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Revue générale
Anesthésie et réanimation pour chirurgie réglée
de l’anĂ©vrisme de l’aorte abdominale
Anaesthesia and critical care for scheduled infrarenal
abdominal aortic aneurysm surgery
E. Marret *, N. Lembert, F. Bonnet
DĂ©partement d’anesthĂ©sie–rĂ©animation, hĂŽpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75970 Paris cedex 20, France
Reçu le 19 avril 2005 ; accepté le 31 août 2005
Disponible sur internet le 02 novembre 2005
Résumé
Objectif. – Les patients programmĂ©s pour une chirurgie de l’anĂ©vrisme de l’aorte abdominale sous-rĂ©nale prĂ©sentent un risque Ă©levĂ© de
comorbidité cardiaque et respiratoire. Résumer la prise en charge anesthésique de ces patients.
MĂ©thodes. – Revue de la littĂ©rature croisant les termes anĂ©vrisme de l’aorte abdominale, anesthĂ©sie, analgĂ©sie, rĂ©animation et/ou chirurgie
dans la base de données Medline.
RĂ©sultats. – L’évaluation prĂ©opĂ©ratoire cardiaque et sa stratĂ©gie ont fait rĂ©cemment l’objet de recommandations. Les patients avec un
risque cardiaque intermĂ©diaire ou Ă©levĂ© doivent bĂ©nĂ©ïŹcier d’un test d’effort cardiaque avant l’intervention pour dĂ©cider entre une stratĂ©gie
prĂ©opĂ©ratoire mĂ©dicamenteuse (bĂȘtabloquant ± statine et aspirine) ou une stratĂ©gie interventionnelle (angioplastie coronarienne ou chirurgie
cardiaque). Une ischĂ©mie myocardique pĂ©riopĂ©ratoire doit ĂȘtre recherchĂ©e chez ces patients par un monitorage clinique, Ă©lectrocardiographi-
que et biologique (dosage de la troponine Ic). Le risque de dĂ©compensation respiratoire peut aussi ĂȘtre Ă©valuĂ© Ă  l’aide d’un score rĂ©alisĂ© en
prĂ©opĂ©ratoire. L’analgĂ©sie pĂ©ridurale permet de diminuer le risque des complications respiratoires. Aucun traitement pharmacologique n’a
montrĂ© son efïŹcacitĂ© pour diminuer l’incidence de l’insufïŹsance rĂ©nale aprĂšs chirurgie de l’aorte. Le traitement par mise en place d’une
endoprothÚse aortique est actuellement recommandé chez seulement les patients ùgés, les patients à haut risque chirurgical ou les patients avec
un abdomen multi-opéré.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Objectives. – Patient scheduled for infrarenal abdominal aortic aneurysm surgery carries a high risk of cardiac or respiratory comorbidity.
To outline the perioperative management for these patients.
Methods. – Review of the literature using MesH Terms “abdominal aortic aneurysm”, “anesthesia”, “analgesia” “critical care” and/or
“surgery” in Medline database.
Results. – Cardiac preoperative evaluation and management have recently been reviewed. Intermediate and high-risk patients should
undergo non-invasive cardiac testing to decide between a preoperative medical strategy (using betablocker ± statin and aspirin) and an inter-
ventional strategy (coronary angioplasty or cardiac surgery). Perioperative myocardial ischaemia should also be investigated by clinical,
electrocardiographic and biologic monitoring such as plasmatic troponin Ic dosage. SpeciïŹc score could also assess the respiratory failure risk
preoperatively. Epidural analgesia decreases this risk. There is no evidence that a pharmacological treatment decreases the incidence of acute
renal failure after aortic surgery. Endovascular repair is actually recommended for older, higher-risk patients or patients with a hostile abdo-
men or other technical factors that may complicate standard open repair.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : emmanuel.marret@tnn.ap-hop-paris.fr (E. Marret).
Annales Françaises d’AnesthĂ©sie et de RĂ©animation 25 (2006) 158–179
http://france.elsevier.com/direct/ANNFAR/
0750-7658/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.annfar.2005.08.023
Mots clés : Anesthesie ; Analgésie ; Réanimation ; Anévrisme ; Aorte abdominale ; Chirurgie
Keywords: Anaesthesia; Analgesia; Critical care; Infrarenal abdominal aortic aneurysm; Surgery
1. Introduction
L’anĂ©vrisme de l’aorte abdominale (AAA) devient actuel-
lement une maladie de plus en plus fréquente. La maladie
anĂ©vrismale de l’aorte est le plus souvent la consĂ©quence d’un
processus dégénératif chronique de la paroi artérielle ; sa pré-
valence augmente donc avec l’ñge et avec le vieillissement
de la population. Cinq à 10 % des sujets ùgés de plus de 65 ans
sont ainsi atteints par un AAA [1–4]. Les anĂ©vrismes aug-
mentent de taille lentement jusqu’à un diamĂštre critique oĂč
l’évolution prend alors une allure exponentielle. La maladie
anévrismale reste cependant, bien souvent asymptomatique
jusqu’à la rupture. Le risque de rupture augmente avec le dia-
mĂštre de l’AAA [5]. La mortalitĂ© pĂ©riopĂ©ratoire des AAA
rompus peut atteindre jusqu’à 60 % des patients ce qui justi-
ïŹe une chirurgie rĂ©glĂ©e de l’AAA dĂšs que le diamĂštre est
supĂ©rieur Ă  50 mm. La mortalitĂ© pĂ©riopĂ©ratoire d’une chirur-
gie à froid se situe aux environs de 5 % mais reste supérieure
Ă  2 % mĂȘme dans les centres les plus expĂ©rimentĂ©s ou dans
les études les plus récentes. Cependant, des chiffres de mor-
talité supérieurs à 5 % sont observés dans les centres effec-
tuant moins de 50 interventions rĂ©glĂ©es de l’AAA par an et/ou
avec des chirurgiens opérant annuellement un faible nombre
d’AAA [6]. Les facteurs de risque identiïŹĂ©s de la maladie
anévrismale sont ceux des maladies cardiovasculaires ou plus
prĂ©cisĂ©ment l’ñge, le sexe masculin, le tabagisme, l’hyperten-
sion, l’hypercholestĂ©rolĂ©mie et les antĂ©cĂ©dents familiaux
d’anĂ©vrismes [1–4,7,8]. La prĂ©valence de l’insufïŹsance coro-
naire sĂ©vĂšre chez les malades opĂ©rĂ©s d’un AAA s’élĂšve alors
Ă  plus de 30 % [9–11]. La prĂ©sence de lĂ©sions athĂ©romateu-
ses souvent diffuses justiïŹe ainsi une prise en charge particu-
liĂšre de ces patients aussi bien avant l’acte d’anesthĂ©sie
qu’aprùs la cure d’un AAA.
2. PrĂ©paration du patient Ă  l’intervention :
stratégie préopératoire
Les patients opĂ©rĂ©s d’une chirurgie de l’AAA nĂ©cessitent
une approche multidisciplinaire du fait des nombreuses patho-
logies associĂ©es Ă  la maladie anĂ©vrismale de l’aorte.
2.1. Évaluation cardiaque
L’évaluation cardiaque prĂ©opĂ©ratoire est une Ă©tape fonda-
mentale pour les patients opĂ©rĂ©s d’une chirurgie pour AAA.
La prĂ©vention du risque cardiaque passe avant tout par l’éva-
luation soigneuse de l’état cardiovasculaire du patient au
moyen d’index cliniques et d’explorations limitĂ©es.Au terme
de cette Ă©valuation, le praticien doit dĂ©cider d’une prĂ©para-
tion qui repose généralement sur une optimisation du traite-
ment médicamenteux ou sur un traitement médicamenteux
prĂ©ventif spĂ©ciïŹque, Ă©tabli en collaboration avec le chirur-
gien et le cardiologue. Le recours Ă  un geste de revasculari-
sation devient actuellement de moins en moins fréquent car
le bĂ©nĂ©ïŹce d’une revascularisation myocardique n’est pas
supĂ©rieur Ă  celui d’une chirurgie vasculaire rĂ©alisĂ©e sous bĂȘta-
bloquant, aspirine et statine [12]. L’évaluation du risque car-
diaque chez les patients programmés pour une chirurgie
majeure a fait l’objet de plusieurs synthùses [13,14].
L’incidence Ă©levĂ©e des infarctus du myocarde (IdM) pĂ©rio-
pératoires et des décÚs de cause cardiaque chez les patients
de chirurgie vasculaire est attribuĂ©e Ă  l’importante prĂ©va-
lence de la maladie coronarienne [15]. Plus d’un patient sur
trois programmĂ© pour une cure chirurgicale d’un AAA prĂ©-
sente une coronaropathie sĂ©vĂšre [9–11]. Le taux de mortalitĂ©
aprĂšs la survenue d’un IdM postopĂ©ratoire est supĂ©rieur Ă 
20 % et le risque de décÚs aprÚs IdM est dix fois plus élevé
que le risque de décÚs aprÚs toute autre complication posto-
pératoire [15]. Moins de 10 % des patients de chirurgie vas-
culaire ont des artĂšres coronaires normales et plus de 50 %
ont une insufïŹsance coronaire sĂ©vĂšre [16]. Dans cette popu-
lation, la prévalence des complications cardiaques périopéra-
toires est de plus de 10 %, celle de l’IdM est selon la littĂ©ra-
ture d’environ 4 % et la mortalitĂ© cardiaque avoisine 2 %
[17,18].
2.1.1. Échelles de risque
Des échelles de risque fondées sur des données cliniques
et paracliniques simples ont Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©es dans le but d’éva-
luer rapidement un malade Ă  risque de complications cardia-
ques postopĂ©ratoires. L’échelle de Goldman a Ă©tĂ© utilisĂ©e pen-
dant plus de 30 ans pour Ă©valuer le risque cardiaque des
patients opérés [19] ; ce score a été établi sur un mélange
hĂ©tĂ©roclite de critĂšres cliniques et paracliniques et n’a pris en
compte qu’une population à faible risque cardiovasculaire
[19]. Lee et al. ont rĂ©cemment proposĂ© une Ă©chelle simpliïŹĂ©e
pour évaluer le risque cardiaque chez les patients ùgés de plus
de 50 ans, opĂ©rĂ©s d’une chirurgie majeure non urgente. Son
Ă©valuation s’est fondĂ©e sur une population de 4315 patients.
Une complication cardiaque majeure (IdM, Ɠdùme aigu du
poumon, ïŹbrillation ventriculaire ou arrĂȘt cardiaque) est sur-
venue chez 2 % des patients. Six facteurs de risque de poids
quasi-équivalent, ont été indépendamment associés à une aug-
mentation du risque cardiaque : chirurgie Ă  haut risque (chi-
rurgie pour AAA, chirurgie thoracique, chirurgie digestive),
cardiopathie ischĂ©mique, antĂ©cĂ©dent d’insufïŹsance cardia-
que, antĂ©cĂ©dent d’accident vasculaire cĂ©rĂ©bral, traitement par
insuline et taux de créatinine plasmatique supérieure à
177 ”mol/l ou supérieur à 20 mg/l [20] ; les complications
associĂ©es Ă  la prĂ©sence d’un, deux, trois ou plus de trois fac-
teurs Ă©taient respectivement de 0,4, 1,9, 7 et 11 %. Finale-
159E. Marret et al. / Annales Françaises d’AnesthĂ©sie et de RĂ©animation 25 (2006) 158–179
ment, l’American College of Cardiology et l’American Heart
Association (ACC/AHA) ont dĂ©ïŹni trois classes de risques
cardiovasculaires (Tableau 1). Les patients présentant des cri-
tĂšres cliniques intermĂ©diaires doivent bĂ©nĂ©ïŹcier d’une Ă©va-
luation cardiaque. Quant aux malades présentant des critÚres
majeurs, la prise en charge cardiologique de ces symptĂŽmes
prime sur l’indication opĂ©ratoire de l’AAA. L’évaluation cli-
nique de ces patients est un temps fondamental de l’évalua-
tion prĂ©opĂ©ratoire car il va guider la rĂ©alisation ou non d’exa-
mens complémentaires (Fig. 1).
2.1.2. Tests non invasifs
Plusieurs tests non invasifs cardiaques ont été évalués dans
le but de stratiïŹer les patients Ă  risque et de diminuer leur
risque par une thĂ©rapeutique ciblĂ©e. L’épreuve d’effort (EE)
a Ă©tĂ© validĂ©e pour dĂ©pister une insufïŹsance coronarienne avec
un faible coût dans une population donnée. Toutefois, une
proportion non nĂ©gligeable de patients n’atteint pas les frĂ©-
quences cardiaques maximales qui autorisent le diagnostic
de l’ischĂ©mie myocardique [21]. De plus, certaines patholo-
gies de l’appareil locomoteur ainsi que les artĂ©riopathies obli-
térantes des membres inférieurs ne permettent pas la réalisa-
tion de cet examen. La nĂ©gativitĂ© d’une EE Ă  au moins 85 %
de la fréquence maximale théorique détermine une popula-
tion avec un moindre risque cardiovasculaire [22] mais son
degrĂ© reste d’évaluation difïŹcile ; un travail a montrĂ© que les
patients ayant une EE positive présentaient un risque cardio-
vasculaire cinq fois plus important mais cela n’a pas Ă©tĂ©
conïŹrmĂ© par d’autres Ă©tudes plus larges, tout cela confĂ©rant
une faible valeur prédictive positive pour ce test [23,24].
La scintigraphie au thallium–dipyridamole (TD) permet
d’étudier l’ischĂ©mie myocardique et la viabilitĂ© du myocarde
sous-jacent. La valeur de cet examen pour Ă©valuer le risque
peropératoire du malade de chirurgie vasculaire reste trÚs
dĂ©battue [25]. Lorsqu’elle est corrĂ©lĂ©e Ă  certains facteurs cli-
niques (ùge avancé, diabÚte, angor, ESV, ondes Q de nécrose
sur l’ECG), son intĂ©rĂȘt est grandement rehaussĂ© [26].
L’enregistrement ambulatoire du segment ST (holter) per-
met de dĂ©tecter la prĂ©sence d’une ischĂ©mie myocardique en
préopératoire avec un coût trois fois moins élevé. Cet exa-
men a une prĂ©dictibilitĂ© d’autant meilleure qu’il est rĂ©alisĂ©
chez les patients présélectionnés. Il permet la détection
d’ischĂ©mies silencieuses qui sont de façon gĂ©nĂ©rale, de mau-
vais pronostic. Différentes études ont montré que cet examen
est hautement spĂ©ciïŹque et Ă©galement trĂšs sensible chez les
patients de chirurgie vasculaire [27–31]. Toutefois, il n’est
pas réalisable chez tous les patients (50 %) comme ceux ayant
des anomalies de l’ECG de repos (bloc de branche gauche
complet, pacemaker, imprégnation digitalique) et contraire-
ment Ă  la scintigraphie au TD, le degrĂ© d’ischĂ©mie n’est pas
quantiïŹable. Cet examen est ainsi trĂšs rarement utilisĂ© en pra-
tique courante en France.
L’échocardiographie de stress Ă  la dobutamine dĂ©tecte des
troubles de la cinétique des parois, induits par une ischémie
myocardique provoquée par un stress pharmacologique (dobu-
tamine et atropine). Pour l’évaluation prĂ©opĂ©ratoire des
patients de chirurgie vasculaire, l’échocardiographie de stress
à la dobutamine a une sensibilité proche de 85 % (intervalle
de conïŹance Ă  95 % [IC 95 %] : 75–97 %) et une spĂ©ciïŹcitĂ©
de 70 % [IC 95 % : 62–79 %] pour prĂ©dire la morbiditĂ© car-
diaque périopératoire [31]. De plus, dans une cohorte de plus
de 1000 patients opĂ©rĂ©s d’une chirurgie vasculaire majeure,
Tableau 1
CritÚres cliniques évaluant le risque lié au patient selon les recommanda-
tions nord-amĂ©ricaines de l’ACC/AHA [14]
CritĂšres cliniques
Majeurs
‱ Syndromes coronariens instables (IdM rĂ©cent ou angor instable)
‱ InsufïŹsance cardiaque dĂ©compensĂ©e
‱ Arythmies signiïŹcatives (BAV de haut grade, arythmies ventriculaires
symptomatiques et arythmies supraventriculaires sans contrĂŽle ventricu-
laire)
‱ Pathologie valvulaire sĂ©vĂšre
Intermédiaires
‱ Angor stable
‱ AntĂ©cĂ©dent d’IdM
‱ InsufïŹsance cardiaque compensĂ©e
‱ Diabùte
‱ InsufïŹsance rĂ©nale
Mineurs
‱ Aˆ ge avancĂ©
‱ Anomalies ECG (HVG, BBG, anomalies du segment ST et de l’onde
T)
‱ Rythme non sinusal
‱ Faible capacitĂ© fonctionnelle
‱ AntĂ©cĂ©dent d’AVC
‱ HTA non contrĂŽlĂ©e
Capacité fonctionnelle
< 4 MET
Manger, s’habiller, marcher autour de la maison, faire la vaisselle
> 4 MET
Monter un Ă©tage, courir sur une courte distance, marcher sur du plat Ă 
6 km/h, danser, faire un golf.
MET : indicateur métabolique équivalent.
Fig. 1. Arbre dĂ©cisionnel pour l’évaluation du risque cardiaque avant une
chirurgie pour anĂ©vrisme de l’aorte abdominale selon les recommandations
de l’ACC/AHA [14] et prise en charge prĂ©opĂ©ratoire. La prescription de
bĂȘtabloquants avec un objectif de frĂ©quence cardiaque pĂ©riopĂ©ratoire
(FC ≀ 80 b/min) est une alternative possible Ă  la revascularisation myocar-
dique en cas de test non invasif positif.
160 E. Marret et al. / Annales Françaises d’AnesthĂ©sie et de RĂ©animation 25 (2006) 158–179
l’apparition d’une cinĂ©tique anormale lors de cet examen de
stress dans une population ayant des facteurs de risque clini-
que de coronaropathie était un facteur de risque indépendant
important associée à une augmentation de la morbimortalité
postopĂ©ratoire [32]. L’échocardiographie de stress a la sen-
sibilité la plus élevée dans une méta-analyse récente incluant
plus de 8000 patients opĂ©rĂ©s d’une chirurgie vasculaire
majeure [31]. Une autre méta-analyse a montré la supériorité
de l’échographie de stress Ă  la dobutamine comme facteur
prédictif de morbidité cardiaque (RR = 6,2) par rapport à la
scintigraphie au TD (RR = 4,6), Ă  la mesure isotopique du
ventricule gauche (VG) (RR = 3,7) et à l’ECG ambulatoire
(RR = 2,7) [33]. L’échocardiographie de stress a ainsi la
valeur prédictive négative la plus élevée (égale à 99 % [IC
95 % : 93–100 %]). Sa valeur prĂ©dictive positive n’est que de
13 % (IC95 % = 7–21 %) [18].
La mesure isotopique de la fractionVG procure une mesure
précise de la fonction ventriculaire gauche au repos ou à
l’effort. Elle est selon certains auteurs, un facteur prĂ©dictif
indépendant de morbidité cardiaque périopératoire [34].
Cependant, cette technique est moins prĂ©dictive que l’écho-
cardiographie de stress Ă  la dobutamine et la scintigraphie
myocardique pour prévoir les complications cardiaques en
chirurgie vasculaire.
Au terme de ces examens d’effort non invasifs, le test
d’évaluation cardiaque peut ĂȘtre nĂ©gatif. D’une maniĂšre gĂ©nĂ©-
rale, les tests cardiaques non invasifs ont une trĂšs bonne valeur
prédictive négative du risque de complications cardiovascu-
laires. Autrement dit, le risque cardiaque est minime s’ils ne
mettent pas en Ă©vidence d’ischĂ©mie myocardique [35]. Si le
test est positif, il faut alors adapter la préparation du patient,
avec des modalitĂ©s diffĂ©rentes en fonction de l’urgence de
l’acte opĂ©ratoire. Ainsi, les tests non invasifs ne deviennent
pertinents pour Ă©valuer le risque cardiaque que lorsqu’ils ont
été réalisés dans une population à risque intermédiaire et non
de maniÚre systématique [14,17,36]. Le choix du test non inva-
sif (scintigraphie, Ă©chographie de stress, ECG d’effort) repose
sur la capacité du patient à réaliser un exercice physique, les
ressources techniques locales et les prĂ©fĂ©rences de l’équipe
mĂ©dicale. En chirurgie vasculaire, l’échocardiographie de
stress et la scintigraphie au thallium sensibilisée par la per-
santine sont les tests non invasifs les plus utilisés.
2.1.3. Stratégie préopératoire
La prĂ©sence d’une ischĂ©mie myocardique postopĂ©ratoire
est le facteur de risque le plus important de complications
cardiaques [30,37]. La diminution de l’ischĂ©mie myocardi-
que périopératoire et postopératoire par une stratégie inter-
ventionnelle (angioplastie transluminale (ATL) coronarienne
ou chirurgie cardiaque) ou mĂ©dicamenteuse (bĂȘtabloquants ±
statine et aspirine) sont deux attitudes actuellement validées
chez les patients opĂ©rĂ©s d’une chirurgie vasculaire [12]. En
effet, une étude récente a randomisé, vers soit une revascula-
risation myocardique préopératoire, ou vers soit un traite-
ment mĂ©dical seul, des patients opĂ©rĂ©s d’une chirurgie vas-
culaire majeure avec un tiers d’AAA [12]. Plus de 500 patients
ayant tous au moins une stĂ©nose signiïŹcative sur une artĂšre
coronaire ont ainsi été inclus (exclusion des patients ayant
une stĂ©nose du tronc commun, d’un rĂ©trĂ©cissement aortique
sĂ©vĂšre ou d’une insufïŹsance cardiaque sĂ©vĂšre). Aucune dif-
fĂ©rence signiïŹcative n’a Ă©tĂ© observĂ©e entre les deux groupes
aussi bien en terme de complications cardiaques ou de décÚs
postopératoires immédiats (j30) que de survie à distance (trois
ans) [12]. De plus, la chirurgie cardiaque ou l’ATL, rĂ©alisĂ©e
avant la chirurgie vasculaire, s’est compliquĂ©e d’une morta-
litĂ© d’environ 2 % et d’un taux d’IdM d’environ 6 % La revas-
cularisation myocardique par ATL ou pontage aortocoro-
naire (PAC) avant une chirurgie n’avait Ă©tĂ© validĂ©e uniquement
que sur des études rétrospectives ou de cohortes avec les biais
qui n’intĂ©graient pas le risque liĂ© Ă  l’acte de revascularisation
notamment la mesure de la morbidité et la mortalité périopé-
ratoire. D’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, ces Ă©tudes de cohorte avaient
montré que les patients opérés aprÚs revascularisation avaient
un risque de complications cardiaques inférieur à celui des
patients n’ayant pas eu un geste de revascularisation [38–40].
De plus, la pose d’une endoprothùse coronaire avant une chi-
rurgie n’est pas dĂ©nuĂ©e de risque. Kaluza a ainsi dĂ©crit le
pronostic de 40 patients opérés dans les 40 jours aprÚs la pose
d’un stent [41]. Une chirurgie programmĂ©e dans les 14 jours
aprùs la pose de la prothùse endocoronaire s’est accompa-
gnĂ©e d’une mortalitĂ© de 32 % ; la cause principale du dĂ©cĂšs
Ă©tant une thrombose du stent chez des patients ayant eu un
arrĂȘt des AAP pour la chirurgie. EnïŹn, cette sĂ©rie rapportait
aussi la survenue de complications hémorragiques postopé-
ratoires liées à la réalisation de la chirurgie sous agents anti-
plaquettaires (AAP). Un dĂ©lai d’au moins six semaines est
donc nĂ©cessaire aprĂšs la pose de l’endoprothĂšse pour dimi-
nuer le risque des complications, soit thrombotique, soit
hĂ©morragique [42]. En cas de pose d’une endoprothĂšse coro-
naire recouverte de molécules visant à diminuer le risque de
resténose (sirolimus ou paclitaxel), le risque de thrombose
du stent semble ĂȘtre plus important et plus retardĂ© que pour
un stent classique lors de l’arrĂȘt desAAP [43,44]. La rĂ©endo-
thĂ©lialisation plus tardive de l’endoprothĂšse pourrait expli-
quer ce risque retardé de thrombose.
Le bĂ©nĂ©ïŹce de l’introduction des bĂȘtabloquants sur la mor-
talité et la morbidité cardiovasculaire périopératoire a été éva-
luĂ© au cours des dix derniĂšres annĂ©es [45]. La survenue d’une
ischémie myocardique est associée à un risque élevé de com-
plications cardiaques (IdM, troubles du rythme, insufïŹsance
ventriculaire gauche) pendant la période postopératoire
[30,37]. De plus, la durĂ©e de l’ischĂ©mie semble ĂȘtre un fac-
teur important dans la genÚse de la nécrose myocardique [46].
Autrement dit, une ischémie myocardique prolongée conduit
plus fréquemment à une souffrance myocardique puis à une
lĂ©sion irrĂ©versible du tissu myocardique. Les causes d’ischĂ©-
mie myocardique sont nombreuses en postopératoire. Cepen-
dant, la tachycardie semble ĂȘtre un des Ă©lĂ©ments importants
responsable de l’ischĂ©mie myocardique postopĂ©ratoire
[46,47]. L’efïŹcacitĂ© des bĂȘtabloquants ou des agonistes alpha-
2-adrénergiques pour prévenir les complications cardiaques
conïŹrment l’intĂ©rĂȘt de prĂ©venir les Ă©pisodes de tachycardie
161E. Marret et al. / Annales Françaises d’AnesthĂ©sie et de RĂ©animation 25 (2006) 158–179
survenant en per- et postopératoire. En effet, plusieurs études
randomisées, contrÎlées, en double insu, ont été réalisées chez
des patients opĂ©rĂ©s d’une chirurgie non cardiaque majeure.
La plupart ont d’ailleurs inclus des patients opĂ©rĂ©s d’une chi-
rurgie vasculaire [47–49]. Poldermans et al. ont montrĂ© que
l’administration prĂ©opĂ©ratoire de 5 Ă  10 mg de bisoprolol
(DĂ©tensielÂź
, CardensielÂź
, SoprolÂź
), débutée au moins sept
jours avant l’intervention et poursuivie en postopĂ©ratoire, dans
le but d’obtenir une frĂ©quence cardiaque basale infĂ©rieure Ă 
60 b/min et une fréquence cardiaque postopératoire infé-
rieure à 80 b/min, réduisait la mortalité cardiovasculaire pério-
pératoire aprÚs une chirurgie vasculaire majeure [48]. Cepen-
dant, les patients de l’étude de Poldermans constituaient une
population Ă  haut risque de complications cardiovasculaires
postopératoires puisque tous avaient une échocardiographie
de stress positive. Une diminution des complications cardio-
vasculaires a Ă©tĂ© aussi observĂ©e avec l’administration pĂ©rio-
pĂ©ratoire d’atĂ©nolol (TĂ©normineÂź
5 Ă  10 mg i.v. ou 50 Ă 
100 mg per os) [50]. Une méta-analyse a récemment synthé-
tisĂ© l’effet des bĂȘtabloquants utilisĂ©s en pĂ©riopĂ©ratoire pour
diminuer le risque cardiovasculaire. Le regroupement de
600 patients inclus dans huit études principalement réalisées
en chirurgie vasculaire a ainsi permis de montrer leur efïŹca-
citĂ© pour diminuer le risque d’infarctus du myocarde non fatal
de 80 % (OR = 0,19 [0,08–0,48]) et de dĂ©cĂšs d’origine car-
diovasculaire de 75 % (OR = 0,25 [0,09–0,73]) [51]. L’admi-
nistration pĂ©riopĂ©ratoire des bĂȘtabloquants avec un objectif
de fréquence cardiaque périopératoire (FC < 60 b/min au
repos et FC < 80 b/min en postopératoire) constitue donc
actuellement une stratégie permettant de réduire les compli-
cations cardiaques postopératoires aprÚs chirurgie non car-
diaque avec un bĂ©nĂ©ïŹce Ă  court et Ă  moyen terme [52].
L’ACC/AHA recommandent ainsi l’utilisation des bĂȘtablo-
quants chez les patients ayant une ischémie myocardique lors
d’un test non invasif [14]. Leur efïŹcacitĂ© est cependant limi-
tĂ©e en prĂ©sence d’une ischĂ©mie Ă©tendue lors de la rĂ©alisation
d’un test non invasif d’effort [32]. L’intĂ©rĂȘt des bĂȘtablo-
quants chez des patients dont on ne sait pas s’ils ont une ischĂ©-
mie résiduelle (mise en évidence par les tests non invasifs)
reste incertain.
La clonidine pourrait aussi diminuer les complications car-
diaques pĂ©riopĂ©ratoires [53,54] mĂȘme si la plupart des Ă©tu-
des ne montrent pas de supériorité par rapport au placebo
[55]. Plusieurs synthÚses méthodiques de la littérature ont
cependant, montré que la clonidine et le mivazérol dimi-
nuaient l’incidence de l’ischĂ©mie myocardique [51,55,56],
de la survenue d’IdM [56] et des dĂ©cĂšs [51,56], notamment
en chirurgie vasculaire [56]. Les alpha-2-agonistes peuvent
ainsi prĂ©senter un intĂ©rĂȘt dans la chirurgie de l’aorte abdomi-
nale ; leur place reste Ă  dĂ©ïŹnir notamment vis-Ă -vis des bĂȘta-
bloquants. Ils représentent une alternative aux patients néces-
sitant un traitement par bĂȘtabloquants mais ayant une contre-
indication Ă  ceux-ci.
La prise quotidienne d’AAP permet une rĂ©duction annuelle
de la mortalité cardiovasculaire chez les patients ayant des
antécédents vasculaires (décÚs, infarctus du myocarde, acci-
dent vasculaire cĂ©rĂ©bral) de 22 % [57]. Un arrĂȘt irrĂ©ïŹ‚Ă©chi
d’un AAP en prĂ©opĂ©ratoire peut conduire Ă  une thrombose
aiguĂ« [58,59]. Un arrĂȘt des AAP peut difïŹcilement se conce-
voir chez un malade avec un angor instable ou présentant des
accidents ischĂ©miques cĂ©rĂ©braux rĂ©cidivants. De mĂȘme, une
angioplastie coronaire avec la pose d’une prothùse endoco-
ronaire classique impose la prise d’AAP pendant au moins
six semaines. Dans les autres situations, le risque exact lié à
l’arrĂȘt des AAP en pĂ©riopĂ©ratoire chez des coronariens iden-
tiïŹĂ©s, est mal connu. Certaines sĂ©ries non contrĂŽlĂ©es suggĂš-
rent que ce risque est loin d’ĂȘtre nul [58,60–62]. En cas d’arrĂȘt,
la confĂ©rence d’experts organisĂ©e par la Sfar en 2001 conseille
de prendre le relais de l’aspirine ou des thiĂ©nopyridines par
du ïŹ‚urbiprofĂšne (CĂ©butidÂź
50 mg × 2/j) ou une hĂ©parine de
bas poids molĂ©culaire administrĂ©e Ă  doses curatives que l’on
arrĂȘtera 24 heures avant l’acte d’anesthĂ©sie ; la pĂ©riode sans
AAP Ă©tant ainsi la plus courte possible [63].
Les statines ont montrĂ© leur efïŹcacitĂ© dans la prĂ©vention
primaire et secondaire de l’infarctus du myocarde à travers,
notamment, l’amĂ©lioration du proïŹl lipidique plasmatique et
la stabilisation de la plaque d’athĂ©rosclĂ©rose. Plusieurs Ă©tu-
des ont récemment montré une diminution des événements
cardiovasculaires périopératoires chez les patients recevant
des statines en prĂ©opĂ©ratoire et opĂ©rĂ©s d’une chirurgie majeure
non cardiaque [64–66]. Cet effet protecteur des statines sur
la morbiditĂ© pĂ©riopĂ©ratoire semble persister mĂȘme chez les
patients recevant des bĂȘtabloquants et opĂ©rĂ©s d’unAAA [67].
Finalement, une étude randomisée et réalisée chez 100 pa-
tients opĂ©rĂ©s d’une chirurgie vasculaire a montrĂ© qu’un trai-
tement par atorvastatine 20 mg vs placebo et initié en pré-
opératoire permettait de diminuer les événements
cardiovasculaires de 70 % [68].
En conclusion, les données récentes de la littérature per-
mettent de dire qu’une prise en charge prĂ©opĂ©ratoire par une
stratĂ©gie interventionnelle est Ă©quivalente Ă  celle d’une stra-
tĂ©gie mĂ©dicamenteuse (bĂȘtabloquants voire alpha-2-agonistes,
aspirine et statine) [12,69]. Une revascularisation myocardi-
que par ATL ou PAC semble toutefois préférable chez les
patients ayant une ischĂ©mie Ă©tendue lors d’un test d’effort
cardiaque ou ayant un risque cardiaque élevé (Fig. 1) [32,70].
L’application des recommandations de l’ACC/AHA (Fig. 1
et Tableau 1) a ainsi permis d’amĂ©liorer la prise en charge
des patients opĂ©rĂ©s de l’aorte avec un meilleur dĂ©pistage des
patients Ă  haut risque et donc une augmentation des gestes de
revascularisation coronaire préopératoires, une diminution des
complications cardiaques postopératoires et une augmenta-
tion de la survie sans Ă©vĂšnement intercurrent Ă  un an post-
opératoire [71].
2.2. Évaluation respiratoire : prise en charge
de la bronchopneumopathie chronique obstructive
Le tabagisme est un facteur de risque important d’AAA et
de bronchopneumopathie obstructive (BPCO). L’intoxica-
tion tabagique et la prĂ©sence d’une BPCO augmentent signi-
ïŹcativement les complications respiratoires postopĂ©ratoires
162 E. Marret et al. / Annales Françaises d’AnesthĂ©sie et de RĂ©animation 25 (2006) 158–179
(atélectasies, bronchopneumopathies, ventilation prolongée)
par un facteur pouvant aller jusqu’à 5 selon l’importance du
tabagisme et de l’altĂ©ration de la fonction pulmonaire [72,73].
De mĂȘme, la prĂ©sence d’une BPCO est un facteur de risque
indĂ©pendant de mortalitĂ© aprĂšs chirurgie de l’aorte [74].
L’évaluation respiratoire fait donc partie intĂ©grante de la
consultation préopératoire. Les résultats fournis par les explo-
rations fonctionnelles respiratoires et les gaz du sang sont
moins contributifs que les donnĂ©es fournies par l’interroga-
toire du patient ou son examen clinique (consommation supé-
rieure à 20 paquets-année, toux importante, encombrement
bronchique) [75]. Une préparation respiratoire est donc impor-
tante, d’autant plus que la chirurgie pour AAA est une chi-
rurgie à haut risque de complications respiratoires postopé-
ratoires. En effet, un score Ă©valuant le risque de complications
respiratoires postopĂ©ratoires, Ă©tabli Ă  partir d’une cohorte de
plus de 300 000 opérés, attribue à la chirurgie aortique un des
niveaux de risque les plus élevés [76,77]. La chirurgie pour
AAA est ainsi la chirurgie qui induit le risque relatif le plus
élevé pour les complications respiratoires postopératoires [77].
Chez les patients ayant un encombrement bronchique, des
séances de kinésithérapie respiratoire (cinq à dix séances avec
désencombrement plus apprentissage de la respiration abdo-
minodiaphragmatique et de l’accĂ©lĂ©ration du ïŹ‚ux expiratoire
pour acquĂ©rir une expectoration efïŹcace) doivent ĂȘtre pres-
crites dĂšs la phase prĂ©opĂ©ratoire. Le patient doit ainsi ĂȘtre
informĂ© des risques induits par la poursuite de l’intoxication
tabagique tout en sachant que le risque respiratoire ne dimi-
nue rĂ©ellement qu’aprĂšs un sevrage supĂ©rieur Ă  huit semai-
nes [78]. EnïŹn, la prĂ©sence d’une BPCO est un facteur de
risque associĂ© Ă  une surmortalitĂ© aprĂšs cure chirurgicale d’un
AAA [79].
3. Prise en charge anesthésique
L’anesthĂ©sie pour chirurgie rĂ©glĂ©e de la cure d’un AAA
nécessite une bonne compréhension de la physiopathologie,
une connaissance parfaite des temps chirurgicaux, une capa-
cité à interpréter des données hémodynamiques complexes et
une gestion et un contrÎle hémodynamique pharmacologi-
que aguerris.
3.1. Approche chirurgicale par voie ouverte
La chirurgie par voie ouverte reprĂ©sente Ă  l’heure actuelle
le traitement classique ou conventionnel de la cure chirurgi-
cale de l’AAA mĂȘme si le traitement par voie endoluminale
est une technique de plus en plus utilisĂ©e. L’AAA peut ĂȘtre
abordée par une voie transpéritonéale via une incision cuta-
nĂ©e xipho–sous-ombilicale le plus souvent ou par une voie
rĂ©tropĂ©ritonĂ©ale gauche.Aucune voie d’abord ne semble prĂ©-
senter d’avantages dĂ©ïŹnitifs pour diminuer l’incidence des
complications postopératoires. Sur le plan respiratoire, deux
Ă©tudes randomisĂ©es n’ont pas montrĂ© des bĂ©nĂ©ïŹces clairs
[80,81]. L’élĂ©ment le plus important Ă  considĂ©rer semble ĂȘtre
la longueur de la voie d’abord. Les complications cardia-
ques, hémorragiques, pariétales ou digestives ne semblent pas
ĂȘtre inïŹ‚uencĂ©es par le type de voie d’abord. La cure chirur-
gicale par voie cƓlioscopique plus ou moins assistĂ©e reste
encore une technique en cours d’évaluation [82]. La mise Ă 
plat chirurgicale de l’AAA est rĂ©alisĂ©e aprĂšs libĂ©ration de
l’anĂ©vrisme et contrĂŽle des collets supĂ©rieurs et infĂ©rieurs,
exclusion de l’AAA par mise en place des clamps vasculai-
res, incision de l’anĂ©vrisme et Ă©vacuation du thrombus intra-
anĂ©vrismal, ligature des oriïŹces des artĂšres lombaires, resti-
tution de la continuitĂ© vasculaire par la mise en place d’une
prothÚse aorto-aortique ou bi-iliaque en dacron ou polytétra-
ïŹ‚uoroĂ©thylĂšne, vĂ©riïŹcation de l’hĂ©mostase, fermeture du sac
sur la prothÚse puis rétropéritonisation.
3.2. Physiopathologie du clampage aortique
La physiopathologie et les conséquences hémodynami-
ques du clampage et dĂ©clampage de l’aorte abdominale sont
complexes et dépendent de nombreux facteurs dont le niveau
de clampage, l’état des artĂšres coronaires et la fonction myo-
cardique du patient, l’existence d’une circulation collatĂ©rale,
la volĂ©mie, l’activation du systĂšme sympathique et des agents
et techniques anesthésiques [83]. La plupart des pathologies
chirurgicales de l’aorte abdominale nĂ©cessitent un niveau de
clampage sous-rĂ©nal. Plus le niveau du clampage de l’aorte
s’élĂšve, plus les rĂ©percussions hĂ©modynamiques sont impor-
tantes, ainsi que le retentissement de l’hypoperfusion sur les
organes vitaux [83].
3.2.1. Clampage
L’hypertension artĂ©rielle est la rĂ©ponse hĂ©modynamique
la plus frĂ©quente lors du clampage de l’aorte quel que soit
son niveau. Elle est plus marquée lors de la chirurgie pour
AAA du fait d’une circulation collatĂ©rale moins dĂ©veloppĂ©e.
L’augmentation de pression artĂ©rielle est due Ă  l’interruption
brutale du ïŹ‚ux aortique. Le clampage de l’aorte augmente
également les pressions veineuse centrale, artérielle pulmo-
naire et d’occlusion. En Ă©chographie cardiaque, on observe
une diminution de l’aire tĂ©lĂ©diastolique et de la fraction d’éjec-
tion ventriculaire gauche voire des anomalies segmentaires
de la cinétique myocardique. Les répercussions hémodyna-
miques sont d’autant moins importantes que le clampage est
distal. Elles sont mineures lors du clampage sous-rénal sauf
chez les patients atteints d’une coronaropathie sĂ©vĂšre. Cela
est lié au phénomÚne de redistribution de la masse sanguine :
lorsque le chirurgien clampe l’aorte au-dessus du systùme
splanchnique, il induit Ă  ce niveau une veinoconstriction ainsi
qu’une redistribution sanguine des lits vasculaires distaux vers
les lits vasculaires proximaux responsables d’une augmenta-
tion majeure de la précharge (Tableau 2) [84].
Un cƓur avec une fonction normale est capable de suppor-
ter d’importantes augmentations de la postcharge sans dys-
fonction ou dilatation ventriculaire gauche signiïŹcative. Les
patients opĂ©rĂ©s d’une chirurgie aortique ont souvent Ă  l’état
basal une altération de la contractilité myocardique ou une
163E. Marret et al. / Annales Françaises d’AnesthĂ©sie et de RĂ©animation 25 (2006) 158–179
rĂ©serve coronarienne basse. Ainsi l’augmentation de la pres-
sion intramyocardique provoquĂ©e par le clampage peut ĂȘtre
responsable chez ces patients d’une hypoperfusion sous-
endocardique, de dyskinĂ©sies segmentaires et d’une diminu-
tion de la fraction d’éjection, mĂȘme si le clampage est infra-
rénal [85]. Chez les 30 % de patients qui vont présenter des
dyskinésies myocardiques lors des reconstructions aortiques
sous-rĂ©nales, 66 % d’entre elles se produiront lors du clam-
page [86]. Le débit cardiaque est le plus souvent diminué lors
du clampage de l’aorte.
Les patients avec une insufïŹsance cardiaque et atteints
d’une coronaropathie sont les plus exposĂ©s au stress et Ă  l’aug-
mentation du travail myocardique induits par le clampage aor-
tique. AïŹn de diminuer les consĂ©quences myocardiques du
clampage aortique, certaines stratégies sont employées : dimi-
nution de la postcharge et optimisation de la précharge. Des
vasodilatateurs coronariens, des agents inotropes positifs ou
chronotropes négatifs sont utilisés selon les conditions de
charge du ventricule gauche et la cardiopathie du patient. Les
agents anesthĂ©siques volatiles, comme l’isoïŹ‚urane, qui prĂ©-
sentent des propriĂ©tĂ©s vasodilatatrices peuvent ĂȘtre avanta-
geusement utilisĂ©s pendant cette phase de l’anesthĂ©sie pour
diminuer la postcharge et le travail myocardique [87]. D’autres
agents vasodilatateurs titrés comme les inhibiteurs calciques
(nicardipidine) peuvent ĂȘtre utilisĂ©s. Cependant, chez les
patients ne prĂ©sentant pas de signes d’incompĂ©tence myocar-
dique ou d’ischĂ©mie coronarienne pendant le clampage, une
pression artérielle moyenne élevée est tolérable. Les agents
anesthésiques cardiodépresseurs sont évités pendant le temps
de clampage.
3.2.2. DĂ©clampage
La réponse hémodynamique au déclampage dépend du
niveau de clampage et de sa durĂ©e, de l’utilisation d’agents
adjuvants et de la volémie du patient. La diminution de la
pression artérielle est la réponse hémodynamique observée
aprÚs déclampage. Il existe parfois une hypotension arté-
rielle profonde. L’ischĂ©mie–reperfusion et l’hypovolĂ©mie
relative qu’elle induit sont les mĂ©canismes principaux de cette
hypotension. Différents médiateurs des tissus ischémiques,
comme l’acide lactique, la rĂ©nine, l’angiotensine, les radi-
caux libres, les prostaglandines, des cytokines et d’autres pro-
duits cardiodépresseurs sont aussi impliqués dans la réponse
hémodynamique au déclampage et jouent un rÎle dans les
dysfonctions organiques observĂ©es. La prĂ©vention d’une
hypotension signiïŹcative requiert une communication avec
l’équipe chirurgicale, une connaissance de la technique chi-
rurgicale et une maĂźtrise de l’utilisation des diffĂ©rents agents
vasoactifs et des solutés de remplissage. Au moment du
dĂ©clampage, il est essentiel que la correction du dĂ©ïŹcit liqui-
dien préopératoire, le maintien des apports et le remplace-
ment des pertes sanguines peropératoires aient été effectués.
Une volĂ©mie optimisĂ©e par un remplissage permet d’éviter
les hypotensions artérielles sévÚres. Le déclampage entraßne
une baisse de la pression artĂ©rielle systĂ©mique d’autant plus
sévÚre que la volémie du patient est basse [88]. Les vasodi-
latateurs, s’ils ont Ă©tĂ© utilisĂ©s pendant la phase de clampage,
doivent ĂȘtre progressivement diminuĂ©s, voire arrĂȘtĂ©s. Un rem-
plissage modĂ©rĂ© avant le dĂ©clampage de l’aorte sous-rĂ©nale
permet de diminuer les conséquences hémodynamiques lors
du dĂ©clampage ; il doit ĂȘtre plus important lorsque que le
niveau est supracƓliaque. Effectuer un remplissage systĂ©ma-
tique pendant le temps de clampage aïŹn de maintenir une
pression veineuse centrale et capillaire pulmonaire élevée peut
conduire à une hypervolémie et une transfusion excessive.
Le retrait progressif du clamp par le chirurgien est une autre
mesure pouvant aider au maintien d’une stabilitĂ© hĂ©modyna-
mique. Les vasopresseurs sont rarement nécessaires aprÚs
dĂ©clampage de l’aorte sous-rĂ©nale mais souvent utiles pour
des niveaux supĂ©rieurs en raison des phĂ©nomĂšnes d’ischĂ©mie–
reperfusion dans le territoire splanchnique. Il faut toutefois
rester vigilant aïŹn que l’emploi de vasopresseurs ne soit pas
responsable de pics hypertensifs si un nouveau clampage est
rĂ©alisĂ©. De plus, l’hypertension aprĂšs dĂ©clampage augmente
le saignement et les lésions au niveau des anastomoses vas-
culaires.
3.3. Monitorage périopératoire
Le risque de saignement important et rapide lors de la chi-
rurgie aortique ne doit pas ĂȘtre nĂ©gligĂ©. Il est classique de
poser une voie veineuse centrale et une ou deux voies veineu-
ses périphériques de bon calibre. La voie centrale permet
l’administration des substances vasoactives nĂ©cessitant une
perfusion continue. La pose d’un cathĂ©ter artĂ©riel radial doit
ĂȘtre systĂ©matique. La mise en place d’un cathĂ©ter artĂ©riel pul-
monaire avec surveillance de la saturation veineuse en oxy-
gĂšne voire du dĂ©bit cardiaque en continu n’est utile que chez
les patients ayant une insufïŹsance cardiaque sĂ©vĂšre (fraction
d’éjection du ventricule gauche infĂ©rieure 30 %) ou une insuf-
ïŹsance rĂ©nale majeure. Une surveillance de la fonction car-
diaque et de la volĂ©mie peut cependant ĂȘtre rĂ©alisĂ©e par
d’autres techniques. Toutefois, aucune Ă©tude randomisĂ©e n’a
mis en Ă©vidence de diffĂ©rence signiïŹcative quant Ă  la morbi-
dité cardiaque avec un monitorage par cathéter artériel pul-
monaire par rapport Ă  l’utilisation d’un cathĂ©ter veineux
central [89,90]. L’échocardiographie transƓsophagienne bidi-
mensionnelle (ETO) a été utilisée en peropératoire pour éva-
Tableau 2
Variations (en pourcentage) des paramÚtres hémodynamiques échocardio-
graphiques lors d’une chirurgie pour AAA selon le niveau de clampage [84]
Variations hémodynamiques
Niveau de clampage Suprarénal (%) Infrarénal (%)
PAM +5 +2
PAPO +10 +0
STDVG +2 +9
STSVG +10 +11
FEVG –10 –3
Dyskinésie myocardique +33 0
PAM : pression artérielle moyenne ; PAPO : pression artérielle pulmonaire
d’occlusion ; STDVG : surface tĂ©lĂ©diastolique du ventricule gauche ;
STSVG : surface télésystolique du ventricule gauche ; FEVG : fraction
d’éjection du ventricule gauche.
164 E. Marret et al. / Annales Françaises d’AnesthĂ©sie et de RĂ©animation 25 (2006) 158–179
luer la fonction ventriculaire gauche, guider le remplissage et
diagnostiquer les ischémies myocardiques. En chirurgie de
l’aorte abdominale, les surfaces tĂ©lĂ©diastoliques du ventri-
cule gauche (STDVG), télésystolique du ventricule gauche
(STSVG) et la fraction d’éjection du ventricule gauche obte-
nues par une coupe du petit axe passant par les piliers mitraux,
sont bien corrĂ©lĂ©es aux volumes et Ă  la fraction d’éjection
ventriculaires gauches observés en angiographie avec injec-
tion de nuclĂ©otides [91]. L’augmentation majeure de la
STDVG et la chute de la fraction d’éjection, observĂ©es en
ETO2D, aprĂšs clampage supracƓliaque ne sont pas dĂ©tec-
tĂ©es par le cathĂ©tĂ©risme de l’artĂšre pulmonaire [84]. L’ETO
permet également de révéler des anomalies de la cinétique
segmentaire dont la corrélation avec des troubles de la perfu-
sion coronaire est Ă©tablie et qui surviennent avant les modi-
ïŹcations Ă©lectrocardiographiques. Toutefois, les anomalies
cinĂ©tiques peropĂ©ratoires ont Ă©tĂ© peu corrĂ©lĂ©es Ă  l’incidence
de complications cardiaques postopératoires et les données
de la littĂ©rature sont donc insufïŹsantes pour dĂ©ïŹnir la sensi-
bilitĂ© et la spĂ©ciïŹcitĂ© des anomalies de la cinĂ©tique segmen-
taire comme facteur prĂ©dictif d’accident coronarien pĂ©riopĂ©-
ratoire [92,93]. L’ETO reste ainsi surtout un outil diagnostic
devant une dĂ©faillance hĂ©modynamique plus qu’un moyen
de monitorage hémodynamique.
Une surveillance Ă©lectrocardiographique continue avec sur-
veillance du segment ST permet de diagnostiquer rapide-
ment les Ă©pisodes d’ischĂ©mies myocardiques survenant chez
les patients opĂ©rĂ©s d’un AAA pendant la pĂ©riode pĂ©riopĂ©ra-
toire. La surveillance de deux dérivations (DII et V5) permet
de détecter 80 % des épisodes ischémiques périopératoires
chez les patients à risque de coronaropathie [94]. Plus récem-
ment et en s’appuyant sur le dosage biologique de la tropo-
nine Ic, il a été montré que la dérivation V4 (plutÎt que V5)
augmentait la sensibilité du monitorage du segment ST (83 vs
75 %) pour détecter une ischémie myocardique responsable
d’un infarctus du myocarde chez les patients opĂ©rĂ©s d’une
chirurgie vasculaire [95].
3.4. Agents et techniques anesthésiques
La morbidité et la mortalité cardiaque en chirurgie aorti-
que Ă©tant Ă©levĂ©es lors d’une chirurgie pour AAA, une atten-
tion particuliĂšre doit ĂȘtre portĂ©e sur les facteurs inïŹ‚uençant le
travail ventriculaire et la perfusion coronaire. Le maintien de
la perfusion et du fonctionnement des organes vitaux via une
stabilité hémodynamique peropératoire est plus important que
le choix de telle technique ou de tel agent anesthésique. En
général, une anesthésie balancée utilisant des substances de
courte durĂ©e d’action permet de s’adapter Ă  toutes situations.
L’entretien de l’anesthĂ©sie est obtenu par l’association d’un
morphinique et d’agents anesthĂ©siques halogĂ©nĂ©s ou intravei-
neux. Le protoxyde d’azote a tendance Ă  diminuer le dĂ©bit
cardiaque et la pression artérielle tout en augmentant les résis-
tances artérielles vasculaires. Une étude indique que chez les
patients bĂ©nĂ©ïŹciant d’une chirurgie aortique abdominale, le
protoxyde d’azote augmente les besoins en vasodilatateurs
pour traiter une augmentation de pression capillaire pulmo-
naire et une ischémie myocardique [96]. Il est important
d’anticiper le rĂ©veil par une restauration de la circulation et
d’une perfusion adĂ©quate des organes vitaux. Une homĂ©osta-
sie hémodynamique, métabolique et une température nor-
male doivent ĂȘtre obtenues avant la fermeture cutanĂ©e dans la
prĂ©vision d’une extubation rapide. Les pics hypertensifs et
les Ă©pisodes de tachycardie doivent ĂȘtre absolument Ă©vitĂ©s
lors du rĂ©veil par l’emploi d’agents de courte durĂ©e d’action
comme l’esmolol ou d’autres vasodilatateurs comme les inhi-
biteurs calciques (nicardipine) ou alphabloquant (urapidil)
voire mĂȘme l’utilisation de substances d’action plus prolon-
gĂ©e si la volĂ©mie est correcte (atĂ©nolol). L’ischĂ©mie myocar-
dique survient ainsi dÚs le réveil du patient opéré pour AAA.
Le contrĂŽle de la tempĂ©rature est primordial car l’hypother-
mie postopératoire est associée à de nombreux effets indési-
rables [97]. Le maintien d’une normothermie peropĂ©ratoire
est un but des thĂ©rapeutiques au mĂȘme titre que l’optimisa-
tion hémodynamique. Cette mesure simple permet de dimi-
nuer l’hĂ©morragie peropĂ©ratoire, les infections de paroi et les
complications cardiaques postopératoires [98].
3.5. Antibioprophylaxie, stratégie transfusionnelle
et anticoagulation
Une antibioprophylaxie est recommandée chez les patients
opĂ©rĂ©s d’une cure chirurgicale de l’AAA [99]. Une cĂ©phalos-
porine de deuxiÚme génération (céfazoline 2 g ou céfaman-
dole–cĂ©furoxime 1,5 g) ou un glycopeptide (vancomycine
15 mg/kg) en cas d’allergie Ă  la pĂ©nicilline doivent ainsi ĂȘtre
administrĂ©s en prĂ©opĂ©ratoire, idĂ©alement lors de l’induction
anesthésique. Des réinjections peropératoires sont nécessai-
res lors de l’utilisation d’une cĂ©phalosporine : toutes les qua-
tre heures avec une dose de 1 g si le choix s’est portĂ© pour de
la céfazoline sinon toutes les deux heures à la dose de 0,75 g.
L’autotransfusion peropĂ©ratoire pendant la chirurgie aor-
tique rĂ©duit l’exposition aux produits sanguins labiles et donc
les risques de complications liées à la transfusion [100]. Tou-
tefois, le matĂ©riel est cher et son emploi nĂ©cessite d’ĂȘtre
entraßné et expérimenté, réservant son utilisation aux patients
Ă  risque hĂ©morragique important [101]. L’utilisation de sys-
tÚmes récupérateurs de sang épanché permettant de traiter le
sang en peropĂ©ratoire n’est donc pas obligatoire chez tous les
patients [102] et seul le systÚme récupérateur est installé dans
un premier temps. Le volume de sang récupéré nécessaire
pour pouvoir traiter sufïŹsamment de sang est, pour la chirur-
gie vasculaire, supĂ©rieur Ă  700 ml. En cas d’hĂ©morragie impor-
tante, il existe rapidement des troubles de l’hĂ©mostase favo-
risĂ©s par l’utilisation de l’hĂ©parine en peropĂ©ratoire et la
dilution des plaquettes et des facteurs de coagulation faisant
suite Ă  l’utilisation rĂ©pĂ©tĂ©e de l’autotransfusion et au remplis-
sage par colloĂŻdes ou cristalloĂŻdes. Dans cette situation, il faut
avoir recours à une transfusion de concentrés de plaquettes si
le chiffre est infĂ©rieur Ă  50 × 109
/l et Ă  une transfusion de
plasma frais congelé.
L’hĂ©parine est frĂ©quemment utilisĂ©e lors de la chirurgie
de l’aorte. Cependant, le risque de thrombose d’une prothùse
165E. Marret et al. / Annales Françaises d’AnesthĂ©sie et de RĂ©animation 25 (2006) 158–179
aortique est considĂ©rĂ© comme faible Ă  cause du ïŹ‚ux impor-
tant qui traverse la prothÚse. Une étude randomisée a ainsi
Ă©valuĂ© l’intĂ©rĂȘt de l’hĂ©parinisation chez 284 patients opĂ©rĂ©s
pour AAA. L’administration d’un bolus de 5000 UI d’HNF
avant le clampage de l’aorte n’a pas diminuĂ© le risque de com-
plications thrombotiques et hémorragiques périopératoires.
Cependant, le bĂ©nĂ©ïŹce de l’hĂ©parine est apparu vis-Ă -vis des
IdM mortels (1,4 vs 5,7 % ; p < 0,05) et non mortels (2,0 vs
8,5 %, p < 0,05) [103]. En postopĂ©ratoire, l’hĂ©parine ne doit
ĂȘtre prescrite qu’à des doses prophylactiques sauf indication
chirurgicale particuliĂšre.
3.6. Fonction rénale et protection
La survenue d’une insufïŹsance rĂ©nale aiguĂ« (IRA) aprĂšs
une chirurgie rĂ©glĂ©e de l’AAA est associĂ©e Ă  une mortalitĂ©
importante pouvant atteindre plus de 40 % [104,105]. La pré-
servation de la fonction rĂ©nale revĂȘt donc un intĂ©rĂȘt tout par-
ticulier lors d’une chirurgie rĂ©glĂ©e pourAAA. La diurĂšse per-
opératoire est un mauvais facteur prédictif de la fonction
rĂ©nale postopĂ©ratoire [106] et donc un mauvais reïŹ‚et de la
perfusion rĂ©nale. En effet, le clampage de l’aorte, mĂȘme sous-
rĂ©nal, provoque une diminution du ïŹ‚ux sanguin rĂ©nal et une
redistribution du ïŹ‚ux intrarĂ©nal vers la mĂ©dullaire rĂ©nale
[107,108]. Ces altérations hémodynamiques persistent aprÚs
déclampage et le blocage sympathique rénal par une anesthé-
sie pĂ©ridurale haute ne les modiïŹe pas. L’institution prĂ©opĂ©-
ratoire d’un traitement par inhibiteur de l’enzyme de conver-
sion n’amĂ©liore ni la perfusion rĂ©nale ni la ïŹltration
glomĂ©rulaire. Certains auteurs ont mĂȘme montrĂ© que les IEC
pouvaient entraßner une dysfonction rénale aprÚs chirurgie
de l’aorte [109]. La nĂ©crose tubulaire aiguĂ« est impliquĂ©e dans
la plupart des insufïŹsances rĂ©nales observĂ©es aprĂšs chirurgie
aortique. Elle est multifactorielle : hypovolémie, emboles
rénaux de cholestérol et traumatisme chirurgical des artÚres
rĂ©nales. L’utilisation peropĂ©ratoire de dopamine ou de diurĂ©-
tique de l’anse est une pratique frĂ©quente bien qu’aucune Ă©tude
n’ait dĂ©montrĂ© les propriĂ©tĂ©s de protection rĂ©nale de ces agents
lors de la chirurgie aortique [110]. Des travaux récents sug-
gĂ©rĂšrent un rĂŽle bĂ©nĂ©ïŹque des agents antioxydants [111,112].
Nicholson et al. ont montrĂ© que l’utilisation de mannitol avant
le clampage lors d’une cure chirurgicale d’unAAA, rĂ©duisait
les lésions rénales glomérulaires et tubulaires [111]. Les
actions protectrices potentielles du mannitol incluent la diu-
rÚse osmotique, la diminution des résistances rénovasculai-
res qui amĂ©liorent le ïŹ‚ux sanguin cortical et mĂ©dullaire, l’effet
antiradical libre et l’augmentation du taux de ïŹltration glo-
mĂ©rulaire pendant l’hypoperfusion rĂ©nale [113].
La plupart des travaux montrent que l’optimisation hĂ©mo-
dynamique notamment de la volĂ©mie, est la plus efïŹcace des
stratĂ©gies pour prĂ©venir l’IRA aprĂšs chirurgie pour AAA. En
préopératoire immédiat, les patients ont souvent une volémie
diminuée par le jeûne et la préparation colique. Le degré
d’insufïŹsance rĂ©nale prĂ©opĂ©ratoire [109], l’étendue de la
reconstruction aortique, la durée du clampage et la sévérité
de l’athĂ©rosclĂ©rose artĂ©rielle rĂ©nale sont les facteurs de ris-
que principaux du dĂ©veloppement d’une insufïŹsance rĂ©nale
postopératoire.
4. Analgésie postopératoire
La chirurgie ouverte de l’aorte abdominale est une chirur-
gie sus- et sous-ombilicale. À ce titre, cette chirurgie s’accom-
pagne de douleurs postopératoires sévÚres. Les douleurs au
repos sont en effet évaluées par le patient entre 6 et 7/10 à
l’aide d’une Ă©chelle visuelle analogique (EVA). Les doses de
morphiniques délivrées à la demande sont importantes aprÚs
une chirurgie de l’aorte, avec des consommations moyennes
en morphine de 120 mg pendant les 48 premiĂšres heures [114].
Malgré ces fortes doses, les douleurs sont ressenties par les
patients comme ayant une intensité moyenne à sévÚre notam-
ment lors des mouvements [114]. MĂȘme si les techniques
d’analgĂ©sie postopĂ©ratoire permettent de soulager sufïŹsam-
ment la douleur postopératoire, elles ne présentent pas les
mĂȘmes effets secondaires ou « collatĂ©raux » sur les diffĂ©rents
organes comme le poumon, le cƓur ou l’appareil digestif.
Ceux-ci ont ainsi guidĂ© le choix des techniques d’analgĂ©sie
postopĂ©ratoire aprĂšs chirurgie de l’aorte pendant de nombreu-
ses annĂ©es. Cependant, l’application de la mĂ©decine fondĂ©e
sur les preuves (evidence based medicine) [115,116] et les
nouvelles approches de la prise en charge postopératoire des
patients opĂ©rĂ©s d’une chirurgie vasculaire [32] ont permis de
mieux situer la place des diffĂ©rentes techniques d’analgĂ©sie
postopĂ©ratoire aprĂšs la chirurgie de l’aorte.
4.1. Analgésie intraveineuse
L’une des techniques de rĂ©fĂ©rence pour l’analgĂ©sie aprĂšs
chirurgie de l’aorte abdominale est l’administration intravei-
neuse de morphine sur un mode autocontrÎlé par le patient
(PCA) [114,115]. Son utilisation frĂ©quente se justiïŹe par sa
facilitĂ© de mise en place, sa simplicitĂ© d’utilisation et son fai-
ble coût global (en matériel et en moyen humain). Elle per-
met, de plus, de répondre en grande partie à la variabilité dans
le temps de la douleur postopératoire mais aussi à la variabi-
litĂ© interindividuelle de la sensation douloureuse. L’analgĂ©-
sie au repos est ainsi satisfaisante. Cela est souvent objectivé
par les scores de douleur inférieurs à 3/10 avec la PCA dans
les Ă©tudes sur la chirurgie de l’aorte [114,115]. En consĂ©-
quence, cette technique est souvent bien acceptée par les
patients avec des taux de satisfaction voisins de 90 %
[117,118]. Cependant, la PCA souffre de plusieurs limita-
tions. Son efïŹcacitĂ©, Ă©valuĂ©e par l’EVA, est infĂ©rieure aux
techniques d’analgĂ©sie pĂ©rimĂ©dullaire [119]. Elle s’accom-
pagne frĂ©quemment d’effets indĂ©sirables Ă  type de nausĂ©es–
vomissements, de sédation, de dépression respiratoire, de pru-
rit, d’ilĂ©us et de rĂ©tention d’urine. Ces complications peuvent
alors interfĂ©rer avec les suites postopĂ©ratoires. Les nausĂ©es–
vomissements associés à une sédation, tout comme la pré-
sence prolongĂ©e d’une sonde d’aspiration nasogastrique en
raison d’un ilĂ©us postopĂ©ratoire, peuvent augmenter l’inci-
166 E. Marret et al. / Annales Françaises d’AnesthĂ©sie et de RĂ©animation 25 (2006) 158–179
dence des complications postopératoires [120]. De plus,
l’administration de morphine par voie systĂ©mique aprĂšs une
chirurgie sus-mĂ©socolique peut ĂȘtre associĂ©e Ă  une altĂ©ration
de la fonction respiratoire en postopératoire plus importante
qu’une analgĂ©sie pĂ©ridurale. La PCA reste une technique sim-
ple, efïŹcace mais comportant rapidement des limites lors
d’une chirurgie majeure ou se compliquant dans la pĂ©riode
postopératoire.
Les antalgiques non morphiniques sont souvent utilisés
aprùs la chirurgie de l’aorte abdominale dans le but de dimi-
nuer la consommation de morphine et leurs effets secondai-
res, supposĂ©s dose dĂ©pendante. De plus, l’analgĂ©sie est poten-
tiellement renforcĂ©e grĂące Ă  l’action sur les diffĂ©rentes voies
et composantes de la douleur [121]. L’association paracĂ©ta-
mol–morphinique, frĂ©quemment utilisĂ©e en pratique clini-
que, ne permet qu’une rĂ©duction modeste de la consomma-
tion des morphiniques (25 à 46 %) sans amélioration des
scores de douleur, ni de l’incidence des effets secondaires
des morphiniques [122–125]. De plus, l’intĂ©ressante syner-
gie de l’association AINS–morphine [126,127] notamment
pour amĂ©liorer l’analgĂ©sie au mouvement, prĂ©sente quelques
limites chez les patients opérés pour AAA. Les AINS restent
classiquement à utiliser avec précaution chez les patients aux
antĂ©cĂ©dents de lĂ©sion gastroduodĂ©nale–pathologie que l’on
rencontre frĂ©quemment chez les patients opĂ©rĂ©s de l’aorte.
De plus, les facteurs de risque favorisant l’altĂ©ration de la
fonction rĂ©nale sousAINS, comme l’insufïŹsance rĂ©nale chro-
nique, l’insufïŹsance cardiaque, l’athĂ©rome rĂ©nal, sont frĂ©-
quemment retrouvĂ©s chez les malades opĂ©rĂ©s d’un AAA.
D’autres molĂ©cules comme le nĂ©fopam, le tramadol ou la kĂ©ta-
mine peuvent aussi ĂȘtre utilisĂ©es dans ce concept d’analgĂ©sie
balancée. Les données sur ces molécules prescrites avec une
PCA, aprĂšs une chirurgie majeure, sont actuellement peu
importantes. Leur effet d’épargne morphinique ne semble pas
s’accompagner d’une diminution des effets secondaires des
morphiniques. De plus, ils présentent des effets indésirables
similaires Ă  type de nausĂ©es–vomissements accompagnĂ©s,
pour le nĂ©fopam, de sueurs et de tachycardie. EnïŹn, la cloni-
dine administrĂ©e en intraveineux peut prĂ©senter un intĂ©rĂȘt dans
le cadre d’une analgĂ©sie balancĂ©e aprĂšs la chirurgie de l’aorte,
notamment chez les patients ayant une contre-indication aux
bĂȘtabloquants. En plus de son effet Ă©pargne morphinique
[128], la clonidine pourrait diminuer les complications car-
diaques périopératoires [55,56].
4.2. Analgésie péridurale en chirurgie aortique
L’utilisation combinĂ©e d’une anesthĂ©sie gĂ©nĂ©rale asso-
ciée à une analgésie péridurale pour la chirurgie aortique a
reposĂ© sur un ensemble de travaux dĂ©montrant que l’anesthĂ©-
sie péridurale thoracique peut bloquer la réponse neuroendo-
crinienne au stress chirurgical. Ces travaux ont été ensuite
Ă©tayĂ©s par plusieurs Ă©tudes ayant montrĂ© le bĂ©nĂ©ïŹce potentiel
de l’anesthĂ©sie pĂ©ridurale thoracique en prĂ©sence d’une car-
diopathie ischĂ©mique, qu’il s’agisse de modĂšles expĂ©rimen-
taux ou d’études cliniques. En effet, de nombreuses Ă©tudes
ont montrĂ© que l’anesthĂ©sie pĂ©ridurale thoracique exerce un
effet protecteur sur l’ischĂ©mie myocardique liĂ©e au blocage
sympathique [129–132]. Cette technique s’est ainsi prĂ©sen-
tĂ©e comme l’une des techniques de choix pour assurer l’anal-
gĂ©sie aprĂšs chirurgie de l’aorte Ă  la ïŹn des annĂ©es 1980. Par
ailleurs, l’injection d’anesthĂ©siques locaux dans l’espace Ă©pi-
dural en peropĂ©ratoire avait l’avantage de rĂ©duire la consom-
mation d’agents anesthĂ©siques hypnotiques et analgĂ©siques
et de ce fait de raccourcir la durĂ©e d’anesthĂ©sie et de ventila-
tion postopĂ©ratoire. EnïŹn, plusieurs Ă©tudes se sont attachĂ©es
Ă  dĂ©montrer que l’anesthĂ©sie pĂ©ridurale thoracique pouvait
diminuer la survenue de complications postopératoires aprÚs
chirurgie majeure chez les patients Ă  risque, notamment ceux
opĂ©rĂ©s d’une chirurgie aortique. MalgrĂ© un certain nombre
de donnĂ©es positives, l’utilisation combinĂ©e d’une anesthĂ©sie
gĂ©nĂ©rale et d’une anesthĂ©sie pĂ©ridurale est quelque peu tom-
bée en désuétude au cours des années 1990. Plusieurs raisons
peuvent expliquer cet état de fait : la complexité relative de la
procĂ©dure, les modiïŹcations de la pratique de l’anesthĂ©sie
générale, les interférences avec les traitements anticoagu-
lants et AAP utilisĂ©s en pĂ©riopĂ©ratoire, l’utilisation concur-
rentielle d’autres agents thĂ©rapeutiques ayant les mĂȘmes
objectifs (ex : prĂ©vention de l’ischĂ©mie myocardique) tels que
la clonidine [55] ou surtout les bĂȘtabloquants [48] et l’absence
de preuve formelle de l’efïŹcacitĂ© de l’anesthĂ©sie et de l’anal-
gésie péridurale dans la prévention des complications cardia-
ques postopĂ©ratoires [119,133,134]. Cependant, l’analgĂ©sie
péridurale semble avoir une place particuliÚre aprÚs chirur-
gie de l’aorte [133,135].
4.2.1. PrĂ©vention de l’ischĂ©mie myocardique
et des complications cardiovasculaires per-
et postopĂ©ratoires par l’analgĂ©sie pĂ©ridurale
Plusieurs Ă©quipes ont tentĂ© d’évaluer si l’anesthĂ©sie pĂ©ri-
durale thoracique combinĂ©e Ă  l’anesthĂ©sie gĂ©nĂ©rale pouvait
rĂ©duire l’incidence de l’ischĂ©mie myocardique. Les rĂ©sultats
sont contradictoires mais la majorité des études conclue à
l’absence d’effet signiïŹcatif de l’anesthĂ©sie pĂ©ridurale
[114,136–138]. Une mĂ©ta-analyse incluant des Ă©tudes allant
des années 1980 à 2000 note cependant que la pose du cathé-
ter Ă  l’étage thoracique diminue le risque de complications
cardiaques [134]. En ce qui concerne la morbidité postopé-
ratoire et plus spĂ©ciïŹquement la morbiditĂ© cardiovasculaire,
le travail le plus citĂ© est aussi celui qui a fait l’objet des plus
vives critiques [139] Par la suite, plusieurs groupes d’inves-
tigateurs ont repris le mĂȘme objectif aprĂšs chirurgie aortique
sans parvenir au mĂȘme rĂ©sultat (Tableau 3) [115,140–143].
Finalement, deux larges études multicentriques ont comparé
de maniÚre randomisée une analgésie postopératoire par péri-
durale ou par morphine administrée en PCA [119,133].
L’inclusion concernait les patients considĂ©rĂ©s comme Ă  ris-
que de complications postopĂ©ratoires et devant ĂȘtre opĂ©rĂ©s
d’une chirurgie majeure (chirurgie abdominale ou vasculaire
pour la majorité des patients). Chez les patients opérés de
l’aorte, une seule a mis en Ă©vidence une diminution des com-
plications cardiaques (Tableau 3). Les patients soumis Ă  une
167E. Marret et al. / Annales Françaises d’AnesthĂ©sie et de RĂ©animation 25 (2006) 158–179
chirurgie de l’aorte abdominale ont constituĂ© souvent un
modĂšle privilĂ©giĂ© pour ce type d’étude, du fait de la forte
prévalence de la maladie coronaire et du type de chirurgie à
la fois stéréotypée et relativement « lourde ». En outre, des
traitements plus simples Ă  manier, comme les bĂȘtabloquants,
ont fait la preuve de leur efïŹcacitĂ© de façon trĂšs convain-
cante, tandis que le doute persistait quant à celle de l’anes-
thésie péridurale [47,48,144].
4.2.2. L’analgĂ©sie pĂ©ridurale permet de prĂ©venir
les complications pulmonaires
La chirurgie sus-ombilicale et sous-costale altĂšre la fonc-
tion respiratoire en postopératoire. Elle est essentiellement
responsable d’une baisse de la capacitĂ© rĂ©siduelle fonction-
nelle et d’une altĂ©ration de la dynamique diaphragmatique
responsables d’atĂ©lectasies [145–147]. L’analgĂ©sie pĂ©ridu-
rale n’a que peu d’effets directs sur l’altĂ©ration postopĂ©ra-
toire de la fonction pulmonaire [148,149]. Cependant, plu-
sieurs Ă©tudes suggĂšrent que l’analgĂ©sie postopĂ©ratoire Ă  l’aide
d’un cathĂ©ter pĂ©ridural permette de diminuer l’incidence des
complications respiratoires postopératoires probablement
grĂące Ă  l’excellente analgĂ©sie qu’elle procure lors des mou-
vements [119,150]. Une mĂ©ta-analyse a conïŹrmĂ© que l’anal-
gésie péridurale diminue de plus de 50 % les atélectasies et
les infections pulmonaires postopératoires [150]. En chirur-
gie de l’aorte, la plupart des Ă©tudes randomisĂ©es ne montrent
pas de différence. Cependant, les deux études les plus récen-
tes incluant des patients ayant Ă  la fois des facteurs de comor-
biditĂ© sĂ©vĂšre en prĂ©opĂ©ratoire et opĂ©rĂ©s d’une chirurgie aor-
tique montrent une diminution signiïŹcative des complications
respiratoires dans le groupe péridural (Tableau 3) [133,135].
L’analgĂ©sie pĂ©ridurale thoracique a ainsi toute sa place dans
la chirurgie aortique chez des patients Ă  haut risque de com-
plications respiratoires.
4.2.3. Obstacles Ă  l’utilisation des techniques d’analgĂ©sie
pĂ©rimĂ©dullaire en pĂ©riopĂ©ratoire d’une chirurgie
de l’aorte
Un des Ă©lĂ©ments qui conduit de plus en plus Ă  l’abandon
de l’anesthĂ©sie pĂ©ridurale thoracique est la crainte de la sur-
venue d’hĂ©matome pĂ©rimĂ©dullaire liĂ© Ă  l’administration
conjointe d’un anticoagulant. Bien que cette complication soit
extrĂȘmement rare (moins de 1/100 000), les consĂ©quences en
sont sufïŹsamment sĂ©rieuses pour inviter Ă  la prudence. Parmi
les facteurs de risque de survenue d’un hĂ©matome Ă©pidural,
l’analyse des cas publiĂ©s permet de retenir, en plus de l’utili-
sation des anticoagulants : une ponction répétée et/ou trau-
matique et la prĂ©sence d’un cathĂ©ter [151]. Ces Ă©lĂ©ments peu-
vent ĂȘtre rĂ©unis lors de la rĂ©alisation d’une technique
pĂ©ridurale thoracique qui est plus difïŹcile Ă  rĂ©aliser (notam-
ment dans la rĂ©gion thoracique basse) qu’au niveau lom-
baire. Le risque estimé à partir des données de pharmacovi-
gilance est cependant variable. Il se situe aux environs
1/40 000 avec une rachianesthésie et de 1/3100 avec main-
tien du cathéter péridural postopératoire et anticoagulation
postopĂ©ratoire. L’association d’AAP et d’anticoagulant
majore le risque d’hĂ©matome pĂ©rimĂ©dullaire. La confĂ©rence
d’experts sur « agents antiplaquettaires et pĂ©riode pĂ©riopĂ©ra-
toire » organisĂ©e par la Sfar en 2001 a conclu que l’aspirine
ne contre-indique pas une ALR-rachidienne au cas par cas
Tableau 3
Effet du type d’analgĂ©sie (pĂ©ridurale vs systĂ©mique) sur la morbiditĂ© et la mortalitĂ© aprĂšs chirurgie aortique
Auteurs Technique analgésique DécÚs Complications cardiaques Complications respiratoires
Yeager et al. [139] AG (n = 25) 16 %* 52 %* 32 %
AET AL et/ou M (n = 28) 0 % 14 % 11 %
RR (IC 95 %) 0,1 (0,0–2,9) 0,3 (0,1–0,7) 0,3 (0,1–1,1)
Garnett et al. [136] PCA (n = 51) 3,9 % 21,5 % 19,6 %
AET AL + M (n = 48) 0 % 14,6 % 14,6 %
RR (IC 95 %) 0,1 (0,0–7,2) 0,6 (0,2–2,5) 0,7 (0,2–1,9)
Bois et al. [114] PCA (n = 59) 1,7 % 16,9 % NR
AET AL+M (n = 55) 1,8 % 18,1 % NR
RR (IC 95 %) 1,1 (0,1–12,5) 1,4 (0,7–2,9)
Boylan et al. [138] PCA (n = 21) NR 9,5 % 0 %
AEL (n = 19) NR 15,8 % 10,5 %
RR (IC 95 %) 1,7 (0,3–8,9) 2,2 (0,2–22,5)
Norris et al. [115] PCA (n = 80) 6,6 % 3,9 %† 2,7 %‡
AET AL + M (n = 88) 4,8 % 3,6 %† 1,2 %‡
RR (IC 95 %) 0,7 (0,2–2,5) 0,9 (0,2–4,3) 0,5 (0,1–4,9)
Park et al. [133] PCA (n = 190) 2,6 % 17,9 %* 28,9 %*
AE M seul(n = 184) 2,2 % 9,7 % 12,0 %
RR (IC 95 %) 0,8 (0,2–2,9) 0,5 (0,3–0,9) 0,5 (0,3–0,8)
Peyton et al. [135] PCA (n = 78) 5,1 % 18,0 % 52 %*
AE AL + M(n = 86) 10,5 % 16,3 % 44 %
RR (IC 95 %) 2,0 (0,7–6,0) 1,0 (0,7–1,3) 0,8 (0,6–0,99)
Un tiers des patients de l’étude deYeager et al. sont opĂ©rĂ©s d’une chirurgie vasculaire majeure.AG = anesthĂ©sie gĂ©nĂ©rale;AE = anesthĂ©sie pĂ©ridurale thoracique
(T) ou lombaire (L); NR = donnĂ©es non rapportĂ©es ; AL= anesthĂ©sique local ; M = morphinique ; RR = risque relatif ; IC 95 % = Intervalle de conïŹance Ă 
95 %. *p < 0,05 ; † infarctus du myocarde ; ‡ pneumopathie.
168 E. Marret et al. / Annales Françaises d’AnesthĂ©sie et de RĂ©animation 25 (2006) 158–179
si l’on considĂšre que le bĂ©nĂ©ïŹce de l’ALR-rachidienne est
supĂ©rieur au trĂšs faible risque d’hĂ©matome mĂ©dullaire, Ă  la
condition que le patient n’ait reçu aucun traitement anti-
coagulant avant la ponction.
4.3. Rachianalgésie
La découverte de récepteurs aux opioïdes au niveau de la
corne postérieure de la moelle dans les années 1960 a permis
de dĂ©velopper une nouvelle voie d’administration de la mor-
phine [152]. Cependant, cette technique qui permettait d’obte-
nir une analgĂ©sie postopĂ©ratoire extrĂȘmement efïŹcace ne s’est
pas répandue rapidement à cause de ses effets indésirables
[153,154]. L’intĂ©rĂȘt de la rachianalgĂ©sie a Ă©tĂ© rĂ©cemment
remis au goût du jour par une diminution du risque de dépres-
sion respiratoire de cette technique (diminution des doses de
morphiniques) et un dĂ©lai d’action court avec une durĂ©e
d’action prolongĂ©e grĂące Ă  l’administration conjuguĂ©e en
intrathĂ©cal d’un morphinique liposoluble (sufentanil par
exemple) et d’un morphinique hydrosoluble (morphine). Cette
double association permet, aprĂšs une chirurgie majeure, une
analgĂ©sie efïŹcace dĂšs les premiĂšres minutes postopĂ©ratoires
grĂące au dĂ©lai d’action rapide que procure le sufentanil admi-
nistré en intrathécal et prolongée sur environ une vingtaine
d’heures grĂące Ă  la longue durĂ©e d’action de la morphine ; le
LCR servant de réservoir à morphine. Des doses de 20 à 50 ”g
de sufentanil et de 0,2 à 0,5 mg de morphine ont montré leur
efïŹcacitĂ© dans les 24 premiĂšres heures aprĂšs une thoracoto-
mie [155,156]. La rachianalgésie avec 1 ”g/kg de sufentanil
plus 8 ”g/kg de morphine s’est aussi montrĂ©e supĂ©rieure Ă  la
PCA morphine pour diminuer les scores EVA pour la dou-
leur aprùs chirurgie de l’aorte [157]. Les besoins en morphi-
niques et les scores de douleur sont diminuĂ©s d’environ 50 Ă 
70 % selon les doses utilisées en intrathécal [155,156]. Elle
peut prĂ©senter un intĂ©rĂȘt chez les patients atteints de patho-
logie cardiaque dĂšs lors qu’il a Ă©tĂ© montrĂ© qu’une analgĂ©sie
puissante peut limiter le risque d’ischĂ©mie myocardique [158].
Cependant, l’efïŹcacitĂ© de la rachianalgĂ©sie–morphine ne dure
le plus souvent qu’au maximum 24 heures et aucune Ă©tude
n’a montrĂ© son efïŹcacitĂ© pour diminuer la morbiditĂ© ou la
mortalitĂ© postopĂ©ratoire [157]. Le relais de l’analgĂ©sie doit
ĂȘtre pris avec une PCA. EnïŹn, le risque de dĂ©pression respi-
ratoire impose une surveillance pendant les 24 premiĂšres heu-
res en unité de soins intensifs ou en salle de réveil. En résumé,
cette technique simple et efïŹcace impose une surveillance
postopĂ©ratoire en milieu de soins intensifs et sa durĂ©e d’action
est inférieure à celle de la douleur postopératoire. Elle pour-
rait s’avĂ©rer extrĂȘmement intĂ©ressante aprĂšs une chirurgie de
l’aorte rĂ©alisĂ©e par minilaparotomie ou par laparoscopie.
4.4. Conclusion
Aucune technique n’est aussi efïŹcace que l’analgĂ©sie pĂ©ri-
durale [119]. L’utilisation de l’analgĂ©sie pĂ©ridurale thoraci-
que ou thoracoabdominale reste donc une proposition théra-
peutique valable lorsque l’on veut assurer une analgĂ©sie de
qualitĂ© aïŹn de faciliter la rĂ©habilitation aprĂšs une chirurgie
de l’aorte abdominale [121] ou chez les patients ayant un ris-
que de complications respiratoires élevées. Le débat reste
ouvert pour savoir si, au-delĂ  de l’analgĂ©sie, d’autres bĂ©nĂ©ïŹ-
ces de la pĂ©ridurale peuvent ĂȘtre escomptĂ©s en termes de durĂ©e
d’hospitalisation, de morbiditĂ© cardiovasculaire, voire de mor-
talitĂ©. La prise en charge efïŹcace de la douleur postopĂ©ra-
toire n’est qu’un des Ă©lĂ©ments de la rĂ©habilitation postopĂ©ra-
toire parmi tant d’autres (rĂ©alimentation prĂ©coce, mobilisation
active précoce, diminution du stress périopératoire avec main-
tien d’une normothermie, d’une normoglycĂ©mie et d’une
hĂ©modynamique stable) dont le but ïŹnal est de diminuer la
durĂ©e d’hospitalisation et de permettre une rĂ©cupĂ©ration rapide
[159,160].
5. Réanimation postopératoire
5.1. Prévention et traitement des complications
cardiovasculaires
Les complications cardiaques représentent la premiÚre
cause de morbiditĂ© et de mortalitĂ© postopĂ©ratoire de l’AAA.
L’ischĂ©mie myocardique et les Ă©vĂ©nements cardiovasculai-
res surviennent essentiellement pendant la période postopé-
ratoire [37]. La survenue d’une tachycardie ou d’une hyper-
tension secondaire au stress chirurgical, Ă  la douleur, Ă 
l’interruption des agents antihypertenseurs ou l’utilisation de
substances sympathomimétiques en postopératoire, sont
autant de facteurs qui augmentent la demande en oxygĂšne
pendant la pĂ©riode postopĂ©ratoire. Les patients opĂ©rĂ©s d’une
chirurgie pour AAA doivent donc ĂȘtre surveillĂ©s aïŹn de
rechercher les signes et les symptĂŽmes d’une ischĂ©mie myo-
cardique tout en sachant que plus de 90 % des Ă©pisodes
d’ischĂ©mie demeurent asymptomatiques [37]. La surveillance
Ă©lectrocardiographique et biologique par le dosage biologi-
que de la troponine plasmatique Ic prĂ©sente un intĂ©rĂȘt majeur
pendant la période postopératoire. En effet, la plupart des étu-
des montrent que l’infarctus du myocarde est prĂ©cĂ©dĂ© par des
Ă©pisodes d’ischĂ©mie myocardique [37,46] ou une Ă©lĂ©vation
faible de la troponine Ic [161,162].
La survenue d’un infarctus du myocarde ou d’une ischĂ©-
mie en postopĂ©ratoire d’une chirurgie majeure, reprĂ©sente un
facteur de mauvais pronostic de survie Ă  court et Ă  moyen
terme, voire Ă  long terme. De plus, la surveillance de 115 pa-
tients opérés (38 % de chirurgie pour AAA) en chirurgie vas-
culaire a montrĂ© que la survenue d’un IdM en postopĂ©ratoire
était un facteur de risque indépendant de surmortalité à un an
[163]. De mĂȘme, il a Ă©tĂ© montrĂ© que l’augmentation de la
troponine (> 1,5 ng/ml) en pĂ©riode postopĂ©ratoire d’une chi-
rurgie vasculaire était associée à une diminution de la survie
à six mois [164]. Finalement, des auteurs ont récemment mon-
trĂ© qu’une augmentation de la troponine, mĂȘme faible (tro-
ponine Ic > 0,6 ng/ml), était un facteur associé à une augmen-
tation de la mortalité à cinq ans [165]. Ces résultats sur la
valeur pĂ©jorative Ă  moyen et Ă  long terme d’une augmenta-
169E. Marret et al. / Annales Françaises d’AnesthĂ©sie et de RĂ©animation 25 (2006) 158–179
tion minime de la troponine en période périopératoire ont été
conïŹrmĂ©s par d’autres auteurs [166,167].
La période postopératoire est caractérisée par un état
d’hypercoagulabilitĂ©. L’acte chirurgical crĂ©e ainsi une sus-
ceptibilité accrue à la thrombose. Les facteurs de la coagula-
tion sont augmentĂ©s et, plus particuliĂšrement le ïŹbrinogĂšne
[168]. À cela, s’associe une diminution de la ïŹbrinolyse due
à l’augmentation plasmatique des inhibiteurs physiologiques
de la ïŹbrinolyse (PAI-1) [168]. La fonction plaquettaire est
aussi perturbée pendant la phase périopératoire. En chirurgie
aortique, il a ainsi Ă©tĂ© observĂ© une augmentation signiïŹcative
de l’agrĂ©gabilitĂ© plaquettaire Ă  l’ADP au cours des 48 pre-
miÚres heures postopératoires associées une augmentation du
nombre absolu de plaquettes, maximale au septiĂšme jour
[168]. L’expression des glycoprotĂ©ines membranaires pla-
quettaires (CD 62 ou P-SĂ©lectine, marqueur d’activation pla-
quettaire ou CD-63) n’est cependant pas augmentĂ©e. Pendant
la pĂ©riode postopĂ©ratoire, les plaquettes paraissent donc ĂȘtre
dans un Ă©tat d’« instabilitĂ© » oĂč le moindre stimulus ou stress
(comme l’ADP ou la mise Ă  nu du sous-endothĂ©lium lors
d’une rupture de plaque) peut conduire Ă  une hyperagrĂ©gabi-
litĂ© plaquettaire responsable de thrombose. La prĂ©sence d’une
« instabilité » plaquettaire dÚs les premiÚres heures postopé-
ratoires est un argument physiopathologique pour maintenir
ou réintroduire précocement les AAP en postopératoire chez
les patients à risque de thrombose artérielle [169]. Cet état
d’hypercoagulabilitĂ© postopĂ©ratoire joue un rĂŽle dans la
genÚse des complications myocardiques postopératoires. Plu-
sieurs Ă©tudes autopsiques ont retrouvĂ© la prĂ©sence d’une rup-
ture de plaque d’athĂ©rosclĂ©rose ou d’un thrombus intracoro-
naire chez les patients dĂ©cĂ©dĂ©s d’un infarctus du myocarde
pendant la période postopératoire [170,171]. De plus, cer-
tains auteurs ont noté que les infarctus postopératoires ne sur-
viennent pas toujours sur des sténoses trÚs serrées, supérieu-
res Ă  90 % [172,173]. AprĂšs chirurgie vasculaire, des IdM
périopératoires peuvent ainsi se localiser dans des zones consi-
dĂ©rĂ©es comme non ischĂ©miques lors d’un test d’effort [174].
Ces constatations laissent ainsi supposer qu’il existe un ou
plusieurs facteurs périopératoires dynamiques responsables
de la nĂ©crose myocardique. La formation d’un thrombus coro-
naire sur une stĂ©nose coronaire d’origine athĂ©romateuse puis
son augmentation de taille jusqu’à devenir sub- voire occlu-
sif peut participer Ă  la constitution de l’ischĂ©mie pĂ©riopĂ©ra-
toire [170,171].
Tous ces Ă©lĂ©ments concourent Ă  souligner l’importance du
traitement médical pour prévenir les complications cardia-
ques postopératoires. Des auteurs ont ainsi montré que la pres-
cription d’un bĂȘtabloquant dans le cadre d’études randomi-
sées en double insu améliorait le pronostic des patients
[48,50]. Un traitement par bĂȘtabloquant instituĂ© en prĂ©opĂ©ra-
toire pour diminuer le risque cardiaque doit ĂȘtre continuĂ© pen-
dant toute la pĂ©riode postopĂ©ratoire. L’absorption orale de
l’atĂ©nolol est diminuĂ©e aprĂšs une chirurgie abdominale [175].
Son efïŹcacitĂ© peut ainsi ĂȘtre diminuĂ©e et une prescription
intraveineuse Ă  la place de la prise orale doit ĂȘtre envisagĂ©e si
les objectifs de frĂ©quence cardiaque (FC ≀ 80 b/min) ne sont
pas atteints pendant la pĂ©riode postopĂ©ratoire. En cas d’arrĂȘt
prĂ©opĂ©ratoire des AAP, leur reprise doit ĂȘtre la plus prĂ©coce.
En cas de constitution d’un infarctus du myocarde aprùs une
chirurgie pour AAA, la rĂ©alisation d’une coronarographie
voire d’une angioplastie dĂ©pendra essentiellement du risque
hémorragique du patient. En effet, les gestes de revasculari-
sation myocardique par voie transcutanĂ©e nĂ©cessitent l’asso-
ciation de deux voire trois AAP (aspirine, thiénopyridines,
anti-GPIIbIIIa) [176].
5.2. Complications respiratoires postopératoires
La chirurgie de l’AAA est une des chirurgies qui s’accom-
pagnent le plus de complications respiratoires en postopéra-
toire. En effet, l’incidence des complications respiratoires
majeures (bronchopneumopathie postopératoire, réintuba-
tion, ventilation prolongĂ©e) s’élĂšve jusqu’à 30 % dans certai-
nes séries [133,177,178]. Les pneumopathies postopératoi-
res ont une mortalité entre 30 et 40 % [78]. La localisation du
site chirurgical est, avec l’ñge supĂ©rieur Ă  80 ans, un des fac-
teurs de risque ayant le poids le plus important dans la genĂšse
des complications pulmonaires postopĂ©ratoires [76]. L’inci-
dence des complications respiratoires semble différente lors
d’un traitement d’unAAA par endoprothĂšse mĂȘme si aucune
Ă©tude prospective et randomisĂ©e n’est actuellement publiĂ©e
sur le risque respiratoire [179]. L’utilisation de curares de
durĂ©e d’action prolongĂ©e associĂ©e Ă  la prĂ©sence d’une cura-
risation résiduelle sont, en revanche, des facteurs de risque
identiïŹĂ©s comme associĂ©s aux complications pulmonaires
postopĂ©ratoires [180]. L’analgĂ©sie est un des facteurs sur
lequel il est possible d’agir dans le but de prĂ©venir les com-
plications respiratoires (Tableau 3). La rĂ©alisation d’une anal-
gĂ©sie pĂ©ridurale doit s’intĂ©grer dans un vĂ©ritable programme
de rĂ©habilitation postopĂ©ratoire d’autant plus que la kinĂ©si-
thérapie respiratoire (spirométrie incitative, ventilations dis-
continues en pression positive) permet de diminuer l’inci-
dence des complications respiratoires par deux comme le
suggÚre une méta-analyse de dix études [181].
5.3. Insuffısance rénale postopératoire
La survenue d’une IRA reste un Ă©vĂ©nement rare avec une
incidence estimée aux environs de 3 % [104,105]. La diurÚse
et le chiffre de créatininémie pris individuellement ne per-
mettent pas d’évaluer la fonction rĂ©nale en postopĂ©ratoire.
En effet, pendant la période postopératoire, le chiffre de la
crĂ©atininĂ©mie n’augmente que lorsque la ïŹltration glomĂ©ru-
laire est réduite de plus 75 % [182]. Plusieurs traitements
médicamenteux (diurétiques, dopamine, mannitol) ont été tes-
tĂ©s pour prĂ©venir l’IRA postopĂ©ratoire. Aucun traitement n’a
montrĂ© une efïŹcacitĂ© rĂ©elle. Le maintien d’une normovolĂ©-
mie et d’une normotension reste donc actuellement les mesu-
res les plus importantes en per- et postopératoire pour préve-
nir la survenue d’une IRA.
5.4. Ischémie colique postopératoire
L’ischĂ©mie colique est une complication rare mais grave
aprĂšs une chirurgie pourAAA. En effet, l’incidence de l’ischĂ©-
170 E. Marret et al. / Annales Françaises d’AnesthĂ©sie et de RĂ©animation 25 (2006) 158–179
mie colique clinique et de 0,5 Ă  1 % [183]. Cependant, celle-ci
est plus fréquente lors de la réalisation postopératoire de colos-
copie systématique dans des séries prospectives (7 à 35 %)
[184,185]. L’ischĂ©mie colique se situe essentiellement au
niveau du cÎlon gauche. La vascularisation artérielle du cÎlon
gauche est assurĂ©e par l’artĂšre mĂ©sentĂ©rique infĂ©rieure. Le
rĂ©seau artĂ©riel de l’artĂšre mĂ©sentĂ©rique est en rapport avec
deux systĂšmes anastomotiques :
‱ l’un avec l’artĂšre mĂ©sentĂ©rique supĂ©rieure (arcade de Rio-
lan) ;
‱ et l’autre avec l’artĂšre rectale supĂ©rieure et moyenne qui
naissent des artĂšres iliaques internes (hypogastriques).
L’artĂšre mĂ©sentĂ©rique infĂ©rieure est occluse chez un patient
sur deux, opĂ©rĂ© d’un AAA. La vascularisation du cĂŽlon gau-
che est alors reprise essentiellement par le systĂšme anasto-
motique en rapport avec l’artĂšre mĂ©sentĂ©rique supĂ©rieure. Le
tableau clinique d’une ischĂ©mie colique est diffĂ©rent selon
son importance. Les signes cliniques sont peu spĂ©ciïŹques dans
un contexte postopératoire. Les patients présentent une ins-
tabilité hémodynamique, une sensibilité de la fosse iliaque
gauche ou une reprise trop précoce du transit (classique diar-
rhée sanglante « sur table »). On note une acidose métaboli-
que avec hyperlactatémie, une élévation des lacticodéshydro-
génases, des créatines kinases ou de la phosphorémie. Le
moindre doute sur une ischémie colique doit faire réaliser
une colonoscopie. D’autres tableaux cliniques sont dĂ©crits
avec prĂ©sence d’un mĂ©tĂ©orisme abdominal, d’une dĂ©fense de
la fosse iliaque gauche d’une diarrhĂ©e sanglante ou d’un syn-
drome de défaillance multiviscérale. La colonoscopie doit
alors ĂȘtre rĂ©alisĂ©e en urgence sauf en cas de perforation coli-
que (prĂ©sence d’un pneumopĂ©ritoine). Le diagnostic est le
plus souvent fait dĂšs le dĂ©but de la colonoscopie car l’ischĂ©-
mie touche surtout le cĂŽlon sigmoĂŻde et le cĂŽlon gauche. On
décrit trois stades endoscopiques [186] :
‱ stade I : ƓdĂšme et Ă©rythĂšme de la muqueuse ;
‱ stade II : ulcĂ©ration de la muqueuse ;
‱ stade III : nĂ©crose extensive de la muqueuse colique.
La rĂ©section colique s’impose lors de la mise en Ă©vidence
d’un stade III. Un traitement conservateur est rĂ©alisĂ© au stade
I. En cas de stade II, la dĂ©cision d’une colectomie en urgence
dĂ©pend essentiellement de l’état clinique du patient. D’autres
moyens de détection comme la mesure du pH intramuqueux
colique ou du dosage du D-lactacte (isomĂšre dextrogyre du
lactate produit par la fermentation bactérienne) ont été pro-
posés mais restent peu utilisés en pratique [187,188]. La pré-
vention de l’ischĂ©mie colique passe par une bonne stabilitĂ©
hémodynamique per- et postopératoire, un temps de clam-
page court. La préservation de la vascularisation du cÎlon
gauche reste la stratĂ©gie essentielle pour prĂ©venir l’ischĂ©mie
colique postopératoire. La revascularisation peropératoire de
l’artĂšre mĂ©sentĂ©rique infĂ©rieure ne fait pas actuellement
l’objet d’un consensus en sachant que les patients ayant une
artÚre mésentérique restant perméable sont à plus grand ris-
que d’ischĂ©mie colique et sont donc ceux qui pourraient bĂ©nĂ©-
ïŹcier d’une rĂ©implantation.
6. Traitement endovasculaire des anĂ©vrismes de l’aorte
abdominale
Bien que la chirurgie de mise à plat–greffe reste le traite-
ment de rĂ©fĂ©rence, l’implantation d’une endoprothĂšse aorti-
que (EA) abdominale est une technique maintenant Ă©tablie,
représentant une alternative à la cure chirurgicale des AAA.
Le principe du traitement endovasculaire desAAA consiste
Ă  dĂ©ployer une prothĂšse qui s’ancre hermĂ©tiquement au-dessus
et en dessous l’anĂ©vrisme, excluant le sac anĂ©vrismal du ïŹ‚ux
sanguin et donc prévenant sa rupture. Pour des raisons ana-
tomiques, moins de 60 % des patients peuvent bĂ©nĂ©ïŹcier du
traitement endovasculaire ; les anévrismes devant présenter
des caractĂ©ristiques particuliĂšres et un siĂšge sous-rĂ©nal, mĂȘme
si maintenant la majorité des prothÚses sont faites sur mesu-
res.
L’Afssaps a redĂ©ïŹni les recommandations d’utilisation des
EA en 2003 (Tableau 4) [189].
6.1. Comparaison avec la chirurgie ouverte
Les données de la littérature se fondent essentiellement
sur des cohortes de patients dans le cadre d’étude rĂ©trospec-
tive ou prospective. L’étude du groupe EUROSTAR, aprĂšs
suivi de 1554 patients traités par voie endoluminale a permis
de démontrer un taux de mortalité à 30 jours et un taux de
complications systémiques inférieurs à ceux des patients trai-
tés par voie classique [190]. Cependant, la mortalité et la mor-
biditĂ© postopĂ©ratoire des patients opĂ©rĂ©s d’un anĂ©vrisme de
l’aorte sans facteurs de risque tendent, au ïŹl des annĂ©es, Ă 
devenir de plus en plus faible proche des 2–3 % [191]. De
plus, le débat reste ouvert quant au devenir à moyen et à long
terme des patients traités par voie endoluminale. Plusieurs
Tableau 4
Recommandations de l’Agence française de sĂ©curitĂ© sanitaire des produits
de santĂ© pour l’utilisation des endoprothĂšses aortiques lors du traitement
endovasculaire des anĂ©vrismes de l’aorte abdominale sous-rĂ©nale. L’implan-
tation d’une endoprothĂšse aortique peut ĂȘtre retenue chez les patients ayant
un risque chirurgical Ă©levĂ© dĂ©ïŹni par la prĂ©sence d’un des facteurs [189]
Facteurs de risque
‱ Aˆ ge supĂ©rieur ou Ă©gal Ă  80 ans
‱ Coronaropathie (antĂ©cĂ©dent(s) d’infarctus du myocarde ou angor) avec
test fonctionnel positif et lésions coronariennes pour lesquelles un
geste de revascularisation est impossible ou non indiqué
‱ InsufïŹsance cardiaque avec manifestations cliniques patentes
‱ RĂ©trĂ©cissement aortique serrĂ© non opĂ©rable
‱ FEVG < 40 %
‱ InsufïŹsance respiratoire chronique objectivĂ©e par un des critĂšres sui-
vants
C VEMS < 1200 ml/s
C CV < 50 % de la valeur prĂ©dite en fonction de l’ñge, du sexe et du
poids
C GazomĂ©trie artĂ©rielle en l’absence d’oxygĂšne : PaCO2 > 45 mmHg
ou PaO2 < 60 mmHg
C Oxygénothérapie à domicile
‱ CrĂ©atininĂ©mie ≄ 200 ”mol/l avant l’injection du produit de contraste
‱ Abdomen « hostile », y compris prĂ©sence d’une ascite ou autre signe
d’hypertension portale.
171E. Marret et al. / Annales Françaises d’AnesthĂ©sie et de RĂ©animation 25 (2006) 158–179
auteurs ont démontré que le traitement endovasculaire est une
thérapie avec un taux de mortalité à 900 jours acceptable chez
les patients octogénaires [192] et/ou ASA IV [193].
Les consĂ©quences hĂ©modynamiques lors de la pose d’une
EA sont bien moins importantes que celles consécutives au
clampage aortique. Chez les patients traités par voie endolu-
minale, il existe un stress myocardique moins important avec
une incidence d’ischĂ©mie myocardique plus faible que chez
les patients traitĂ©s par chirurgie conventionnelle, mĂȘme si la
morbidité cardiaque globale est comparable dans les deux
groupes [179,194]. De mĂȘme, les variations endocriniennes
et mĂ©taboliques observĂ©es lors du stress et les modiïŹcations
du proïŹl inïŹ‚ammatoire sont moins importantes lors d’un trai-
tement endovasculaire que lors d’une chirurgie ouverte de
l’AAA [195]. Les complications respiratoires (dĂ©tresse res-
piratoire, pneumopathie postopĂ©ratoire) et l’insufïŹsance
rĂ©nale aiguĂ« semblent moins frĂ©quentes lors d’un traitement
chirurgical par EA [179,194]. Les pertes sanguines sont moins
importantes que lors de la chirurgie Ă  ciel ouvert [179,196].
Finalement, la durée du séjour intrahospitalier est moins lon-
gue et le recours aux soins intensifs moins fréquent pour les
patients traités par EA [179,196] ; en revanche, le coût hos-
pitalier est plus important [197], cela étant principalement lié
au coût du dispositif prothétique [198].
Deux essais randomisés et prospectifs ont comparé la mor-
biditĂ© et la mortalitĂ© pĂ©riopĂ©ratoire (jusqu’au 30e
jour) chez
les patients ASA I Ă  III aprĂšs chirurgie ouverte ou par voie
EA [199,200]. À partir de ces Ă©tudes ayant inclus plus de
1400 patients au total, il ressort que la chirurgie par voie endo-
vasculaire diminue de plus de 50 % la mortalité périopéra-
toire et les complications respiratoires. La mise en place d’une
endoprothÚse permet aussi de diminuer le temps opératoire,
les besoins transfusionnels, le nombre de patients transfusés
et la durĂ©e d’hospitalisation (six vs sept jours) [200]. Il fau-
dra cependant attendre les résultats à long terme des études
randomisées (évaluation du risque de rupture avec le traite-
ment endovasculaire, rĂ©intervention pour endofuite) pour ïŹna-
lement savoir si le traitement endovasculaire de l’AAA peut
réellement remplacer la chirurgie conventionnelle [195].
6.2. Complications aiguës
Bien que le traitement endovasculaire soit une technique
moins invasive que la chirurgie conventionnelle, il existe tou-
tefois des complications aiguës, notamment au niveau de la
région abordée, pouvant menacer le pronostic vital :
‱ migration ou mauvais positionnement de la prothùse avec
comme consĂ©quences potentielles une occlusion d’un vais-
seau ou d’une exclusion incomplĂšte de l’anĂ©vrisme ;
‱ embolie distale d’une plaque athĂ©romateuse ou d’un throm-
bus ;
‱ lĂ©sions des vaisseaux iliofĂ©moraux (dissection, ischĂ©-
mie) ;
‱ rĂ©action indĂ©sirable au produit de contraste ;
‱ et rupture de l’aorte.
Une conversion pour une chirurgie ouverte survient dans
2,9 % des cas ; aprĂšs la « pĂ©riode d’apprentissage » (les 30 pre-
miÚres procédures), les causes sont essentiellement la rup-
ture anévrismale et les endofuites. Les facteurs de risques
sont l’ñge avancĂ© du patient, un poids corporel bas, une bron-
chopneumopathie chronique obstructive et les collets anévris-
maux trop larges ou trop étroits [201]. Le taux de mortalité
est élevé aprÚs conversion (supérieur à 20 %). Cependant, les
patients les plus ĂągĂ©s et les patients atteints d’une BPCO sem-
blent ceux qui bĂ©nĂ©ïŹcient le plus du traitement d’un AAA
par EA [194].
6.3. Complications tardives
Les complications tardives sont principalement représen-
tées par les endofuites qui correspondent à la persistance ou à
la rĂ©apparition d’un ïŹ‚ux sanguin anĂ©vrismal, exposant de nou-
veau le patient Ă  un risque de rupture. Leur incidence est de
plus de 15 % Ă  la ïŹn de l’intervention et environ de 9 % Ă  six
mois comparativement Ă  0 % aprĂšs chirurgie ouverte [202].
Elles imposent un suivi régulier, rigoureux et prolongé par
TDM injecté. Un syndrome « post-implantation » a égale-
ment Ă©tĂ© dĂ©crit chez plus de la moitiĂ© des patients ; il s’agit
d’un syndrome inïŹ‚ammatoire survenant dans les suites immĂ©-
diates de la cure anĂ©vrismale. Il associe une ïŹĂšvre, une
hyperleucocytose et une élévation du taux de la protéine
C-réactive pendant quatre à dix jours.
6.4. Prise en charge anesthésique
Du fait de l’existence de toutes ces complications, l’équipe
anesthĂ©sique doit ĂȘtre rapidement capable de pouvoir rĂ©ali-
ser un remplissage massif pour traiter une hémorragie aiguë ;
la prise en charge anesthĂ©sique nĂ©cessite la pose d’une voie
veineuse de bon calibre, un accĂšs facile aux systĂšmes de rem-
plissage rapide et d’autotransfusion peropĂ©ratoire voire une
mesure invasive de la pression artérielle et un monitorage de
la pression veineuse centrale aïŹn de dĂ©tecter prĂ©cocement
les modiïŹcations de prĂ©charge. Cependant, l’expĂ©rience gran-
dissante, à la fois des équipes anesthésiques et chirurgicales,
conduit Ă  un monitorage de moins en moins invasif des
patients. La pose d’une sonde urinaire permet de recueillir la
diurĂšse et d’éviter la constitution d’un globe vĂ©sical. Des
agents inotropes et vasoactifs doivent ĂȘtre disponibles rapi-
dement ainsi que des culots globulaires. La mise en place
d’un cathĂ©ter artĂ©riel pulmonaire ou d’un autre monitorage
de la fonction cardiaque et de la volĂ©mie (doppler Ɠsopha-
gien, par exemple) se discute au cas par cas en fonction de la
gravitĂ© de l’atteinte cardiopulmonaire. La technique anesthĂ©-
sique la plus souvent employĂ©e en Europe est l’anesthĂ©sie
gĂ©nĂ©rale pour des raisons de facilitĂ© de stratĂ©gie lorsqu’une
conversion chirurgicale est nécessaire. Toutefois, une méta-
analyse rĂ©cente dĂ©montre que l’anesthĂ©sie gĂ©nĂ©rale par rapport
Ă  l’anesthĂ©sie locorĂ©gionale (ALR) est un facteur de risque
de complications pĂ©riopĂ©ratoires [203] et avec l’expĂ©rience
croissante des intervenants, il est de plus en plus fréquent que
la pose d’EA se fasse sous ALR, (anesthĂ©sie pĂ©ridurale, pĂ©ri-
rachianesthésie combinée ou rachianesthésie continue dans
172 E. Marret et al. / Annales Françaises d’AnesthĂ©sie et de RĂ©animation 25 (2006) 158–179
le but de titrer l’administration des substances anesthĂ©si-
ques) voire sous anesthĂ©sie locale en cas d’abord unique-
ment de l’artĂšre fĂ©morale [204]. Un niveau Ă  T10 est sufïŹ-
sant pour réaliser une endoprothÚse aortique sous anesthésie
périmédullaire. Dans ce cas, le retentissement hémodynami-
que de l’ALR est minime. De plus, il semble que l’emploi
d’une technique d’ALR permette de diminuer la durĂ©e de
l’hospitalisation [205] mais moins qu’une anesthĂ©sie locale.
De plus, sous anesthésie locale, le recours aux substances
vasoactives et aux soins intensifs aprùs l’intervention est
moins frĂ©quent [206]. Cependant, il n’existe pas de preuve
formelle qui permette de dire que l’ALR est diffĂ©rente de
l’anesthĂ©sie gĂ©nĂ©rale en termes de morbimortalitĂ© [206,207].
Du fait de l’habituelle longueur de la procĂ©dure, la nĂ©cessitĂ©
d’une anesthĂ©sie modulable conduit Ă  Ă©viter la rĂ©alisation
d’une rachianesthĂ©sie seule et lorsqu’une anesthĂ©sie locale
ou ALR est envisagĂ©e, l’adjonction d’une sĂ©dation permet
d’augmenter la compliance du patient. Parfois, aïŹn de per-
mettre la mise en place minutieuse de l’EA, il est nĂ©cessaire
de diminuer le ïŹ‚ux sanguin intra-aortique en provoquant une
hypotension (PAM ≀ 60 mmHg) ou une bradycardie majeure
(esmolol ou adĂ©nosine). Dans le cas d’anĂ©vrismes sous-
rénaux, cette hypotension est rarement nécessaire. Une courte
hypotension contrĂŽlĂ©e sufïŹt dans la majoritĂ© des cas, obte-
nue par un approfondissement de l’anesthĂ©sie (bolus intra-
veineux de propofol, augmentation des doses d’agents anes-
thĂ©siques halogĂ©nĂ©s, injection d’un vasodilatateur de courte
durĂ©e d’action ou injection pĂ©ridurale d’un bolus de xylo-
caïne). Le traitement endovasculaire implique la réalisation
d’artĂ©riographies itĂ©ratives avec injection de produit de
contraste, attestant du positionnement exact de l’EA et de
l’exclusion du sac anĂ©vrismal. Une hydratation optimale per-
et postopĂ©ratoire associĂ©e Ă  l’administration de N-acĂ©tyl-
cystéïne tendent à éviter la survenue des dysfonctions réna-
les dues aux produits de contraste [208]. Cette stratégie peut
ĂȘtre extrĂȘmement importante car les patients ayant une dys-
fonction rĂ©nale prĂ©opĂ©ratoire semblent bĂ©nĂ©ïŹcier spĂ©ciïŹque-
ment du traitement par EA [194].
7. Conclusion
L’anesthĂ©sie et la rĂ©animation des patients opĂ©rĂ©s pour un
AAA nécessitent une véritable approche multidisciplinaire
du fait des nombreuses complications associées mais aussi
des nombreuses pathologies touchant les futurs opĂ©rĂ©s. L’éva-
luation cardiaque du patient préopératoire a récemment été
clariïŹĂ©e avec les recommandations nord-amĂ©ricaines en vue
d’une chirurgie majeure voire mĂȘme simpliïŹĂ©e avec l’intro-
duction prĂ©opĂ©ratoire des bĂȘtabloquants et la dĂ©monstration
de l’efïŹcacitĂ© de l’approche mĂ©dicamenteuse pour diminuer
les complications cardiaques. Finalement, la technique chi-
rurgicale de la cure d’AAA est elle-mĂȘme en Ă©volution : le
traitement endovasculaire représente un acte chirurgical de
plus en plus pratiqué pour la correction des AAA sous-
rénaux. Cette approche a complÚtement révolutionné la prise
en charge hospitaliÚre des patients. Des études randomisées
européennes et nord-américaines permettront de connaßtre la
place véritable de ces nouvelles techniques dans les prochai-
nes années chez les patients ayant un risque périopératoire
faible et élevé. De plus, les abords chirurgicaux deviennent
aussi de moins en moins invasifs avec l’introduction des tech-
niques de minilaparotomie ou de cƓlioscopie. Dans ce
contexte, une politique de réhabilitation périopératoire peut
y ĂȘtre associĂ©e dans l’espoir de diminuer la durĂ©e d’hospita-
lisation et l’incidence des complications postopĂ©ratoires.
Références
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173E. Marret et al. / Annales Françaises d’AnesthĂ©sie et de RĂ©animation 25 (2006) 158–179
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Afar revue aaa_2006

  • 1. Revue gĂ©nĂ©rale AnesthĂ©sie et rĂ©animation pour chirurgie rĂ©glĂ©e de l’anĂ©vrisme de l’aorte abdominale Anaesthesia and critical care for scheduled infrarenal abdominal aortic aneurysm surgery E. Marret *, N. Lembert, F. Bonnet DĂ©partement d’anesthĂ©sie–rĂ©animation, hĂŽpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75970 Paris cedex 20, France Reçu le 19 avril 2005 ; acceptĂ© le 31 aoĂ»t 2005 Disponible sur internet le 02 novembre 2005 RĂ©sumĂ© Objectif. – Les patients programmĂ©s pour une chirurgie de l’anĂ©vrisme de l’aorte abdominale sous-rĂ©nale prĂ©sentent un risque Ă©levĂ© de comorbiditĂ© cardiaque et respiratoire. RĂ©sumer la prise en charge anesthĂ©sique de ces patients. MĂ©thodes. – Revue de la littĂ©rature croisant les termes anĂ©vrisme de l’aorte abdominale, anesthĂ©sie, analgĂ©sie, rĂ©animation et/ou chirurgie dans la base de donnĂ©es Medline. RĂ©sultats. – L’évaluation prĂ©opĂ©ratoire cardiaque et sa stratĂ©gie ont fait rĂ©cemment l’objet de recommandations. Les patients avec un risque cardiaque intermĂ©diaire ou Ă©levĂ© doivent bĂ©nĂ©ïŹcier d’un test d’effort cardiaque avant l’intervention pour dĂ©cider entre une stratĂ©gie prĂ©opĂ©ratoire mĂ©dicamenteuse (bĂȘtabloquant ± statine et aspirine) ou une stratĂ©gie interventionnelle (angioplastie coronarienne ou chirurgie cardiaque). Une ischĂ©mie myocardique pĂ©riopĂ©ratoire doit ĂȘtre recherchĂ©e chez ces patients par un monitorage clinique, Ă©lectrocardiographi- que et biologique (dosage de la troponine Ic). Le risque de dĂ©compensation respiratoire peut aussi ĂȘtre Ă©valuĂ© Ă  l’aide d’un score rĂ©alisĂ© en prĂ©opĂ©ratoire. L’analgĂ©sie pĂ©ridurale permet de diminuer le risque des complications respiratoires. Aucun traitement pharmacologique n’a montrĂ© son efïŹcacitĂ© pour diminuer l’incidence de l’insufïŹsance rĂ©nale aprĂšs chirurgie de l’aorte. Le traitement par mise en place d’une endoprothĂšse aortique est actuellement recommandĂ© chez seulement les patients ĂągĂ©s, les patients Ă  haut risque chirurgical ou les patients avec un abdomen multi-opĂ©rĂ©. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits rĂ©servĂ©s. Abstract Objectives. – Patient scheduled for infrarenal abdominal aortic aneurysm surgery carries a high risk of cardiac or respiratory comorbidity. To outline the perioperative management for these patients. Methods. – Review of the literature using MesH Terms “abdominal aortic aneurysm”, “anesthesia”, “analgesia” “critical care” and/or “surgery” in Medline database. Results. – Cardiac preoperative evaluation and management have recently been reviewed. Intermediate and high-risk patients should undergo non-invasive cardiac testing to decide between a preoperative medical strategy (using betablocker ± statin and aspirin) and an inter- ventional strategy (coronary angioplasty or cardiac surgery). Perioperative myocardial ischaemia should also be investigated by clinical, electrocardiographic and biologic monitoring such as plasmatic troponin Ic dosage. SpeciïŹc score could also assess the respiratory failure risk preoperatively. Epidural analgesia decreases this risk. There is no evidence that a pharmacological treatment decreases the incidence of acute renal failure after aortic surgery. Endovascular repair is actually recommended for older, higher-risk patients or patients with a hostile abdo- men or other technical factors that may complicate standard open repair. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits rĂ©servĂ©s. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : emmanuel.marret@tnn.ap-hop-paris.fr (E. Marret). Annales Françaises d’AnesthĂ©sie et de RĂ©animation 25 (2006) 158–179 http://france.elsevier.com/direct/ANNFAR/ 0750-7658/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits rĂ©servĂ©s. doi:10.1016/j.annfar.2005.08.023
  • 2. Mots clĂ©s : Anesthesie ; AnalgĂ©sie ; RĂ©animation ; AnĂ©vrisme ; Aorte abdominale ; Chirurgie Keywords: Anaesthesia; Analgesia; Critical care; Infrarenal abdominal aortic aneurysm; Surgery 1. Introduction L’anĂ©vrisme de l’aorte abdominale (AAA) devient actuel- lement une maladie de plus en plus frĂ©quente. La maladie anĂ©vrismale de l’aorte est le plus souvent la consĂ©quence d’un processus dĂ©gĂ©nĂ©ratif chronique de la paroi artĂ©rielle ; sa prĂ©- valence augmente donc avec l’ñge et avec le vieillissement de la population. Cinq Ă  10 % des sujets ĂągĂ©s de plus de 65 ans sont ainsi atteints par un AAA [1–4]. Les anĂ©vrismes aug- mentent de taille lentement jusqu’à un diamĂštre critique oĂč l’évolution prend alors une allure exponentielle. La maladie anĂ©vrismale reste cependant, bien souvent asymptomatique jusqu’à la rupture. Le risque de rupture augmente avec le dia- mĂštre de l’AAA [5]. La mortalitĂ© pĂ©riopĂ©ratoire des AAA rompus peut atteindre jusqu’à 60 % des patients ce qui justi- ïŹe une chirurgie rĂ©glĂ©e de l’AAA dĂšs que le diamĂštre est supĂ©rieur Ă  50 mm. La mortalitĂ© pĂ©riopĂ©ratoire d’une chirur- gie Ă  froid se situe aux environs de 5 % mais reste supĂ©rieure Ă  2 % mĂȘme dans les centres les plus expĂ©rimentĂ©s ou dans les Ă©tudes les plus rĂ©centes. Cependant, des chiffres de mor- talitĂ© supĂ©rieurs Ă  5 % sont observĂ©s dans les centres effec- tuant moins de 50 interventions rĂ©glĂ©es de l’AAA par an et/ou avec des chirurgiens opĂ©rant annuellement un faible nombre d’AAA [6]. Les facteurs de risque identiïŹĂ©s de la maladie anĂ©vrismale sont ceux des maladies cardiovasculaires ou plus prĂ©cisĂ©ment l’ñge, le sexe masculin, le tabagisme, l’hyperten- sion, l’hypercholestĂ©rolĂ©mie et les antĂ©cĂ©dents familiaux d’anĂ©vrismes [1–4,7,8]. La prĂ©valence de l’insufïŹsance coro- naire sĂ©vĂšre chez les malades opĂ©rĂ©s d’un AAA s’élĂšve alors Ă  plus de 30 % [9–11]. La prĂ©sence de lĂ©sions athĂ©romateu- ses souvent diffuses justiïŹe ainsi une prise en charge particu- liĂšre de ces patients aussi bien avant l’acte d’anesthĂ©sie qu’aprĂšs la cure d’un AAA. 2. PrĂ©paration du patient Ă  l’intervention : stratĂ©gie prĂ©opĂ©ratoire Les patients opĂ©rĂ©s d’une chirurgie de l’AAA nĂ©cessitent une approche multidisciplinaire du fait des nombreuses patho- logies associĂ©es Ă  la maladie anĂ©vrismale de l’aorte. 2.1. Évaluation cardiaque L’évaluation cardiaque prĂ©opĂ©ratoire est une Ă©tape fonda- mentale pour les patients opĂ©rĂ©s d’une chirurgie pour AAA. La prĂ©vention du risque cardiaque passe avant tout par l’éva- luation soigneuse de l’état cardiovasculaire du patient au moyen d’index cliniques et d’explorations limitĂ©es.Au terme de cette Ă©valuation, le praticien doit dĂ©cider d’une prĂ©para- tion qui repose gĂ©nĂ©ralement sur une optimisation du traite- ment mĂ©dicamenteux ou sur un traitement mĂ©dicamenteux prĂ©ventif spĂ©ciïŹque, Ă©tabli en collaboration avec le chirur- gien et le cardiologue. Le recours Ă  un geste de revasculari- sation devient actuellement de moins en moins frĂ©quent car le bĂ©nĂ©ïŹce d’une revascularisation myocardique n’est pas supĂ©rieur Ă  celui d’une chirurgie vasculaire rĂ©alisĂ©e sous bĂȘta- bloquant, aspirine et statine [12]. L’évaluation du risque car- diaque chez les patients programmĂ©s pour une chirurgie majeure a fait l’objet de plusieurs synthĂšses [13,14]. L’incidence Ă©levĂ©e des infarctus du myocarde (IdM) pĂ©rio- pĂ©ratoires et des dĂ©cĂšs de cause cardiaque chez les patients de chirurgie vasculaire est attribuĂ©e Ă  l’importante prĂ©va- lence de la maladie coronarienne [15]. Plus d’un patient sur trois programmĂ© pour une cure chirurgicale d’un AAA prĂ©- sente une coronaropathie sĂ©vĂšre [9–11]. Le taux de mortalitĂ© aprĂšs la survenue d’un IdM postopĂ©ratoire est supĂ©rieur Ă  20 % et le risque de dĂ©cĂšs aprĂšs IdM est dix fois plus Ă©levĂ© que le risque de dĂ©cĂšs aprĂšs toute autre complication posto- pĂ©ratoire [15]. Moins de 10 % des patients de chirurgie vas- culaire ont des artĂšres coronaires normales et plus de 50 % ont une insufïŹsance coronaire sĂ©vĂšre [16]. Dans cette popu- lation, la prĂ©valence des complications cardiaques pĂ©riopĂ©ra- toires est de plus de 10 %, celle de l’IdM est selon la littĂ©ra- ture d’environ 4 % et la mortalitĂ© cardiaque avoisine 2 % [17,18]. 2.1.1. Échelles de risque Des Ă©chelles de risque fondĂ©es sur des donnĂ©es cliniques et paracliniques simples ont Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©es dans le but d’éva- luer rapidement un malade Ă  risque de complications cardia- ques postopĂ©ratoires. L’échelle de Goldman a Ă©tĂ© utilisĂ©e pen- dant plus de 30 ans pour Ă©valuer le risque cardiaque des patients opĂ©rĂ©s [19] ; ce score a Ă©tĂ© Ă©tabli sur un mĂ©lange hĂ©tĂ©roclite de critĂšres cliniques et paracliniques et n’a pris en compte qu’une population Ă  faible risque cardiovasculaire [19]. Lee et al. ont rĂ©cemment proposĂ© une Ă©chelle simpliïŹĂ©e pour Ă©valuer le risque cardiaque chez les patients ĂągĂ©s de plus de 50 ans, opĂ©rĂ©s d’une chirurgie majeure non urgente. Son Ă©valuation s’est fondĂ©e sur une population de 4315 patients. Une complication cardiaque majeure (IdM, ƓdĂšme aigu du poumon, ïŹbrillation ventriculaire ou arrĂȘt cardiaque) est sur- venue chez 2 % des patients. Six facteurs de risque de poids quasi-Ă©quivalent, ont Ă©tĂ© indĂ©pendamment associĂ©s Ă  une aug- mentation du risque cardiaque : chirurgie Ă  haut risque (chi- rurgie pour AAA, chirurgie thoracique, chirurgie digestive), cardiopathie ischĂ©mique, antĂ©cĂ©dent d’insufïŹsance cardia- que, antĂ©cĂ©dent d’accident vasculaire cĂ©rĂ©bral, traitement par insuline et taux de crĂ©atinine plasmatique supĂ©rieure Ă  177 ”mol/l ou supĂ©rieur Ă  20 mg/l [20] ; les complications associĂ©es Ă  la prĂ©sence d’un, deux, trois ou plus de trois fac- teurs Ă©taient respectivement de 0,4, 1,9, 7 et 11 %. Finale- 159E. Marret et al. / Annales Françaises d’AnesthĂ©sie et de RĂ©animation 25 (2006) 158–179
  • 3. ment, l’American College of Cardiology et l’American Heart Association (ACC/AHA) ont dĂ©ïŹni trois classes de risques cardiovasculaires (Tableau 1). Les patients prĂ©sentant des cri- tĂšres cliniques intermĂ©diaires doivent bĂ©nĂ©ïŹcier d’une Ă©va- luation cardiaque. Quant aux malades prĂ©sentant des critĂšres majeurs, la prise en charge cardiologique de ces symptĂŽmes prime sur l’indication opĂ©ratoire de l’AAA. L’évaluation cli- nique de ces patients est un temps fondamental de l’évalua- tion prĂ©opĂ©ratoire car il va guider la rĂ©alisation ou non d’exa- mens complĂ©mentaires (Fig. 1). 2.1.2. Tests non invasifs Plusieurs tests non invasifs cardiaques ont Ă©tĂ© Ă©valuĂ©s dans le but de stratiïŹer les patients Ă  risque et de diminuer leur risque par une thĂ©rapeutique ciblĂ©e. L’épreuve d’effort (EE) a Ă©tĂ© validĂ©e pour dĂ©pister une insufïŹsance coronarienne avec un faible coĂ»t dans une population donnĂ©e. Toutefois, une proportion non nĂ©gligeable de patients n’atteint pas les frĂ©- quences cardiaques maximales qui autorisent le diagnostic de l’ischĂ©mie myocardique [21]. De plus, certaines patholo- gies de l’appareil locomoteur ainsi que les artĂ©riopathies obli- tĂ©rantes des membres infĂ©rieurs ne permettent pas la rĂ©alisa- tion de cet examen. La nĂ©gativitĂ© d’une EE Ă  au moins 85 % de la frĂ©quence maximale thĂ©orique dĂ©termine une popula- tion avec un moindre risque cardiovasculaire [22] mais son degrĂ© reste d’évaluation difïŹcile ; un travail a montrĂ© que les patients ayant une EE positive prĂ©sentaient un risque cardio- vasculaire cinq fois plus important mais cela n’a pas Ă©tĂ© conïŹrmĂ© par d’autres Ă©tudes plus larges, tout cela confĂ©rant une faible valeur prĂ©dictive positive pour ce test [23,24]. La scintigraphie au thallium–dipyridamole (TD) permet d’étudier l’ischĂ©mie myocardique et la viabilitĂ© du myocarde sous-jacent. La valeur de cet examen pour Ă©valuer le risque peropĂ©ratoire du malade de chirurgie vasculaire reste trĂšs dĂ©battue [25]. Lorsqu’elle est corrĂ©lĂ©e Ă  certains facteurs cli- niques (Ăąge avancĂ©, diabĂšte, angor, ESV, ondes Q de nĂ©crose sur l’ECG), son intĂ©rĂȘt est grandement rehaussĂ© [26]. L’enregistrement ambulatoire du segment ST (holter) per- met de dĂ©tecter la prĂ©sence d’une ischĂ©mie myocardique en prĂ©opĂ©ratoire avec un coĂ»t trois fois moins Ă©levĂ©. Cet exa- men a une prĂ©dictibilitĂ© d’autant meilleure qu’il est rĂ©alisĂ© chez les patients prĂ©sĂ©lectionnĂ©s. Il permet la dĂ©tection d’ischĂ©mies silencieuses qui sont de façon gĂ©nĂ©rale, de mau- vais pronostic. DiffĂ©rentes Ă©tudes ont montrĂ© que cet examen est hautement spĂ©ciïŹque et Ă©galement trĂšs sensible chez les patients de chirurgie vasculaire [27–31]. Toutefois, il n’est pas rĂ©alisable chez tous les patients (50 %) comme ceux ayant des anomalies de l’ECG de repos (bloc de branche gauche complet, pacemaker, imprĂ©gnation digitalique) et contraire- ment Ă  la scintigraphie au TD, le degrĂ© d’ischĂ©mie n’est pas quantiïŹable. Cet examen est ainsi trĂšs rarement utilisĂ© en pra- tique courante en France. L’échocardiographie de stress Ă  la dobutamine dĂ©tecte des troubles de la cinĂ©tique des parois, induits par une ischĂ©mie myocardique provoquĂ©e par un stress pharmacologique (dobu- tamine et atropine). Pour l’évaluation prĂ©opĂ©ratoire des patients de chirurgie vasculaire, l’échocardiographie de stress Ă  la dobutamine a une sensibilitĂ© proche de 85 % (intervalle de conïŹance Ă  95 % [IC 95 %] : 75–97 %) et une spĂ©ciïŹcitĂ© de 70 % [IC 95 % : 62–79 %] pour prĂ©dire la morbiditĂ© car- diaque pĂ©riopĂ©ratoire [31]. De plus, dans une cohorte de plus de 1000 patients opĂ©rĂ©s d’une chirurgie vasculaire majeure, Tableau 1 CritĂšres cliniques Ă©valuant le risque liĂ© au patient selon les recommanda- tions nord-amĂ©ricaines de l’ACC/AHA [14] CritĂšres cliniques Majeurs ‱ Syndromes coronariens instables (IdM rĂ©cent ou angor instable) ‱ InsufïŹsance cardiaque dĂ©compensĂ©e ‱ Arythmies signiïŹcatives (BAV de haut grade, arythmies ventriculaires symptomatiques et arythmies supraventriculaires sans contrĂŽle ventricu- laire) ‱ Pathologie valvulaire sĂ©vĂšre IntermĂ©diaires ‱ Angor stable ‱ AntĂ©cĂ©dent d’IdM ‱ InsufïŹsance cardiaque compensĂ©e ‱ DiabĂšte ‱ InsufïŹsance rĂ©nale Mineurs ‱ Aˆ ge avancĂ© ‱ Anomalies ECG (HVG, BBG, anomalies du segment ST et de l’onde T) ‱ Rythme non sinusal ‱ Faible capacitĂ© fonctionnelle ‱ AntĂ©cĂ©dent d’AVC ‱ HTA non contrĂŽlĂ©e CapacitĂ© fonctionnelle < 4 MET Manger, s’habiller, marcher autour de la maison, faire la vaisselle > 4 MET Monter un Ă©tage, courir sur une courte distance, marcher sur du plat Ă  6 km/h, danser, faire un golf. MET : indicateur mĂ©tabolique Ă©quivalent. Fig. 1. Arbre dĂ©cisionnel pour l’évaluation du risque cardiaque avant une chirurgie pour anĂ©vrisme de l’aorte abdominale selon les recommandations de l’ACC/AHA [14] et prise en charge prĂ©opĂ©ratoire. La prescription de bĂȘtabloquants avec un objectif de frĂ©quence cardiaque pĂ©riopĂ©ratoire (FC ≀ 80 b/min) est une alternative possible Ă  la revascularisation myocar- dique en cas de test non invasif positif. 160 E. Marret et al. / Annales Françaises d’AnesthĂ©sie et de RĂ©animation 25 (2006) 158–179
  • 4. l’apparition d’une cinĂ©tique anormale lors de cet examen de stress dans une population ayant des facteurs de risque clini- que de coronaropathie Ă©tait un facteur de risque indĂ©pendant important associĂ©e Ă  une augmentation de la morbimortalitĂ© postopĂ©ratoire [32]. L’échocardiographie de stress a la sen- sibilitĂ© la plus Ă©levĂ©e dans une mĂ©ta-analyse rĂ©cente incluant plus de 8000 patients opĂ©rĂ©s d’une chirurgie vasculaire majeure [31]. Une autre mĂ©ta-analyse a montrĂ© la supĂ©rioritĂ© de l’échographie de stress Ă  la dobutamine comme facteur prĂ©dictif de morbiditĂ© cardiaque (RR = 6,2) par rapport Ă  la scintigraphie au TD (RR = 4,6), Ă  la mesure isotopique du ventricule gauche (VG) (RR = 3,7) et Ă  l’ECG ambulatoire (RR = 2,7) [33]. L’échocardiographie de stress a ainsi la valeur prĂ©dictive nĂ©gative la plus Ă©levĂ©e (Ă©gale Ă  99 % [IC 95 % : 93–100 %]). Sa valeur prĂ©dictive positive n’est que de 13 % (IC95 % = 7–21 %) [18]. La mesure isotopique de la fractionVG procure une mesure prĂ©cise de la fonction ventriculaire gauche au repos ou Ă  l’effort. Elle est selon certains auteurs, un facteur prĂ©dictif indĂ©pendant de morbiditĂ© cardiaque pĂ©riopĂ©ratoire [34]. Cependant, cette technique est moins prĂ©dictive que l’écho- cardiographie de stress Ă  la dobutamine et la scintigraphie myocardique pour prĂ©voir les complications cardiaques en chirurgie vasculaire. Au terme de ces examens d’effort non invasifs, le test d’évaluation cardiaque peut ĂȘtre nĂ©gatif. D’une maniĂšre gĂ©nĂ©- rale, les tests cardiaques non invasifs ont une trĂšs bonne valeur prĂ©dictive nĂ©gative du risque de complications cardiovascu- laires. Autrement dit, le risque cardiaque est minime s’ils ne mettent pas en Ă©vidence d’ischĂ©mie myocardique [35]. Si le test est positif, il faut alors adapter la prĂ©paration du patient, avec des modalitĂ©s diffĂ©rentes en fonction de l’urgence de l’acte opĂ©ratoire. Ainsi, les tests non invasifs ne deviennent pertinents pour Ă©valuer le risque cardiaque que lorsqu’ils ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s dans une population Ă  risque intermĂ©diaire et non de maniĂšre systĂ©matique [14,17,36]. Le choix du test non inva- sif (scintigraphie, Ă©chographie de stress, ECG d’effort) repose sur la capacitĂ© du patient Ă  rĂ©aliser un exercice physique, les ressources techniques locales et les prĂ©fĂ©rences de l’équipe mĂ©dicale. En chirurgie vasculaire, l’échocardiographie de stress et la scintigraphie au thallium sensibilisĂ©e par la per- santine sont les tests non invasifs les plus utilisĂ©s. 2.1.3. StratĂ©gie prĂ©opĂ©ratoire La prĂ©sence d’une ischĂ©mie myocardique postopĂ©ratoire est le facteur de risque le plus important de complications cardiaques [30,37]. La diminution de l’ischĂ©mie myocardi- que pĂ©riopĂ©ratoire et postopĂ©ratoire par une stratĂ©gie inter- ventionnelle (angioplastie transluminale (ATL) coronarienne ou chirurgie cardiaque) ou mĂ©dicamenteuse (bĂȘtabloquants ± statine et aspirine) sont deux attitudes actuellement validĂ©es chez les patients opĂ©rĂ©s d’une chirurgie vasculaire [12]. En effet, une Ă©tude rĂ©cente a randomisĂ©, vers soit une revascula- risation myocardique prĂ©opĂ©ratoire, ou vers soit un traite- ment mĂ©dical seul, des patients opĂ©rĂ©s d’une chirurgie vas- culaire majeure avec un tiers d’AAA [12]. Plus de 500 patients ayant tous au moins une stĂ©nose signiïŹcative sur une artĂšre coronaire ont ainsi Ă©tĂ© inclus (exclusion des patients ayant une stĂ©nose du tronc commun, d’un rĂ©trĂ©cissement aortique sĂ©vĂšre ou d’une insufïŹsance cardiaque sĂ©vĂšre). Aucune dif- fĂ©rence signiïŹcative n’a Ă©tĂ© observĂ©e entre les deux groupes aussi bien en terme de complications cardiaques ou de dĂ©cĂšs postopĂ©ratoires immĂ©diats (j30) que de survie Ă  distance (trois ans) [12]. De plus, la chirurgie cardiaque ou l’ATL, rĂ©alisĂ©e avant la chirurgie vasculaire, s’est compliquĂ©e d’une morta- litĂ© d’environ 2 % et d’un taux d’IdM d’environ 6 % La revas- cularisation myocardique par ATL ou pontage aortocoro- naire (PAC) avant une chirurgie n’avait Ă©tĂ© validĂ©e uniquement que sur des Ă©tudes rĂ©trospectives ou de cohortes avec les biais qui n’intĂ©graient pas le risque liĂ© Ă  l’acte de revascularisation notamment la mesure de la morbiditĂ© et la mortalitĂ© pĂ©riopĂ©- ratoire. D’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, ces Ă©tudes de cohorte avaient montrĂ© que les patients opĂ©rĂ©s aprĂšs revascularisation avaient un risque de complications cardiaques infĂ©rieur Ă  celui des patients n’ayant pas eu un geste de revascularisation [38–40]. De plus, la pose d’une endoprothĂšse coronaire avant une chi- rurgie n’est pas dĂ©nuĂ©e de risque. Kaluza a ainsi dĂ©crit le pronostic de 40 patients opĂ©rĂ©s dans les 40 jours aprĂšs la pose d’un stent [41]. Une chirurgie programmĂ©e dans les 14 jours aprĂšs la pose de la prothĂšse endocoronaire s’est accompa- gnĂ©e d’une mortalitĂ© de 32 % ; la cause principale du dĂ©cĂšs Ă©tant une thrombose du stent chez des patients ayant eu un arrĂȘt des AAP pour la chirurgie. EnïŹn, cette sĂ©rie rapportait aussi la survenue de complications hĂ©morragiques postopĂ©- ratoires liĂ©es Ă  la rĂ©alisation de la chirurgie sous agents anti- plaquettaires (AAP). Un dĂ©lai d’au moins six semaines est donc nĂ©cessaire aprĂšs la pose de l’endoprothĂšse pour dimi- nuer le risque des complications, soit thrombotique, soit hĂ©morragique [42]. En cas de pose d’une endoprothĂšse coro- naire recouverte de molĂ©cules visant Ă  diminuer le risque de restĂ©nose (sirolimus ou paclitaxel), le risque de thrombose du stent semble ĂȘtre plus important et plus retardĂ© que pour un stent classique lors de l’arrĂȘt desAAP [43,44]. La rĂ©endo- thĂ©lialisation plus tardive de l’endoprothĂšse pourrait expli- quer ce risque retardĂ© de thrombose. Le bĂ©nĂ©ïŹce de l’introduction des bĂȘtabloquants sur la mor- talitĂ© et la morbiditĂ© cardiovasculaire pĂ©riopĂ©ratoire a Ă©tĂ© Ă©va- luĂ© au cours des dix derniĂšres annĂ©es [45]. La survenue d’une ischĂ©mie myocardique est associĂ©e Ă  un risque Ă©levĂ© de com- plications cardiaques (IdM, troubles du rythme, insufïŹsance ventriculaire gauche) pendant la pĂ©riode postopĂ©ratoire [30,37]. De plus, la durĂ©e de l’ischĂ©mie semble ĂȘtre un fac- teur important dans la genĂšse de la nĂ©crose myocardique [46]. Autrement dit, une ischĂ©mie myocardique prolongĂ©e conduit plus frĂ©quemment Ă  une souffrance myocardique puis Ă  une lĂ©sion irrĂ©versible du tissu myocardique. Les causes d’ischĂ©- mie myocardique sont nombreuses en postopĂ©ratoire. Cepen- dant, la tachycardie semble ĂȘtre un des Ă©lĂ©ments importants responsable de l’ischĂ©mie myocardique postopĂ©ratoire [46,47]. L’efïŹcacitĂ© des bĂȘtabloquants ou des agonistes alpha- 2-adrĂ©nergiques pour prĂ©venir les complications cardiaques conïŹrment l’intĂ©rĂȘt de prĂ©venir les Ă©pisodes de tachycardie 161E. Marret et al. / Annales Françaises d’AnesthĂ©sie et de RĂ©animation 25 (2006) 158–179
  • 5. survenant en per- et postopĂ©ratoire. En effet, plusieurs Ă©tudes randomisĂ©es, contrĂŽlĂ©es, en double insu, ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es chez des patients opĂ©rĂ©s d’une chirurgie non cardiaque majeure. La plupart ont d’ailleurs inclus des patients opĂ©rĂ©s d’une chi- rurgie vasculaire [47–49]. Poldermans et al. ont montrĂ© que l’administration prĂ©opĂ©ratoire de 5 Ă  10 mg de bisoprolol (DĂ©tensielÂź , CardensielÂź , SoprolÂź ), dĂ©butĂ©e au moins sept jours avant l’intervention et poursuivie en postopĂ©ratoire, dans le but d’obtenir une frĂ©quence cardiaque basale infĂ©rieure Ă  60 b/min et une frĂ©quence cardiaque postopĂ©ratoire infĂ©- rieure Ă  80 b/min, rĂ©duisait la mortalitĂ© cardiovasculaire pĂ©rio- pĂ©ratoire aprĂšs une chirurgie vasculaire majeure [48]. Cepen- dant, les patients de l’étude de Poldermans constituaient une population Ă  haut risque de complications cardiovasculaires postopĂ©ratoires puisque tous avaient une Ă©chocardiographie de stress positive. Une diminution des complications cardio- vasculaires a Ă©tĂ© aussi observĂ©e avec l’administration pĂ©rio- pĂ©ratoire d’atĂ©nolol (TĂ©normineÂź 5 Ă  10 mg i.v. ou 50 Ă  100 mg per os) [50]. Une mĂ©ta-analyse a rĂ©cemment synthĂ©- tisĂ© l’effet des bĂȘtabloquants utilisĂ©s en pĂ©riopĂ©ratoire pour diminuer le risque cardiovasculaire. Le regroupement de 600 patients inclus dans huit Ă©tudes principalement rĂ©alisĂ©es en chirurgie vasculaire a ainsi permis de montrer leur efïŹca- citĂ© pour diminuer le risque d’infarctus du myocarde non fatal de 80 % (OR = 0,19 [0,08–0,48]) et de dĂ©cĂšs d’origine car- diovasculaire de 75 % (OR = 0,25 [0,09–0,73]) [51]. L’admi- nistration pĂ©riopĂ©ratoire des bĂȘtabloquants avec un objectif de frĂ©quence cardiaque pĂ©riopĂ©ratoire (FC < 60 b/min au repos et FC < 80 b/min en postopĂ©ratoire) constitue donc actuellement une stratĂ©gie permettant de rĂ©duire les compli- cations cardiaques postopĂ©ratoires aprĂšs chirurgie non car- diaque avec un bĂ©nĂ©ïŹce Ă  court et Ă  moyen terme [52]. L’ACC/AHA recommandent ainsi l’utilisation des bĂȘtablo- quants chez les patients ayant une ischĂ©mie myocardique lors d’un test non invasif [14]. Leur efïŹcacitĂ© est cependant limi- tĂ©e en prĂ©sence d’une ischĂ©mie Ă©tendue lors de la rĂ©alisation d’un test non invasif d’effort [32]. L’intĂ©rĂȘt des bĂȘtablo- quants chez des patients dont on ne sait pas s’ils ont une ischĂ©- mie rĂ©siduelle (mise en Ă©vidence par les tests non invasifs) reste incertain. La clonidine pourrait aussi diminuer les complications car- diaques pĂ©riopĂ©ratoires [53,54] mĂȘme si la plupart des Ă©tu- des ne montrent pas de supĂ©rioritĂ© par rapport au placebo [55]. Plusieurs synthĂšses mĂ©thodiques de la littĂ©rature ont cependant, montrĂ© que la clonidine et le mivazĂ©rol dimi- nuaient l’incidence de l’ischĂ©mie myocardique [51,55,56], de la survenue d’IdM [56] et des dĂ©cĂšs [51,56], notamment en chirurgie vasculaire [56]. Les alpha-2-agonistes peuvent ainsi prĂ©senter un intĂ©rĂȘt dans la chirurgie de l’aorte abdomi- nale ; leur place reste Ă  dĂ©ïŹnir notamment vis-Ă -vis des bĂȘta- bloquants. Ils reprĂ©sentent une alternative aux patients nĂ©ces- sitant un traitement par bĂȘtabloquants mais ayant une contre- indication Ă  ceux-ci. La prise quotidienne d’AAP permet une rĂ©duction annuelle de la mortalitĂ© cardiovasculaire chez les patients ayant des antĂ©cĂ©dents vasculaires (dĂ©cĂšs, infarctus du myocarde, acci- dent vasculaire cĂ©rĂ©bral) de 22 % [57]. Un arrĂȘt irrĂ©ïŹ‚Ă©chi d’un AAP en prĂ©opĂ©ratoire peut conduire Ă  une thrombose aiguĂ« [58,59]. Un arrĂȘt des AAP peut difïŹcilement se conce- voir chez un malade avec un angor instable ou prĂ©sentant des accidents ischĂ©miques cĂ©rĂ©braux rĂ©cidivants. De mĂȘme, une angioplastie coronaire avec la pose d’une prothĂšse endoco- ronaire classique impose la prise d’AAP pendant au moins six semaines. Dans les autres situations, le risque exact liĂ© Ă  l’arrĂȘt des AAP en pĂ©riopĂ©ratoire chez des coronariens iden- tiïŹĂ©s, est mal connu. Certaines sĂ©ries non contrĂŽlĂ©es suggĂš- rent que ce risque est loin d’ĂȘtre nul [58,60–62]. En cas d’arrĂȘt, la confĂ©rence d’experts organisĂ©e par la Sfar en 2001 conseille de prendre le relais de l’aspirine ou des thiĂ©nopyridines par du ïŹ‚urbiprofĂšne (CĂ©butidÂź 50 mg × 2/j) ou une hĂ©parine de bas poids molĂ©culaire administrĂ©e Ă  doses curatives que l’on arrĂȘtera 24 heures avant l’acte d’anesthĂ©sie ; la pĂ©riode sans AAP Ă©tant ainsi la plus courte possible [63]. Les statines ont montrĂ© leur efïŹcacitĂ© dans la prĂ©vention primaire et secondaire de l’infarctus du myocarde Ă  travers, notamment, l’amĂ©lioration du proïŹl lipidique plasmatique et la stabilisation de la plaque d’athĂ©rosclĂ©rose. Plusieurs Ă©tu- des ont rĂ©cemment montrĂ© une diminution des Ă©vĂ©nements cardiovasculaires pĂ©riopĂ©ratoires chez les patients recevant des statines en prĂ©opĂ©ratoire et opĂ©rĂ©s d’une chirurgie majeure non cardiaque [64–66]. Cet effet protecteur des statines sur la morbiditĂ© pĂ©riopĂ©ratoire semble persister mĂȘme chez les patients recevant des bĂȘtabloquants et opĂ©rĂ©s d’unAAA [67]. Finalement, une Ă©tude randomisĂ©e et rĂ©alisĂ©e chez 100 pa- tients opĂ©rĂ©s d’une chirurgie vasculaire a montrĂ© qu’un trai- tement par atorvastatine 20 mg vs placebo et initiĂ© en prĂ©- opĂ©ratoire permettait de diminuer les Ă©vĂ©nements cardiovasculaires de 70 % [68]. En conclusion, les donnĂ©es rĂ©centes de la littĂ©rature per- mettent de dire qu’une prise en charge prĂ©opĂ©ratoire par une stratĂ©gie interventionnelle est Ă©quivalente Ă  celle d’une stra- tĂ©gie mĂ©dicamenteuse (bĂȘtabloquants voire alpha-2-agonistes, aspirine et statine) [12,69]. Une revascularisation myocardi- que par ATL ou PAC semble toutefois prĂ©fĂ©rable chez les patients ayant une ischĂ©mie Ă©tendue lors d’un test d’effort cardiaque ou ayant un risque cardiaque Ă©levĂ© (Fig. 1) [32,70]. L’application des recommandations de l’ACC/AHA (Fig. 1 et Tableau 1) a ainsi permis d’amĂ©liorer la prise en charge des patients opĂ©rĂ©s de l’aorte avec un meilleur dĂ©pistage des patients Ă  haut risque et donc une augmentation des gestes de revascularisation coronaire prĂ©opĂ©ratoires, une diminution des complications cardiaques postopĂ©ratoires et une augmenta- tion de la survie sans Ă©vĂšnement intercurrent Ă  un an post- opĂ©ratoire [71]. 2.2. Évaluation respiratoire : prise en charge de la bronchopneumopathie chronique obstructive Le tabagisme est un facteur de risque important d’AAA et de bronchopneumopathie obstructive (BPCO). L’intoxica- tion tabagique et la prĂ©sence d’une BPCO augmentent signi- ïŹcativement les complications respiratoires postopĂ©ratoires 162 E. Marret et al. / Annales Françaises d’AnesthĂ©sie et de RĂ©animation 25 (2006) 158–179
  • 6. (atĂ©lectasies, bronchopneumopathies, ventilation prolongĂ©e) par un facteur pouvant aller jusqu’à 5 selon l’importance du tabagisme et de l’altĂ©ration de la fonction pulmonaire [72,73]. De mĂȘme, la prĂ©sence d’une BPCO est un facteur de risque indĂ©pendant de mortalitĂ© aprĂšs chirurgie de l’aorte [74]. L’évaluation respiratoire fait donc partie intĂ©grante de la consultation prĂ©opĂ©ratoire. Les rĂ©sultats fournis par les explo- rations fonctionnelles respiratoires et les gaz du sang sont moins contributifs que les donnĂ©es fournies par l’interroga- toire du patient ou son examen clinique (consommation supĂ©- rieure Ă  20 paquets-annĂ©e, toux importante, encombrement bronchique) [75]. Une prĂ©paration respiratoire est donc impor- tante, d’autant plus que la chirurgie pour AAA est une chi- rurgie Ă  haut risque de complications respiratoires postopĂ©- ratoires. En effet, un score Ă©valuant le risque de complications respiratoires postopĂ©ratoires, Ă©tabli Ă  partir d’une cohorte de plus de 300 000 opĂ©rĂ©s, attribue Ă  la chirurgie aortique un des niveaux de risque les plus Ă©levĂ©s [76,77]. La chirurgie pour AAA est ainsi la chirurgie qui induit le risque relatif le plus Ă©levĂ© pour les complications respiratoires postopĂ©ratoires [77]. Chez les patients ayant un encombrement bronchique, des sĂ©ances de kinĂ©sithĂ©rapie respiratoire (cinq Ă  dix sĂ©ances avec dĂ©sencombrement plus apprentissage de la respiration abdo- minodiaphragmatique et de l’accĂ©lĂ©ration du ïŹ‚ux expiratoire pour acquĂ©rir une expectoration efïŹcace) doivent ĂȘtre pres- crites dĂšs la phase prĂ©opĂ©ratoire. Le patient doit ainsi ĂȘtre informĂ© des risques induits par la poursuite de l’intoxication tabagique tout en sachant que le risque respiratoire ne dimi- nue rĂ©ellement qu’aprĂšs un sevrage supĂ©rieur Ă  huit semai- nes [78]. EnïŹn, la prĂ©sence d’une BPCO est un facteur de risque associĂ© Ă  une surmortalitĂ© aprĂšs cure chirurgicale d’un AAA [79]. 3. Prise en charge anesthĂ©sique L’anesthĂ©sie pour chirurgie rĂ©glĂ©e de la cure d’un AAA nĂ©cessite une bonne comprĂ©hension de la physiopathologie, une connaissance parfaite des temps chirurgicaux, une capa- citĂ© Ă  interprĂ©ter des donnĂ©es hĂ©modynamiques complexes et une gestion et un contrĂŽle hĂ©modynamique pharmacologi- que aguerris. 3.1. Approche chirurgicale par voie ouverte La chirurgie par voie ouverte reprĂ©sente Ă  l’heure actuelle le traitement classique ou conventionnel de la cure chirurgi- cale de l’AAA mĂȘme si le traitement par voie endoluminale est une technique de plus en plus utilisĂ©e. L’AAA peut ĂȘtre abordĂ©e par une voie transpĂ©ritonĂ©ale via une incision cuta- nĂ©e xipho–sous-ombilicale le plus souvent ou par une voie rĂ©tropĂ©ritonĂ©ale gauche.Aucune voie d’abord ne semble prĂ©- senter d’avantages dĂ©ïŹnitifs pour diminuer l’incidence des complications postopĂ©ratoires. Sur le plan respiratoire, deux Ă©tudes randomisĂ©es n’ont pas montrĂ© des bĂ©nĂ©ïŹces clairs [80,81]. L’élĂ©ment le plus important Ă  considĂ©rer semble ĂȘtre la longueur de la voie d’abord. Les complications cardia- ques, hĂ©morragiques, pariĂ©tales ou digestives ne semblent pas ĂȘtre inïŹ‚uencĂ©es par le type de voie d’abord. La cure chirur- gicale par voie cƓlioscopique plus ou moins assistĂ©e reste encore une technique en cours d’évaluation [82]. La mise Ă  plat chirurgicale de l’AAA est rĂ©alisĂ©e aprĂšs libĂ©ration de l’anĂ©vrisme et contrĂŽle des collets supĂ©rieurs et infĂ©rieurs, exclusion de l’AAA par mise en place des clamps vasculai- res, incision de l’anĂ©vrisme et Ă©vacuation du thrombus intra- anĂ©vrismal, ligature des oriïŹces des artĂšres lombaires, resti- tution de la continuitĂ© vasculaire par la mise en place d’une prothĂšse aorto-aortique ou bi-iliaque en dacron ou polytĂ©tra- ïŹ‚uoroĂ©thylĂšne, vĂ©riïŹcation de l’hĂ©mostase, fermeture du sac sur la prothĂšse puis rĂ©tropĂ©ritonisation. 3.2. Physiopathologie du clampage aortique La physiopathologie et les consĂ©quences hĂ©modynami- ques du clampage et dĂ©clampage de l’aorte abdominale sont complexes et dĂ©pendent de nombreux facteurs dont le niveau de clampage, l’état des artĂšres coronaires et la fonction myo- cardique du patient, l’existence d’une circulation collatĂ©rale, la volĂ©mie, l’activation du systĂšme sympathique et des agents et techniques anesthĂ©siques [83]. La plupart des pathologies chirurgicales de l’aorte abdominale nĂ©cessitent un niveau de clampage sous-rĂ©nal. Plus le niveau du clampage de l’aorte s’élĂšve, plus les rĂ©percussions hĂ©modynamiques sont impor- tantes, ainsi que le retentissement de l’hypoperfusion sur les organes vitaux [83]. 3.2.1. Clampage L’hypertension artĂ©rielle est la rĂ©ponse hĂ©modynamique la plus frĂ©quente lors du clampage de l’aorte quel que soit son niveau. Elle est plus marquĂ©e lors de la chirurgie pour AAA du fait d’une circulation collatĂ©rale moins dĂ©veloppĂ©e. L’augmentation de pression artĂ©rielle est due Ă  l’interruption brutale du ïŹ‚ux aortique. Le clampage de l’aorte augmente Ă©galement les pressions veineuse centrale, artĂ©rielle pulmo- naire et d’occlusion. En Ă©chographie cardiaque, on observe une diminution de l’aire tĂ©lĂ©diastolique et de la fraction d’éjec- tion ventriculaire gauche voire des anomalies segmentaires de la cinĂ©tique myocardique. Les rĂ©percussions hĂ©modyna- miques sont d’autant moins importantes que le clampage est distal. Elles sont mineures lors du clampage sous-rĂ©nal sauf chez les patients atteints d’une coronaropathie sĂ©vĂšre. Cela est liĂ© au phĂ©nomĂšne de redistribution de la masse sanguine : lorsque le chirurgien clampe l’aorte au-dessus du systĂšme splanchnique, il induit Ă  ce niveau une veinoconstriction ainsi qu’une redistribution sanguine des lits vasculaires distaux vers les lits vasculaires proximaux responsables d’une augmenta- tion majeure de la prĂ©charge (Tableau 2) [84]. Un cƓur avec une fonction normale est capable de suppor- ter d’importantes augmentations de la postcharge sans dys- fonction ou dilatation ventriculaire gauche signiïŹcative. Les patients opĂ©rĂ©s d’une chirurgie aortique ont souvent Ă  l’état basal une altĂ©ration de la contractilitĂ© myocardique ou une 163E. Marret et al. / Annales Françaises d’AnesthĂ©sie et de RĂ©animation 25 (2006) 158–179
  • 7. rĂ©serve coronarienne basse. Ainsi l’augmentation de la pres- sion intramyocardique provoquĂ©e par le clampage peut ĂȘtre responsable chez ces patients d’une hypoperfusion sous- endocardique, de dyskinĂ©sies segmentaires et d’une diminu- tion de la fraction d’éjection, mĂȘme si le clampage est infra- rĂ©nal [85]. Chez les 30 % de patients qui vont prĂ©senter des dyskinĂ©sies myocardiques lors des reconstructions aortiques sous-rĂ©nales, 66 % d’entre elles se produiront lors du clam- page [86]. Le dĂ©bit cardiaque est le plus souvent diminuĂ© lors du clampage de l’aorte. Les patients avec une insufïŹsance cardiaque et atteints d’une coronaropathie sont les plus exposĂ©s au stress et Ă  l’aug- mentation du travail myocardique induits par le clampage aor- tique. AïŹn de diminuer les consĂ©quences myocardiques du clampage aortique, certaines stratĂ©gies sont employĂ©es : dimi- nution de la postcharge et optimisation de la prĂ©charge. Des vasodilatateurs coronariens, des agents inotropes positifs ou chronotropes nĂ©gatifs sont utilisĂ©s selon les conditions de charge du ventricule gauche et la cardiopathie du patient. Les agents anesthĂ©siques volatiles, comme l’isoïŹ‚urane, qui prĂ©- sentent des propriĂ©tĂ©s vasodilatatrices peuvent ĂȘtre avanta- geusement utilisĂ©s pendant cette phase de l’anesthĂ©sie pour diminuer la postcharge et le travail myocardique [87]. D’autres agents vasodilatateurs titrĂ©s comme les inhibiteurs calciques (nicardipidine) peuvent ĂȘtre utilisĂ©s. Cependant, chez les patients ne prĂ©sentant pas de signes d’incompĂ©tence myocar- dique ou d’ischĂ©mie coronarienne pendant le clampage, une pression artĂ©rielle moyenne Ă©levĂ©e est tolĂ©rable. Les agents anesthĂ©siques cardiodĂ©presseurs sont Ă©vitĂ©s pendant le temps de clampage. 3.2.2. DĂ©clampage La rĂ©ponse hĂ©modynamique au dĂ©clampage dĂ©pend du niveau de clampage et de sa durĂ©e, de l’utilisation d’agents adjuvants et de la volĂ©mie du patient. La diminution de la pression artĂ©rielle est la rĂ©ponse hĂ©modynamique observĂ©e aprĂšs dĂ©clampage. Il existe parfois une hypotension artĂ©- rielle profonde. L’ischĂ©mie–reperfusion et l’hypovolĂ©mie relative qu’elle induit sont les mĂ©canismes principaux de cette hypotension. DiffĂ©rents mĂ©diateurs des tissus ischĂ©miques, comme l’acide lactique, la rĂ©nine, l’angiotensine, les radi- caux libres, les prostaglandines, des cytokines et d’autres pro- duits cardiodĂ©presseurs sont aussi impliquĂ©s dans la rĂ©ponse hĂ©modynamique au dĂ©clampage et jouent un rĂŽle dans les dysfonctions organiques observĂ©es. La prĂ©vention d’une hypotension signiïŹcative requiert une communication avec l’équipe chirurgicale, une connaissance de la technique chi- rurgicale et une maĂźtrise de l’utilisation des diffĂ©rents agents vasoactifs et des solutĂ©s de remplissage. Au moment du dĂ©clampage, il est essentiel que la correction du dĂ©ïŹcit liqui- dien prĂ©opĂ©ratoire, le maintien des apports et le remplace- ment des pertes sanguines peropĂ©ratoires aient Ă©tĂ© effectuĂ©s. Une volĂ©mie optimisĂ©e par un remplissage permet d’éviter les hypotensions artĂ©rielles sĂ©vĂšres. Le dĂ©clampage entraĂźne une baisse de la pression artĂ©rielle systĂ©mique d’autant plus sĂ©vĂšre que la volĂ©mie du patient est basse [88]. Les vasodi- latateurs, s’ils ont Ă©tĂ© utilisĂ©s pendant la phase de clampage, doivent ĂȘtre progressivement diminuĂ©s, voire arrĂȘtĂ©s. Un rem- plissage modĂ©rĂ© avant le dĂ©clampage de l’aorte sous-rĂ©nale permet de diminuer les consĂ©quences hĂ©modynamiques lors du dĂ©clampage ; il doit ĂȘtre plus important lorsque que le niveau est supracƓliaque. Effectuer un remplissage systĂ©ma- tique pendant le temps de clampage aïŹn de maintenir une pression veineuse centrale et capillaire pulmonaire Ă©levĂ©e peut conduire Ă  une hypervolĂ©mie et une transfusion excessive. Le retrait progressif du clamp par le chirurgien est une autre mesure pouvant aider au maintien d’une stabilitĂ© hĂ©modyna- mique. Les vasopresseurs sont rarement nĂ©cessaires aprĂšs dĂ©clampage de l’aorte sous-rĂ©nale mais souvent utiles pour des niveaux supĂ©rieurs en raison des phĂ©nomĂšnes d’ischĂ©mie– reperfusion dans le territoire splanchnique. Il faut toutefois rester vigilant aïŹn que l’emploi de vasopresseurs ne soit pas responsable de pics hypertensifs si un nouveau clampage est rĂ©alisĂ©. De plus, l’hypertension aprĂšs dĂ©clampage augmente le saignement et les lĂ©sions au niveau des anastomoses vas- culaires. 3.3. Monitorage pĂ©riopĂ©ratoire Le risque de saignement important et rapide lors de la chi- rurgie aortique ne doit pas ĂȘtre nĂ©gligĂ©. Il est classique de poser une voie veineuse centrale et une ou deux voies veineu- ses pĂ©riphĂ©riques de bon calibre. La voie centrale permet l’administration des substances vasoactives nĂ©cessitant une perfusion continue. La pose d’un cathĂ©ter artĂ©riel radial doit ĂȘtre systĂ©matique. La mise en place d’un cathĂ©ter artĂ©riel pul- monaire avec surveillance de la saturation veineuse en oxy- gĂšne voire du dĂ©bit cardiaque en continu n’est utile que chez les patients ayant une insufïŹsance cardiaque sĂ©vĂšre (fraction d’éjection du ventricule gauche infĂ©rieure 30 %) ou une insuf- ïŹsance rĂ©nale majeure. Une surveillance de la fonction car- diaque et de la volĂ©mie peut cependant ĂȘtre rĂ©alisĂ©e par d’autres techniques. Toutefois, aucune Ă©tude randomisĂ©e n’a mis en Ă©vidence de diffĂ©rence signiïŹcative quant Ă  la morbi- ditĂ© cardiaque avec un monitorage par cathĂ©ter artĂ©riel pul- monaire par rapport Ă  l’utilisation d’un cathĂ©ter veineux central [89,90]. L’échocardiographie transƓsophagienne bidi- mensionnelle (ETO) a Ă©tĂ© utilisĂ©e en peropĂ©ratoire pour Ă©va- Tableau 2 Variations (en pourcentage) des paramĂštres hĂ©modynamiques Ă©chocardio- graphiques lors d’une chirurgie pour AAA selon le niveau de clampage [84] Variations hĂ©modynamiques Niveau de clampage SuprarĂ©nal (%) InfrarĂ©nal (%) PAM +5 +2 PAPO +10 +0 STDVG +2 +9 STSVG +10 +11 FEVG –10 –3 DyskinĂ©sie myocardique +33 0 PAM : pression artĂ©rielle moyenne ; PAPO : pression artĂ©rielle pulmonaire d’occlusion ; STDVG : surface tĂ©lĂ©diastolique du ventricule gauche ; STSVG : surface tĂ©lĂ©systolique du ventricule gauche ; FEVG : fraction d’éjection du ventricule gauche. 164 E. Marret et al. / Annales Françaises d’AnesthĂ©sie et de RĂ©animation 25 (2006) 158–179
  • 8. luer la fonction ventriculaire gauche, guider le remplissage et diagnostiquer les ischĂ©mies myocardiques. En chirurgie de l’aorte abdominale, les surfaces tĂ©lĂ©diastoliques du ventri- cule gauche (STDVG), tĂ©lĂ©systolique du ventricule gauche (STSVG) et la fraction d’éjection du ventricule gauche obte- nues par une coupe du petit axe passant par les piliers mitraux, sont bien corrĂ©lĂ©es aux volumes et Ă  la fraction d’éjection ventriculaires gauches observĂ©s en angiographie avec injec- tion de nuclĂ©otides [91]. L’augmentation majeure de la STDVG et la chute de la fraction d’éjection, observĂ©es en ETO2D, aprĂšs clampage supracƓliaque ne sont pas dĂ©tec- tĂ©es par le cathĂ©tĂ©risme de l’artĂšre pulmonaire [84]. L’ETO permet Ă©galement de rĂ©vĂ©ler des anomalies de la cinĂ©tique segmentaire dont la corrĂ©lation avec des troubles de la perfu- sion coronaire est Ă©tablie et qui surviennent avant les modi- ïŹcations Ă©lectrocardiographiques. Toutefois, les anomalies cinĂ©tiques peropĂ©ratoires ont Ă©tĂ© peu corrĂ©lĂ©es Ă  l’incidence de complications cardiaques postopĂ©ratoires et les donnĂ©es de la littĂ©rature sont donc insufïŹsantes pour dĂ©ïŹnir la sensi- bilitĂ© et la spĂ©ciïŹcitĂ© des anomalies de la cinĂ©tique segmen- taire comme facteur prĂ©dictif d’accident coronarien pĂ©riopĂ©- ratoire [92,93]. L’ETO reste ainsi surtout un outil diagnostic devant une dĂ©faillance hĂ©modynamique plus qu’un moyen de monitorage hĂ©modynamique. Une surveillance Ă©lectrocardiographique continue avec sur- veillance du segment ST permet de diagnostiquer rapide- ment les Ă©pisodes d’ischĂ©mies myocardiques survenant chez les patients opĂ©rĂ©s d’un AAA pendant la pĂ©riode pĂ©riopĂ©ra- toire. La surveillance de deux dĂ©rivations (DII et V5) permet de dĂ©tecter 80 % des Ă©pisodes ischĂ©miques pĂ©riopĂ©ratoires chez les patients Ă  risque de coronaropathie [94]. Plus rĂ©cem- ment et en s’appuyant sur le dosage biologique de la tropo- nine Ic, il a Ă©tĂ© montrĂ© que la dĂ©rivation V4 (plutĂŽt que V5) augmentait la sensibilitĂ© du monitorage du segment ST (83 vs 75 %) pour dĂ©tecter une ischĂ©mie myocardique responsable d’un infarctus du myocarde chez les patients opĂ©rĂ©s d’une chirurgie vasculaire [95]. 3.4. Agents et techniques anesthĂ©siques La morbiditĂ© et la mortalitĂ© cardiaque en chirurgie aorti- que Ă©tant Ă©levĂ©es lors d’une chirurgie pour AAA, une atten- tion particuliĂšre doit ĂȘtre portĂ©e sur les facteurs inïŹ‚uençant le travail ventriculaire et la perfusion coronaire. Le maintien de la perfusion et du fonctionnement des organes vitaux via une stabilitĂ© hĂ©modynamique peropĂ©ratoire est plus important que le choix de telle technique ou de tel agent anesthĂ©sique. En gĂ©nĂ©ral, une anesthĂ©sie balancĂ©e utilisant des substances de courte durĂ©e d’action permet de s’adapter Ă  toutes situations. L’entretien de l’anesthĂ©sie est obtenu par l’association d’un morphinique et d’agents anesthĂ©siques halogĂ©nĂ©s ou intravei- neux. Le protoxyde d’azote a tendance Ă  diminuer le dĂ©bit cardiaque et la pression artĂ©rielle tout en augmentant les rĂ©sis- tances artĂ©rielles vasculaires. Une Ă©tude indique que chez les patients bĂ©nĂ©ïŹciant d’une chirurgie aortique abdominale, le protoxyde d’azote augmente les besoins en vasodilatateurs pour traiter une augmentation de pression capillaire pulmo- naire et une ischĂ©mie myocardique [96]. Il est important d’anticiper le rĂ©veil par une restauration de la circulation et d’une perfusion adĂ©quate des organes vitaux. Une homĂ©osta- sie hĂ©modynamique, mĂ©tabolique et une tempĂ©rature nor- male doivent ĂȘtre obtenues avant la fermeture cutanĂ©e dans la prĂ©vision d’une extubation rapide. Les pics hypertensifs et les Ă©pisodes de tachycardie doivent ĂȘtre absolument Ă©vitĂ©s lors du rĂ©veil par l’emploi d’agents de courte durĂ©e d’action comme l’esmolol ou d’autres vasodilatateurs comme les inhi- biteurs calciques (nicardipine) ou alphabloquant (urapidil) voire mĂȘme l’utilisation de substances d’action plus prolon- gĂ©e si la volĂ©mie est correcte (atĂ©nolol). L’ischĂ©mie myocar- dique survient ainsi dĂšs le rĂ©veil du patient opĂ©rĂ© pour AAA. Le contrĂŽle de la tempĂ©rature est primordial car l’hypother- mie postopĂ©ratoire est associĂ©e Ă  de nombreux effets indĂ©si- rables [97]. Le maintien d’une normothermie peropĂ©ratoire est un but des thĂ©rapeutiques au mĂȘme titre que l’optimisa- tion hĂ©modynamique. Cette mesure simple permet de dimi- nuer l’hĂ©morragie peropĂ©ratoire, les infections de paroi et les complications cardiaques postopĂ©ratoires [98]. 3.5. Antibioprophylaxie, stratĂ©gie transfusionnelle et anticoagulation Une antibioprophylaxie est recommandĂ©e chez les patients opĂ©rĂ©s d’une cure chirurgicale de l’AAA [99]. Une cĂ©phalos- porine de deuxiĂšme gĂ©nĂ©ration (cĂ©fazoline 2 g ou cĂ©faman- dole–cĂ©furoxime 1,5 g) ou un glycopeptide (vancomycine 15 mg/kg) en cas d’allergie Ă  la pĂ©nicilline doivent ainsi ĂȘtre administrĂ©s en prĂ©opĂ©ratoire, idĂ©alement lors de l’induction anesthĂ©sique. Des rĂ©injections peropĂ©ratoires sont nĂ©cessai- res lors de l’utilisation d’une cĂ©phalosporine : toutes les qua- tre heures avec une dose de 1 g si le choix s’est portĂ© pour de la cĂ©fazoline sinon toutes les deux heures Ă  la dose de 0,75 g. L’autotransfusion peropĂ©ratoire pendant la chirurgie aor- tique rĂ©duit l’exposition aux produits sanguins labiles et donc les risques de complications liĂ©es Ă  la transfusion [100]. Tou- tefois, le matĂ©riel est cher et son emploi nĂ©cessite d’ĂȘtre entraĂźnĂ© et expĂ©rimentĂ©, rĂ©servant son utilisation aux patients Ă  risque hĂ©morragique important [101]. L’utilisation de sys- tĂšmes rĂ©cupĂ©rateurs de sang Ă©panchĂ© permettant de traiter le sang en peropĂ©ratoire n’est donc pas obligatoire chez tous les patients [102] et seul le systĂšme rĂ©cupĂ©rateur est installĂ© dans un premier temps. Le volume de sang rĂ©cupĂ©rĂ© nĂ©cessaire pour pouvoir traiter sufïŹsamment de sang est, pour la chirur- gie vasculaire, supĂ©rieur Ă  700 ml. En cas d’hĂ©morragie impor- tante, il existe rapidement des troubles de l’hĂ©mostase favo- risĂ©s par l’utilisation de l’hĂ©parine en peropĂ©ratoire et la dilution des plaquettes et des facteurs de coagulation faisant suite Ă  l’utilisation rĂ©pĂ©tĂ©e de l’autotransfusion et au remplis- sage par colloĂŻdes ou cristalloĂŻdes. Dans cette situation, il faut avoir recours Ă  une transfusion de concentrĂ©s de plaquettes si le chiffre est infĂ©rieur Ă  50 × 109 /l et Ă  une transfusion de plasma frais congelĂ©. L’hĂ©parine est frĂ©quemment utilisĂ©e lors de la chirurgie de l’aorte. Cependant, le risque de thrombose d’une prothĂšse 165E. Marret et al. / Annales Françaises d’AnesthĂ©sie et de RĂ©animation 25 (2006) 158–179
  • 9. aortique est considĂ©rĂ© comme faible Ă  cause du ïŹ‚ux impor- tant qui traverse la prothĂšse. Une Ă©tude randomisĂ©e a ainsi Ă©valuĂ© l’intĂ©rĂȘt de l’hĂ©parinisation chez 284 patients opĂ©rĂ©s pour AAA. L’administration d’un bolus de 5000 UI d’HNF avant le clampage de l’aorte n’a pas diminuĂ© le risque de com- plications thrombotiques et hĂ©morragiques pĂ©riopĂ©ratoires. Cependant, le bĂ©nĂ©ïŹce de l’hĂ©parine est apparu vis-Ă -vis des IdM mortels (1,4 vs 5,7 % ; p < 0,05) et non mortels (2,0 vs 8,5 %, p < 0,05) [103]. En postopĂ©ratoire, l’hĂ©parine ne doit ĂȘtre prescrite qu’à des doses prophylactiques sauf indication chirurgicale particuliĂšre. 3.6. Fonction rĂ©nale et protection La survenue d’une insufïŹsance rĂ©nale aiguĂ« (IRA) aprĂšs une chirurgie rĂ©glĂ©e de l’AAA est associĂ©e Ă  une mortalitĂ© importante pouvant atteindre plus de 40 % [104,105]. La prĂ©- servation de la fonction rĂ©nale revĂȘt donc un intĂ©rĂȘt tout par- ticulier lors d’une chirurgie rĂ©glĂ©e pourAAA. La diurĂšse per- opĂ©ratoire est un mauvais facteur prĂ©dictif de la fonction rĂ©nale postopĂ©ratoire [106] et donc un mauvais reïŹ‚et de la perfusion rĂ©nale. En effet, le clampage de l’aorte, mĂȘme sous- rĂ©nal, provoque une diminution du ïŹ‚ux sanguin rĂ©nal et une redistribution du ïŹ‚ux intrarĂ©nal vers la mĂ©dullaire rĂ©nale [107,108]. Ces altĂ©rations hĂ©modynamiques persistent aprĂšs dĂ©clampage et le blocage sympathique rĂ©nal par une anesthĂ©- sie pĂ©ridurale haute ne les modiïŹe pas. L’institution prĂ©opĂ©- ratoire d’un traitement par inhibiteur de l’enzyme de conver- sion n’amĂ©liore ni la perfusion rĂ©nale ni la ïŹltration glomĂ©rulaire. Certains auteurs ont mĂȘme montrĂ© que les IEC pouvaient entraĂźner une dysfonction rĂ©nale aprĂšs chirurgie de l’aorte [109]. La nĂ©crose tubulaire aiguĂ« est impliquĂ©e dans la plupart des insufïŹsances rĂ©nales observĂ©es aprĂšs chirurgie aortique. Elle est multifactorielle : hypovolĂ©mie, emboles rĂ©naux de cholestĂ©rol et traumatisme chirurgical des artĂšres rĂ©nales. L’utilisation peropĂ©ratoire de dopamine ou de diurĂ©- tique de l’anse est une pratique frĂ©quente bien qu’aucune Ă©tude n’ait dĂ©montrĂ© les propriĂ©tĂ©s de protection rĂ©nale de ces agents lors de la chirurgie aortique [110]. Des travaux rĂ©cents sug- gĂ©rĂšrent un rĂŽle bĂ©nĂ©ïŹque des agents antioxydants [111,112]. Nicholson et al. ont montrĂ© que l’utilisation de mannitol avant le clampage lors d’une cure chirurgicale d’unAAA, rĂ©duisait les lĂ©sions rĂ©nales glomĂ©rulaires et tubulaires [111]. Les actions protectrices potentielles du mannitol incluent la diu- rĂšse osmotique, la diminution des rĂ©sistances rĂ©novasculai- res qui amĂ©liorent le ïŹ‚ux sanguin cortical et mĂ©dullaire, l’effet antiradical libre et l’augmentation du taux de ïŹltration glo- mĂ©rulaire pendant l’hypoperfusion rĂ©nale [113]. La plupart des travaux montrent que l’optimisation hĂ©mo- dynamique notamment de la volĂ©mie, est la plus efïŹcace des stratĂ©gies pour prĂ©venir l’IRA aprĂšs chirurgie pour AAA. En prĂ©opĂ©ratoire immĂ©diat, les patients ont souvent une volĂ©mie diminuĂ©e par le jeĂ»ne et la prĂ©paration colique. Le degrĂ© d’insufïŹsance rĂ©nale prĂ©opĂ©ratoire [109], l’étendue de la reconstruction aortique, la durĂ©e du clampage et la sĂ©vĂ©ritĂ© de l’athĂ©rosclĂ©rose artĂ©rielle rĂ©nale sont les facteurs de ris- que principaux du dĂ©veloppement d’une insufïŹsance rĂ©nale postopĂ©ratoire. 4. AnalgĂ©sie postopĂ©ratoire La chirurgie ouverte de l’aorte abdominale est une chirur- gie sus- et sous-ombilicale. À ce titre, cette chirurgie s’accom- pagne de douleurs postopĂ©ratoires sĂ©vĂšres. Les douleurs au repos sont en effet Ă©valuĂ©es par le patient entre 6 et 7/10 Ă  l’aide d’une Ă©chelle visuelle analogique (EVA). Les doses de morphiniques dĂ©livrĂ©es Ă  la demande sont importantes aprĂšs une chirurgie de l’aorte, avec des consommations moyennes en morphine de 120 mg pendant les 48 premiĂšres heures [114]. MalgrĂ© ces fortes doses, les douleurs sont ressenties par les patients comme ayant une intensitĂ© moyenne Ă  sĂ©vĂšre notam- ment lors des mouvements [114]. MĂȘme si les techniques d’analgĂ©sie postopĂ©ratoire permettent de soulager sufïŹsam- ment la douleur postopĂ©ratoire, elles ne prĂ©sentent pas les mĂȘmes effets secondaires ou « collatĂ©raux » sur les diffĂ©rents organes comme le poumon, le cƓur ou l’appareil digestif. Ceux-ci ont ainsi guidĂ© le choix des techniques d’analgĂ©sie postopĂ©ratoire aprĂšs chirurgie de l’aorte pendant de nombreu- ses annĂ©es. Cependant, l’application de la mĂ©decine fondĂ©e sur les preuves (evidence based medicine) [115,116] et les nouvelles approches de la prise en charge postopĂ©ratoire des patients opĂ©rĂ©s d’une chirurgie vasculaire [32] ont permis de mieux situer la place des diffĂ©rentes techniques d’analgĂ©sie postopĂ©ratoire aprĂšs la chirurgie de l’aorte. 4.1. AnalgĂ©sie intraveineuse L’une des techniques de rĂ©fĂ©rence pour l’analgĂ©sie aprĂšs chirurgie de l’aorte abdominale est l’administration intravei- neuse de morphine sur un mode autocontrĂŽlĂ© par le patient (PCA) [114,115]. Son utilisation frĂ©quente se justiïŹe par sa facilitĂ© de mise en place, sa simplicitĂ© d’utilisation et son fai- ble coĂ»t global (en matĂ©riel et en moyen humain). Elle per- met, de plus, de rĂ©pondre en grande partie Ă  la variabilitĂ© dans le temps de la douleur postopĂ©ratoire mais aussi Ă  la variabi- litĂ© interindividuelle de la sensation douloureuse. L’analgĂ©- sie au repos est ainsi satisfaisante. Cela est souvent objectivĂ© par les scores de douleur infĂ©rieurs Ă  3/10 avec la PCA dans les Ă©tudes sur la chirurgie de l’aorte [114,115]. En consĂ©- quence, cette technique est souvent bien acceptĂ©e par les patients avec des taux de satisfaction voisins de 90 % [117,118]. Cependant, la PCA souffre de plusieurs limita- tions. Son efïŹcacitĂ©, Ă©valuĂ©e par l’EVA, est infĂ©rieure aux techniques d’analgĂ©sie pĂ©rimĂ©dullaire [119]. Elle s’accom- pagne frĂ©quemment d’effets indĂ©sirables Ă  type de nausĂ©es– vomissements, de sĂ©dation, de dĂ©pression respiratoire, de pru- rit, d’ilĂ©us et de rĂ©tention d’urine. Ces complications peuvent alors interfĂ©rer avec les suites postopĂ©ratoires. Les nausĂ©es– vomissements associĂ©s Ă  une sĂ©dation, tout comme la prĂ©- sence prolongĂ©e d’une sonde d’aspiration nasogastrique en raison d’un ilĂ©us postopĂ©ratoire, peuvent augmenter l’inci- 166 E. Marret et al. / Annales Françaises d’AnesthĂ©sie et de RĂ©animation 25 (2006) 158–179
  • 10. dence des complications postopĂ©ratoires [120]. De plus, l’administration de morphine par voie systĂ©mique aprĂšs une chirurgie sus-mĂ©socolique peut ĂȘtre associĂ©e Ă  une altĂ©ration de la fonction respiratoire en postopĂ©ratoire plus importante qu’une analgĂ©sie pĂ©ridurale. La PCA reste une technique sim- ple, efïŹcace mais comportant rapidement des limites lors d’une chirurgie majeure ou se compliquant dans la pĂ©riode postopĂ©ratoire. Les antalgiques non morphiniques sont souvent utilisĂ©s aprĂšs la chirurgie de l’aorte abdominale dans le but de dimi- nuer la consommation de morphine et leurs effets secondai- res, supposĂ©s dose dĂ©pendante. De plus, l’analgĂ©sie est poten- tiellement renforcĂ©e grĂące Ă  l’action sur les diffĂ©rentes voies et composantes de la douleur [121]. L’association paracĂ©ta- mol–morphinique, frĂ©quemment utilisĂ©e en pratique clini- que, ne permet qu’une rĂ©duction modeste de la consomma- tion des morphiniques (25 Ă  46 %) sans amĂ©lioration des scores de douleur, ni de l’incidence des effets secondaires des morphiniques [122–125]. De plus, l’intĂ©ressante syner- gie de l’association AINS–morphine [126,127] notamment pour amĂ©liorer l’analgĂ©sie au mouvement, prĂ©sente quelques limites chez les patients opĂ©rĂ©s pour AAA. Les AINS restent classiquement Ă  utiliser avec prĂ©caution chez les patients aux antĂ©cĂ©dents de lĂ©sion gastroduodĂ©nale–pathologie que l’on rencontre frĂ©quemment chez les patients opĂ©rĂ©s de l’aorte. De plus, les facteurs de risque favorisant l’altĂ©ration de la fonction rĂ©nale sousAINS, comme l’insufïŹsance rĂ©nale chro- nique, l’insufïŹsance cardiaque, l’athĂ©rome rĂ©nal, sont frĂ©- quemment retrouvĂ©s chez les malades opĂ©rĂ©s d’un AAA. D’autres molĂ©cules comme le nĂ©fopam, le tramadol ou la kĂ©ta- mine peuvent aussi ĂȘtre utilisĂ©es dans ce concept d’analgĂ©sie balancĂ©e. Les donnĂ©es sur ces molĂ©cules prescrites avec une PCA, aprĂšs une chirurgie majeure, sont actuellement peu importantes. Leur effet d’épargne morphinique ne semble pas s’accompagner d’une diminution des effets secondaires des morphiniques. De plus, ils prĂ©sentent des effets indĂ©sirables similaires Ă  type de nausĂ©es–vomissements accompagnĂ©s, pour le nĂ©fopam, de sueurs et de tachycardie. EnïŹn, la cloni- dine administrĂ©e en intraveineux peut prĂ©senter un intĂ©rĂȘt dans le cadre d’une analgĂ©sie balancĂ©e aprĂšs la chirurgie de l’aorte, notamment chez les patients ayant une contre-indication aux bĂȘtabloquants. En plus de son effet Ă©pargne morphinique [128], la clonidine pourrait diminuer les complications car- diaques pĂ©riopĂ©ratoires [55,56]. 4.2. AnalgĂ©sie pĂ©ridurale en chirurgie aortique L’utilisation combinĂ©e d’une anesthĂ©sie gĂ©nĂ©rale asso- ciĂ©e Ă  une analgĂ©sie pĂ©ridurale pour la chirurgie aortique a reposĂ© sur un ensemble de travaux dĂ©montrant que l’anesthĂ©- sie pĂ©ridurale thoracique peut bloquer la rĂ©ponse neuroendo- crinienne au stress chirurgical. Ces travaux ont Ă©tĂ© ensuite Ă©tayĂ©s par plusieurs Ă©tudes ayant montrĂ© le bĂ©nĂ©ïŹce potentiel de l’anesthĂ©sie pĂ©ridurale thoracique en prĂ©sence d’une car- diopathie ischĂ©mique, qu’il s’agisse de modĂšles expĂ©rimen- taux ou d’études cliniques. En effet, de nombreuses Ă©tudes ont montrĂ© que l’anesthĂ©sie pĂ©ridurale thoracique exerce un effet protecteur sur l’ischĂ©mie myocardique liĂ©e au blocage sympathique [129–132]. Cette technique s’est ainsi prĂ©sen- tĂ©e comme l’une des techniques de choix pour assurer l’anal- gĂ©sie aprĂšs chirurgie de l’aorte Ă  la ïŹn des annĂ©es 1980. Par ailleurs, l’injection d’anesthĂ©siques locaux dans l’espace Ă©pi- dural en peropĂ©ratoire avait l’avantage de rĂ©duire la consom- mation d’agents anesthĂ©siques hypnotiques et analgĂ©siques et de ce fait de raccourcir la durĂ©e d’anesthĂ©sie et de ventila- tion postopĂ©ratoire. EnïŹn, plusieurs Ă©tudes se sont attachĂ©es Ă  dĂ©montrer que l’anesthĂ©sie pĂ©ridurale thoracique pouvait diminuer la survenue de complications postopĂ©ratoires aprĂšs chirurgie majeure chez les patients Ă  risque, notamment ceux opĂ©rĂ©s d’une chirurgie aortique. MalgrĂ© un certain nombre de donnĂ©es positives, l’utilisation combinĂ©e d’une anesthĂ©sie gĂ©nĂ©rale et d’une anesthĂ©sie pĂ©ridurale est quelque peu tom- bĂ©e en dĂ©suĂ©tude au cours des annĂ©es 1990. Plusieurs raisons peuvent expliquer cet Ă©tat de fait : la complexitĂ© relative de la procĂ©dure, les modiïŹcations de la pratique de l’anesthĂ©sie gĂ©nĂ©rale, les interfĂ©rences avec les traitements anticoagu- lants et AAP utilisĂ©s en pĂ©riopĂ©ratoire, l’utilisation concur- rentielle d’autres agents thĂ©rapeutiques ayant les mĂȘmes objectifs (ex : prĂ©vention de l’ischĂ©mie myocardique) tels que la clonidine [55] ou surtout les bĂȘtabloquants [48] et l’absence de preuve formelle de l’efïŹcacitĂ© de l’anesthĂ©sie et de l’anal- gĂ©sie pĂ©ridurale dans la prĂ©vention des complications cardia- ques postopĂ©ratoires [119,133,134]. Cependant, l’analgĂ©sie pĂ©ridurale semble avoir une place particuliĂšre aprĂšs chirur- gie de l’aorte [133,135]. 4.2.1. PrĂ©vention de l’ischĂ©mie myocardique et des complications cardiovasculaires per- et postopĂ©ratoires par l’analgĂ©sie pĂ©ridurale Plusieurs Ă©quipes ont tentĂ© d’évaluer si l’anesthĂ©sie pĂ©ri- durale thoracique combinĂ©e Ă  l’anesthĂ©sie gĂ©nĂ©rale pouvait rĂ©duire l’incidence de l’ischĂ©mie myocardique. Les rĂ©sultats sont contradictoires mais la majoritĂ© des Ă©tudes conclue Ă  l’absence d’effet signiïŹcatif de l’anesthĂ©sie pĂ©ridurale [114,136–138]. Une mĂ©ta-analyse incluant des Ă©tudes allant des annĂ©es 1980 Ă  2000 note cependant que la pose du cathĂ©- ter Ă  l’étage thoracique diminue le risque de complications cardiaques [134]. En ce qui concerne la morbiditĂ© postopĂ©- ratoire et plus spĂ©ciïŹquement la morbiditĂ© cardiovasculaire, le travail le plus citĂ© est aussi celui qui a fait l’objet des plus vives critiques [139] Par la suite, plusieurs groupes d’inves- tigateurs ont repris le mĂȘme objectif aprĂšs chirurgie aortique sans parvenir au mĂȘme rĂ©sultat (Tableau 3) [115,140–143]. Finalement, deux larges Ă©tudes multicentriques ont comparĂ© de maniĂšre randomisĂ©e une analgĂ©sie postopĂ©ratoire par pĂ©ri- durale ou par morphine administrĂ©e en PCA [119,133]. L’inclusion concernait les patients considĂ©rĂ©s comme Ă  ris- que de complications postopĂ©ratoires et devant ĂȘtre opĂ©rĂ©s d’une chirurgie majeure (chirurgie abdominale ou vasculaire pour la majoritĂ© des patients). Chez les patients opĂ©rĂ©s de l’aorte, une seule a mis en Ă©vidence une diminution des com- plications cardiaques (Tableau 3). Les patients soumis Ă  une 167E. Marret et al. / Annales Françaises d’AnesthĂ©sie et de RĂ©animation 25 (2006) 158–179
  • 11. chirurgie de l’aorte abdominale ont constituĂ© souvent un modĂšle privilĂ©giĂ© pour ce type d’étude, du fait de la forte prĂ©valence de la maladie coronaire et du type de chirurgie Ă  la fois stĂ©rĂ©otypĂ©e et relativement « lourde ». En outre, des traitements plus simples Ă  manier, comme les bĂȘtabloquants, ont fait la preuve de leur efïŹcacitĂ© de façon trĂšs convain- cante, tandis que le doute persistait quant Ă  celle de l’anes- thĂ©sie pĂ©ridurale [47,48,144]. 4.2.2. L’analgĂ©sie pĂ©ridurale permet de prĂ©venir les complications pulmonaires La chirurgie sus-ombilicale et sous-costale altĂšre la fonc- tion respiratoire en postopĂ©ratoire. Elle est essentiellement responsable d’une baisse de la capacitĂ© rĂ©siduelle fonction- nelle et d’une altĂ©ration de la dynamique diaphragmatique responsables d’atĂ©lectasies [145–147]. L’analgĂ©sie pĂ©ridu- rale n’a que peu d’effets directs sur l’altĂ©ration postopĂ©ra- toire de la fonction pulmonaire [148,149]. Cependant, plu- sieurs Ă©tudes suggĂšrent que l’analgĂ©sie postopĂ©ratoire Ă  l’aide d’un cathĂ©ter pĂ©ridural permette de diminuer l’incidence des complications respiratoires postopĂ©ratoires probablement grĂące Ă  l’excellente analgĂ©sie qu’elle procure lors des mou- vements [119,150]. Une mĂ©ta-analyse a conïŹrmĂ© que l’anal- gĂ©sie pĂ©ridurale diminue de plus de 50 % les atĂ©lectasies et les infections pulmonaires postopĂ©ratoires [150]. En chirur- gie de l’aorte, la plupart des Ă©tudes randomisĂ©es ne montrent pas de diffĂ©rence. Cependant, les deux Ă©tudes les plus rĂ©cen- tes incluant des patients ayant Ă  la fois des facteurs de comor- biditĂ© sĂ©vĂšre en prĂ©opĂ©ratoire et opĂ©rĂ©s d’une chirurgie aor- tique montrent une diminution signiïŹcative des complications respiratoires dans le groupe pĂ©ridural (Tableau 3) [133,135]. L’analgĂ©sie pĂ©ridurale thoracique a ainsi toute sa place dans la chirurgie aortique chez des patients Ă  haut risque de com- plications respiratoires. 4.2.3. Obstacles Ă  l’utilisation des techniques d’analgĂ©sie pĂ©rimĂ©dullaire en pĂ©riopĂ©ratoire d’une chirurgie de l’aorte Un des Ă©lĂ©ments qui conduit de plus en plus Ă  l’abandon de l’anesthĂ©sie pĂ©ridurale thoracique est la crainte de la sur- venue d’hĂ©matome pĂ©rimĂ©dullaire liĂ© Ă  l’administration conjointe d’un anticoagulant. Bien que cette complication soit extrĂȘmement rare (moins de 1/100 000), les consĂ©quences en sont sufïŹsamment sĂ©rieuses pour inviter Ă  la prudence. Parmi les facteurs de risque de survenue d’un hĂ©matome Ă©pidural, l’analyse des cas publiĂ©s permet de retenir, en plus de l’utili- sation des anticoagulants : une ponction rĂ©pĂ©tĂ©e et/ou trau- matique et la prĂ©sence d’un cathĂ©ter [151]. Ces Ă©lĂ©ments peu- vent ĂȘtre rĂ©unis lors de la rĂ©alisation d’une technique pĂ©ridurale thoracique qui est plus difïŹcile Ă  rĂ©aliser (notam- ment dans la rĂ©gion thoracique basse) qu’au niveau lom- baire. Le risque estimĂ© Ă  partir des donnĂ©es de pharmacovi- gilance est cependant variable. Il se situe aux environs 1/40 000 avec une rachianesthĂ©sie et de 1/3100 avec main- tien du cathĂ©ter pĂ©ridural postopĂ©ratoire et anticoagulation postopĂ©ratoire. L’association d’AAP et d’anticoagulant majore le risque d’hĂ©matome pĂ©rimĂ©dullaire. La confĂ©rence d’experts sur « agents antiplaquettaires et pĂ©riode pĂ©riopĂ©ra- toire » organisĂ©e par la Sfar en 2001 a conclu que l’aspirine ne contre-indique pas une ALR-rachidienne au cas par cas Tableau 3 Effet du type d’analgĂ©sie (pĂ©ridurale vs systĂ©mique) sur la morbiditĂ© et la mortalitĂ© aprĂšs chirurgie aortique Auteurs Technique analgĂ©sique DĂ©cĂšs Complications cardiaques Complications respiratoires Yeager et al. [139] AG (n = 25) 16 %* 52 %* 32 % AET AL et/ou M (n = 28) 0 % 14 % 11 % RR (IC 95 %) 0,1 (0,0–2,9) 0,3 (0,1–0,7) 0,3 (0,1–1,1) Garnett et al. [136] PCA (n = 51) 3,9 % 21,5 % 19,6 % AET AL + M (n = 48) 0 % 14,6 % 14,6 % RR (IC 95 %) 0,1 (0,0–7,2) 0,6 (0,2–2,5) 0,7 (0,2–1,9) Bois et al. [114] PCA (n = 59) 1,7 % 16,9 % NR AET AL+M (n = 55) 1,8 % 18,1 % NR RR (IC 95 %) 1,1 (0,1–12,5) 1,4 (0,7–2,9) Boylan et al. [138] PCA (n = 21) NR 9,5 % 0 % AEL (n = 19) NR 15,8 % 10,5 % RR (IC 95 %) 1,7 (0,3–8,9) 2,2 (0,2–22,5) Norris et al. [115] PCA (n = 80) 6,6 % 3,9 %† 2,7 %‡ AET AL + M (n = 88) 4,8 % 3,6 %† 1,2 %‡ RR (IC 95 %) 0,7 (0,2–2,5) 0,9 (0,2–4,3) 0,5 (0,1–4,9) Park et al. [133] PCA (n = 190) 2,6 % 17,9 %* 28,9 %* AE M seul(n = 184) 2,2 % 9,7 % 12,0 % RR (IC 95 %) 0,8 (0,2–2,9) 0,5 (0,3–0,9) 0,5 (0,3–0,8) Peyton et al. [135] PCA (n = 78) 5,1 % 18,0 % 52 %* AE AL + M(n = 86) 10,5 % 16,3 % 44 % RR (IC 95 %) 2,0 (0,7–6,0) 1,0 (0,7–1,3) 0,8 (0,6–0,99) Un tiers des patients de l’étude deYeager et al. sont opĂ©rĂ©s d’une chirurgie vasculaire majeure.AG = anesthĂ©sie gĂ©nĂ©rale;AE = anesthĂ©sie pĂ©ridurale thoracique (T) ou lombaire (L); NR = donnĂ©es non rapportĂ©es ; AL= anesthĂ©sique local ; M = morphinique ; RR = risque relatif ; IC 95 % = Intervalle de conïŹance Ă  95 %. *p < 0,05 ; † infarctus du myocarde ; ‡ pneumopathie. 168 E. Marret et al. / Annales Françaises d’AnesthĂ©sie et de RĂ©animation 25 (2006) 158–179
  • 12. si l’on considĂšre que le bĂ©nĂ©ïŹce de l’ALR-rachidienne est supĂ©rieur au trĂšs faible risque d’hĂ©matome mĂ©dullaire, Ă  la condition que le patient n’ait reçu aucun traitement anti- coagulant avant la ponction. 4.3. RachianalgĂ©sie La dĂ©couverte de rĂ©cepteurs aux opioĂŻdes au niveau de la corne postĂ©rieure de la moelle dans les annĂ©es 1960 a permis de dĂ©velopper une nouvelle voie d’administration de la mor- phine [152]. Cependant, cette technique qui permettait d’obte- nir une analgĂ©sie postopĂ©ratoire extrĂȘmement efïŹcace ne s’est pas rĂ©pandue rapidement Ă  cause de ses effets indĂ©sirables [153,154]. L’intĂ©rĂȘt de la rachianalgĂ©sie a Ă©tĂ© rĂ©cemment remis au goĂ»t du jour par une diminution du risque de dĂ©pres- sion respiratoire de cette technique (diminution des doses de morphiniques) et un dĂ©lai d’action court avec une durĂ©e d’action prolongĂ©e grĂące Ă  l’administration conjuguĂ©e en intrathĂ©cal d’un morphinique liposoluble (sufentanil par exemple) et d’un morphinique hydrosoluble (morphine). Cette double association permet, aprĂšs une chirurgie majeure, une analgĂ©sie efïŹcace dĂšs les premiĂšres minutes postopĂ©ratoires grĂące au dĂ©lai d’action rapide que procure le sufentanil admi- nistrĂ© en intrathĂ©cal et prolongĂ©e sur environ une vingtaine d’heures grĂące Ă  la longue durĂ©e d’action de la morphine ; le LCR servant de rĂ©servoir Ă  morphine. Des doses de 20 Ă  50 ”g de sufentanil et de 0,2 Ă  0,5 mg de morphine ont montrĂ© leur efïŹcacitĂ© dans les 24 premiĂšres heures aprĂšs une thoracoto- mie [155,156]. La rachianalgĂ©sie avec 1 ”g/kg de sufentanil plus 8 ”g/kg de morphine s’est aussi montrĂ©e supĂ©rieure Ă  la PCA morphine pour diminuer les scores EVA pour la dou- leur aprĂšs chirurgie de l’aorte [157]. Les besoins en morphi- niques et les scores de douleur sont diminuĂ©s d’environ 50 Ă  70 % selon les doses utilisĂ©es en intrathĂ©cal [155,156]. Elle peut prĂ©senter un intĂ©rĂȘt chez les patients atteints de patho- logie cardiaque dĂšs lors qu’il a Ă©tĂ© montrĂ© qu’une analgĂ©sie puissante peut limiter le risque d’ischĂ©mie myocardique [158]. Cependant, l’efïŹcacitĂ© de la rachianalgĂ©sie–morphine ne dure le plus souvent qu’au maximum 24 heures et aucune Ă©tude n’a montrĂ© son efïŹcacitĂ© pour diminuer la morbiditĂ© ou la mortalitĂ© postopĂ©ratoire [157]. Le relais de l’analgĂ©sie doit ĂȘtre pris avec une PCA. EnïŹn, le risque de dĂ©pression respi- ratoire impose une surveillance pendant les 24 premiĂšres heu- res en unitĂ© de soins intensifs ou en salle de rĂ©veil. En rĂ©sumĂ©, cette technique simple et efïŹcace impose une surveillance postopĂ©ratoire en milieu de soins intensifs et sa durĂ©e d’action est infĂ©rieure Ă  celle de la douleur postopĂ©ratoire. Elle pour- rait s’avĂ©rer extrĂȘmement intĂ©ressante aprĂšs une chirurgie de l’aorte rĂ©alisĂ©e par minilaparotomie ou par laparoscopie. 4.4. Conclusion Aucune technique n’est aussi efïŹcace que l’analgĂ©sie pĂ©ri- durale [119]. L’utilisation de l’analgĂ©sie pĂ©ridurale thoraci- que ou thoracoabdominale reste donc une proposition thĂ©ra- peutique valable lorsque l’on veut assurer une analgĂ©sie de qualitĂ© aïŹn de faciliter la rĂ©habilitation aprĂšs une chirurgie de l’aorte abdominale [121] ou chez les patients ayant un ris- que de complications respiratoires Ă©levĂ©es. Le dĂ©bat reste ouvert pour savoir si, au-delĂ  de l’analgĂ©sie, d’autres bĂ©nĂ©ïŹ- ces de la pĂ©ridurale peuvent ĂȘtre escomptĂ©s en termes de durĂ©e d’hospitalisation, de morbiditĂ© cardiovasculaire, voire de mor- talitĂ©. La prise en charge efïŹcace de la douleur postopĂ©ra- toire n’est qu’un des Ă©lĂ©ments de la rĂ©habilitation postopĂ©ra- toire parmi tant d’autres (rĂ©alimentation prĂ©coce, mobilisation active prĂ©coce, diminution du stress pĂ©riopĂ©ratoire avec main- tien d’une normothermie, d’une normoglycĂ©mie et d’une hĂ©modynamique stable) dont le but ïŹnal est de diminuer la durĂ©e d’hospitalisation et de permettre une rĂ©cupĂ©ration rapide [159,160]. 5. RĂ©animation postopĂ©ratoire 5.1. PrĂ©vention et traitement des complications cardiovasculaires Les complications cardiaques reprĂ©sentent la premiĂšre cause de morbiditĂ© et de mortalitĂ© postopĂ©ratoire de l’AAA. L’ischĂ©mie myocardique et les Ă©vĂ©nements cardiovasculai- res surviennent essentiellement pendant la pĂ©riode postopĂ©- ratoire [37]. La survenue d’une tachycardie ou d’une hyper- tension secondaire au stress chirurgical, Ă  la douleur, Ă  l’interruption des agents antihypertenseurs ou l’utilisation de substances sympathomimĂ©tiques en postopĂ©ratoire, sont autant de facteurs qui augmentent la demande en oxygĂšne pendant la pĂ©riode postopĂ©ratoire. Les patients opĂ©rĂ©s d’une chirurgie pour AAA doivent donc ĂȘtre surveillĂ©s aïŹn de rechercher les signes et les symptĂŽmes d’une ischĂ©mie myo- cardique tout en sachant que plus de 90 % des Ă©pisodes d’ischĂ©mie demeurent asymptomatiques [37]. La surveillance Ă©lectrocardiographique et biologique par le dosage biologi- que de la troponine plasmatique Ic prĂ©sente un intĂ©rĂȘt majeur pendant la pĂ©riode postopĂ©ratoire. En effet, la plupart des Ă©tu- des montrent que l’infarctus du myocarde est prĂ©cĂ©dĂ© par des Ă©pisodes d’ischĂ©mie myocardique [37,46] ou une Ă©lĂ©vation faible de la troponine Ic [161,162]. La survenue d’un infarctus du myocarde ou d’une ischĂ©- mie en postopĂ©ratoire d’une chirurgie majeure, reprĂ©sente un facteur de mauvais pronostic de survie Ă  court et Ă  moyen terme, voire Ă  long terme. De plus, la surveillance de 115 pa- tients opĂ©rĂ©s (38 % de chirurgie pour AAA) en chirurgie vas- culaire a montrĂ© que la survenue d’un IdM en postopĂ©ratoire Ă©tait un facteur de risque indĂ©pendant de surmortalitĂ© Ă  un an [163]. De mĂȘme, il a Ă©tĂ© montrĂ© que l’augmentation de la troponine (> 1,5 ng/ml) en pĂ©riode postopĂ©ratoire d’une chi- rurgie vasculaire Ă©tait associĂ©e Ă  une diminution de la survie Ă  six mois [164]. Finalement, des auteurs ont rĂ©cemment mon- trĂ© qu’une augmentation de la troponine, mĂȘme faible (tro- ponine Ic > 0,6 ng/ml), Ă©tait un facteur associĂ© Ă  une augmen- tation de la mortalitĂ© Ă  cinq ans [165]. Ces rĂ©sultats sur la valeur pĂ©jorative Ă  moyen et Ă  long terme d’une augmenta- 169E. Marret et al. / Annales Françaises d’AnesthĂ©sie et de RĂ©animation 25 (2006) 158–179
  • 13. tion minime de la troponine en pĂ©riode pĂ©riopĂ©ratoire ont Ă©tĂ© conïŹrmĂ©s par d’autres auteurs [166,167]. La pĂ©riode postopĂ©ratoire est caractĂ©risĂ©e par un Ă©tat d’hypercoagulabilitĂ©. L’acte chirurgical crĂ©e ainsi une sus- ceptibilitĂ© accrue Ă  la thrombose. Les facteurs de la coagula- tion sont augmentĂ©s et, plus particuliĂšrement le ïŹbrinogĂšne [168]. À cela, s’associe une diminution de la ïŹbrinolyse due Ă  l’augmentation plasmatique des inhibiteurs physiologiques de la ïŹbrinolyse (PAI-1) [168]. La fonction plaquettaire est aussi perturbĂ©e pendant la phase pĂ©riopĂ©ratoire. En chirurgie aortique, il a ainsi Ă©tĂ© observĂ© une augmentation signiïŹcative de l’agrĂ©gabilitĂ© plaquettaire Ă  l’ADP au cours des 48 pre- miĂšres heures postopĂ©ratoires associĂ©es une augmentation du nombre absolu de plaquettes, maximale au septiĂšme jour [168]. L’expression des glycoprotĂ©ines membranaires pla- quettaires (CD 62 ou P-SĂ©lectine, marqueur d’activation pla- quettaire ou CD-63) n’est cependant pas augmentĂ©e. Pendant la pĂ©riode postopĂ©ratoire, les plaquettes paraissent donc ĂȘtre dans un Ă©tat d’« instabilitĂ© » oĂč le moindre stimulus ou stress (comme l’ADP ou la mise Ă  nu du sous-endothĂ©lium lors d’une rupture de plaque) peut conduire Ă  une hyperagrĂ©gabi- litĂ© plaquettaire responsable de thrombose. La prĂ©sence d’une « instabilitĂ© » plaquettaire dĂšs les premiĂšres heures postopĂ©- ratoires est un argument physiopathologique pour maintenir ou rĂ©introduire prĂ©cocement les AAP en postopĂ©ratoire chez les patients Ă  risque de thrombose artĂ©rielle [169]. Cet Ă©tat d’hypercoagulabilitĂ© postopĂ©ratoire joue un rĂŽle dans la genĂšse des complications myocardiques postopĂ©ratoires. Plu- sieurs Ă©tudes autopsiques ont retrouvĂ© la prĂ©sence d’une rup- ture de plaque d’athĂ©rosclĂ©rose ou d’un thrombus intracoro- naire chez les patients dĂ©cĂ©dĂ©s d’un infarctus du myocarde pendant la pĂ©riode postopĂ©ratoire [170,171]. De plus, cer- tains auteurs ont notĂ© que les infarctus postopĂ©ratoires ne sur- viennent pas toujours sur des stĂ©noses trĂšs serrĂ©es, supĂ©rieu- res Ă  90 % [172,173]. AprĂšs chirurgie vasculaire, des IdM pĂ©riopĂ©ratoires peuvent ainsi se localiser dans des zones consi- dĂ©rĂ©es comme non ischĂ©miques lors d’un test d’effort [174]. Ces constatations laissent ainsi supposer qu’il existe un ou plusieurs facteurs pĂ©riopĂ©ratoires dynamiques responsables de la nĂ©crose myocardique. La formation d’un thrombus coro- naire sur une stĂ©nose coronaire d’origine athĂ©romateuse puis son augmentation de taille jusqu’à devenir sub- voire occlu- sif peut participer Ă  la constitution de l’ischĂ©mie pĂ©riopĂ©ra- toire [170,171]. Tous ces Ă©lĂ©ments concourent Ă  souligner l’importance du traitement mĂ©dical pour prĂ©venir les complications cardia- ques postopĂ©ratoires. Des auteurs ont ainsi montrĂ© que la pres- cription d’un bĂȘtabloquant dans le cadre d’études randomi- sĂ©es en double insu amĂ©liorait le pronostic des patients [48,50]. Un traitement par bĂȘtabloquant instituĂ© en prĂ©opĂ©ra- toire pour diminuer le risque cardiaque doit ĂȘtre continuĂ© pen- dant toute la pĂ©riode postopĂ©ratoire. L’absorption orale de l’atĂ©nolol est diminuĂ©e aprĂšs une chirurgie abdominale [175]. Son efïŹcacitĂ© peut ainsi ĂȘtre diminuĂ©e et une prescription intraveineuse Ă  la place de la prise orale doit ĂȘtre envisagĂ©e si les objectifs de frĂ©quence cardiaque (FC ≀ 80 b/min) ne sont pas atteints pendant la pĂ©riode postopĂ©ratoire. En cas d’arrĂȘt prĂ©opĂ©ratoire des AAP, leur reprise doit ĂȘtre la plus prĂ©coce. En cas de constitution d’un infarctus du myocarde aprĂšs une chirurgie pour AAA, la rĂ©alisation d’une coronarographie voire d’une angioplastie dĂ©pendra essentiellement du risque hĂ©morragique du patient. En effet, les gestes de revasculari- sation myocardique par voie transcutanĂ©e nĂ©cessitent l’asso- ciation de deux voire trois AAP (aspirine, thiĂ©nopyridines, anti-GPIIbIIIa) [176]. 5.2. Complications respiratoires postopĂ©ratoires La chirurgie de l’AAA est une des chirurgies qui s’accom- pagnent le plus de complications respiratoires en postopĂ©ra- toire. En effet, l’incidence des complications respiratoires majeures (bronchopneumopathie postopĂ©ratoire, rĂ©intuba- tion, ventilation prolongĂ©e) s’élĂšve jusqu’à 30 % dans certai- nes sĂ©ries [133,177,178]. Les pneumopathies postopĂ©ratoi- res ont une mortalitĂ© entre 30 et 40 % [78]. La localisation du site chirurgical est, avec l’ñge supĂ©rieur Ă  80 ans, un des fac- teurs de risque ayant le poids le plus important dans la genĂšse des complications pulmonaires postopĂ©ratoires [76]. L’inci- dence des complications respiratoires semble diffĂ©rente lors d’un traitement d’unAAA par endoprothĂšse mĂȘme si aucune Ă©tude prospective et randomisĂ©e n’est actuellement publiĂ©e sur le risque respiratoire [179]. L’utilisation de curares de durĂ©e d’action prolongĂ©e associĂ©e Ă  la prĂ©sence d’une cura- risation rĂ©siduelle sont, en revanche, des facteurs de risque identiïŹĂ©s comme associĂ©s aux complications pulmonaires postopĂ©ratoires [180]. L’analgĂ©sie est un des facteurs sur lequel il est possible d’agir dans le but de prĂ©venir les com- plications respiratoires (Tableau 3). La rĂ©alisation d’une anal- gĂ©sie pĂ©ridurale doit s’intĂ©grer dans un vĂ©ritable programme de rĂ©habilitation postopĂ©ratoire d’autant plus que la kinĂ©si- thĂ©rapie respiratoire (spiromĂ©trie incitative, ventilations dis- continues en pression positive) permet de diminuer l’inci- dence des complications respiratoires par deux comme le suggĂšre une mĂ©ta-analyse de dix Ă©tudes [181]. 5.3. Insuffısance rĂ©nale postopĂ©ratoire La survenue d’une IRA reste un Ă©vĂ©nement rare avec une incidence estimĂ©e aux environs de 3 % [104,105]. La diurĂšse et le chiffre de crĂ©atininĂ©mie pris individuellement ne per- mettent pas d’évaluer la fonction rĂ©nale en postopĂ©ratoire. En effet, pendant la pĂ©riode postopĂ©ratoire, le chiffre de la crĂ©atininĂ©mie n’augmente que lorsque la ïŹltration glomĂ©ru- laire est rĂ©duite de plus 75 % [182]. Plusieurs traitements mĂ©dicamenteux (diurĂ©tiques, dopamine, mannitol) ont Ă©tĂ© tes- tĂ©s pour prĂ©venir l’IRA postopĂ©ratoire. Aucun traitement n’a montrĂ© une efïŹcacitĂ© rĂ©elle. Le maintien d’une normovolĂ©- mie et d’une normotension reste donc actuellement les mesu- res les plus importantes en per- et postopĂ©ratoire pour prĂ©ve- nir la survenue d’une IRA. 5.4. IschĂ©mie colique postopĂ©ratoire L’ischĂ©mie colique est une complication rare mais grave aprĂšs une chirurgie pourAAA. En effet, l’incidence de l’ischĂ©- 170 E. Marret et al. / Annales Françaises d’AnesthĂ©sie et de RĂ©animation 25 (2006) 158–179
  • 14. mie colique clinique et de 0,5 Ă  1 % [183]. Cependant, celle-ci est plus frĂ©quente lors de la rĂ©alisation postopĂ©ratoire de colos- copie systĂ©matique dans des sĂ©ries prospectives (7 Ă  35 %) [184,185]. L’ischĂ©mie colique se situe essentiellement au niveau du cĂŽlon gauche. La vascularisation artĂ©rielle du cĂŽlon gauche est assurĂ©e par l’artĂšre mĂ©sentĂ©rique infĂ©rieure. Le rĂ©seau artĂ©riel de l’artĂšre mĂ©sentĂ©rique est en rapport avec deux systĂšmes anastomotiques : ‱ l’un avec l’artĂšre mĂ©sentĂ©rique supĂ©rieure (arcade de Rio- lan) ; ‱ et l’autre avec l’artĂšre rectale supĂ©rieure et moyenne qui naissent des artĂšres iliaques internes (hypogastriques). L’artĂšre mĂ©sentĂ©rique infĂ©rieure est occluse chez un patient sur deux, opĂ©rĂ© d’un AAA. La vascularisation du cĂŽlon gau- che est alors reprise essentiellement par le systĂšme anasto- motique en rapport avec l’artĂšre mĂ©sentĂ©rique supĂ©rieure. Le tableau clinique d’une ischĂ©mie colique est diffĂ©rent selon son importance. Les signes cliniques sont peu spĂ©ciïŹques dans un contexte postopĂ©ratoire. Les patients prĂ©sentent une ins- tabilitĂ© hĂ©modynamique, une sensibilitĂ© de la fosse iliaque gauche ou une reprise trop prĂ©coce du transit (classique diar- rhĂ©e sanglante « sur table »). On note une acidose mĂ©taboli- que avec hyperlactatĂ©mie, une Ă©lĂ©vation des lacticodĂ©shydro- gĂ©nases, des crĂ©atines kinases ou de la phosphorĂ©mie. Le moindre doute sur une ischĂ©mie colique doit faire rĂ©aliser une colonoscopie. D’autres tableaux cliniques sont dĂ©crits avec prĂ©sence d’un mĂ©tĂ©orisme abdominal, d’une dĂ©fense de la fosse iliaque gauche d’une diarrhĂ©e sanglante ou d’un syn- drome de dĂ©faillance multiviscĂ©rale. La colonoscopie doit alors ĂȘtre rĂ©alisĂ©e en urgence sauf en cas de perforation coli- que (prĂ©sence d’un pneumopĂ©ritoine). Le diagnostic est le plus souvent fait dĂšs le dĂ©but de la colonoscopie car l’ischĂ©- mie touche surtout le cĂŽlon sigmoĂŻde et le cĂŽlon gauche. On dĂ©crit trois stades endoscopiques [186] : ‱ stade I : ƓdĂšme et Ă©rythĂšme de la muqueuse ; ‱ stade II : ulcĂ©ration de la muqueuse ; ‱ stade III : nĂ©crose extensive de la muqueuse colique. La rĂ©section colique s’impose lors de la mise en Ă©vidence d’un stade III. Un traitement conservateur est rĂ©alisĂ© au stade I. En cas de stade II, la dĂ©cision d’une colectomie en urgence dĂ©pend essentiellement de l’état clinique du patient. D’autres moyens de dĂ©tection comme la mesure du pH intramuqueux colique ou du dosage du D-lactacte (isomĂšre dextrogyre du lactate produit par la fermentation bactĂ©rienne) ont Ă©tĂ© pro- posĂ©s mais restent peu utilisĂ©s en pratique [187,188]. La prĂ©- vention de l’ischĂ©mie colique passe par une bonne stabilitĂ© hĂ©modynamique per- et postopĂ©ratoire, un temps de clam- page court. La prĂ©servation de la vascularisation du cĂŽlon gauche reste la stratĂ©gie essentielle pour prĂ©venir l’ischĂ©mie colique postopĂ©ratoire. La revascularisation peropĂ©ratoire de l’artĂšre mĂ©sentĂ©rique infĂ©rieure ne fait pas actuellement l’objet d’un consensus en sachant que les patients ayant une artĂšre mĂ©sentĂ©rique restant permĂ©able sont Ă  plus grand ris- que d’ischĂ©mie colique et sont donc ceux qui pourraient bĂ©nĂ©- ïŹcier d’une rĂ©implantation. 6. Traitement endovasculaire des anĂ©vrismes de l’aorte abdominale Bien que la chirurgie de mise Ă  plat–greffe reste le traite- ment de rĂ©fĂ©rence, l’implantation d’une endoprothĂšse aorti- que (EA) abdominale est une technique maintenant Ă©tablie, reprĂ©sentant une alternative Ă  la cure chirurgicale des AAA. Le principe du traitement endovasculaire desAAA consiste Ă  dĂ©ployer une prothĂšse qui s’ancre hermĂ©tiquement au-dessus et en dessous l’anĂ©vrisme, excluant le sac anĂ©vrismal du ïŹ‚ux sanguin et donc prĂ©venant sa rupture. Pour des raisons ana- tomiques, moins de 60 % des patients peuvent bĂ©nĂ©ïŹcier du traitement endovasculaire ; les anĂ©vrismes devant prĂ©senter des caractĂ©ristiques particuliĂšres et un siĂšge sous-rĂ©nal, mĂȘme si maintenant la majoritĂ© des prothĂšses sont faites sur mesu- res. L’Afssaps a redĂ©ïŹni les recommandations d’utilisation des EA en 2003 (Tableau 4) [189]. 6.1. Comparaison avec la chirurgie ouverte Les donnĂ©es de la littĂ©rature se fondent essentiellement sur des cohortes de patients dans le cadre d’étude rĂ©trospec- tive ou prospective. L’étude du groupe EUROSTAR, aprĂšs suivi de 1554 patients traitĂ©s par voie endoluminale a permis de dĂ©montrer un taux de mortalitĂ© Ă  30 jours et un taux de complications systĂ©miques infĂ©rieurs Ă  ceux des patients trai- tĂ©s par voie classique [190]. Cependant, la mortalitĂ© et la mor- biditĂ© postopĂ©ratoire des patients opĂ©rĂ©s d’un anĂ©vrisme de l’aorte sans facteurs de risque tendent, au ïŹl des annĂ©es, Ă  devenir de plus en plus faible proche des 2–3 % [191]. De plus, le dĂ©bat reste ouvert quant au devenir Ă  moyen et Ă  long terme des patients traitĂ©s par voie endoluminale. Plusieurs Tableau 4 Recommandations de l’Agence française de sĂ©curitĂ© sanitaire des produits de santĂ© pour l’utilisation des endoprothĂšses aortiques lors du traitement endovasculaire des anĂ©vrismes de l’aorte abdominale sous-rĂ©nale. L’implan- tation d’une endoprothĂšse aortique peut ĂȘtre retenue chez les patients ayant un risque chirurgical Ă©levĂ© dĂ©ïŹni par la prĂ©sence d’un des facteurs [189] Facteurs de risque ‱ Aˆ ge supĂ©rieur ou Ă©gal Ă  80 ans ‱ Coronaropathie (antĂ©cĂ©dent(s) d’infarctus du myocarde ou angor) avec test fonctionnel positif et lĂ©sions coronariennes pour lesquelles un geste de revascularisation est impossible ou non indiquĂ© ‱ InsufïŹsance cardiaque avec manifestations cliniques patentes ‱ RĂ©trĂ©cissement aortique serrĂ© non opĂ©rable ‱ FEVG < 40 % ‱ InsufïŹsance respiratoire chronique objectivĂ©e par un des critĂšres sui- vants C VEMS < 1200 ml/s C CV < 50 % de la valeur prĂ©dite en fonction de l’ñge, du sexe et du poids C GazomĂ©trie artĂ©rielle en l’absence d’oxygĂšne : PaCO2 > 45 mmHg ou PaO2 < 60 mmHg C OxygĂ©nothĂ©rapie Ă  domicile ‱ CrĂ©atininĂ©mie ≄ 200 ”mol/l avant l’injection du produit de contraste ‱ Abdomen « hostile », y compris prĂ©sence d’une ascite ou autre signe d’hypertension portale. 171E. Marret et al. / Annales Françaises d’AnesthĂ©sie et de RĂ©animation 25 (2006) 158–179
  • 15. auteurs ont dĂ©montrĂ© que le traitement endovasculaire est une thĂ©rapie avec un taux de mortalitĂ© Ă  900 jours acceptable chez les patients octogĂ©naires [192] et/ou ASA IV [193]. Les consĂ©quences hĂ©modynamiques lors de la pose d’une EA sont bien moins importantes que celles consĂ©cutives au clampage aortique. Chez les patients traitĂ©s par voie endolu- minale, il existe un stress myocardique moins important avec une incidence d’ischĂ©mie myocardique plus faible que chez les patients traitĂ©s par chirurgie conventionnelle, mĂȘme si la morbiditĂ© cardiaque globale est comparable dans les deux groupes [179,194]. De mĂȘme, les variations endocriniennes et mĂ©taboliques observĂ©es lors du stress et les modiïŹcations du proïŹl inïŹ‚ammatoire sont moins importantes lors d’un trai- tement endovasculaire que lors d’une chirurgie ouverte de l’AAA [195]. Les complications respiratoires (dĂ©tresse res- piratoire, pneumopathie postopĂ©ratoire) et l’insufïŹsance rĂ©nale aiguĂ« semblent moins frĂ©quentes lors d’un traitement chirurgical par EA [179,194]. Les pertes sanguines sont moins importantes que lors de la chirurgie Ă  ciel ouvert [179,196]. Finalement, la durĂ©e du sĂ©jour intrahospitalier est moins lon- gue et le recours aux soins intensifs moins frĂ©quent pour les patients traitĂ©s par EA [179,196] ; en revanche, le coĂ»t hos- pitalier est plus important [197], cela Ă©tant principalement liĂ© au coĂ»t du dispositif prothĂ©tique [198]. Deux essais randomisĂ©s et prospectifs ont comparĂ© la mor- biditĂ© et la mortalitĂ© pĂ©riopĂ©ratoire (jusqu’au 30e jour) chez les patients ASA I Ă  III aprĂšs chirurgie ouverte ou par voie EA [199,200]. À partir de ces Ă©tudes ayant inclus plus de 1400 patients au total, il ressort que la chirurgie par voie endo- vasculaire diminue de plus de 50 % la mortalitĂ© pĂ©riopĂ©ra- toire et les complications respiratoires. La mise en place d’une endoprothĂšse permet aussi de diminuer le temps opĂ©ratoire, les besoins transfusionnels, le nombre de patients transfusĂ©s et la durĂ©e d’hospitalisation (six vs sept jours) [200]. Il fau- dra cependant attendre les rĂ©sultats Ă  long terme des Ă©tudes randomisĂ©es (Ă©valuation du risque de rupture avec le traite- ment endovasculaire, rĂ©intervention pour endofuite) pour ïŹna- lement savoir si le traitement endovasculaire de l’AAA peut rĂ©ellement remplacer la chirurgie conventionnelle [195]. 6.2. Complications aiguĂ«s Bien que le traitement endovasculaire soit une technique moins invasive que la chirurgie conventionnelle, il existe tou- tefois des complications aiguĂ«s, notamment au niveau de la rĂ©gion abordĂ©e, pouvant menacer le pronostic vital : ‱ migration ou mauvais positionnement de la prothĂšse avec comme consĂ©quences potentielles une occlusion d’un vais- seau ou d’une exclusion incomplĂšte de l’anĂ©vrisme ; ‱ embolie distale d’une plaque athĂ©romateuse ou d’un throm- bus ; ‱ lĂ©sions des vaisseaux iliofĂ©moraux (dissection, ischĂ©- mie) ; ‱ rĂ©action indĂ©sirable au produit de contraste ; ‱ et rupture de l’aorte. Une conversion pour une chirurgie ouverte survient dans 2,9 % des cas ; aprĂšs la « pĂ©riode d’apprentissage » (les 30 pre- miĂšres procĂ©dures), les causes sont essentiellement la rup- ture anĂ©vrismale et les endofuites. Les facteurs de risques sont l’ñge avancĂ© du patient, un poids corporel bas, une bron- chopneumopathie chronique obstructive et les collets anĂ©vris- maux trop larges ou trop Ă©troits [201]. Le taux de mortalitĂ© est Ă©levĂ© aprĂšs conversion (supĂ©rieur Ă  20 %). Cependant, les patients les plus ĂągĂ©s et les patients atteints d’une BPCO sem- blent ceux qui bĂ©nĂ©ïŹcient le plus du traitement d’un AAA par EA [194]. 6.3. Complications tardives Les complications tardives sont principalement reprĂ©sen- tĂ©es par les endofuites qui correspondent Ă  la persistance ou Ă  la rĂ©apparition d’un ïŹ‚ux sanguin anĂ©vrismal, exposant de nou- veau le patient Ă  un risque de rupture. Leur incidence est de plus de 15 % Ă  la ïŹn de l’intervention et environ de 9 % Ă  six mois comparativement Ă  0 % aprĂšs chirurgie ouverte [202]. Elles imposent un suivi rĂ©gulier, rigoureux et prolongĂ© par TDM injectĂ©. Un syndrome « post-implantation » a Ă©gale- ment Ă©tĂ© dĂ©crit chez plus de la moitiĂ© des patients ; il s’agit d’un syndrome inïŹ‚ammatoire survenant dans les suites immĂ©- diates de la cure anĂ©vrismale. Il associe une ïŹĂšvre, une hyperleucocytose et une Ă©lĂ©vation du taux de la protĂ©ine C-rĂ©active pendant quatre Ă  dix jours. 6.4. Prise en charge anesthĂ©sique Du fait de l’existence de toutes ces complications, l’équipe anesthĂ©sique doit ĂȘtre rapidement capable de pouvoir rĂ©ali- ser un remplissage massif pour traiter une hĂ©morragie aiguĂ« ; la prise en charge anesthĂ©sique nĂ©cessite la pose d’une voie veineuse de bon calibre, un accĂšs facile aux systĂšmes de rem- plissage rapide et d’autotransfusion peropĂ©ratoire voire une mesure invasive de la pression artĂ©rielle et un monitorage de la pression veineuse centrale aïŹn de dĂ©tecter prĂ©cocement les modiïŹcations de prĂ©charge. Cependant, l’expĂ©rience gran- dissante, Ă  la fois des Ă©quipes anesthĂ©siques et chirurgicales, conduit Ă  un monitorage de moins en moins invasif des patients. La pose d’une sonde urinaire permet de recueillir la diurĂšse et d’éviter la constitution d’un globe vĂ©sical. Des agents inotropes et vasoactifs doivent ĂȘtre disponibles rapi- dement ainsi que des culots globulaires. La mise en place d’un cathĂ©ter artĂ©riel pulmonaire ou d’un autre monitorage de la fonction cardiaque et de la volĂ©mie (doppler Ɠsopha- gien, par exemple) se discute au cas par cas en fonction de la gravitĂ© de l’atteinte cardiopulmonaire. La technique anesthĂ©- sique la plus souvent employĂ©e en Europe est l’anesthĂ©sie gĂ©nĂ©rale pour des raisons de facilitĂ© de stratĂ©gie lorsqu’une conversion chirurgicale est nĂ©cessaire. Toutefois, une mĂ©ta- analyse rĂ©cente dĂ©montre que l’anesthĂ©sie gĂ©nĂ©rale par rapport Ă  l’anesthĂ©sie locorĂ©gionale (ALR) est un facteur de risque de complications pĂ©riopĂ©ratoires [203] et avec l’expĂ©rience croissante des intervenants, il est de plus en plus frĂ©quent que la pose d’EA se fasse sous ALR, (anesthĂ©sie pĂ©ridurale, pĂ©ri- rachianesthĂ©sie combinĂ©e ou rachianesthĂ©sie continue dans 172 E. Marret et al. / Annales Françaises d’AnesthĂ©sie et de RĂ©animation 25 (2006) 158–179
  • 16. le but de titrer l’administration des substances anesthĂ©si- ques) voire sous anesthĂ©sie locale en cas d’abord unique- ment de l’artĂšre fĂ©morale [204]. Un niveau Ă  T10 est sufïŹ- sant pour rĂ©aliser une endoprothĂšse aortique sous anesthĂ©sie pĂ©rimĂ©dullaire. Dans ce cas, le retentissement hĂ©modynami- que de l’ALR est minime. De plus, il semble que l’emploi d’une technique d’ALR permette de diminuer la durĂ©e de l’hospitalisation [205] mais moins qu’une anesthĂ©sie locale. De plus, sous anesthĂ©sie locale, le recours aux substances vasoactives et aux soins intensifs aprĂšs l’intervention est moins frĂ©quent [206]. Cependant, il n’existe pas de preuve formelle qui permette de dire que l’ALR est diffĂ©rente de l’anesthĂ©sie gĂ©nĂ©rale en termes de morbimortalitĂ© [206,207]. Du fait de l’habituelle longueur de la procĂ©dure, la nĂ©cessitĂ© d’une anesthĂ©sie modulable conduit Ă  Ă©viter la rĂ©alisation d’une rachianesthĂ©sie seule et lorsqu’une anesthĂ©sie locale ou ALR est envisagĂ©e, l’adjonction d’une sĂ©dation permet d’augmenter la compliance du patient. Parfois, aïŹn de per- mettre la mise en place minutieuse de l’EA, il est nĂ©cessaire de diminuer le ïŹ‚ux sanguin intra-aortique en provoquant une hypotension (PAM ≀ 60 mmHg) ou une bradycardie majeure (esmolol ou adĂ©nosine). Dans le cas d’anĂ©vrismes sous- rĂ©naux, cette hypotension est rarement nĂ©cessaire. Une courte hypotension contrĂŽlĂ©e sufïŹt dans la majoritĂ© des cas, obte- nue par un approfondissement de l’anesthĂ©sie (bolus intra- veineux de propofol, augmentation des doses d’agents anes- thĂ©siques halogĂ©nĂ©s, injection d’un vasodilatateur de courte durĂ©e d’action ou injection pĂ©ridurale d’un bolus de xylo- caĂŻne). Le traitement endovasculaire implique la rĂ©alisation d’artĂ©riographies itĂ©ratives avec injection de produit de contraste, attestant du positionnement exact de l’EA et de l’exclusion du sac anĂ©vrismal. Une hydratation optimale per- et postopĂ©ratoire associĂ©e Ă  l’administration de N-acĂ©tyl- cystĂ©ĂŻne tendent Ă  Ă©viter la survenue des dysfonctions rĂ©na- les dues aux produits de contraste [208]. Cette stratĂ©gie peut ĂȘtre extrĂȘmement importante car les patients ayant une dys- fonction rĂ©nale prĂ©opĂ©ratoire semblent bĂ©nĂ©ïŹcier spĂ©ciïŹque- ment du traitement par EA [194]. 7. Conclusion L’anesthĂ©sie et la rĂ©animation des patients opĂ©rĂ©s pour un AAA nĂ©cessitent une vĂ©ritable approche multidisciplinaire du fait des nombreuses complications associĂ©es mais aussi des nombreuses pathologies touchant les futurs opĂ©rĂ©s. L’éva- luation cardiaque du patient prĂ©opĂ©ratoire a rĂ©cemment Ă©tĂ© clariïŹĂ©e avec les recommandations nord-amĂ©ricaines en vue d’une chirurgie majeure voire mĂȘme simpliïŹĂ©e avec l’intro- duction prĂ©opĂ©ratoire des bĂȘtabloquants et la dĂ©monstration de l’efïŹcacitĂ© de l’approche mĂ©dicamenteuse pour diminuer les complications cardiaques. Finalement, la technique chi- rurgicale de la cure d’AAA est elle-mĂȘme en Ă©volution : le traitement endovasculaire reprĂ©sente un acte chirurgical de plus en plus pratiquĂ© pour la correction des AAA sous- rĂ©naux. Cette approche a complĂštement rĂ©volutionnĂ© la prise en charge hospitaliĂšre des patients. Des Ă©tudes randomisĂ©es europĂ©ennes et nord-amĂ©ricaines permettront de connaĂźtre la place vĂ©ritable de ces nouvelles techniques dans les prochai- nes annĂ©es chez les patients ayant un risque pĂ©riopĂ©ratoire faible et Ă©levĂ©. De plus, les abords chirurgicaux deviennent aussi de moins en moins invasifs avec l’introduction des tech- niques de minilaparotomie ou de cƓlioscopie. Dans ce contexte, une politique de rĂ©habilitation pĂ©riopĂ©ratoire peut y ĂȘtre associĂ©e dans l’espoir de diminuer la durĂ©e d’hospita- lisation et l’incidence des complications postopĂ©ratoires. RĂ©fĂ©rences [1] Alcorn HG, Wolfson Jr. SK, Sutton-Tyrrell K, Kuller LH, O’Leary D. Risk factors for abdominal aortic aneurysms in older adults enrolled in the cardiovascular health study. Arterioscler Thromb Vasc Biol 1996; 16:963–70. [2] Naydeck BL, Sutton-Tyrrell K, Schiller KD, NewmanAB, Kuller LH. Prevalence and risk factors for abdominal aortic aneurysms in older adults with and without isolated systolic hypertension. Am J Cardiol 1999;83:759–64. [3] Pleumeekers HJ, HoesAW, van der Does E, van Urk H, HofmanA, De Jong PT, et al. Aneurysms of the abdominal aorta in older adults. The Rotterdam study. Am J Epidemiol 1995;142:1291–9. 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