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Marrakech 1, 2 et 3 Juillet 2013
Livre blanc
Pour une nouvelle
gouvernance du
secteur de la santé
2
Livre Blanc de la Santé
4
17
Pourquoi faut-il une nouvelle réforme du systÚme
de santé au Maroc ?
Le Maroc Change ............................................................................	5
Des besoins nouveaux .....................................................................6
Un systĂšme de soins qui n’est plus adaptĂ©
Ă  ce nouveau contexte ....................................................................12
La nouvelle donne : la Constitution de 2011 ...................................15
Quelles perspectives pour cette nouvelle réforme
du systÚme de santé ?	
AXE 1 - Agir sur les déterminants de la santé, promouvoir
ce qui peut l’amĂ©liorer et protĂ©ger les populations contre
ce qui menace leur santé .....................................................................21
Chantier 1. Développer les « fonctions essentielles
de santé publique» ...........................................................................21
Chantier 2. Mettre la santĂ© au cƓur des politiques publiques :
des Ă©valuations d’impact-santĂ© pour dialoguer
avec les autres secteurs	 ................................................................24
Chantier 3. L’action locale sur les dĂ©terminants de la santĂ© ...........28
Sommaire
3
2éme Conférence Nationale sur la Santé 2013
57
AXE 2 - Vers la couverture universelle: proximité, qualité,
protection financiĂšre	.............................................................................31
Chantier 4. Une politique de proximitĂ© et d’accĂšs ..........................34
Chantier 5. Réguler la qualité des soins et proteger
les utilisateurs ..................................................................................37
Chantier 6. RĂ©duire la part des paiements directs
pour les soins, étendre la couverture des mécanismes
de solidarité .....................................................................................40
Axe 3. Moderniser la gouvernance de la santé ....................................45
Chantier 7. Mettre en place les structures et les capacités
que la modernisation de la gouvernance impose et
contractualiser la complémentarité public-privé .............................46
Chantier 8. Un systùme d’information intelligent .............................50
Chantier 9. Un atout qui est aussi un défi :
les professionnels de santé et la réforme ........................................53
Annexe :
La DĂ©claration d’AdĂ©laĂŻde sur l’intĂ©gration de la santĂ© dans
toutes les politiques ..............................................................................58
4
Livre Blanc de la Santé
Le systÚme «national» de santé
marocain a été mis en place en 1959.
La premiÚre conférence nationale sur
la santé organisée en Avril 1959 sous
la présidence de feu S.M. Mohamed V
a énoncé les principes qui ont orienté
le SystÚme National de Santé pendant
un demi-siÚcle : «La santé de la nation
incombe Ă  l’Etat» et «Le MinistĂšre de
la santé publique doit en assurer la
conception et la réalisation».
Cinq plans de développement ont
opérationnalisé ces principes, avec
comme grande prioritĂ© l’organisation
de l’offre de soins et la lutte contre
les grandes endĂ©mies. C’est ainsi
que le Maroc a fondé ses premiÚres
facultés de médecine et ses écoles
de formation professionnelle, et que
les premiÚres stratégies de couverture
sanitaire (les groupes sanitaires
mobiles ; les SPU/SPR, les SIAAP),
ont été formulées, tandis que la charte
communale de 1959 responsabilisait
les collectivités locales sur les frais de
soins des populations avant que cela
ne change dans la charte de 1976
qui limitait la responsabilité en santé à
l’hygiùne et l’assainissement.
A la suite de la dĂ©claration d’Alma Ata,
les années 1980 et 1990 ont été celles
de l’extension des soins de santĂ©
de base et du développement des
programmes sanitaires. Mais dĂšs le
début des années 1990, le besoin de
réformes de structure se fit sentir. Cela
s’est traduit surtout par des mesures
de réorganisation du ministÚre de
la santé (1994). La création, dans
cette nouvelle organisation, de
nouvelles directions centrales pour
les hÎpitaux, les médicaments et la
rĂ©glementation ainsi qu’une structure
sur l’économie de la santĂ©, reflĂ©tait
une prĂ©occupation plus claire d’une
part pour la production de soins
curatifs, particuliĂšrement au niveau
des hîpitaux et d’autre part pour la
maßtrise du financement de la santé.
Ces préoccupations étaient à la base
de l’enclenchement d’une nouvelle
dynamique de développement du
systÚme de santé marocain qui a
permis l’engagement des chantiers de
la réforme de la Couverture Médicale
de Base et la réforme des hÎpitaux.
ParallĂšlement Ă  cette nouvelle
dynamique, plusieurs tentatives ont
été initiées pour la déconcentration
des pouvoirs sectoriels au niveau des
régions. Ces tentatives ont abouti
Ă  la mise en place des directions
régionales de santé dont le pouvoir
reste encore limité.
L’hĂ©ritage est aujourd’hui contrastĂ©.
D’une part les indicateurs montrent,
un succĂšs dans la maĂźtrise de la
fécondité, une extension notable du
Pourquoi faut-il une nouvelle réforme du systÚme
de santé au Maroc ?
5
2éme Conférence Nationale sur la Santé 2013
réseau de services et un recul des
mortalités infantile et juvénile; mais
en mĂȘme temps ils tĂ©moignent de
disparités grandissantes entre milieux
et rĂ©gions, d’une grande insuffisance
en matiÚre de qualité de soins et
d’un retard inquiĂ©tant en matiĂšre de
ressources humaines. Cela confirme
l’utilitĂ© des efforts investis dans le
domaine de la santé et le succÚs
de certains programmes, mais cela
questionne par la mĂȘme occasion
l’adĂ©quation du modĂšle de systĂšme
de santé mis en place au lendemain de
l’indĂ©pendance quant Ă  sa capacitĂ© Ă 
rĂ©pondre aux dĂ©fis d’aujourd’hui et
de l’avenir. Le Maroc a changĂ©, il faut
que son secteur santĂ© s’adapte.
Le Maroc Change
Le Maroc a profondément changé ces
derniÚres années. Ces changements
transforment radicalement le paysage
dans lequel opĂšre le secteur de
la santé. Les appels à la réforme
dérivent de changements profonds
dans le profil des besoins en santé
et dans celui des attentes vis-Ă -
vis du systÚme de santé, ainsi que
des insuffisances manifestes du
modĂšle du systĂšme en place. Ces
changements impliquent que la façon
d’organiser le secteur, pour effectif
qu’il ait pu ĂȘtre dans une phase
prĂ©cĂ©dente, n’est plus appropriĂ©e
pour les dĂ©fis d’aujourd’hui et des
années à venir. La Constitution de
2011, qui inscrit le droit d’accùs aux
soins comme droit fondamental, est
la traduction politique de la nécessité
de la modernisation du secteur santé
dans un environnement en mutation.
La Constitution de 2011 du Royaume
du Maroc inscrit le droit à la santé
comme un droit constitutionnel.
Ce faisant elle trace un cap pour
le systÚme de santé marocain des
annĂ©es Ă  venir : le Maroc s’inscrit dans
une mouvance politique profonde qui
engage déjà la plupart des systÚmes
de santé à travers le monde.
La volonté de réformer le secteur de
santĂ© au Maroc n’est pas singuliĂšre:
bon nombre de pays de tous les
continents se sont engagés dans
cette voie. Les Etats Unis et la Chine,
derniers pays oĂč le langage politique
rĂ©sistaitĂ l’adopter,sesontmaintenant
engagés dans la voie de la couverture
universelle en santé. Le Brésil et la
ThaĂŻlande ont massivement investi
dans les soins primaires – les soins
de proximité, toujours dans un cadre
de progression vers la couverture
universelle.
Les arrangements institutionnels
des systĂšmes de santĂ© varient d’un
pays Ă  l’autre. Il y a des diffĂ©rences
importantes en termes de mode
de financement, décentralisation,
disponibilité des ressources,
couverture, etc. Ils font pourtant tous
face aux mĂȘmes dĂ©fis dĂšs lors qu’ils
veulent assumer la responsabilité de
protéger la santé de leurs habitants.
6
Livre Blanc de la Santé
L’ampleur des problùmes peut varier
d’un pays à l’autre, mais leur nature
reste la mĂȘme. Dans tous les pays,
il y a des inĂ©galitĂ©s dans l’accĂšs aux
soins et des ressources limitées à y
consacrer. Cela se traduit partout
d’une façon ou d’une autre en pĂ©nurie
de personnels ; en files d’attente pour
l’accùs aux soins et aux technologies
de pointe ; en sous-valorisation des
soins de santé primaires. Les débats
sont récurrents sur la privatisation,
la qualité des soins, le coût et
l’accĂšs aux mĂ©dicaments et aux
technologies, les soins donnés aux
personnes vulnérables et de façon
générale, sur la viabilité économique
du secteur santé.
Si les dysfonctionnements qui
poussent à réformer se ressemblent,
c’est Ă©galement le cas pour les
grandes orientations de réforme. La
rĂ©forme du secteur santĂ©, ce qu’on
appelle communément la réforme de
la santé, se décompose, du moins
dans les pays riches et dans les pays
en transition, en trois grandes parties:
Un premier volet traite des
déterminants sociaux de la santé et
de la maniùre dont on peut s’organiser
pour protĂ©ger la santĂ©, et empĂȘcher
la maladie. Ce volet de la réforme
dépasse les frontiÚres du systÚme
de soins : il concerne l’alimentation,
l’environnement, les conditions de
vie, l’habitat.
Un deuxiÚme volet de la réforme traite
de l’organisation des soins de santĂ© :
tout ce qui touche à l’organisation des
soins ambulatoires, des hĂŽpitaux, des
services spécialisés. Les éléments
communs à ces réformes, p.ex. aux
Etats Unis, en Thaïlande ou au Brésil,
est l’importance donnĂ©e aux soins
primaires – les soins de proximitĂ© – et
Ă  la couverture universelle.
Point commun Ă  ces deux volets,
indispensable pour avancer
significativement, il faut inculquer une
direction. Pour cela il faut que l’Etat
opĂšre d’une façon diffĂ©rente que dans
le passé : ni laissez-faire, ni vouloir
tout-faire.
Ces deux volets de réforme doivent
donc reposer sur un troisiĂšme volet :
un changement profond de la façon
de gouverner le secteur de la santé.
Des Besoins Nouveaux
La situation sanitaire au Maroc est
caractérisée par la réduction des
niveauxdemortalitéetdeféconditéqui
annonce la transition démographique,
et un changement de la structure de
la morbiditĂ© qui induit l’émergence
des maladies chroniques suite Ă  la
transition épidémiologique.
Les taux de mortalité des enfants ont
connu une importante réduction. Entre
1979 et 1997, la mortalité infantile
est passée de 91 %° à 37 %°, elle est
maintenant de 28.8%°. La mortalité
juvénileestpasséede52%°à10%°; elle
7
2éme Conférence Nationale sur la Santé 2013
est maintenant de 1.7%°. L’indice de
mortalité maternelle est passé de 359
à la fin des années 1970, à 227 décÚs
maternels pour 100 000 naissances
vivantes à la fin des années 90. Il est
maintenant Ă  environ 112. L’espĂ©rance
de vie à la naissance est passée de
47 ans en 1962 Ă  74,8 ans en 2012,
ce qui correspond Ă  un gain de plus
de 28 ans en 50 ans – mais avec
une diffĂ©rence d’espĂ©rance de vie de
5 à 6 ans entre l’urbain et le rural. La
fĂ©conditĂ© a connu la mĂȘme tendance.
Le taux brut de natalité est passé de
31.4‰ en 1987 à 18.8 ‰ en 2010 ;
l’indice synthĂ©tique de fĂ©conditĂ© lui a
diminué de 4.5 en 1987 à 2.6 en 2011.
Le taux brut de mortalité a accusé une
baisse importante passant de 19‰ en
1960 à 5,6‰ en 2010, mais il reste
nettement plus élevé dans le milieu
rural (7,2) qu’en milieu urbain (4,4).
La tuberculose (26000 Ă  30000
nouveaux cas par an) continue Ă 
poser un problÚme de santé publique,
tout comme les IST/SIDA, les
méningites, les leishmanioses avec
des foyers épidémiques de la forme
cutanée, les infections respiratoires
aiguës, les toxi-infections alimentaires
collectives ou les hépatites virales
Pourtant, depuis quelques années
dĂ©jĂ  le Maroc est passĂ© d’un
schĂ©ma classique oĂč les maladies
infectieuses étaient prédominantes, à
une situation oĂč ce type de maladies
est en déclin progressif mais se
conjugue désormais aux maladies
non transmissibles qui continuent Ă 
prendre de l’envergure.
Selon des donnĂ©es de l’enquĂȘte
nationale sur la Population et la
Santé Familiale de 2011, 18,2% de
la population marocaine, et surtout
sa fraction la plus ùgée, est atteinte
d’une maladie chronique, contre
13,8% en 2004. Alors que cette
problĂ©matique n’attirait que peu
l’attention il y a 20 ans, on compte
désormais entre 30.000 et 54.000
nouveaux cas de cancers par an.
Le vieillissement de la population
joue un grand rĂŽle dans l’émergence
des maladies chroniques. Les 2,2
millions de personnes ùgées de 60
ans et plus représentaient 8,1% de la
population totale en 2007. On estime
leur nombre Ă  environ 3 millions Ă 
l’heure actuelle, et on estime qu’il y
en aura 4 millions en 2020 ( 11,1%)
de la population totale. Les décÚs
par maladies non transmissibles
représentent actuellement 75% de
tous les cas des décÚs ; ils ne sont
suivis que de loin par les décÚs par
maladies transmissibles, maternelles,
périnatals et nutritionnelles qui
représentent 19% et les accidents et
traumatismes qui représentent 6%.
On constate donc trois phénomÚnes
simultanés : une tendance à la
diminution, voire Ă  la quasi-Ă©radication
(c’est le cas des maladies cibles
de la vaccination) ; une tendance
vers la persistance (c’est le cas de
la tuberculose) ; et l’émergence de
maladies chroniques et de cancers.
8
Livre Blanc de la Santé
Cela confronte le Maroc Ă  un double
fardeau de morbidité : les maladies
aiguësengrandepartietransmissibles,
et les maladies chroniques, en grande
partie non transmissibles.
Les choix stratégiques à faire
doivent donc exprimer Ă  la fois
le souci d’achever la transition
épidémiologique par la consolidation
des acquis en matiÚre de prévention
et de lutte contre les maladies
transmissibles et le souci de faire
face Ă  l’émergence d’une nouvelle
structure morbide dominée par les
maladies chroniques et les cancers.
Ces choix devront tenir compte de
l’urbanisation accĂ©lĂ©rĂ©e qui passera
de 59% en 2013 à 62% en l’an 2020
et 65% en 2030. L’écart entre milieux
urbain et rural s’accroüt et le profil
social et les attentes des populations
changent.
Ces attentes concernent Ă©galement
le milieu dans lequel les populations
vivent. Leur santé dépend en large
mesure de facteurs autres que
les soins de santé : la qualité de
l’environnement, la stratification
sociale et les habitudes de vie
qui en découlent; la prospérité du
pays. Ces facteurs affectent les
mécanismes biologiques, psychiques
et comportementaux par lesquels
chaque individu s’adapte en
permanence au cours du temps Ă 
son environnement. Les systĂšmes
de soins contribuent à prévenir ou
corriger les problÚmes de santé des
individus – autrement dit tout ce qui
perturbeleurscapacitésfonctionnelles
- mais l’action pour amĂ©liorer la santĂ©
nécessite également une réponse en
aval, une réponse par rapport à ce qui
détermine la santé dans la société(1) .
Une sĂ©rie d’études rĂ©centes, et
en particulier la récente initiative
«Intidarate» lancée par le MinistÚre
de la Santé, permettent de cerner
les attentes et les frustrations de la
population et des professionnels vis
à vis du systÚme de santé Marocain.
L’initiative Intidarate tire sa lĂ©gitimitĂ© de
la nouvelle Constitution du Royaume
qui promet la concertation entre les
pouvoirs publics et les différents
acteurs sociaux(2) dans l’élaboration,
1- L’importance des dĂ©terminants sociaux de la santĂ© est largement reconnue au Maroc. Des programmes
multisectoriels ont été initiés pour lutter contre le VIH, la tuberculose ou la santé maternelle et infantile.
Des actions au plan local, pour analyser les causes des inégalités en santé (programme Urban Heart)
ou sensibiliser et mobiliser les communautĂ©s locales ont Ă©tĂ© pilotĂ©es. La constitution d’une Commission
nationale des dĂ©terminants de la santĂ©, qui associerait l’ensemble des dĂ©partements ministĂ©riels et les
acteurs clĂ©s, est Ă  l’étude.
2- les citoyens, les associations Ɠuvrant pour les droits humains, la santĂ© et le dĂ©veloppement, les
académiciens, les chercheurs, les experts, les Ordres professionnels et les syndicats des professionnels de
santé des secteurs public et privé
9
2éme Conférence Nationale sur la Santé 2013
la mise en Ɠuvre et l’évaluation des
politiques publiques. Elle a activé
le mécanisme de consultation
et de participation des citoyens
et des différents acteurs sociaux
en perspective de la tenue de la
conférence nationale de la santé. Pour
recueillir l’ensemble des attentes, le
programme «Intidarate» s’est basĂ© sur
quatre outils de sondage d’attentes :
des audiences radiophoniques, des
audiences publiques, le réseau social
«facebook», et l’analyse des articles
de la presse.
Si ces divers outils ont permis de
confirmer l’apprĂ©ciation des efforts
fournis par le personnel de santé
et le Ministre de la Santé, une série
de revendications et frustrations qui
s’expriment autour de 3 domaines
principaux :
‱ La pĂ©nurie de ressources
humaines et matérielles ;
‱ Les problĂšmes d’accessibilitĂ©
géographique et financiÚre aux
services, et les phénomÚnes de
corruption qui y sont associés ; et
‱ La qualitĂ© des services, y compris
l’hygiĂšne des Ă©tablissements et les
questions de sécurité en leur sein.
Ces observations sont largement
corroborées et précisées par les
enquĂȘtes(3) sur les contraintes
à l’accùs aux soins et aux
médicaments, réalisées en 2011
auprùs d’usagers du systùme de
soins et de professionnels, dans la
PrĂ©fecture de SalĂ©, la province d’Azilal
et la province de Figuig. Ces Ă©tudes
confirment les préoccupations liées
au manque chronique de ressources
humaines dans les centres de santé
publiques, situation aggravée dÚs
lors que l’on s’éloigne des centres
urbains. Si, d’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale,
équipements médicaux et dotation
en médicaments sont à un niveau
jugé relativement satisfaisant, ce qui
semble poser le plus de problĂšme
touche à l’entretien, à l’organisation
des locaux, Ă  l’hygiĂšne, Ă  la sĂ©curitĂ©,
de centres de santé souvent peu
accueillants.
Les entretiens avec les usagers ont
montrĂ© l’importance des contraintes
pour accéder au centre de santé: coût
du transport, difficultés de trouver un
véhicule dans les zones « enclavées
» (parfois y compris en milieu urbain),
dĂ©penses liĂ©es Ă  l’hĂ©bergement et Ă 
l’alimentation des accompagnants et
dépenses spécifiques associées à la
prise en charge médicale (examens
de laboratoire, médicaments, etc.).
Les patients se heurtent ensuite Ă  de
nouvelles barriùres relatives à l’accueil
et qui risquent encore d’allonger le
délai de prise en charge;
3- ONDH (2011) ; Les disparitĂ©s d’accĂšs aux soins au Maroc. Etudes de cas. Observatoire Nationale de
DĂ©veloppement Humain, Rabat, Maroc.
10
Livre Blanc de la Santé
ici, le bakchich et/ou l’intervention
d’interconnaissances constituent
les facteurs favorisant l’accùs au
prestataire. L’objectif affichĂ© par les
patients est de parvenir jusqu’au
médecin, et de préférence au médecin
spécialiste. Le médecin généraliste
privé offre une alternative largement
pratiquée, y compris en milieu rural,
notamment du fait d’une disponibilitĂ©
ressentie plus importante.
L’accĂšs aux mĂ©dicaments est
contraint par de nombreux obstacles:
le prix, la disponibilité, les pratiques
des personnels soignants dans
les centres de santé sont les plus
récurrents. Certains patients sont
dans l’obligation de sĂ©lectionner les
médicaments qui leur ont été prescrits
et qui ne sont disponibles dans leur
totalité dans les centres de santé
et sont couteux dans les officines
privĂ©es. La nĂ©gociation d’un bakchich
pour accéder au médicament est
également évoquée.
Une étude récente sur les attentes
des médecins généralistes du secteur
public et privé montre que dans
leur ensemble ils s’accordent à dire
que la formation qu’ils ont reçue
n’est pas adaptĂ©e Ă  la pratique de
la profession et ne répond pas aux
besoins de la population. La volonté
de changer et d’adapter le cursus de
formation du médecin généraliste est
une priorité unanimement reconnue.
Tous partagent un diagnostic d’échec
des réformes des études médicales
successives et la persistance d’un
modÚle de formation en médecine
générale inadapté. La médecine
générale, perçue par les jeunes
lauréats comme une discipline de
triage et d’orientation des patients
vers les spĂ©cialistes, n’est qu’un
choix par défaut, et les jeunes lauréats
dĂ©plorent l’isolement du gĂ©nĂ©raliste
dans des zones éloignées aux
conditions de travail et de vie difficiles.
11
2éme Conférence Nationale sur la Santé 2013
Encadré 1
La consultation post 2015 – Les Marocains s’expriment sur
l’avenir que nous voulons. L’accĂšs Ă  des services de santĂ© de
qualité est un enjeu majeur
A l’initiative du SecrĂ©taire GĂ©nĂ©ral des Nations Unies, les bureaux pays des
Agences des Nations Unies ont organisé des consultations nationales afin de
rĂ©flĂ©chir aux prioritĂ©s de dĂ©veloppement de l’aprĂšs 2015. Au Maroc la parole a Ă©tĂ©
donnée à de multiples parties prenantes en février et mars 2013: représentants
d’institutions gouvernementales, diplomates, agences de coopĂ©ration,
organisations de la société civile, du secteur privé, des médias; parlementaires,
femmes élues, associations professionnelles, groupes vulnérables.
Le texte ci-dessous, extrait du rapport de synthĂšse des consultations, produit
par le Coordinateur Résident des Nations Unies au Maroc, résume les attentes
des marocains en matiÚre de santé :
«Les consultations montrent que l’accĂšs universel (y compris l’accessibilitĂ©) Ă 
des services de santé de qualité est un enjeu majeur pour les Marocains, le
concept recouvrant la gĂ©nĂ©ralisation de l’offre, l’extension gĂ©ographique et le
développement de la proximité avec les usagers dans les régions mal pourvues
ou enclavées (amélioration de la proximité des laboratoires médicaux, création
de facultĂ©s de mĂ©decine et de pharmacie et d’instituts scientifiques).
Ce besoin de proximité se traduit également par des attentes concernant le
ciblage de populations spĂ©cifiques : il s’agit de mettre en place des politiques
sanitaires adaptées aux personnes vulnérables (personnes ùgées, personnes
vivant avec le VIH, personnes ayant des besoins spécifiques, par exemple).
Les Marocains rĂȘvent d’une couverture mĂ©dicale globale et gratuite, et quelques-
uns dĂ©sirent la fin des monopoles au sein de l’industrie pharmaceutique. Les
participants aux consultations prĂ©conisent l’augmentation des allocations
budgĂ©taires pour le secteur, de mettre l’accent sur la rĂ©duction de la mortalitĂ©
infantile et la santé des femmes, ainsi que sur la production des génériques,
l’éducation sur le VIH et une formation de qualitĂ© des professionnels de la santĂ©.
12
Livre Blanc de la Santé
Un systùme de soins qui n’est
plus adapté à ce nouveau
contexte
Une infrastructure renforcée mais
sous-utilisée. Au cours des 30
derniÚres années le réseau sanitaire
du Maroc s’est trùs fortement
développé. Il disposait en 1960 de
394 Ă©tablissements publics de soins
de base; actuellement il compte
plus de 2600 unités. On est ainsi
passé de 0.58 établissements pour
10 000 habitants en 1980 (1/17 000
habitants) Ă  0.83 pour 10 000 hab.
(1/12000 habitants) actuellement.
Le réseau hospitalier a connu une
Ă©volution plus lente, mais il y a
maintenant 144 hĂŽpitaux publics avec
plus de 22 000 lits et 373 cliniques
privées avec prÚs de 10 300 lits.
Malgré ces efforts, quelques 20 %
de la population se trouvent encore
à plus de 10 km d’une formation
sanitaire de base et les indicateurs
de disponibilitĂ© et d’utilisation des
services sont nettement en faveur de
l’urbain.
Le taux d’utilisation des
services curatifs publics reste
remarquablement faible avec 0,6
nouveau cas par personne par an.
Les données sur les activités dans
les hĂŽpitaux publics montrent un
taux d’hospitalisation ne dĂ©passant
pas 5 %, ce qui confirme l’utilisation
relativement faible des Ă©tablissements
hospitaliers au Maroc(4). Cette sous-
utilisation est certainement en
grande partie le fait des problĂšmes
de ressources humaines et du
médicament décrits ci-dessous, mais
il a Ă©galement beaucoup Ă  voir avec
l’inadĂ©quation de l’offre de services
au type de demande d’aujourd’hui –
notamment les maladies chroniques
La pénurie de personnels. Une des
caractéristiques les plus frappantes
du secteur de santé marocain est
la pĂ©nurie de personnels. C’est un
problĂšme qui existe de longue date et
qui persiste malgré des améliorations
modestes. La densité de médecins,
public et privé confondus, est
passée de 0,43 à 0,62 pour 1 000
habitants entre 1999 et 2012, tandis
que la densité de personnel infirmier
fluctuait entre 0,89 et 0,97 pour 1 000
habitants. Depuis 2004 le nombre
de médecins augmente de 4,7 % et
celui des infirmiers de 1,9 % par an.
Ce taux d’accroissement semble
nettement insuffisant,
4- Cela contraste avec les taux de couverture de certains programmes (santé maternelle, vaccination, par
exemple) qui sont trÚs élevés ou en constante progression.
13
2éme Conférence Nationale sur la Santé 2013
en dépit des objectifs ambitieux
d’accroissement de la production de
mĂ©decin que le gouvernement s’est
fixé(5) . Entretemps plus de 40 %
des spécialistes au Maroc travaillent
exclusivement dans le secteur privé
urbain. La majorité de ceux qui
restent dans le secteur public exerce
massivement et parallĂšlement leur
profession dans un cabinet privé: la
«double pratique», qui est en principe
interdite mais que le ministĂšre de la
Santé peine à contenir.
Vingt-trois Ă©tablissements publics
forment des infirmiers et d’autres
professionnels de santé. Ces
Ă©tablissements opĂšrent sous la
supervision du ministÚre de la Santé
et produisent prÚs de 1 400 diplÎmés
tous les ans. Il y a Ă©galement
depuis peu plusieurs écoles privées
qui forment des infirmiĂšres et
autres professionnels de santé. Le
ministÚre de la Santé ne dispose que
d’informations limitĂ©es au sujet des
normes suivies ou du nombre de
diplĂŽmĂ©s produit par an. L’ouverture
récente de postes du secteur public
aux infirmiĂšres et autres professionnels
de la santĂ© diplĂŽmĂ©s d’écoles privĂ©es
a été une source de tension et
d’inquiĂ©tude au sein des employĂ©s du
secteur public.
Le problÚme de pénurie des
personnels de santé a été signalé
par de nombreux responsables
nationaux comme Ă©tant l’un des plus
grands défis du systÚme de santé:
manque d’effectifs, vieillissement,
distribution en fonction des intĂ©rĂȘts
des personnels plutĂŽt que des
besoins de la population. LĂ  oĂč des
personnels sont disponibles se pose
le problÚme de leur adéquation aux
besoins. Leur formation n’était dĂ©jĂ 
pas bien adaptée aux problÚmes des
populations tels qu’ils se posaient il y
a 20 ans, elle l’est encore beaucoup
moins maintenant que le profil des
besoins et de la demande est en train
de changer rapidement.
Le médicament cher. A cÎté de
la sous-utilisation des services de
santé et du déficit en personnels,
un troisiĂšme problĂšme frappant est
celui du médicament. Les prix des
médicaments sont 2 à 3 fois plus
élevés au Maroc que dans la plupart
des pays voisins, principalement
en raison de la fragmentation de
l’approvisionnement et de l’absence
de concurrence par des produits
génériques de qualité, dont la
pénétration ne dépasse pas 30%.
5- Il existe actuellement cinq facultés de médecine au Maroc (Rabat, Casablanca, Marrakech, FÚs et Oujda
- qui relÚvent toutes du secteur public - et qui produisent collectivement 1300 médecins tous les ans.
L’ouverture de deux nouvelles facultĂ©s de mĂ©decine est prĂ©vue Ă  Tanger et Agadir. Il n’existe pas d’écoles
de mĂ©decine dans le secteur privĂ©. Le gouvernement s’est fixĂ© pour objectif d’augmenter la production
nationale annuelle de mĂ©decins pour atteindre 3,300 d’ici 2020. L’augmentation de la production se fera en
doublant les admissions dans les Ă©coles existantes (ce qui s’est dĂ©jĂ  produit Ă  Rabat) et par l’ouverture d’un
nombre indéterminé de nouvelles écoles de médecine.
14
Livre Blanc de la Santé
Les dépenses pharmaceutiques
représentent 32% des dépenses
totales de santĂ© – ce qui est
disproportionné pour le niveau
de développement du pays. La
distribution publique et les ventes
privées de médicaments sont
mal gérées (un grand nombre de
pharmacies, outre les ventes directes
par les cliniques privées et les
médecins). Le ministÚre de la Santé
consacre une trĂšs grande partie de
son budget Ă  l’achat de mĂ©dicaments,
mais sans pouvoir pour autant assurer
la disponibilité des médicaments au
niveau périphérique. De nombreux
conflits d’intĂ©rĂȘts existent, par
exemple au sein des comités de
sĂ©lection, des comitĂ©s d’adjudication;
les médecins sont soumis à des
pratiques promotionnelles agressives.
Un financement encore trop
dépendant des paiements directs.
Le Maroc a progressivement
augmenté les sommes destinées à
la santé. Les dépenses totales sont
passées de 18,9 milliards de dirhams
(1,7 milliard de dollars) en 2001 Ă 
47,8 milliards de dirhams (5,8 milliards
de dollars) en 2010, soit une hausse
moyenne annuelle par habitant de 12,2
% (de 57,5 dollars Ă  181 dollars). Le
Maroc consacre une plus grande part
de son PIB à la santé (6,2% en 2010).
Le secteur public de la santé ne
mobilise cependant que 7,6% du
total des dépenses publiques, ce qui
reste nettement en dessous des 15%
prĂ©vues par la dĂ©claration d’Abuja
pour l’annĂ©e 2015. Une trĂšs grande
partie des dépenses reste le fait de
paiements directs par les ménages.
Ces paiements directs représentent
plus de la moitié du total des dépenses
de santé (53,6 % en 2010). Ce taux
élevé de paiements directs creuse
les inégalités et expose les ménages
à des risques élevés de catastrophe
financiùre et d’appauvrissement. Il n’y
a pas eu au Maroc jusqu’à prĂ©sent
de vraies Ă©tudes des effets de cette
maniĂšre de financer les soins, pas
seulement sur les finances des
ménages, mais également en termes
d’incitatifs pervers et de distorsions
dans la prestation de services.
Toujours est-il que remplacer ces
paiements directs (53% du total en
2010) par des dépenses publiques
(25%en2010)oupardesmécanismes
de prépaiement et de partage de
risques (22% en 2009) constitue
un des grands défis pour le secteur
santé du Maroc. La part de ces
derniers, essentiellement l’AMO et la
RAMED, est en train d’augmenter, en
absolu et en relatif. Ils n’offrent qu’une
couverture trÚs limitée, mais ils sont
en voie de toucher les deux tiers de
la population. Cela ne manquera
pas d’amener de trùs profondes
modifications dans le paysage de la
santé. Il est encore trop tÎt pour dire
dans quelle mesure cela permettra
de s’atteler aux problùmes de fond
du systĂšme – inĂ©galitĂ©s, ressources
humaines, médicaments, risques et
distorsions inhérentes au paiement
direct – mais c’est certainement une
opportunitĂ© pour l’avenir.
15
2éme Conférence Nationale sur la Santé 2013
La nouvelle donne :
la Constitution de 2011
Le secteur de la santé ne peut plus
rester le mĂȘme depuis la promulgation
de la Constitution de 2011.
La loi 65-00 de 2002 sur la couverture
médicale de base affirmait dans
son préambule que «la protection
de la santĂ© implique pour l’Etat,
l’engagement d’assurer gratuitement
les prestations de santé préventive
à l’ensemble des citoyens à titre
individuel et collectif, l’organisation
d’une offre de soins de qualitĂ© rĂ©partie
harmonieusement sur le territoire et
de garantir l’accùs aux soins à toutes
les couches sociales de la population
grĂące Ă  la prise en charge collective
et solidaire des dépenses de santé...
afin de concrĂ©tiser l’engagement de
l’Etat, qui consacre le principe du
droit à la santé.»
Neuf années plus tard, en 2011, la loi
cadre 34-09 relative au systĂšme de
santĂ© et Ă  l’offre de soins dĂ©finissait
avec plus de spécificité les principes
de la responsabilitĂ© de l’Etat et les
droits et devoirs de la population et des
usagers. Elle traduisait ces principes
en termes de responsabilitĂ©s de l’Etat
pour l’offre des soins, en termes
de contenu et en termes schémas
régionaux.
Mais la reconnaissance suprĂȘme du
droit à la santé relÚve de la Constitution
de 2011 qui fournit une perspective
trÚs riche sur la responsabilité de
l’État dans ce domaine. Elle affirme le
droit fondamental Ă  la vie (article 20)
Ă  la sĂ©curitĂ© (article 21) et Ă  l’intĂ©gritĂ©
physique et morale des personnes
(article 22). Elle protĂšge par la loi la
famille (article 32), elle donne aux
pouvoirs publics la responsabilité
d’aider les jeunes Ă  s’insĂ©rer dans
la vie active (article 33) et Ă  traiter et
prévenir la vulnérabilité (article 34).
L’article 31 de la constitution prĂ©cise
que «L’Etat, les Ă©tablissements publics
et les collectivitĂ©s territoriales Ɠuvrent
Ă  la mobilisation de tous les moyens
disponibles pour faciliter l’égal accĂšs
des citoyennes et des citoyens aux
conditions leur permettant de jouir
du droit : aux soins de santé, à la
protection sociale, Ă  la couverture
médicale et à la solidarité mutualiste
ou organisĂ©e par l’Etat, 
 Ă  l’accĂšs
à l’eau et à un environnement sain,
au dĂ©veloppement durable.» L’article
34 indique que « Les pouvoirs publics
Ă©laborent et mettent en Ɠuvre des
politiques destinées aux personnes et
aux catégories à besoins spécifiques.
A cet effet, ils veillent notamment Ă  :
Traiter et prévenir la vulnérabilité de
certaines catégories de femmes et de
mĂšres, des enfants et des personnes
ùgées, Réhabiliter et intégrer dans
la vie sociale et civile les handicapés
physiques sensorimoteurs et mentaux
et faciliter leur jouissance des droits et
libertés reconnus à tous.»
D’autre part, l’article 71 affirme que
sontdudomainedelaloi«lesprincipes
16
Livre Blanc de la Santé
et rÚgles du systÚme de santé,
les relations de travail, la sécurité
sociale, les accidents de travail et
les maladies professionnelles, et la
création des établissements publics
et de toute autre personne morale de
droit public», tandis que l’article 154
confirme que «les services publics
sont organisĂ©s sur la base de l’égal
accĂšs des citoyennes et citoyens, de
la couverture Ă©quitable du territoire
national et de la continuité des
prestations» : «Ils sont soumis aux
normes de qualité, de transparence,
de reddition des comptes et de
responsabilité, et sont régis par les
principes et valeurs démocratiques
consacrés par la Constitution».
L’article 156 dit que ces «services
publics sont Ă  l’écoute de leurs
usagers et assurent le suivi de
leurs observations, propositions
et doléances. Ils rendent compte
de la gestion des deniers publics
conformément à la législation
en vigueur et sont soumis, Ă  cet
Ă©gard, aux obligations de contrĂŽle
et d’évaluation.» et selon l’article
157 «une charte des services
publics fixe l’ensemble des rùgles
de bonne gouvernance relatives au
fonctionnement des administrations
publiques, des régions et des autres
collectivités territoriales et des
organismes publics.»
Ainsi la Constitution reconnaĂźt de
façon explicite le droit à l’accùs aux
soins de santé - et donc indirectement
le droit à la santé. Elle agit, également
à travers d’autres articles, sur un
éventail trÚs large de déterminants
de la santé. Il est important de noter
qu’elle donne Ă©galement une feuille de
route sur la façon dont les services de
santĂ© doivent ĂȘtre gouvernĂ©s : Ă©quitĂ©,
redevabilité, transparence, écoute :
des services au service du citoyen.
La reconnaissance du droit à la santé
pourtouslesmarocains,conséquence
logique des revendications citoyennes
liées au mouvement du printemps
arabe, s’inscrit dans la continuitĂ©
des réformes initiées par les pouvoirs
publics Ă  caractĂšre sociales et
Ă©conomiques : la loi 65-00 sur la
couverture médicale de base de 2002,
l’initiative nationale du dĂ©veloppent
humain (l’INDH) lancĂ©e en 2005, la loi
34-09 relative au systÚme de santé et
à l’offre de soins de 2011, et en 2013,
Ă  la suite de la nouvelle constitution, la
généralisation du RAMED, le régime
d’assistance mĂ©dicale.
Faire de cette reconnaissance du droit
à la santé une réalité dans le quotidien
de tous les habitants du Maroc, c’est
lĂ  l’objet de la rĂ©forme qui est en
discussion aujourd’hui. Pour le Maroc
il s’agit d’un enjeu majeur. La capacitĂ©
de réformer en profondeur le systÚme
de santé constitue en effet un test
pour la démocratie et la solidarité.
La suite de ce livre blanc suggĂšre les
grands axes autour desquels pourrait
s’articuler la rĂ©forme du secteur de la
santé.Cespistesdevraientfaciliterune
discussion approfondie et structurée
avec les différentes parties prenantes
pour réunir les appuis nécessaires
aux changements Ă  implanter.
17
2éme Conférence Nationale sur la Santé 2013
Cette nouvelle réforme cherche
à répondre de façon équilibrée à
différentes exigences :
‱ Centrer les soins sur les
problĂšmes et les attentes des
gens, lutter contre les exclusions
et promouvoir la santé ;
‱ Anticiper les rĂ©ponses aux dĂ©fis
pour la santé des mutations de la
société marocaine ;
‱ Construire un systùme durable et
efficient.
Au cƓur de cette rĂ©forme se situe
la volonté de réaliser concrÚtement
le droit à l’accùs aux soins et à la
santé pour tous les marocains, en
prenant en considĂ©ration l’ensemble
des déterminants de la santé, tout
en construisant un « bon » systÚme
de santé performant, en mesure
d’assurer la pĂ©rennitĂ© du changement
attendu. Les caractéristiques et les
propriĂ©tĂ©s d’un « bon » systĂšme de
santé, et plus spécifiquement de son
systÚme de soins sont résumées
dans l’encadrĂ© 2.
La nouvelle constitution et l’affirmation
du droit Ă  la santĂ© qu’elle consacre
n’est pas la seule opportunitĂ©
pour préparer le systÚme de santé
marocain de l’avenir. La nouvelle
réforme doit aussi réaliser des
synergies et contribuer à l’avancement
des politiques de régionalisation.
Cela doit donner un nouvel Ă©lan Ă 
l’organisation de la proximitĂ© et Ă  la
participation des populations tout
en décongestionnant un processus
décisionnel trÚs centralisé.
Pour réussir, cette volonté de réforme
et de modernisation du secteur de
la santĂ© doit ĂȘtre appropriĂ©e par les
acteurs du systùme et faire l’objet
d’un consensus social afin de vaincre
les résistances au changement
et de gĂ©rer les intĂ©rĂȘts divergents
des intervenants. Les perspectives
proposĂ©es s’articulent autour de
trois grands axes – qui font Ă©cho
aux mouvements de réforme dans la
plupart des pays Ă  haut ou Ă  moyen
revenu :
‱ Assurer la protection des
populations : agir contre les
menaces (anciennes et nouvelles)
sur la santé de la population
marocaine par une politique
volontariste sur les déterminants
de la santé ;
‱ Avancer vers la couverture
universelle : assurer l’accùs de
tous Ă  un systĂšme de soins de
proximité, et réorganiser les
solidarités : éliminer les barriÚres
financiĂšres Ă  l’accĂšs et Ă©viter
Quelles perspectives pour cette nouvelle réforme
du systÚme de santé ?
18
Livre Blanc de la Santé
que les ménages engagent des
dépenses catastrophiques pour
pouvoir se soigner ;
‱ Gouverner l’ensemble du
systÚme de santé (public et privé,
formel et informel) : passer d’un
systÚme commandé et contrÎlé
par le haut (le mode «command
and control»), vers un systÚme
basé sur la régulation et la
négociation (le mode « steer and
negotiate»). Cela implique de
passer d’une focalisation excessive
sur les mécanismes administratifs
à l’utilisation d’incitatifs, à la
participation et Ă  la transparence.
19
2éme Conférence Nationale sur la Santé 2013
Encadré 2.
Vers oĂč la rĂ©forme veut-elle aller ? Les caractĂ©ristiques de ce
que serait un « bon » systÚme de santé au Maroc.
UN “BON” SYSTÈME DE SANTÉ CONTRIBUE À:
‱ AmĂ©liorer la santĂ© et l’équitĂ© en santĂ©
‱ Etablir un Ă©quilibre entre la rĂ©ponse donnĂ©e aux besoins en santĂ© et celle
donnée aux attentes des gens.
POUR CE FAIRE, UN “BON” SYSTÈME DE SANTÉ:
‱ Assure la couverture universelle, c’est à dire à la fois l’accùs universel aux
soins de santé de qualité et la protection financiÚre des utilisateurs ;
‱ S’occupe de la santĂ© des populations, en agissant sur les dĂ©terminants de la santĂ©
et en protégeant les citoyens et les communautés contre ce qui menace la santé ;
‱ Anticipe les menaces Ă  la santĂ© et gĂšre les situations de crises;
‱ RĂ©agit aux prioritĂ©s sanitaires, avec un Ă©ventail Ă©quilibrĂ© et scientifiquement
fondĂ© d’interventions et d’activitĂ©s curatives, prĂ©ventives et de promotion de la
santé.
CE SYSTÈME DE SANTÉ ENGLOBE UN SYSTÈME DE SOINS BIEN ORGANISÉ,
PERFORMANT ET CENTRÉ SUR LES GENS:
Il rend accessible à tous, des services de proximité :
‱ Qui connaissent la population pour laquelle ils sont responsables;
‱ Que les gens connaissent et dans lesquels ils ont confiance;
‱ Qui peuvent rĂ©soudre leurs problĂšmes et les rĂ©fĂ©rer vers des services
spécialisés en cas de besoin;
‱ Qui assurent la continuitĂ© et la globalitĂ© des soins;
‱ Qui fournissent des soins intĂ©grĂ©s, efficaces et ne crĂ©ent pas de risques indus
pour les patients ;
Il est constitué par des réseaux de services (de premiÚre ligne et de recours) :
‱ Qui ont dĂ©fini des liens clairs, transparents et effectifs entre eux ;
‱ Qui ont une responsabilitĂ© d’ensemble pour la santĂ© d’une population bien
définie ;
20
Livre Blanc de la Santé
‱ Qui ont Ă©tabli des mĂ©canismes appropriĂ©s et participatifs de redevabilitĂ© sur
leur performance.
UN BON SYSTÈME DE SANTÉ DÉPEND DE COMMENT LE FINANCEMENT,
L’INFORMATION ET LES RESSOURCES HUMAINES - SONT ORGANISÉS ET
GOUVERNÉS:
Le financement – et les modalitĂ©s de paiement– sont organisĂ©s de façon Ă 
appuyer la progression vers la couverture universelle:
‱ En assurant un niveau de financement suffisant;
‱ En se basant sur le prĂ©-paiement et le partage des risques pour Ă©liminer
les barriùres à l’accùs et garantir la protection financiùre de tous contre les
dépenses catastrophiques ;
‱ En trouvant un Ă©quilibre entre l’élargissement progressif de la gamme de
services offerts, l’extension progressive de la population couverte, et la
réduction progressive des paiements directs des ménages.
Les systĂšmes d’information et de connaissance sont organisĂ©s de façon Ă 
fournir et partager, de façon transparente des informations sur la performance.
Plus précisément :
‱ les informations importantes et stratĂ©giques sur les tendances en termes de
résultats santé ;
‱ les informations importantes et stratĂ©giques sur les tendances en termes de
services fournis, de qualité et de productivité;
‱ les informations importantes et stratĂ©giques sur les tendances en termes
d’utilisation et de disponibilitĂ© de ressources ;
‱ les informations importantes et stratĂ©giques sur les tendances en termes de
besoins et attentes des gens ;
‱ les informations importantes et stratĂ©giques sur la qualitĂ© des milieux de vie
au travail
‱ les informations importantes et stratĂ©giques sur la perception, par les
populations, les utilisateurs et les travailleurs de santé, de la performance du
systÚme de santé.
Le systÚme des ressources humaines est gouverné de façon à :
‱ Former, dĂ©ployer et retenir une force de travail en nombres suffisants pour
répondre aux besoins de santé sur tout le territoire;
‱ Garantir que les professionnels aient accĂšs aux mĂ©dicaments et Ă  la
technologie nécessaire pour répondre aux besoins de santé de la population ;
‱ S’assurer que les profils de compĂ©tences des travailleurs de la santĂ©
permettent de fournir de « bons » soins et permettent de s’occuper efficacement
des déterminants de la santé,
‱ S’adapter aux changements qu’impose le dĂ©veloppement du pays.
21
2éme Conférence Nationale sur la Santé 2013
AXE1-Agirsurlesdéterminants
de la santé, promouvoir ce qui
peut l’amĂ©liorer et protĂ©ger
les populations contre ce qui
menace leur santé
Le Maroc, pays en transition, doit faire
face à la fois à des facteurs «anciens»
et «nouveaux» qui déterminent la santé
des individus et des communautés.
Au fur et Ă  mesure que le pays se
modernise, les besoins en actions
de prévention et en promotion de
la santé ne vont pas diminuer, ils
augmenteront. D’une part, le Maroc
ne pourra obtenir des résultats de
santé à long terme de façon efficace
et efficiente que s’il redouble les
efforts visant les déterminants de la
santĂ©. D’autre part, les populations
deviennent – à raison – de plus en
plus exigeantes envers les pouvoirs
publics quant Ă  la protection de leur
santé.
Le renforcement nécessaire de
l’action sur les dĂ©terminants de la
santé ne se fera pas sans entrainer
des pressions financiĂšres et
organisationnelles. La seule façon d’y
faire face sera d’accroĂźtre la flexibilitĂ©
du systÚme de santé pour adapter
son action à la diversité géographique,
épidémiologique et sociale du pays.
La régionalisation avancée (voir
encadré 4) donne le cadre qui rendra
possible cette adaptation.
L’efficacitĂ© de l’action sur les
déterminants de la santé sera
dĂ©terminĂ©e par l’ouverture de trois
chantiers:
1. Revoir l’ensemble des politiques
et actions techniques importantes
pour agir sur les déterminants de la
santé à la lumiÚre des « fonctions
essentielles de santé publique ».
2. Mobiliser l’ensemble des
secteurs qui influencent la santé
pour qu’ils prennent en compte la
santé dans leurs décisions;
3. Renforcer l’action sanitaire de
proximité et la participation de la
population face aux problĂšmes
qui affectent la vie et la santé des
communautés.
Chantier 1. DĂ©velopper les
«fonctions essentielles de santé
publique»
Rationnel
Les structures de santĂ©, qu’elles
soient publiques ou non, peuvent et
doivent jouer un rĂŽle important pour
agir sur une série de problÚmes de
santé publique : contrÎle des maladies
transmissibles, prise en charge de
la dépendance et des maladies
liĂ©es au grand Ăąge, l’obĂ©sitĂ©, la
prévention des cancers, la protection
environnementale, la santé mentale,
les maladies chroniques etc. Au
niveau national, la prise en charge de
ces problĂšmes nĂ©cessite qu’une sĂ©rie
de « fonctions essentielles de santé
publique » soient assurée.
22
Livre Blanc de la Santé
Il est clair que c’est le Ministùre
de la santé qui assure, pour le
gouvernement, la responsabilité
de ces fonctions. Il n’en est pas
nĂ©cessairement de mĂȘme pour leur
mise en Ɠuvre. Celle-ci peut ĂȘtre
confiée aux structures du MinistÚre
de la Santé, mais elle peut tout aussi
bien l’ĂȘtre, selon les cas, Ă  d’autres
ministĂšres, Ă  des organismes
parapublics, académiques, voire à
des collectivités locales ou à la société
civile.
Que faire ?
Enplusdecequel’Etatassumecomme
responsabilitĂ©s d’organisation, de
régulation et de fourniture de soins, il y
a une série de « fonctions essentielles
de santé publique » que le systÚme
de santé marocain doit remplir (et
qu’il n’assume, en ce moment, que
de façon partielle et souvent peu
efficiente) :
‱ La prĂ©vention, la surveillance
et le contrĂŽle des maladies
transmissibles et non
transmissibles;
‱ La surveillance de l’état de santĂ©;
‱ La promotion de la santĂ© ;
‱ La santĂ© au travail ;
‱ La protection de l’environnement;
‱ La lĂ©gislation et la rĂ©glementation;
‱ La planification et la gestion ;
‱ Des services spĂ©cifiques tels que
la santé scolaire, le secours en cas
de catastrophe ou le laboratoire de
santé publique ;
‱ La santĂ© pour les populations
vulnérables et les populations à
haut risque.
Le Maroc a eu, dans certains
domaines, des succĂšs
impressionnants – maütrise de la
fécondité, lutte contre le trachome,
la schistosomiase et le paludisme.
Dans d’autres domaines, cependant,
on constate des défaillances
importantes, un Ă©parpillement des
responsabilités et une insuffisance
de coordination. Cette situation
affaiblit considérablement le potentiel
d’action des autoritĂ©s sanitaires pour
la protection de la santé.
Les conditions institutionnelles doivent
ĂȘtre crĂ©Ă©es afin que le MinistĂšre de la
Santé puisse élargir les activités qui
existent et couvrir l’ensemble de la
gamme des fonctions. En matiĂšre de
collaborationentrelasantéetlesautres
secteurs, certaines activités sont déjà
partagées : les Bureaux Municipaux et
les Bureaux Communaux d’Hygiùne
avec les collectivités locales, la
santé scolaire et universitaire avec
l’éducation, l’hygiĂšne du milieu avec
l’agriculture et les collectivitĂ©s locales.
Ces opportunités de collaboration
permettent d’obtenir des rĂ©sultats
meilleurs, plus rapides et plus
visibles. Il y a lieu de rentabiliser
23
2éme Conférence Nationale sur la Santé 2013
l’expĂ©rience acquise et de l’étendre Ă 
d’autres domaines en proposant des
approches innovantes.
Conditions institutionnelles Ă 
mettre en place
Traditionnellement ce sont les instituts
nationaux de santé publique qui dans
de nombreux pays ont constitué la
principale source indépendante de
compétences techniques pour remplir
les grandes fonctions de la santé
publique et aussi, plus largement,
pour élaborer les politiques de santé
publiques. Certains instituts nationaux
peuvent faire état de réussites
prestigieuses : la Fiocruz au Brésil,
Kansanterveys Laitos en Finlande,
l’Institut National de SantĂ© Publique
du Québec ou le CDC aux Etats-
Unis. De plus en plus, cependant, les
capacitĂ©s de ces instituts s’avĂšrent
insuffisantes face aux nombreuses
demandes de politiques publiques.
Trop souvent, leur mandat est
surdimensionnĂ© et sous‑financĂ©.
Leurs ressources sont dispersées et il
leur est difficile de constituer la masse
critique de compétences diversifiées
et spécialisées. Plusieurs des
fonctions dont ils sont responsables
sont alors négligées ou délaissées.
Dans de nombreux pays ce paysage
institutionnel classique est en train de
changer. Le nombre de centres de
compétences, souvent spécialisés
dans un aspect particulier, augmente.
Les formes institutionnelles classiques
se diversifient. On a tendance, Ă 
l’heure actuelle, à travailler à travers
des réseaux constitués par un
ensemble de centres de recherche,
fondations, entités universitaires,
consortiums indépendants, groupes
de réflexion, projets, organismes
techniques et initiatives de toutes
sortes, au sein du secteur santé et
dans d’autres secteurs.
Il est vraisemblable que le Maroc
continuera lui aussi Ă  Ă©voluer dans ce
sens. Cela se traduira par des réseaux
de compétences plus complexes
et plus diffus mais aussi beaucoup
plus riches. Le renforcement des
institutions devra passer par des
stratégies prudentes en matiÚre de
spécialisation et de complémentarité,
en prĂȘtant attention au dĂ©fi que
constituent la coordination de ces
réseaux et la cohérence du leadership
montré du MinistÚre de la Santé.
Pour progresser dans cette voie, trois
tñches s’imposent:
‱ Inventorier le paysage
institutionnel de la santé publique
au Maroc afin de développer une
mise en réseau qui garantisse
que l’ensemble des fonctions soit
couvert d’une façon efficiente,
avec des garanties de qualité et
des mécanismes de redevabilité ;
‱ Transformer la formation
des ressources humaines
qui s’occupent des fonctions
essentielles de santé publique
24
Livre Blanc de la Santé
en assurant la diversification et la
spécialisation que ces réseaux
plus complexes demanderont.
A l’heure actuelle les facultĂ©s de
mĂ©decine et l’école nationale de
santĂ© publique (l’ex-INAS). Ces
institutions forment encore trop
peu de professionnels de ce type,
et restent trop souvent focalisées
sur des problématiques strictement
sanitaires voire concentrées
exclusivement sur la lutte contre
les maladies et l’épidĂ©miologie
classique. Le MinistÚre de la Santé
devra, en collaboration avec les
institutions de formation, impulser
le renouveau des programmes de
formation dans ce domaine, et en
assurer la régulation.
‱ Engager la collaboration
transfrontaliĂšre et les Ă©changes
inter-pays, afin d’élargir le champ
d’expertise auquel on peut faire
appel pour rĂ©aliser d’importantes
Ă©conomies d’échelle et enrichir
le débat national en intégrant des
perspectives venant d’ailleurs.
Chantier 2. Mettre la santé au
cƓur des politiques publiques:
des Ă©valuations d’impact-
santé pour dialoguer avec les
autres secteurs
Rationnel
La santĂ© des populations n’est pas
seulement le résultat des activités du
secteur sanitaire. Elle est dans une
large mesure déterminée par des
facteurs sociétaux et économiques,
et donc par des politiques et des
actions qui ne sont pas du ressort du
secteur de la santé. Les conditions
d’habitation ou de travail, par exemple,
peuvent avoir des répercussions
déterminantes sur la santé.
Les autorités sanitaires ont parfois
l’impression que leur secteur ne peut
influencer ces facteurs qu’à la marge.
Le secteur santĂ© n’est bien
Ă©videmment pas en mesure de
redĂ©finir les relations de travail, d’agir
sur le chîmage, d’augmenter les
taxes sur le tabac, d’imposer des
normes techniques aux véhicules à
moteur, de rĂ©guler l’exode rural ou de
fermer les bidonvilles, bien que toutes
ces mesures aient des effets sur la
santé.
Mais cela ne veut pas dire que le
secteur santé soit tout à fait démuni. Il
peut avoir un impact réel, à condition
de collaborer avec les autres secteurs.
Il peut faire en sorte que la santé soit
reconnue comme une retombée
socialement importante des politiques
des autres secteurs. Dans le passé, le
secteur de la santé a parfois engagé
de telles collaborations de maniĂšre
plutĂŽt symbolique ; il l’a Ă©galement
fait, parfois avec de bons résultats,
en convaincant les autres secteurs
à aider le secteur de la santé dans la
poursuite de ses objectifs de santé.
25
2éme Conférence Nationale sur la Santé 2013
Il y a au Maroc une sĂ©rie d’exemples
pour lesquels le MinistÚre de la Santé
a obtenu la collaboration active et
efficace d’autres secteurs pour agir
sur des déterminants sociaux et
environnementaux de problĂšmes
importants de santé publique:
l’élimination de la bilharziose, la lutte
contre le trachome, les programmes
de vaccination, ou, plus récemment,
la lutte contre le cancer. Dans ces
situations, il y avait un leadership clair
et transparent de la part du MinistĂšre
de la Santé et des appuis au sein des
autres secteurs. Cette collaboration a
été efficace grùce au fait que toutes
les parties avaient été convaincues
qu’il y aurait des gains de santĂ© rĂ©els
et visibles pour les populations.
Pour mettre « la santé dans toutes les
politiques » il faut aller plus loin. Il faut
entreprendre une action de long terme
pour faire reconnaßtre que la santé des
populations est une responsabilité
partagée par tous.
Dans une perspective de santé
publique on part d’un problùme de
santĂ© spĂ©cifique qu’on veut rĂ©soudre
et on demande aux autres secteurs
de contribuer Ă  le solutionner.
Quandonréfléchitentermesde«santé
danstouteslespolitiques»onpartdela
politiquedel’autresecteur(agriculture,
Ă©ducation, environnement, Ă©conomie,
logement, transport, 
) telle qu’elle
a été formulée, avec ses objectifs
et sa logique propres, pour ensuite
regarder les conséquences en
termes de santé. On évalue donc, en
collaboration avec l’autre secteur, les
effets, positifs et négatifs, actuels ou
potentiels, de leurs politiques sur la
santé des populations.
Les politiques des autres secteurs
peuvent se révéler importantes pour
la santé des populations à deux titres:
‱ lles peuvent apporter une
contribution positive à la santé
sans que ce soit leur but
explicite. C’est souvent le cas,
par exemple, pour des politiques
en matiĂšre d’éducation, d’égalitĂ©
entre hommes et femmes ou
d’inclusion sociale. Celles-ci
peuvent se voir renforcées si elles
s’appliquent à rechercher encore
plus délibérément ces résultats
sanitaires positifs, comme faisant
partie intĂ©grante d’elles-mĂȘmes.
En donnant une reconnaissance
et une visibilité plus marquée à ces
résultats santé, cela ne peut que
renforce les uns et les autres et
créer des synergies utiles pour les
populations.
‱ Elles peuvent aussi avoir des
conséquences néfastes. On
s’en aperçoit souvent trop tard,
rétrospectivement, comme dans
le cas des effets négatifs de la
pollution atmosphérique ou de
la contamination industrielle.
Les dĂ©cideurs d’autres secteurs
peuvent ne pas ĂȘtre conscients
26
Livre Blanc de la Santé
des conséquences sanitaires
futures des choix qu’ils font et qui,
dans leur logique, peuvent ĂȘtre
parfaitement justifiés. Pourtant, il
est souvent possible de prévoir ces
conséquences ou de les détecter à
un stade précoce, et de trouver un
accord avec l’autre secteur pour
réduire les effets néfastes pour la
santé.
Que faire ?
La DĂ©claration d’AdĂ©laĂŻde (voir
l’annexe 1) sur l’intĂ©gration de la santĂ©
dans toutes les politiques décrit les
moteurs pour la mise en Ɠuvre d’une
telle approche et le rĂŽle nouveau pour
le secteur de la santĂ© qu’elle implique.
L’approche traditionnelle de la santĂ©
publique – partir d’un problùme de
santé spécifique pour demander aux
autres secteurs d’aider Ă  le rĂ©soudre
– est bien-sĂ»r utile et nĂ©cessaire,
mais elle n’a qu’un potentiel limitĂ©.
Il faut Ă©galement commencer le
dialogue Ă  partir des politiques des
autres secteurs lorsque ceux-ci les
conçoivent, pour voir dans quelle
mesure elles affectent, positivement
ou négativement, la santé. Ce
dialogue n’est pas facile Ă  Ă©tablir.
Mais on dispose maintenant, dans
un nombre croissant de pays, d’une
expérience considérable avec des
outils «d’évaluation de l’impact sur la
santé». Une utilisation systématique
de ces outils (encadré 3) permettrait
au Maroc de catalyser ce dialogue.
Encadré 3.
Comment Ă©valuer l’impact sur la santĂ© ?
« L’évaluation d’impact sur la santé» est un exercice de plus en plus utilisĂ©,
en particulier dans la CommunautĂ© europĂ©enne. Il s’inspire des mĂ©thodes
dĂ©veloppĂ©es dans des «évaluations de l’impact environnemental», pour apprĂ©cier
les conséquences en termes de santé et de sécurité sanitaire des politiques
dont la finalitĂ© n’est pas la santĂ©. IdĂ©alement l’exercice se fait au moment oĂč
un secteur considĂšre les options politiques pour le moyen ou le long terme. Les
Ă©valuations de l’impact sanitaire des politiques permettent de rĂ©pondre de façon
explicite à une série de questions. Est-ce que la politique évaluée :
‱ affecte la santĂ© et la sĂ©curitĂ© des individus ou des populations (l’espĂ©rance
de vie, la mortalitĂ©, la morbiditĂ©) Ă  travers des effets sur l’environnement socio-
Ă©conomique (revenu, Ă©ducation, emploi, nutrition) ?
‱ accroĂźt ou rĂ©duit la probabilitĂ© de risques sanitaires imputables Ă  des
substances nocives pour l’environnement naturel ?
27
2éme Conférence Nationale sur la Santé 2013
Conditions institutionnelles Ă 
mettre en place
Des exercices d’évaluation d’impact
santé seront une bonne base de
dialogue s’ils sont conduits de façon
systématique,objectiveetscientifique,
en collaboration Ă©troite avec les autres
secteurs. Une commission nationale
des déterminants sociaux de la santé,
pilotée au plus haut niveau possible,
doit servir de plateforme d’animation
multisectorielle ou de pilotage
d’outils tels que l’évaluation d’impact
sur la santé. Mais il faudra que le
MinistĂšre de la SantĂ© s’équipe des
capacitĂ©s – l’expertise, l’information,
la technologie – nĂ©cessaires pour
pouvoir aussi créer de façon crédible
les autres instruments de dialogue et
de coordination.
Cela suppose que des efforts
volontaristes, ciblés et suivis au plus
haut niveau soient entrepris sur deux
terrains :
‱ Faire accepter le principe des
exercices d’évaluation d’impact
et Ă©tablir une relation de confiance
avec les autres secteurs pour les
entreprendre. Il faut viser Ă  ce
qu’ils soient inscrits dans la loi
en tant que une précondition à
‱ affecte la santĂ© en modifiant les nuisances sonores, la qualitĂ© d’air, d’eau ou
du sol dans des zones peuplées?
‱ affecte la santĂ© en raison de changements dans l’utilisation de l’énergie ou de
l’élimination des dĂ©chets ?
‱ affecte des dĂ©terminants de la santĂ© liĂ©s au mode de vie, tels que la
consommation de tabac ou d’alcool, ou l’exercice physique ?
‱ a des effets particuliers sur certains groupes Ă  risque (dĂ©terminĂ©s par l’ñge, le
sexe, le handicap, la catégorie sociale, la mobilité, la région, etc.) ?
Cet exercice peut Ă©galement viser les effets sur l’accĂšs au systĂšme de soins, Ă  la
protection sociale et Ă  l’éducation, en Ă©valuant la politique du secteur concernĂ©
du point de vue de son:
‱ impact sur les services quant Ă  leur qualitĂ© et leur accessibilitĂ© ?
‱ effet sur l’éducation et la mobilitĂ© des travailleurs (santĂ©, Ă©ducation, etc.) ?
‱ impact sur l’accĂšs des individus Ă  l’éducation publique ou privĂ©e ou la
formation professionnelle et continue?
‱ fourniture transfrontiùres de services, l’orientation d’un pays à l’autre et la
coopération dans les régions frontaliÚres ?
‱ impact sur le financement et l’organisation des systùmes sociaux, sanitaires
et Ă©ducatifs (y compris la formation professionnelle) ?
‱ influence sur la libertĂ© acadĂ©mique ou l’autonomie locale ?
28
Livre Blanc de la Santé
l’approbation de grandes initiatives
sectorielles (tout comme, p.ex.,
l’évaluation prĂ©alable de l’impact
environnemental est devenue une
condition nécessaire en Union
Européenne). Il faudra donc une
feuille de route pour des démarches
Ă  faire pour inscrire cette obligation
dans la loi.
‱ CrĂ©er la capacitĂ© d’analyse et
d’évaluation et des systĂšmes
d’information intelligents et
performants – avec toutes les
compétences et les technologies
que cela demande – pour pouvoir
mener Ă  bien de telles Ă©valuations
de façon convaincante. Une
analyse plus approfondie devra
déterminer si de telles capacités
doivent se trouver au sein du
secteurpublic,dansdesinstitutions
parapubliques ou académiques,
ou dans d’autres organisations de
la société civile.
Chantier 3. L’action locale sur
les déterminants de la santé
Rationnel
Ce sont souvent des circonstances
locales qui menacent la santĂ© ; c’est
Ă©galement au niveau local qu’il y
a souvent des opportunités pour
diminuer les risques et améliorer la
santé. Ces opportunités locales ne
peuvent ĂȘtre identifiĂ©es et rĂ©solues
que localement en combinant l’action
des services de proximité et la
participation de la population.
Au Maroc il y a une longue tradition
de mobilisation des communautés
locales pour la mise en Ɠuvre de
programmes de santé publique
comme la vaccination, la lutte contre
le trachome, ou la diffusion de la
contraception. Il s’est ainsi constituĂ©
un capital de compétences et de
motivations qu’il faut maintenir et
Ă©tendre. Il y a cependant un potentiel
sous-exploitĂ© important d’action
locale sur les déterminants de la
santé.
Les services de proximité, et,
par ailleurs, les autorités locales,
pourraient beaucoup mieux faire pour
assurer le relais entre le local et les
structures supérieures. Au niveau
local on a de l’expĂ©rience avec la
transmission des informations et des
directives programmatiques du haut
vers le bas et vers les populations:
c’est une pratique bien Ă©tablie. On y
est cependant peu enclin Ă  Ă©galement
transmettre de l’information du bas
vers le haut sur des problĂšmes
locaux qui ont été identifiés, ou des
initiatives locales prometteuses, mis
en place par les services de santé ou
par la société civile. Cela représente
des occasions manquées pour les
autorités régionales et nationales
d’appuyer des initiatives locales qui
peuvent apporter une plus-value en
santé.
29
2éme Conférence Nationale sur la Santé 2013
L’INDH, l’Initiative Nationale de
DĂ©veloppement Humain, offre Ă  ce
titre une multitude d’opportunitĂ©s
pour renforcer l’action sur les
déterminants sociaux de la santé. Ce
projet de rĂšgne a su mobiliser toutes
les compétences et organisations
locales dans la lutte contre la pauvreté
dans un cadre organisé et coordonné.
Que faire ?
Il y a lieu de renforcer les interactions
et les coordinations entre l’INDH et
l’ensemble des secteurs d’activitĂ©s
agissant sur les déterminants de la
santé. La décentralisation permettra
d’appuyer plus efficacement la
créativité et les initiatives locales à
travers des mesures telles que :
‱ Faire de la collaboration avec
les initiatives communautaires un
élément des termes de référence
des formations sanitaires de
proximité, et un élément de leur
Ă©valuation continue.
‱ CrĂ©er des mĂ©canismes
permettant de faire remonter au
niveau rĂ©gional l’information sur
les initiatives locales qui sont
innovatrices et prometteuses
ou qui ont montré des résultats
intéressants.
‱ Mettre en place des mĂ©canismes
décentralisés pour appuyer de
telles initiatives avec ressources
et expertise, mais Ă©galement des
programmes ou des initiatives
nationales qui appuient de tels
développements parmi les
populations les plus démunies.
Conditions institutionnelles
Beaucoup dépend du degré de
décentralisation du pouvoir de
décision au sein du secteur santé, et
de la possibilité de mettre en place,
aux niveaux régional et sous-régional,
des mécanismes de redevabilité
basés sur une évaluation objective
des appuis fournis et des résultats
obtenus. L’encadrĂ© 4 montre
combien la décentralisation avancée
sera déterminante. Mais le secteur
santé ne pourra pas pour autant
se décharger de sa responsabilité
pour mettre en place ses structures
de proximité et de participation, un
systĂšme d’information redessinĂ©, et la
technologie moderne pour assurer la
transparence.
30
Livre Blanc de la Santé
Encadré 4.
L’importance de la dĂ©centralisation avancĂ©e
pour la réforme du secte ur santé
La rĂ©gionalisation avancĂ©e vise Ă  libĂ©rer l’esprit d’initiative et les Ă©nergies
créatives des citoyennes et citoyens, contrecarrer et réduire les pesanteurs
et les inhibitions bureaucratiques et promouvoir la proximitĂ©. Elle met l’accent
sur l’intersectorialitĂ© et la territorialisation des politiques publiques et des
interventions de l’Etat et des collectivitĂ©s territoriales. Cela est de toute premiĂšre
importance pour la réforme du secteur santé, avec son insistance sur les soins
de proximitĂ© et l’importance accordĂ©e Ă  l’action locale sur les dĂ©terminants
de la santé. Cette décentralisation avancée sera un exercice démocratique
donnant des compétences étendues et mieux articulées aux régions avec une
prééminence de la collectivité régionale en matiÚre de développement intégré.
On prévoit, entre autres, un fonds de mise à niveau sociale des régions, avec
de nouvelles ressources propres du conseil régional et des ressources accrues
Ă  affecter par l’Etat, proportionnĂ©es aux compĂ©tences transfĂ©rĂ©es.
La limitation des contrĂŽles a priori et d’opportunitĂ© et le renforcement des
contrÎles a posteriori permettront plus de flexibilité et des opportunités
d’innovation. La rĂ©gionalisation avancĂ©e renforcera la gĂ©nĂ©ralisation des
contrats-programmes basés sur les résultats, particuliÚrement pertinents pour
un systÚme complexe et pluraliste comme le systÚme de santé marocain.
Du point de vue de la planification sanitaire, le découpage proposé par la
dĂ©centralisation avancĂ©e sera dĂ©terminant pour la nĂ©gociation de l’extension
des réseaux de soins de proximité et pour donner de la robustesse et de la
continuité à la carte sanitaire.
31
2éme Conférence Nationale sur la Santé 2013
AXE 2 - Vers la couverture
universelle : proximité, qualité,
protection financiĂšre
Pour concrétiser et opérationnaliser
le droit pour tous aux soins de santé
inscrit dans la constitution il faut
s’engager, progressivement mais
résolument, dans la mise en place
de la «couverture universelle». Le
Maroc l’a fait par la loi no65-00 de
2002 sur «la couverture médicale de
base», par la loi cadre 34-09 relative
au systĂšme de santĂ© et Ă  l’offre de
soins de 2011 et par l’article 31 de
la nouvelle Constitution de 2011.
Il rejoint ainsi les nombreux pays Ă 
travers le monde qui cherchent Ă 
garantir un accÚs aux soins de santé
pour leurs populations. En effet, avec
plus ou moins de succĂšs, avec plus
ou moins de conviction et de volonté
politique, la tendance lourde Ă  travers
le monde est d’aller vers la couverture
universelle.
Comme pour tout autre pays, aller vers
la couverture universelle pose au Maroc
le défi de trouver le juste équilibre entre
les efforts Ă  faire pour que :
(i) les gens aient oĂč aller : un grand
effort est nécessaire pour étendre
l’offre de soins de proximitĂ©, porte
d’entrĂ©e pour accĂ©der aux services
dont les gens ont besoin ;
(ii) les gens trouvent des réponses à
leurs attentes et des solutions Ă  leurs
problùmes lorsqu’ils s’adressent aux
services : il y a un grand effort Ă  faire
pour améliorer la qualité et élargir la
gamme des services offerts ;
(iii) les gens ne se ruinent pas en se
soignant : pour cela il faut pouvoir
réduire drastiquement la part des
paiements directs dans les dépenses
santé et augmenter celle basée sur la
solidarité, afin de réduire les barriÚres
Ă  l’accĂšs et d’éviter les « dĂ©penses
catastrophiques»(6).
6- Les dépenses de santé sont dites catastrophiques quand, pour payer les soins, les malades ou leur
famille doivent s’acquitter d’une somme disproportionnĂ©e par rapport Ă  leur revenu. Le prix Ă  payer pour
se soigner devient alors si important qu’ils doivent rĂ©duire leurs dĂ©penses sur des produits de premiĂšre
nĂ©cessitĂ© comme la nourriture et les vĂȘtements ou qu’ils n’ont plus de quoi payer la scolaritĂ© de leurs enfants.
Chaque année, environ 44 millions de ménages dans le monde, soit plus de 150 millions de personnes,
doivent faire face à de telles dépenses catastrophiques et quelque 20 millions de ménages - plus de 100
millions de personnes - sombrent dans la pauvretĂ© Ă  cause de ce qu’ils doivent payer pour se soigner. Les
dĂ©penses de santĂ© catastrophiques n’affectent pas seulement les populations dĂ©munies, mais Ă©galement les
classes moyennes. On estime qu’au Maroc chaque annĂ©e prĂšs de 2% des mĂ©nages doivent faire face Ă  une
catastrophe financiÚre et que prÚs de 1,4% des ménages passe en dessous du seuil de pauvreté à cause
des dépenses directes pour se soigner.
32
Livre Blanc de la Santé
Encadré 5.
La couverture sanitaire universelle
Assurer une « couverture sanitaire universelle», la « couverture universelle de
santé », ou, pour faire court, la « couverture universelle » cela consiste à veiller
Ă  ce que l’ensemble de la population ait accĂšs aux soins prĂ©ventifs, curatifs,
palliatifs, de réadaptation et de promotion de la santé dont elle a besoin, à ce
que ces soins soient de qualitĂ© suffisante pour ĂȘtre efficaces, et Ă  faire cela sans
que cela n’entraĂźne des difficultĂ©s , voire de catastrophes financiĂšres pour les
usagers. Il y a donc trois dimensions liées entre elles:
‱ un accĂšs Ă©quitable pour l’ensemble de la population – tous ceux qui ont besoin
des services de santĂ©, doivent pouvoir y accĂ©der : cela signifie qu’il faut des
réseaux suffisamment denses, avec des personnels présents et fonctionnels,
et qu’on Ă©limine les barriĂšres Ă  l’accĂšs, notamment financiĂšres ;
‱ la gamme de soins et la qualitĂ© – les soins offerts doivent rĂ©pondre Ă  une
gamme de problĂšmes acceptable et suffisamment Ă©tendue, et ils doivent ĂȘtre
d’une qualitĂ© qui correspond aux attentes lĂ©gitimes des populations ; suffisante
pour améliorer la santé de ceux qui en bénéficient;
‱ la protection financiùre – le prix à payer pour se soigner ne peut pas exposer
les usagers à des difficultés financiÚres.
La couverture universelle prend ses racines dans la Constitution de l’OMS,
adoptĂ©e en 1948, qui fait de la santĂ© l’un des droits fondamentaux de tout ĂȘtre
humain, et dans la Stratégie mondiale de la santé pour tous, lancée en 1979.
Les pays industrialisĂ©s, Ă  l’exception notoire des Etats Unis, ont fait de grands
progrĂšs dans la deuxiĂšme partie du XXiĂšme siĂšcle. Ailleurs l’évolution a Ă©tĂ©
plus lente, jusqu’au dĂ©but du siĂšcle prĂ©sent, qui a vu une accĂ©lĂ©ration dans
des pays émergents en Amérique latine, en Thaïlande ou en Chine, et dans des
pays en développement comme au Rwanda. Les Etats Unis, eux aussi, se sont
plus rĂ©cemment engagĂ©s dans la voie de la couverture universelle. L’OMS a
été un moteur de ce mouvement. Le rapport mondial de la santé de 2008 en a
fait une des 4 grandes stratégies de revitalisation des soins de santé primaires,
et le rapport de 2010 a détaillé les implications en termes de financement.
Cela a permis que la couverture universelle soit adoptĂ©e par l’ensemble de la
communauté internationale comme ce qui donne la direction à la gouvernance
globale de la santé
33
2éme Conférence Nationale sur la Santé 2013
Tout pays, riche ou pauvre, qui
s’engage dans la voie de la couverture
universelle doit agir sur ces trois fronts
(figure 1):
‱ Ă©tendre l’offre et accĂšs,
‱ amĂ©liorer la qualitĂ© et la gamme
de soins,
‱ rĂ©duire les paiements directs et
élargir la solidarité.
Ces trois fronts proposent trois
chantiers stratégiques de réforme du
secteur de soins, Ă  combiner avec
une initiative transversale en faveur de
la santĂ© rurale. Il est vrai qu’on ne peut
pas toujours tout faire Ă  la fois. Les
arbitrages sont inévitables pour voir, à
un moment donnĂ©, ce qu’on peut faire
pour Ă©tendre l’offre Ă  la population
non couverte, pour Ă©largir la gamme
de soins et améliorer la qualité, ou
pour diminuer les paiements directs.
Orchestrer ces arbitrages est au cƓur
de la gouvernance du secteur : avec
la régionalisation avancée les régions
y interviendront de plus en plus, avec
le défi de garder le cap au niveau
national et d’assurer la solidaritĂ© inter-
régionale.
Figure 1. Les trois fronts pour Ă©tendre la couverture universelle : il faut Ă  tout moment
trouver l’arbitrage appropriĂ© entre les progrĂšs Ă  faire sur ces trois fronts (7)
7- Source : rapport mondial sur la santé 2008
34
Livre Blanc de la Santé
Chantier 4. Une politique de
proximitĂ© et d’accĂšs
Rationnel
Une grande partie des insatisfactions
des populations et une grande partie
des inefficiences du systĂšme (en
particulierlacrisehospitaliĂšre),trouvent
leur origine dans la désorganisation
et le dysfonctionnement des soins
ambulatoires de proximitĂ©. A l’instar
de la plupart des pays riches, ainsi
que d’une partie croissante des pays
émergents, cela pose au Maroc le défi
de réinvestir dans les soins de santé
primaires, les soins de proximité (8).
Le systĂšme de soins marocain souffre
conjointement des trois maux qui
affectent la plupart des systĂšmes
dans les pays en transition :
‱ L’hospitalocentrisme : aux
dépens du développement de
soins de proximité;
‱ La fragmentation des soins de
santé de base(9) : aux dépens
du dĂ©veloppement d’un modĂšle
intégré de santé familiale pour
assurer les soins de santé
primaires;
‱ Le dĂ©veloppement anarchique
d’un secteur privĂ© mal rĂ©gulĂ© et mal
intégré, couplée à la négligence de
la qualité dans le secteur public :
aux dépens de la protection des
usagers.
A l’heure actuelle les soins de
santé au Maroc sont généralement
perçus comme Ă©tant d’une qualitĂ©
insuffisante et répondant peu aux
attentes des populations. Cela se
reflùte dans un taux d’utilisation
remarquablement bas : Ă  peine 0,6
nouveau cas par personne par an
pour les soins de premiĂšre ligne et
5% de taux d’admission dans les
hĂŽpitaux publics.
Les conséquences de ce déficit-
qualité sont graves : pour le pays,
un manque de résultats et un
gaspillage de ressources; pour les
populations, un accÚs inéquitable;
pour les usagers, des soins souvent
inappropriés et dans la plupart des
cas plus chers que ce qu’ils devraient
ĂȘtre.
8- Sous différentes étiquettes : santé familiale, soins de santé primaires, médecine générale, centres de santé
intégrés

9- Due Ă  une longue tradition de programmes verticaux ruraux, essentiellement dans les services publics, et
souvent couronnĂ©s de succĂšs, mais ayant atteint, Ă  l’heure actuelle, un niveau de rendement dĂ©croissant. Il y
a une trentaine de programmes spécialisés, qui génÚrent des problÚmes en termes de prestation de services
(manque d’intĂ©gration), mais aussi sur le plan de l’inefficacitĂ© et de la gestion des informations nĂ©cessaires
pour suivre les progrÚs réalisés au niveau des différents problÚmes de santé. Clairement le modÚle focalisé
sur une gamme de programmes (qui pour ĂȘtre importante n’en est pas moins limitĂ©e et mal adaptĂ©e Ă  une
monde oĂč les maladies chroniques d’une population vieillissante et avec des attentes en croissance) n’est
pas une formule d’avenir.
35
2éme Conférence Nationale sur la Santé 2013
Les causes sont multiples : une offre
de soins inéquitablement répartie
s’ajoute aux attitudes des soignants
qui dĂ©couragent l’utilisation et aux
barriĂšres financiĂšres qui souvent
l’empĂȘchent. Le mĂ©dicament(10)
constitue un autre problĂšme majeur:
il est trĂšs cher et son systĂšme de
distribution n’est pas efficient. Enfin
la pénurie des ressources humaines
constitue un véritable goulot
d’étranglement. Le systĂšme de soins
manque cruellement de soignants, et
en premier lieu de soignants capables
de fournir des soins de proximité de
qualité.
La question des soins de proximité
ne peut ĂȘtre rĂ©solue par des actions
isolées. Elle demande un ensemble
d’interventions guidĂ©es par une vision
de ce que pourraient ĂȘtre des soins
de proximité viables et satisfaisants
dans le contexte marocain. C’est
dans la transformation des structures
de soins de proximitĂ© – qu’elles
soient dirigées par des infirmiers ou
des mĂ©decins – que cette vision doit
se concrétiser. Il faut réorienter le
systĂšme de soins (et les ressources
humaines) d’un systĂšme basĂ© sur
l’hĂŽpital vers un systĂšme basĂ© sur un
rĂ©seau d’unitĂ©s de santĂ© familiale.
Que faire ?
Etendre l’offre en crĂ©ant des rĂ©seaux
de soins de proximité sur tout le
territoire. Un meilleur accĂšs aux soins
exige en premier lieu un maillage
dense de structures (publiques
ou privées) de soins de proximité:
des soins de santé primaires sous
forme d’unitĂ©s de santĂ© familiale
avec une responsabilité claire pour
une population définie. Cela doit
permettre un rapprochement entre
l’approche mĂ©dicale et l’approche
Ă©conomique dans l’apprĂ©hension des
problÚmes de santé de la population.
Il est inĂ©vitable d’insĂ©rer, Ă  terme,
à la fois les structures privées et
les structures publiques dans ce
maillage sous forme de partenariats
et d’arrangements contractuels.
L’indispensable renforcement des
hÎpitaux et des services spécialisés
de recours, n’aura de succùs que
s’il peut s’appuyer sur un socle de
services de proximité performants:
l’avenir ne sera plus centrĂ© sur les
hÎpitaux et la médecine spécialisée
comme c’est le cas à l’heure actuelle,
mais sur les unités de santé familiale
et les populations qu’elles servent,
avec des hĂŽpitaux et des services
spécialisés de recours performants,
organisés pour venir en appui à ce
premier Ă©chelon.
10- 25% des propositions dans la synthÚse des auditions publiques Intidarate concernent le médicament.
36
Livre Blanc de la Santé
Investir massivement dans les
ressources humaines : développer
des réseaux de proximité sur tout le
territoire se heurte bien Ă©videmment
au problĂšme des ressources
humaines : le manque d’effectifs, leur
inadéquation au travail de proximité,
leur déploiement, leur mode de
fonctionnement. Quoi qu’il en soit, il
faudra travailler d’une autre façon:
proximité et qualité supposent
innovation et travail en Ă©quipe, avec
plus d’autonomie, mais Ă©galement
plus de responsabilité. Cela signifie,
entre autres, de renforcer l’autonomie
des organisations de santé
notamment au niveau régional et
initier des engagements contractuels
de résultats et des systÚmes de
paiement qui, dans le public ou
dans le privé, soient sensibles aux
résultats produits. Le RAMED peut
fournir la base pour développer un
niveau primaire de qualité et fournir
une source d’intelligence pour le
dĂ©veloppement de l’ensemble
du réseau; il permettrait de tester
l’introduction de facteurs de qualitĂ©
de soins – efficacitĂ© et suretĂ©-, mais
également continuité, intégration et
globalité.
Concrétiser une politique de
l’innovation technologique et du
médicament. La diffusion des
nouvelles technologies, en particulier
vers les structures de proximité, peut
jouer un rÎle déterminant pour opérer
le recentrage du systÚme de santé
marocain. On assiste à l’heure actuelle
Ă  l’éclosion d’une nouvelle technologie
permettant des prises en charge
ambulatoires pour des problĂšmes
qui autrefois nécessitaient des
hospitalisations et des infrastructures
spécialisées. Cela permet, dÚs à
présent ou dans un avenir proche,
et Ă©galement au Maroc, d’offrir une
gamme de services de proximité
inimaginable il y a encore quelques
annĂ©es. L’utilisation de nouveaux outils
déjà disponibles, la télémédecine,
l’accĂšs Ă©lectronique Ă  l’information, les
instruments de communication peuvent,
si on s’organise à cet effet, sortir les
professionnels des structures de
proximité de leur isolement et les mettre
en réseau avec leurs collÚgues, des
hîpitaux et autres structures d’appui.
Mais tout cela n’a que peu de
sens si on n’arrive pas en mĂȘme
temps à organiser l’accùs universel
aux médicaments essentiels à un
prix abordable, tout en assurant
leur qualité, leur efficacité et leur
innocuité. Le systÚme de distribution
des médicaments au Maroc est
actuellement dysfonctionnel et
inefficient. C’est un secteur qu’il faut
revoir dans son ensemble, mais la
modernisation de toute la chaine
d’approvisionnement (particuliùrement
en génériques) et de gestion du
mĂ©dicament dans le public s’impose
de toute urgence, car dans un contexte
oĂč on prĂ©voit un accroissement
trĂšs important des budgets publics
consacrés au médicament il en va de la
crĂ©dibilitĂ© des promesses d’extension
de l’offre de soins.
37
2éme Conférence Nationale sur la Santé 2013
Conditions institutionnelles Ă 
mettre en place
La territorialisation : dans la mesure
oĂč avec la rĂ©gionalisation avancĂ©e,
les territoires deviennent des outils
et des espaces de développement,
ils peuvent devenir Ă©galement l’unitĂ©
de gestion du systĂšme sanitaire
et permettre le travail de réseaux
de soins de proximité avec une
autonomie suffisante pour innover,
tout en mettant en Ɠuvre les politiques
nationales en matiÚre de santé. Cela
pose cependant le défi de trouver de
nouvelles façons de travailler pour
le MinistÚre de la Santé qui devra
s’adapter aux nouvelles donnes de la
décentralisation.
UnerĂ©formeprofondedel’organisation
des soins telle que le recentrage
sur les structures de proximité sera
consommatrice d’informations
différentes et intelligentes sur le
fonctionnement de l’ensemble
du systĂšme de soins, public et
privé. Il faut envisager la création
d’observatoires des performances en
matiĂšre de fourniture de soins (peut-
ĂȘtre en commençant en construisant
sur l’organisation du RAMED).
Chantier 5. Réguler la qualité
des soins et protéger les
utilisateurs
Rationnel
Il y a de toute Ă©vidence un problĂšme
majeur de qualité des soins dans les
Ă©tablissements publics : la gamme
de soins y est réduite; les soins y
sont souvent mal organisĂ©s et d’une
qualité technique insuffisante; les
Ă©tablissements et Ă©quipements sont
mal entretenus ; il y a des problĂšmes
de sécurité et de corruption. De tels
services ne sont guĂšre attractifs
pour les usagers, et l’intidarate
en a témoigné avec force. Il est
compréhensible que ceux qui en
ont les moyens tournent vers le
secteur privé, ambulatoire aussi bien
qu’hospitalier. Entretemps, la « double
pratique », la pratique privée lucrative
par des acteurs qui sont Ă©galement
des employés du secteur public,
s’est instaurĂ©e Ă  grande Ă©chelle et a
contribué au déclin du secteur public.
En l’absence d’une rĂ©gulation
effective, et en l’absence d’une
alternative publique crédible, cela
a mené à une marchandisation ou
commercialisation des soins de santé:
on n’a le choix qu’entre un rĂ©seau
public d’une qualitĂ© insuffisante et
un réseau commercial qui promet
de meilleurs soins Ă  ceux qui sont
capables de payer. Cela n’est pas
sans conséquences néfastes : les
prix pratiqués dans ce sous-secteur
commercial découragent un grand
nombre de personnes qui pourraient
en bénéficier et ceux qui ont les
moyens de payer se trouvent face Ă 
des prestataires qui souvent induisent
Ă  la surconsommation sans que soient
offertes les garanties de qualité et
d’efficacitĂ© qu’on attend aujourd’hui.
38
Livre Blanc de la Santé
Cela est aggravĂ© par l’absence, au
Maroc, de mécanismes efficaces de
protection des consommateurs ou de
gestion des risques liés à la sécurité
des patients.
Il existe de nombreux exemples de
pays (de la ThaĂŻlande Ă  la Belgique, de
l’Angleterre au Chili) oĂč, grĂące Ă  une
bonne régulation, des médecins, des
infirmiers et d’autres professionnels
de santé opÚrent comme des
entrepreneurs indépendants privés,
tout en contribuant significativement
aux objectifs sanitaires du pays. Il est
doncpossibledecombinerdynamisme
entrepreneurial et responsabilités
publiques, mais cela ne se réalise pas
spontanément. Le secteur privé ne
réalisera sa contribution potentielle,
que si on arrive à réguler la qualité et
la pertinence des soins fournis. Cela
implique qu’il faut s’attaquer, par
une régulation effective, aux conflits
d’intĂ©rĂȘt qui affectent le secteur privĂ©
et celui du « double emploi » et aux
causes du déclin de la qualité des
soins dans les Ă©tablissements publics.
L’expĂ©rience montre que si on conçoit
cette régulation comme purement
administrative, elle est vouée à
l’échec. Il faut combiner les mesures
administratives avec des incitatifs
financiers et des mécanismes
d’autorĂ©gulation professionnelle,
mais surtout avec la pression sociale
de la part des utilisateurs,. Ces
différentes approches combinées
(oĂč les incitatifs financiers forment
une partie nécessaire et importante,
mais pas suffisante) doivent former un
tout négocié qui pousse la pratique
des soins dans la bonne direction.
L’objectif est d’obtenir de meilleurs
résultats tout en protégeant les
utilisateurs contre des soins inutiles
et iatrogùnes et contre l’exploitation
financiĂšre.
Que faire?
Tester différentes formes de
contractualisation et de partenariat,
avec engagement sur les moyens et
les résultats, des entités publiques
et privées. Cela devrait permettre
d’instaurer des modes de paiement
qui garantissent des niveaux de qualité
et de protection des utilisateurs, ainsi
que l’amĂ©lioration de l’accĂšs dans les
zones rurales reculées.
Mettre en place des systĂšmes
d’accrĂ©ditation/certification, et surtout
de ré-accréditation/re-certification(11),
pour maintenir et augmenter la qualité
des soins et l’adapter Ă  l’évolution des
connaissances et des technologies.
11- Avec des conditions telles que la formation continue.
39
2éme Conférence Nationale sur la Santé 2013
Renforcer les organisations de
défense des consommateurs et des
usagers, tout en diffusant largement
l’information sur les droits que le
public peut faire valoir. Il faut donner
plus de voix aux usagers afin que
ceux-ci puissent participer à créer
un environnement qui favorise une
amélioration continue de la qualité.
Cela passera Ă©galement Ă  travers la
mise en place de systĂšmes efficaces
et décentralisés de gestion des
plaintes qui ont la confiance du public
et des professionnels.
Organiser la collaboration avec les
organismes professionnels et les
sociétés savantes pour promouvoir
une Ă©thique professionnelle et
un comportement de la part des
soignants qui soient différents et
perçus comme différents. Cela devrait
mener à des mécanismes, y compris
des mĂ©canismes d’autorĂ©gulation,
au sein des professions, pour Ă©vincer
des comportements incompatibles
avec l’intĂ©rĂȘt des populations servies.
Introduire un dossier médical
obligatoire à utiliser dans l’ensemble
du secteur(12). Le dossier médical
est une condition pour avoir des
soins de qualité, pour permettre le
travail en Ă©quipe et pour assurer la
continuitĂ© de l’information entre le
rĂ©seau de proximitĂ© et l’hĂŽpital. Il est
fondamental pour la portabilité entre
rĂ©seaux au Maroc, et Ă  l’avenir pour la
portabilité internationale.
Introduire de façon proactive les
nouvelles technologies permettant
une meilleure gestion des relations
avec le malade (accùs à l’information,
rendez-vous, télémédecine pour éviter
des déplacements, 
), une meilleure
gestion technique des problĂšmes
du malade (y compris les notions de
coordination et de filiĂšres de soins),
et un meilleur accùs à l’information.
En plus de l’amĂ©lioration de la qualitĂ©
des soins que cela apporterait, cela
aurait aussi comme effet d’augmenter
la satisfaction professionnelle au
travail et de sortir les Ă©tablissements
éloignés de leur isolement.
Conditions institutionnelles Ă 
mettre en place
L’amĂ©lioration de la qualitĂ© des soins
doit se traduire dans le concret par
des millions d’interactions entre les
professionnels de santé, les usagers
et les communautĂ©s. Ce n’est donc
pas possible de l’envisager de façon
durable sans une collaboration de
tous. D’oĂč la nĂ©cessitĂ© d’impliquer
les partenaires sociaux et les
représentations professionnelles,
non plus seulement dans le constat
du déficit-qualité, mais dans la
définition des politiques et des
stratégies permettant de créer des
conditions de qualité et de changer le
comportement de chaque profession
et de chaque professionnel.
12- En ThaĂŻlande, par exemple, un tel dossier est une condition nĂ©cessaire (mais pas suffisante) pour qu’un
mĂ©decin privĂ© puisse participer au mĂ©canisme de couverture universelle. En Belgique c’est une condition
nĂ©cessaire pour l’homologation en tant que mĂ©decin de famille.
40
Livre Blanc de la Santé
Etablir les plateformes de négociation
avec les différentes parties prenantes
(p.ex. avec les organisations de
consommateurs) pour Ă©tablir des
instruments de mesure de la qualité
ainsi que des mécanismes de contrÎle
et de médiation;
Créer au sein de la communauté santé
– ministĂšre, facultĂ©s, organismes
de protection sociale, instituts de
recherche - la capacité de faire une
cartographie du secteur privé de la
santé (y compris du double emploi)
à travers les 16 régions et déterminer
la contribution de ce secteur privé en
termes de fourniture de soins ainsi
que son impact en termes de coût
et d’effets-qualitĂ© pour le systĂšme de
santé national et pour les malades.
Donner suffisamment d’autonomie
aux rĂ©gions pour qu’ils puissent
expérimenter et développer des
modÚlesderedevabilitédesformations
sanitaires (publiques et privées)
qui soient adaptées aux contextes
différents et qui, en combinaison
avec les arrangements contractuels,
permettent une amélioration de la
qualité des soins.
Chantier 6. RĂ©duire la part des
paiements directs pour les
soins, Ă©tendre la couverture
des mécanismes de solidarité
Rationnel
La proportion élevée des paiements
directs dans les dépenses santé du
Maroc constitue un des problĂšmes
majeurs de son systĂšme de soins.
On a vu qu’au cours de la derniùre
décennie le Maroc a plus que triplé
ses dĂ©penses pour la santĂ©. Il faut s’en
féliciter, mais force est de constater
des distorsions importantes : une
proportion anormalement grande
de ces dépenses est consacrée aux
seuls médicaments (31.7 %) ; et la
part des paiements directs dans le
total des dépenses de santé reste
trÚs élevée : 53,6 % en 2010.
Ces paiements directs constituent
une barriùre importante à l’accùs et
exposent les ménages à un risque
élevé de dépenses catastrophiques
et d’appauvrissement. Ils creusent
les inégalités. Ils contribuent pour
une part importante à l’inefficience du
systÚme de santé marocain.
RĂ©duire les paiements directs en allant
vers des systÚmes de prépaiement
basés sur la solidarité est, avec
l’extension de l’offre et l’élargissement
de la gamme de soins de qualité, un
des trois chantiers importants pour
aller vers la couverture universelle.
Des initiatives ont été prises pour
introduire des mécanismes de
protection sociale, mais ils ne couvrent
qu’une partie de la population et une
gamme réduite de services. Il reste
donc beaucoup Ă  faire.
D’autres problùmes relùvent de la
façon dont l’Etat alloue ses ressources
41
2éme Conférence Nationale sur la Santé 2013
et dont les systÚmes mutualisés
achùtent des services. L’Etat produit
une part importante des services. Il
faut amĂ©liorer l’équitĂ© et l’efficience
des mĂ©canismes d’allocation des
ressources par le ministÚre de la Santé
aux régions, provinces, communes
et niveaux de soins. Les modes de
rémunération des personnels ne
comportent que peu d’incitatifs au
travail de qualité, voir à la fidélisation.
Enfin dans les organismes en charge
des contributions mutualisés,
la fonction d’achat reste sous-
développée, avec un ensemble
de services non-standardisés
principalement dispensés dans les
Ă©tablissements du secteur public ou,
en quelques rares cas, passivement
sous-traités auprÚs du secteur privé.
Que faire?
Etendre la protection financiĂšre
aux populations non couvertes. La
prioritĂ© semble ĂȘtre d’étendre la
couverture du RAMED à l’ensemble
de la population Ă©ligible (prĂšs de 8,5
millions de personnes) et aux individus
et aux ménages non éligibles du
secteur informel. Il faudra peut-ĂȘtre
envisager des options alternatives
pour couvrir les travailleurs dans le
secteur informel, non Ă©ligibles au
RAMED, en les intégrant dans les
régimes obligatoires préexistants
− de prĂ©fĂ©rence sous les contrĂŽles
administratifs de la CNSS et de la
CNOPS− Quoi qu’il en soit, l’objectif
doit ĂȘtre de couvrir l’ensemble de
la population, et, dans un souci de
transparence et d’équitĂ©, d’aller
vers une convergence des différents
régimes.
RĂ©duire les paiements directs. En
parallùle avec l’extension de la
protection financiĂšre Ă  une part plus
grande de la population, il faudra
réduire la part des paiements directs
de ceux qui sont couverts, notamment
en ce qui concerne les médicaments.
Cela signifie un financement plus
grand par l’Etat ou par d’autres
mécanismes de solidarité, en veillant
que ces financements solidaires
remplacent des paiements directs et
ne viennent pas s’y ajouter.
Acheter et payer d’une autre façon.
Il faudra inventer des mécanismes
d’achats stratĂ©giques et des
méthodes innovantes de paiement des
prestataires pour gérer les dispositifs
contractuels entre les prestataires
de soins et les différents régimes de
protectionfinanciĂšre.Commelemontre
l’expĂ©rience de nombreux pays, il
faudra Ă©voluer vers des systĂšmes de
paiement mixtes qui comportent une
partie de paiement par capitation,
une partie en fonction des prestations
fournies, une partie en fonction des
cas, etc. Un préalable à la mise en
place de méthodes de paiement
mixtes est une bonne connaissance
des structures de coût, et la mise
en place d’accords contractuels,
avec une séparation claire entre les
prestataires et les acheteurs.
42
Livre Blanc de la Santé
Créer les conditions de financement
pour permettre une réduction des
paiements directs. Il faudra prévoir
une augmentation des allocations
budgétaires des administrations
publiques affectĂ©es Ă  la santĂ© – on
a suggéré de passer de 7,6 % en
2010 à 15 % en 2020(13) – à travers
un meilleur dialogue politique entre le
ministÚre de la Santé et le ministÚre
des Finances, tout en s’assurant que
cette augmentation budgétaire soit
employée pour réduire les paiements
directs.
Conditions institutionnelles Ă 
mettre en place
Institutionnaliser la capacitĂ© d’analyse
du financement de la santé. Il faut
doter l’ensemble des acteurs de
la santé marocaine (le ministÚre
de la Santé, mais également les
organismes d’assurance maladie, les
facultés, les instituts de recherche, les
organisations de la société civile) de
l’expertise capable de procĂ©der aux
analyses nécessaires pour informer
les décisions dans le champ du
financement de la santé. Ceci doit
comprendre la rĂ©alisation d’examens
périodiques des dépenses, des
Ă©tudes d’évaluation actuarielles
et Ă©conomiques et des Ă©tudes
d’évaluation de l’équitĂ©, nĂ©cessaires
pour faciliter la progression et le
suivi. L’analyse des structures de
coût de production des soins dans
les diffĂ©rents types d’établissements,
ainsi que celles de l’effet du paiement
à l’acte et de ses alternatives sont des
priorités. Il faudra institutionnaliser la
production périodique des comptes
nationaux de la santé à travers
une collaboration avec la direction
nationale de la statistique, en la déliant
de financement extérieurs.
Structurer les mécanismes de gestion.
Vu son importance grandissante
dans le systÚme, une priorité est
d’aligner la structure de gouvernance
et le systĂšme de gestion du RAMED
avec l’ensemble des systùmes
organisationnels de financement de la
santé dans le pays, indépendamment
de l’Agence Nationale de l’Assurance
Maladie (ANAM), qui continuerait Ă 
exercer la fonction de gouvernance
en harmonie avec les autres régimes
obligatoires de protection sociale.
L’élargissement de la couverture au
secteur informel (environ 10 millions
d’individus) constitue un dĂ©fi majeur
pour l’avenir du financement de
la santé au Maroc. Ceci nécessite
soit la crĂ©ation d’une nouvelle
structure institutionnelle, similaire aux
institutions qui gÚrent le régime AMO
(Assurance maladie obligatoire), soit
l’intĂ©gration des employĂ©s du secteur
informel au sein des institutions déjà
Ă©tablies, en particulier la Caisse
Nationale de Sécurité sociale (CNSS).
13- Pour rappel, l’engagement d’Abuja prĂ©voyait 15% pour 2015.
Livre blanc
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Livre blanc

  • 1.
  • 2. Marrakech 1, 2 et 3 Juillet 2013 Livre blanc Pour une nouvelle gouvernance du secteur de la santĂ©
  • 3. 2 Livre Blanc de la SantĂ© 4 17 Pourquoi faut-il une nouvelle rĂ©forme du systĂšme de santĂ© au Maroc ? Le Maroc Change ............................................................................ 5 Des besoins nouveaux .....................................................................6 Un systĂšme de soins qui n’est plus adaptĂ© Ă  ce nouveau contexte ....................................................................12 La nouvelle donne : la Constitution de 2011 ...................................15 Quelles perspectives pour cette nouvelle rĂ©forme du systĂšme de santĂ© ? AXE 1 - Agir sur les dĂ©terminants de la santĂ©, promouvoir ce qui peut l’amĂ©liorer et protĂ©ger les populations contre ce qui menace leur santĂ© .....................................................................21 Chantier 1. DĂ©velopper les « fonctions essentielles de santĂ© publique» ...........................................................................21 Chantier 2. Mettre la santĂ© au cƓur des politiques publiques : des Ă©valuations d’impact-santĂ© pour dialoguer avec les autres secteurs ................................................................24 Chantier 3. L’action locale sur les dĂ©terminants de la santĂ© ...........28 Sommaire
  • 4. 3 2Ă©me ConfĂ©rence Nationale sur la SantĂ© 2013 57 AXE 2 - Vers la couverture universelle: proximitĂ©, qualitĂ©, protection financiĂšre .............................................................................31 Chantier 4. Une politique de proximitĂ© et d’accĂšs ..........................34 Chantier 5. RĂ©guler la qualitĂ© des soins et proteger les utilisateurs ..................................................................................37 Chantier 6. RĂ©duire la part des paiements directs pour les soins, Ă©tendre la couverture des mĂ©canismes de solidaritĂ© .....................................................................................40 Axe 3. Moderniser la gouvernance de la santĂ© ....................................45 Chantier 7. Mettre en place les structures et les capacitĂ©s que la modernisation de la gouvernance impose et contractualiser la complĂ©mentaritĂ© public-privĂ© .............................46 Chantier 8. Un systĂšme d’information intelligent .............................50 Chantier 9. Un atout qui est aussi un dĂ©fi : les professionnels de santĂ© et la rĂ©forme ........................................53 Annexe : La DĂ©claration d’AdĂ©laĂŻde sur l’intĂ©gration de la santĂ© dans toutes les politiques ..............................................................................58
  • 5. 4 Livre Blanc de la SantĂ© Le systĂšme «national» de santĂ© marocain a Ă©tĂ© mis en place en 1959. La premiĂšre confĂ©rence nationale sur la santĂ© organisĂ©e en Avril 1959 sous la prĂ©sidence de feu S.M. Mohamed V a Ă©noncĂ© les principes qui ont orientĂ© le SystĂšme National de SantĂ© pendant un demi-siĂšcle : «La santĂ© de la nation incombe Ă  l’Etat» et «Le MinistĂšre de la santĂ© publique doit en assurer la conception et la rĂ©alisation». Cinq plans de dĂ©veloppement ont opĂ©rationnalisĂ© ces principes, avec comme grande prioritĂ© l’organisation de l’offre de soins et la lutte contre les grandes endĂ©mies. C’est ainsi que le Maroc a fondĂ© ses premiĂšres facultĂ©s de mĂ©decine et ses Ă©coles de formation professionnelle, et que les premiĂšres stratĂ©gies de couverture sanitaire (les groupes sanitaires mobiles ; les SPU/SPR, les SIAAP), ont Ă©tĂ© formulĂ©es, tandis que la charte communale de 1959 responsabilisait les collectivitĂ©s locales sur les frais de soins des populations avant que cela ne change dans la charte de 1976 qui limitait la responsabilitĂ© en santĂ© Ă  l’hygiĂšne et l’assainissement. A la suite de la dĂ©claration d’Alma Ata, les annĂ©es 1980 et 1990 ont Ă©tĂ© celles de l’extension des soins de santĂ© de base et du dĂ©veloppement des programmes sanitaires. Mais dĂšs le dĂ©but des annĂ©es 1990, le besoin de rĂ©formes de structure se fit sentir. Cela s’est traduit surtout par des mesures de rĂ©organisation du ministĂšre de la santĂ© (1994). La crĂ©ation, dans cette nouvelle organisation, de nouvelles directions centrales pour les hĂŽpitaux, les mĂ©dicaments et la rĂ©glementation ainsi qu’une structure sur l’économie de la santĂ©, reflĂ©tait une prĂ©occupation plus claire d’une part pour la production de soins curatifs, particuliĂšrement au niveau des hĂŽpitaux et d’autre part pour la maĂźtrise du financement de la santĂ©. Ces prĂ©occupations Ă©taient Ă  la base de l’enclenchement d’une nouvelle dynamique de dĂ©veloppement du systĂšme de santĂ© marocain qui a permis l’engagement des chantiers de la rĂ©forme de la Couverture MĂ©dicale de Base et la rĂ©forme des hĂŽpitaux. ParallĂšlement Ă  cette nouvelle dynamique, plusieurs tentatives ont Ă©tĂ© initiĂ©es pour la dĂ©concentration des pouvoirs sectoriels au niveau des rĂ©gions. Ces tentatives ont abouti Ă  la mise en place des directions rĂ©gionales de santĂ© dont le pouvoir reste encore limitĂ©. L’hĂ©ritage est aujourd’hui contrastĂ©. D’une part les indicateurs montrent, un succĂšs dans la maĂźtrise de la fĂ©conditĂ©, une extension notable du Pourquoi faut-il une nouvelle rĂ©forme du systĂšme de santĂ© au Maroc ?
  • 6. 5 2Ă©me ConfĂ©rence Nationale sur la SantĂ© 2013 rĂ©seau de services et un recul des mortalitĂ©s infantile et juvĂ©nile; mais en mĂȘme temps ils tĂ©moignent de disparitĂ©s grandissantes entre milieux et rĂ©gions, d’une grande insuffisance en matiĂšre de qualitĂ© de soins et d’un retard inquiĂ©tant en matiĂšre de ressources humaines. Cela confirme l’utilitĂ© des efforts investis dans le domaine de la santĂ© et le succĂšs de certains programmes, mais cela questionne par la mĂȘme occasion l’adĂ©quation du modĂšle de systĂšme de santĂ© mis en place au lendemain de l’indĂ©pendance quant Ă  sa capacitĂ© Ă  rĂ©pondre aux dĂ©fis d’aujourd’hui et de l’avenir. Le Maroc a changĂ©, il faut que son secteur santĂ© s’adapte. Le Maroc Change Le Maroc a profondĂ©ment changĂ© ces derniĂšres annĂ©es. Ces changements transforment radicalement le paysage dans lequel opĂšre le secteur de la santĂ©. Les appels Ă  la rĂ©forme dĂ©rivent de changements profonds dans le profil des besoins en santĂ© et dans celui des attentes vis-Ă - vis du systĂšme de santĂ©, ainsi que des insuffisances manifestes du modĂšle du systĂšme en place. Ces changements impliquent que la façon d’organiser le secteur, pour effectif qu’il ait pu ĂȘtre dans une phase prĂ©cĂ©dente, n’est plus appropriĂ©e pour les dĂ©fis d’aujourd’hui et des annĂ©es Ă  venir. La Constitution de 2011, qui inscrit le droit d’accĂšs aux soins comme droit fondamental, est la traduction politique de la nĂ©cessitĂ© de la modernisation du secteur santĂ© dans un environnement en mutation. La Constitution de 2011 du Royaume du Maroc inscrit le droit Ă  la santĂ© comme un droit constitutionnel. Ce faisant elle trace un cap pour le systĂšme de santĂ© marocain des annĂ©es Ă  venir : le Maroc s’inscrit dans une mouvance politique profonde qui engage dĂ©jĂ  la plupart des systĂšmes de santĂ© Ă  travers le monde. La volontĂ© de rĂ©former le secteur de santĂ© au Maroc n’est pas singuliĂšre: bon nombre de pays de tous les continents se sont engagĂ©s dans cette voie. Les Etats Unis et la Chine, derniers pays oĂč le langage politique rĂ©sistaitĂ l’adopter,sesontmaintenant engagĂ©s dans la voie de la couverture universelle en santĂ©. Le BrĂ©sil et la ThaĂŻlande ont massivement investi dans les soins primaires – les soins de proximitĂ©, toujours dans un cadre de progression vers la couverture universelle. Les arrangements institutionnels des systĂšmes de santĂ© varient d’un pays Ă  l’autre. Il y a des diffĂ©rences importantes en termes de mode de financement, dĂ©centralisation, disponibilitĂ© des ressources, couverture, etc. Ils font pourtant tous face aux mĂȘmes dĂ©fis dĂšs lors qu’ils veulent assumer la responsabilitĂ© de protĂ©ger la santĂ© de leurs habitants.
  • 7. 6 Livre Blanc de la SantĂ© L’ampleur des problĂšmes peut varier d’un pays Ă  l’autre, mais leur nature reste la mĂȘme. Dans tous les pays, il y a des inĂ©galitĂ©s dans l’accĂšs aux soins et des ressources limitĂ©es Ă  y consacrer. Cela se traduit partout d’une façon ou d’une autre en pĂ©nurie de personnels ; en files d’attente pour l’accĂšs aux soins et aux technologies de pointe ; en sous-valorisation des soins de santĂ© primaires. Les dĂ©bats sont rĂ©currents sur la privatisation, la qualitĂ© des soins, le coĂ»t et l’accĂšs aux mĂ©dicaments et aux technologies, les soins donnĂ©s aux personnes vulnĂ©rables et de façon gĂ©nĂ©rale, sur la viabilitĂ© Ă©conomique du secteur santĂ©. Si les dysfonctionnements qui poussent Ă  rĂ©former se ressemblent, c’est Ă©galement le cas pour les grandes orientations de rĂ©forme. La rĂ©forme du secteur santĂ©, ce qu’on appelle communĂ©ment la rĂ©forme de la santĂ©, se dĂ©compose, du moins dans les pays riches et dans les pays en transition, en trois grandes parties: Un premier volet traite des dĂ©terminants sociaux de la santĂ© et de la maniĂšre dont on peut s’organiser pour protĂ©ger la santĂ©, et empĂȘcher la maladie. Ce volet de la rĂ©forme dĂ©passe les frontiĂšres du systĂšme de soins : il concerne l’alimentation, l’environnement, les conditions de vie, l’habitat. Un deuxiĂšme volet de la rĂ©forme traite de l’organisation des soins de santĂ© : tout ce qui touche Ă  l’organisation des soins ambulatoires, des hĂŽpitaux, des services spĂ©cialisĂ©s. Les Ă©lĂ©ments communs Ă  ces rĂ©formes, p.ex. aux Etats Unis, en ThaĂŻlande ou au BrĂ©sil, est l’importance donnĂ©e aux soins primaires – les soins de proximitĂ© – et Ă  la couverture universelle. Point commun Ă  ces deux volets, indispensable pour avancer significativement, il faut inculquer une direction. Pour cela il faut que l’Etat opĂšre d’une façon diffĂ©rente que dans le passĂ© : ni laissez-faire, ni vouloir tout-faire. Ces deux volets de rĂ©forme doivent donc reposer sur un troisiĂšme volet : un changement profond de la façon de gouverner le secteur de la santĂ©. Des Besoins Nouveaux La situation sanitaire au Maroc est caractĂ©risĂ©e par la rĂ©duction des niveauxdemortalitĂ©etdefĂ©conditĂ©qui annonce la transition dĂ©mographique, et un changement de la structure de la morbiditĂ© qui induit l’émergence des maladies chroniques suite Ă  la transition Ă©pidĂ©miologique. Les taux de mortalitĂ© des enfants ont connu une importante rĂ©duction. Entre 1979 et 1997, la mortalitĂ© infantile est passĂ©e de 91 %° Ă  37 %°, elle est maintenant de 28.8%°. La mortalitĂ© juvĂ©nileestpassĂ©ede52%°à10%°; elle
  • 8. 7 2Ă©me ConfĂ©rence Nationale sur la SantĂ© 2013 est maintenant de 1.7%°. L’indice de mortalitĂ© maternelle est passĂ© de 359 Ă  la fin des annĂ©es 1970, Ă  227 dĂ©cĂšs maternels pour 100 000 naissances vivantes Ă  la fin des annĂ©es 90. Il est maintenant Ă  environ 112. L’espĂ©rance de vie Ă  la naissance est passĂ©e de 47 ans en 1962 Ă  74,8 ans en 2012, ce qui correspond Ă  un gain de plus de 28 ans en 50 ans – mais avec une diffĂ©rence d’espĂ©rance de vie de 5 Ă  6 ans entre l’urbain et le rural. La fĂ©conditĂ© a connu la mĂȘme tendance. Le taux brut de natalitĂ© est passĂ© de 31.4‰ en 1987 Ă  18.8 ‰ en 2010 ; l’indice synthĂ©tique de fĂ©conditĂ© lui a diminuĂ© de 4.5 en 1987 Ă  2.6 en 2011. Le taux brut de mortalitĂ© a accusĂ© une baisse importante passant de 19‰ en 1960 Ă  5,6‰ en 2010, mais il reste nettement plus Ă©levĂ© dans le milieu rural (7,2) qu’en milieu urbain (4,4). La tuberculose (26000 Ă  30000 nouveaux cas par an) continue Ă  poser un problĂšme de santĂ© publique, tout comme les IST/SIDA, les mĂ©ningites, les leishmanioses avec des foyers Ă©pidĂ©miques de la forme cutanĂ©e, les infections respiratoires aiguĂ«s, les toxi-infections alimentaires collectives ou les hĂ©patites virales Pourtant, depuis quelques annĂ©es dĂ©jĂ  le Maroc est passĂ© d’un schĂ©ma classique oĂč les maladies infectieuses Ă©taient prĂ©dominantes, Ă  une situation oĂč ce type de maladies est en dĂ©clin progressif mais se conjugue dĂ©sormais aux maladies non transmissibles qui continuent Ă  prendre de l’envergure. Selon des donnĂ©es de l’enquĂȘte nationale sur la Population et la SantĂ© Familiale de 2011, 18,2% de la population marocaine, et surtout sa fraction la plus ĂągĂ©e, est atteinte d’une maladie chronique, contre 13,8% en 2004. Alors que cette problĂ©matique n’attirait que peu l’attention il y a 20 ans, on compte dĂ©sormais entre 30.000 et 54.000 nouveaux cas de cancers par an. Le vieillissement de la population joue un grand rĂŽle dans l’émergence des maladies chroniques. Les 2,2 millions de personnes ĂągĂ©es de 60 ans et plus reprĂ©sentaient 8,1% de la population totale en 2007. On estime leur nombre Ă  environ 3 millions Ă  l’heure actuelle, et on estime qu’il y en aura 4 millions en 2020 ( 11,1%) de la population totale. Les dĂ©cĂšs par maladies non transmissibles reprĂ©sentent actuellement 75% de tous les cas des dĂ©cĂšs ; ils ne sont suivis que de loin par les dĂ©cĂšs par maladies transmissibles, maternelles, pĂ©rinatals et nutritionnelles qui reprĂ©sentent 19% et les accidents et traumatismes qui reprĂ©sentent 6%. On constate donc trois phĂ©nomĂšnes simultanĂ©s : une tendance Ă  la diminution, voire Ă  la quasi-Ă©radication (c’est le cas des maladies cibles de la vaccination) ; une tendance vers la persistance (c’est le cas de la tuberculose) ; et l’émergence de maladies chroniques et de cancers.
  • 9. 8 Livre Blanc de la SantĂ© Cela confronte le Maroc Ă  un double fardeau de morbiditĂ© : les maladies aiguĂ«sengrandepartietransmissibles, et les maladies chroniques, en grande partie non transmissibles. Les choix stratĂ©giques Ă  faire doivent donc exprimer Ă  la fois le souci d’achever la transition Ă©pidĂ©miologique par la consolidation des acquis en matiĂšre de prĂ©vention et de lutte contre les maladies transmissibles et le souci de faire face Ă  l’émergence d’une nouvelle structure morbide dominĂ©e par les maladies chroniques et les cancers. Ces choix devront tenir compte de l’urbanisation accĂ©lĂ©rĂ©e qui passera de 59% en 2013 Ă  62% en l’an 2020 et 65% en 2030. L’écart entre milieux urbain et rural s’accroĂźt et le profil social et les attentes des populations changent. Ces attentes concernent Ă©galement le milieu dans lequel les populations vivent. Leur santĂ© dĂ©pend en large mesure de facteurs autres que les soins de santĂ© : la qualitĂ© de l’environnement, la stratification sociale et les habitudes de vie qui en dĂ©coulent; la prospĂ©ritĂ© du pays. Ces facteurs affectent les mĂ©canismes biologiques, psychiques et comportementaux par lesquels chaque individu s’adapte en permanence au cours du temps Ă  son environnement. Les systĂšmes de soins contribuent Ă  prĂ©venir ou corriger les problĂšmes de santĂ© des individus – autrement dit tout ce qui perturbeleurscapacitĂ©sfonctionnelles - mais l’action pour amĂ©liorer la santĂ© nĂ©cessite Ă©galement une rĂ©ponse en aval, une rĂ©ponse par rapport Ă  ce qui dĂ©termine la santĂ© dans la sociĂ©tĂ©(1) . Une sĂ©rie d’études rĂ©centes, et en particulier la rĂ©cente initiative «Intidarate» lancĂ©e par le MinistĂšre de la SantĂ©, permettent de cerner les attentes et les frustrations de la population et des professionnels vis Ă  vis du systĂšme de santĂ© Marocain. L’initiative Intidarate tire sa lĂ©gitimitĂ© de la nouvelle Constitution du Royaume qui promet la concertation entre les pouvoirs publics et les diffĂ©rents acteurs sociaux(2) dans l’élaboration, 1- L’importance des dĂ©terminants sociaux de la santĂ© est largement reconnue au Maroc. Des programmes multisectoriels ont Ă©tĂ© initiĂ©s pour lutter contre le VIH, la tuberculose ou la santĂ© maternelle et infantile. Des actions au plan local, pour analyser les causes des inĂ©galitĂ©s en santĂ© (programme Urban Heart) ou sensibiliser et mobiliser les communautĂ©s locales ont Ă©tĂ© pilotĂ©es. La constitution d’une Commission nationale des dĂ©terminants de la santĂ©, qui associerait l’ensemble des dĂ©partements ministĂ©riels et les acteurs clĂ©s, est Ă  l’étude. 2- les citoyens, les associations Ɠuvrant pour les droits humains, la santĂ© et le dĂ©veloppement, les acadĂ©miciens, les chercheurs, les experts, les Ordres professionnels et les syndicats des professionnels de santĂ© des secteurs public et privĂ©
  • 10. 9 2Ă©me ConfĂ©rence Nationale sur la SantĂ© 2013 la mise en Ɠuvre et l’évaluation des politiques publiques. Elle a activĂ© le mĂ©canisme de consultation et de participation des citoyens et des diffĂ©rents acteurs sociaux en perspective de la tenue de la confĂ©rence nationale de la santĂ©. Pour recueillir l’ensemble des attentes, le programme «Intidarate» s’est basĂ© sur quatre outils de sondage d’attentes : des audiences radiophoniques, des audiences publiques, le rĂ©seau social «facebook», et l’analyse des articles de la presse. Si ces divers outils ont permis de confirmer l’apprĂ©ciation des efforts fournis par le personnel de santĂ© et le Ministre de la SantĂ©, une sĂ©rie de revendications et frustrations qui s’expriment autour de 3 domaines principaux : ‱ La pĂ©nurie de ressources humaines et matĂ©rielles ; ‱ Les problĂšmes d’accessibilitĂ© gĂ©ographique et financiĂšre aux services, et les phĂ©nomĂšnes de corruption qui y sont associĂ©s ; et ‱ La qualitĂ© des services, y compris l’hygiĂšne des Ă©tablissements et les questions de sĂ©curitĂ© en leur sein. Ces observations sont largement corroborĂ©es et prĂ©cisĂ©es par les enquĂȘtes(3) sur les contraintes Ă  l’accĂšs aux soins et aux mĂ©dicaments, rĂ©alisĂ©es en 2011 auprĂšs d’usagers du systĂšme de soins et de professionnels, dans la PrĂ©fecture de SalĂ©, la province d’Azilal et la province de Figuig. Ces Ă©tudes confirment les prĂ©occupations liĂ©es au manque chronique de ressources humaines dans les centres de santĂ© publiques, situation aggravĂ©e dĂšs lors que l’on s’éloigne des centres urbains. Si, d’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, Ă©quipements mĂ©dicaux et dotation en mĂ©dicaments sont Ă  un niveau jugĂ© relativement satisfaisant, ce qui semble poser le plus de problĂšme touche Ă  l’entretien, Ă  l’organisation des locaux, Ă  l’hygiĂšne, Ă  la sĂ©curitĂ©, de centres de santĂ© souvent peu accueillants. Les entretiens avec les usagers ont montrĂ© l’importance des contraintes pour accĂ©der au centre de santĂ©: coĂ»t du transport, difficultĂ©s de trouver un vĂ©hicule dans les zones « enclavĂ©es » (parfois y compris en milieu urbain), dĂ©penses liĂ©es Ă  l’hĂ©bergement et Ă  l’alimentation des accompagnants et dĂ©penses spĂ©cifiques associĂ©es Ă  la prise en charge mĂ©dicale (examens de laboratoire, mĂ©dicaments, etc.). Les patients se heurtent ensuite Ă  de nouvelles barriĂšres relatives Ă  l’accueil et qui risquent encore d’allonger le dĂ©lai de prise en charge; 3- ONDH (2011) ; Les disparitĂ©s d’accĂšs aux soins au Maroc. Etudes de cas. Observatoire Nationale de DĂ©veloppement Humain, Rabat, Maroc.
  • 11. 10 Livre Blanc de la SantĂ© ici, le bakchich et/ou l’intervention d’interconnaissances constituent les facteurs favorisant l’accĂšs au prestataire. L’objectif affichĂ© par les patients est de parvenir jusqu’au mĂ©decin, et de prĂ©fĂ©rence au mĂ©decin spĂ©cialiste. Le mĂ©decin gĂ©nĂ©raliste privĂ© offre une alternative largement pratiquĂ©e, y compris en milieu rural, notamment du fait d’une disponibilitĂ© ressentie plus importante. L’accĂšs aux mĂ©dicaments est contraint par de nombreux obstacles: le prix, la disponibilitĂ©, les pratiques des personnels soignants dans les centres de santĂ© sont les plus rĂ©currents. Certains patients sont dans l’obligation de sĂ©lectionner les mĂ©dicaments qui leur ont Ă©tĂ© prescrits et qui ne sont disponibles dans leur totalitĂ© dans les centres de santĂ© et sont couteux dans les officines privĂ©es. La nĂ©gociation d’un bakchich pour accĂ©der au mĂ©dicament est Ă©galement Ă©voquĂ©e. Une Ă©tude rĂ©cente sur les attentes des mĂ©decins gĂ©nĂ©ralistes du secteur public et privĂ© montre que dans leur ensemble ils s’accordent Ă  dire que la formation qu’ils ont reçue n’est pas adaptĂ©e Ă  la pratique de la profession et ne rĂ©pond pas aux besoins de la population. La volontĂ© de changer et d’adapter le cursus de formation du mĂ©decin gĂ©nĂ©raliste est une prioritĂ© unanimement reconnue. Tous partagent un diagnostic d’échec des rĂ©formes des Ă©tudes mĂ©dicales successives et la persistance d’un modĂšle de formation en mĂ©decine gĂ©nĂ©rale inadaptĂ©. La mĂ©decine gĂ©nĂ©rale, perçue par les jeunes laurĂ©ats comme une discipline de triage et d’orientation des patients vers les spĂ©cialistes, n’est qu’un choix par dĂ©faut, et les jeunes laurĂ©ats dĂ©plorent l’isolement du gĂ©nĂ©raliste dans des zones Ă©loignĂ©es aux conditions de travail et de vie difficiles.
  • 12. 11 2Ă©me ConfĂ©rence Nationale sur la SantĂ© 2013 EncadrĂ© 1 La consultation post 2015 – Les Marocains s’expriment sur l’avenir que nous voulons. L’accĂšs Ă  des services de santĂ© de qualitĂ© est un enjeu majeur A l’initiative du SecrĂ©taire GĂ©nĂ©ral des Nations Unies, les bureaux pays des Agences des Nations Unies ont organisĂ© des consultations nationales afin de rĂ©flĂ©chir aux prioritĂ©s de dĂ©veloppement de l’aprĂšs 2015. Au Maroc la parole a Ă©tĂ© donnĂ©e Ă  de multiples parties prenantes en fĂ©vrier et mars 2013: reprĂ©sentants d’institutions gouvernementales, diplomates, agences de coopĂ©ration, organisations de la sociĂ©tĂ© civile, du secteur privĂ©, des mĂ©dias; parlementaires, femmes Ă©lues, associations professionnelles, groupes vulnĂ©rables. Le texte ci-dessous, extrait du rapport de synthĂšse des consultations, produit par le Coordinateur RĂ©sident des Nations Unies au Maroc, rĂ©sume les attentes des marocains en matiĂšre de santĂ© : «Les consultations montrent que l’accĂšs universel (y compris l’accessibilitĂ©) Ă  des services de santĂ© de qualitĂ© est un enjeu majeur pour les Marocains, le concept recouvrant la gĂ©nĂ©ralisation de l’offre, l’extension gĂ©ographique et le dĂ©veloppement de la proximitĂ© avec les usagers dans les rĂ©gions mal pourvues ou enclavĂ©es (amĂ©lioration de la proximitĂ© des laboratoires mĂ©dicaux, crĂ©ation de facultĂ©s de mĂ©decine et de pharmacie et d’instituts scientifiques). Ce besoin de proximitĂ© se traduit Ă©galement par des attentes concernant le ciblage de populations spĂ©cifiques : il s’agit de mettre en place des politiques sanitaires adaptĂ©es aux personnes vulnĂ©rables (personnes ĂągĂ©es, personnes vivant avec le VIH, personnes ayant des besoins spĂ©cifiques, par exemple). Les Marocains rĂȘvent d’une couverture mĂ©dicale globale et gratuite, et quelques- uns dĂ©sirent la fin des monopoles au sein de l’industrie pharmaceutique. Les participants aux consultations prĂ©conisent l’augmentation des allocations budgĂ©taires pour le secteur, de mettre l’accent sur la rĂ©duction de la mortalitĂ© infantile et la santĂ© des femmes, ainsi que sur la production des gĂ©nĂ©riques, l’éducation sur le VIH et une formation de qualitĂ© des professionnels de la santĂ©.
  • 13. 12 Livre Blanc de la SantĂ© Un systĂšme de soins qui n’est plus adaptĂ© Ă  ce nouveau contexte Une infrastructure renforcĂ©e mais sous-utilisĂ©e. Au cours des 30 derniĂšres annĂ©es le rĂ©seau sanitaire du Maroc s’est trĂšs fortement dĂ©veloppĂ©. Il disposait en 1960 de 394 Ă©tablissements publics de soins de base; actuellement il compte plus de 2600 unitĂ©s. On est ainsi passĂ© de 0.58 Ă©tablissements pour 10 000 habitants en 1980 (1/17 000 habitants) Ă  0.83 pour 10 000 hab. (1/12000 habitants) actuellement. Le rĂ©seau hospitalier a connu une Ă©volution plus lente, mais il y a maintenant 144 hĂŽpitaux publics avec plus de 22 000 lits et 373 cliniques privĂ©es avec prĂšs de 10 300 lits. MalgrĂ© ces efforts, quelques 20 % de la population se trouvent encore Ă  plus de 10 km d’une formation sanitaire de base et les indicateurs de disponibilitĂ© et d’utilisation des services sont nettement en faveur de l’urbain. Le taux d’utilisation des services curatifs publics reste remarquablement faible avec 0,6 nouveau cas par personne par an. Les donnĂ©es sur les activitĂ©s dans les hĂŽpitaux publics montrent un taux d’hospitalisation ne dĂ©passant pas 5 %, ce qui confirme l’utilisation relativement faible des Ă©tablissements hospitaliers au Maroc(4). Cette sous- utilisation est certainement en grande partie le fait des problĂšmes de ressources humaines et du mĂ©dicament dĂ©crits ci-dessous, mais il a Ă©galement beaucoup Ă  voir avec l’inadĂ©quation de l’offre de services au type de demande d’aujourd’hui – notamment les maladies chroniques La pĂ©nurie de personnels. Une des caractĂ©ristiques les plus frappantes du secteur de santĂ© marocain est la pĂ©nurie de personnels. C’est un problĂšme qui existe de longue date et qui persiste malgrĂ© des amĂ©liorations modestes. La densitĂ© de mĂ©decins, public et privĂ© confondus, est passĂ©e de 0,43 Ă  0,62 pour 1 000 habitants entre 1999 et 2012, tandis que la densitĂ© de personnel infirmier fluctuait entre 0,89 et 0,97 pour 1 000 habitants. Depuis 2004 le nombre de mĂ©decins augmente de 4,7 % et celui des infirmiers de 1,9 % par an. Ce taux d’accroissement semble nettement insuffisant, 4- Cela contraste avec les taux de couverture de certains programmes (santĂ© maternelle, vaccination, par exemple) qui sont trĂšs Ă©levĂ©s ou en constante progression.
  • 14. 13 2Ă©me ConfĂ©rence Nationale sur la SantĂ© 2013 en dĂ©pit des objectifs ambitieux d’accroissement de la production de mĂ©decin que le gouvernement s’est fixĂ©(5) . Entretemps plus de 40 % des spĂ©cialistes au Maroc travaillent exclusivement dans le secteur privĂ© urbain. La majoritĂ© de ceux qui restent dans le secteur public exerce massivement et parallĂšlement leur profession dans un cabinet privĂ©: la «double pratique», qui est en principe interdite mais que le ministĂšre de la SantĂ© peine Ă  contenir. Vingt-trois Ă©tablissements publics forment des infirmiers et d’autres professionnels de santĂ©. Ces Ă©tablissements opĂšrent sous la supervision du ministĂšre de la SantĂ© et produisent prĂšs de 1 400 diplĂŽmĂ©s tous les ans. Il y a Ă©galement depuis peu plusieurs Ă©coles privĂ©es qui forment des infirmiĂšres et autres professionnels de santĂ©. Le ministĂšre de la SantĂ© ne dispose que d’informations limitĂ©es au sujet des normes suivies ou du nombre de diplĂŽmĂ©s produit par an. L’ouverture rĂ©cente de postes du secteur public aux infirmiĂšres et autres professionnels de la santĂ© diplĂŽmĂ©s d’écoles privĂ©es a Ă©tĂ© une source de tension et d’inquiĂ©tude au sein des employĂ©s du secteur public. Le problĂšme de pĂ©nurie des personnels de santĂ© a Ă©tĂ© signalĂ© par de nombreux responsables nationaux comme Ă©tant l’un des plus grands dĂ©fis du systĂšme de santĂ©: manque d’effectifs, vieillissement, distribution en fonction des intĂ©rĂȘts des personnels plutĂŽt que des besoins de la population. LĂ  oĂč des personnels sont disponibles se pose le problĂšme de leur adĂ©quation aux besoins. Leur formation n’était dĂ©jĂ  pas bien adaptĂ©e aux problĂšmes des populations tels qu’ils se posaient il y a 20 ans, elle l’est encore beaucoup moins maintenant que le profil des besoins et de la demande est en train de changer rapidement. Le mĂ©dicament cher. A cĂŽtĂ© de la sous-utilisation des services de santĂ© et du dĂ©ficit en personnels, un troisiĂšme problĂšme frappant est celui du mĂ©dicament. Les prix des mĂ©dicaments sont 2 Ă  3 fois plus Ă©levĂ©s au Maroc que dans la plupart des pays voisins, principalement en raison de la fragmentation de l’approvisionnement et de l’absence de concurrence par des produits gĂ©nĂ©riques de qualitĂ©, dont la pĂ©nĂ©tration ne dĂ©passe pas 30%. 5- Il existe actuellement cinq facultĂ©s de mĂ©decine au Maroc (Rabat, Casablanca, Marrakech, FĂšs et Oujda - qui relĂšvent toutes du secteur public - et qui produisent collectivement 1300 mĂ©decins tous les ans. L’ouverture de deux nouvelles facultĂ©s de mĂ©decine est prĂ©vue Ă  Tanger et Agadir. Il n’existe pas d’écoles de mĂ©decine dans le secteur privĂ©. Le gouvernement s’est fixĂ© pour objectif d’augmenter la production nationale annuelle de mĂ©decins pour atteindre 3,300 d’ici 2020. L’augmentation de la production se fera en doublant les admissions dans les Ă©coles existantes (ce qui s’est dĂ©jĂ  produit Ă  Rabat) et par l’ouverture d’un nombre indĂ©terminĂ© de nouvelles Ă©coles de mĂ©decine.
  • 15. 14 Livre Blanc de la SantĂ© Les dĂ©penses pharmaceutiques reprĂ©sentent 32% des dĂ©penses totales de santĂ© – ce qui est disproportionnĂ© pour le niveau de dĂ©veloppement du pays. La distribution publique et les ventes privĂ©es de mĂ©dicaments sont mal gĂ©rĂ©es (un grand nombre de pharmacies, outre les ventes directes par les cliniques privĂ©es et les mĂ©decins). Le ministĂšre de la SantĂ© consacre une trĂšs grande partie de son budget Ă  l’achat de mĂ©dicaments, mais sans pouvoir pour autant assurer la disponibilitĂ© des mĂ©dicaments au niveau pĂ©riphĂ©rique. De nombreux conflits d’intĂ©rĂȘts existent, par exemple au sein des comitĂ©s de sĂ©lection, des comitĂ©s d’adjudication; les mĂ©decins sont soumis Ă  des pratiques promotionnelles agressives. Un financement encore trop dĂ©pendant des paiements directs. Le Maroc a progressivement augmentĂ© les sommes destinĂ©es Ă  la santĂ©. Les dĂ©penses totales sont passĂ©es de 18,9 milliards de dirhams (1,7 milliard de dollars) en 2001 Ă  47,8 milliards de dirhams (5,8 milliards de dollars) en 2010, soit une hausse moyenne annuelle par habitant de 12,2 % (de 57,5 dollars Ă  181 dollars). Le Maroc consacre une plus grande part de son PIB Ă  la santĂ© (6,2% en 2010). Le secteur public de la santĂ© ne mobilise cependant que 7,6% du total des dĂ©penses publiques, ce qui reste nettement en dessous des 15% prĂ©vues par la dĂ©claration d’Abuja pour l’annĂ©e 2015. Une trĂšs grande partie des dĂ©penses reste le fait de paiements directs par les mĂ©nages. Ces paiements directs reprĂ©sentent plus de la moitiĂ© du total des dĂ©penses de santĂ© (53,6 % en 2010). Ce taux Ă©levĂ© de paiements directs creuse les inĂ©galitĂ©s et expose les mĂ©nages Ă  des risques Ă©levĂ©s de catastrophe financiĂšre et d’appauvrissement. Il n’y a pas eu au Maroc jusqu’à prĂ©sent de vraies Ă©tudes des effets de cette maniĂšre de financer les soins, pas seulement sur les finances des mĂ©nages, mais Ă©galement en termes d’incitatifs pervers et de distorsions dans la prestation de services. Toujours est-il que remplacer ces paiements directs (53% du total en 2010) par des dĂ©penses publiques (25%en2010)oupardesmĂ©canismes de prĂ©paiement et de partage de risques (22% en 2009) constitue un des grands dĂ©fis pour le secteur santĂ© du Maroc. La part de ces derniers, essentiellement l’AMO et la RAMED, est en train d’augmenter, en absolu et en relatif. Ils n’offrent qu’une couverture trĂšs limitĂ©e, mais ils sont en voie de toucher les deux tiers de la population. Cela ne manquera pas d’amener de trĂšs profondes modifications dans le paysage de la santĂ©. Il est encore trop tĂŽt pour dire dans quelle mesure cela permettra de s’atteler aux problĂšmes de fond du systĂšme – inĂ©galitĂ©s, ressources humaines, mĂ©dicaments, risques et distorsions inhĂ©rentes au paiement direct – mais c’est certainement une opportunitĂ© pour l’avenir.
  • 16. 15 2Ă©me ConfĂ©rence Nationale sur la SantĂ© 2013 La nouvelle donne : la Constitution de 2011 Le secteur de la santĂ© ne peut plus rester le mĂȘme depuis la promulgation de la Constitution de 2011. La loi 65-00 de 2002 sur la couverture mĂ©dicale de base affirmait dans son prĂ©ambule que «la protection de la santĂ© implique pour l’Etat, l’engagement d’assurer gratuitement les prestations de santĂ© prĂ©ventive Ă  l’ensemble des citoyens Ă  titre individuel et collectif, l’organisation d’une offre de soins de qualitĂ© rĂ©partie harmonieusement sur le territoire et de garantir l’accĂšs aux soins Ă  toutes les couches sociales de la population grĂące Ă  la prise en charge collective et solidaire des dĂ©penses de santĂ©... afin de concrĂ©tiser l’engagement de l’Etat, qui consacre le principe du droit Ă  la santĂ©.» Neuf annĂ©es plus tard, en 2011, la loi cadre 34-09 relative au systĂšme de santĂ© et Ă  l’offre de soins dĂ©finissait avec plus de spĂ©cificitĂ© les principes de la responsabilitĂ© de l’Etat et les droits et devoirs de la population et des usagers. Elle traduisait ces principes en termes de responsabilitĂ©s de l’Etat pour l’offre des soins, en termes de contenu et en termes schĂ©mas rĂ©gionaux. Mais la reconnaissance suprĂȘme du droit Ă  la santĂ© relĂšve de la Constitution de 2011 qui fournit une perspective trĂšs riche sur la responsabilitĂ© de l’État dans ce domaine. Elle affirme le droit fondamental Ă  la vie (article 20) Ă  la sĂ©curitĂ© (article 21) et Ă  l’intĂ©gritĂ© physique et morale des personnes (article 22). Elle protĂšge par la loi la famille (article 32), elle donne aux pouvoirs publics la responsabilitĂ© d’aider les jeunes Ă  s’insĂ©rer dans la vie active (article 33) et Ă  traiter et prĂ©venir la vulnĂ©rabilitĂ© (article 34). L’article 31 de la constitution prĂ©cise que «L’Etat, les Ă©tablissements publics et les collectivitĂ©s territoriales Ɠuvrent Ă  la mobilisation de tous les moyens disponibles pour faciliter l’égal accĂšs des citoyennes et des citoyens aux conditions leur permettant de jouir du droit : aux soins de santĂ©, Ă  la protection sociale, Ă  la couverture mĂ©dicale et Ă  la solidaritĂ© mutualiste ou organisĂ©e par l’Etat, 
 Ă  l’accĂšs Ă  l’eau et Ă  un environnement sain, au dĂ©veloppement durable.» L’article 34 indique que « Les pouvoirs publics Ă©laborent et mettent en Ɠuvre des politiques destinĂ©es aux personnes et aux catĂ©gories Ă  besoins spĂ©cifiques. A cet effet, ils veillent notamment Ă  : Traiter et prĂ©venir la vulnĂ©rabilitĂ© de certaines catĂ©gories de femmes et de mĂšres, des enfants et des personnes ĂągĂ©es, RĂ©habiliter et intĂ©grer dans la vie sociale et civile les handicapĂ©s physiques sensorimoteurs et mentaux et faciliter leur jouissance des droits et libertĂ©s reconnus Ă  tous.» D’autre part, l’article 71 affirme que sontdudomainedelaloi«lesprincipes
  • 17. 16 Livre Blanc de la SantĂ© et rĂšgles du systĂšme de santĂ©, les relations de travail, la sĂ©curitĂ© sociale, les accidents de travail et les maladies professionnelles, et la crĂ©ation des Ă©tablissements publics et de toute autre personne morale de droit public», tandis que l’article 154 confirme que «les services publics sont organisĂ©s sur la base de l’égal accĂšs des citoyennes et citoyens, de la couverture Ă©quitable du territoire national et de la continuitĂ© des prestations» : «Ils sont soumis aux normes de qualitĂ©, de transparence, de reddition des comptes et de responsabilitĂ©, et sont rĂ©gis par les principes et valeurs dĂ©mocratiques consacrĂ©s par la Constitution». L’article 156 dit que ces «services publics sont Ă  l’écoute de leurs usagers et assurent le suivi de leurs observations, propositions et dolĂ©ances. Ils rendent compte de la gestion des deniers publics conformĂ©ment Ă  la lĂ©gislation en vigueur et sont soumis, Ă  cet Ă©gard, aux obligations de contrĂŽle et d’évaluation.» et selon l’article 157 «une charte des services publics fixe l’ensemble des rĂšgles de bonne gouvernance relatives au fonctionnement des administrations publiques, des rĂ©gions et des autres collectivitĂ©s territoriales et des organismes publics.» Ainsi la Constitution reconnaĂźt de façon explicite le droit Ă  l’accĂšs aux soins de santĂ© - et donc indirectement le droit Ă  la santĂ©. Elle agit, Ă©galement Ă  travers d’autres articles, sur un Ă©ventail trĂšs large de dĂ©terminants de la santĂ©. Il est important de noter qu’elle donne Ă©galement une feuille de route sur la façon dont les services de santĂ© doivent ĂȘtre gouvernĂ©s : Ă©quitĂ©, redevabilitĂ©, transparence, Ă©coute : des services au service du citoyen. La reconnaissance du droit Ă  la santĂ© pourtouslesmarocains,consĂ©quence logique des revendications citoyennes liĂ©es au mouvement du printemps arabe, s’inscrit dans la continuitĂ© des rĂ©formes initiĂ©es par les pouvoirs publics Ă  caractĂšre sociales et Ă©conomiques : la loi 65-00 sur la couverture mĂ©dicale de base de 2002, l’initiative nationale du dĂ©veloppent humain (l’INDH) lancĂ©e en 2005, la loi 34-09 relative au systĂšme de santĂ© et Ă  l’offre de soins de 2011, et en 2013, Ă  la suite de la nouvelle constitution, la gĂ©nĂ©ralisation du RAMED, le rĂ©gime d’assistance mĂ©dicale. Faire de cette reconnaissance du droit Ă  la santĂ© une rĂ©alitĂ© dans le quotidien de tous les habitants du Maroc, c’est lĂ  l’objet de la rĂ©forme qui est en discussion aujourd’hui. Pour le Maroc il s’agit d’un enjeu majeur. La capacitĂ© de rĂ©former en profondeur le systĂšme de santĂ© constitue en effet un test pour la dĂ©mocratie et la solidaritĂ©. La suite de ce livre blanc suggĂšre les grands axes autour desquels pourrait s’articuler la rĂ©forme du secteur de la santĂ©.Cespistesdevraientfaciliterune discussion approfondie et structurĂ©e avec les diffĂ©rentes parties prenantes pour rĂ©unir les appuis nĂ©cessaires aux changements Ă  implanter.
  • 18. 17 2Ă©me ConfĂ©rence Nationale sur la SantĂ© 2013 Cette nouvelle rĂ©forme cherche Ă  rĂ©pondre de façon Ă©quilibrĂ©e Ă  diffĂ©rentes exigences : ‱ Centrer les soins sur les problĂšmes et les attentes des gens, lutter contre les exclusions et promouvoir la santĂ© ; ‱ Anticiper les rĂ©ponses aux dĂ©fis pour la santĂ© des mutations de la sociĂ©tĂ© marocaine ; ‱ Construire un systĂšme durable et efficient. Au cƓur de cette rĂ©forme se situe la volontĂ© de rĂ©aliser concrĂštement le droit Ă  l’accĂšs aux soins et Ă  la santĂ© pour tous les marocains, en prenant en considĂ©ration l’ensemble des dĂ©terminants de la santĂ©, tout en construisant un « bon » systĂšme de santĂ© performant, en mesure d’assurer la pĂ©rennitĂ© du changement attendu. Les caractĂ©ristiques et les propriĂ©tĂ©s d’un « bon » systĂšme de santĂ©, et plus spĂ©cifiquement de son systĂšme de soins sont rĂ©sumĂ©es dans l’encadrĂ© 2. La nouvelle constitution et l’affirmation du droit Ă  la santĂ© qu’elle consacre n’est pas la seule opportunitĂ© pour prĂ©parer le systĂšme de santĂ© marocain de l’avenir. La nouvelle rĂ©forme doit aussi rĂ©aliser des synergies et contribuer Ă  l’avancement des politiques de rĂ©gionalisation. Cela doit donner un nouvel Ă©lan Ă  l’organisation de la proximitĂ© et Ă  la participation des populations tout en dĂ©congestionnant un processus dĂ©cisionnel trĂšs centralisĂ©. Pour rĂ©ussir, cette volontĂ© de rĂ©forme et de modernisation du secteur de la santĂ© doit ĂȘtre appropriĂ©e par les acteurs du systĂšme et faire l’objet d’un consensus social afin de vaincre les rĂ©sistances au changement et de gĂ©rer les intĂ©rĂȘts divergents des intervenants. Les perspectives proposĂ©es s’articulent autour de trois grands axes – qui font Ă©cho aux mouvements de rĂ©forme dans la plupart des pays Ă  haut ou Ă  moyen revenu : ‱ Assurer la protection des populations : agir contre les menaces (anciennes et nouvelles) sur la santĂ© de la population marocaine par une politique volontariste sur les dĂ©terminants de la santĂ© ; ‱ Avancer vers la couverture universelle : assurer l’accĂšs de tous Ă  un systĂšme de soins de proximitĂ©, et rĂ©organiser les solidaritĂ©s : Ă©liminer les barriĂšres financiĂšres Ă  l’accĂšs et Ă©viter Quelles perspectives pour cette nouvelle rĂ©forme du systĂšme de santĂ© ?
  • 19. 18 Livre Blanc de la SantĂ© que les mĂ©nages engagent des dĂ©penses catastrophiques pour pouvoir se soigner ; ‱ Gouverner l’ensemble du systĂšme de santĂ© (public et privĂ©, formel et informel) : passer d’un systĂšme commandĂ© et contrĂŽlĂ© par le haut (le mode «command and control»), vers un systĂšme basĂ© sur la rĂ©gulation et la nĂ©gociation (le mode « steer and negotiate»). Cela implique de passer d’une focalisation excessive sur les mĂ©canismes administratifs Ă  l’utilisation d’incitatifs, Ă  la participation et Ă  la transparence.
  • 20. 19 2Ă©me ConfĂ©rence Nationale sur la SantĂ© 2013 EncadrĂ© 2. Vers oĂč la rĂ©forme veut-elle aller ? Les caractĂ©ristiques de ce que serait un « bon » systĂšme de santĂ© au Maroc. UN “BON” SYSTÈME DE SANTÉ CONTRIBUE À: ‱ AmĂ©liorer la santĂ© et l’équitĂ© en santĂ© ‱ Etablir un Ă©quilibre entre la rĂ©ponse donnĂ©e aux besoins en santĂ© et celle donnĂ©e aux attentes des gens. POUR CE FAIRE, UN “BON” SYSTÈME DE SANTÉ: ‱ Assure la couverture universelle, c’est Ă  dire Ă  la fois l’accĂšs universel aux soins de santĂ© de qualitĂ© et la protection financiĂšre des utilisateurs ; ‱ S’occupe de la santĂ© des populations, en agissant sur les dĂ©terminants de la santĂ© et en protĂ©geant les citoyens et les communautĂ©s contre ce qui menace la santĂ© ; ‱ Anticipe les menaces Ă  la santĂ© et gĂšre les situations de crises; ‱ RĂ©agit aux prioritĂ©s sanitaires, avec un Ă©ventail Ă©quilibrĂ© et scientifiquement fondĂ© d’interventions et d’activitĂ©s curatives, prĂ©ventives et de promotion de la santĂ©. CE SYSTÈME DE SANTÉ ENGLOBE UN SYSTÈME DE SOINS BIEN ORGANISÉ, PERFORMANT ET CENTRÉ SUR LES GENS: Il rend accessible Ă  tous, des services de proximitĂ© : ‱ Qui connaissent la population pour laquelle ils sont responsables; ‱ Que les gens connaissent et dans lesquels ils ont confiance; ‱ Qui peuvent rĂ©soudre leurs problĂšmes et les rĂ©fĂ©rer vers des services spĂ©cialisĂ©s en cas de besoin; ‱ Qui assurent la continuitĂ© et la globalitĂ© des soins; ‱ Qui fournissent des soins intĂ©grĂ©s, efficaces et ne crĂ©ent pas de risques indus pour les patients ; Il est constituĂ© par des rĂ©seaux de services (de premiĂšre ligne et de recours) : ‱ Qui ont dĂ©fini des liens clairs, transparents et effectifs entre eux ; ‱ Qui ont une responsabilitĂ© d’ensemble pour la santĂ© d’une population bien dĂ©finie ;
  • 21. 20 Livre Blanc de la SantĂ© ‱ Qui ont Ă©tabli des mĂ©canismes appropriĂ©s et participatifs de redevabilitĂ© sur leur performance. UN BON SYSTÈME DE SANTÉ DÉPEND DE COMMENT LE FINANCEMENT, L’INFORMATION ET LES RESSOURCES HUMAINES - SONT ORGANISÉS ET GOUVERNÉS: Le financement – et les modalitĂ©s de paiement– sont organisĂ©s de façon Ă  appuyer la progression vers la couverture universelle: ‱ En assurant un niveau de financement suffisant; ‱ En se basant sur le prĂ©-paiement et le partage des risques pour Ă©liminer les barriĂšres Ă  l’accĂšs et garantir la protection financiĂšre de tous contre les dĂ©penses catastrophiques ; ‱ En trouvant un Ă©quilibre entre l’élargissement progressif de la gamme de services offerts, l’extension progressive de la population couverte, et la rĂ©duction progressive des paiements directs des mĂ©nages. Les systĂšmes d’information et de connaissance sont organisĂ©s de façon Ă  fournir et partager, de façon transparente des informations sur la performance. Plus prĂ©cisĂ©ment : ‱ les informations importantes et stratĂ©giques sur les tendances en termes de rĂ©sultats santĂ© ; ‱ les informations importantes et stratĂ©giques sur les tendances en termes de services fournis, de qualitĂ© et de productivitĂ©; ‱ les informations importantes et stratĂ©giques sur les tendances en termes d’utilisation et de disponibilitĂ© de ressources ; ‱ les informations importantes et stratĂ©giques sur les tendances en termes de besoins et attentes des gens ; ‱ les informations importantes et stratĂ©giques sur la qualitĂ© des milieux de vie au travail ‱ les informations importantes et stratĂ©giques sur la perception, par les populations, les utilisateurs et les travailleurs de santĂ©, de la performance du systĂšme de santĂ©. Le systĂšme des ressources humaines est gouvernĂ© de façon Ă  : ‱ Former, dĂ©ployer et retenir une force de travail en nombres suffisants pour rĂ©pondre aux besoins de santĂ© sur tout le territoire; ‱ Garantir que les professionnels aient accĂšs aux mĂ©dicaments et Ă  la technologie nĂ©cessaire pour rĂ©pondre aux besoins de santĂ© de la population ; ‱ S’assurer que les profils de compĂ©tences des travailleurs de la santĂ© permettent de fournir de « bons » soins et permettent de s’occuper efficacement des dĂ©terminants de la santĂ©, ‱ S’adapter aux changements qu’impose le dĂ©veloppement du pays.
  • 22. 21 2Ă©me ConfĂ©rence Nationale sur la SantĂ© 2013 AXE1-AgirsurlesdĂ©terminants de la santĂ©, promouvoir ce qui peut l’amĂ©liorer et protĂ©ger les populations contre ce qui menace leur santĂ© Le Maroc, pays en transition, doit faire face Ă  la fois Ă  des facteurs «anciens» et «nouveaux» qui dĂ©terminent la santĂ© des individus et des communautĂ©s. Au fur et Ă  mesure que le pays se modernise, les besoins en actions de prĂ©vention et en promotion de la santĂ© ne vont pas diminuer, ils augmenteront. D’une part, le Maroc ne pourra obtenir des rĂ©sultats de santĂ© Ă  long terme de façon efficace et efficiente que s’il redouble les efforts visant les dĂ©terminants de la santĂ©. D’autre part, les populations deviennent – Ă  raison – de plus en plus exigeantes envers les pouvoirs publics quant Ă  la protection de leur santĂ©. Le renforcement nĂ©cessaire de l’action sur les dĂ©terminants de la santĂ© ne se fera pas sans entrainer des pressions financiĂšres et organisationnelles. La seule façon d’y faire face sera d’accroĂźtre la flexibilitĂ© du systĂšme de santĂ© pour adapter son action Ă  la diversitĂ© gĂ©ographique, Ă©pidĂ©miologique et sociale du pays. La rĂ©gionalisation avancĂ©e (voir encadrĂ© 4) donne le cadre qui rendra possible cette adaptation. L’efficacitĂ© de l’action sur les dĂ©terminants de la santĂ© sera dĂ©terminĂ©e par l’ouverture de trois chantiers: 1. Revoir l’ensemble des politiques et actions techniques importantes pour agir sur les dĂ©terminants de la santĂ© Ă  la lumiĂšre des « fonctions essentielles de santĂ© publique ». 2. Mobiliser l’ensemble des secteurs qui influencent la santĂ© pour qu’ils prennent en compte la santĂ© dans leurs dĂ©cisions; 3. Renforcer l’action sanitaire de proximitĂ© et la participation de la population face aux problĂšmes qui affectent la vie et la santĂ© des communautĂ©s. Chantier 1. DĂ©velopper les «fonctions essentielles de santĂ© publique» Rationnel Les structures de santĂ©, qu’elles soient publiques ou non, peuvent et doivent jouer un rĂŽle important pour agir sur une sĂ©rie de problĂšmes de santĂ© publique : contrĂŽle des maladies transmissibles, prise en charge de la dĂ©pendance et des maladies liĂ©es au grand Ăąge, l’obĂ©sitĂ©, la prĂ©vention des cancers, la protection environnementale, la santĂ© mentale, les maladies chroniques etc. Au niveau national, la prise en charge de ces problĂšmes nĂ©cessite qu’une sĂ©rie de « fonctions essentielles de santĂ© publique » soient assurĂ©e.
  • 23. 22 Livre Blanc de la SantĂ© Il est clair que c’est le MinistĂšre de la santĂ© qui assure, pour le gouvernement, la responsabilitĂ© de ces fonctions. Il n’en est pas nĂ©cessairement de mĂȘme pour leur mise en Ɠuvre. Celle-ci peut ĂȘtre confiĂ©e aux structures du MinistĂšre de la SantĂ©, mais elle peut tout aussi bien l’ĂȘtre, selon les cas, Ă  d’autres ministĂšres, Ă  des organismes parapublics, acadĂ©miques, voire Ă  des collectivitĂ©s locales ou Ă  la sociĂ©tĂ© civile. Que faire ? Enplusdecequel’Etatassumecomme responsabilitĂ©s d’organisation, de rĂ©gulation et de fourniture de soins, il y a une sĂ©rie de « fonctions essentielles de santĂ© publique » que le systĂšme de santĂ© marocain doit remplir (et qu’il n’assume, en ce moment, que de façon partielle et souvent peu efficiente) : ‱ La prĂ©vention, la surveillance et le contrĂŽle des maladies transmissibles et non transmissibles; ‱ La surveillance de l’état de santĂ©; ‱ La promotion de la santĂ© ; ‱ La santĂ© au travail ; ‱ La protection de l’environnement; ‱ La lĂ©gislation et la rĂ©glementation; ‱ La planification et la gestion ; ‱ Des services spĂ©cifiques tels que la santĂ© scolaire, le secours en cas de catastrophe ou le laboratoire de santĂ© publique ; ‱ La santĂ© pour les populations vulnĂ©rables et les populations Ă  haut risque. Le Maroc a eu, dans certains domaines, des succĂšs impressionnants – maĂźtrise de la fĂ©conditĂ©, lutte contre le trachome, la schistosomiase et le paludisme. Dans d’autres domaines, cependant, on constate des dĂ©faillances importantes, un Ă©parpillement des responsabilitĂ©s et une insuffisance de coordination. Cette situation affaiblit considĂ©rablement le potentiel d’action des autoritĂ©s sanitaires pour la protection de la santĂ©. Les conditions institutionnelles doivent ĂȘtre crĂ©Ă©es afin que le MinistĂšre de la SantĂ© puisse Ă©largir les activitĂ©s qui existent et couvrir l’ensemble de la gamme des fonctions. En matiĂšre de collaborationentrelasantĂ©etlesautres secteurs, certaines activitĂ©s sont dĂ©jĂ  partagĂ©es : les Bureaux Municipaux et les Bureaux Communaux d’HygiĂšne avec les collectivitĂ©s locales, la santĂ© scolaire et universitaire avec l’éducation, l’hygiĂšne du milieu avec l’agriculture et les collectivitĂ©s locales. Ces opportunitĂ©s de collaboration permettent d’obtenir des rĂ©sultats meilleurs, plus rapides et plus visibles. Il y a lieu de rentabiliser
  • 24. 23 2Ă©me ConfĂ©rence Nationale sur la SantĂ© 2013 l’expĂ©rience acquise et de l’étendre Ă  d’autres domaines en proposant des approches innovantes. Conditions institutionnelles Ă  mettre en place Traditionnellement ce sont les instituts nationaux de santĂ© publique qui dans de nombreux pays ont constituĂ© la principale source indĂ©pendante de compĂ©tences techniques pour remplir les grandes fonctions de la santĂ© publique et aussi, plus largement, pour Ă©laborer les politiques de santĂ© publiques. Certains instituts nationaux peuvent faire Ă©tat de rĂ©ussites prestigieuses : la Fiocruz au BrĂ©sil, Kansanterveys Laitos en Finlande, l’Institut National de SantĂ© Publique du QuĂ©bec ou le CDC aux Etats- Unis. De plus en plus, cependant, les capacitĂ©s de ces instituts s’avĂšrent insuffisantes face aux nombreuses demandes de politiques publiques. Trop souvent, leur mandat est surdimensionnĂ© et sous‑financĂ©. Leurs ressources sont dispersĂ©es et il leur est difficile de constituer la masse critique de compĂ©tences diversifiĂ©es et spĂ©cialisĂ©es. Plusieurs des fonctions dont ils sont responsables sont alors nĂ©gligĂ©es ou dĂ©laissĂ©es. Dans de nombreux pays ce paysage institutionnel classique est en train de changer. Le nombre de centres de compĂ©tences, souvent spĂ©cialisĂ©s dans un aspect particulier, augmente. Les formes institutionnelles classiques se diversifient. On a tendance, Ă  l’heure actuelle, Ă  travailler Ă  travers des rĂ©seaux constituĂ©s par un ensemble de centres de recherche, fondations, entitĂ©s universitaires, consortiums indĂ©pendants, groupes de rĂ©flexion, projets, organismes techniques et initiatives de toutes sortes, au sein du secteur santĂ© et dans d’autres secteurs. Il est vraisemblable que le Maroc continuera lui aussi Ă  Ă©voluer dans ce sens. Cela se traduira par des rĂ©seaux de compĂ©tences plus complexes et plus diffus mais aussi beaucoup plus riches. Le renforcement des institutions devra passer par des stratĂ©gies prudentes en matiĂšre de spĂ©cialisation et de complĂ©mentaritĂ©, en prĂȘtant attention au dĂ©fi que constituent la coordination de ces rĂ©seaux et la cohĂ©rence du leadership montrĂ© du MinistĂšre de la SantĂ©. Pour progresser dans cette voie, trois tĂąches s’imposent: ‱ Inventorier le paysage institutionnel de la santĂ© publique au Maroc afin de dĂ©velopper une mise en rĂ©seau qui garantisse que l’ensemble des fonctions soit couvert d’une façon efficiente, avec des garanties de qualitĂ© et des mĂ©canismes de redevabilitĂ© ; ‱ Transformer la formation des ressources humaines qui s’occupent des fonctions essentielles de santĂ© publique
  • 25. 24 Livre Blanc de la SantĂ© en assurant la diversification et la spĂ©cialisation que ces rĂ©seaux plus complexes demanderont. A l’heure actuelle les facultĂ©s de mĂ©decine et l’école nationale de santĂ© publique (l’ex-INAS). Ces institutions forment encore trop peu de professionnels de ce type, et restent trop souvent focalisĂ©es sur des problĂ©matiques strictement sanitaires voire concentrĂ©es exclusivement sur la lutte contre les maladies et l’épidĂ©miologie classique. Le MinistĂšre de la SantĂ© devra, en collaboration avec les institutions de formation, impulser le renouveau des programmes de formation dans ce domaine, et en assurer la rĂ©gulation. ‱ Engager la collaboration transfrontaliĂšre et les Ă©changes inter-pays, afin d’élargir le champ d’expertise auquel on peut faire appel pour rĂ©aliser d’importantes Ă©conomies d’échelle et enrichir le dĂ©bat national en intĂ©grant des perspectives venant d’ailleurs. Chantier 2. Mettre la santĂ© au cƓur des politiques publiques: des Ă©valuations d’impact- santĂ© pour dialoguer avec les autres secteurs Rationnel La santĂ© des populations n’est pas seulement le rĂ©sultat des activitĂ©s du secteur sanitaire. Elle est dans une large mesure dĂ©terminĂ©e par des facteurs sociĂ©taux et Ă©conomiques, et donc par des politiques et des actions qui ne sont pas du ressort du secteur de la santĂ©. Les conditions d’habitation ou de travail, par exemple, peuvent avoir des rĂ©percussions dĂ©terminantes sur la santĂ©. Les autoritĂ©s sanitaires ont parfois l’impression que leur secteur ne peut influencer ces facteurs qu’à la marge. Le secteur santĂ© n’est bien Ă©videmment pas en mesure de redĂ©finir les relations de travail, d’agir sur le chĂŽmage, d’augmenter les taxes sur le tabac, d’imposer des normes techniques aux vĂ©hicules Ă  moteur, de rĂ©guler l’exode rural ou de fermer les bidonvilles, bien que toutes ces mesures aient des effets sur la santĂ©. Mais cela ne veut pas dire que le secteur santĂ© soit tout Ă  fait dĂ©muni. Il peut avoir un impact rĂ©el, Ă  condition de collaborer avec les autres secteurs. Il peut faire en sorte que la santĂ© soit reconnue comme une retombĂ©e socialement importante des politiques des autres secteurs. Dans le passĂ©, le secteur de la santĂ© a parfois engagĂ© de telles collaborations de maniĂšre plutĂŽt symbolique ; il l’a Ă©galement fait, parfois avec de bons rĂ©sultats, en convaincant les autres secteurs Ă  aider le secteur de la santĂ© dans la poursuite de ses objectifs de santĂ©.
  • 26. 25 2Ă©me ConfĂ©rence Nationale sur la SantĂ© 2013 Il y a au Maroc une sĂ©rie d’exemples pour lesquels le MinistĂšre de la SantĂ© a obtenu la collaboration active et efficace d’autres secteurs pour agir sur des dĂ©terminants sociaux et environnementaux de problĂšmes importants de santĂ© publique: l’élimination de la bilharziose, la lutte contre le trachome, les programmes de vaccination, ou, plus rĂ©cemment, la lutte contre le cancer. Dans ces situations, il y avait un leadership clair et transparent de la part du MinistĂšre de la SantĂ© et des appuis au sein des autres secteurs. Cette collaboration a Ă©tĂ© efficace grĂące au fait que toutes les parties avaient Ă©tĂ© convaincues qu’il y aurait des gains de santĂ© rĂ©els et visibles pour les populations. Pour mettre « la santĂ© dans toutes les politiques » il faut aller plus loin. Il faut entreprendre une action de long terme pour faire reconnaĂźtre que la santĂ© des populations est une responsabilitĂ© partagĂ©e par tous. Dans une perspective de santĂ© publique on part d’un problĂšme de santĂ© spĂ©cifique qu’on veut rĂ©soudre et on demande aux autres secteurs de contribuer Ă  le solutionner. QuandonrĂ©flĂ©chitentermesde«santĂ© danstouteslespolitiques»onpartdela politiquedel’autresecteur(agriculture, Ă©ducation, environnement, Ă©conomie, logement, transport, 
) telle qu’elle a Ă©tĂ© formulĂ©e, avec ses objectifs et sa logique propres, pour ensuite regarder les consĂ©quences en termes de santĂ©. On Ă©value donc, en collaboration avec l’autre secteur, les effets, positifs et nĂ©gatifs, actuels ou potentiels, de leurs politiques sur la santĂ© des populations. Les politiques des autres secteurs peuvent se rĂ©vĂ©ler importantes pour la santĂ© des populations Ă  deux titres: ‱ lles peuvent apporter une contribution positive Ă  la santĂ© sans que ce soit leur but explicite. C’est souvent le cas, par exemple, pour des politiques en matiĂšre d’éducation, d’égalitĂ© entre hommes et femmes ou d’inclusion sociale. Celles-ci peuvent se voir renforcĂ©es si elles s’appliquent Ă  rechercher encore plus dĂ©libĂ©rĂ©ment ces rĂ©sultats sanitaires positifs, comme faisant partie intĂ©grante d’elles-mĂȘmes. En donnant une reconnaissance et une visibilitĂ© plus marquĂ©e Ă  ces rĂ©sultats santĂ©, cela ne peut que renforce les uns et les autres et crĂ©er des synergies utiles pour les populations. ‱ Elles peuvent aussi avoir des consĂ©quences nĂ©fastes. On s’en aperçoit souvent trop tard, rĂ©trospectivement, comme dans le cas des effets nĂ©gatifs de la pollution atmosphĂ©rique ou de la contamination industrielle. Les dĂ©cideurs d’autres secteurs peuvent ne pas ĂȘtre conscients
  • 27. 26 Livre Blanc de la SantĂ© des consĂ©quences sanitaires futures des choix qu’ils font et qui, dans leur logique, peuvent ĂȘtre parfaitement justifiĂ©s. Pourtant, il est souvent possible de prĂ©voir ces consĂ©quences ou de les dĂ©tecter Ă  un stade prĂ©coce, et de trouver un accord avec l’autre secteur pour rĂ©duire les effets nĂ©fastes pour la santĂ©. Que faire ? La DĂ©claration d’AdĂ©laĂŻde (voir l’annexe 1) sur l’intĂ©gration de la santĂ© dans toutes les politiques dĂ©crit les moteurs pour la mise en Ɠuvre d’une telle approche et le rĂŽle nouveau pour le secteur de la santĂ© qu’elle implique. L’approche traditionnelle de la santĂ© publique – partir d’un problĂšme de santĂ© spĂ©cifique pour demander aux autres secteurs d’aider Ă  le rĂ©soudre – est bien-sĂ»r utile et nĂ©cessaire, mais elle n’a qu’un potentiel limitĂ©. Il faut Ă©galement commencer le dialogue Ă  partir des politiques des autres secteurs lorsque ceux-ci les conçoivent, pour voir dans quelle mesure elles affectent, positivement ou nĂ©gativement, la santĂ©. Ce dialogue n’est pas facile Ă  Ă©tablir. Mais on dispose maintenant, dans un nombre croissant de pays, d’une expĂ©rience considĂ©rable avec des outils «d’évaluation de l’impact sur la santé». Une utilisation systĂ©matique de ces outils (encadrĂ© 3) permettrait au Maroc de catalyser ce dialogue. EncadrĂ© 3. Comment Ă©valuer l’impact sur la santĂ© ? « L’évaluation d’impact sur la santé» est un exercice de plus en plus utilisĂ©, en particulier dans la CommunautĂ© europĂ©enne. Il s’inspire des mĂ©thodes dĂ©veloppĂ©es dans des «évaluations de l’impact environnemental», pour apprĂ©cier les consĂ©quences en termes de santĂ© et de sĂ©curitĂ© sanitaire des politiques dont la finalitĂ© n’est pas la santĂ©. IdĂ©alement l’exercice se fait au moment oĂč un secteur considĂšre les options politiques pour le moyen ou le long terme. Les Ă©valuations de l’impact sanitaire des politiques permettent de rĂ©pondre de façon explicite Ă  une sĂ©rie de questions. Est-ce que la politique Ă©valuĂ©e : ‱ affecte la santĂ© et la sĂ©curitĂ© des individus ou des populations (l’espĂ©rance de vie, la mortalitĂ©, la morbiditĂ©) Ă  travers des effets sur l’environnement socio- Ă©conomique (revenu, Ă©ducation, emploi, nutrition) ? ‱ accroĂźt ou rĂ©duit la probabilitĂ© de risques sanitaires imputables Ă  des substances nocives pour l’environnement naturel ?
  • 28. 27 2Ă©me ConfĂ©rence Nationale sur la SantĂ© 2013 Conditions institutionnelles Ă  mettre en place Des exercices d’évaluation d’impact santĂ© seront une bonne base de dialogue s’ils sont conduits de façon systĂ©matique,objectiveetscientifique, en collaboration Ă©troite avec les autres secteurs. Une commission nationale des dĂ©terminants sociaux de la santĂ©, pilotĂ©e au plus haut niveau possible, doit servir de plateforme d’animation multisectorielle ou de pilotage d’outils tels que l’évaluation d’impact sur la santĂ©. Mais il faudra que le MinistĂšre de la SantĂ© s’équipe des capacitĂ©s – l’expertise, l’information, la technologie – nĂ©cessaires pour pouvoir aussi crĂ©er de façon crĂ©dible les autres instruments de dialogue et de coordination. Cela suppose que des efforts volontaristes, ciblĂ©s et suivis au plus haut niveau soient entrepris sur deux terrains : ‱ Faire accepter le principe des exercices d’évaluation d’impact et Ă©tablir une relation de confiance avec les autres secteurs pour les entreprendre. Il faut viser Ă  ce qu’ils soient inscrits dans la loi en tant que une prĂ©condition Ă  ‱ affecte la santĂ© en modifiant les nuisances sonores, la qualitĂ© d’air, d’eau ou du sol dans des zones peuplĂ©es? ‱ affecte la santĂ© en raison de changements dans l’utilisation de l’énergie ou de l’élimination des dĂ©chets ? ‱ affecte des dĂ©terminants de la santĂ© liĂ©s au mode de vie, tels que la consommation de tabac ou d’alcool, ou l’exercice physique ? ‱ a des effets particuliers sur certains groupes Ă  risque (dĂ©terminĂ©s par l’ñge, le sexe, le handicap, la catĂ©gorie sociale, la mobilitĂ©, la rĂ©gion, etc.) ? Cet exercice peut Ă©galement viser les effets sur l’accĂšs au systĂšme de soins, Ă  la protection sociale et Ă  l’éducation, en Ă©valuant la politique du secteur concernĂ© du point de vue de son: ‱ impact sur les services quant Ă  leur qualitĂ© et leur accessibilitĂ© ? ‱ effet sur l’éducation et la mobilitĂ© des travailleurs (santĂ©, Ă©ducation, etc.) ? ‱ impact sur l’accĂšs des individus Ă  l’éducation publique ou privĂ©e ou la formation professionnelle et continue? ‱ fourniture transfrontiĂšres de services, l’orientation d’un pays Ă  l’autre et la coopĂ©ration dans les rĂ©gions frontaliĂšres ? ‱ impact sur le financement et l’organisation des systĂšmes sociaux, sanitaires et Ă©ducatifs (y compris la formation professionnelle) ? ‱ influence sur la libertĂ© acadĂ©mique ou l’autonomie locale ?
  • 29. 28 Livre Blanc de la SantĂ© l’approbation de grandes initiatives sectorielles (tout comme, p.ex., l’évaluation prĂ©alable de l’impact environnemental est devenue une condition nĂ©cessaire en Union EuropĂ©enne). Il faudra donc une feuille de route pour des dĂ©marches Ă  faire pour inscrire cette obligation dans la loi. ‱ CrĂ©er la capacitĂ© d’analyse et d’évaluation et des systĂšmes d’information intelligents et performants – avec toutes les compĂ©tences et les technologies que cela demande – pour pouvoir mener Ă  bien de telles Ă©valuations de façon convaincante. Une analyse plus approfondie devra dĂ©terminer si de telles capacitĂ©s doivent se trouver au sein du secteurpublic,dansdesinstitutions parapubliques ou acadĂ©miques, ou dans d’autres organisations de la sociĂ©tĂ© civile. Chantier 3. L’action locale sur les dĂ©terminants de la santĂ© Rationnel Ce sont souvent des circonstances locales qui menacent la santĂ© ; c’est Ă©galement au niveau local qu’il y a souvent des opportunitĂ©s pour diminuer les risques et amĂ©liorer la santĂ©. Ces opportunitĂ©s locales ne peuvent ĂȘtre identifiĂ©es et rĂ©solues que localement en combinant l’action des services de proximitĂ© et la participation de la population. Au Maroc il y a une longue tradition de mobilisation des communautĂ©s locales pour la mise en Ɠuvre de programmes de santĂ© publique comme la vaccination, la lutte contre le trachome, ou la diffusion de la contraception. Il s’est ainsi constituĂ© un capital de compĂ©tences et de motivations qu’il faut maintenir et Ă©tendre. Il y a cependant un potentiel sous-exploitĂ© important d’action locale sur les dĂ©terminants de la santĂ©. Les services de proximitĂ©, et, par ailleurs, les autoritĂ©s locales, pourraient beaucoup mieux faire pour assurer le relais entre le local et les structures supĂ©rieures. Au niveau local on a de l’expĂ©rience avec la transmission des informations et des directives programmatiques du haut vers le bas et vers les populations: c’est une pratique bien Ă©tablie. On y est cependant peu enclin Ă  Ă©galement transmettre de l’information du bas vers le haut sur des problĂšmes locaux qui ont Ă©tĂ© identifiĂ©s, ou des initiatives locales prometteuses, mis en place par les services de santĂ© ou par la sociĂ©tĂ© civile. Cela reprĂ©sente des occasions manquĂ©es pour les autoritĂ©s rĂ©gionales et nationales d’appuyer des initiatives locales qui peuvent apporter une plus-value en santĂ©.
  • 30. 29 2Ă©me ConfĂ©rence Nationale sur la SantĂ© 2013 L’INDH, l’Initiative Nationale de DĂ©veloppement Humain, offre Ă  ce titre une multitude d’opportunitĂ©s pour renforcer l’action sur les dĂ©terminants sociaux de la santĂ©. Ce projet de rĂšgne a su mobiliser toutes les compĂ©tences et organisations locales dans la lutte contre la pauvretĂ© dans un cadre organisĂ© et coordonnĂ©. Que faire ? Il y a lieu de renforcer les interactions et les coordinations entre l’INDH et l’ensemble des secteurs d’activitĂ©s agissant sur les dĂ©terminants de la santĂ©. La dĂ©centralisation permettra d’appuyer plus efficacement la crĂ©ativitĂ© et les initiatives locales Ă  travers des mesures telles que : ‱ Faire de la collaboration avec les initiatives communautaires un Ă©lĂ©ment des termes de rĂ©fĂ©rence des formations sanitaires de proximitĂ©, et un Ă©lĂ©ment de leur Ă©valuation continue. ‱ CrĂ©er des mĂ©canismes permettant de faire remonter au niveau rĂ©gional l’information sur les initiatives locales qui sont innovatrices et prometteuses ou qui ont montrĂ© des rĂ©sultats intĂ©ressants. ‱ Mettre en place des mĂ©canismes dĂ©centralisĂ©s pour appuyer de telles initiatives avec ressources et expertise, mais Ă©galement des programmes ou des initiatives nationales qui appuient de tels dĂ©veloppements parmi les populations les plus dĂ©munies. Conditions institutionnelles Beaucoup dĂ©pend du degrĂ© de dĂ©centralisation du pouvoir de dĂ©cision au sein du secteur santĂ©, et de la possibilitĂ© de mettre en place, aux niveaux rĂ©gional et sous-rĂ©gional, des mĂ©canismes de redevabilitĂ© basĂ©s sur une Ă©valuation objective des appuis fournis et des rĂ©sultats obtenus. L’encadrĂ© 4 montre combien la dĂ©centralisation avancĂ©e sera dĂ©terminante. Mais le secteur santĂ© ne pourra pas pour autant se dĂ©charger de sa responsabilitĂ© pour mettre en place ses structures de proximitĂ© et de participation, un systĂšme d’information redessinĂ©, et la technologie moderne pour assurer la transparence.
  • 31. 30 Livre Blanc de la SantĂ© EncadrĂ© 4. L’importance de la dĂ©centralisation avancĂ©e pour la rĂ©forme du secte ur santĂ© La rĂ©gionalisation avancĂ©e vise Ă  libĂ©rer l’esprit d’initiative et les Ă©nergies crĂ©atives des citoyennes et citoyens, contrecarrer et rĂ©duire les pesanteurs et les inhibitions bureaucratiques et promouvoir la proximitĂ©. Elle met l’accent sur l’intersectorialitĂ© et la territorialisation des politiques publiques et des interventions de l’Etat et des collectivitĂ©s territoriales. Cela est de toute premiĂšre importance pour la rĂ©forme du secteur santĂ©, avec son insistance sur les soins de proximitĂ© et l’importance accordĂ©e Ă  l’action locale sur les dĂ©terminants de la santĂ©. Cette dĂ©centralisation avancĂ©e sera un exercice dĂ©mocratique donnant des compĂ©tences Ă©tendues et mieux articulĂ©es aux rĂ©gions avec une prĂ©Ă©minence de la collectivitĂ© rĂ©gionale en matiĂšre de dĂ©veloppement intĂ©grĂ©. On prĂ©voit, entre autres, un fonds de mise Ă  niveau sociale des rĂ©gions, avec de nouvelles ressources propres du conseil rĂ©gional et des ressources accrues Ă  affecter par l’Etat, proportionnĂ©es aux compĂ©tences transfĂ©rĂ©es. La limitation des contrĂŽles a priori et d’opportunitĂ© et le renforcement des contrĂŽles a posteriori permettront plus de flexibilitĂ© et des opportunitĂ©s d’innovation. La rĂ©gionalisation avancĂ©e renforcera la gĂ©nĂ©ralisation des contrats-programmes basĂ©s sur les rĂ©sultats, particuliĂšrement pertinents pour un systĂšme complexe et pluraliste comme le systĂšme de santĂ© marocain. Du point de vue de la planification sanitaire, le dĂ©coupage proposĂ© par la dĂ©centralisation avancĂ©e sera dĂ©terminant pour la nĂ©gociation de l’extension des rĂ©seaux de soins de proximitĂ© et pour donner de la robustesse et de la continuitĂ© Ă  la carte sanitaire.
  • 32. 31 2Ă©me ConfĂ©rence Nationale sur la SantĂ© 2013 AXE 2 - Vers la couverture universelle : proximitĂ©, qualitĂ©, protection financiĂšre Pour concrĂ©tiser et opĂ©rationnaliser le droit pour tous aux soins de santĂ© inscrit dans la constitution il faut s’engager, progressivement mais rĂ©solument, dans la mise en place de la «couverture universelle». Le Maroc l’a fait par la loi no65-00 de 2002 sur «la couverture mĂ©dicale de base», par la loi cadre 34-09 relative au systĂšme de santĂ© et Ă  l’offre de soins de 2011 et par l’article 31 de la nouvelle Constitution de 2011. Il rejoint ainsi les nombreux pays Ă  travers le monde qui cherchent Ă  garantir un accĂšs aux soins de santĂ© pour leurs populations. En effet, avec plus ou moins de succĂšs, avec plus ou moins de conviction et de volontĂ© politique, la tendance lourde Ă  travers le monde est d’aller vers la couverture universelle. Comme pour tout autre pays, aller vers la couverture universelle pose au Maroc le dĂ©fi de trouver le juste Ă©quilibre entre les efforts Ă  faire pour que : (i) les gens aient oĂč aller : un grand effort est nĂ©cessaire pour Ă©tendre l’offre de soins de proximitĂ©, porte d’entrĂ©e pour accĂ©der aux services dont les gens ont besoin ; (ii) les gens trouvent des rĂ©ponses Ă  leurs attentes et des solutions Ă  leurs problĂšmes lorsqu’ils s’adressent aux services : il y a un grand effort Ă  faire pour amĂ©liorer la qualitĂ© et Ă©largir la gamme des services offerts ; (iii) les gens ne se ruinent pas en se soignant : pour cela il faut pouvoir rĂ©duire drastiquement la part des paiements directs dans les dĂ©penses santĂ© et augmenter celle basĂ©e sur la solidaritĂ©, afin de rĂ©duire les barriĂšres Ă  l’accĂšs et d’éviter les « dĂ©penses catastrophiques»(6). 6- Les dĂ©penses de santĂ© sont dites catastrophiques quand, pour payer les soins, les malades ou leur famille doivent s’acquitter d’une somme disproportionnĂ©e par rapport Ă  leur revenu. Le prix Ă  payer pour se soigner devient alors si important qu’ils doivent rĂ©duire leurs dĂ©penses sur des produits de premiĂšre nĂ©cessitĂ© comme la nourriture et les vĂȘtements ou qu’ils n’ont plus de quoi payer la scolaritĂ© de leurs enfants. Chaque annĂ©e, environ 44 millions de mĂ©nages dans le monde, soit plus de 150 millions de personnes, doivent faire face Ă  de telles dĂ©penses catastrophiques et quelque 20 millions de mĂ©nages - plus de 100 millions de personnes - sombrent dans la pauvretĂ© Ă  cause de ce qu’ils doivent payer pour se soigner. Les dĂ©penses de santĂ© catastrophiques n’affectent pas seulement les populations dĂ©munies, mais Ă©galement les classes moyennes. On estime qu’au Maroc chaque annĂ©e prĂšs de 2% des mĂ©nages doivent faire face Ă  une catastrophe financiĂšre et que prĂšs de 1,4% des mĂ©nages passe en dessous du seuil de pauvretĂ© Ă  cause des dĂ©penses directes pour se soigner.
  • 33. 32 Livre Blanc de la SantĂ© EncadrĂ© 5. La couverture sanitaire universelle Assurer une « couverture sanitaire universelle», la « couverture universelle de santĂ© », ou, pour faire court, la « couverture universelle » cela consiste Ă  veiller Ă  ce que l’ensemble de la population ait accĂšs aux soins prĂ©ventifs, curatifs, palliatifs, de rĂ©adaptation et de promotion de la santĂ© dont elle a besoin, Ă  ce que ces soins soient de qualitĂ© suffisante pour ĂȘtre efficaces, et Ă  faire cela sans que cela n’entraĂźne des difficultĂ©s , voire de catastrophes financiĂšres pour les usagers. Il y a donc trois dimensions liĂ©es entre elles: ‱ un accĂšs Ă©quitable pour l’ensemble de la population – tous ceux qui ont besoin des services de santĂ©, doivent pouvoir y accĂ©der : cela signifie qu’il faut des rĂ©seaux suffisamment denses, avec des personnels prĂ©sents et fonctionnels, et qu’on Ă©limine les barriĂšres Ă  l’accĂšs, notamment financiĂšres ; ‱ la gamme de soins et la qualitĂ© – les soins offerts doivent rĂ©pondre Ă  une gamme de problĂšmes acceptable et suffisamment Ă©tendue, et ils doivent ĂȘtre d’une qualitĂ© qui correspond aux attentes lĂ©gitimes des populations ; suffisante pour amĂ©liorer la santĂ© de ceux qui en bĂ©nĂ©ficient; ‱ la protection financiĂšre – le prix Ă  payer pour se soigner ne peut pas exposer les usagers Ă  des difficultĂ©s financiĂšres. La couverture universelle prend ses racines dans la Constitution de l’OMS, adoptĂ©e en 1948, qui fait de la santĂ© l’un des droits fondamentaux de tout ĂȘtre humain, et dans la StratĂ©gie mondiale de la santĂ© pour tous, lancĂ©e en 1979. Les pays industrialisĂ©s, Ă  l’exception notoire des Etats Unis, ont fait de grands progrĂšs dans la deuxiĂšme partie du XXiĂšme siĂšcle. Ailleurs l’évolution a Ă©tĂ© plus lente, jusqu’au dĂ©but du siĂšcle prĂ©sent, qui a vu une accĂ©lĂ©ration dans des pays Ă©mergents en AmĂ©rique latine, en ThaĂŻlande ou en Chine, et dans des pays en dĂ©veloppement comme au Rwanda. Les Etats Unis, eux aussi, se sont plus rĂ©cemment engagĂ©s dans la voie de la couverture universelle. L’OMS a Ă©tĂ© un moteur de ce mouvement. Le rapport mondial de la santĂ© de 2008 en a fait une des 4 grandes stratĂ©gies de revitalisation des soins de santĂ© primaires, et le rapport de 2010 a dĂ©taillĂ© les implications en termes de financement. Cela a permis que la couverture universelle soit adoptĂ©e par l’ensemble de la communautĂ© internationale comme ce qui donne la direction Ă  la gouvernance globale de la santĂ©
  • 34. 33 2Ă©me ConfĂ©rence Nationale sur la SantĂ© 2013 Tout pays, riche ou pauvre, qui s’engage dans la voie de la couverture universelle doit agir sur ces trois fronts (figure 1): ‱ Ă©tendre l’offre et accĂšs, ‱ amĂ©liorer la qualitĂ© et la gamme de soins, ‱ rĂ©duire les paiements directs et Ă©largir la solidaritĂ©. Ces trois fronts proposent trois chantiers stratĂ©giques de rĂ©forme du secteur de soins, Ă  combiner avec une initiative transversale en faveur de la santĂ© rurale. Il est vrai qu’on ne peut pas toujours tout faire Ă  la fois. Les arbitrages sont inĂ©vitables pour voir, Ă  un moment donnĂ©, ce qu’on peut faire pour Ă©tendre l’offre Ă  la population non couverte, pour Ă©largir la gamme de soins et amĂ©liorer la qualitĂ©, ou pour diminuer les paiements directs. Orchestrer ces arbitrages est au cƓur de la gouvernance du secteur : avec la rĂ©gionalisation avancĂ©e les rĂ©gions y interviendront de plus en plus, avec le dĂ©fi de garder le cap au niveau national et d’assurer la solidaritĂ© inter- rĂ©gionale. Figure 1. Les trois fronts pour Ă©tendre la couverture universelle : il faut Ă  tout moment trouver l’arbitrage appropriĂ© entre les progrĂšs Ă  faire sur ces trois fronts (7) 7- Source : rapport mondial sur la santĂ© 2008
  • 35. 34 Livre Blanc de la SantĂ© Chantier 4. Une politique de proximitĂ© et d’accĂšs Rationnel Une grande partie des insatisfactions des populations et une grande partie des inefficiences du systĂšme (en particulierlacrisehospitaliĂšre),trouvent leur origine dans la dĂ©sorganisation et le dysfonctionnement des soins ambulatoires de proximitĂ©. A l’instar de la plupart des pays riches, ainsi que d’une partie croissante des pays Ă©mergents, cela pose au Maroc le dĂ©fi de rĂ©investir dans les soins de santĂ© primaires, les soins de proximitĂ© (8). Le systĂšme de soins marocain souffre conjointement des trois maux qui affectent la plupart des systĂšmes dans les pays en transition : ‱ L’hospitalocentrisme : aux dĂ©pens du dĂ©veloppement de soins de proximitĂ©; ‱ La fragmentation des soins de santĂ© de base(9) : aux dĂ©pens du dĂ©veloppement d’un modĂšle intĂ©grĂ© de santĂ© familiale pour assurer les soins de santĂ© primaires; ‱ Le dĂ©veloppement anarchique d’un secteur privĂ© mal rĂ©gulĂ© et mal intĂ©grĂ©, couplĂ©e Ă  la nĂ©gligence de la qualitĂ© dans le secteur public : aux dĂ©pens de la protection des usagers. A l’heure actuelle les soins de santĂ© au Maroc sont gĂ©nĂ©ralement perçus comme Ă©tant d’une qualitĂ© insuffisante et rĂ©pondant peu aux attentes des populations. Cela se reflĂšte dans un taux d’utilisation remarquablement bas : Ă  peine 0,6 nouveau cas par personne par an pour les soins de premiĂšre ligne et 5% de taux d’admission dans les hĂŽpitaux publics. Les consĂ©quences de ce dĂ©ficit- qualitĂ© sont graves : pour le pays, un manque de rĂ©sultats et un gaspillage de ressources; pour les populations, un accĂšs inĂ©quitable; pour les usagers, des soins souvent inappropriĂ©s et dans la plupart des cas plus chers que ce qu’ils devraient ĂȘtre. 8- Sous diffĂ©rentes Ă©tiquettes : santĂ© familiale, soins de santĂ© primaires, mĂ©decine gĂ©nĂ©rale, centres de santĂ© intĂ©grĂ©s
 9- Due Ă  une longue tradition de programmes verticaux ruraux, essentiellement dans les services publics, et souvent couronnĂ©s de succĂšs, mais ayant atteint, Ă  l’heure actuelle, un niveau de rendement dĂ©croissant. Il y a une trentaine de programmes spĂ©cialisĂ©s, qui gĂ©nĂšrent des problĂšmes en termes de prestation de services (manque d’intĂ©gration), mais aussi sur le plan de l’inefficacitĂ© et de la gestion des informations nĂ©cessaires pour suivre les progrĂšs rĂ©alisĂ©s au niveau des diffĂ©rents problĂšmes de santĂ©. Clairement le modĂšle focalisĂ© sur une gamme de programmes (qui pour ĂȘtre importante n’en est pas moins limitĂ©e et mal adaptĂ©e Ă  une monde oĂč les maladies chroniques d’une population vieillissante et avec des attentes en croissance) n’est pas une formule d’avenir.
  • 36. 35 2Ă©me ConfĂ©rence Nationale sur la SantĂ© 2013 Les causes sont multiples : une offre de soins inĂ©quitablement rĂ©partie s’ajoute aux attitudes des soignants qui dĂ©couragent l’utilisation et aux barriĂšres financiĂšres qui souvent l’empĂȘchent. Le mĂ©dicament(10) constitue un autre problĂšme majeur: il est trĂšs cher et son systĂšme de distribution n’est pas efficient. Enfin la pĂ©nurie des ressources humaines constitue un vĂ©ritable goulot d’étranglement. Le systĂšme de soins manque cruellement de soignants, et en premier lieu de soignants capables de fournir des soins de proximitĂ© de qualitĂ©. La question des soins de proximitĂ© ne peut ĂȘtre rĂ©solue par des actions isolĂ©es. Elle demande un ensemble d’interventions guidĂ©es par une vision de ce que pourraient ĂȘtre des soins de proximitĂ© viables et satisfaisants dans le contexte marocain. C’est dans la transformation des structures de soins de proximitĂ© – qu’elles soient dirigĂ©es par des infirmiers ou des mĂ©decins – que cette vision doit se concrĂ©tiser. Il faut rĂ©orienter le systĂšme de soins (et les ressources humaines) d’un systĂšme basĂ© sur l’hĂŽpital vers un systĂšme basĂ© sur un rĂ©seau d’unitĂ©s de santĂ© familiale. Que faire ? Etendre l’offre en crĂ©ant des rĂ©seaux de soins de proximitĂ© sur tout le territoire. Un meilleur accĂšs aux soins exige en premier lieu un maillage dense de structures (publiques ou privĂ©es) de soins de proximitĂ©: des soins de santĂ© primaires sous forme d’unitĂ©s de santĂ© familiale avec une responsabilitĂ© claire pour une population dĂ©finie. Cela doit permettre un rapprochement entre l’approche mĂ©dicale et l’approche Ă©conomique dans l’apprĂ©hension des problĂšmes de santĂ© de la population. Il est inĂ©vitable d’insĂ©rer, Ă  terme, Ă  la fois les structures privĂ©es et les structures publiques dans ce maillage sous forme de partenariats et d’arrangements contractuels. L’indispensable renforcement des hĂŽpitaux et des services spĂ©cialisĂ©s de recours, n’aura de succĂšs que s’il peut s’appuyer sur un socle de services de proximitĂ© performants: l’avenir ne sera plus centrĂ© sur les hĂŽpitaux et la mĂ©decine spĂ©cialisĂ©e comme c’est le cas Ă  l’heure actuelle, mais sur les unitĂ©s de santĂ© familiale et les populations qu’elles servent, avec des hĂŽpitaux et des services spĂ©cialisĂ©s de recours performants, organisĂ©s pour venir en appui Ă  ce premier Ă©chelon. 10- 25% des propositions dans la synthĂšse des auditions publiques Intidarate concernent le mĂ©dicament.
  • 37. 36 Livre Blanc de la SantĂ© Investir massivement dans les ressources humaines : dĂ©velopper des rĂ©seaux de proximitĂ© sur tout le territoire se heurte bien Ă©videmment au problĂšme des ressources humaines : le manque d’effectifs, leur inadĂ©quation au travail de proximitĂ©, leur dĂ©ploiement, leur mode de fonctionnement. Quoi qu’il en soit, il faudra travailler d’une autre façon: proximitĂ© et qualitĂ© supposent innovation et travail en Ă©quipe, avec plus d’autonomie, mais Ă©galement plus de responsabilitĂ©. Cela signifie, entre autres, de renforcer l’autonomie des organisations de santĂ© notamment au niveau rĂ©gional et initier des engagements contractuels de rĂ©sultats et des systĂšmes de paiement qui, dans le public ou dans le privĂ©, soient sensibles aux rĂ©sultats produits. Le RAMED peut fournir la base pour dĂ©velopper un niveau primaire de qualitĂ© et fournir une source d’intelligence pour le dĂ©veloppement de l’ensemble du rĂ©seau; il permettrait de tester l’introduction de facteurs de qualitĂ© de soins – efficacitĂ© et suretĂ©-, mais Ă©galement continuitĂ©, intĂ©gration et globalitĂ©. ConcrĂ©tiser une politique de l’innovation technologique et du mĂ©dicament. La diffusion des nouvelles technologies, en particulier vers les structures de proximitĂ©, peut jouer un rĂŽle dĂ©terminant pour opĂ©rer le recentrage du systĂšme de santĂ© marocain. On assiste Ă  l’heure actuelle Ă  l’éclosion d’une nouvelle technologie permettant des prises en charge ambulatoires pour des problĂšmes qui autrefois nĂ©cessitaient des hospitalisations et des infrastructures spĂ©cialisĂ©es. Cela permet, dĂšs Ă  prĂ©sent ou dans un avenir proche, et Ă©galement au Maroc, d’offrir une gamme de services de proximitĂ© inimaginable il y a encore quelques annĂ©es. L’utilisation de nouveaux outils dĂ©jĂ  disponibles, la tĂ©lĂ©mĂ©decine, l’accĂšs Ă©lectronique Ă  l’information, les instruments de communication peuvent, si on s’organise Ă  cet effet, sortir les professionnels des structures de proximitĂ© de leur isolement et les mettre en rĂ©seau avec leurs collĂšgues, des hĂŽpitaux et autres structures d’appui. Mais tout cela n’a que peu de sens si on n’arrive pas en mĂȘme temps Ă  organiser l’accĂšs universel aux mĂ©dicaments essentiels Ă  un prix abordable, tout en assurant leur qualitĂ©, leur efficacitĂ© et leur innocuitĂ©. Le systĂšme de distribution des mĂ©dicaments au Maroc est actuellement dysfonctionnel et inefficient. C’est un secteur qu’il faut revoir dans son ensemble, mais la modernisation de toute la chaine d’approvisionnement (particuliĂšrement en gĂ©nĂ©riques) et de gestion du mĂ©dicament dans le public s’impose de toute urgence, car dans un contexte oĂč on prĂ©voit un accroissement trĂšs important des budgets publics consacrĂ©s au mĂ©dicament il en va de la crĂ©dibilitĂ© des promesses d’extension de l’offre de soins.
  • 38. 37 2Ă©me ConfĂ©rence Nationale sur la SantĂ© 2013 Conditions institutionnelles Ă  mettre en place La territorialisation : dans la mesure oĂč avec la rĂ©gionalisation avancĂ©e, les territoires deviennent des outils et des espaces de dĂ©veloppement, ils peuvent devenir Ă©galement l’unitĂ© de gestion du systĂšme sanitaire et permettre le travail de rĂ©seaux de soins de proximitĂ© avec une autonomie suffisante pour innover, tout en mettant en Ɠuvre les politiques nationales en matiĂšre de santĂ©. Cela pose cependant le dĂ©fi de trouver de nouvelles façons de travailler pour le MinistĂšre de la SantĂ© qui devra s’adapter aux nouvelles donnes de la dĂ©centralisation. UnerĂ©formeprofondedel’organisation des soins telle que le recentrage sur les structures de proximitĂ© sera consommatrice d’informations diffĂ©rentes et intelligentes sur le fonctionnement de l’ensemble du systĂšme de soins, public et privĂ©. Il faut envisager la crĂ©ation d’observatoires des performances en matiĂšre de fourniture de soins (peut- ĂȘtre en commençant en construisant sur l’organisation du RAMED). Chantier 5. RĂ©guler la qualitĂ© des soins et protĂ©ger les utilisateurs Rationnel Il y a de toute Ă©vidence un problĂšme majeur de qualitĂ© des soins dans les Ă©tablissements publics : la gamme de soins y est rĂ©duite; les soins y sont souvent mal organisĂ©s et d’une qualitĂ© technique insuffisante; les Ă©tablissements et Ă©quipements sont mal entretenus ; il y a des problĂšmes de sĂ©curitĂ© et de corruption. De tels services ne sont guĂšre attractifs pour les usagers, et l’intidarate en a tĂ©moignĂ© avec force. Il est comprĂ©hensible que ceux qui en ont les moyens tournent vers le secteur privĂ©, ambulatoire aussi bien qu’hospitalier. Entretemps, la « double pratique », la pratique privĂ©e lucrative par des acteurs qui sont Ă©galement des employĂ©s du secteur public, s’est instaurĂ©e Ă  grande Ă©chelle et a contribuĂ© au dĂ©clin du secteur public. En l’absence d’une rĂ©gulation effective, et en l’absence d’une alternative publique crĂ©dible, cela a menĂ© Ă  une marchandisation ou commercialisation des soins de santĂ©: on n’a le choix qu’entre un rĂ©seau public d’une qualitĂ© insuffisante et un rĂ©seau commercial qui promet de meilleurs soins Ă  ceux qui sont capables de payer. Cela n’est pas sans consĂ©quences nĂ©fastes : les prix pratiquĂ©s dans ce sous-secteur commercial dĂ©couragent un grand nombre de personnes qui pourraient en bĂ©nĂ©ficier et ceux qui ont les moyens de payer se trouvent face Ă  des prestataires qui souvent induisent Ă  la surconsommation sans que soient offertes les garanties de qualitĂ© et d’efficacitĂ© qu’on attend aujourd’hui.
  • 39. 38 Livre Blanc de la SantĂ© Cela est aggravĂ© par l’absence, au Maroc, de mĂ©canismes efficaces de protection des consommateurs ou de gestion des risques liĂ©s Ă  la sĂ©curitĂ© des patients. Il existe de nombreux exemples de pays (de la ThaĂŻlande Ă  la Belgique, de l’Angleterre au Chili) oĂč, grĂące Ă  une bonne rĂ©gulation, des mĂ©decins, des infirmiers et d’autres professionnels de santĂ© opĂšrent comme des entrepreneurs indĂ©pendants privĂ©s, tout en contribuant significativement aux objectifs sanitaires du pays. Il est doncpossibledecombinerdynamisme entrepreneurial et responsabilitĂ©s publiques, mais cela ne se rĂ©alise pas spontanĂ©ment. Le secteur privĂ© ne rĂ©alisera sa contribution potentielle, que si on arrive Ă  rĂ©guler la qualitĂ© et la pertinence des soins fournis. Cela implique qu’il faut s’attaquer, par une rĂ©gulation effective, aux conflits d’intĂ©rĂȘt qui affectent le secteur privĂ© et celui du « double emploi » et aux causes du dĂ©clin de la qualitĂ© des soins dans les Ă©tablissements publics. L’expĂ©rience montre que si on conçoit cette rĂ©gulation comme purement administrative, elle est vouĂ©e Ă  l’échec. Il faut combiner les mesures administratives avec des incitatifs financiers et des mĂ©canismes d’autorĂ©gulation professionnelle, mais surtout avec la pression sociale de la part des utilisateurs,. Ces diffĂ©rentes approches combinĂ©es (oĂč les incitatifs financiers forment une partie nĂ©cessaire et importante, mais pas suffisante) doivent former un tout nĂ©gociĂ© qui pousse la pratique des soins dans la bonne direction. L’objectif est d’obtenir de meilleurs rĂ©sultats tout en protĂ©geant les utilisateurs contre des soins inutiles et iatrogĂšnes et contre l’exploitation financiĂšre. Que faire? Tester diffĂ©rentes formes de contractualisation et de partenariat, avec engagement sur les moyens et les rĂ©sultats, des entitĂ©s publiques et privĂ©es. Cela devrait permettre d’instaurer des modes de paiement qui garantissent des niveaux de qualitĂ© et de protection des utilisateurs, ainsi que l’amĂ©lioration de l’accĂšs dans les zones rurales reculĂ©es. Mettre en place des systĂšmes d’accrĂ©ditation/certification, et surtout de rĂ©-accrĂ©ditation/re-certification(11), pour maintenir et augmenter la qualitĂ© des soins et l’adapter Ă  l’évolution des connaissances et des technologies. 11- Avec des conditions telles que la formation continue.
  • 40. 39 2Ă©me ConfĂ©rence Nationale sur la SantĂ© 2013 Renforcer les organisations de dĂ©fense des consommateurs et des usagers, tout en diffusant largement l’information sur les droits que le public peut faire valoir. Il faut donner plus de voix aux usagers afin que ceux-ci puissent participer Ă  crĂ©er un environnement qui favorise une amĂ©lioration continue de la qualitĂ©. Cela passera Ă©galement Ă  travers la mise en place de systĂšmes efficaces et dĂ©centralisĂ©s de gestion des plaintes qui ont la confiance du public et des professionnels. Organiser la collaboration avec les organismes professionnels et les sociĂ©tĂ©s savantes pour promouvoir une Ă©thique professionnelle et un comportement de la part des soignants qui soient diffĂ©rents et perçus comme diffĂ©rents. Cela devrait mener Ă  des mĂ©canismes, y compris des mĂ©canismes d’autorĂ©gulation, au sein des professions, pour Ă©vincer des comportements incompatibles avec l’intĂ©rĂȘt des populations servies. Introduire un dossier mĂ©dical obligatoire Ă  utiliser dans l’ensemble du secteur(12). Le dossier mĂ©dical est une condition pour avoir des soins de qualitĂ©, pour permettre le travail en Ă©quipe et pour assurer la continuitĂ© de l’information entre le rĂ©seau de proximitĂ© et l’hĂŽpital. Il est fondamental pour la portabilitĂ© entre rĂ©seaux au Maroc, et Ă  l’avenir pour la portabilitĂ© internationale. Introduire de façon proactive les nouvelles technologies permettant une meilleure gestion des relations avec le malade (accĂšs Ă  l’information, rendez-vous, tĂ©lĂ©mĂ©decine pour Ă©viter des dĂ©placements, 
), une meilleure gestion technique des problĂšmes du malade (y compris les notions de coordination et de filiĂšres de soins), et un meilleur accĂšs Ă  l’information. En plus de l’amĂ©lioration de la qualitĂ© des soins que cela apporterait, cela aurait aussi comme effet d’augmenter la satisfaction professionnelle au travail et de sortir les Ă©tablissements Ă©loignĂ©s de leur isolement. Conditions institutionnelles Ă  mettre en place L’amĂ©lioration de la qualitĂ© des soins doit se traduire dans le concret par des millions d’interactions entre les professionnels de santĂ©, les usagers et les communautĂ©s. Ce n’est donc pas possible de l’envisager de façon durable sans une collaboration de tous. D’oĂč la nĂ©cessitĂ© d’impliquer les partenaires sociaux et les reprĂ©sentations professionnelles, non plus seulement dans le constat du dĂ©ficit-qualitĂ©, mais dans la dĂ©finition des politiques et des stratĂ©gies permettant de crĂ©er des conditions de qualitĂ© et de changer le comportement de chaque profession et de chaque professionnel. 12- En ThaĂŻlande, par exemple, un tel dossier est une condition nĂ©cessaire (mais pas suffisante) pour qu’un mĂ©decin privĂ© puisse participer au mĂ©canisme de couverture universelle. En Belgique c’est une condition nĂ©cessaire pour l’homologation en tant que mĂ©decin de famille.
  • 41. 40 Livre Blanc de la SantĂ© Etablir les plateformes de nĂ©gociation avec les diffĂ©rentes parties prenantes (p.ex. avec les organisations de consommateurs) pour Ă©tablir des instruments de mesure de la qualitĂ© ainsi que des mĂ©canismes de contrĂŽle et de mĂ©diation; CrĂ©er au sein de la communautĂ© santĂ© – ministĂšre, facultĂ©s, organismes de protection sociale, instituts de recherche - la capacitĂ© de faire une cartographie du secteur privĂ© de la santĂ© (y compris du double emploi) Ă  travers les 16 rĂ©gions et dĂ©terminer la contribution de ce secteur privĂ© en termes de fourniture de soins ainsi que son impact en termes de coĂ»t et d’effets-qualitĂ© pour le systĂšme de santĂ© national et pour les malades. Donner suffisamment d’autonomie aux rĂ©gions pour qu’ils puissent expĂ©rimenter et dĂ©velopper des modĂšlesderedevabilitĂ©desformations sanitaires (publiques et privĂ©es) qui soient adaptĂ©es aux contextes diffĂ©rents et qui, en combinaison avec les arrangements contractuels, permettent une amĂ©lioration de la qualitĂ© des soins. Chantier 6. RĂ©duire la part des paiements directs pour les soins, Ă©tendre la couverture des mĂ©canismes de solidaritĂ© Rationnel La proportion Ă©levĂ©e des paiements directs dans les dĂ©penses santĂ© du Maroc constitue un des problĂšmes majeurs de son systĂšme de soins. On a vu qu’au cours de la derniĂšre dĂ©cennie le Maroc a plus que triplĂ© ses dĂ©penses pour la santĂ©. Il faut s’en fĂ©liciter, mais force est de constater des distorsions importantes : une proportion anormalement grande de ces dĂ©penses est consacrĂ©e aux seuls mĂ©dicaments (31.7 %) ; et la part des paiements directs dans le total des dĂ©penses de santĂ© reste trĂšs Ă©levĂ©e : 53,6 % en 2010. Ces paiements directs constituent une barriĂšre importante Ă  l’accĂšs et exposent les mĂ©nages Ă  un risque Ă©levĂ© de dĂ©penses catastrophiques et d’appauvrissement. Ils creusent les inĂ©galitĂ©s. Ils contribuent pour une part importante Ă  l’inefficience du systĂšme de santĂ© marocain. RĂ©duire les paiements directs en allant vers des systĂšmes de prĂ©paiement basĂ©s sur la solidaritĂ© est, avec l’extension de l’offre et l’élargissement de la gamme de soins de qualitĂ©, un des trois chantiers importants pour aller vers la couverture universelle. Des initiatives ont Ă©tĂ© prises pour introduire des mĂ©canismes de protection sociale, mais ils ne couvrent qu’une partie de la population et une gamme rĂ©duite de services. Il reste donc beaucoup Ă  faire. D’autres problĂšmes relĂšvent de la façon dont l’Etat alloue ses ressources
  • 42. 41 2Ă©me ConfĂ©rence Nationale sur la SantĂ© 2013 et dont les systĂšmes mutualisĂ©s achĂštent des services. L’Etat produit une part importante des services. Il faut amĂ©liorer l’équitĂ© et l’efficience des mĂ©canismes d’allocation des ressources par le ministĂšre de la SantĂ© aux rĂ©gions, provinces, communes et niveaux de soins. Les modes de rĂ©munĂ©ration des personnels ne comportent que peu d’incitatifs au travail de qualitĂ©, voir Ă  la fidĂ©lisation. Enfin dans les organismes en charge des contributions mutualisĂ©s, la fonction d’achat reste sous- dĂ©veloppĂ©e, avec un ensemble de services non-standardisĂ©s principalement dispensĂ©s dans les Ă©tablissements du secteur public ou, en quelques rares cas, passivement sous-traitĂ©s auprĂšs du secteur privĂ©. Que faire? Etendre la protection financiĂšre aux populations non couvertes. La prioritĂ© semble ĂȘtre d’étendre la couverture du RAMED Ă  l’ensemble de la population Ă©ligible (prĂšs de 8,5 millions de personnes) et aux individus et aux mĂ©nages non Ă©ligibles du secteur informel. Il faudra peut-ĂȘtre envisager des options alternatives pour couvrir les travailleurs dans le secteur informel, non Ă©ligibles au RAMED, en les intĂ©grant dans les rĂ©gimes obligatoires prĂ©existants − de prĂ©fĂ©rence sous les contrĂŽles administratifs de la CNSS et de la CNOPS− Quoi qu’il en soit, l’objectif doit ĂȘtre de couvrir l’ensemble de la population, et, dans un souci de transparence et d’équitĂ©, d’aller vers une convergence des diffĂ©rents rĂ©gimes. RĂ©duire les paiements directs. En parallĂšle avec l’extension de la protection financiĂšre Ă  une part plus grande de la population, il faudra rĂ©duire la part des paiements directs de ceux qui sont couverts, notamment en ce qui concerne les mĂ©dicaments. Cela signifie un financement plus grand par l’Etat ou par d’autres mĂ©canismes de solidaritĂ©, en veillant que ces financements solidaires remplacent des paiements directs et ne viennent pas s’y ajouter. Acheter et payer d’une autre façon. Il faudra inventer des mĂ©canismes d’achats stratĂ©giques et des mĂ©thodes innovantes de paiement des prestataires pour gĂ©rer les dispositifs contractuels entre les prestataires de soins et les diffĂ©rents rĂ©gimes de protectionfinanciĂšre.Commelemontre l’expĂ©rience de nombreux pays, il faudra Ă©voluer vers des systĂšmes de paiement mixtes qui comportent une partie de paiement par capitation, une partie en fonction des prestations fournies, une partie en fonction des cas, etc. Un prĂ©alable Ă  la mise en place de mĂ©thodes de paiement mixtes est une bonne connaissance des structures de coĂ»t, et la mise en place d’accords contractuels, avec une sĂ©paration claire entre les prestataires et les acheteurs.
  • 43. 42 Livre Blanc de la SantĂ© CrĂ©er les conditions de financement pour permettre une rĂ©duction des paiements directs. Il faudra prĂ©voir une augmentation des allocations budgĂ©taires des administrations publiques affectĂ©es Ă  la santĂ© – on a suggĂ©rĂ© de passer de 7,6 % en 2010 Ă  15 % en 2020(13) – Ă  travers un meilleur dialogue politique entre le ministĂšre de la SantĂ© et le ministĂšre des Finances, tout en s’assurant que cette augmentation budgĂ©taire soit employĂ©e pour rĂ©duire les paiements directs. Conditions institutionnelles Ă  mettre en place Institutionnaliser la capacitĂ© d’analyse du financement de la santĂ©. Il faut doter l’ensemble des acteurs de la santĂ© marocaine (le ministĂšre de la SantĂ©, mais Ă©galement les organismes d’assurance maladie, les facultĂ©s, les instituts de recherche, les organisations de la sociĂ©tĂ© civile) de l’expertise capable de procĂ©der aux analyses nĂ©cessaires pour informer les dĂ©cisions dans le champ du financement de la santĂ©. Ceci doit comprendre la rĂ©alisation d’examens pĂ©riodiques des dĂ©penses, des Ă©tudes d’évaluation actuarielles et Ă©conomiques et des Ă©tudes d’évaluation de l’équitĂ©, nĂ©cessaires pour faciliter la progression et le suivi. L’analyse des structures de coĂ»t de production des soins dans les diffĂ©rents types d’établissements, ainsi que celles de l’effet du paiement Ă  l’acte et de ses alternatives sont des prioritĂ©s. Il faudra institutionnaliser la production pĂ©riodique des comptes nationaux de la santĂ© Ă  travers une collaboration avec la direction nationale de la statistique, en la dĂ©liant de financement extĂ©rieurs. Structurer les mĂ©canismes de gestion. Vu son importance grandissante dans le systĂšme, une prioritĂ© est d’aligner la structure de gouvernance et le systĂšme de gestion du RAMED avec l’ensemble des systĂšmes organisationnels de financement de la santĂ© dans le pays, indĂ©pendamment de l’Agence Nationale de l’Assurance Maladie (ANAM), qui continuerait Ă  exercer la fonction de gouvernance en harmonie avec les autres rĂ©gimes obligatoires de protection sociale. L’élargissement de la couverture au secteur informel (environ 10 millions d’individus) constitue un dĂ©fi majeur pour l’avenir du financement de la santĂ© au Maroc. Ceci nĂ©cessite soit la crĂ©ation d’une nouvelle structure institutionnelle, similaire aux institutions qui gĂšrent le rĂ©gime AMO (Assurance maladie obligatoire), soit l’intĂ©gration des employĂ©s du secteur informel au sein des institutions dĂ©jĂ  Ă©tablies, en particulier la Caisse Nationale de SĂ©curitĂ© sociale (CNSS). 13- Pour rappel, l’engagement d’Abuja prĂ©voyait 15% pour 2015.