourd’hui les régions de production de la betterave, du maïs et
du soja. Elle commence à se développer dans les régions de pro-
duction du coton et du blé.
Ailleurs dans le Monde, l’agriculture de précision se développe à
un rythme plus ou moins important selon les pays. Parmi les pays
les plus avancés pour l’utilisation des nouvelles technologies, on
15L’enjeu français de l’agriculture de précision
trouve le Canada (cultures du maïs, de la betterave, du blé et la
pomme de terre) et l’Australie (blé et canne à sucre).
En Europe la pratique de l’agriculture de précision a commencé à
se développer dans le début des années 1990 et en particulier en
Angleterre sous l’impulsion de Massey-Ferguson et du Silsoe
Research Institute.
Un colloque sur “L’agriculture de précision vue par les utilisa-
teurs” a été organisé par Massey-Ferguson le 1er
mars au SIMA99.
En France l’utilisation des nouvelles technologies (GPS et capteur
de rendement) a démarré lors de la campagne 1997-98.
Aujourd’hui on peut estimer à une trentaine le nombre d’utilisa-
teurs de ces moyens. Les pratiques agricoles en France et aux
Etats-Unis sont différentes, le transfert des technologies largement
utilisées outre-Atlantique doit se faire avec prudence.
Nouvelles technologies et variabilité intraparcellaire
Les nouvelles technologies qui devraient rendre la modulation
des opérations culturales au sein d’une même parcelle plus opé-
rationnelle, au sens fiabilité agronomique et facilité d’utilisation
par l’agriculteur, sont au nombre de quatre :
1• le positionnement géographique des engins agricoles pendant
le travail et des informations collectées sur les parcelles avec le
Global Positionning System appelé GPS ;
2• la possibilité de collecter des informations intraparcellaires à
l’aide de capteurs ;
3• la gestion géoréférencée des informations parcellaires avec
l’utilisation d’un Système d’Information Géographique (SIG) ;
4• le contrôle automatique des engins agricoles permettant la
variation des réglages en continu sans intervention de l’agricul-
teur.
La variabilité intraparcellaire peut concerner :
• le sol (l’ensemble de ses propriétés physiques, mécaniques et
chimiques) ;
• la plante cultivée (stades de développement, maladies, rende-
ment, “qualité”, ...) ;
• la flore et les maladies fongiques ;
• plus rarement le climat.
En ce qui concerne la variabilité du sol, différents moyens peu-
vent être mis en œuvre pour la caractériser :
• la connaissance de ses parcelles par l’agriculteur ;
• les cartes des sols à une échelle suffisamment détaillée (au
moins au 1/25 000) ;
• les prélèvements de sol pour analyse avec un maillage fixe pré-
déterminé ;
• les prélèvements de sol pour analyse avec échantillonnage
orienté à partir d’autres informations comme les cartes de rende-
ment, les photographies aériennes ou images satellitales dispo-
nibles,
• les images satellitales, les photographies aériennes ou les cartes
de rendement ;
• seules, les cartes de rendement ne peuvent donner l’informa-
tion sur la variabilité de profondeur, mais elles peuvent “orienter”
la réalisation des mesures sur des zones spécifiques ;
• les capteurs quand ils seront opérationnels.
Aujourd’hui, pour la mesure de la variabilité intraparcellaire de la
culture c’est principalement la cartographie de rendement qui est
pratiquée dans le cadre du concept de l’agriculture de précision.
Elle est réalisée à l’aide d’un capteur de rendement embarqué sur
moissonneuse-batteuse et associé à un système GPS. Son utilisa-
tion est largement répandue aux Etats-Unis et commence à se
développer en France.
L’interprétation des cartes de rendement doit se faire avec pru-
dence, en effet la variabilité du rendement n’est que la résultante
de la variabilité intraparcellaire, elle n’en est pas la cause.
Les trois phases de l’agriculture de précision
• Etape 1 : mise en évidence
et caractérisation de la variabilité intraparcellaire :
Déceler la variabilité intraparcellaire n’est pas l’étape qui, techni-
quement parlant, pose aujourd’hui le plus de problèmes pour
l’agriculteur qui souhaite se lancer dans l’agriculture de précision.
La limite est essentiellement économique : quel est le coût accep-
table de cette phase ? D’une manière globale différents moyens
sont à mettre en œuvre :
• d’une part les observations réalisées par l’agriculteur et la
connaissance qu’il a de ses parcelles. Elles sont le fondement de
la base de données nécessaire à la caractérisation, puis la valori-
sation des hétérogénéités intraparcellaires ;
• d’autre part les cartographies qui seront réalisées sur chacune
des parcelles. Les paramètres à cartographier vont dépendre de
l’opération culturale à réaliser.
• Etape 2 : prise en compte de la variabilité
intraparcellaire dans le processus qui amène
à la prise de décision de conduite des cultures :
Cette étape nécessite de comprendre l’origine et l’impact de la
variabilité intraparcellaire tant vis à vis de l’opération culturale à
réaliser (décision opérationnelle) que pour l’exploitation dans sa
globalité (incidence économique et environnementale). C’est à ce
stade que le concept d’agriculture de précision trouve aujourd’hui
son point faible. En effet, compte tenu de la masse importante
d’information que fournissent les nouvelles technologies, elles
amènent souvent, pour l’instant, plus de questions qu’elles ne
sont censées en résoudre.
La décision doit être basée sur des modèles d’aide à la décision.
Ceux développés depuis près de vingt ans ne sont pas forcement
adaptables directement à la conduite modulée des parcelles. La
prudence est donc de mise avant toute décision.
16L’enjeu français de l’agriculture de précision
La décision finale appartient à l’agriculteur, en fonction de la fai-
sabilité technique, de l’intérêt économique et de l’impact sur l’en-
vironnement.
• Etape 3 : mise en œuvre des décisions
de modulation sur la parcelle
C’est l’étape qui pose le moins de problème compte tenu des
avancées technologiques récentes. Le seul problème aujourd’hui
en France à ce niveau est la disponibilité, chez les agriculteurs, du
matériel susceptible d’appliquer en modulé les apports d’intrants.
Pour la mise en œuvre de la conduite modulée des parcelles, deux
pratiques sont possibles :
La modulation en temps réel : c’est l’utilisation de capteurs
embarqués actionnant directement le matériel pendant le travail.
La modulation fondée sur l’utilisation de cartes de préconisa-
tions : c’est actuellement la pratique la plus utilisée dans le cadre
de la conduite modulée des parcelles. La qualité des cartes de pré-
conisations repose sur :
• la qualité des informations acquises sur la parcelle ;
• le type de traitement géostatistique des informations de base ;
• la qualité des modèles agronomiques utilisés. Des travaux sont
encore nécessaires pour adapter les modèles agronomiques utili-
sés aujourd’hui à la pratique de l’agriculture de précision.
Que faire aujourd’hui
Très certainement comme cela s’est produit aux Etats-Unis, au
Canada, en Australie et dans certains pays européens (Angleterre,
Allemagne, Danemark et la Suède) l’agriculture de précision va
progressivement se développer sous l’impulsion de l’utilisation
des nouvelles technologies par les agriculteurs et principalement
les capteurs de rendement.
Les conseils qu’il est possible de donner aujourd’hui sont :
• investir avec prudence dans les équipements nécessaires à la
pratique de l’agriculture de précision : système GPS et outils per-
mettant la modulation intraparcellaire en s’assurant principale-
ment de la compatibilité entre les différentes informatiques et
électroniques embarquées ou à la ferme. En effet aucune norme
n’est pour l’instant établie à ce sujet ;
• ne pas se précipiter pour réaliser des modulations intraparcel-
laires dès les premières années. Bien commencer par la première
phase : c’est la constitution d’une base de données sur la parcelle
et sur plusieurs années qui doit permettre de comprendre puis
d’utiliser la variabilité intraparcellaire pour optimiser la produc-
tion de la parcelle. Pour certaines opérations culturales comme les
corrections de pH, ou les apports de fumure phospho-potassique,
la modulation peut être envisagée rapidement si économique-
ment cela s’avère intéressant ;
• choisir un logiciel de type SIG qui intègre toutes les fonction-
nalités nécessaires à la valorisation de la variabilité intraparcellai-
re. L’ITCF en partenariat avec la société ESRI France présente au
SIMA un SIG dédié à l’agriculture de précision. Il intégre les fonc-
tionnalités d’un “SIG classique” pour gérer l’information intrapar-
cellaire (données géoréférencées comme celles produites par les
capteurs de rendement ou issues de prélèvements de sol, images
satellitales, photos aériennes, ...) ainsi que les modèles agrono-
miques nécessaires à la prise de décisions de conduite modulée
des cultures ;
• ne pas hésiter à partager l’expérience entre agriculteurs ;
• faire appel à des conseillers agricoles qui se spécialisent dans
l’agriculture de précision. En France, plusieurs sociétés proposent
déjà un service spécifique “agriculture de précision” Il peut aller
du prélèvement de sol géoréférencé jusqu’à l’application en
modulé. Parmi ces sociétés, on trouve : Agrisat, Prolog, Geosys,
Hölzl, Essais+, Satplan, ...
17L’enjeu français de l’agriculture de précision
INRA - Direction de l’Information et de la Communication
147, rue de l’Université 75338 Paris cedex 07 - Tél : 01 42 75 90 00 - Fax : 01 47 05 99 66
Photo de couverture : taux de couverture d’une parcelle de blé (19.05.98). ©INRA Bioclimatologie - Avignon

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  • 1. L’enjeu français de l’agriculture de précision Hétérogénéité parcellaire et gestion des intrants L’ INRA,leCemagref et l’ITCF veulentmettrel’accent surdes travaux de recherche complémentaires, autour de nouvelles technologies donnant plus de précision aux interventions culturales. Dans le souci d’optimiser les productions végétales, mais aussi de limiter leurs impacts sur l’environnement, de nouveaux outils sont mis au point pour prendre en compte l’hétérogénéité des parcelles. Les techniques permettant de moduler les opérations culturales en fonction de cette hétérogénéité doi- vent être couplées à de nouveaux modèles agronomiques d’aide à la déci- sion. Un exemple d’innovation clé est l’installation, sur les moissonneuses bat- teuses, de capteurs de rendement liés à un positionnement par satellite (GPS). Ils permettent d’obtenir une cartographie du rendement de la par- celle, utilisée avec d’autres informations pour mieux ajuster les travaux. Agriculteurs, chercheurs et constructeurssont doncconcernésparlamodu- lation intraparcellaire qui touche à la fois l’ensemble des cultures et l’en- semble des travaux agricoles (travail du sol, semis, apports d’engrais, pro- tection des cultures, irrigation...). Cette conférence-débat, qui fait un point des recherches menées en France sur l’agriculture de précision, est l’occasion de connaitre les bases de la réflexion scientifique sur la question. Les textes rassemblés dans ce dossier sont ceux écrits par les intervenants. Ce ne sont pas les reproductions in extensode leurs exposés mais un complément pour débattre avec ces spé- cialistes sur les enjeux technologiques, agronomiques et environnementaux de l’agriculture de précision. L’équipe organisatrice 1L’enjeu français de l’agriculture de précision Conférence-débat organisée par l’INRA, le Cemagref et l’ITCF
  • 2. Jean-Marc Meynard(INRA) Les règles de modulation pour la fertilisation azotée (Plan de l’intervention)........................................................................p. 3 Bernard Nicoullaud (INRA) Variabilité des sols et techniques de cartographie détaillée................p. 4 Raphaël Rouveure (Cemagref) Caractérisation des lits de semence ; application au contrôle automatique des outils agricoles...................p. 6 Frédéric Baret (INRA) Le potentiel de la télédétection pour l’agriculture de précision..........p. 8 Bernard Bonicelli(Cemagref) Techniques futures de protection des cultures ; perspectives pour l’agriculture de précision......................................p. 12 Gilles Thevenet(ITCF) L’agriculture de précision en France, état de la situation et questions posées.............................................p. 15 2L’enjeu français de l’agriculture de précision
  • 3. Les règles de modulation pour la fertilisation azotée Jean-Marc Meynard INRA - Grignon Tél : 01 30 81 54 20 e-mail : meynard@jouy.inra.fr Plan de l’intervention 1• Les bases du raisonnement • Méthode du bilan prévisionnel • Carte de potentialités • Carte de profondeur de sol 2• Les apports d’une mesure spatialisée de la réflectance du couvert végétal en fin d’hiver • Estimation des besoins en azote (thèse de Nouraya Akkal), particulièrement utile s’il y a des hétérogénéités de densité dans la parcelle • Estimation du cœfficient d’utilisation de l’engrais azoté 3• Perspectives de recherche • Analyse des cartes de rendement pour élaborer des références • Spatialisation des reliquats d’azote minéral du sol Résumé de la thèse de N. Akkal Objectif : définir les bases scientifiques d’une procédure opéra- tionnelle qui permette d’estimer précocément les besoins en azote du blé sur une base journalière depuis la sortie de l’hiver jusqu’à la floraison et pour une large gamme de variétés. Les recherches visent à rendre possible la modulation des apports d’azote, dans une perspective de réduction des impacts négatifs de l’agricultu- re sur l’environnement (eaux souterraines, etc.). Pour répondre à cet objectif, on a créé un modèle prédictif de l’évolution de l’indice foliaire sur la base d’une estimation pré- coce d’une valeur initiale. Les paramètres entrant dans le modèle sont eux-mêmes déterminés en fonction du stade d’observation de cette valeur initiale et de la variété. La qualité de robustesse des relations trouvées a fait l’objet d’une attention particulière : un jeu de données très complet a permis de croiser, sur deux ans, trois variétés (Soissons, Thésée, Pernel), trois densités et deux dates de semis. Le modèle d’indice foliaire a été à son tour combiné avec une modélisation classique de la dynamique de croissance de la bio- masse potentielle (formalisme de Monteith) et des besoins en azote (travaux de Lemaire et Salette). La sensibilité du modèle d’estimation des besoins en azote à différentes dates d’observation du LAI sortie hiver (LAISH), a été réalisée dans le but de tester le caractère opérationnel de la méthode. L’indice foliaire repose notamment sur la mesure d’un indicateur de l’état de la culture, duquel on tire une estimation initiale. Nous proposons, après les avoir testés, les deux indicateurs suivants : • Le taux de couverture (TC %) que les agriculteurs utilisent spontanément lorsqu’ils font leur “tour de plaine”; • La réflectance radiométrique dans les bandes du rouge et du proche infrarouge, ou encore une combinaison de ces bandes sous la forme d’un indice de végétation (TSAVI), que l’on peut aisément mesurer en continu grâce aux techniques de l’agricultu- re de précision (capteurs embarqués, positionnement GPS). Malheureusement la relation entre indicateurs et indice foliaire n’est pas unique : elle dépend des facteurs agronomiques (varié- té, densité). Le passage des indicateurs à l’indice foliaire a été réalisé grâce à la mise en œuvre d’un modèle de structure du blé en 3D, déve- loppé parallèlement à notre travail. Ce modèle rend compte de la croissance de la plante au cours du tallage et, particulièrement, des degrés de liberté de la structure, du port foliaire et des pro- priétés optiques. Il permet de simuler un peuplement, même hétérogène, et calcule la réflectance dans des conditions données d’éclairement. Grâce à cet outil, nous avons construit des abaques “indice foliaire-TC %” et “indice foliaire-TSAVI” pour les trois variétés sélectionnées. Une étude de sensibilité du modèle 3D a permis de hiérarchiser les paramètres et de proposer à l’utilisateur une caractérisation de la structure du blé par des grandeurs non- ambiguës, dans le souci d’étendre la démarche à d’autres variétés et dans d’autres conditions agronomiques. 3L’enjeu français de l’agriculture de précision Mots-clés : Blé d’hiver, dynamique des besoins en azote, gestion des intrants, modèle de croissance, techniques culturales, variété, densité, agriculture de précision, structure du couvert, indice foliaire, biomasse, indicateurs, taux de couverture du sol, radiométrie, réflectance, photogrammétrie, stéréovision.
  • 4. Variabilité des sols et techniques de cartographie détaillée B. Nicoullaud, D. King, A. Dorigny INRA-Orléans Science du Sol - SESCPF Tél : 02 38 41 78 45 e-mail : nicoullaud@orleans.inra.fr Les techniques dites “d’Agriculture de Précision” permettent désormais de moduler les opérations culturales au sein même des parcelles agricoles. Le sol constitue l’un des facteurs de produc- tion et la connaissance de la variabilité spatiale de ses propriétés est indispensable comme support d’aide à la décision pour le pilotage des travaux. Nous examinerons les méthodes actuelle- ment opérationnelles pour la cartographie détaillée des caracté- ristiques permanentes des sols mais aussi celles de la recherche pour la cartographie du suivi des états du sol au cours du temps. Nous soulignerons enfin la nécessité de disposer de bases de don- nées complémentaires et de techniques de modélisation des cul- tures. Faut-il envisager une cartographie fine de toutes les parcelles? L’utilisation des techniques d’Agriculture de Précision constitue un investissement financier important et une remise en cause du mode de gestion des travaux au sein d’une exploitation. Ainsi, avant tout investissement, il est nécessaire d’établir un diagnostic de la variabilité des sols au sein des parcelles de l’exploitation. Pour cette phase préalable, une cartographie détaillée du sol n’ap- paraît pas obligatoire. Il suffit de reconnaître la nature des sols présents, d’estimer approximativement leur surface respective au sein des parcelles et d’analyser les caractères pédologiques sus- ceptibles de jouer un rôle majeur dans le développement et la croissance des plantes. Le rapport entre la taille des parcelles et l’intensité de la variabilité des sols sera confronté au gain attendu par l’introduction de techniques de modulation intra-parcellaire. Il faut toujours se rappeler qu’une faible variabilité ne rentabilise- ra pas l’investissement et qu’une très forte variabilité se résoud parfois plus aisément par un simple redécoupage du parcellaire. Méthodes de cartographie des sols • Par observations ponctuelles L’observation du sol est réalisée par le pédologue à l’aide de carot- tages ou sondages (profonds au maximum d’1,2 m). Les échan- tillons ainsi prélevés sont expertisés ou analysés. Après cette phase de prospection, le pédologue trace les contours des unités de sols. La cartographie des sols par cette méthode implique des moyens qui seront proportionnels au nombre d’observations jugées nécessaires. Celles-ci dépendent de la variabilité même du milieu, et de l’efficience du pédologue cartographe. Le choix d’un plan d’échantillonnage est donc une phase déterminante de la réalisa- tion d’une carte. Une méthode simple mais coûteuse consiste à réaliser un maillage régulier des parcelles. En général, on préfère établir un plan raisonné de l’échantillonnage en s’aidant de l’en- semble des informations disponibles: morphologie du relief, cartes géologiques ou pédologiques pré-existantes, photographies aériennes... Une autre possibilité est d’utiliser des cartographies de rendement lorsque celles-ci existent afin d’orienter la prospection vers les zones les plus variables ou les zones de transition. Pour ce faire, il est préférable de posséder plusieurs cartes de rendement obte- nues sur plusieurs années. En utilisant une seule année, on risque de dresser une carte du facteur limitant de cette année là seule- ment. • Par mesures géophysiques (observations continues) La méthode par carottage permet des observations directes du sol mais elle présente l’inconvénient d’être destructive et d’être réali- sée sur un nombre nécessairement limité de sondages. Depuis quelques années, de nouvelles méthodes de prospection ont vu le jour grâce au développement des techniques de géo- physique de surface. Le principe de ces méthodes consiste à émettre une onde (électrique, électromagnétique, sonore...) ou à utiliser une onde préexistante (naturelle, émission radio), puis à examiner la modification des caractéristiques de cette onde après son passage dans le sol. Ces techniques permettent : (1) de réali- ser des mesures non destructives des terrains étudiés, (2) de pros- pecter des milieux présentant une forte résistance mécanique (par exemple, terrains caillouteux) et (3) de multiplier les mesures et ainsi de réaliser une prospection quasi-continue de l’espace. Nous détaillons ici une seule de ces méthodes. La méthode électrique consiste à envoyer un courant électrique dans le sol et à mesurer la résistivité électrique des terrains. Cette résistivité dépend de la nature et de l’arrangement des matériaux ainsi que de leurs propriétés (teneur en eau, température, masse volumique apparente). Selon l’écartement d’électrodes placées à la surface du sol, on atteint différents niveaux de profondeur. Ces mesures peuvent être réalisées sous forme de sondages verticaux permettant une analyse détaillée des discontinuités des horizons pédologiques et des couches géologiques présentes. On effectue également des “trainés” qui consistent en mesures électriques réa- lisées avec un écartement fixe des électrodes et répétées selon une résolution spatiale fine de l’ordre du m2 . Ces mesures sont effec- 4L’enjeu français de l’agriculture de précision
  • 5. tuées à l’aide d’appareils munis de systèmes de géoréférencement (GPS). Le résultat des investigations est exprimé sous forme de cartes d’isorésistivité. Si ces méthodes sont non destructives et d’acquisition rapide, elles ne donnent pas accès directement aux caractéristiques des sols qui intéressent l’agronome. L’interprétation des mesures nécessite un calage à l’aide de points d’observations réalisés par carottage par le pédologue expert. Il faut alors disposer d’un réfé- rentiel afin d’interpréter par exemple les cartes d’isorésistivité obtenues par la méthode électrique. Suivi temporel des états du sol La cartographie des caractéristiques permanentes du sol n’est pas toujours suffisante pour répondre aux besoins exprimés lors d’opérations culturales modulées au sein des parcelles. En effet, dans bien des cas, il est utile d’avoir accès à des variables tempo- raires, par exemple le stock hydrique ou minéral. Pour ce faire, deux possibilités peuvent être à nouveau envisagées : soit par modélisation puis estimation de ces variables, soit par mesures et cartographie directe sur le terrain. Dans le premier cas, on choisit quelques principaux types de sol au sein de la parcelle et on applique sur ceux-ci des modèles agro- pédoclimatiques. Cela nécessite de disposer de données météoro- logiques précises et représentatives de la parcelle (pluie, tempéra- ture, évapotranspiration...). On simule le fonctionnement hydri- que et thermique du profil de sol. Des suivis ponctuels sur le ter- rain permettent un calage ou une validation de ces modèles au cours du temps. La généralisation des paramètres de sortie des modèles est réalisée par analogie entre les différents types de sols présents. Dans le second cas, on préfère une cartographie des variables d’état à un instant donné. L’évolution de ces variables au cours du temps implique l’utilisation de méthodes rapides d’acquisition. Seules les méthodes géophysiques semblent pouvoir répondre à cette exigence et on pourrait envisager l’installation de capteurs sur le tracteur ou les outils agricoles afin de réaliser une cartogra- phie lors de chaque passage dans la parcelle. Cependant, les méthodes géophysiques permettent rarement d’accéder directe- ment aux variables souhaitées. Elles nécessitent une phase délica- te d’interprétation des signaux enregistrés. Bien que les matériels existent déjà sur le marché, ces méthodes ne sont pas encore mises en œuvre en routine. Des recherches sur la connaissance des facteurs du sol à l’origine de la modification du signal restent à entreprendre. Dans tous les cas, il faudra former du personnel compétent pour valoriser au mieux ces nouvelles technologies. Bases de connaissances Quelles que soient les méthodes de cartographie envisagées, il est indispensable de disposer de bases de données et de bases de connaissances permettant de faire le lien entre les observations réalisées sur les parcelles et les propriétés des sols en terme de fonctionnement (par exemple propriétés de rétention en eau, obstacle à l’enracinement, etc). Ces bases de données doivent être créées régionalement afin de décrire et de caractériser d’une façon exhaustive les principaux sols d’une région qui seront retrouvés dans les parcelles. Ces don- nées devraient être obtenues à partir d’inventaires réalisés à peti- te échelle. Les besoins prévisibles très importants d’informations “sol” générés par les techniques d’Agriculture de Précision font apparaître d’une façon cruciale l’importance de tels programmes. Toutes les données ainsi acquises (obligatoirement géoréféren- cées) seront intégrées au sein d’un Système d’Information Géographique. Elles pourront servir d’éléments de base à une modélisation spatiale du fonctionnement des cultures réalisée à l’aide de modèles agrométéorologiques. La confrontation des sor- ties de ces modèles avec les données de rendement sera une aide importante au diagnostic des cartographies obtenues et à l’élabo- ration de nouveaux itinéraires techniques. Conclusion Des méthodes de cartographie du sol et de ses propriétés existent et peuvent d’ores et déjà être mises en œuvre. A côté des appro- ches classiques par carottage, des méthodes de prospection géo- physique se sont développées. Compte tenu des avantages et inconvénients de chacune de ces méthodes, il est souhaitable de coupler ces approches complémentaires. L’objectif est d’arriver au meilleur compromis entre le coût de telles opérations et le béné- fice retiré par l’agriculteur ou la collectivité. La mise en place de références et de bases de connaissances à une échelle régionale s’avère nécessaire afin de coupler ces cartographies à des modèles agropédoclimatiques pour le suivi du développement et de la croissance des cultures. 5L’enjeu français de l’agriculture de précision
  • 6. Caractérisation des Lits de Semence : application au contrôle automatique des outils agricoles Raphaël Rouveure, Jean-François Billot, Anicet Marionneau Cemagref - Clermont-Ferrand Tél : 04 73 44 06 85 e-mail : raphael.rouveure@cemagref.fr Contexte Les experts agricoles constatent ces dernières années une muta- tion profonde des pratiques agricoles, liée à trois évolutions majeures : • évolution de l’offre et des besoins mondiaux ; • évolution de la Politique Agricole Commune (PAC) ; • évolution de la demande des consommateurs. Pour faire face à ces changements, et améliorer la compétitivité tout en conservant une agriculture à haut niveau de production, l’agriculteur ne dispose que d’un faible espace de liberté. Ainsi, pour le poste de travail du sol qui est devenu au fil des années le plus gros consommateur en temps et énergie, deux possibilités d’amélioration sont aujourd’hui envisagées : • modification des techniques culturales (avec par exemple les Techniques Culturales Simplifiées) ; • optimisation des outils agricoles grâce à l’apport de nouvelles fonctions intelligentes. Les travaux présentés ici s’inscrivent dans ce deuxième axe. En effet, le contrôle automatique du réglage des outils de préparation des sols doit permettre à terme l’amélioration de la qualité des lits de semence et la réduction du nombre de passage sur la parcelle par l’obtention du lit de semence “optimal” dès le premier passa- ge du tracteur. Les améliorations visées concernent à la fois les domaines économiques et environnementaux : diminution du nombre de passage sur la parcelle et donc réduction de la consommation de fioul et des effets du compactage des sols ; gain sur les temps de travail ; limitation des intrants (semences et pro- duits phytosanitaires) ; diminution des risques d’érosion ; etc… L’un des principaux problèmes concerne la prise d’information : quel paramètre (ou ensemble de paramètres) est caractéristique de la qualité du lit de semence ? Et comment mesurer “simple- ment” ce(s) paramètre(s) ? Travaux en cours En collaboration avec les équipes de recherche de l’INRA (Laon) et de l’ITCF (Boigneville), nous nous sommes intéressés dans un premier temps à l’état de surface comme paramètre descriptif des lits de semence. En effet, parmi l’ensemble des paramètres physi- co-chimiques qui caractérisent un lit de semence, l’état de surfa- ce (taille et répartition des mottes) est un critère important qui peut être mis en relation avec la germination et la levée des cul- tures. Ce critère intervient dans la gestion des opérations de tra- vail du sol, et il influe sur de nombreux phénomènes comme l’in- filtration, le ruissellement, l’évaporation, la résistance à la battan- ce, etc. Mis en corrélation avec d’autres facteurs (humidité, etc.), il rend possible la mesure quantitative de l’effet du travail du sol sur la production agricole. Pour la mesure de l’état de surface, différentes approches ont été explorées : • Traitement d’images Une banque d’images créée en conditions de travail réel a été uti- lisée pour valider cette approche. Les images ont été traitées par différents algorithmes utilisant des paramètres de texture. Dans des conditions de travail “idéales”, c’est à dire sans ombre ni poussière, les résultats de classification obtenus sont tout à fait corrects. Cependant, l’utilisation d’un tel capteur est rendue extrêmement délicate en raison des ombres et des poussières qui sont des phénomènes tout à fait représentatifs des conditions de travail en préparation des lits de semence. • Mesure de profil du sol par télémètre Un télémètre est implanté sur l’outil à l’arrière du tracteur et mesure des séries de distance outil-sol afin d’obtenir des profils 1D du sol. L’un des problèmes est ici le choix du capteur : dis- tance de mesure, précision des mesures en distance, taille du spot au niveau du sol, fréquence de mesure compatible avec la vitesse d’avancement. Nous avons aujourd’hui opté pour un télémètre infrarouge, qui réalise un compromis correct entre la précision des mesures et le coût du capteur. Cette approche a été validée dans un premier temps sur des bacs à terre, avec des états de surface reconstitués. Les principaux problèmes concernent ici aussi la mise en œuvre du capteur en condition réelle : protection contre les perturba- tions extérieures (capteur optique, le télémètre infrarouge est lui aussi pénalisé par la poussière) et prise en compte des déplace- ments verticaux parasites du capteur (vibrations et déplacements de l’outil agricole). 6L’enjeu français de l’agriculture de précision
  • 7. • Mesures micro-ondes Nous développons aujourd’hui une activité de recherche dans le domaine de l’utilisation des micro-ondes pour la caractérisation des milieux naturels. On parle généralement de micro-ondes pour le domaine du spectre électromagnétique allant de 1 à 100 GHz environ. Les travaux engagés portent sur l’interaction entre les ondes électromagnétiques et le milieu, afin de développer des capteurs sans contact. Notre démarche s’inspire de celle utilisée en télédétection : après le développement de satellites fournissant des données optiques (visible et infrarouge), sont apparus début 90 des satellites radars fonctionnant dans la bande de 1 à 10 GHz. Pour les applications en milieux extérieurs perturbés, et tout par- ticulièrement pour les applications de travail du sol, les ondes électromagnétiques offrent des avantages indéniables : • une très faible sensibilité aux conditions atmosphériques (insensibilité à l’éclairement, à la pluie, à la poussière, fonctionne- ment de nuit comme de jour...) ; • la possibilité de contrôle du rayonnement émis (en puissance, fréquence, polarisation, angle d’incidence), contrairement aux ondes lumineuses ; • l’accès à des informations, des paramètres physiques, différents de ceux obtenus avec des moyens de mesure optiques. En effet, les propriétés physiques du milieu (humidité, rugosité, taux de biomasse, etc.) qui sont liées à la conductivité électrique, ne sont accessibles que pour des fréquences situées dans la partie moyen- ne du spectre électromagnétique (correspondant au domaine des micro-ondes). Le signal radar mesuré est influencé par l’ensemble des para- mètres physiques et diélectriques du milieu. Aussi, la décorréla- tion des influences respectives de ces différents paramètres rend indispensable la modélisation des interactions entre l’onde élec- tromagnétique et le milieu observé. Aujourd’hui, nos axes de recherche sur le développement de cap- teurs micro-ondes concernent plus précisément : • la mesure de distance (télémétrie hyperfréquence), par exem- ple pour le contrôle de la hauteur de travail des outils, • la mesure de la rugosité du sol, • la mesure de l’humidité du sol. On notera également la capacité de pénétration du milieu par des ondes électromagnétiques, qui permet d’envisager l’accès à des informations relatives à la sub-surface. Nous sommes aujourd’hui en train d’acquérir l’équipement scientifique nécessaire pour la validation de ces différents axes de recherche. Les travaux sont largement engagés sur le premier point, les premiers résultats expérimentaux sont attendus courant 99 pour les points 2 et 3. 7L’enjeu français de l’agriculture de précision Exemple de capteur micro-ondes Emetteur-recepteur 5 cm Antenne
  • 8. Potentiel de la télédétection pour l’agriculture de précision Frédéric Baret INRA Avignon Bioclimatologie Tél : 04 90 31 60 82 e-mail : frederic.baret@avignon.inra.fr L’utilisation de la télédétection pour l’agriculture a jusqu’à présent principalement intéressé les organismes responsables de la ges- tion de l’agriculture à l’échelle régionale, nationale, voire Euro- péenne ou mondiale. Il s’agissait principalement : • du contrôle des surfaces déclarées (en Europe) ; • de l’occupation du sol ; • de l’évaluation de l’importance et de l’extension de dégâts liés aux impacts climatiques tels que le gels, la sécheresse ou les inon- dations ; • de l’évaluation de la productivité, principalement à des échelles larges, typiquement celle de l’Europe (projet MARS par exemple). Ces dernières années, les avancées dans le domaine du machinis- me agricole, alliées à une pression économique mais aussi envi- ronnementale grandissante, ont vu se développer des techniques de conduite de culture prenant en compte explicitement la varia- bilité à l’intérieur des parcelles. On est arrivé ainsi à l’idée de moduler les techniques culturales à l’intérieur de la parcelle de manière à optimiser la quantité d’intrants nécessaire pour chaque zone de la parcelle. L’agriculture de précision est ainsi née. Contrairement aux applications classiques de la télédétection à l’agriculture, cette nouvelle technique de conduite optimisée des parcelles intéresse d’une part des surfaces importantes et nécessi- te d’autre part un suivi quasi continu des cultures le long de leur cycle de développement. L’agriculture de précision constitue donc un marché potentiel très important pour les fournisseurs de don- nées cartographiques. La télédétection tient évidemment un rôle privilégié parmi les différents moyens d’acquisition de données mettant en évidence la variabilité intra-parcellaire. On peut noter qu’à ce niveau, la gestion de parcelles différentes n’est pas stricte- ment distincte de la gestion d’une seule parcelle hétérogène. Dans tous les cas il s’agit de cartographier la variation spatiale, à l’inté- rieur d’une parcelle ou entre différentes parcelles, de certaines caractéristiques du couvert. L’agriculture de précision : problématique L’agriculture de précision consiste à moduler les pratiques cultu- rales en tenant compte de la variabilité spatiale à l’intérieur des parcelles ou entre parcelles afin d’optimiser leur gestion, à la fois du point de vue économique, mais aussi sous l’aspect de la pré- servation de l’environnement. Cette pratique récemment déve- loppée sur grandes cultures, en particulier aux Etats-Unis, repose sur la connaissance de l’hétérogénéité des parcelles. La gestion spatialisée des parcelles agricoles s’appuie principalement sur deux types d’indicateurs : • des indicateurs permanents, qui caractérisent les principales constantes du milieu, bien évidemment essentiellement liées au sol : il s’agit de la “fertilité” du sol, qui peut se décliner en diffé- rentes composantes, en particulier profondeur du sol, type de sol, matière organique, topographie… Ces indicateurs peuvent être mesurés une fois, et constituer ainsi une base de données que l’agriculteur pourra utiliser à priori pour raisonner ses opérations culturales. Actuellement, les principaux indicateurs sont issus des cartes de sol ou des cartes de rendement maintenant aisément accessibles grâce au développement technologique rapide obser- vé sur le matériel de récolte en grandes cultures ; • des indicateurs de l’état actuel des cultures, qui sont pour le moment principalement fournis par des observations ou prélève- ments lors de “tours de plaine” réalisés par les agriculteurs ou leurs conseillers. Cette technique d’observation souffre de limita- tions évidentes à la fois sur la fréquence des observations, mais aussi sur l’échantillonnage réalisé qui bien souvent n’est pas représentatif et en tout cas non exhaustif. Pour certaines opéra- tions culturales, en particulier celles liées à la fertilisation azotée, des mesures sur les plantes ou le sol sont nécessaires, rendant ces opérations lourdes ou onéreuses, et constituant du même coup un frein à leur application. En dehors de la dimension spatiale inhérente à l’agriculture de précision, on voit l’intérêt de la dimension temporelle qui est nécessaire pour : • détecter des hétérogénéités de culture qui apparaissent à des moments particuliers du cycle cultural (développement de maladies, stress hydrique ou azoté, verse, dégâts de gel) ou éva- luer l’état de la culture à des étapes clés (fertilisation azotée, …) • suivre en continu les cultures de manière à mieux appréhen- der leur fonctionnement et leur productivité. La télédétection offre donc un potentiel très intéressant, permet- tant de renseigner de manière efficace l’agriculteur ou ses conseillers sur la variabilité spatiale et temporelle des parcelles. De nombreux programmes sont en cours de par le monde (USA, Europe, Australie, …) pour développer des outils d’aide à la déci- sion à partir de données de télédétections bien souvent couplées à des données exogènes. 8L’enjeu français de l’agriculture de précision
  • 9. Pertinence des observations de télédétection L’observation des cultures à partir des satellites permet d’estimer un certain nombre de caractéristiques du couvert qui peuvent être classées selon trois aspects principaux : 1• la structure du couvert qui regroupe les caractéristiques de forme, surface, orientation et position des éléments du couvert. La surface des feuilles, mesurée par unité de surface de sol, l’in- dice foliaire (LAI), est la variable de structure la plus importante. Elle caractérise en effet la taille des surfaces d’échange (rayonne- ment, eau, carbone) avec l’atmosphère ; 2• les propriétés optiques ou diélectriques des éléments. Ces propriétés sont liées à des caractéristiques des feuilles que nous pouvons lister suivant les domaines spectraux considérés : - domaine optique réflectif : la réflectance et transmittance des feuilles est principalement liée au contenu en chlorophylle et en eau de la feuilles, ainsi qu’à la structure de la feuille, - domaine infrarouge thermique : l’émissivité de la feuille est relativement constante. Par contre sa température peut varier très fortement en fonction de l’environnement micro-climatique de la feuille et de l’état d’alimentation hydrique de la plante. Ces mêmes grandeurs sont également utilisées dans le domaine des micro-ondes passives, - domaine des micro-ondes : la constante diélectrique des élé- ments est principalement liée à leur contenu en eau. Il faut noter que, dans ce domaine, les éléments autres que les feuilles peuvent jouer un rôle majeur, contrairement à ce qui est généralement observé dans les domaines de longueur d’onde plus courtes ; 3• Les propriétés du sol. Ici encore, selon les domaines spec- traux, les propriétés du sol sont liées à différentes caractéris- tiques : - domaine optique réflectif : la réflectance dépendra de la rugo- sité du sol, de sa composition en matière organique, fer, de son humidité, de sa texture et structure, - dans le domaine thermique, l’émissivité dépendra du type de sol, de l’humidité du sol et de sa rugosité. Sa température dépen- dra également de son humidité pour des conditions micro-clima- tiques données, - dans le domaine des micro-ondes, la rugosité et l‘humidité sont les principales caractéristiques qui influencent le signal rétrodif- fusé. Le tableau 1 (cf. page 10) résume les principales variables bio- physiques estimables par télédétection en fonction du domaine spectral considéré. Ces différentes variables biophysiques peuvent être utilisées comme indicateurs pour moduler un certain nombre d’opéra- tions culturales. Le tableau 2 (cf. page 10) présente les applica- tions potentielles les plus importantes avec les variables biophy- siques du couvert associées. L’estimation des variables biophy- siques doit être dynamique, c’est à dire qu’un véritable suivi dans le temps doit être effectué tout le long du cycle cultural pour per- mettre d’obtenir par interpolation ou extrapolation les variables biophysiques à certains stades critiques ou bien détecter des gra- dients spatiaux évoluant dans le temps et indicateurs de pro- blèmes potentiels (stress, maladie, …). On remarque (Tableau 2) que le domaine du visible et du proche infrarouge (400-1100 nm) est celui qui apporte le plus d’infor- mations. L’infrarouge thermique est important pour la phénologie et la conduite de l’irrigation, éventuellement la détection de mala- dies qui se manifestent par une limitation de l’alimentation hydrique (piétins, …). L’utilisation du domaine des micro-ondes se trouve principalement cantonné à l’estimation de l’humidité de surface du sol, caractéristique essentielle pour la préparation des lits de semence et l’implantation de la culture. Enfin, en dehors des variables biophysiques strictement utili- sables pour mieux gérer les techniques culturales, le suivi au cours du cycle de ces variables constitue une source d’informa- tions unique pour l’estimation du rendement et de sa qualité, mais aussi de la fertilité des sols tout comme les cartes de rende- ment réalisés au champ peuvent l’être. L’approche générale suivie passe par trois étapes nécessaires qui sont (figure 1) : 1• l’estimation de la variable biophysique d’intérêt à partir de la donnée satellitale. C’est la problématique télédétection pure, 2• l’estimation des variables agronomiques dérivées servant de base à la modulation de la technique culturale. Cette étape fait intervenir les modèles écophysiologiques, 3• la préconisation, qui doit intégrer les contraintes économi- ques, celles de l’exploitation, ainsi que l’environnement. C’est ici le domaine de l’agronomie. L’exemple de la fumure azotée La gestion de la fumure azotée constitue actuellement un exemple d’application possible particulièrement intéressant. Il apparaît imprécis de prédire le bilan azoté d’une culture compte tenu de la difficile quantification des mécanismes de transport de trans- formation et d’utilisation de l’azote par les cultures. La gestion de la fumure azotée des cultures de blé est donc de plus en plus rai- sonnée en fonction de l’état azoté du couvert dont l’évaluation est 9L’enjeu français de l’agriculture de précision Figure 1. Les différentes étapes envisagées dans l’approche permettant d’utiliser les données de télédétection pour modu- ler les opérations culturales en agriculture de précision.
  • 10. réalisée à partir de la mesure du contenu en chlorophylle des feuilles à certains stades de développement de la culture : • au dessus d’un certain seuil de contenu en chlorophylle des feuilles, on décidera de ne pas apporter d’azote ou de retarder ou réduire l’apport initialement prévu ; • en dessous de ce seuil de contenu en chlorophylle, la culture est considérée ayant une alimentation azotée insuffisante. Il conviendra alors d’apporter une dose d’engrais qui sera fonction de l’état d’alimentation azotée de la culture appréciée par la mesu- re du contenu en chlorophylle des feuilles, des besoins estimés de la culture et du stade phénologique. La technique de mesure du contenu en chlorophylle des feuilles est basée sur une mesure au champ de la transmittance des feuilles des étages supérieurs de la culture. Cette technique, bien que séduisante et efficace localement, se heurte aux limitations de la mesure manuelle au sol, en particulier par sa lourdeur et son échantillonnage difficilement représentatif et non exhaustif. Il est donc malaisé de mesurer des hétérogénéités de la parcelle ou d’échantillonner de nombreuses parcelles avec une telle tech- nique. La télédétection dans le domaine du visible-proche infrarouge permet d’estimer le contenu en chlorophylle des couverts. L’approche qu’il est possible de développer est basée sur l’utilisa- tion de modèles de transfert radiatif. L’inversion de ces modèles permet d’estimer avec une précision relativement bonne le conte- nu en chlorophylle des feuilles. Il est ainsi possible de cartogra- phier cette variable. La dose, et éventuellement la date d’apport d’azote, pourront être modulés en s’adaptant aux besoins de la culture en chaque point de la ou des parcelles. La méthode proposée, basée sur l’inversion de modèles de trans- fert radiatifs, est relativement complexe et nécessite une bonne connaissance de la culture. Il est possible de l’appliquer selon deux modalités : • en relatif, où les estimations de contenu en chlorophylle sont étalonnées sur quelques mesures au sol. Cette méthode peut être appliquée sans avoir une connaissance approfondie de la culture ; • en absolu, où, sans mesures au sol, l’estimation du contenu en chlorophylle est directement utilisée pour calculer la dose d’en- grais à apporter. Cette méthode nécessite une grande connaissan- ce de la culture et donc un étalonnage préalable des modèles de transfert radiatif (principalement, adaptation de la description de la structure de la culture). Quoiqu’il en soit, l’inversion des modèles de transfert radiatif est d’autant plus efficace et précise que le problème est bien con- traint. Ces contraintes proviennent évidemment de la connais- sance que l’on a a priori sur les gammes de variations des para- mètres du modèle. Elles peuvent également venir de l’utilisation de données multi-temporelles. En effet, le développement de la 10L’enjeu français de l’agriculture de précision Variables Visible Proche Infra-rouge Micro-ondes Micro-ondes Biophysiques Proche Infrarouge Moyen Infrarouge thermique actives (radar) passives LAI +++ +++ + ++ + Taux de couverture ++++ ++++ ++ ++ + Port foliaire +++ +++ + + + Taille des feuilles + + + + + Hauteur du couvert - - - ++ - Contenu en chlorophylle +++ - - - - Contenu en eau - +++ - +++ +++ Température - - ++++ - ++ Humidité (surface) - + + ++ +++ Rugosité + + - ++ + Résidus de récolte +++ ++ - - Matière organique ++ ++ - - - Tableau 1 : Variables biophysiques estimables par télédétection. Le niveau de précision et robustesse de l’estimation est indiqué par le nombre de + (“ ++++ ” précis et robuste ; “ - ” non estimable par télédétection. Tableau 2 : Variables biophysiques estimables par télédétection et utilisables pour différentes applications. Les domaines spectraux à partir desquels ces variables sont observables sont indiqués (VIS : visible ; PIR : proche infrarouge ; MIR : moyen infrarouge ; IRT : infrarouge thermique ; µonde : micro-ondes) Application Variables biophysiques Domaine spectral Fumure azotée .........................................................................LAI (biomasse), Chlorophylle .............................................VIS/PIR Irrigation ..................................................................................Température ...........................................................................IRT travail du sol/ semis .................................................................Humidité du sol ...................................................................µonde Phénologie ...............................................................................LAI, structure, Température, ............................................VIS/PIT IRT Attaque parasitaire ...................................................................Chlorophylle, LAI, résidus de récolte...............................VIS/PIR/MIR Fertilité du sol .........................................................................LAI (biomasse), matière organique..................................VIS/PIR/(MIR) Rendement ...............................................................................LAI, chlorophylle, Température.........................................VIS/PIR IRT Qualité (protéines) ...................................................................Chlorophylle, LAI ...............................................................VIS/PIR
  • 11. structure des plantes obéit à des lois de croissance très strictes et ayant une forte cohérence temporelle, ce qui réduit considérable- ment le domaines des possibles. Ainsi, l’utilisation de modèles dynamiques d’évolution de la structure des couverts, couplés aux modèles de transfert radiatif, impose des contraintes fortes sur l’inversion, rendant les estimations des caractéristiques du cou- vert plus précises en restreignant les ambiguïtés. L’inversion du modèle de transfert radiatif fournira en outre une estimation de l’indice foliaire qui est un indicateur particulière- ment pertinent pour évaluer le potentiel de rendement de la cul- ture, donc une estimation de ses besoins potentiels. Enfin, le suivi de l’état azoté de la culture et de l’indice foliaire permettent de recaler dans le temps la phénologie de la culture, ainsi que de réa- liser des estimations de qualité de la récolte, principalement liée à la teneur en protéines des grains. De la même manière on pour- ra apprécier les risques de verse et de maladies. Caractéristiques des capteurs de télédétection utilisables pour l’agriculture de précision Les capteurs de télédétection sont définis par leur caractéristiques spatiales, spectrales, radiométriques, temporelles et direction- nelles. Pour une mission ayant comme principal objectif l’agri- culture de précision, le capteur devra avoir les spécifications sui- vantes : • résolution spatiale. La résolution spatiale est dictée par la taille caractéristique des hétérogénéités à observer. Suivant l’origi- ne de l’hétérogénéité spatiale (sol, maladies, problèmes d’opéra- tions culturales, verse…), sa taille peut varier dans des propor- tions très importantes allant du mètre à plusieurs centaines de mètre. Par contre, l’autre facteur limitant à prendre en compte est la dimension caractéristique des outils culturaux utilisés. Elle est définie par la largeur de travail (qui peut éventuellement être modulée) qui varie de 3 à 24m, et par l’inertie longitudinale du système, qui varie de 1 à 10m suivant les opérations culturales. Une résolution utile de 5m à 20m est donc bien adaptée à ces contraintes. Elle permet également d’accéder à un échantillonage parcellaire relativement fin (parcelles de l’ordre de l’hectare) qui pourtant n’est pas celui principalement visé par l’agriculture de précision ; • Résolution et échantillonnage spectral. Comme nous le montre le tableau 2, le domaine du visible et proche infrarouge est celui qui est le plus riche en information sur le couvert. On pourra également utiliser le domaine de l’infrarouge thermique pour les problèmes d’irrigation, de phénologie et éventuellement de détection de maladies. Dans le domaine du visible et du proche infrarouge, les variables biophysiques d’intérêt sont principalement l’indice foliaire et le contenu en chlorophylle. Le signal réfléchi par les couverts végé- taux dans ce domaine spectral est sensible aux propriétés optiques du sol, à la structure du couvert, à la structure interne des feuilles et à leur surface spécifique. En outre, il faudra avoir la possibilité de réaliser des corrections atmosphériques. L’estima- tion robuste des variables indice foliaire et contenu en chloro- phylle va donc demander d’échantillonner les principales figures d’absorption des constituants du couvert et de l’atmosphère (chlorophylle, sol, matière sèche des feuilles, aérosols, vapeur d’eau). Un minimum d’une dizaine de bandes spectrales (sui- vant la résolution radiométrique) réparties sur le domaine 400- 1000 nm sera donc nécessaire. Il faudra également bien échan- tillonner la transition rouge-infrarouge (red-edge) où la densité spectrale d’information est importante. La résolution spectrale est définie par la taille caractéristique des figures d’absorption. C’est donc principalement l’atmosphère et le red-edge qui vont imposer des largeurs de bandes spectrales proches de 10 nm. Ces largeurs peuvent être relâchées dans les longueurs d’onde plus courtes où les figures d’absorption sont assez souples. La position des bandes spectrales devra être stable dans le temps et connue avec une très bonne précision ( mieux que 0.5 nm). Echantillonnage temporel C’est sans doute une des contraintes majeures du système. Il faut en effet être capable de suivre tout au long du cycle cultural les évolutions parfois très rapides constatées. La fréquence de mesu- re utile doit être au minimum de la semaine. Cette fréquence est celle qui est généralement adoptée pour les mesures au sol. Compte tenu des problèmes de nébulosité, il faut donc avoir une fréquence d’acquisition d’images de l’ordre de 1 à 3 jours pour assurer, avec une bonne probabilité, une fréquence utile de l’ordre de la semaine. Echantillonnage directionnel Les mesures directionnelles permettent d’obtenir des informa- tions sur la structure du couvert. Toutefois, il apparaît que la dimension spectrale est absolument nécessaire, et que la dimen- sion directionnelle n’apporte qu’une quantité d’information mar- ginale supplémentaire. De plus, la complexité (ou le coût) de l’ob- tention de mesures directionnelles associées à une résolution spa- tiale décimétrique et à une très haute fréquence de mesure n’est pour le moment pas envisageable. On se contentera donc de visées au nadir* ou proches de cette direction. Résolution radiométrique, étalonnage La résolution radiométrique est essentielle pour obtenir des esti- mations aussi précises que possible des variables d’intérêt. Un rapport signal sur bruit supérieur à 400 pour les niveaux de lumi- nance observés sur les cultures, comme cela est actuellement obtenu par les systèmes spectraux imageurs aéroportés actuels, est absolument nécessaire. L’estimation des variables d’intérêt à partir des mesures satellitales fait intervenir, comme nous l’avons vu, des modèles de transfert radiatif (atmosphère, couvert, feuille). L’étalonnage absolu et sur- tout inter-bandes doit être le plus précis possible. * Point de la sphère céleste diamètralement opposé au zénith. 11L’enjeu français de l’agriculture de précision
  • 12. Techniques futures de protection des cultures Quelques perspectives pour l’agriculture de précision Bernard Bonicelli Cemagref - Montpellier UR Génie de Equipements Agricoles et Forestiers Tel :04 67 04 63 10 e-mail : bernard.bonicelli@cemagref.fr Pour des enjeux principalement environnementaux, de nom- breux travaux sont actuellement menés afin de mieux contrôler les apports de produits chimiques pour la protection des cultures. Cela se traduit concrètement par la recherche d’un meilleur cibla- ge des dépôts selon les caractéristiques locales de la culture (prise en compte des niveaux d’attaque et de la configuration du végé- tal), d’un suivi précis des opérations de traitement (traçabilité) et enfin en dernier recours, par l’étude de techniques alternatives (non chimiques). Des équipes pluridisciplinaires sont mobilisées pour réaliser ces travaux et étudier à la fois les aspects agronomiques, biologiques, chimiques et les problèmes liés aux techniques d’application. De la même manière, on associe les compétences de spécialistes pour étudier le devenir des pesticides et leur influence sur la qualité des produits (dégradation et toxicité) et sur l’environnement (pol- lutions). On peut définir les principales composantes de l’agriculture dite de “précision”, qui constitue une opportunité technique pour améliorer les pratiques de protection des cultures, comme : • la prise d’information (détection, localisation) • la collecte et la structuration de l’information (SIG) • la prise de décision (supervision, préconisation) • le contrôle des apports (modulation) Dans le domaine particulier de la protection des cultures, les technologies de “précision” concernent principalement la lutte contre les mauvaises herbes et leur traitement localisé, les autres ennemis des plantes (maladies, insectes) nécessitent pour l’instant des traitements plus généralisés comme on les pratique aujour- d’hui. Au delà de l’amélioration déjà considérable des machines de traitement classiques, différents constructeurs proposent des machines beaucoup plus sophistiquées qui sont capables de res- pecter les contraintes de l’agriculture de précision (Tyler, Chavtrac, Hardy). Tout en étant extrêmement important, le potentiel de ces nouvelles technologies n’est toutefois pas évident et constitue un choix qui a des conséquences tant en termes financiers qu’en termes d’organisations et de pratique. Les aspects réglementaires comme le développement de labels peuvent tou- tefois accélérer l’utilisation de ces techniques. A ce stade il faut prendre en compte l’ensemble de l’évolution actuelle des pra- tiques et des équipements et des services associés qui devrait conduire progressivement à un saut technologique quasiment irréversible dans les pays comme la France (ce qui est déjà en par- tie le cas sur le continent nord américain). En termes de perspectives il est donc important d’analyser les techniques actuellement connues et d’envisager leurs utilisations potentielles et les évolutions probables des pratiques associées. L’évolution des équipements est abordée suivant deux aspects : • les capteurs (systèmes de détection des adventices) ; • les procédés (techniques de pulvérisation). Les systèmes de détection En préalable, il est important de souligner qu’il ne peut pas exis- ter de réelle stratégie de lutte ni d’automatisation possible des techniques d’application sans repérage approprié des maladies ou des adventices à éradiquer. Cette détection peut être envisagée à différentes distances : au niveau du sol (opérateur ou machine) pour une action en temps réel ou par télédétection pour une action en temps différé. Au sol, les techniques possibles de repé- rage se cantonnent à des configurations simples. Les systèmes les plus simples détectent les plantules par passage dans une barriè- re photo-électrique ou par radiomètrie. Les systèmes les plus sophistiqués utilisent des caméras et des dispositifs de traitement d’image. Tous ces systèmes ne sont pas utilisables à tous les stades de croissance de la culture et ne sont pratiquement envisageables qu’en tout début de végétation. Avec encore plus d’ambition, l’idée d’un repérage déporté par prise de vue aérienne ou par télé- détection est séduisante. La précision actuelle des repérages par satellite (1 pixel=1 km2 actuellement, 10 m2 dans le futur) semble toutefois encore loin de celle escomptée pour un traitement loca- lisé. A cela se rajoute le prix toujours élevé d’une image qu’il faut multiplier par un nombre nécessairement important pour agir convenablement dans le temps. Les vues aériennes sont plus réa- listes. En dernier lieu, il ne faut pas négliger les possibilités de repérage visuel par l’opérateur à partir de la cabine de son engin ou lors d’une démarche spécifique de diagnostic ou de sur- veillance. Par ailleurs, sauf lors d’une action directe (contrôle du pulvérisa- teur à l’aide du système de détection), les observations recueillies doivent être référencées géographiquement pour alimenter un système d’information ou de suivi. Cela est immédiat pour les techniques de télédétection ou de photo interprétation. Un cap- teur spécifique (GPS ou autre) est par contre nécessaire dans tous les autres cas. Pour des raisons évidentes de cohérence, la préci- sion de chaque maillon du système de repérage devra être suffi- sante. 12L’enjeu français de l’agriculture de précision
  • 13. C’est par une représentation cartographique que l’information est ensuite généralement mise en forme. Là encore l’échelle de repré- sentation est un élément très important tant en terme de décision qu’en terme d’action pratique. En définitive, pour qu’un disposi- tif de détection soit opérationnel, ce sera la cohérence du système complet (capteurs, système de contrôle ou de décision, machine) qui devra être assurée. Au delà de leur faisabilité, on comprend mieux pourquoi un système de détection correctement intégré sera à priori toujours d’un coût élevé et apparaîtra difficilement sur le marché. Les techniques d’application La régularité et l’adaptation des doses appliquées sur les végétaux à protéger peuvent être considérablement améliorées par l’opti- misation des techniques classiques. Les techniques les plus évo- luées sont aujourd’hui : • les systèmes de stabilisation de rampe (passifs et actifs) ; • les systèmes anti-dérive (buses, produits additifs et système à assistance d’air) ; • les procédés d’injection directe (limitation de la manipulation des produits) ; • les dispositifs de modulation (variation continue des débits et des caractéristiques des jets de pulvérisation). En pratique il s’agit de trouver des compromis techniques per- mettant de réaliser des avancées significatives. Ainsi les systèmes de stabilisation permettent de limiter les mouvements des buses qui peuvent alors fonctionner dans des conditions plus précises (buses plus proches des cibles, mouvements de recouvrement limités, etc.). Une fois ces conditions contrôlées, les procédés anti-dérive peuvent être réellement efficaces. Il faudra toutefois toujours vérifier leur réel intérêt agronomique en fonction de leurs conditions d’utilisation (caractérisation précise des doses réellement efficaces : taille et nombre des impacts). Si les aspects opérationnels (composition des mélanges, charge- ments, déchargements, modulation) sont théoriquement faciles à améliorer par l’injection directe, on se heurte alors à des pro- blèmes d’identification automatique des produits (étiquettage) ou de multiplicité de solutions techniques (utilisation de produits granulés ou liquides par exemple). Les dispositifs de modulation peuvent alors prendre différentes formes, la plus simple étant de moduler en “tout ou rien” sur une largeur d’une rampe, la plus sophistiquée étant de moduler en continu sur chaque buse (ajus- tement du débit et des tailles des gouttes). Les dispositifs de trans- port des gouttes ont aussi une influence (électrostatique, assis- tance d’air, etc.) plus ou moins déterminante par rapport aux conditions d’utilisation (vent, mouvements parasites, etc.). En définitive des résultats comparables peuvent être atteints avec des techniques très différentes et le seul critère réellement impor- tant reste ici aussi la cohérence du dispositif complet par rapport à des objectifs clairement définis. Comme pour les systèmes de détection, le facteur d’échelle est primordial et il est par exemple assez évident qu’il ne sera pas utile de réaliser une modulation très précise si le système de décision n’est pas du même ordre. Dans tous les cas, le strict respect des conditions optimales de traitement (doses préconisées, conditions météo) reste la premiè- re des décisions à prendre. Partant des constats qui précèdent, les constructeurs de matériels s’orientent vers des équipements à la carte, du plus simple au plus sophistiqué. Dans les deux cas, l’élément le plus important reste certainement le procédé de pulvérisation qu’il faudra adapter aux besoins nouveaux (produits, environnements différents) et tenter de rendre robuste (réglages, usures). En conclusion, si la modulation automatique de la pulvérisation peut constituer une opportunité technologique, elle sera toujours difficile à justifier d’un point de vue économique et l’amélioration des procédés plus classiques restera la priorité. Par contre, le suivi précis et fiable des opérations de protection des cultures est une nécessité que seules des techniques adaptées, très proches de celles envisagées pour la modulation, permettront d’atteindre. Le suivi des opérations L’objectif de la traçabilité réside dans le suivi précis des applica- tions de produits chimiques au niveau d’une parcelle agricole ou à une échelle inférieure. Des dispositifs complémentaires ou iden- tiques à ceux des chapitres précédents sont nécessaires pour rele- ver les paramètres de fonctionnement et d’utilisation des appa- reils, les géo-référencer, les mémoriser, les transférer et les repré- senter. La justification de ces dispositifs de traçabilité est principalement de l’ordre de la santé publique et l’attente des consommateurs se traduit par l’établissement de contrats de qualité entre les pro- ducteurs et les distributeurs permettant par exemple de respecter des limites maximales de résidus (LMR) de produits chimiques effectivement présents sur les produits récoltés. La législation impose ces LMR et on peut facilement imaginer une extension de cette réglementation ou un règlement du même ordre pour les sols afin de limiter les risques de pollution. Concrètement ces limites sont définies expérimentalement par les Services de la Protection des Végétaux pour chaque croisement culture - para- site. Elles se traduisent par une dose unique de produit à appli- quer sur un hectare. Pour les respecter, cela suppose que les trai- tements phytosanitaires soient effectués dans des conditions proches et à l’aide d’un matériel en bon état de fonctionnement (conditions idéales). L’examen des pratiques réelles révèle de grandes différences : matériel vétuste ou mal réglé, vitesses d’avancement inadaptées, densités de végétation non prises en 13L’enjeu français de l’agriculture de précision
  • 14. compte, conditions météorologiques non acceptables, etc. L’analyse du mode opératoire est aussi très importante notam- ment pour vérifier les procédures de remplissage, de rinçage ou de vidange des appareils. Ainsi, seul un relevé précis des conditions d’application permet d’avoir une évaluation exacte des quantités de produits réelle- ment utilisés et déposés sur les cultures. D’un point de vue tech- nique, ce suivi nécessite le même ensemble de dispositifs que celui de l’agriculture de précision (système d’acquisition, de stoc- kage, de transmission et de représentation des données géo-réfé- rencées) qui a été décrit précédemment. En définitive, comme précédemment, malgré leur justification et leur intérêt indé- niable, c’est le coût de ces dispositifs qui risque de freiner leur uti- lisation. Les techniques alternatives L’agriculture biologique amène le problème de la suppression des produits chimiques pour la protection des cultures. Des procédés mécaniques, thermiques ou électriques sont dans ce cas là envi- sageables. Dans ce cadre le Cemagref a par exemple développé un procédé électrique de désherbage sélectif relativement simple qui permet de détruire des plantules par éclatement cellulaire à l’aide de courtes décharges de 15000 volts. Au niveau professionnel l’automatisation de ces tâches est à envisager. Ces techniques alternatives ont toutefois un coût d’autant plus important qu’elles sont sophistiquées. L’effort de recherche et de développement est donc à poursuivre dans tous les cas afin de proposer de véritables techniques alternatives. Conclusion De nombreuses possibilités d’évolution technique des équipe- ments de protection des cultures sont envisageables à court terme. Pour être viables, ces évolutions doivent être issues d’une réelle demande des utilisateurs et des consommateurs qui devront en assumer le coût aussi bien en terme financier qu’en terme technique et organisationnel. Face à l’essor des labels et à la nécessité d’utiliser des pratiques culturales réellement adaptées et raisonnées (l’agriculture citoyenne), la traçabilité des applica- tions chimiques devrait constituer la première application concrète des techniques de précision. Cette traçabilité devra per- mettre d’objectiver l’ampleur des problèmes de pollution notam- ment et de relativiser les marges d’évolution des techniques et des pratiques qui ne sont à priori pas infinies. 14L’enjeu français de l’agriculture de précision
  • 15. L’agriculture de précision en France : état de la situation et questions posées Gilles Thevenet, Denis Boisgontier ITCF - Direction Scientifique Tél : 01 44 31 10 00 e-mail : gthevenet@itcf.fr Concept et enjeux Au delà de sa forte médiatisation mettant en avant les nouvelles technologies qui se développent dans le monde agricole aujour- d’hui, l’agriculture de précision est un concept de conduite des parcelles agricoles qui part du constat de l’existence de variabili- té à l’intérieur de la parcelle. Prendre en compte cette variabilité pour la conduite des cultures revient à utiliser les différentes zones qu’il est possible d’identifier au sein de la parcelle comme base de raisonnement de la prise de décision. La “difficulté” de cette pratique réside aujourd’hui dans l’identification des différentes zones au sein de la parcelle et dans les prises de décisions adéquates. Pour l’agriculteur, la modulation intraparcellaire peut concerner : • l’ensemble des opérations culturales : le travail du sol, le semis, les apports d’amendements, les apports d’engrais, la protection des cultures (mauvaises herbes, maladies fongiques), l’irrigation ; • l’ensemble des cultures : grandes cultures, cultures maraichè- res, industrielles, cultures. Mais on ne peut l’appliquer que si elle est : • agronomiquement nécessaire ; • techniquement possible ; • économiquement intéressante. Depuis longtemps déjà, bon nombre d’agriculteurs font varier leur dose de semis, d’azote, etc., selon la nature de sol rencontrée sur la parcelle. Cependant, la pratique “à vue” est remise en cause par les nouvelles technologies comme le GPS, l’utilisation d’images satellitales, de capteurs, etc. qui devraient permettre de mieux appréhender et prendre en compte la variabilité intrapar- cellaire. L’agriculture de précision est donc à considérer comme un pas supplémentaire vers plus de précision pour les opérations cultu- rales par la pratique de la bonne intervention (dose, réglage, …) au bon moment et au bon endroit. En gérant au mieux la pro- duction de ses parcelles l’agriculteur peut : • accroître son bénéfice et augmenter la compétitivité de ses pro- duits (en quantité et/ou en qualité) ; • mieux prendre en compte la protection de l’environnement. L’agriculture de précision à travers le monde Le concept d’agriculture de précision sous sa forme actuelle, c’est à dire la prise en compte de la variabilité intraparcellaire avec des moyens technologiques nouveaux (tels que les systèmes GPS, les capteurs de rendement, …) est né aux Etats-Unis il y a mainte- nant plus de 15 années avec les étapes suivantes : • en 1985, des chercheurs de l’Université du Minnesota ont uti- lisé des cartes des sols au 1/20 000 digitalisées afin de faire varier les apports d’amendements calciques sur des parcelles agricoles. A cette époque apparait la pratique du grid-sampling : les prélè- vements pour analyse se font avec un maillage fixe (environ un point par hectare) ; • fin des années 80-début des années 90 : les cartes de teneur en éléments minéraux issues du grid-sampling permettent de réali- ser des cartes de préconisations pour les apports en modulé des éléments fertilisants et pour les corrections de pH ; • 1993 : début de l’utilisation des capteurs de rendement ; • milieu des années 90 : développement de l’utilisation des capteurs de rendement et des systèmes GPS. En 1994, les capteurs de ren- dement étaient estimés à 1200 puis 4400 en 1995, 8000 en 1996 et plus de 17 000 en 1997 dont la moitié avec systèmes GPS ; • en 1998, environ 6 millions d’hectares ont été cartographiés avec des capteurs de rendement reliés à des systèmes GPS et beaucoup plus sont couverts avec des cartographies issues du “grid-sampling”. L’offre en matériels et services pour l’agriculture de précision est aujourd’hui “conséquente”, principalement sous l’impulsion de : • firmes de l’agro-fournitures et principalement Case-IH, Ag Chem… • coopératives comme Cenex/Land O’Lakes, Illini FS… • conseillers privés spécialisés dans l’agriculture de précision ; • société de l’informatique et de l’électronique comme ESRI, Trimble, … L’agriculture de précision aux Etats-Unis concerne principalement aujourd’hui les régions de production de la betterave, du maïs et du soja. Elle commence à se développer dans les régions de pro- duction du coton et du blé. Ailleurs dans le Monde, l’agriculture de précision se développe à un rythme plus ou moins important selon les pays. Parmi les pays les plus avancés pour l’utilisation des nouvelles technologies, on 15L’enjeu français de l’agriculture de précision
  • 16. trouve le Canada (cultures du maïs, de la betterave, du blé et la pomme de terre) et l’Australie (blé et canne à sucre). En Europe la pratique de l’agriculture de précision a commencé à se développer dans le début des années 1990 et en particulier en Angleterre sous l’impulsion de Massey-Ferguson et du Silsoe Research Institute. Un colloque sur “L’agriculture de précision vue par les utilisa- teurs” a été organisé par Massey-Ferguson le 1er mars au SIMA99. En France l’utilisation des nouvelles technologies (GPS et capteur de rendement) a démarré lors de la campagne 1997-98. Aujourd’hui on peut estimer à une trentaine le nombre d’utilisa- teurs de ces moyens. Les pratiques agricoles en France et aux Etats-Unis sont différentes, le transfert des technologies largement utilisées outre-Atlantique doit se faire avec prudence. Nouvelles technologies et variabilité intraparcellaire Les nouvelles technologies qui devraient rendre la modulation des opérations culturales au sein d’une même parcelle plus opé- rationnelle, au sens fiabilité agronomique et facilité d’utilisation par l’agriculteur, sont au nombre de quatre : 1• le positionnement géographique des engins agricoles pendant le travail et des informations collectées sur les parcelles avec le Global Positionning System appelé GPS ; 2• la possibilité de collecter des informations intraparcellaires à l’aide de capteurs ; 3• la gestion géoréférencée des informations parcellaires avec l’utilisation d’un Système d’Information Géographique (SIG) ; 4• le contrôle automatique des engins agricoles permettant la variation des réglages en continu sans intervention de l’agricul- teur. La variabilité intraparcellaire peut concerner : • le sol (l’ensemble de ses propriétés physiques, mécaniques et chimiques) ; • la plante cultivée (stades de développement, maladies, rende- ment, “qualité”, ...) ; • la flore et les maladies fongiques ; • plus rarement le climat. En ce qui concerne la variabilité du sol, différents moyens peu- vent être mis en œuvre pour la caractériser : • la connaissance de ses parcelles par l’agriculteur ; • les cartes des sols à une échelle suffisamment détaillée (au moins au 1/25 000) ; • les prélèvements de sol pour analyse avec un maillage fixe pré- déterminé ; • les prélèvements de sol pour analyse avec échantillonnage orienté à partir d’autres informations comme les cartes de rende- ment, les photographies aériennes ou images satellitales dispo- nibles, • les images satellitales, les photographies aériennes ou les cartes de rendement ; • seules, les cartes de rendement ne peuvent donner l’informa- tion sur la variabilité de profondeur, mais elles peuvent “orienter” la réalisation des mesures sur des zones spécifiques ; • les capteurs quand ils seront opérationnels. Aujourd’hui, pour la mesure de la variabilité intraparcellaire de la culture c’est principalement la cartographie de rendement qui est pratiquée dans le cadre du concept de l’agriculture de précision. Elle est réalisée à l’aide d’un capteur de rendement embarqué sur moissonneuse-batteuse et associé à un système GPS. Son utilisa- tion est largement répandue aux Etats-Unis et commence à se développer en France. L’interprétation des cartes de rendement doit se faire avec pru- dence, en effet la variabilité du rendement n’est que la résultante de la variabilité intraparcellaire, elle n’en est pas la cause. Les trois phases de l’agriculture de précision • Etape 1 : mise en évidence et caractérisation de la variabilité intraparcellaire : Déceler la variabilité intraparcellaire n’est pas l’étape qui, techni- quement parlant, pose aujourd’hui le plus de problèmes pour l’agriculteur qui souhaite se lancer dans l’agriculture de précision. La limite est essentiellement économique : quel est le coût accep- table de cette phase ? D’une manière globale différents moyens sont à mettre en œuvre : • d’une part les observations réalisées par l’agriculteur et la connaissance qu’il a de ses parcelles. Elles sont le fondement de la base de données nécessaire à la caractérisation, puis la valori- sation des hétérogénéités intraparcellaires ; • d’autre part les cartographies qui seront réalisées sur chacune des parcelles. Les paramètres à cartographier vont dépendre de l’opération culturale à réaliser. • Etape 2 : prise en compte de la variabilité intraparcellaire dans le processus qui amène à la prise de décision de conduite des cultures : Cette étape nécessite de comprendre l’origine et l’impact de la variabilité intraparcellaire tant vis à vis de l’opération culturale à réaliser (décision opérationnelle) que pour l’exploitation dans sa globalité (incidence économique et environnementale). C’est à ce stade que le concept d’agriculture de précision trouve aujourd’hui son point faible. En effet, compte tenu de la masse importante d’information que fournissent les nouvelles technologies, elles amènent souvent, pour l’instant, plus de questions qu’elles ne sont censées en résoudre. La décision doit être basée sur des modèles d’aide à la décision. Ceux développés depuis près de vingt ans ne sont pas forcement adaptables directement à la conduite modulée des parcelles. La prudence est donc de mise avant toute décision. 16L’enjeu français de l’agriculture de précision
  • 17. La décision finale appartient à l’agriculteur, en fonction de la fai- sabilité technique, de l’intérêt économique et de l’impact sur l’en- vironnement. • Etape 3 : mise en œuvre des décisions de modulation sur la parcelle C’est l’étape qui pose le moins de problème compte tenu des avancées technologiques récentes. Le seul problème aujourd’hui en France à ce niveau est la disponibilité, chez les agriculteurs, du matériel susceptible d’appliquer en modulé les apports d’intrants. Pour la mise en œuvre de la conduite modulée des parcelles, deux pratiques sont possibles : La modulation en temps réel : c’est l’utilisation de capteurs embarqués actionnant directement le matériel pendant le travail. La modulation fondée sur l’utilisation de cartes de préconisa- tions : c’est actuellement la pratique la plus utilisée dans le cadre de la conduite modulée des parcelles. La qualité des cartes de pré- conisations repose sur : • la qualité des informations acquises sur la parcelle ; • le type de traitement géostatistique des informations de base ; • la qualité des modèles agronomiques utilisés. Des travaux sont encore nécessaires pour adapter les modèles agronomiques utili- sés aujourd’hui à la pratique de l’agriculture de précision. Que faire aujourd’hui Très certainement comme cela s’est produit aux Etats-Unis, au Canada, en Australie et dans certains pays européens (Angleterre, Allemagne, Danemark et la Suède) l’agriculture de précision va progressivement se développer sous l’impulsion de l’utilisation des nouvelles technologies par les agriculteurs et principalement les capteurs de rendement. Les conseils qu’il est possible de donner aujourd’hui sont : • investir avec prudence dans les équipements nécessaires à la pratique de l’agriculture de précision : système GPS et outils per- mettant la modulation intraparcellaire en s’assurant principale- ment de la compatibilité entre les différentes informatiques et électroniques embarquées ou à la ferme. En effet aucune norme n’est pour l’instant établie à ce sujet ; • ne pas se précipiter pour réaliser des modulations intraparcel- laires dès les premières années. Bien commencer par la première phase : c’est la constitution d’une base de données sur la parcelle et sur plusieurs années qui doit permettre de comprendre puis d’utiliser la variabilité intraparcellaire pour optimiser la produc- tion de la parcelle. Pour certaines opérations culturales comme les corrections de pH, ou les apports de fumure phospho-potassique, la modulation peut être envisagée rapidement si économique- ment cela s’avère intéressant ; • choisir un logiciel de type SIG qui intègre toutes les fonction- nalités nécessaires à la valorisation de la variabilité intraparcellai- re. L’ITCF en partenariat avec la société ESRI France présente au SIMA un SIG dédié à l’agriculture de précision. Il intégre les fonc- tionnalités d’un “SIG classique” pour gérer l’information intrapar- cellaire (données géoréférencées comme celles produites par les capteurs de rendement ou issues de prélèvements de sol, images satellitales, photos aériennes, ...) ainsi que les modèles agrono- miques nécessaires à la prise de décisions de conduite modulée des cultures ; • ne pas hésiter à partager l’expérience entre agriculteurs ; • faire appel à des conseillers agricoles qui se spécialisent dans l’agriculture de précision. En France, plusieurs sociétés proposent déjà un service spécifique “agriculture de précision” Il peut aller du prélèvement de sol géoréférencé jusqu’à l’application en modulé. Parmi ces sociétés, on trouve : Agrisat, Prolog, Geosys, Hölzl, Essais+, Satplan, ... 17L’enjeu français de l’agriculture de précision
  • 18. INRA - Direction de l’Information et de la Communication 147, rue de l’Université 75338 Paris cedex 07 - Tél : 01 42 75 90 00 - Fax : 01 47 05 99 66 Photo de couverture : taux de couverture d’une parcelle de blé (19.05.98). ©INRA Bioclimatologie - Avignon