Une réflexion sur la manière, pour une administration publique, d’envisager le nouveau paradigme induit par la nouvelle société du savoir et de le traduire dans sa stratégie informatique en se basant notamment sur l’utilisation des standards ouverts et des logiciels libres.
1. REPUBLIQUE ET CANTON DE GENEVE
Département des constructions et des technologies de l'information
Centre des technologies de l'information
Vers un écosystème d'information ouvert
Auteur Patrick GENOUD, Giorgio PAULETTO et Jean-Marie LECLERC
Observatoire technologique
Version / date d’enregistrement V 1.0/ 2007-04-18
Table des matières
1 LA VISION ...................................................................................................................................... 2
1.1 La technologie au service de la société ........................................................................................... 2
1.2 L'information comme ressource stratégique................................................................................... 3
1.3 La maîtrise de nos systèmes d'information ..................................................................................... 4
2 VERS UN ECOSYSTÈME OUVERT.............................................................................................. 5
2.1 L'approche systémique...................................................................................................................... 5
2.2 Un écosystème d'information ouvert................................................................................................ 7
2.3 Pourquoi un écosystème d'information ouvert ? ............................................................................ 7
3 STRATEGIE RETENUE ............................................................................................................... 10
3.1 Au niveau sociétal ............................................................................................................................ 10
3.2 Au niveau organisationnel............................................................................................................... 10
3.3 Au niveau technologique................................................................................................................. 11
3.4 Eléments de base pour répondre aux impératifs identifiés .......................................................... 11
Annexe 1 : Clarification des notions ................................................................................................. 16
Observatoire technologique
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2. Vers un écosystème d'information ouvert
1 LA VISION
Avec le nouveau millénaire, nous entrons dans une ère nouvelle de l'information, de la
connaissance et du savoir. Les technologies de l’information et de la communication, qui en
sont les moteurs, induisent des changements profonds sur les organisations privées et
publiques et sur la société en général. Leur principal effet est d’amplifier les qualités ou les
défauts des organisations antérieures au travers d'une extraordinaire dynamique du
changement liée à une complexité grandissante. D’un côté les utilisateurs expriment
aujourd'hui des exigences croissantes, que ce soit en terme de performances, d'interactivité,
de simplicité ou de personnalisation. De l’autre l'administration dispose de nouveaux outils lui
permettant de déployer une volonté d’innovation jamais vue jusqu'ici.
Par ailleurs, la globalisation, la diffusion de la technologie, l'essor d'Internet et le flux massif
d'informations créent un nouvel environnement aussi bien pour les administrations que pour
les entreprises qui les oblige à se tourner vers leurs clients et à s'adapter continuellement à
un environnement changeant. Les organisations doivent ainsi devenir plus efficientes et
l'économie plus innovante.
Dans ce contexte il serait faux de considérer les technologies comme une fin en soi.
Elles doivent plutôt être envisagées dans une approche holistique qui prend en compte le
développement harmonieux de la société, les besoins réels des utilisateurs et la nécessité
de maîtriser la gestion des données, de l'information et des processus. L'évolution constante
des technologies, tout comme celle des métiers qu'elles sont amenées à servir, nous conduit
naturellement à définir une stratégie à même de prendre en compte cette dynamique.
Cette stratégie se base sur une vision déclinée selon les trois axes forts présentés dans ce
chapitre. Le premier envisage une technologie au service de la société et du citoyen. Le
second insiste sur la nécessité de considérer l'information comme une ressource stratégique,
comme un véritable capital sociétal. Et le troisième met en évidence l'exigence de conserver
la maîtrise de nos systèmes d'information.
1.1 La technologie au service de la société
La mission de l'administration n'est pas celle du secteur privé auquel on aurait faussement
tendance à la comparer. Le secteur public doit en effet répondre à un certain nombre de
contraintes fortes ayant une incidence directe sur les stratégies à adopter lors de la prise en
compte des nouvelles technologies. Ces exigences dépassent largement le cadre technique
et inscrivent notre stratégie dans une vision globale prenant également en compte les
mutations et les enjeux sociaux d'aujourd'hui et de demain. Le développement technologique
seul ne garantit ni la croissance économique, ni la compétitivité à long terme. Il doit être
accompagné d'une réflexion prenant en compte le fait que nous sommes entrés de plain-
pied dans une société de l'information et du savoir dont la dynamique aura des implications
fortes et encore difficilement évaluables sur le développement et le mode de fonctionnement
de notre société et de nos institutions.
Nous relèverons tout d'abord la nécessité de placer le citoyen au centre des réflexions en
privilégiant celles qui sont axées sur les usages des technologies plutôt que sur les
technologies elles-mêmes. Mais les usages doivent être compris ici dans leur acception la
plus large qui intègre les problématiques clés régissant les rapports entre technologies et
société. Ce sont les problématiques que l'on retrouve dans le référentiel e-Société1 élaboré
par l'Observatoire technologique du CTI et validé en 2002 par la délégation du Conseil d'Etat
aux systèmes d'information. Des notions telles que l’inclusion, l’éthique ou la valeur ajoutée
au niveau de la société y sont explicitement reconnues comme des dimensions importantes
1
Référentiel e-Société, P. Genoud et G. Pauletto, Observatoire technologique, Centre des technologies de
l’information du canton de Genève, 2002, http://ot.geneve.ch
-2-
3. Vers un écosystème d'information ouvert
à prendre en compte si l’on souhaite développer de façon cohérente une administration
électronique harmonieuse mettant le citoyen et la société au coeur des préoccupations.
En effet, les mutations que connaît actuellement notre société poussent les systèmes
d’information de l’Etat à s’ouvrir activement sur l’ensemble des citoyens et sur la société
civile. Mais le citoyen d'aujourd'hui doit être compris dans sa globalité. C'est un individu
multiple dans les relations qu'il entretient avec son environnement, que ce soit avec
l'administration genevoise, avec d'autres administrations, avec des communautés d'intérêt
ou avec son environnement général.
Au-delà, les technologies de l'information et de la communication doivent être envisagées en
regard des formidables capacités d'intégration qu'elles peuvent offrir, que ce soit en terme
d'accessibilité aux contenus informationnels de l'administration par le plus grand nombre ou
de valorisation des compétences d'individus marginalisés. Cette notion d'inclusion s’exprime
à travers toute une série de problématiques dont il faudra tenir compte car elles constituent
autant de lignes de fracture potentielles pouvant éloigner certains citoyens de leur
administration.
Plus généralement, les technologies mises en œuvre par notre administration doivent
toujours être envisagées dans un respect strict du cadre légal et du cadre éthique en
vigueur, en conciliant notamment le nécessaire respect de la sphère privée avec la
transparence des institutions demandée par les citoyens.
Une vision holistique de l'évolution des systèmes d'information nous amène ainsi à
comprendre que l'avènement des technologies et les échanges croissants d'informations, qui
sont autant de forces accélératrices nécessaires, devra parallèlement s'accompagner de
forces décélératrices permettant une régulation incluse dans nos organisations de manière à
atteindre un équilibre répondant aux réels besoins de notre société en général et de notre
administration en particulier. Nous ne pouvons ainsi plus penser technologie sans penser
société.
1.2 L'information comme ressource stratégique
Le Sommet mondial sur la société de l’information qui s’est tenu à Genève en décembre
2003 a mis en exergue le rôle fondamental que joue l’information dans notre société.
L'émergence des technologies de l'information et de la communication en constitue le
catalyseur. Elles permettent un traitement industriel des données et de l'information, nous
ouvrant ainsi les portes de la société du savoir.
L’information constitue la matière première dont se nourrit la société du savoir. Et son rôle
est tout aussi important au niveau d’un gouvernement ou d’une administration puisqu’une
grande part de leurs tâches a trait à la gestion et à la mise en valeur du capital
informationnel, que ce soit au niveau de la prestation de services, de la nécessité de
recueillir des données, de la prise de décisions, de la responsabilisation à l’égard des
résultats ou encore de la préservation du patrimoine. L'Etat n'est dans la plupart des cas que
le dépositaire de cette information. Il doit en garantir la valorisation, la pérennité, la sécurité
et l'indépendance.
Les technologies informatiques ont fait passablement évoluer les règles régissant
l’exploitation de cette ressource. Non pas que les principes de base aient changé : la nature
de l’information reste identique, que son support soit numérique ou non. Mais les
potentialités du numérique posent de nouveaux défis lorsqu’on parle d'interopérabilité et de
transversalité, de confidentialité, de pérennité ou de classement, tout comme elles offrent
des opportunités encore insoupçonnées en terme de partage, de transparence ou de
valorisation.
Ces différents aspects nous amènent naturellement à promouvoir la nécessité de gérer
l’information comme une ressource stratégique de l’administration genevoise, comme un
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4. Vers un écosystème d'information ouvert
véritable patrimoine sociétal qui représente un enjeu primordial pour l’évolution de notre
société (pour illustration, le coût d'une hypothétique reconstruction du Système d'Information
du Territoire Genevois (SITG) est estimé à près de 80 millions de francs). Cela implique de
la maîtriser efficacement et conformément aux exigences légales, de la mettre à disposition
du public de manière accessible, d’en respecter la confidentialité, d’en garantir la protection
et la disponibilité. Les incidences technologiques d’une telle vision imposent des choix
adaptés en terme de sécurité, d’architecture et de normes d’échange notamment.
1.3 La maîtrise de nos systèmes d'information
L'Etat de Genève est responsable de ses systèmes d'information qui constituent un capital
inestimable. Il est très naturellement amené à en revendiquer la meilleure maîtrise possible,
sachant que ces systèmes sont trop complexes et évoluent trop rapidement pour que l'on
puisse prétendre en avoir une maîtrise totale.
La notion de maîtrise que nous évoquons dans cette section correspond à différentes
problématiques qui s'inscrivent dans un espace très large contraint à la fois par des variables
technologiques, financières, organisationnelles et sociétales.
Maîtrise signifie tout d'abord souveraineté. Si l'on admet la valeur stratégique de nos
systèmes d'information, il est difficilement concevable de laisser guider leur évolution par nos
fournisseurs informatiques. Mais cette volonté d'indépendance ne s'inscrit nullement dans
une logique d'opposition à ces fournisseurs qui sont la plupart du temps nos partenaires. Elle
exprime simplement la nécessité d'éviter les phénomènes de verrouillage (lock-in)
engendrés notamment par un manque d'interopérabilité et de pouvoir ainsi bénéficier de la
marge de manœuvre qui nous permet de remplacer indépendamment l'un ou l'autre
composant de nos systèmes selon un agenda librement choisi. La pérennité des solutions
déployées et des données que nous gérons est à ce prix.
Maîtrise signifie également capacité à gérer la complexité de nos systèmes, que celle-ci
soit intrinsèque ou liée à l'interconnexion des systèmes entre eux. Car si nous avons appris à
maîtriser la complexité des systèmes d'information pris indépendamment, nous n'en sommes
par contre qu'aux prémices d'une véritable maîtrise de ces systèmes pris dans leur globalité.
L'évolution actuelle de l'administration impose en effet un décloisonnement des services qui
offre des opportunités extraordinaires mais qui complique singulièrement notre tâche. La
transversalité des données et des processus que nous sommes amenés à gérer place ainsi
la notion d'interopérabilité au cœur de nos préoccupations.
La situation est encore complexifiée par l'évolution rapide que connaissent les technologies,
les organisations et la société en général. La maîtrise de nos systèmes d'information leur
impose ainsi une flexibilité permettant de pouvoir s'adapter constamment à ces
changements. Cette flexibilité, on doit la retrouver au niveau des technologies en amenant
les notions de composants, de services et de virtualisation notamment; mais il faut
également l'envisager au niveau organisationnel et humain au travers la mise en place
d'équipes pluridisciplinaires, en intensifiant les relations avec les communes, les autres
cantons, la Confédération, ainsi qu'avec tous nos partenaires potentiels. Ceci n'hypothèque
en rien notre indépendance. Au contraire, cela permet d'augmenter nos capacités et de
mieux gérer nos connaissances grâce à une mise en commun de nos forces et de nos
compétences. Dans tous les cas, la perpétuelle évolution de notre environnement nous incite
à nous inscrire dans la dynamique imposée de manière à pouvoir répondre efficacement à la
complexité qui en découle.
Finalement, la maîtrise de nos systèmes d’information doit pouvoir s'exprimer au niveau des
coûts. La réalité des budgets nous impose de faire au mieux avec les moyens à disposition.
Cela passe notamment par une mutualisation des compétences et des réalisations ainsi
qu'en favorisant les partenariats de tous ordres (locaux, cantonaux, publics/privés) et en
-4-
5. Vers un écosystème d'information ouvert
s'appuyant au mieux sur les compétences locales. La notion de communauté prend alors ici
toute sa signification.
La multiplicité des acteurs, l'interconnexion des systèmes, leur interdépendance parfois, ainsi
que leur évolution souvent rapide mais rarement synchrone, amène naturellement à avoir
une vision systémique des choses et conduit à la notion d'écosystème ouvert présenté au
chapitre suivant.
2 VERS UN ECOSYSTÈME OUVERT
La vision dans laquelle s'inscrit ce plan stratégique témoigne résolument de la nécessité
d'engager nos systèmes d'information dans la société du savoir. Ce nouveau paradigme,
caractérisé par sa complexité ainsi que par la multiplicité des points de vue, des manières de
fonctionner, des niveaux de maturité et des vitesses d'évolution de chacun, nous oblige à
revoir nos modèles.
L'approche sociétale implique une ouverture de l'administration vers le citoyen et vers la
société civile; le fait de considérer l'information comme une ressource stratégique amène
les notions de pérennité et d'indépendance; enfin la maîtrise de nos systèmes d'information
est fortement liée aux notions d'interopérabilité et de flexibilité. La stratégie envisagée
doit pouvoir prendre en compte ces différents éléments en y incluant également les concepts
d'efficience, d'innovation et de croissance sur lesquels veut bâtir le gouvernement genevois
actuel.
Les notions de collaboration, de flexibilité et de cohabitation de systèmes ouverts et
indépendant sont particulièrement bien prises en compte par les modèles que nous
proposent les systèmes biologiques et économiques dont nous nous sommes inspirés dans
notre approche.
2.1 L'approche systémique
Appréhender un système complexe, tel que l'ensemble des systèmes d'information de
l'administration, est une tâche ardue qui requiert des outils nouveaux. En effet, la méthode
traditionnelle souvent utilisée est celle de l'analyse cartésienne qui utilise la causalité
déterministe et le découpage mécaniste afin de résoudre un problème. Par ailleurs, les
organisations sont aujourd'hui encore administrées de façon verticale et pyramidale en se
fondant sur la division et la gestion scientifique du travail. Ces approches ont été créées et
utilisées avec succès dans les économies de production de masse du secteur secondaire,
mais ne suffisent plus à prendre en compte la complexité, l'hétérogénéité et la dynamique
des systèmes actuels et de leur évolution.
La méthode scientifique classique est avantageusement complétée par une approche
systémique qui cherche à comprendre par la synthèse et par l'analyse les relations
que les éléments entretiennent entre eux. Cette approche propose de prendre en compte
la complexité de façon globale et de gérer ces interrelations plutôt que de vouloir agir sur les
éléments eux-mêmes. Un système est un ensemble d'éléments en interaction dynamique,
organisés en fonction d'un but. Un système est global dans le sens où, d'une part, il ne se
réduit pas à l'union de chacun des éléments qui le composent et que, d'autre part, des effets
apparaissent au niveau global qui ne sont pas présents au niveau élémentaire. La notion
d'organisation est essentielle, car selon son agencement un système n'aura pas les mêmes
propriétés et permettra donc d'obtenir des résultats différents. La variété d'un système
permet à celui-ci d'assurer un changement suffisant et d'éviter un phénomène de sclérose.
L'une des règles qui permet de mieux comprendre la gestion d'un système est que pour
pouvoir contrôler un système donné, il faut que le système de contrôle possède lui-même au
moins la variété du système à contrôler. La notion clé devient alors la maîtrise de la
-5-
6. Vers un écosystème d'information ouvert
régulation du système. Celle-ci permet d'orienter les actions du système vers les buts que
l'on s'est fixé.
Un système est indéniablement influencé par des variables internes qui sont contrôlables.
Toutefois afin de pouvoir établir une stratégie de façon fiable et pérenne, il est indispensable
d'intégrer dans la régulation du système les variables externes. Celles-ci ne sont pas
maîtrisables de façon endogène, mais représentent une facette cruciale dans le cadre de la
stratégie informatique de l'administration. Elles sont de quatre grands types: les variables
technologiques, les variables économiques, les variables sociétales et les variables
politiques. Une stratégie robuste permet d'en tenir compte et de ne pas mettre en péril
l'ensemble de la démarche lorsqu'un changement externe intervient. Idéalement, en tenir
compte permet de les faire entrer dans la stratégie retenue, voire de les utiliser comme levier
pour réaliser les objectifs à atteindre.
Dans un tel système, le mode d'organisation est essentiel. Une structuration classique du
travail basée sur l'organisation scientifique apportée par Ford ou Taylor peut être vue comme
une façon de garder le contrôle et de gérer efficacement les ressources. Aujourd'hui
toutefois, les notions de motivation fondées sur des objectifs mesurables et par une
coopération des agents doivent prendre le dessus. Un mode d'organisation coopératif
permet de mettre en synergie les capacités des collaborateurs afin d'obtenir des résultats de
qualité supérieure et avec des ressources moindres par rapport à d'autres modes
d'organisation. Cette forme d'organisation émerge comme celle à privilégier dans le secteur
tertiaire qui s'oriente vers la société du savoir.
Nous pouvons aisément reconnaître des caractéristiques complexes dans les systèmes
d'information. Ce sont des ensembles de composants souvent hétérogènes, en interaction
dynamique, évoluant dans des échelles de temps différentes, joignant les matériels, les
logiciels et les humains afin de répondre à des missions évolutives, dans un environnement
incertain et sous des contraintes fortes de ressources. Ainsi, l'approche systémique
proposée permet de mieux prendre en compte ce domaine et d'approcher un sujet difficile
car faisant intervenir des aspects humains, organisationnels et technologiques.
On voit donc se dégager l'une des notions centrales qui est celle d'un ensemble formé de
différents acteurs et de différentes technologies qui développent un réseau leur
permettant d'évoluer dans la société et dans l'économie. C'est cette notion que nous
appelons écosystème en recourant à la métaphore biologique. Dans cette approche, les
partenariats entre les différentes structures deviennent un enjeu essentiel, aussi bien dans le
monde privé quand dans la sphère publique. Les deux visions souvent présentées comme
opposées sont naturellement amenées à converger, bien que leurs objectifs soient différents,
et peuvent trouver une nouvelle forme de coopération à travers des contrats de partenariats
public-privé.
L'analyse des comportements des organisations montrent que les acteurs économiques sont
de moins en moins des entités isolées, mais développent leurs stratégies au sein d'un
réseau dense et global de relations. La constitution d'un écosystème d'affaires2,3 permet de
développer les organisations en prenant en compte la complexité environnante. Ces
organisations sont parfois simultanément en coopération et en compétition dans le but de
satisfaire à la demande, d'avoir un meilleur rendement, de croître et d'innover. Il est
aujourd'hui largement reconnu que le secteur des technologies de l'information forme
naturellement un tel écosystème d'affaires.
Dans cet univers, une nouvelle ouverture se dessine, par nécessité, alimentée par la vague
technologique, mais aussi et surtout par le moteur économique et sociétal. Cette ouverture
2
La notion d'écosystème d'affaires a été initialement apportée par James Moore en 1993 avec son article
Predators and prey : a new ecology of competition paru dans Harvard Business Review (May-June 1993, pp. 75-
86) et pour lequel l'auteur a obtenu le McKinsey Award.
3
Voir aussi sur Wikipedia: http://fr.wikipedia.org/wiki/écosystème_d'affaires
-6-
7. Vers un écosystème d'information ouvert
permet de libérer les verrous de l'efficience, de la standardisation et de la flexibilité
qui sont nécessaires à l'évolution des gouvernements et des entreprises. Cette
ouverture permet également une synthèse de collaboration créative, de connectivité,
d'accessibilité et de transparence, qui sont des exigences aujourd'hui demandées par les
citoyens, les entreprises et les communautés d'intérêt.
2.2 Un écosystème d'information ouvert
Ce document propose le concept d'un écosystème d'information ouvert4. Un système
d'information peut être défini comme un ensemble de moyens humains, logiciels et matériels
permettant d'acquérir, de conserver et de mettre en réseau des informations afin de
permettre aux utilisateurs de décider et d'agir. Un écosystème d'information ouvert est lui
défini comme un ensemble de systèmes d'informations qui incorporent et assurent des
notions telles que l'interopérabilité, le développement collaboratif et la transparence. Ces
caractéristiques permettent de créer des applications flexibles et orientées services dont les
composants peuvent être détachés et recombinés pour répondre avec plus d'efficacité et
d'efficience à des besoins changeants.
Un écosystème d'information ouvert est fondé sur un ensemble de principes
fondamentaux. Il est:
• Interopérable: il permet, grâce à la mise en oeuvre de standards ouverts, l'échange,
la réutilisation et l'interprétation des données au travers de différentes architectures et
organisations.
• Centré sur l'utilisateur: il donne la priorité aux services répondant aux besoins des
utilisateurs par rapport aux contraintes matérielles et logicielles.
• Collaboratif: il permet aux gouvernements, mais aussi aux entreprises et à la société
civile, d'innover et de faire évoluer les projets en fédérant les efforts pour résoudre les
problèmes; ce principe s'applique aussi bien de façon interne qu'externe aux
organisations en s'appuyant alors sur la notion de partenariat.
• Pérenne: il maintient un équilibre et une durabilité, tout en répondant aux contraintes
organisationnelles, techniques, financières et légales de façon à permettre son
évolution et sa croissance.
• Flexible: il s'adapte aux nouvelles informations, technologies, protocoles et relations
en les intégrant et en permettant la création de nouveaux marchés et de nouveaux
processus gouvernementaux.
2.3 Pourquoi un écosystème d'information ouvert ?
Plusieurs motivations importantes amènent à s'orienter vers un tel système. Les trois axes
majeurs que l'ont peut souligner sont l'efficience, l'innovation et la croissance.
2.3.1 Efficience
Les organisations choisissant un écosystème d'information ouvert gagnent en efficience,
c'est-à-dire qu'elles améliorent le rapport entre les résultats obtenus et les ressources
utilisées. Une plus grande concurrence entre les fournisseurs, les produits et les services
aident par exemple les administrations à optimiser leur allocation de ressources. L'ouverture
renforce d'une part la position de l'acheteur dans la négociation en lui offrant plus d'options
et d'alternatives dans ses choix et, d'autre part, offre au vendeur un plus grand ensemble
4
Roadmap for Open ICT Ecosystems, Berkman Center for Internet & Society, Harvard Law School, 2005,
http://cyber.law.harvard.edu/epolicy/.
-7-
8. Vers un écosystème d'information ouvert
potentiel de clients avec lesquels il peut entrer en matière et fournir des propositions
intéressantes. Cette opportunité de choix tend non seulement à abaisser les coûts, mais
donne aux usagers une plus grande latitude pour fixer les pré requis et les performances
souhaitées. Le coût n'est en revanche qu'un des facteurs à considérer et il doit être pondéré
dans le processus de décision. Pour prendre une bonne décision on doit également tenir
compte de façon équilibrée de critères tels que les priorités stratégiques fixées et les besoins
des utilisateurs.
L'interopérabilité — dans son acception large au niveau de l'information, des processus et
des technologies — permet une plus grande accessibilité, une flexibilité des architectures et
une collaboration accrue. L'ouverture permet aux différents acteurs de faire des contributions
et ainsi de pousser l'évolution aussi bien des technologies que des standards ouverts.
Différentes populations, tant au sein des départements qu'à l'extérieur de l'administration,
peuvent partager l'information pertinente et collaborer dans un but commun prédéfini.
Mentionnons encore le fait que l'ouverture des standards facilite l'utilisation et la
maintenance, et fournit aussi aux gouvernements des leviers dans les processus
d'approvisionnement. Sur un autre plan, l'accessibilité est fondamentale lorsqu'on désire
combler le fossé numérique que nos sociétés continuent souvent par ailleurs de creuser. Ce
rôle est bien entendu souvent primordial pour une administration qui s'adresse à la
population dans son ensemble, sans discrimination.
L'interopérabilité et l'utilisation de standards ouverts facilitent la transversalité en dépassant
les silos verticaux et les architectures fermées. Les nouveaux composants s'intègrent plus
aisément et facilitent les migrations qui ne sont, par ailleurs, pas éliminées. Les
changements majeurs demanderont toujours des efforts concertés entre utilisateurs et
fournisseurs, mais laissent le choix à chacun dans les configurations et les interfaces afin de
minimiser les difficultés.
Les écosystèmes ouverts permettent une plus grande maîtrise des systèmes d'information.
La dynamique de régulation du système est recentrée sur les usagers et les gouvernements
plutôt que sur les seuls fournisseurs. Cela permet d'exercer un contrôle plus direct sur
l'évolution, les fonctionnalités, les composants et la maintenabilité. Les décisions de
migrations et le choix des sociétés fournissant le support sont en main des acheteurs, leur
permettant une palette d'options et d'alternatives plus grande. Tout en évoluant vers des
technologies plus récentes, les gouvernements peuvent assurer une plus grande efficience
des dépenses publiques et une plus grande efficacité en atteignant les objectifs demandés
par les citoyens et les entreprises.
La transparence et la sécurité sont deux éléments cruciaux des écosystèmes d'information
ouverts. L'administration, les citoyens, les entreprises et les communautés d'intérêt doivent
pouvoir trouver le point d'équilibre entre la protection, l'ouverture, les risques et les coûts. La
sécurité n'est pas qu'une question de code informatique. Un cadre de sécurité équilibré, des
processus et une gestion transparents sont plus importants que le choix de modèles
techniques. Des standards ouverts de sécurité existent et peuvent être requis, que les
logiciels soient d'ailleurs eux-mêmes ouverts ou non. Bien que leur utilisation ne garantisse
pas à elle seule la sécurité, ces standards augmentent les chances que les vulnérabilités
soient détectées et corrigées. L'enjeu devient bien plus celui d'assurer la sécurité du
processus de construction de la réponse à une question, que celui de la sécurité des
informations elles-mêmes.
2.3.2 Innovation
L'innovation est fondamentale pour les gouvernements et les entreprises qui se trouvent
aujourd'hui plongés dans un environnement économique globalisé. Il est aussi important de
favoriser cet aspect dans le but de construire une industrie locale robuste.
S'orienter vers un écosystème d'information ouvert crée de nouvelles opportunités
pour les utilisateurs finaux que ceux-ci soient les citoyens, les entreprises ou les
-8-
9. Vers un écosystème d'information ouvert
administrations. Chacun peut réaliser à son niveau un bénéfice à mesure que l'innovation
et la collaboration entre entités produisent une sélection plus large de produits et de services
à coûts moindres en provenance d'un ensemble élargi de fournisseurs en concurrence. Au
fur et à mesure que les technologies, les formats et les protocoles deviennent plus ouverts et
accessibles, la diversité s'installe naturellement aussi bien au niveau du matériel que du
logiciel ou des services.
L'accès ouvert favorise aussi l'innovation. Des partenariats naissent plus aisément dans le
contexte d'un écosystème d'information ouvert que dans un monde propriétaire fermé. Les
problèmes complexes d'aujourd'hui ne peuvent plus être résolus de façon isolée et
unilatérale, que ce soit au niveau public ou privé. Les collaborations deviennent essentielles
et un système ouvert permet aux utilisateurs de renforcer leurs compétences et de construire
des communautés favorisant l'échange de savoirs. Bien que chacun reste maître de son
propre domaine, les connaissances et les expériences contribuent à un essor de l'innovation
dans la société.
Les gouvernements sont les garants de l'information des citoyens et des entreprises. Plus
cette quantité d'information digitale s'accroît, plus il devient important de savoir la gérer et de
garantir son stockage, sa modification, son partage, son analyse et sa synthèse sans
contraintes de la part d'acteurs extérieurs. En évitant les effets de verrouillage dans une
technologie propriétaire, les systèmes d'information ouverts permettent de mieux
préserver ses propres options futures et l'indépendance de tout revirement
stratégique d'un fournisseur particulier.
2.3.3 Croissance
Pour un grand nombre de gouvernements, un écosystème d'information ouvert devient
un facteur clé dans le développement économique local. On peut y voir un moteur de
croissance dans un cycle qui crée un accès plus facile aux entreprises et au secteur public
ce qui engendre à son tour des opportunités pour des entreprises sur le marché local.
D'autres points de vue présentent une facette différente entre concurrence et ouverture, mais
il est indéniable que les écosystèmes d'information ouverts sont aujourd'hui une force vive
dans l'industrie des technologies de l'information.
Les systèmes ouverts abaissent les barrières d'entrée des marchés et des communautés. En
s'accordant sur des standards ouverts interopérables, les entrepreneurs bénéficient de coût
inférieurs et de risques moindres car les implémentations sont plus faciles à réaliser et
tendent à se répandre plus largement. Ceci est particulièrement favorable pour le tissu
économique et social local qui doit fréquemment suivre le rythme des évolutions
technologiques avec des ressources moindres que les gros acteurs du marché.
Les fournisseurs jouent toujours un rôle important dans un tel écosystème, mais les cartes
ne sont plus toutes dans les mêmes mains, car l'accès et le contrôle des spécifications, des
protocoles, des formats et des processus restent ouverts aux acteurs intéressés, en
particulier aux usagers des technologies.
Les écosystèmes d'information ouverts ne sont pas la panacée et ne sont pas mis en oeuvre
du jour au lendemain. Ils contribuent fortement à replacer les technologies de l'information
au service de la société dans son ensemble, à valoriser le patrimoine sociétal constitué
par l'information et les processus qui la régissent et à favoriser la maîtrise et la
pérennisation des systèmes d'information. Ils sont inscrits dans une dynamique évolutive,
ce qui nous oblige à apprendre à les gérer différemment. Ces écosystèmes sont
hétérogènes, composés d'un mélange historique de technologies et de processus plus ou
moins ouverts. Réussir à conduire la transition vers un écosystème plus ouvert par rapport à
l'environnement qui l'entoure demande aux décideurs de voir plus loin que les seuls
changements technologiques. Il s'agit surtout de maîtriser les éléments de régulation qui
permettent de piloter les changements en tenant compte simultanément des variables
technologiques, économiques, sociétales et politiques qui façonnent notre monde.
-9-
10. Vers un écosystème d'information ouvert
3 STRATEGIE RETENUE
3.1 Au niveau sociétal
La stratégie retenue s'inscrit dans la continuité des actions entreprises jusqu'ici. Elle doit
donc être vue avant tout comme une stratégie de consolidation, que ce soit dans la prise en
compte des composantes politiques, sociétales, organisationnelles ou technologiques. Mais
au-delà du renforcement des bases sur lesquelles nous nous appuyons quotidiennement,
l'objectif est de créer les conditions favorables à l'émergence de l'écosystème d'information
ouvert esquissé au chapitre précédent.
Un tel écosystème permet selon nous de s'inscrire naturellement dans le changement de
paradigme qu'induit notre entrée dans la société du savoir. Il contribue notamment à mieux
répondre aux nouvelles missions du service public qui doit de plus en plus aller vers le
citoyen et le placer au centre de ses préoccupations. Mais derrière l'apparente simplicité de
cette intention se cache une réalité souvent complexe et difficile à mettre en œuvre tant elle
se heurte à des obstacles divers, que ceux-ci soient politiques, humains, organisationnels ou
technologiques.
La volonté d'ouvrir les systèmes d'information de l'administration genevoise vers le citoyen
se traduit avant tout par la volonté de mettre à disposition des services en ligne destinés à
faciliter et à étendre son accès à l’administration publique. Mais l'administration en ligne
présente une complexité qui ne caractérisait pas la plupart des projets informatiques mis en
place jusqu’ici et qui découle de plusieurs facteurs. Le premier est que par essence
l'administration en ligne va influencer fortement les structures de l’administration. Le second
est qu’elle dépasse largement le cadre purement technologique en raison notamment du
rapport très fort qu’elle entretient avec le citoyen en particulier et avec la société en général.
Et le troisième est que ses spécificités ne sont encore pas toutes définies.
Un autre défi auquel nous devrons pouvoir répondre est celui de l'innovation: le monde
dans lequel nous vivons évolue constamment et les cycles caractérisant ces changements
sont toujours plus courts. Cette réalité est particulièrement vraie dans le monde des
technologies de l'information et de la communication. Le CTI devra donc être à même de
faire profiter les utilisateurs des avancées significatives dans ce domaine en proposant une
architecture flexible, capable d'intégrer au mieux des technologies hétérogènes en constante
évolution. Mais ceci sans tomber dans le piège de la fuite en avant technologique et en
jaugeant toujours les solutions mises en œuvre à l'aulne d'un outil tel que le référentiel e-
Société qui permet de mesurer l'impact global des choix effectués.
L'innovation est également une plus value que nous pouvons cultiver plus efficacement avec
nos partenaires, publics et privés, que ce soit au niveau local, régional ou national. Un
certain nombre de nos partenaires naturels ont, et auront toujours plus à traiter des
problématiques similaires aux nôtres. A terme les potentialités des collaborations menées à
tous les niveaux devraient pouvoir s'exprimer au travers d'une véritable entité genevoise
dans le domaine des technologies de l'information et de la communication.
3.2 Au niveau organisationnel
L’administration en ligne recouvre l’utilisation de nouvelles technologies en vue de
transformer les administrations publiques et d’améliorer radicalement les contacts avec les
citoyens, les entreprises ou les autres administrations. Ces transformations se traduisent
notamment par une approche centrée sur les prestations, par une simplification de
l'administration, par une meilleure définition des nomenclatures métiers et par un
décloisonnement des divers services et départements. Mais lorsqu’il s’agit de faire
communiquer entre eux les différents systèmes d’information concernés, une transversalité
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11. Vers un écosystème d'information ouvert
croissante, qu'il faut envisager tant au niveau des données que de celui des processus, ne
va pas sans poser des problèmes à la fois techniques et organisationnels. La solution est à
rechercher au travers d'une approche globale, en évitant l'illusion d'une réponse uniquement
technologique. C'est plutôt au niveau d'une orientation services qu'il faut la rechercher (voir
§3.4.2).
Au niveau de la gestion de la connaissance, la transversalité implique une approche
pluridisciplinaire permettant de prendre en compte les besoins de chacun. La notion de
centres de compétence, que ceux-ci soient réels (entité structurelle) ou virtuels (via une
collaboration en réseau), constitue ainsi une piste que nous envisagerons autant que
possible.
La mise en œuvre de l'administration en ligne exigera la maîtrise de nos systèmes
d'information; et le domaine est bien trop complexe pour s'y aventurer sans carte ni
boussole. Une étape indispensable pour pouvoir aller sereinement de l'avant consistera donc
à cartographier les systèmes d'information. Une vision de ces systèmes dans leur
globalité ainsi que des interrelations qu'ils entretiennent entre eux permettra de mesurer les
impacts des changements politiques et législatifs et d'envisager les évolutions fonctionnelles
et technologiques qui peuvent en résulter.
La réalité actuelle des finances de l'Etat impose à l'administration genevoise d'inscrire ses
réalisations futures dans une perspective d'efficience à laquelle l'informatique devra
naturellement participer par une gestion rationnelle de ses ressources et des
investissements effectués mais à laquelle elle pourra également contribuer en
accompagnant activement le processus de simplification de l'administration et en facilitant la
mutualisation de nos développements avec nos partenaires.
3.3 Au niveau technologique
Les choix technologiques à venir devront s'inscrire dans la vision d'une administration en
ligne construite sur des structures décloisonnées qui savent gérer la transversalité. Dans ce
contexte ils seront confrontés à un double défi apparemment antinomique : permettre d'une
part aux processus métier et à l'organisation d'évoluer à un rythme souvent rapide, tout en
garantissant la stabilité des données utilisées par ces processus.
L'approche envisagée pour répondre à ces défis consiste à mettre en œuvre une
architecture orientée services (SOA pour Service Oriented Architecture) qui constitue une
véritable architecture d'intégration, à même de prendre en compte l'hétérogénéité des
solutions (voir § 3.4.2).
Mais le succès d'une telle approche dépend de la maîtrise de nos architectures basée
notamment sur des notions d'urbanisation et des pré requis d'interopérabilité et de
standardisation forts.
3.4 Eléments de base pour répondre aux impératifs identifiés
La stratégie retenue s'inscrit pleinement dans le changement de paradigme que nous
sommes en train de vivre et qui nous impose, et nous imposera toujours plus, de
continuellement adapter nos organisations et notre manière de fonctionner. La charge nous
incombe donc de favoriser l'émergence d'un écosystème d'information ouvert qui y
contribuera largement.
Le concept fondamental sur lequel s'appuie la notion d'écosystème ouvert est évidemment
celui d'ouverture. Ce mot doit être compris ici dans son acception la plus large qui peut
grandement varier suivant le contexte dans lequel il est utilisé. Il véhicule des valeurs
essentielles comme l'accès et l'usage à des ressources, que celles-ci soient du code
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12. Vers un écosystème d'information ouvert
informatique, des données, de l'information ou du savoir. L'ouverture constitue ainsi le
terreau sur lequel l'intelligence collective en réseau est la mieux à même de s'exprimer.
Un écosystème ouvert ne se décrète pas. Tout au plus peut on faciliter son émergence en
mettant en oeuvre les éléments essentiels à son développement. Nous en avons identifié
cinq qui constituent les piliers sur lesquels nous pourrons asseoir la stratégie retenue, à
savoir l'interopérabilité, l'orientation services, le passage des données au savoir, les
standards ouverts et les logiciels libres. Chacun de ces éléments amène sa contribution à la
notion d'écosystème ouvert, et par là même à notre stratégie, tout en entretenant avec les
quatre autres des liens étroits garants de la cohérence de notre approche.
Une clarification des notions d'interopérabilité, de standard ouvert et de logiciel libre est
donnée dans l'Annexe 1.
3.4.1 Interopérabilité
L’interopérabilité des systèmes d’information de l'administration genevoise constitue une
condition préalable indispensable si l’on désire mettre en place un service public compétitif et
orienté vers les services aux citoyens. Elle contribue également à des impératifs stratégiques
comme l’accessibilité, la sécurité ou la transversalité.
L’interopérabilité se situe au coeur du rapprochement des services de l'administration. Elle
garantit leur pérennité et leur accessibilité dans le futur. L’interopérabilité constitue une
exigence fondamentale pour développer une administration en ligne efficace, performante et
durable. Plus généralement, elle doit être considérée comme un élément clé des
architectures actuelles, qu’elles soient métiers, applicatives ou techniques.
Nous entendons porter à l'avenir la plus grande attention à la prise en compte des aspects
techniques liés à l’interopérabilité tout en rappelant que cet élément est nécessaire mais
pas suffisant lorsque l’on désire atteindre une interopérabilité effective. Même si la
technologie peut constituer un levier fort, l’interopérabilité doit avant tout être envisagée
comme une réponse à des besoins métiers en regard desquels les notions d’interopérabilité
sémantique et organisationnelle sont essentielles.
3.4.2 Orientation service
L'ouverture vers le citoyen et vers les partenaires de l'administration consiste notamment à
leur offrir des services qui répondent très directement à leurs attentes et à leurs besoins tout
en masquant la complexité des processus sous-jacents. Mais la complexité intrinsèque des
processus administratifs est encore accrue par la nécessaire transversalité qu'impose une
telle démarche. Il s'agit alors de partager des données décentralisées et d'orchestrer des
processus à travers différentes structures organisationnelles tout en s'accommodant de
technologies hétérogènes; la contrainte supplémentaire étant de garantir la stabilité des
données tout en préservant la capacité d'évolution des processus.
Une réponse à ces défis est apportée par les architectures orientées services qui
permettent d'installer la transversalité au cœur même des différentes structures
organisationnelles. Dans ces architectures, les services (porteurs de la logique métier) sont
construits comme des composants modulaires, de granularité plus fine que les applications
et présentant à la fois une forte cohérence interne et des couplages externes faibles.
Le fait de dissocier l'architecture applicative en composants de services discrets (qu'ils soient
services de moyens ou orientés citoyens) permet d'affranchir les processus métiers des
contraintes liées à une plateforme applicative. Cela favorise en outre le partage et la
réutilisation des données et des processus et contribue à réutiliser plus efficacement les
connaissances métiers qui y sont transcrites. De par leur modularité, les services fournissent
un environnement d'exploitation qui permet de rester centré sur les besoins des métiers et
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13. Vers un écosystème d'information ouvert
des utilisateurs dont l'évolution continue et parfois rapide nécessite une adaptabilité et une
flexibilité permanentes.
Il est fondamental en contrepartie d'avoir une vision axée sur les données (en termes de
redondance, de qualité et de cohérence). De plus une communication et une collaboration
véritables à tous les niveaux sont essentielles pour capitaliser sur une telle approche.
Dans le souci de répondre aux impératifs ci-dessus, la stratégie retenue envisage une
orientation service bâtie sur des standards ouverts qui s'y inscrivent de façon naturelle.
Gardons cependant à l'esprit le fait que l'architecture orientée services sur laquelle nous
nous appuierons durant les années à venir ne constitue que les prémices de l'architecture
événementielle de demain, seule à même de prendre en compte la dynamique et la
complexité croissante du monde dans lequel nous vivons.
3.4.3 Des données au savoir
Les térabytes de données stockés dans les serveurs de l'administration genevoise recèlent
des potentialités énormes, pour autant qu'on les envisage dans une perspective large. Ces
données constituent en effet le premier maillon de la chaîne qui les relie au savoir, via
l'information (en contextualisant ces données) et la connaissance (en donnant un sens à
cette information). C'est l'appropriation de ces connaissances qui constitue le savoir. Le
passage des données au savoir constitue l'un des défis auxquels il faudra savoir répondre
dans les années à venir.
La qualité, la sécurité et la pérennité de nos données constituent à cet égard les conditions
essentielles permettant de construire sur des bases solides. Mais les véritables enjeux se
situent au-delà. Car la vraie valeur ajoutée, pour le citoyen, pour les entreprises et pour
l'administration elle-même se situe au niveau de la valorisation, du partage et de la
réutilisation des données au travers de nos systèmes d'information. Et cette nécessaire
transversalité des données impose de les replacer au centre de nos préoccupations. Cela
passe notamment par une volonté affirmée de :
• Favoriser l'interopérabilité sémantique en se basant sur des standards ouverts;
• Créer des architectures de données interopérables;
• Donner les moyens techniques permettant d'améliorer la qualité des données;
• Permettre de stocker les données et d'y accéder de manière efficace, sûre et
pérenne;
• Créer des registres et des référentiels de données;
• Établir des vocabulaires de données (nomenclatures) communs;
• Contextualiser les données aux moyens de métadonnées;
• Donner du sens aux informations en favorisant l'utilisation d'ontologies;
• Réutiliser les données plutôt que les dupliquer;
• Garantir à la fois la transparence des données et de l'information tout en respectant
la sphère privée des individus.
La stratégie retenue envisage de proposer les outils et les infrastructures à même de
répondre à ces différentes problématiques, sachant que les vrais défis dans ce domaine sont
humains et organisationnels avant d'être technologiques.
3.4.4 Standards ouverts
La standardisation est au cœur de la notion d'interopérabilité que celle-ci soit technique ou
sémantique. Les standards ouverts répondent ainsi de façon très naturelle à la nécessité de
mettre en œuvre de manière maîtrisée et flexible la notion d'interopérabilité au sein et entre
différents écosystèmes d'information.
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14. Vers un écosystème d'information ouvert
L’utilisation de standards ouverts participe naturellement à la notion d’écosystème ouvert
avec pour vocation de répondre aux objectifs stratégiques suivants :
• Maximiser l’indépendance des utilisateurs en augmentant leur liberté d’action, en
évitant de leur imposer des décisions technologiques et en prévenant les
phénomènes de verrouillage de la part des fournisseurs informatiques. Car aussi bien
l’orientation que la vitesse d’évolution d’un standard ouvert ne peuvent être imposées
par un seul acteur.
• Contribuer à la maîtrise et à la flexibilité des systèmes d'information en garantissant
leur interopérabilité.
• Améliorer l’échange et l’accessibilité à l’information; capitaliser sur le savoir en
favorisant la valorisation des données et des informations.
• Favoriser la pérennité de l’information et de la connaissance puisque leur accès
n’est plus lié à un fournisseur informatique ou à un produit particuliers.
• Tendre à une meilleure gestion des coûts via une diminution du prix des licences
induite par une concurrence accrue. L’utilisateur peut ainsi choisir le composant
logiciel présentant le meilleur rapport qualité/prix.
• Assurer que tous les acteurs soient au même niveau (faible coût d’entrée sur le
marché) concernant l’utilisation de ces standards, ce qui favorise l’innovation.
• Réduire la fracture numérique en plaçant les standards ouverts au rang de biens
communs de l’humanité (gratuits, libres d’accès et de droits).
Il ne faut pas négliger non plus les enjeux politiques et sociaux auxquels peuvent répondre
les standards ouverts. Les rapports entre l’administration et les citoyens sont en effet en train
de changer. Ces derniers, dans un souci de transparence des institutions, revendiquent
toujours plus vivement la possibilité de pouvoir accéder aux standards mis en œuvre. Or seul
le processus d’élaboration d’un standard ouvert permet de prendre en compte valablement
les intérêts de la société civile.
3.4.5 Logiciel libre
L'utilisation des logiciels libres dans l'administration genevoise répond à des objectifs
stratégiques clairs :
• Permettre une plus grande neutralité dans le choix de fournisseurs et contribuer ainsi
à nous libérer de positions de monopole qui risquent de mettre en péril notre
indépendance.
• Assurer une meilleure maîtrise de nos systèmes d’information et favoriser ainsi leur
pérennité.
• Capitaliser sur les développements réalisés par et pour l'administration genevoise et
permettre leur mutualisation avec nos partenaires, favorisant ainsi une meilleure
maîtrise des coûts.
• Permettre une plus grande adaptabilité aux besoins des utilisateurs.
• Favoriser l'ouverture, la transparence et le droit à l’information pour les citoyens et
les entreprises.
• Contribuer à l’émergence de compétences et d’une économie locales liées au
développement de logiciels libres.
Les standards ouverts et le logiciel libre constituent les éléments importants d'un écosystème
ouvert. Ils partagent des bases communes puisque ils résultent tous deux d'un processus
d'élaboration collaboratif, auquel chacun peut contribuer, basé sur le partage des
connaissances et la réutilisation des composants. Cette philosophie amène naturellement la
plupart des solutions de logiciels libres à implémenter des standards ouverts.
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15. Vers un écosystème d'information ouvert
L’adoption de standards ouverts et de logiciels libres doit être vue comme un processus
global et rationnel. Ces éléments constituent un axe fort de notre stratégie mais ils ne
doivent pas représenter une fin en soi. L'accès au code source et l'ouverture des standards
constituent en effet des paramètres essentiels qui ne doivent cependant pas occulter
d'autres caractéristiques comme leur maturité, leurs qualités intrinsèques ou leur réponse
aux besoins exprimés.
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16. Vers un écosystème d'information ouvert
Annexe 1 : Clarification des notions
Les notions d'interopérabilité, de standard ouvert et de logiciel libre sont au cœur de la
stratégie retenue. Elles sont brièvement clarifiées ci-dessous.
Interopérabilité
L’interopérabilité désigne ici la capacité qu’ont ces technologies ainsi que les processus
qu’elles soutiennent à échanger des données et à permettre le partage de l’information et de
la connaissance.
Il est nécessaire de considérer l’interopérabilité comme une problématique globale.
L'interopérabilité passe en effet d’abord par la réorganisation des processus administratifs et
par la nécessité de prendre en compte la notion de partage de l’information. On considère
ainsi trois aspects fondamentaux liés à l’interopérabilité des systèmes d’information:
1. L’interopérabilité organisationnelle qui concerne principalement la modélisation
des processus métiers dans le but de prendre en compte la collaboration entre
services qui n’ont pas les mêmes structures organisationnelles et qui ne gèrent pas
des processus similaires. Pratiquement, il s’agit de s’assurer que les processus
pourront être facilement intégrés les uns aux autres et exploités par d’autres
utilisateurs. L’interopérabilité organisationnelle a notamment pour objectif de prendre
en compte les besoins des utilisateurs en proposant des services accessibles,
aisément identifiables et orientés vers eux. Cela passe par la nécessité de rendre la
complexité organisationnelle des services transparente pour les utilisateurs.
2. L’interopérabilité sémantique qui garantit que le sens exact des informations
échangées peut être compris par toute application qui n’a pas été conçue initialement
dans ce but. L’interopérabilité sémantique facilite l’agrégation et la réutilisation
d’informations hétérogènes (de par leur nature ou leur mode de création) et participe
ainsi de manière essentielle à la valorisation de notre patrimoine informationnel. Cela
va donc beaucoup plus loin que la simple connexion de différentes sources
d’information, l’objectif plus fondamental étant de faciliter le passage de l’information
à la connaissance.
3. L’interopérabilité technique concerne les aspects liés à la connexion des systèmes
et des services informatiques. Cela touche des domaines aussi variés que la
définition d’interfaces et de standards ouverts, l’intégration des données, la couche
middleware, la présentation et l’échange d’informations, l’accessibilité ou les services
de sécurité.
Standards ouverts
Retenant la définition proposée par la Commission européenne5, on peut qualifier un
standard d’ouvert si :
1. Il est adopté et maintenu par une organisation à but non lucratif. Son développement
se fait sur la base d’une procédure de décision ouverte disponible à toutes les parties
intéressées (par consensus ou à la majorité par exemple).
2. Il a été publié et sa spécification est disponible soit gratuitement, soit à un coût
nominal. Il doit être permis à chacun de le copier, de le distribuer et de l’utiliser soit
gratuitement, soit à un coût nominal.
5
European Interoperability Framework for Pan-European eGovernment Services, IDABC, Commission
Européenne, 2004, http://europa.eu.int
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17. Vers un écosystème d'information ouvert
3. La propriété intellectuelle, c’est-à-dire les brevets éventuels, de tout ou partie du
standard est cédée irrévocablement sur une base libre de royalties.
4. Il n’y a aucune contrainte à sa réutilisation.
Du point de vue des organismes étatiques et para-étatiques, l’ouverture des standards
constitue une qualité première lorsque l’on désire développer une relation tournée
directement vers les citoyens et les entreprises. D’une part, leur définition et leur évolution
constituent les enjeux d’un débat public dans lequel peuvent intervenir un grand nombre
d’acteurs concernés; d’autre part, comme leur utilisation ne peut être contrôlée par un seul
acteur, celui qui veut les intégrer à de nouveaux produits peut se les approprier. Cependant,
en tant que biens collectifs, ils n’appartiennent à personne dans le sens où aucun acteur ne
peut profiter plus qu’un autre de la valeur ajoutée générée par l’adoption publique d’un
standard.
Logiciel libre
Selon la Free Software Foundation6, un logiciel est considéré comme libre si sa licence
garantit à l’utilisateur les quatre libertés suivantes qu’elle numérote de zéro à trois :
0. La liberté d’exécuter le programme, pour tous les usages.
1. La liberté d’étudier le fonctionnement du programme et de l’adapter aux besoins.
Pour ceci l’accès au code source est une condition requise.
2. La liberté de redistribuer des copies, donc d’aider son voisin.
3. La liberté d’améliorer le programme et de publier des améliorations, pour en faire
profiter toute la communauté. Pour ceci l’accès au code source est une condition
requise.
Le logiciel libre représente aujourd’hui bien plus qu'un simple phénomène de mode. Le
support professionnel s’organise et de grandes, moyennes et petites entreprises offrent leurs
compétences dans le domaine. Des projets de logiciels libres d’envergure se fédèrent autour
de communautés organisées ayant un mode de fonctionnement et une feuille de route clairs.
Le modèle même du logiciel libre est robuste aux changements économiques, car le produit
ne dépend plus d’un seul acteur, mais d’un écosystème qui lui permet de vivre et d’évoluer.
6
Free Software Foundation, http://www.fsf.org/
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