1. L’ACIDOCÉTOSE DIABÉTIQUE
J. BELKHADIR- Hôpital Ibn Sina
DEGRÉ DE GRAVITÉ :
- l'acidocétose diabétique est l'urgence métabolique la plus fréquente.
- la mortalité est encore élevée, de l'ordre de 5 %.
- la suspicion du diagnostic impose le transfert d’urgence en milieu hospitalier.
MESSAGES IMPORTANTS :
- l'acidocétose est en rapport avec une carence profonde en insuline.
- l’acidocétose est surtout l’apanage du diabétique de type I
- l'acidocétose peut révéler un diabète, particulièrement chez l'enfant et le sujet jeune.
- tout coma chez l'enfant impose un dosage de la glycémie capillaire.
- l'acidocétose peut être prévenue dans la majorité des cas.
- une attention particulière doit être accordée aux médicaments diabétogènes qui peuvent
induire une acidocétose chez le diabétique (corticoïdes par voie générale ou locale, bêta-
mimétiques...).
- les complications métaboliques dans les premières 24 heures du traitement sont
représentées par l'hypokaliémie, l'hypoglycémie et l’insulinorésistance.
MOYENS THÉRAPEUTIQUES :
- matériel pour détermination de la glycémie capillaire au doigt : auto-piqueur, lancettes,
bandelettes (lecture visuelle directe) ou mieux utilisation d’un lecteur glycémique.
- bandelette réactive pour la recherche de glycosurie et de cétonurie.
- matériel de perfusion, sérum physiologique à 9 ‰
- insuline d’action rapide : type Actrapid* (flacon de 40 U/ml).
CONFIRMATION CLINIQUE DU DIAGNOSTIC :
- le plus souvent, il s'agit d'un patient diabétique de type I connu, en général mal équilibré,
qui, par manque d'éducation, a arrêté ou diminué l'insuline devant l'apparition de troubles
digestifs secondaires au déséquilibre du diabète (début de cétose), à une entérocolite...
- d'autres causes peuvent être à l'origine d’une décompensation céto-acidosique, par
augmentation des besoins en insuline : infection, accident thrombo-embolique, grossesse
diabétique mal voire non suivie, traumatisme, état de stress intercurrent, chirurgie,
certains médicaments, affections endocriniennes….
- au stade précoce (cétose) : polyurie, polydipsie, asthénie, amaigrissement, anorexie,
nausées, douleurs abdominales.
- au stade d'acidocétose : d'installation rapide surtout lorsqu'il existe une affection
intercurrente. Déshydratation globale (intra et extracellulaire), hyper ventilation (polypnée
de Kussmaul), troubles digestifs, hypothermie. Les troubles de la conscience sont rares. Ils
peuvent aller d’un état de torpeur à un véritable coma.
- la glycémie capillaire est en règle supérieure à 2,5 g /l (13,75 mmol/I). La glycosurie et la
cétonurie sont élevées (3 à 4 croix).
2. SCHÉMA THÉRAPEUTIQUE :
A DOMICILE :
Mise en place d’une voie veineuse (sérum physiologique) et organiser le transfert en
milieu hospitalier en urgence où sera confirmé le diagnostic biologique et mise en route
l’insulinothérapie.
L’HOSPITALISATION DANS UN SERVICE SPECIALISE OU EN REANIMATION
EST OBLIGATOIRE :
- le traitement repose sur la réhydratation et la correction de l'acidose par
l'insulinothérapie par voie IM ou de préférence par voie IV après la confirmation
biologique du diagnostic.
- apport hydro-électrolytique : les 2 premières heures, apporter 1 à 2 litres (500
ml/m2/h chez l'enfant) de sérum physiologique à 9‰ en fonction de l'état
d'hydratation. Puis diminuer le débit de sérum physiologique en fonction de l'état
d'hydratation (pli cutané, diurèse, pression artérielle, auscultation pulmonaire, urée,
créatinine...).
- on admet que le patient a perdu entre 4 et 6 litres d'eau et que la moitié de cette perte
doit être apportée les 6 premières heures sous forme de sérum physiologique. Le reste
de l'apport hydrique est assuré par du glucosé à 5 % (voire à 10 %, si la glycémie est
inférieure à 2 g/l (11 mmol/I).
- à ce stade, le risque d'hypokaliémie est important (correction de l'acidose;
insulinothérapie) ce qui nécessite l'apport de potassium dans la perfusion : 1000 cc + 4
g NaCI + 3 g KCI toutes les 6 à 8 heures à adapter en fonction de l’ionogramme
sanguin et de l'état d'hydratation. II est également recommandé de perfuser une
ampoule de phosphate dipotassique (à renouveler 2 à 3 heures plus tard) pour lutter
contre l'hypophosphorémie. Cette attitude est controversée mais permet d’apporter du
potassium.
- apport de bicarbonates (125 cc à 14 ‰) : il n'est justifié qu'en cas d'acidocétose
sévère (pH < 7,0).
- insuline : par voie IM à raison de 10 unités/h ou mieux par voie IV à la seringue
électrique : 10 unités/h (0,1 unité/kg/h chez l'enfant jusqu'à la correction de l'acidose
(au moins 6 heures). Le débit est ensuite diminué à 5 unités/h, puis adapté afin de
maintenir la glycémie capillaire autour de 11 mmol/I (2 g/l sans dépasser 14 mmol/I
(2,5 g/I) afin d'éviter une diurèse osmotique et sans jamais arrêter l'insuline (toujours
maintenir au moins 1 unité/h). Lorsqu'il n'y a plus d'acétone dans les urines (en général
après 24 h de traitement) et que le patient peut s'alimenter normalement, le relais par la
voie sous cutanée est réalisé en faisant chevaucher les insulines : injection sous
cutanée avant un repas et arrêt de la seringue électrique 1 à 2 heures après le repas.
- traitement de la cause déclenchante.
- si l'acidose révèle le diabète, expliquer le diagnostic au patient et à l'entourage
familial
et débuter l’éducation diabétique.
3. PREMIERS GESTES PARACLINIQUES :
- l'acidocétose se définit par un pH artériel inférieur à 7,3 et une concentration de
bicarbonates inférieure à 15 mmol/1 dans un contexte de cétonurie et de glycosurie.
- le bilan initial comprend à l'arrivée à l'hôpital : gaz du sang, ionogramme sanguin
(kaliémie, bicarbonate, urée, créatinine, protidémie, glycémie, phosphorémie),
hématocrite, hémocultures, ECBU, radiographie du thorax.
- si les bicarbonates sont inférieurs à 15 mmol/I et/ou le pH est inférieur à 7,3 le patient est
transféré en réanimation ou dans un service spécialisé.
- surveillance:
* ECG + surveillance scopique de la kaliémie,
* horaire : glycémie capillaire,
* toutes les 2-3 heures (les 6 premières heures) puis toutes les 6 heures : diurèse,
glycosurie et cétonurie à la bandelette, ionogramme sanguin avec kaliémie.
CONSEILS PRATIQUES :
- l'hyper leucocytose (15 000 à 20 000/I) est habituelle même en l'absence d'infection.
- l'hypothermie peut masquer une infection à l'origine de la décompensation. Les
prélèvements bactériologiques (hémocultures, ECBU...) sont donc systématiques même en
l'absence d'hyperthermie.
- attention aux formes digestives qui peuvent simuler une urgence chirurgicale.
- la cétonurie doit être associée à une glycosurie, sinon il s'agit d’une cétose de jeûne.
- l'objectif du traitement immédiat est de traiter l'acidose et non de normaliser la glycémie.
- l'insulinothérapie à forte dose doit être maintenue tant que la réserve alcaline est basse tout
en maintenant une glycémie supérieure à 11 mmol/I (2 g/I) (une diminution très rapide de
la glycémie peut être à l'origine d'un oedème cérébral). En conséquence, si la glycémie
devient inférieure à 1,8 g/l (10 mmol/I), ne pas hésiter à perfuser du glucosé à 5 voire à
10%.
- la prescription d’un bilan lipidique (hypertriglycéridémie et hypercholestérolémie) n’est
pas nécessaire à ce stade.
- la prévention de l’acidocétose diabétique repose sur l'éducation du patient et de
l'entourage familial : auto surveillance régulière, recherche d'acétone dans les urines
lorsque la glycémie capillaire est supérieure à 2 g/I.