1. Chronologie de la vie de Jésus
Alors que les biographies des célèbres auteurs grecs Homère et Platon se réduisent
à presque rien, personne ne pense à mettre en doute leur existence, car leurs livres
témoignent pour eux. Les œuvres de la littérature grecque classique (Euripide, Sophocle,
Eschyle, Aristophane, Thucydide, Platon, Démosthène) proviennent de copies qui sont
séparées de plus de 1000 ans avec les originaux. L'auteur latin le plus avantagé est Virgile,
mais l'écart dépasse encore largement 3 siècles avec l'original1. Malgré ces incertitudes, nul
ne remet en question l'historicité de ces auteurs ou l'authenticité de leurs écrits. C'est
pourtant ce qu'on fait avec la biographie de Jésus alors que l'on dispose de textes datés de
la fin du 2e siècle de notre ère (le papyrus P52 étant même daté de 125).
Les revues publient régulièrement les travaux des archéologues sur la vie de Jésus
pour faire le point sur "ce que l'on sait vraiment". On lit, par exemple2: Quand à la date de
l'événement, les indications de Matthieu et de Luc ne concordent pas. Selon le premier, la naissance de Jésus
est située lors du règne du roi Hérode le Grand, mort en 4 avant J.C. (...); selon Luc, elle a lieu lors du
recensement du gouverneur Quirinius, que l'on date en 6 (...) mais Luc fournit un autre repère
chronologique, incompatible avec le précédent : Jean le Baptiste aurait commencé son activité « l'an quinze
du règne de Tibère » (...), et Jésus, venu se faire baptiser au Jourdain, est dit avoir « environ trente ans » au
début de son ministère (...). Cette seconde mention chronologique ferait donc remonter la naissance entre 7 et
4 avant J.C. Avec en prime: Les enquêtes historiques sur la vie de Jésus sont remplies d'anachronismes.
Cette revue explique en fin que leurs auteurs revendiquent une approche laïque. Ces deux
auteurs, Prieur et Mordillat, sont convaincus qu'il ne reste que très peu de certitudes sur
l'enseignement exact du Nazaréen. En somme, ils sont certains de leur doute (ce qui est un
comble pour un esprit critique). Ils professent même une conception paradoxale: Nous ne
demandons pas aux personnes un discours de certitude (...) On pense que les Évangiles disent l'histoire,
mais en fait, ils ne parlent pas de la même histoire, ajoute, cette fois c'est sûr, Mordillat.
Les historiens religieux ont sensiblement la même approche, puisqu'on lit dans une
revue d'histoire3: Même si les erreurs historiques abondent, qu'il n'y a pas d'harmonie dans les deux
récits évangéliques, et que ni Marc ni l'apôtre Paul, les auteurs les plus anciens, ne s'en préoccupent, la
conception et la naissance de Jésus prennent place dans l'Histoire (...) En préalable il faut souligner que
1 L. VAGANAY, C.B. AMPHOUX - Initiation à la critique textuelle du Nouveau Testament
Paris 1986 Éd. Cerf pp. 18,19.
2 G. GOLLIAU – Jésus. Les véritables textes fondateurs. Ce que l'on sait vraiment. Les dernières découvertes archéologiques
in: Le Point hors-série N° 1 décembre 2008-janvier 2009 pp. 26-27, 64, 106-107.
3 L. CRETE, S.C. MIMOUNI – Jésus cet inconnu. Biographie non autorisée
in: Historia thématique N° 110 Novembre-Décembre 2007 pp. 18.
2. 2 APPROCHE SCIENTIFIQUE D'UNE CHRONOLOGIE ABSOLUE
cette conception mythologique du monde, bien éloignée de notre esprit rationnel et scientifique, correspond à
celle de l'homme du monde antique (...) La logique voudrait que la naissance de Jésus ait eu lieu à
Nazareth quatre ans au moins avant la date fixée par l'Église, puisque les évangélistes nous disent qu'il est
né au temps du roi Hérode le Grand qui régna à Jérusalem de 37 à 4 avant notre ère. À cette première
erreur chronologique s'en ajoute une autre: Luc fait coïncider sa naissance avec un vaste recensement de
l'Empire que l'empereur Auguste aurait fait faire lorsque Quirinius était gouverneur de Syrie. Or
Quirinius ne devient gouverneur de Syrie qu'en l'an 6 de notre ère. À croire cette théologienne, qui
est aussi historienne, "l'homme du monde antique" devait vraiment être crédule puisqu'il
acceptait de telles contradictions, que même les plus savants de l'époque, parmi les
adversaires des chrétiens, ont été incapables de voir. La date de la mort de Jésus est tout
aussi embrouillée, malgré les nombreuses précisions du texte biblique. Mimouni4 explique:
Controverse sur la date de sa mort. Deux renseignements fournis par les sources chrétiennes servent de point
de départ incontesté quand il s'agit de fixer la date de la mort de Jésus: son exécution a lieu alors que Pilate
est « procurateur » de Judée, or ce dernier a eu cette charge de 26 à 36 de notre ère; sa disparition survient
un vendredi –l'Évangile selon Marc et l'Évangile selon Jean s'accordent sur ce point (...) La chronologie
selon les Évangiles synoptiques s'établit donc ainsi: le jeudi 14 nisan –jour de la préparation de la fête,
Jésus célèbre le repas pascal; le vendredi 15 nisan –premier jour de la fête , mort de Jésus (...) La
chronologie d'après l'Évangile selon Jean s'établit donc ainsi: le vendredi 14 nisan –jour de préparation de
la fête, mort de Jésus; le samedi 15 nisan – premier jour de la fête (...) Le témoignage du Talmud de
Babylone (Sanhédrin 43a), conforte la chronologie de l'Évangile selon Jean puisqu'il y est rapporté que
Jésus a été pendu au bois la veille de Pâque. Étonnante analyse, car comment Jésus peut-il mourir
la veille de Pâque et aussi le lendemain, le jour de Pâque! Un esprit un peu rationnel ne peut
accepter une telle contradiction. Porphyre5, philosophe néoplatonicien du 3e siècle, écrivait
d'ailleurs concernant la mort de Jésus: Chacun [des Évangélistes] a rédigé un récit de la Passion non
pas en accord, mais en totale contradiction avec les autres (...) De ce récit usé et discordant on peut tirer la
conclusion qu'il y eut non pas un, mais plusieurs suppliciés (...) ou bien un seul qui met du temps à mourir
et ne donne pas à l'assistance une [image] claire de sa passion. Est-ce exact, ou ne s'agit-il pas plutôt,
comme le dit le texte biblique6, de propos volontairement déformés?
Malgré les incertitudes de plusieurs siècles, les archéologues ont pourtant confiance
dans leurs chronologies; mais quand la chronologie biblique est en décalage de quelques
années avec la leur, ils affirment de façon dogmatique qu'il y a anachronisme. La biographie
4 L. CRETE, S.C. MIMOUNI – Jésus cet inconnu. Biographie non autorisée
in: Historia thématique N° 110 Novembre-Décembre 2007 pp. 69.
5 G. GOLLIAU – Jésus. Les véritables textes fondateurs. Ce que l'on sait vraiment. Les dernières découvertes archéologiques
in: Le Point hors-série N° 1 décembre 2008-janvier 2009 p. 13.
6 2Pierre 3:16.
3. CHRONOLOGIE DE LA VIE DE JESUS 3
de Jésus est symptomatique de cette critique, certains extrémistes allant même jusqu'à nier
son existence (alors que les adversaires juifs de Jésus n'en doutaient pas!). Jésus, par
exemple, serait né autour de -2 (selon le texte biblique) juste avant la mort d'Hérode le
Grand en -4 et pendant le recensement de Quirinius en 6/7. Il est évident qu'avec de telles
remarques, la date présumée de la naissance de Jésus devient impossible, car on aurait
l'équation absurde: -2 = -4 = 6! Cette invraisemblance remet en question l'historicité de
cette naissance et finalement celle du personnage lui-même. La biographie de Jésus aurait-t-
elle été maquillée et pour fabriquer le mythe fondateur du christianisme?
Il faut cependant savoir que ces interprétations chronologiques, que beaucoup de
spécialistes colportent par paresse (parfois par malveillance), sont facilement réfutables. Si
on s'en donne la peine, on peut vérifier (voir les biographies d'Hérode et de Qurinius) que
Jésus est né vers la fin de septembre -2, quelques mois avant la mort d'Hérode le Grand, le
26 janvier -1, et durant la fin de la première légation de Quirinius en Syrie, de -3 à -2, soit
plusieurs années avant la seconde en Judée de 6 à 10.
En fait, les critiques sur la biographie de Jésus sont apparues très tôt et se sont
surtout focalisées sur sa filiation particulière. Celse prétendra, par exemple, que Jésus n'était
pas né de l'Esprit saint, mais plus rationnellement d'une relation adultérine de Marie avec
un soldat nommé Panthère7. Aujourd'hui les critiques se veulent plus subtiles et affirment
que les deux généalogies de Jésus, celle de Matthieu et celle de Luc, se contredisent. Ces
critiques sont peu sérieuses8, car Jésus s'est présenté à plusieurs reprises comme "fils de
David9". Or si cette prétention messianique était sans fondement, il n'aurait jamais été pris
au sérieux, ni par le Sanhédrin, ni par les premiers chrétiens d'origine juive qui pouvaient
facilement vérifier la véracité de cette filiation dans les archives du Temple (avant sa
destruction en 70). La filiation de Jésus est clairement expliquée dans le texte biblique: il est
décrit comme étant le fils de Dieu, fils naturel de Marie et fils légal de Joseph son père
adoptif (le texte de Luc 3:23 précise que Jésus n'était pas vraiment le fils de Joseph mais
seulement: "à ce qu'on croyait"). Les femmes n'apparaissant jamais directement dans les
filiations bibliques, la généalogie naturelle donnée par Luc "Jésus, fils [de Marie, fille] de
Héli, fils de Matthat" a été présentée sous la forme conventionnelle impliquant de rattacher
Jésus à Héli. De plus, les généalogies de Matthieu et de Luc sont simplifiées10, comme on
peut le constater en les comparant à celle du livre des Chroniques (Bible de Jérusalem):
7 Dès la fin du 1er siècle le Talmud de Jérusalem (Shabbat 14d; Aboda Zara 40d) mentionne le Yeshu chrétien comme fils de Pandéra.
8 Au 1er siècle certains chrétiens voulaient établir des généalogies complètes, travail qui ne peut être que sans fin (1Timothée 1:4).
9 Matthieu 9:27, 15:22, 20:30,31; Luc 20:41.
10 Elles ne mentionnent pas tous les fils, ni les frères, ni les épouses provenant d'un mariage léviratique, ni les remariages (dans certains
apocryphes le père de Marie est appelé Joiachim [=Eliachim?].
4. 4 APPROCHE SCIENTIFIQUE D'UNE CHRONOLOGIE ABSOLUE
Mathieu 1:11-12 1Chroniques 3:15-19
Josias engendra [Joaiqim Fils de Josias l'aîné, Joaiqim le deuxième (...)
Joaiqim engendra] Jéchonias et ses frères. Fils de Joiaqim: Jékonias son fils, Sédécias son fils.
Après la déportation à Babylone
Jéchonias engendra Salathiel [et Pedaya] Fils de Jékonias le captif: Shéaltiel, puis Malkiram, Pedaya,
Salathiel [par Pedaya] engendra Zorobabel Fils de Pedaya, Zorobabel et Shimeï
Zorobabel engendra Abioud Fils de Zorobabel: Meshullam et Hananya
Mathieu 1:15,16 Luc 3:23,24
(filiation légale par le père selon Matthieu1:1). (filiation naturelle par la mère selon Luc 1:35).
Élioud engendra Éléazar; Jésus était, à ce qu'on croyait, fils de Joseph
Éléazar engendra Matthan; [l'époux de Marie et donc], fils de Héli,
Matthan engendra Jacob; fils de Matthat,
Jacob engendra Joseph, l'époux de Marie fils de Lévi,
de laquelle naquit Jésus fils de Melchi
Les critiques de Celse et de ses pairs ont tellement été bien intégrées dans la pensée
actuelle qu'on les retrouve maintenant presque à l'identique dans la préface de la Bible
officielle du catholicisme: A ces traditions qui étaient le patrimoine vivant d'un peuple, qui lui donnait
le sentiment de son unité et qui soutenaient sa foi, il serait absurde de demander la rigueur que mettrait un
historien moderne, mais il serait également illégitime de leur dénier toute vérité parce que cette rigueur leur
fait défaut. Les onze premiers chapitres de la Genèse sont à considérer à part. Ils décrivent de façon
populaire, l'origine du genre humain; ils énoncent en style imagé, qui convenait bien à la mentalité d'un
peuple peu cultivé (...) Mais ces vérités, qui touchent au dogme sont certaines, elles impliquent des faits qui
sont réels, bien que nous ne puissions pas en préciser les contours sous le vêtement mythique qui leur a été
donné, conformément à la mentalité du temps et du milieu (...) Pour la date de l'Exode, nous ne pouvons
pas nous fier aux indications chronologiques de 1 R 6:1 et Jg 11:26, qui sont secondaires et proviennent de
computs artificiels11. Les auteurs n'hésitent pas à conclure: Assurément ni les apôtres ni les autres
prédicateurs et narrateurs évangéliques n'ont cherché à faire de l'« histoire », au sens technique de ce mot;
leur propos était moins profane et plus théologique. On le voit, la biographie de Jésus est présentée
comme contradictoire, alors que ceux qui la critiquent ne s'appuient sur aucune date
absolue (seule démarche scientifique). Les biographies d'Hérode le Grand, de Quirinius et
de Varus étant imbriquées avec celle de Jésus, elles ont été examinées de la même façon en
étant ancrées par des dates absolues (voir les dossiers).
Le présent dossier examinera principalement les trois dates importantes de la vie de
Jésus: celle de sa naissance, celle de son baptême et celle de sa mort. La chronologie de son
ministère et de son procès sera également étudiée, car certains points sont contestés.
11Bible de Jérusalem
Paris 1986 Éd. Cerf pp. 27, 1410.
5. Date de la naissance de Jésus
En 532, sur une proposition du moine scythe Denis le Petit, l'Église décida de
compter les années à partir du 1er janvier qui suivit la naissance de Jésus, datée par lui du 25
décembre de l'an 753 de Rome (soit le 25 décembre -1). Le calendrier julien commença au
samedi 1er janvier, ce 1er jour de l'an 754 devenant le 1er jour de l'ère chrétienne. Cette
définition n'a été remise en cause qu'à partir du milieu du 19e siècle. En se fondant sur la
coïncidence de l'éclipse de lune du 13 mars -4, juste après le jeûne d'Esther du 12 mars,
l'académicien Wallon1 avait conclu que les 37 ans de règne d'Hérode, ayant débuté en -40,
s'étaient achevés en -4 , et par conséquent que la naissance de Jésus devait être fixée au 25
décembre -7. Cette datation a été établie sans aucune rigueur scientifique (voir la biographie
d'Hérode le Grand). En effet, la date du 25 décembre traditionnellement associée à la
naissance de Jésus est sans fondement historique (ni biblique), et proposer de faire naître
Jésus en -7 c'est ignorer le témoignage des historiens des six premiers siècles qui situent
tous, sans exception, cette naissance en -2.
La date du 25 décembre est mentionnée pour la première fois en 204 par Hippolyte
de Rome2. Cette date marquait le solstice d'hiver (pour les Romains) et le début de
l'allongement des jours. Elle fut choisie pour symboliser "la naissance du soleil invaincu",
associée à "Jésus ressuscité" selon Justin3. La preuve la plus évidente que Jésus n'est pas né
à cette date est que, selon Luc4, les bergers étaient dans les champs avec leurs troupeaux
cette nuit-là. La saison des pluies commençant en automne, le soir les troupeaux étaient mis
à l'abri. Kislev, 9e mois du calendrier juif, était froid et pluvieux5 en Israël, et Tébeth
(décembre/janvier) enregistrait les températures les plus basses de l'année, les hauteurs se
recouvrant parfois de neige. La présence de bergers dans les champs s'accorde, par contre,
avec une naissance datée en Tishri, à la fin de l'été (en septembre).
Les témoignages des historiens des six premiers siècles sont unanimes pour dater la
naissance de Jésus autour de -2:
Vers 148-152, Justin écrit que cette naissance eut lieu 150 ans auparavant sous le
procurateur Quirinius (Apologie I:46:1).
Vers 170-180, Irénée de Lyon la situe dans la 41e année du règne d'Octave (Contre les
1 H. WALLON – Mémoire sur les années de Jésus-Christ
Paris 1858 Ed. Comptes Rendus Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
2 Commentaire sur Daniel IV:23.
3 Apologie I:67:8.
4 Luc 2:8-12.
5 Jérémie 36:22; Esdras 10:9,13.
6. 6 APPROCHE SCIENTIFIQUE D'UNE CHRONOLOGIE ABSOLUE
hérésies III:21:3), qui débute vers octobre -43 (il est devenu Auguste en janvier -27)6.
Vers 194, Clément d'Alexandrie la situe 194 ans avant la mort de Commode [en 192]
(Stromates I:21:145).
Vers 204, Hippolyte de Rome date la naissance de Jésus au 25 décembre dans la 42e
année du règne d'Auguste, et sa mort lorsqu'il était dans sa 33e année, soit au 25 mars
de la 18e année de Tibère César (Commentaire sur Daniel IV:23).
Vers 207, Tertullien la situe dans la 41e année du règne d'Auguste et 28 ans après la
mort de Cléopâtre [en -30] (Contre les Juifs VIII:11:75).
Vers 231, Origène la situe dans la 41e année du règne d'Auguste et 15 ans avant sa mort
(Homélies sur Luc 3:1).
Vers 325, Eusèbe la situe dans la 42e année du règne d'Auguste et 28 ans après la mort
de Cléopâtre [en -30] (Histoire ecclésiastique I:5:2).
Vers 357, Épiphane la situe l'année où Auguste XIII et Silvanus furent consuls
(Panarion LI:22:3).
Vers 418, Paul Orose la situe en l'an 752 de la fondation de Rome (Histoires contre les
païens VI:22,1).
Si les rédacteurs chrétiens, qui étaient au centre de violentes polémiques, avaient été
d'aussi piètres historiens, comme certains le prétendent, comment expliquer que leurs
adversaires ne les aient pas épinglés pour une "erreur" aussi facile à détecter à cette époque?
En effet, les chrétiens affirmaient que Jésus était né lors d'un recensement général; or, au
début de notre ère, ceux-ci étaient effectués tous les 5 ans dans le monde romain.
On lit: Or, en ces jours-là, un décret parut de la part de César Auguste pour que toute la terre se
fasse enregistrer (Luc 2:1) ce qui place donc la naissance de Jésus lors d'un recensement
décrété par Auguste7. Luc fait donc bien référence à un enregistrement ou inventaire pour
connaître, entre autres: le nombre des citoyens et des alliés sous les armes (selon l'expression du
Breviarium) et non à un édit impérial de recensement pour préparer l'impôt. Peut-on fixer la
date de cet inventaire général? L'éloge publié en 14 de notre ère8, appelé Res Gestae Divi
Augusti, contient des indications corroborant la date de -2 pour cet inventaire. Il mentionne
trois recensements généraux9 de citoyens romains qui eurent lieu respectivement en -28, -8
et 14 d'après les années consulaires indiquées. Mais ces trois cens, qui se terminent par une
lustration, sont différents des nombreux recensements provinciaux. L'apologiste latin
6 Les auteurs anciens comptent le règne d'Auguste non à partir de janvier -27, mais à partir d'octobre -43 lorsque Octave, le futur
Auguste, forma le second triumvirat. La 42e année d'Auguste débute (à la fin de sa 41e année) donc en octobre -2.
7 Le recensement étant décrété par l'empereur, il ne concernait légalement que les provinces impériales et non les sénatoriales.
8 Selon Suétone (Auguste 28:1) et Dion Cassius (Histoire romaine LIII:30:2), Auguste avait déjà préparé une ébauche du Breviarium en -23.
9 Res Gestae 8. La lustration est un rite de purification exécuté à chaque lustre (= 5 ans) pour s'affranchir des influences maléfiques.
7. DATE DE LA NAISSANCE DE JESUS 7
Tertullien cite10 (vers 200) le cens général des citoyens romains de -8 (qui ne concernait
donc pas Joseph qui était juif) effectué par Sentius Saturninus en Judée, le confondant à
l'évidence avec l'inventaire de -2. Justin11, 50 ans plus tôt, renvoyait cependant aux archives
romaines pour attester le cens de Quirinius12. Les census généraux étaient quinquennaux
(tous les lustres) et tous ceux rapportés par Dion Cassius confirment cette périodicité13:
An Cens Commentaires Référence
-30
-29
-28 Cens avec lustration mentionné dans le Res Gestae Res Gestae §8
-27
-26
-25
-24
-23 Cens reporté à -22 en raison de la grave maladie d'Auguste Dion Cassius LIV:2
-22
-21 (effectué par Paulus Aemilius Lepidus et L. Munatius Plancus)
-20
-19
-18 Cens reporté car Auguste a refusé d'être censeur. Dion Cassius LIV:10
-17
-16
-15
-14
-13 Ce cens dura de -13 jusqu'à -11. Dion Cassius LIV:25-30
-12
-11
-10
-9
-8 Cens avec lustration mentionné dans le Res Gestae Res Gestae §8
-7
-6
-5
-4
-3 Inventaire du monde
-2
-1
Cens (enregistrement) mentionné par Luc (donation de grains) Luc 2:1; (Res Gestae §15)
1
2
3
4 Cens limité à l'Italie. Dion Cassius LV:13
5
6
7 Recensement de Quirinius en Judée mentionné par Flavius Josèphe Antiquités juives XVIII:1-4
8
9 Cens suspendu en raison du désastre de Varus Dion Cassius LVI:18
10
11
12
13
14 Cens avec lustration mentionné dans le Res Gestae Res Gestae §8
15
Ces recensements sont attestés par l'historien romain Dion Cassius14, à l'exception
de celui de -3/-2, car la partie de son histoire couvrant la période de -6 à 4 a
malheureusement été perdue. Ce schéma chronologique implique un cens en -3/-2. C'est
cette période qui est précisément celle mentionnée par Luc pour un recensement ordonné
par Auguste. L'aspect général du cens est confirmé par une remarque de Dion Cassius qui
nous apprend qu'Auguste, lors du cens en -11, fit lui-même la déclaration de tout ce qui lui
10 Contre Marcion IV:19:10.
11 Apologie I:34:2.
12 Cette vérification était en fait théorique, car le simple citoyen n'était pas habilité à consulter les archives. De plus, le temple des
Nymphes, qui était le centre de ces archives, fut incendié à plusieurs reprises. Selon Cicéron, Clodius incendia le temple des Nymphes
pour effacer la trace officielle du "recensement" inscrite sur les registres publics (Pro Milone, 73).
13 C. NICOLET - L'inventaire du monde
Paris 1988 Éd. Fayard pp. 133-157.
14 Histoire romaine LIV:2-LVI:18.
8. 8 APPROCHE SCIENTIFIQUE D'UNE CHRONOLOGIE ABSOLUE
appartenait comme s'il n'était qu'un simple citoyen15. Le recensement de Luc en -2 est donc
en accord avec l'histoire romaine16. Par contre, celui décrit [en 6/7] par Flavius Josèphe ne
cadre pas avec ce schéma chronologique. Puisque le cens d'Apamée par Quirinius concerna
les personnes et fut effectué en Syrie, alors que celui décrit par Flavius Josèphe fut un
recensement de biens (pour liquider les possessions d'Archélaüs) effectué en Judée, ils n'ont
aucun point commun, ni dans leur but, ni par la région couverte. Le cens d'Apamée doit
donc être rapproché avec celui de Luc.
Deux éléments du Res Gestae accréditent indirectement un inventaire en -2. Comme
l'indique Nicolet17, si Auguste peut se vanter lors de son treizième consulat [en -2] d'avoir
donné (des donativa à Rome) 60 deniers à 200 000 personnes18, c'est que ces personnes
avaient été recensées, sinon comment Auguste aurait-il pu en prévoir le nombre? Suétone19
écrit: Il fit le [recensement partiel de la population urbaine] rue par rue, et pour que la plèbe ne soit pas
détournée de son travail trop fréquemment, il projeta de faire délivrer trois fois par an des tessères valables
pour quatre mois. Auguste se vante aussi d'avoir donné six cents millions de sesterces aux
soldats d'Italie et deux cent soixante millions aux soldats des provinces20. L'argent donné
aux soldats lors des consulats de Lucius Caninius et Quintus Fabricius coïncide avec
l'inventaire de -2. L'historien Paul Orose (en 417) place d'ailleurs le recensement
d'Auguste21 en l'an 752 de Rome, soit en -2, juste avant le départ Caius César vers l'Orient,
en -1. Ce recensement a-t-il concerné les provinces, et plus particulièrement la province de
Syrie? L'analyse complète et détaillée d'une inscription trouvée à Venise confirme trois
points du récit de Luc (voir la biographie de Quirinius): 1) il y eut bien un recensement
dans la province de Syrie, 2) le gouverneur de l'époque était bien Quirinius, et 3) ces
événements datent bien d'avant la mort d'Hérode.
La naissance de Jésus tombe donc en -2, or Clément d'Alexandrie la place 194 ans
avant la mort de Commode (le 31 décembre 192) et Tertullien la situe dans la 41e année du
règne d'Auguste (qui débutait au second triumvirat de fin octobre -43, officialisé quelques
semaines plus tard22 par la loi lex Titia, le 27 novembre -43) et 28 ans après la mort de
Cléopâtre (le 29 août -30)23. En recoupant ces informations, la naissance de Jésus doit être
15 Histoire romaine LIV:35.
16 T. CORBISHLEY - Quirinius and the Census : a Re-study of the Evidence
in: Klio 29 (1936) pp. 90-92.
17 C. NICOLET - L'inventaire du monde
Paris 1988 Éd. Fayard pp. 144,278 n.28.
18 Res Gestae 15.
19 Auguste XL:3.
20 Res Gestae 16.
21 Histoires contre les païens VI:22,1; VII:3,4.
22 APPIEN - Guerres civiles IV:5-7.
23 G. GOYAU – Chronologie de l'Empire romain
Paris 2007 Éd. Errance p. 7.
9. DATE DE LA NAISSANCE DE JESUS 9
fixée en -2 dans une période comprise entre le 1er septembre et le 30 octobre. Cette
datation est en accord avec le texte de Luc24, qui précise que Jean le Baptiseur commença à
prêcher et baptisa Jésus (présenté comme Messie) à l'âge de 30 ans environ, dans la 15e
année du règne de Tibère César.
Bien que les empereurs n'étaient pas rois [officiellement], les historiens de l'époque
parlaient cependant de leurs années de règne25, comme le fait l'évangéliste Luc. Dion
Cassius26 a daté exactement le règne de Tibère, indiquant qu'il dirigea l'empire 22 ans 7
mois et 7 jours, ce qui place le début de son règne à partir de la mort d'Auguste, le 19 août
14, et non au moment de son investiture par le Sénat romain le 15 (ou 17) septembre 14.
Tacite27 confirme aussi que Tibère devint le maître de l'empire à la mort d'Auguste. Josèphe
(selon son comput, Auguste commença à régner après la mort de César en -44)28 connaît
cette datation du règne des empereurs. La 1ère année de Tibère court donc du 19 août 14 au
18 août 15. Cette façon de décompter les années est usuelle à l'époque. Tacite29, par
exemple, met en parallèle la 9e année de Tibère (du 19 août 22 au 19 août 23) avec les
consulats de C. Asinius et C. Antistius, qui sont datés du 1er janvier 23 au 31 décembre 23.
Suétone30, après avoir daté la mort de Tibère le 16 mars 37, ajoute qu'il était alors dans sa
23e année de règne (du 19 août 36 au 18 août 37). Suétone31 précise encore que Claude est
né le 1er août sous les consulats de Julius Antonius et de Fabius Africanus (en -10), qu'il
devint empereur lors de sa 50e année (du 1er août 40 au 31 juillet 41) et qu'il est mort le 12
octobre 54 dans sa 64e année (du 1er août 54 au 31 juillet 55), l'an 14 de son règne (du 24
janvier 54 au 23 janvier 55). Pour les contemporains de Luc, la 15e année de Tibère courait
donc du 19 août 28 au 18 août 29. Selon ce comput, le baptême de Jésus, six mois après le
début de la prédication de Jean le Baptiseur32, est donc à situer entre le 19 février 29 et le 18
août 29. Par déduction, si Jésus avait 30 ans lors de cet événement, sa naissance devait
remonter à une période comprise entre le 19 février -2 et le 18 août -2. Comme Luc indique
que Jésus avait "environ 30 ans", le mot "environ", traduction du mot grec ("comme
si"), a fait couler beaucoup d'encre. Doit-on en conclure que la valeur du "environ 30 ans"
est de l'ordre de "30 ans +/- 10%" en fonction des normes modernes de précision, soit
entre 27 et 33 ans? La réponse ne peut venir que du contexte et des normes de l'époque.
24 Luc 3:1-3,21-23.
25 J. FINEGAN - Handbook of Biblical Chronology
Massachussetts 1999 Ed. Hendrickson pp. 340,341.
26 Histoire romaine LVIII:27.1-28.5.
27 Annales I:5.1.
28 Guerre des Juifs II:168.
29 Annales IV:1:1.
30 Tibère 73:2.
31 Claude 2:1; 10:1; 45:2.
32 Luc 1:36.
10. 10 APPROCHE SCIENTIFIQUE D'UNE CHRONOLOGIE ABSOLUE
Lorsque les auteurs classiques, comme Xénophon33, utilisent cette expression très
particulière "il avait comme 30 ans" ( ), les traducteurs la rendent habituellement
par "il avait une trentaine". L'imprécision était habituellement comprise comme "à l'unité
près34". Quand il s'agit d'années, le terme "environ" est toujours compris dans le sens d'un
nombre d'année dont le nombre de mois peut être ignoré. Il n'y a pas d'exception dans le
texte biblique, ce qui permet de lire "environ 30 ans" comme "30 ans à plus ou moins 6
mois". Cet intervalle de plus ou moins 6 mois, soit 12 mois au maximum, peut s'expliquer
par les deux types de décompte du temps qu'on trouve dans la Bible: après l'Exode apparaît
un comput religieux qui débute les années à Nisan35 (mars/avril) et un comput profane
(agricole), décalé de 6 mois, qui les compte à partir de Tishri (septembre/octobre). De plus,
le calendrier séleucide en Syrie était décalé de 6 mois par rapport à celui de Babylonie.
Ainsi, l'expression environ 100 ans36 renvoie en fait aux 100 ans du livre de la Genèse37.
Un détail du livre de Luc permet de fixer la date de cette naissance. Il précise en
effet qu'elle fut postérieure de 6 mois à celle de Jean le Baptiseur38, dont la conception avait
été annoncée au Temple 9 mois plus tôt. Cette annonce peut être datée vers juin, car c'est la
classe d'Abbiya, à laquelle appartenait Zacharie, père de Jean le Baptiseur, qui officiait à
cette période de l'année39. Le nom et l'ordre des classes de prêtres sont très anciens40. Selon
Josèphe41, chaque classe officiait une semaine entière de sabbat à sabbat42, et la Mishna
(Sukka 4:7) précise que durant les grandes fêtes annuelles les 24 classes servaient ensemble,
ce qui synchronisait les deux cycles de 24 semaines, le premier commençant en Nisan et le
second en Tishri. Des manuscrits trouvés à Qumrân (4Q321) confirment l'ordre saisonnier
de ce calendrier43 puisqu'on lit: [Pre]mière [année:] le [premi]er mo[is] commence durant le service de
[Gamoul. Le tro]isième jour du service de Maa[ziahou], c'est la [Pâque. Le balancement de l'Omer tombe
pendant le service de Yedaia. Le deuxième mois commence durant le service de Yedaia. La seconde fête de
Pâque tombe durant le service de] Seorim. [Le troisième mois commence durant le service de Hakkoç.] La
fête des Semaine[s] tombe pendant le service de Yechoua. [Le qua]t[rième mois commence durant le service
de El]yachib. Le cinquième mois commence durant le service de [Bilgah. Le sixième mois commence
pendant le service de Ezé]chiel. Le sept[ième mois commence durant le service de Maaziahou.] Le jour du
33 Anabase II:6:20.
34 "environ 5 ou 6 kilomètres" Jean 6:19.
35 Exode 12:2.
36 Romains 4:19.
37 Genèse 17:17.
38 Luc 1:26.
39 Luc 1:5-13.
40 1Chroniques 24:7-18.
41 Antiquités juives VII:365, 366.
42 1Chroniques 9:25; 2Chroniques 23:8.
43 M. WISE, M. ABEGG, E. COOK – Les manuscrits de la mer Morte
Paris 2001 Éd. Plon pp. 388-398.
11. DATE DE LA NAISSANCE DE JESUS 11
Souvenir tombe pendant le service de Maaziahou. Le jour de l'Expiation tombe pendant le service de
Yeoiarib. La fête des Cabanes tombe pendant le service de Yedaia. Le huitième mois commence [pendant le
service de Seorim.] Le neuvième mois commence pendant le service de Yechoua. Le dixième mois commence
pendant le service de Houppa. Le onzième mois commence durant le service de Hezir. Le douzième mois
commence pendant le service de Gamoul. Le roulement des classes de prêtres était cyclique sur
l'année, ainsi la ville de Jérusalem fut prise vers le 15 Tishri de l'an 7044, mois où aurait dû
officier la classe de Yehoyarib45. Le cycle des 24 classes, qui durait 24 semaines, coïncidait
avec l'année lunaire, car le 1er cycle débutait après la Pâque (du 14 au 21 Nisan) et durait 24
semaines, et le 2e cycle débutait après la fête des Cabanes (du 10 au 21 Tishri). Or, une
période de 6 mois lunaire dure 177 jours (= 6x29,5), soit approximativement46 25 semaines
(25x7 = 175 jours). Liste synchronisée des classes de prêtres:
Classe de prêtres Mois Classe de prêtres Mois
Fête de Pâque [1] Nisan Fête des Huttes [7] Tishri
Toutes les classes mars/ avril Toutes les classes septembre/ octobre
1 Yehoyarib 1 Yehoyarib
2 Yedaya 2 Yedaya
3 Harim [2] Iyyar 3 Harim [8] Heshwan
4 Séorim avril/ mai 4 Séorim octobre/ novembre
5 Malkiyya 5 Malkiyya
6 Miyyamîn 6 Miyyamîn
7 Haqqoç [3] Siwan 7 Haqqoç [9] Kislev
8 Abiyya mai/ juin 8 Abiyya novembre/
9 Yéshua 9 Yéshua décembre
10 Shekanyahu 10 Shekanyahu
11 Elyashib [4] Tammuz 11 Elyashib [10] Tébeth
12 Yaqîm juin/ juillet 12 Yaqîm décembre/ janvier
13 Huppa 13 Huppa
14 Yeshebeab 14 Yeshebeab
15 Bilga [5] Ab 15 Bilga [11] Shebat
16 Immér juillet/ août 16 Immér janvier/ février
17 Hézir 17 Hézir
18 Happiçeç 18 Happiçeç
19 Pethahya [6] Elul 19 Pethahya [12] Adar
20 Yehèzqel août/ septembre 20 Yehèzqel février/ mars
21 Yakîn 21 Yakîn
22 Gamul 22 Gamul
23 Delayahu [7] Tishri 23 Delayahu Nisan
24 Maazyahu 24 Maazyahu ou [13] Adar2
44 Guerre des Juifs VI:435.
45 Tosephta Taanit 2:10b.
46 L'année religieuse débutait au 1er Nisan. Les semaines allant du samedi au samedi, les 8 jours de Pâque (du 14 au 21 Nisan)
chevauchaient 1 ou 2 semaines suivant les années. De même, l'année civile débutait au 1er Tishri, or la fête des Cabanes (du 10 au 21
Tishri) couvrait 2 ou 3 semaines. Par conséquent, toutes les classes de prêtres officiaient en moyenne 2 semaines à chaque fête, puisque
l'année solaire de 365 jours comporte 52 semaines (= 24x2 + 2x2).
12. 12 APPROCHE SCIENTIFIQUE D'UNE CHRONOLOGIE ABSOLUE
Ces indications calendériques combinées aux contraintes suivantes imposent un
canevas chronologique: les sabbats coïncident avec les samedis; le 1er Tishri coïncide avec le
1er croissant visible juste après l'équinoxe d'automne (le 25 septembre à cette époque); les
24 classes de prêtres officient pendant les deux périodes de fête (Pâque du 14 au 21 Nisan
et fête des Huttes commençant avec le Yom kippour du 10 au 21 Tishri); la durée de
l'année est 12 mois (sauf les années intercalaires qui en ont 13); la naissance de Jean le
Baptiste précède celle de Jésus de 6 mois exactement. La conception de Jean le Baptiste se
produit après l'annonce faite durant le passage de la classe d'Abbiya, soit au tout début de la
classe suivante, celle de Yéshua; la durée d'une gestation humaine est en moyenne de 273
jours (on peut supposer que les gestations de Jean le Baptiste et de Jésus se déroulèrent
normalement); la conception de Jésus est placée 3 mois avant la fin de la gestation de Jean
le Baptiste (Luc 1:56); Jésus est présenté au Temple de Jérusalem 40 jours après sa
naissance. Ces informations imposent la reconstitution chronologique suivante:
avril -3 16 1 Nisan mardi
17 2 mercredi
18 3 jeudi
19 4 vendredi
20 5 samedi 24
21 6 dimanche
22 7 lundi
23 8 mardi
24 9 mercredi
25 10 jeudi
26 11 vendredi
27 12 samedi T Toutes les classes
28 13 dimanche (1Chroniques 24:7-18)
29 14 lundi Pâque
30 15 mardi
mai -3 1 16 mercredi
2 17 jeudi
3 18 vendredi
4 19 samedi T
5 20 dimanche
6 21 lundi
7 22 mardi
8 23 mercredi
9 24 jeudi
10 25 vendredi
11 26 samedi 1 Classe de Yehoyarib
12 27 dimanche
13 28 lundi
14 29 mardi
15 30 mercredi
16 1 Iyyar jeudi
17 2 vendredi
18 3 samedi 2 Classe de Yedaya
19 4 dimanche
20 5 lundi
21 6 mardi
22 7 mercredi
23 8 jeudi
24 9 vendredi
25 10 samedi 3 Classe de Harim
26 11 dimanche
27 12 lundi
28 13 mardi
29 14 mercredi
21. DATE DE LA NAISSANCE DE JESUS 21
5 10 lundi jeûne du 10 Tebeth
6 11 mardi
7 12 mercredi
8 13 jeudi
9 14 vendredi éclipse de lune
10 15 samedi 12 Classe de Yaqîm
11 16 dimanche
12 17 lundi
13 18 mardi
14 19 mercredi
15 20 jeudi
16 21 vendredi
17 22 samedi 13 Classe de Huppa
18 23 dimanche
19 24 lundi
20 25 mardi
21 26 mercredi
22 27 jeudi
23 28 vendredi
24 29 samedi 14 Classe de Yeshebeab
25 1 Shebat dimanche
26 2 lundi mort d'Hérode
27 3 mardi
28 4 mercredi
29 5 jeudi
30 6 vendredi
31 7 samedi 15 Classe de Bilga
Pâque le 14 Nisan (lundi 29 avril -3).
Début du premier cycle des 24 classes le samedi 26 Nisan (11 mai -3).
Classe d'Abbiya (8e semaine), début le samedi 16 Siwan (29 juin -3).
Classe de Yéshua (9e semaine), début le samedi 23 Siwan (5 juillet -3). Début de la
gestation de Jean le Baptiseur (naissance 273 jours plus tard).
Yom kippour le samedi 10 Tishri (19 octobre -3).
Début du second cycle des 24 classes le samedi 24 Tishri (2 novembre -3).
L'ange Gabriel annonce la naissance de Jésus 6 mois après celle de Jean le Baptiseur,
soit le lundi 23 Kislev (30 décembre -3). Début de la gestation de Jésus.
Naissance de Jean le Baptiseur le 1er Nisan (samedi 5 avril -2).
Naissance de Jésus le 1er Tishri (lundi 29 septembre -2), après 273 jours de gestation.
Selon le texte biblique, Jésus est né dans une famille de Galilée vivant à Nazareth
qui, à cause de l'enregistrement ordonné par Auguste, dut se déplacer à Bethléhem, ville
natale de Joseph47. En arrivant à Bethléhem, vers fin septembre -2, Marie accouche de Jésus
le 29 septembre puis, conformément à la coutume juive48, monte au Temple de Jérusalem
40 jours plus tard49 soit le vendredi 7 novembre -2. Vers la fin novembre, des astrologues,
sans doute venus de Babylone, patrie d'origine de l'astrologie50, atteignent Jérusalem.
Quelques jours plus tard, ils arrivent vers l'enfant Jésus, puis repartent vers Babylone mais
47 Luc 1:26,27; 2:1-4.
48 Lévitique 12:1-8.
49 Luc 2:22.
50 Daniel 1:20; 2:27.
22. 22 APPROCHE SCIENTIFIQUE D'UNE CHRONOLOGIE ABSOLUE
sans repasser par Jérusalem. Fin décembre, voyant qu'il avait été berné, Hérode décide de
faire tuer tous les nouveau-nés de Bethléem. Les parents de Jésus, avertis du projet, partent
en Égypte51. Si Hérode ignorait l'âge de l'enfant, il connaissait par contre le moment où
l'étoile était apparue, soit au début du voyage des astrologues. Si ceux-ci sont venus de
Babylone à dos de chameaux, cela a dû leur demander environ 3 à 4 mois de trajet52. Se
fondant sur cette durée estimée du trajet et en ajoutant le retard, Hérode a dû évaluer l'âge
de l'enfant avec une marge de sécurité confortable de deux ans avant d'ordonner le
massacre des enfants, vers le 25 décembre -2, car l'enfant Jésus devait avoir 3 mois à ce
moment53. Jésus étant né le 1er Tishri, 3 mois après conduisent au 26 décembre -2 . Seuls les
Évangiles rapportent cet événement, mais le fait est plausible, car les dirigeants consultaient
souvent des Chaldéens (appelés mages) pour connaître l'avenir54. Hérode serait mort peu de
temps après. La famille de Jésus en fut immédiatement informée et revint habiter à
Nazareth ce qui leur permit de célébrer la Pâque55 (7 avril -1) puisque les parents de Jésus
sont présentés dans les Évangiles comme des Juifs pieux.
La date de naissance de Jésus, fixée au 29 septembre -2, est en accord avec les deux
informations chronologiques provenant du comput julien bien attesté:
Jésus est né lors d'un enregistrement général de l'empire romain. Or, selon Dion
Cassius, ceux-ci étaient quinquennaux et, comme les dates de ces recensements du
début de notre ère sont bien connus puisqu'ils sont datés respectivement de 4, 9 et 14,
il est facile de déduire que le précédent dû avoir lieu en -2. Cette coïncidence n'est pas
fortuite car c'est le 5 février -2 que l'empereur Auguste est devenu "Père de la patrie" et
qu'il décréta de faire "l'inventaire du monde".
Jésus ayant environ 30 ans en l'an 15 de Tibère, soit en 29, il est encore facile de
calculer l'année de sa naissance en -2.
La date de la naissance de Jésus est bien attestée, et elle n'a été remise en question
qu'au milieu du 19e siècle quand certains chercheurs proposèrent de dater la mort d'Hérode
en mars -4. Si cette datation était exacte, Jésus serait né 2 ans après la mort d'Hérode, alors
que le texte de Matthieu indique clairement que sa naissance eut lieu peu de temps avant, et
non après, la mort d'Hérode.
51 Matthieu 2:1-16.
52 Esdras 7:9. Il y a environ 1500 kilomètres entre Babylone et Jérusalem par la route, soit une vitesse moyenne de 13 km/jour. À titre de
comparaison, même les armées romaines, très organisées, ne dépassaient pas la vitesse moyenne de 25 km/jour (E. LUTTWAK – La
grande stratégie de l'Empire romain. Paris 2009 Éd. Economica pp. 137).
53 Les Évangiles mettent en parallèle sa vie avec celle de Moïse, ce dernier ayant cet âge dans la même situation (Actes 7:19-20).
54 TACITE Annales II:27:2; XII:22:1. Lors de la naissance d’Octave, Nigidius Figulus prédit grâce aux astres que celui-ci allait recevoir une
souveraine puissance et empêcha son père qui prit peur de le tuer (DION CASSIUS Histoire romaine XLV:1:1-3). Hérode fit tuer son fils
Antipater parce que celui-ci avait voulu régner avant terme (FLAVIUS JOSEPHE Antiquités juives XVII:185-191).
55 Matthieu 2:19-23; Luc 2:39-41.
23. DATE DE LA NAISSANCE DE JESUS 23
Le philosophe Celse, qui rédigea (vers 178) une attaque en règle contre les chrétiens
et qui fut un farouche contestataire de leur doctrine, qu'il connaissait bien, n'a rien trouvé à
redire sur le fait que Jésus soit né sous le règne d'Hérode; il écrit: Tu as commencé par te
fabriquer une filiation fabuleuse, en prétendant que tu devais ta naissance à une vierge. En réalité, tu es
originaire d'un petit hameau de la Judée, fils d'une pauvre campagnarde qui vivait de son travail. Celle-ci,
convaincue d'adultère avec un soldat Panthère, fut chassée par son mari, charpentier de son état. Expulsée
de la sorte et errant çà et là ignominieusement, elle te mit au monde en secret. Plus tard, contraint par le
dénuement à t'expatrier, tu te rendis en Égypte, y louas tes bras pour un salaire, et là, ayant appris
quelques-uns de ces pouvoirs magiques dont se targuent les Égyptiens, tu revins dans ton pays, et, enflé des
merveilleux effets que tu savais produire, tu te proclamas Dieu (...) Tu racontes que des Chaldéens, ne
pouvant se tenir à l'annonce de ta naissance, se mirent en route pour venir t'adorer comme Dieu, alors que
tu étais encore au berceau; qu'ils annoncèrent la nouvelle à Hérode le Tétrarque, et que celui-ci, dans la
crainte que, devenu grand, tu n'usurpasses son trône, fit égorger tous les enfants du même âge pour te faire
périr à coup sûr. Mais, si Hérode a fait cela mû par la crainte que plus tard tu ne prisses sa place,
pourquoi, arrivé à l'âge d'homme, n'as-tu pas régné? Pourquoi te vit-on alors, toi, le Fils de Dieu,
vagabond de malheur, ployé sous la frayeur, désemparé, courant le pays avec tes dix ou onze acolytes
ramassés dans la lie du peuple, parmi des publicains et des mariniers sans aveu, et gagnant honteusement
une précaire subsistance ? Pourquoi fallut-il qu'on t'emportât en Égypte ? Pour te sauver de l'extermination
par l'épée? Mais un Dieu ne peut craindre la mort. Un ange vint tout exprès du ciel t'ordonner à toi et à
tes parents de fuir. Le grand Dieu, qui avait déjà pris la peine d'envoyer deux anges pour toi, ne pouvait-il
donc préserver son propre fils dans son propre pays ? Aux vieilles légendes qui racontent la naissance divine
de Persée, d'Amphion, d'Éaque, de Minos, nous n'ajoutons plus foi aujourd'hui. Encore sauvent-elles au
moins la vraisemblance, en ce qu'elles attribuent à ces personnages des actions vraiment grandes, admirables
et utiles aux hommes56. Celse mentionne "Hérode le Tétrarque qui fit égorger tous les
enfants"; il s'agit bien d'Hérode le Grand, nommé tétrarque de Judée57 par Antoine à partir
de -42 (puis nommé roi en -40 par le Sénat romain), et non de son fils Hérode Antipas, qui
reçut lui aussi le titre de tétrarque "chef de district" (Matthieu 14:1). Si les chrétiens avaient
confondu les deux rois, Celse, qui était prompt à la critique, n'aurait pas manqué de se
gausser d'une aussi grossière erreur.
Les critiques de Celse reposent avant tout sur la calomnie quand il affirme sans
preuve que la filiation de Jésus est fabuleuse et que la "vraie" filiation serait le fruit d'un
adultère. Si cette affabulation était avérée, les prétentions de Jésus d'être le Messie auraient
56 Celse (L. ROUGIER) -Discours vrai contre les chrétiens
1999 Paris Éd. Phébus pp. 47-49.
57 Guerre des Juifs I:244.
24. 24 APPROCHE SCIENTIFIQUE D'UNE CHRONOLOGIE ABSOLUE
été dénuées de tout fondement devant le Sanhédrin et il aurait été jugé pour folie et non
pour crime de lèse majesté. De plus, les premiers chrétiens étant juifs ils pouvaient aussi
vérifier la filiation de Jésus dans les archives du Temple (jusqu'en 70).
La combinaison de la chronologie de la vie Jésus, au début de notre ère, avec celles
d'Hérode le Grand, de Quirinius et de Varus, donne un agencement des événements
parfaitement cohérent qui illustre la situation particulièrement complexe au moment de la
mort d'Hérode. Tibère, qui avait en théorie une position de corégent, n'exerçait plus sa
fonction depuis son retrait à Rhodes en -5, de plus, comme il arrivait en fin de mandat, son
successeur Caius César avait déjà été désigné (en décembre -1). Vu le jeune âge du nouveau
corégent, Auguste lui avait adjoint deux consuls expérimentés: Marcus Lollius comme
recteur (pour le conseiller) et Quinctilius Varus comme légat (pour commander les légions).
Après la mort d'Hérode, un procurateur financier, Sabinus, a été ajouté pour estimer les
biens de ce roi client. L'ensemble des carrières, de tous les personnages impliqués sur
période de -6 à 4, est le suivant (le règne effectif d'Hérode est compté après la prise de
Jérusalem et la mort d'Antigone, son rival au trône de Judée):
An Hérode gouverneurs en Syrie
-6 1 âge d'Hérode
2 règne effectif d'Hérode en Judée
3 règne légal d'Hérode
4 66 30 33
5
6
7 Tibère Varus Tibère légat impérial d'Orient
8 Varus gouverneur de Syrie
9
10
11
12 Quirinius désigné gouverneur
-5 1 de Cilicie
2
3 S. Quirinius Quirinius gouverneur de Cilicie
4 67 31 34
5
6 Bataille contre les Homonades
7
8 (Tibère) Tibère se retire à Rhodes
9
10
11
12
-4 1
2
3
4 68 32 35
5
6
25. DATE DE LA NAISSANCE DE JESUS 25
7 [0] (Tibère) Testament d'Hérode dans lequel
8 ses fils sont nommés rois (à Rome)
9
10
11
12 Quirinius désigné gouverneur
-3 1 de Syrie
2
3
4 69 33 36 [1]
5
6
7 Quirinius Quirinius gouverneur de Syrie
8
9
10
11
12
-2 1
2 Auguste déclaré Père de la Patrie
3
4 70 34 37 [2]
5 Début du recensement d'Auguste
6 inventaire du monde
7
8
9 Naissance de Jésus
10
11
12 Varus désigné gouverneur de Syrie
-1 1 Mort d'Hérode
2 Iturée intégrée au royaume d'Hérode
3 Funérailles d'Hérode
4 3 An 3 du règne des fils d'Hérode
5 Sabinus Varus Varus est commandant de légions
6 en Judée et Sabinus procurateur
7 (C. César) S. Quirinius Quirinius proconsul d'Asie
8 M. Lollius recteur de Caius César
9
10 Archélaüs émet sa 1ère pièce, datée
11 de l'an 3
12
1 1 Caius César arrive en Orient
2 C. César guerre [de Varus] en Syrie
3
4 4
5
6
7
8
9
10
11
12
2 1
2
3
26. 26 APPROCHE SCIENTIFIQUE D'UNE CHRONOLOGIE ABSOLUE
4 5
5
6 M. Lollius disgracié
7 S. Quirinius Quirinius recteur de Caius César
8 (en Arménie)
9
10
11
12
3 1
2
3
4 6
5
6
7
8
9
10
11
12
4 1
2 Mort de Caius César
3
4 7
Les carrières d'Hérode le Grand, de Quirinius et de Varus ont été examinées à part
(voir les Chronologies de la vie d'Hérode, de Quirinius et de Varus).
27. Date de la mort de Jésus
La datation de la mort de Jésus est controversée. Elle est actuellement souvent
supposée en 30, voire en 29, de notre ère. L'étude réalisée par Depuydt1 sur cette question
est représentative de l'argumentation utilisée. Il débute son étude en affirmant que depuis le
début du 20e siècle la date de 29 est presque universellement acceptée. Cette première
remarque doit être fortement nuancée, puisque les historiens2 qui calculent cette date en se
servant des données provenant des Évangiles aboutissent au vendredi 3 avril 33, qui est la
date traditionnelle (le pape a consacré 1933 comme année sainte pour commémorer le
1900e anniversaire de la mort de Jésus). Il affirme ensuite que les sources évangéliques
seraient contradictoires: certains situent la mort de Jésus au début du jour et d'autres à la fin
du jour, au début du 15 Nisan. En fait cette théorie résulte d'une mauvaise compréhension
du comput biblique. Selon le texte d'Exode 12:1-8, la Pâque juive devait être célébrée la
nuit du 14 Nisan. Or, chez les Juifs le soir (marqué par le coucher du soleil) précède le
matin3 contrairement au calendrier julien. Ainsi cette fête se déroulait au début du 14
Nisan, soit à fin du 13 Nisan vers 18 heures et non à la fin du 14 (et début du 15 Nisan).
Meier, dans son livre Un certain juif Jésus. Les données de l'histoire, consacre une grande
partie de ses recherches à fixer précisément la date de la mort de Jésus et propose de
contredire la chronologie synoptique: En guise de corollaire, j'ajouterais deux avantages à la solution
que je propose et qui contredit la chronologie synoptique4. En effet, si Jésus et ses disciples avaient
célébré la Pâque le 13 ou le 15 Nisan ils auraient été en infraction avec le calendrier officiel
du Temple, ce qui est inconcevable compte tenu du légalisme de l'époque5.
Le texte de Luc6 date précisément le ministère de Jésus (contrairement à ce que
Depuydt affirme) puisqu'il en fixe le début durant l'an 15 de Tibère (qui va du 19 août 28
au 18 août 29). Le baptême de Jésus est situé six mois après celui de Jean le Baptiseur, soit
entre le 19 février 29 et le 18 août 29. Selon Luc, Jésus a comparé son ministère peu
productif à celui du prophète Élie qui apporta uniquement son aide à quelques veuves
d'Israël et cela pendant 3 ans et 6 mois selon les textes de Luc. De même, vers la fin de son
1 L. DEPUYDT – The Date of Death of Jesus of Nazareth
in: Journal of the American Oriental Society 122:3 (2002) pp. 466-480.
2 G. GOYAU – Chronologie de l'empire romain
Paris 2007 Éd. Errance p. 46.
3 Genèse 1:5, 8, 13, 19, 23, 31.
4 J.P. MEIER - Un certain juif Jésus Les données de l'histoire I
Paris 2004 Éd. Cerf pp. 235-262.
5 Il n'est même pas sûr que les Esséniens, vivant à l'écart du Temple, qui proposaient un calendrier dissident, l'aient réellement pratiqué.
Leur année solaire n'ayant que 364 jours, au lieu de 365, elle était désynchronisée de l'observation (5 jours de retard au bout de 4 ans).
6 Luc 3:1-4,21-23.