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Extrait du Roman :
Le Jazz du Diable
Une fable moderne
Par
Sam Spiegel
4
Copyright
Copyright / Droits d’auteur © Sam Spiegel 2013
All rights reserved
Tous droits réservés
Editions Rudolf, 2013
This eBook is copyright material and must not be copied, reproduced,
transferred, distributed, leased, licensed or publicly performed or used in any
way except as specifically permitted in writing by the author, as allowed
under the terms and conditions under which it was purchased or as strictly
permitted by applicable copyright law. Any unauthorized reproduction or
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This is a work of fiction. Any resemblance of characters to actual
persons, living or dead is purely coincidental.
Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions
destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction
intégrale ou partielle de cet ouvrage faite par quelque procédé que ce soit,
sans le consentement de l'Auteur ou de ses ayants cause est illicite et
constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L335-2 et suivants du
Code de la propriété intellectuelle. Les personnages et les situations de ce
récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des
situations existantes ne saurait être que fortuite
5
Résumé :
Plus qu’un roman, cette fable moderne, librement inspirée
du mythe de Faust, se déroule à Londres, dans le milieu du
jazz, de 1986 à nos jours.
Jack White, un saxophoniste de jazz aussi talentueux que
fauché, se dit prêt à tout pour réussir.
Lors d’une soirée arrosée dans un pub, il rencontre un
curieux vieillard, Michael Heaven, qui lui propose un marché
abracadabrant : en échange de son âme, Jack connaitra la
gloire et la fortune.
Après de longues hésitations, et pour échapper à un
mauvais sort qui s’acharne sur lui, Jack se voit contraint
d’accepter le pacte proposé.
Jack White est alors entraîné dans des événements
tragiques et troublants.
D’étranges inconnus surgis de nulle part lui viennent en
aide.
De vieux rêves se réalisent.
Tout semble lui réussir.
Pourtant, sa destinée lui échappe. Jack aurait-il vendu son
âme au Diable ?
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Au-delà du bien et du mal, Jack devra mener une lutte
difficile, au risque de perdre ses êtres les plus chers, pour
tenter de reprendre le contrôle de sa propre existence.
Un conte moderne et poignant sur fond de jazz et de magie
noire.
Un roman fantastique écrit par Sam Spiegel à ne pas
manquer !
Si vous aimez Guillaume Musso et Douglas Kennedy, vous
aimerez ce livre.
Comment se procurer « Le Jazz Du Diable » au complet
Disponibles aux formats
Kindle (eBook), Livre papier, PDF (eBook)
www.samspiegel.com/diable
7
Dédicace
Il n’y a ni ciel ni enfer.
Ni bien, ni mal.
Il n’y a que le Grand Maître.
Ce livre est dédié au musicien perdu entre l’enfer et les
cieux, à la recherche lui aussi de la gloire et de la fortune…
8
9
Table des matières
Copyright
Dédicace
Table des matières
En échange de l’âme
Un aperçu de l’Enfer
Le pacte du sang
Entre l’Enfer et les Cieux
Le retour de l’enfant prodigue
Voyage au Paradis
Un vieux rêve se réalise
Un semestre au purgatoire
Le meilleur des mondes
Le bonheur ?
Un ange gardien passe
La rançon de la gloire
La résiliation du Pacte
Les vrais soucis commencent
La descente aux Enfers
10
Le Diable au corps
On ne peut pas tuer le Diable
Épilogue
Un mot sur l’auteur
Du même auteur
Avant de se quitter
11
En échange de l’âme
Londres. Novembre, 1986.
Une pluie persistante cognait sur les carreaux des french
windows (porte-fenêtre) de mon deux-pièces avec la violence
de coups de fouet. Devant mes fenêtres, mon jardin se
transformait rapidement en un lac de boue. Un trente-trois
tours tournait imperturbablement sur la platine de la stéréo du
salon, poussée à fort volume pour estomper le vacarme des
averses. La musique de Dave Brubeck accompagnait la danse
de mes doigts qui couraient sur les clés de mon saxophone…
un ténor Selmer, une marque française. J’aimais improviser
sur le même morceau, Georgia on my mind, à cause de cette
longue introduction au piano qui laissait le champ libre à mon
inspiration. J’avais, dans ces moments-là, le sentiment de
défier les tempêtes.
Depuis plus d’une heure, un orage attaquait la ville toute
entière. It was raining cats and dogs (il pleuvait à torrent)
comme on dit par ici, un déluge sans merci qui chassait les
pigeons de Trafalgar Square et lessivait la relève de la garde
de Buckingham. Une fange épaisse ruisselait le long des
caniveaux de Camberwell Grove, la rue où je résidais alors,
12
une voie boisée qui grimpait dès l’avenue Camberwell Church
Street et s’oubliait dans les altitudes de Denmark Hill. Mon
quartier s’appelait Camberwell, faubourg cosmopolite flanqué
au sud de la Tamise, coincé entre les séditions ethniques de
Brixton et le marché jamaïcain de Peckam.
Tout commença la nuit du jeudi 27 novembre, lorsque
Dermot, le contrebassiste de mon quartet de jazz, me
téléphona vers les vingt et une heures pour m’inviter à vider
avec lui une ou deux pintes au George Canning, le pub du
coin. Ça tombait bien, je mourrais d’envie de m’enfiler
quelques bières. Je n’avais pas mis le nez dehors de toute la
journée et je voulais voir du monde, des filles surtout. Je
n’avais rien contre le George Canning, un pub tenu par des
Irlandais où l’on pouvait déguster une merveilleuse Guinness
(bière forte et brune irlandaise) - si on aimait ça - ou siroter un
Jameson (whisky irlandais) moelleux. Mais les clients du
George Canning avaient rarement moins de cinquante balais
et s’exprimaient toujours avec ce dur accent irlandais qui vous
donnait l’impression de vous faire engueuler à tout bout de
champ. Les habitués du George Canning, aux visages
invariablement rouge vif, sanglotaient comme des fillettes
après avoir avalé litres de bière. Vous deveniez leur meilleur
ami après la sixième pinte, mais à la septième, leurs gros
13
poings s’écrasaient sur votre pif parce qu'après tout, pour eux,
vous n’étiez qu’un english pig. Je n’ai rien contre les Irlandais
non plus, au contraire : mon pote Dermot et mon ex - avec qui
j’avais vécu pendant cinq ans - étaient tous deux irish. Mais ce
soir-là, j’avais envie d’autre chose et je proposai à Dermot un
pub un peu plus branché, le Phœnix, situé à seulement
quelques centaines de mètres du George Canning. Dermot
n’objecta pas. Après tout, c’était plus près de chez lui : Dermot
habitait un minuscule appartement dans une rue qui longeait
la voie ferrée et se terminait en cul-de-sac sur le Phœnix.
Le Phœnix était une bâtisse accueillante, rectangulaire,
édifiée sur deux étages, aux fenêtres voûtées et aux auvents
en fer forgé. Quelque architecte bien inspiré eut la bonne idée
d’implanter cette brasserie dans l’enceinte même de
l’ancienne gare ferroviaire de Denmark Hill. On pouvait
toujours y prendre le train, mais la grande salle d’attente de
jadis n’existait plus. Les murs aux briques apparentes furent
conservés, ainsi que l'énorme pendule ronde aux gros chiffres
romains, assemblée à Leeds par Potts & Sons et suspendue
par deux chaînes robustes au-dessus de l’entrée principale.
Au sol, entre les bancs rustiques et les machines à cigarettes,
un bar tout en longueur tournait le dos aux quais. Une vaste
cheminée réchauffait les hivers enneigés et les automnes
14
pluvieux. Cet endroit était fréquenté par tous les artistes,
nouveaux riches et belles du coin.
La pluie s’était enfin calmée lorsque Dermot poussa la
porte du Phœnix. L’unique salle, immense, était bondée et
bruyante à souhait. Nous nous frayâmes un passage parmi la
foule, bravant le Layla d’Eric Clapton poussé à fond. Des
dizaines d’assoiffés s’agglutinaient autour du comptoir,
empressés de se faire servir avant la fermeture.
- La première tournée est pour moi, annonça Dermot. Une
Guinness ?
- Non, merci, pas pour moi. Une pinte de Grolsch, s’il te
plaît.
- Cette shit hollandaise ?
Je m’apprêtai à défendre les qualités de la shit hollandaise,
lorsqu’un cri s’éleva de la foule :
- Hé, Dermot, Jack, par ici !
C’était Kevin, le batteur de notre quartet de jazz,
confortablement installé à une table près de l’âtre. Deux
places s'étaient libérées à côté de lui et il nous invitait à le
rejoindre. Kevin était un mec plutôt frêle de cinq pieds sept
pouces (1.70 mètres) avec une peau fine, presque
transparente, aux cheveux sombres, longs et raides, plaqués
derrière les oreilles…Tout le contraire de Dermot, un solide
15
Irlandais de cinq pieds dix pouces (plus de 1.80 mètres) aux
cheveux frisés et blonds, à la limite du roux.
- Hello Kevin. Tout seul, ce soir ? m’enquis-je en
m’asseyant à ses côtés.
- Hello Jack. Pas vraiment. Jeremy était là avec Sharon, sa
nouvelle victime. Ils viennent de me quitter. D’où les deux
places de libre.
Jeremy, comme moi, jouait du saxophone…. mais il était
loin d’avoir mon talent.
- Je lui fous les boules, à Jeremy, conclus-je. Je suis
meilleur que lui, et ça, il ne le digère pas. C’est pour ça qu’il
s’est cassé.
- Pas du tout. C’est sa petite amie qui ne supportait plus
qu’on cause zizique. Tu sais comment sont les nanas : dès
qu’on ne parle plus de truc de gonzesses, elles s’emmerdent.
Remarque, tu as dû oublier, depuis le temps…
- Hé, les commères, une de vous peut m’aider ? nous
interrompit Dermot, avec trois pintes débordantes sur les bras.
- Ces trois malheureuses bières seraient-elles trop lourdes
pour notre Mister Ireland ? se moqua Kevin.
- Trois pintes, ce n’est pas évident lorsqu’on a que deux
mains, riposta Dermot du tac au tac. Je n’aurais pas dû
t’apporter cette Guinness, tu ne la mérites pas : offrir une
16
Guinness à un Anglais, c’est donner de la confiture à un
cochon.
Nous pouvions nous chamailler ainsi des heures durant,
pour notre plus grand plaisir. Depuis toujours, les Anglais se
moquaient des Irlandais, qui eux-mêmes taquinaient les
Anglais parce que leurs pères et grands-pères en faisaient
autant bien avant eux. Ce ne fut qu’après la troisième tournée,
la mienne, que les choses se gâtèrent, lorsque la serveuse me
rendit dix pence sur le billet de cinq Livres que je lui avais
généreusement tendu. C’était là toute ma fortune.
- Ras le bol, m’emportai-je. J’ai trente balais, les mecs,
trente balais… Et je n’ai plus de thunes.
- Ouais, c’est la pénurie, surenchérit Kevin. Moi, c’est
pareil : il ne me reste que dix Livres jusqu’à mon prochain
chèque de chômedu.
- Pour moi, les affaires vont beaucoup mieux, plaisanta
Dermot. J’ai encore douze quid (livres sterling, en argot) pour
finir le mois.
Mes deux potes s’esclaffèrent. Moi, je ne riais pas et jetai
sur la table les pièces jaunes.
- Dix putain de pence, voilà tout ce qu’il me reste ! Ça ne
peut plus durer, une dèche pareille. Ce mois-ci, je n’ai payé
aucune facture… Et je n’ai plus rien à bouffer.
17
- Il faut qu’on se fasse plus de blé avec le quartet, en profita
Dermot, et pour ça, il faut changer de direction musicale. Ça
fait des lustres que je le répète : il faut devenir plus
commercial, engager une chanteuse, faire des reprises de
morceaux connus, animer des mariages et des fêtes.
- Tu ne vas pas recommencer avec ça ? m’énervai-je. Et
pourquoi ne pas se fourrer des plumes dans le derrière et
danser le french-cancan ?
- Nous sommes fauchés, tous les trois. Et Alan, ce n’est
pas mieux : il est sur la paille et il parle de vendre son piano.
Où serait le mal, si on pouvait encaisser cinquante quid
chacun tous les samedis soirs, payés au black ? Tu pourrais
peut-être même te trouver une gonzesse dans un de ces
mariages, qui sait ?
- Si notre pianiste largue son piano, on deviendra un trio !
blagua Kevin.
Les deux copains se marrèrent.
- Ça n’a rien de drôle, protestai-je. Il faut conserver notre
intégrité jusqu’au bout.
- Dis-moi, Jack, elle est où, ton intégrité, quand tu pointes
au chômage pour tes indemnités de misère ? s’emporta
Dermot. On fait un concert tous les trois mois dans un club
pourri pour deux bières chacun, devant des gugusses qui ne
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pensent qu’à boire et à s’empiffrer et qui n’ont rien à cirer de
tes compositions. C’est normal qu’on n’ait pas de blé.
- Il faut persévérer dans la voie que nous avons choisie. Un
jour…
- Ouais, un jour… En attendant, moi, demain, je me lève à
six heures du mat pour déménager des frigos et des machines
à laver pour gagner tout juste de quoi béqueter. Ça, c’est la
réalité… Alors, salut, les mecs, je vous quitte. On se
téléphone : j’ai peut-être un plan…
Dermot s’esquiva sans terminer sa bière, comme le fit
remarquer Kevin. Lui qui adorait la Guinness, il devait être
bien en colère.
- Bah, ça lui passera.
- Sans doute, Jack. Mais c’est vrai que si on faisait
quelques concessions…
- Attends, tu ne vas pas t’y mettre, toi aussi ? Qu’est-ce que
vous avez, tous les deux ? Vous avez confiance en notre
musique ou pas ?
- Ben, il faut dire que c’est plus ta musique que la nôtre…
- Si mes compositions ne vous plaisent pas, vous n’avez
qu’à vous mettre à écrire, vous aussi. Mais aller jouer dans
des fêtes de ringards, ce n’est pas ma tasse de thé.
- Relax, Jack. Ce n’est pas la mienne non plus.
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- Je suis prêt à tout pour réussir, tu le sais. Mais je te parle
d’une vraie réussite, pas d’un succès médiocre obtenu en
jouant dans les mariages. La gloire et la fortune, voilà ce qui
m’intéresse.
- Ça, mon vieux, c’est un vaste programme…
- Oui, ce n’est pas évident, soupirai-je. Si seulement la vie
était moins compliquée !
Je contemplai tristement nos verres vides.
- En attendant, on n’a plus rien à picoler.
Kevin lança un coup d’œil anxieux vers la vieille horloge.
- Il va être vingt-trois heures, l’heure de rentrer chez soi.
- Je vais faire la fermeture si ça ne te dérange pas. On est
bien ici, près de la cheminée. À la maison, c’est humide et ça
caille.
- Comme tu voudras. Moi, je me tire.
Seul, j’allongeai mes jambes sous les chaises désormais
vacantes. Les nuages toxiques exhalés par les fumeurs se
dissipaient lentement, balayés par les pales des énormes
ventilateurs suspendus au plafond. L’air devenait plus
respirable au fur et à mesure que les clients s’en allaient. La
grande salle se vidait, seuls quelques soûlauds s’attardaient
encore sur leurs pintes finissantes. Je remarquai, au bar,
perchée sur un tabouret, une jolie blonde, la clope au bec. Elle
20
terminait son verre de vin blanc, essayant de clore une
conversation pénible avec une espèce de colosse aux
cheveux coupés en brosse. Ce type n’était pas avec elle,
c’était évident, et il essayait de se l’embarquer pour la nuit.
J’en aurais fait autant si j’en avais eu l’occasion. Seulement
voilà : je n’avais aucun courage avec les filles et, de toute
façon, la place était déjà prise. Les yeux de la jeune femme
croisèrent les miens et nous nous observâmes, l’espace de
quelques instants, à travers la fumée de sa cigarette. Elle
glissa quelques mots à l’oreille de son compagnon et
s’absenta.
- Vous permettez que je me joigne à vous, jeune homme ?
Je tressaillis. Cette voix n’était pas celle d’une jeune fille,
mais celle d’un vieil homme, debout devant ma table. Je
regardai autour de moi : le pub était pratiquement désert.
Pourquoi ce vioc avait-il choisi l’une des rares tables qui fût
encore occupée ? Il ressemblait à l'un de ces Irlandais
solitaires du George Canning, qui, dès qu’ils vous avaient pris
comme victime, ne vous laissaient plus tranquille et radotaient,
des heures durant, des histoires ennuyeuses sur leur village
natal.
Je feignis de ne pas entendre. Si seulement ce type pouvait
s’installer ailleurs et me laisser en paix ! Pourtant, quelque
21
chose dans son visage m’intriguait, m’attirait même. Étaient-ce
ces yeux si bleus qui me fixaient avec une intensité rare ?
Étaient-ce ces cheveux, abondants et aussi blancs que des
neiges éternelles ? Ou ce sourire énigmatique qui s’éternisait
au milieu de rides aussi profondes qu’anciennes ? Vêtu d’un
pull-over bleu marine à col roulé en laine épaisse et d’un
pantalon en velours trop large, l’inconnu ressemblait à un loup
de mer séculaire, revenu de quelque croisière lointaine vers
des contrées inconnues. Voûté comme une cathédrale, il
éprouvait énormément de difficulté à rester debout. Deux
pintes, l’une de Guinness et l’autre de lager (bière blonde)
encombraient ses mains tordues et tremblantes. Il insista :
- Je peux m’asseoir ?
- Allez-y : ce pub est à tout le monde, maugréai-je.
Je tirai une chaise de dessous la table, et le conviai, à
contrecœur, à s’y installer. L’homme posa la pinte de bière
blonde sous mes yeux.
- Celle-ci est pour vous.
- Pour moi ?
- Vous buvez de la Grolsch, non ?
- Oui, mais…
- Eh bien, voilà : c’est une pinte de Grolsch, n’est-ce pas ?
Moi, je préfère la Guinness comme tous les vrais Irlandais. Le
22
soir, ça me fait dormir comme un bébé. Heureusement que je
n’habite pas loin d’ici !
- Et merde ! pensai-je. Je ne suis pas près de rentrer chez
moi, maintenant qu’il s’est acheté ma compagnie.
Il était plus de vingt-trois heures et les derniers ivrognes ne
disposaient plus que de quelques minutes pour ingurgiter leurs
poisons.
- Vous venez souvent ici ? demanda-t-il.
J’éclatai de rire.
- Qu’y a-t-il de si drôle ? se vexa-t-il.
- J’imagine que c’est avec ce genre de phrases toutes
faites que ce ringard, là, au bar, a fait fuir la jolie nana qui était
assise en face de lui. Vous voulez aussi savoir si j’habite chez
mes parents, peut-être ?
L’homme haussa les épaules.
- Ne vous inquiétez pas, je ne suis pas un vieil homo qui
essaye de draguer les garçons esseulés dans les pubs la nuit
venue. D’ailleurs, si j’avais un demi-siècle de moins, c’est à
une jolie demoiselle que j’irais offrir un verre, certainement pas
à vous.
- Comme je vous comprends ! En tous cas, merci pour la
bière.
23
- Bah, c’est tout naturel : il m’est souvent arrivé d’être sans
le sou. Je sais ce que c’est. Alors, si je peux vous faire ce petit
plaisir…
- Ça se voit tant que ça que je suis fauché ?
- Pas du tout ! rectifia le vieil homme, décelant une pointe
d’animosité dans ma voix. J’ai entendu ce que vous racontiez
à vos amis, voilà tout. Je me tenais juste à côté de vous.
Devant ma mine circonspecte, l’inconnu sourit et l’idée lui
vint de porter un toast.
- Buvons à la jeunesse et à la beauté ! proposa-t-il en
pointant sa bière en direction du bar, là où se trouvait la belle
blonde.
- Si vous voulez.
- Je ne me suis pas présenté. Je m’appelle Michael.
- Enchanté. Moi, c’est Jack.
- Ravi de faire votre connaissance.
Michael avala rapidement la moitié de sa pinte, comme s’il
n’avait rien bu depuis des semaines. Puis il ajouta, après avoir
essuyé ses lèvres du revers de sa main :
- Deux qualités bien éphémères, n’est-ce pas ?
- Lesquelles ?
- La jeunesse et la beauté.
- Bah, ce sont des choses qui ne se méritent pas.
24
Michael reposa son verre. Ses yeux me fixaient, brillants.
- Intéressant ! Mais pourquoi dites-vous cela ?
- Eh bien, qu’on naisse beau ou moche, on n’y peut rien,
me justifiai-je. Quant à la jeunesse, on vieillit qu’on le veuille
ou non. Et puis, vous avez raison : l’une et l’autre ne durent
jamais.
- Ça, je suis bien placé pour le savoir ! soupira Michael.
Puis, il se frotta le menton. Il semblait réfléchir.
- Dites-moi, tout à l’heure, avec votre ami, vous évoquiez
gloire et célébrité…
- Décidément, vous m’espionnez.
- Loin de moi cette idée. C’était un pur hasard, croyez-moi,
dû à la proximité et à l’ennui. Voyez-vous, je sors rarement le
soir. D’habitude, je reste chez moi, à somnoler devant ma télé.
Aujourd’hui, je voulais voir du monde : je me sentais un peu
seul. Alors, j’écoutais les conversations à la ronde.
Un silence s’instaura. Michael le rompit.
- Dites-moi, Jack, étiez-vous sérieux ?
- Sérieux ? Quand cela ?
- Lorsque que vous affirmiez être prêt à tout pour obtenir
richesse et célébrité.
- De ça, vous pouvez en être sûr… tant qu’on ne me
demande pas de jouer dans les balloches du samedi soir.
25
- Bien. Iriez-vous jusqu’à vendre votre âme ?
Sa question, aussi saugrenue qu’inattendue, me fit sourire.
- Pff ! De belles conneries, tout ça.
- Soit. Mais en admettant que cela soit possible, iriez-vous
jusque-là?
J’avalai une gorgée de bière. Cela m’aidait à réfléchir.
- Je pense que oui, répondis-je nonchalamment.
- Vraiment ?
- Pourquoi pas ? Qu’est-ce que j’ai à perdre ?
- Votre âme.
- Si elle existe !
- Elle existe, soyez-en certain.
- Ah oui ? Vous en avez vu beaucoup, vous, des âmes ?
- Plus d’une.
- Dites donc, faudrait peut-être pas trop forcer sur la
Guinness, à votre âge.
- Ne soyez pas désagréable et laissez mon âge tranquille.
Si vous êtes vraiment décidé, je puis vous aider.
Ce vieillard m’amusait. Il me fixait sans sourciller et rien sur
son visage ne trahissait ses pensées extravagantes.
- M’aider ? Et comment ?
- En échange de votre âme, je pourrais…
26
Je ne laissai pas Michael terminer sa phrase. Je m’étranglai
en buvant ma bière, secoué par un fou rire.
- Ma parole, vous vous prenez pour le Bon Dieu… ou pour
le diable !
- Bien sûr que non, voyons ! Je ne me prends ni pour l’un,
ni pour l’autre.
- Ah, vous me rassurez ! Excusez-moi, mais l’espace d’une
minute, j’ai bien cru que…
- Pourquoi me prendrais-je pour le Grand Maître, alors que
je ne suis que son humble envoyé ?
Cette fois, Michael ne me divertissait plus. Je retirai
vivement la pinte de ses mains.
- Bon, ça suffit. On arrête de picoler et de raconter
n’importe quoi, et on rentre bien sagement chez soi faire un
gros dodo. Demain, ça ira beaucoup mieux.
- Cessez de me traiter comme un vieux gâteux. J’ai toute
ma tête. C’est une proposition des plus honnêtes. Un contrat
sera rédigé et…
- Vous délirez ! Reprenez vos esprits, pour l’amour du ciel !
- Pour l’amour du ciel ? explosa inopinément le vieillard,
tout en se levant brusquement. Pour l’amour du ciel ! Vous en
avez de bonnes, vous !
27
Puis il se rassit, se releva, s’assit de nouveau. Il ne tenait
plus en place.
- Jack, je ne puis vous promettre une éternelle jeunesse,
continua-t-il enfin. Ça n’existe que dans les contes. Mais la
célébrité et la richesse, ça oui, je peux vous les offrir !
- Michael, calmez-vous ! Il est temps d’aller se pieuter si on
ne veut pas se faire enfermer ici pour la nuit… ou pire, se faire
embarquer pour l’asile de fous. Une bonne nuit de sommeil
nous fera le plus grand bien.
Sur ces mots, je me levai et empoignai fermement Michael
par le bras. Il se laissa guider vers la sortie sans protester.
Avant de prendre congé, il souffla à mon oreille :
- Étudie bien ma proposition, mon fils. Une telle offre se
présente rarement, et tu es l’heureux élu.
- Eh bien on peut dire que j’ai du bol. OK, je vais y réfléchir.
Bonne nuit et merci pour la bibine.
- C’est peu de chose comparé à tout ce que nous pouvons
faire pour toi.
Il fouilla dans ses poches et me tendit une carte de visite
froissée sur laquelle était imprimé son nom, Michael Heaven,
avec un numéro de téléphone crayonné, en bas, à droite.
- Tu peux me déranger à n’importe quelle heure, fiston.
Même au milieu de la nuit : je dors très peu.
28
- C’est ça, papa, on s’appelle un de ces quatre.
Je m’éloignai d’un pas pressé, sans me retourner. Il n’y
avait qu’un taré dans tout le pub et il devait tomber sur moi. Si
ce cinglé me croyait naïf au point de lui filer mon numéro de
téléphone, il pouvait toujours courir. En attendant, ce fut moi
qui me mis à cavaler : il recommençait à pleuvoir.
Fin de l’extrait
29
Comment se procurer « Le Jazz Du Diable » au complet
Disponibles aux formats
Kindle (eBook), Livre papier, PDF (eBook)
www.samspiegel.com/diable
30
31
Un mot sur l’auteur
Né à Metz, en Lorraine, d’une famille de professeurs et de
cultivateurs, Sam Hervé Spiegel poursuit des études
secondaires aux Beaux-arts de Metz. Après une courte
carrière dans l’enseignement, il part pour l’Angleterre. Là-bas,
il devient acteur.
Après avoir suivi des cours dramatiques à Londres et à
Paris, Sam apparaît dans de nombreuses séries télévisées
outre-manche, ainsi que dans des films internationaux.
De retour en France, à Paris cette fois, on le voit au théâtre
et aussi en tournée avec la pièce de Schiller, Marie Stuart.
Sam vit désormais dans une petite ville du Kent, baptisé le
jardin de l'Angleterre, entre Londres et Douvres...
Le point de départ de l’action de ces romans (jeunesse ou
autres) et récits se situe toujours dans des endroits et lieux où
l'auteur a vécu ou grandi, souvent en Angleterre, où il puise
son inspiration.
La plupart de ses personnages existent ou ont réellement
existé, seuls les noms ont été changés. La géographie des
lieux est toujours scrupuleusement respectée.
32
Il est aussi l’auteur de romans pour la jeunesse où il
entraîne ses lecteurs autour du monde et dans de profonds
mystères et aventures extraordinaires.
Pour plus d’information sur :
Sam Spiegel l’acteur :
www.samspiegel.com
Sam Spiegel et ses livres :
http://litterature.samspiegel.com
Les Éditions Rudolf :
www.editionsrudolf.com
33
Du même auteur
L’acteur international (récit)
Le medium de Londres (Série - romans – nouvelles)
L’incroyable Miss Pilkinson (Série – romans jeunesse)
Panique à Oxford Street
Grande sècheresse à Venise
La Treizième Fée (roman jeunesse)
Vivre sans Maman (récit)
The Adventures of buying and selling Properties in Paris
and London (récit, en Anglais)
34

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Le Jazz du Diable, une fable moderne de Sam Spiegel (Roman - extrait)

  • 1. 1
  • 2. 2
  • 3. 3 Extrait du Roman : Le Jazz du Diable Une fable moderne Par Sam Spiegel
  • 4. 4 Copyright Copyright / Droits d’auteur © Sam Spiegel 2013 All rights reserved Tous droits réservés Editions Rudolf, 2013 This eBook is copyright material and must not be copied, reproduced, transferred, distributed, leased, licensed or publicly performed or used in any way except as specifically permitted in writing by the author, as allowed under the terms and conditions under which it was purchased or as strictly permitted by applicable copyright law. Any unauthorized reproduction or distribution of all or part of this text may be a direct infringement of the author’s rights and those responsible may be liable in law accordingly. This is a work of fiction. Any resemblance of characters to actual persons, living or dead is purely coincidental. Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle de cet ouvrage faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l'Auteur ou de ses ayants cause est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ne saurait être que fortuite
  • 5. 5 Résumé : Plus qu’un roman, cette fable moderne, librement inspirée du mythe de Faust, se déroule à Londres, dans le milieu du jazz, de 1986 à nos jours. Jack White, un saxophoniste de jazz aussi talentueux que fauché, se dit prêt à tout pour réussir. Lors d’une soirée arrosée dans un pub, il rencontre un curieux vieillard, Michael Heaven, qui lui propose un marché abracadabrant : en échange de son âme, Jack connaitra la gloire et la fortune. Après de longues hésitations, et pour échapper à un mauvais sort qui s’acharne sur lui, Jack se voit contraint d’accepter le pacte proposé. Jack White est alors entraîné dans des événements tragiques et troublants. D’étranges inconnus surgis de nulle part lui viennent en aide. De vieux rêves se réalisent. Tout semble lui réussir. Pourtant, sa destinée lui échappe. Jack aurait-il vendu son âme au Diable ?
  • 6. 6 Au-delà du bien et du mal, Jack devra mener une lutte difficile, au risque de perdre ses êtres les plus chers, pour tenter de reprendre le contrôle de sa propre existence. Un conte moderne et poignant sur fond de jazz et de magie noire. Un roman fantastique écrit par Sam Spiegel à ne pas manquer ! Si vous aimez Guillaume Musso et Douglas Kennedy, vous aimerez ce livre. Comment se procurer « Le Jazz Du Diable » au complet Disponibles aux formats Kindle (eBook), Livre papier, PDF (eBook) www.samspiegel.com/diable
  • 7. 7 Dédicace Il n’y a ni ciel ni enfer. Ni bien, ni mal. Il n’y a que le Grand Maître. Ce livre est dédié au musicien perdu entre l’enfer et les cieux, à la recherche lui aussi de la gloire et de la fortune…
  • 8. 8
  • 9. 9 Table des matières Copyright Dédicace Table des matières En échange de l’âme Un aperçu de l’Enfer Le pacte du sang Entre l’Enfer et les Cieux Le retour de l’enfant prodigue Voyage au Paradis Un vieux rêve se réalise Un semestre au purgatoire Le meilleur des mondes Le bonheur ? Un ange gardien passe La rançon de la gloire La résiliation du Pacte Les vrais soucis commencent La descente aux Enfers
  • 10. 10 Le Diable au corps On ne peut pas tuer le Diable Épilogue Un mot sur l’auteur Du même auteur Avant de se quitter
  • 11. 11 En échange de l’âme Londres. Novembre, 1986. Une pluie persistante cognait sur les carreaux des french windows (porte-fenêtre) de mon deux-pièces avec la violence de coups de fouet. Devant mes fenêtres, mon jardin se transformait rapidement en un lac de boue. Un trente-trois tours tournait imperturbablement sur la platine de la stéréo du salon, poussée à fort volume pour estomper le vacarme des averses. La musique de Dave Brubeck accompagnait la danse de mes doigts qui couraient sur les clés de mon saxophone… un ténor Selmer, une marque française. J’aimais improviser sur le même morceau, Georgia on my mind, à cause de cette longue introduction au piano qui laissait le champ libre à mon inspiration. J’avais, dans ces moments-là, le sentiment de défier les tempêtes. Depuis plus d’une heure, un orage attaquait la ville toute entière. It was raining cats and dogs (il pleuvait à torrent) comme on dit par ici, un déluge sans merci qui chassait les pigeons de Trafalgar Square et lessivait la relève de la garde de Buckingham. Une fange épaisse ruisselait le long des caniveaux de Camberwell Grove, la rue où je résidais alors,
  • 12. 12 une voie boisée qui grimpait dès l’avenue Camberwell Church Street et s’oubliait dans les altitudes de Denmark Hill. Mon quartier s’appelait Camberwell, faubourg cosmopolite flanqué au sud de la Tamise, coincé entre les séditions ethniques de Brixton et le marché jamaïcain de Peckam. Tout commença la nuit du jeudi 27 novembre, lorsque Dermot, le contrebassiste de mon quartet de jazz, me téléphona vers les vingt et une heures pour m’inviter à vider avec lui une ou deux pintes au George Canning, le pub du coin. Ça tombait bien, je mourrais d’envie de m’enfiler quelques bières. Je n’avais pas mis le nez dehors de toute la journée et je voulais voir du monde, des filles surtout. Je n’avais rien contre le George Canning, un pub tenu par des Irlandais où l’on pouvait déguster une merveilleuse Guinness (bière forte et brune irlandaise) - si on aimait ça - ou siroter un Jameson (whisky irlandais) moelleux. Mais les clients du George Canning avaient rarement moins de cinquante balais et s’exprimaient toujours avec ce dur accent irlandais qui vous donnait l’impression de vous faire engueuler à tout bout de champ. Les habitués du George Canning, aux visages invariablement rouge vif, sanglotaient comme des fillettes après avoir avalé litres de bière. Vous deveniez leur meilleur ami après la sixième pinte, mais à la septième, leurs gros
  • 13. 13 poings s’écrasaient sur votre pif parce qu'après tout, pour eux, vous n’étiez qu’un english pig. Je n’ai rien contre les Irlandais non plus, au contraire : mon pote Dermot et mon ex - avec qui j’avais vécu pendant cinq ans - étaient tous deux irish. Mais ce soir-là, j’avais envie d’autre chose et je proposai à Dermot un pub un peu plus branché, le Phœnix, situé à seulement quelques centaines de mètres du George Canning. Dermot n’objecta pas. Après tout, c’était plus près de chez lui : Dermot habitait un minuscule appartement dans une rue qui longeait la voie ferrée et se terminait en cul-de-sac sur le Phœnix. Le Phœnix était une bâtisse accueillante, rectangulaire, édifiée sur deux étages, aux fenêtres voûtées et aux auvents en fer forgé. Quelque architecte bien inspiré eut la bonne idée d’implanter cette brasserie dans l’enceinte même de l’ancienne gare ferroviaire de Denmark Hill. On pouvait toujours y prendre le train, mais la grande salle d’attente de jadis n’existait plus. Les murs aux briques apparentes furent conservés, ainsi que l'énorme pendule ronde aux gros chiffres romains, assemblée à Leeds par Potts & Sons et suspendue par deux chaînes robustes au-dessus de l’entrée principale. Au sol, entre les bancs rustiques et les machines à cigarettes, un bar tout en longueur tournait le dos aux quais. Une vaste cheminée réchauffait les hivers enneigés et les automnes
  • 14. 14 pluvieux. Cet endroit était fréquenté par tous les artistes, nouveaux riches et belles du coin. La pluie s’était enfin calmée lorsque Dermot poussa la porte du Phœnix. L’unique salle, immense, était bondée et bruyante à souhait. Nous nous frayâmes un passage parmi la foule, bravant le Layla d’Eric Clapton poussé à fond. Des dizaines d’assoiffés s’agglutinaient autour du comptoir, empressés de se faire servir avant la fermeture. - La première tournée est pour moi, annonça Dermot. Une Guinness ? - Non, merci, pas pour moi. Une pinte de Grolsch, s’il te plaît. - Cette shit hollandaise ? Je m’apprêtai à défendre les qualités de la shit hollandaise, lorsqu’un cri s’éleva de la foule : - Hé, Dermot, Jack, par ici ! C’était Kevin, le batteur de notre quartet de jazz, confortablement installé à une table près de l’âtre. Deux places s'étaient libérées à côté de lui et il nous invitait à le rejoindre. Kevin était un mec plutôt frêle de cinq pieds sept pouces (1.70 mètres) avec une peau fine, presque transparente, aux cheveux sombres, longs et raides, plaqués derrière les oreilles…Tout le contraire de Dermot, un solide
  • 15. 15 Irlandais de cinq pieds dix pouces (plus de 1.80 mètres) aux cheveux frisés et blonds, à la limite du roux. - Hello Kevin. Tout seul, ce soir ? m’enquis-je en m’asseyant à ses côtés. - Hello Jack. Pas vraiment. Jeremy était là avec Sharon, sa nouvelle victime. Ils viennent de me quitter. D’où les deux places de libre. Jeremy, comme moi, jouait du saxophone…. mais il était loin d’avoir mon talent. - Je lui fous les boules, à Jeremy, conclus-je. Je suis meilleur que lui, et ça, il ne le digère pas. C’est pour ça qu’il s’est cassé. - Pas du tout. C’est sa petite amie qui ne supportait plus qu’on cause zizique. Tu sais comment sont les nanas : dès qu’on ne parle plus de truc de gonzesses, elles s’emmerdent. Remarque, tu as dû oublier, depuis le temps… - Hé, les commères, une de vous peut m’aider ? nous interrompit Dermot, avec trois pintes débordantes sur les bras. - Ces trois malheureuses bières seraient-elles trop lourdes pour notre Mister Ireland ? se moqua Kevin. - Trois pintes, ce n’est pas évident lorsqu’on a que deux mains, riposta Dermot du tac au tac. Je n’aurais pas dû t’apporter cette Guinness, tu ne la mérites pas : offrir une
  • 16. 16 Guinness à un Anglais, c’est donner de la confiture à un cochon. Nous pouvions nous chamailler ainsi des heures durant, pour notre plus grand plaisir. Depuis toujours, les Anglais se moquaient des Irlandais, qui eux-mêmes taquinaient les Anglais parce que leurs pères et grands-pères en faisaient autant bien avant eux. Ce ne fut qu’après la troisième tournée, la mienne, que les choses se gâtèrent, lorsque la serveuse me rendit dix pence sur le billet de cinq Livres que je lui avais généreusement tendu. C’était là toute ma fortune. - Ras le bol, m’emportai-je. J’ai trente balais, les mecs, trente balais… Et je n’ai plus de thunes. - Ouais, c’est la pénurie, surenchérit Kevin. Moi, c’est pareil : il ne me reste que dix Livres jusqu’à mon prochain chèque de chômedu. - Pour moi, les affaires vont beaucoup mieux, plaisanta Dermot. J’ai encore douze quid (livres sterling, en argot) pour finir le mois. Mes deux potes s’esclaffèrent. Moi, je ne riais pas et jetai sur la table les pièces jaunes. - Dix putain de pence, voilà tout ce qu’il me reste ! Ça ne peut plus durer, une dèche pareille. Ce mois-ci, je n’ai payé aucune facture… Et je n’ai plus rien à bouffer.
  • 17. 17 - Il faut qu’on se fasse plus de blé avec le quartet, en profita Dermot, et pour ça, il faut changer de direction musicale. Ça fait des lustres que je le répète : il faut devenir plus commercial, engager une chanteuse, faire des reprises de morceaux connus, animer des mariages et des fêtes. - Tu ne vas pas recommencer avec ça ? m’énervai-je. Et pourquoi ne pas se fourrer des plumes dans le derrière et danser le french-cancan ? - Nous sommes fauchés, tous les trois. Et Alan, ce n’est pas mieux : il est sur la paille et il parle de vendre son piano. Où serait le mal, si on pouvait encaisser cinquante quid chacun tous les samedis soirs, payés au black ? Tu pourrais peut-être même te trouver une gonzesse dans un de ces mariages, qui sait ? - Si notre pianiste largue son piano, on deviendra un trio ! blagua Kevin. Les deux copains se marrèrent. - Ça n’a rien de drôle, protestai-je. Il faut conserver notre intégrité jusqu’au bout. - Dis-moi, Jack, elle est où, ton intégrité, quand tu pointes au chômage pour tes indemnités de misère ? s’emporta Dermot. On fait un concert tous les trois mois dans un club pourri pour deux bières chacun, devant des gugusses qui ne
  • 18. 18 pensent qu’à boire et à s’empiffrer et qui n’ont rien à cirer de tes compositions. C’est normal qu’on n’ait pas de blé. - Il faut persévérer dans la voie que nous avons choisie. Un jour… - Ouais, un jour… En attendant, moi, demain, je me lève à six heures du mat pour déménager des frigos et des machines à laver pour gagner tout juste de quoi béqueter. Ça, c’est la réalité… Alors, salut, les mecs, je vous quitte. On se téléphone : j’ai peut-être un plan… Dermot s’esquiva sans terminer sa bière, comme le fit remarquer Kevin. Lui qui adorait la Guinness, il devait être bien en colère. - Bah, ça lui passera. - Sans doute, Jack. Mais c’est vrai que si on faisait quelques concessions… - Attends, tu ne vas pas t’y mettre, toi aussi ? Qu’est-ce que vous avez, tous les deux ? Vous avez confiance en notre musique ou pas ? - Ben, il faut dire que c’est plus ta musique que la nôtre… - Si mes compositions ne vous plaisent pas, vous n’avez qu’à vous mettre à écrire, vous aussi. Mais aller jouer dans des fêtes de ringards, ce n’est pas ma tasse de thé. - Relax, Jack. Ce n’est pas la mienne non plus.
  • 19. 19 - Je suis prêt à tout pour réussir, tu le sais. Mais je te parle d’une vraie réussite, pas d’un succès médiocre obtenu en jouant dans les mariages. La gloire et la fortune, voilà ce qui m’intéresse. - Ça, mon vieux, c’est un vaste programme… - Oui, ce n’est pas évident, soupirai-je. Si seulement la vie était moins compliquée ! Je contemplai tristement nos verres vides. - En attendant, on n’a plus rien à picoler. Kevin lança un coup d’œil anxieux vers la vieille horloge. - Il va être vingt-trois heures, l’heure de rentrer chez soi. - Je vais faire la fermeture si ça ne te dérange pas. On est bien ici, près de la cheminée. À la maison, c’est humide et ça caille. - Comme tu voudras. Moi, je me tire. Seul, j’allongeai mes jambes sous les chaises désormais vacantes. Les nuages toxiques exhalés par les fumeurs se dissipaient lentement, balayés par les pales des énormes ventilateurs suspendus au plafond. L’air devenait plus respirable au fur et à mesure que les clients s’en allaient. La grande salle se vidait, seuls quelques soûlauds s’attardaient encore sur leurs pintes finissantes. Je remarquai, au bar, perchée sur un tabouret, une jolie blonde, la clope au bec. Elle
  • 20. 20 terminait son verre de vin blanc, essayant de clore une conversation pénible avec une espèce de colosse aux cheveux coupés en brosse. Ce type n’était pas avec elle, c’était évident, et il essayait de se l’embarquer pour la nuit. J’en aurais fait autant si j’en avais eu l’occasion. Seulement voilà : je n’avais aucun courage avec les filles et, de toute façon, la place était déjà prise. Les yeux de la jeune femme croisèrent les miens et nous nous observâmes, l’espace de quelques instants, à travers la fumée de sa cigarette. Elle glissa quelques mots à l’oreille de son compagnon et s’absenta. - Vous permettez que je me joigne à vous, jeune homme ? Je tressaillis. Cette voix n’était pas celle d’une jeune fille, mais celle d’un vieil homme, debout devant ma table. Je regardai autour de moi : le pub était pratiquement désert. Pourquoi ce vioc avait-il choisi l’une des rares tables qui fût encore occupée ? Il ressemblait à l'un de ces Irlandais solitaires du George Canning, qui, dès qu’ils vous avaient pris comme victime, ne vous laissaient plus tranquille et radotaient, des heures durant, des histoires ennuyeuses sur leur village natal. Je feignis de ne pas entendre. Si seulement ce type pouvait s’installer ailleurs et me laisser en paix ! Pourtant, quelque
  • 21. 21 chose dans son visage m’intriguait, m’attirait même. Étaient-ce ces yeux si bleus qui me fixaient avec une intensité rare ? Étaient-ce ces cheveux, abondants et aussi blancs que des neiges éternelles ? Ou ce sourire énigmatique qui s’éternisait au milieu de rides aussi profondes qu’anciennes ? Vêtu d’un pull-over bleu marine à col roulé en laine épaisse et d’un pantalon en velours trop large, l’inconnu ressemblait à un loup de mer séculaire, revenu de quelque croisière lointaine vers des contrées inconnues. Voûté comme une cathédrale, il éprouvait énormément de difficulté à rester debout. Deux pintes, l’une de Guinness et l’autre de lager (bière blonde) encombraient ses mains tordues et tremblantes. Il insista : - Je peux m’asseoir ? - Allez-y : ce pub est à tout le monde, maugréai-je. Je tirai une chaise de dessous la table, et le conviai, à contrecœur, à s’y installer. L’homme posa la pinte de bière blonde sous mes yeux. - Celle-ci est pour vous. - Pour moi ? - Vous buvez de la Grolsch, non ? - Oui, mais… - Eh bien, voilà : c’est une pinte de Grolsch, n’est-ce pas ? Moi, je préfère la Guinness comme tous les vrais Irlandais. Le
  • 22. 22 soir, ça me fait dormir comme un bébé. Heureusement que je n’habite pas loin d’ici ! - Et merde ! pensai-je. Je ne suis pas près de rentrer chez moi, maintenant qu’il s’est acheté ma compagnie. Il était plus de vingt-trois heures et les derniers ivrognes ne disposaient plus que de quelques minutes pour ingurgiter leurs poisons. - Vous venez souvent ici ? demanda-t-il. J’éclatai de rire. - Qu’y a-t-il de si drôle ? se vexa-t-il. - J’imagine que c’est avec ce genre de phrases toutes faites que ce ringard, là, au bar, a fait fuir la jolie nana qui était assise en face de lui. Vous voulez aussi savoir si j’habite chez mes parents, peut-être ? L’homme haussa les épaules. - Ne vous inquiétez pas, je ne suis pas un vieil homo qui essaye de draguer les garçons esseulés dans les pubs la nuit venue. D’ailleurs, si j’avais un demi-siècle de moins, c’est à une jolie demoiselle que j’irais offrir un verre, certainement pas à vous. - Comme je vous comprends ! En tous cas, merci pour la bière.
  • 23. 23 - Bah, c’est tout naturel : il m’est souvent arrivé d’être sans le sou. Je sais ce que c’est. Alors, si je peux vous faire ce petit plaisir… - Ça se voit tant que ça que je suis fauché ? - Pas du tout ! rectifia le vieil homme, décelant une pointe d’animosité dans ma voix. J’ai entendu ce que vous racontiez à vos amis, voilà tout. Je me tenais juste à côté de vous. Devant ma mine circonspecte, l’inconnu sourit et l’idée lui vint de porter un toast. - Buvons à la jeunesse et à la beauté ! proposa-t-il en pointant sa bière en direction du bar, là où se trouvait la belle blonde. - Si vous voulez. - Je ne me suis pas présenté. Je m’appelle Michael. - Enchanté. Moi, c’est Jack. - Ravi de faire votre connaissance. Michael avala rapidement la moitié de sa pinte, comme s’il n’avait rien bu depuis des semaines. Puis il ajouta, après avoir essuyé ses lèvres du revers de sa main : - Deux qualités bien éphémères, n’est-ce pas ? - Lesquelles ? - La jeunesse et la beauté. - Bah, ce sont des choses qui ne se méritent pas.
  • 24. 24 Michael reposa son verre. Ses yeux me fixaient, brillants. - Intéressant ! Mais pourquoi dites-vous cela ? - Eh bien, qu’on naisse beau ou moche, on n’y peut rien, me justifiai-je. Quant à la jeunesse, on vieillit qu’on le veuille ou non. Et puis, vous avez raison : l’une et l’autre ne durent jamais. - Ça, je suis bien placé pour le savoir ! soupira Michael. Puis, il se frotta le menton. Il semblait réfléchir. - Dites-moi, tout à l’heure, avec votre ami, vous évoquiez gloire et célébrité… - Décidément, vous m’espionnez. - Loin de moi cette idée. C’était un pur hasard, croyez-moi, dû à la proximité et à l’ennui. Voyez-vous, je sors rarement le soir. D’habitude, je reste chez moi, à somnoler devant ma télé. Aujourd’hui, je voulais voir du monde : je me sentais un peu seul. Alors, j’écoutais les conversations à la ronde. Un silence s’instaura. Michael le rompit. - Dites-moi, Jack, étiez-vous sérieux ? - Sérieux ? Quand cela ? - Lorsque que vous affirmiez être prêt à tout pour obtenir richesse et célébrité. - De ça, vous pouvez en être sûr… tant qu’on ne me demande pas de jouer dans les balloches du samedi soir.
  • 25. 25 - Bien. Iriez-vous jusqu’à vendre votre âme ? Sa question, aussi saugrenue qu’inattendue, me fit sourire. - Pff ! De belles conneries, tout ça. - Soit. Mais en admettant que cela soit possible, iriez-vous jusque-là? J’avalai une gorgée de bière. Cela m’aidait à réfléchir. - Je pense que oui, répondis-je nonchalamment. - Vraiment ? - Pourquoi pas ? Qu’est-ce que j’ai à perdre ? - Votre âme. - Si elle existe ! - Elle existe, soyez-en certain. - Ah oui ? Vous en avez vu beaucoup, vous, des âmes ? - Plus d’une. - Dites donc, faudrait peut-être pas trop forcer sur la Guinness, à votre âge. - Ne soyez pas désagréable et laissez mon âge tranquille. Si vous êtes vraiment décidé, je puis vous aider. Ce vieillard m’amusait. Il me fixait sans sourciller et rien sur son visage ne trahissait ses pensées extravagantes. - M’aider ? Et comment ? - En échange de votre âme, je pourrais…
  • 26. 26 Je ne laissai pas Michael terminer sa phrase. Je m’étranglai en buvant ma bière, secoué par un fou rire. - Ma parole, vous vous prenez pour le Bon Dieu… ou pour le diable ! - Bien sûr que non, voyons ! Je ne me prends ni pour l’un, ni pour l’autre. - Ah, vous me rassurez ! Excusez-moi, mais l’espace d’une minute, j’ai bien cru que… - Pourquoi me prendrais-je pour le Grand Maître, alors que je ne suis que son humble envoyé ? Cette fois, Michael ne me divertissait plus. Je retirai vivement la pinte de ses mains. - Bon, ça suffit. On arrête de picoler et de raconter n’importe quoi, et on rentre bien sagement chez soi faire un gros dodo. Demain, ça ira beaucoup mieux. - Cessez de me traiter comme un vieux gâteux. J’ai toute ma tête. C’est une proposition des plus honnêtes. Un contrat sera rédigé et… - Vous délirez ! Reprenez vos esprits, pour l’amour du ciel ! - Pour l’amour du ciel ? explosa inopinément le vieillard, tout en se levant brusquement. Pour l’amour du ciel ! Vous en avez de bonnes, vous !
  • 27. 27 Puis il se rassit, se releva, s’assit de nouveau. Il ne tenait plus en place. - Jack, je ne puis vous promettre une éternelle jeunesse, continua-t-il enfin. Ça n’existe que dans les contes. Mais la célébrité et la richesse, ça oui, je peux vous les offrir ! - Michael, calmez-vous ! Il est temps d’aller se pieuter si on ne veut pas se faire enfermer ici pour la nuit… ou pire, se faire embarquer pour l’asile de fous. Une bonne nuit de sommeil nous fera le plus grand bien. Sur ces mots, je me levai et empoignai fermement Michael par le bras. Il se laissa guider vers la sortie sans protester. Avant de prendre congé, il souffla à mon oreille : - Étudie bien ma proposition, mon fils. Une telle offre se présente rarement, et tu es l’heureux élu. - Eh bien on peut dire que j’ai du bol. OK, je vais y réfléchir. Bonne nuit et merci pour la bibine. - C’est peu de chose comparé à tout ce que nous pouvons faire pour toi. Il fouilla dans ses poches et me tendit une carte de visite froissée sur laquelle était imprimé son nom, Michael Heaven, avec un numéro de téléphone crayonné, en bas, à droite. - Tu peux me déranger à n’importe quelle heure, fiston. Même au milieu de la nuit : je dors très peu.
  • 28. 28 - C’est ça, papa, on s’appelle un de ces quatre. Je m’éloignai d’un pas pressé, sans me retourner. Il n’y avait qu’un taré dans tout le pub et il devait tomber sur moi. Si ce cinglé me croyait naïf au point de lui filer mon numéro de téléphone, il pouvait toujours courir. En attendant, ce fut moi qui me mis à cavaler : il recommençait à pleuvoir. Fin de l’extrait
  • 29. 29 Comment se procurer « Le Jazz Du Diable » au complet Disponibles aux formats Kindle (eBook), Livre papier, PDF (eBook) www.samspiegel.com/diable
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  • 31. 31 Un mot sur l’auteur Né à Metz, en Lorraine, d’une famille de professeurs et de cultivateurs, Sam Hervé Spiegel poursuit des études secondaires aux Beaux-arts de Metz. Après une courte carrière dans l’enseignement, il part pour l’Angleterre. Là-bas, il devient acteur. Après avoir suivi des cours dramatiques à Londres et à Paris, Sam apparaît dans de nombreuses séries télévisées outre-manche, ainsi que dans des films internationaux. De retour en France, à Paris cette fois, on le voit au théâtre et aussi en tournée avec la pièce de Schiller, Marie Stuart. Sam vit désormais dans une petite ville du Kent, baptisé le jardin de l'Angleterre, entre Londres et Douvres... Le point de départ de l’action de ces romans (jeunesse ou autres) et récits se situe toujours dans des endroits et lieux où l'auteur a vécu ou grandi, souvent en Angleterre, où il puise son inspiration. La plupart de ses personnages existent ou ont réellement existé, seuls les noms ont été changés. La géographie des lieux est toujours scrupuleusement respectée.
  • 32. 32 Il est aussi l’auteur de romans pour la jeunesse où il entraîne ses lecteurs autour du monde et dans de profonds mystères et aventures extraordinaires. Pour plus d’information sur : Sam Spiegel l’acteur : www.samspiegel.com Sam Spiegel et ses livres : http://litterature.samspiegel.com Les Éditions Rudolf : www.editionsrudolf.com
  • 33. 33 Du même auteur L’acteur international (récit) Le medium de Londres (Série - romans – nouvelles) L’incroyable Miss Pilkinson (Série – romans jeunesse) Panique à Oxford Street Grande sècheresse à Venise La Treizième Fée (roman jeunesse) Vivre sans Maman (récit) The Adventures of buying and selling Properties in Paris and London (récit, en Anglais)
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