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Une dédicace particulière à trois femmes qui ont
jalonné mon début de parcours et m'ont fait envie de la
science et de l'écriture au travers de leurs cours :
Maude Mérinis, Christine Belcikowski et Isabelle Hare.
–
Ouvrage rédigé par Julien Garderon.
Toute reproduction est formellement
interdite sans autorisation préalable.
// Sommaire – 4
/ / S O M M A I R E
>> Préambule.............................................7
Intelligence-s................................................7
Vers un soutien mutuel ?.............................15
< ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de
média.........................................................19
Réflexions sur la revue de presse et la veille
dans le domaine politique...........................19
La lente agonie de la « revue de presse » ?...19
Les applications mobiles : des tueurs finaux.19
Veille et revue de presse................................21
La culture du groupe ou de l’individu ?........25
La veille en politique : concepts avancés à
partir des travaux de LESCA......................28
Définition de la veille stratégique.................29
Mode de fonctionnement...............................31
Le terme de « stratégique »...........................32
« Les types de veille »...................................34
« Volontariste »..............................................35
« Intelligence collective »..............................36
L'« environnement »......................................39
« Créer »........................................................41
« Anticipation ».............................................41
< CLASSER ET COMPRENDRE /> – La
gestion des connaissances........................45
« BaseC » et l'IMAP comme point de départ
...................................................................46
L'IMAP, un protocole adapté.........................48
L'exemple de la pomme !..............................51
Dépasser les limites de l'IMAP ?...................54
Google, ce précurseur....................................56
Vers des nouveaux principes dans la gestion
des connaissances personnelles...................57
Le principe de la mesurabilité.......................57
Le principe des ensembles de connaissances 58
Le principe d’ordonnancement faible............59
Le principe d’incertitude...............................61
Le principe de la mesure de l’intrication.......62
< SYNTHÉTISER /> – Les 3 vérités et
leurs portées.............................................64
Définition de la vérité politique, la vérité
administrative et le rapport à la réalité........64
La vérité n’est pas réalité...............................64
La formalisation et l’informalisation.............66
La décision, un nombre infini de questions et
l'action forcément restreint du choix.............67
Un quotidien complexe.................................71
Qu'en retenir ?...............................................73
Dernière minute…......................................76
Responsable mais pas coupable ?..................77
La politique au carrefour du commerce ?....81
L'extension du « domaine du politique » ?....81
Le politique une marque, vraiment ?.............84
Les deux « pour tous »..................................86
< MANIPULER /> – Agir sur son
environnement..........................................89
La dernière étape, mais pas l'ultime étape...89
>> Postambule..........................................99
// Sommaire – 5
// Sommaire – 6
> > P R É A M B U L E
Intelligence-s
Avant toute chose, la définition de ce que souhaite être cet ouvrage : il ne se revendique
pas comme un travail universitaire mais comme un essai au sens propre. Il offre un
parcours pour l'esprit et certaines approches qui, espérons-le, mises ensemble et
coordonnées, peuvent fonder une toute nouvelle discipline d'étude. Et une toute nouvelle
approche de la politique : c'est-à-dire de l'ensemble des éléments qui concourent à la
décision publique, sous toutes ses formes (débats, élections / choix des décideurs,
modalités de la décision publique et de son application).
Il n'est pas non plus un brûlot sur l'Intelligence Économique (IE), bien que l'image de
prime abord pourrait être celle-là à l'occasion plus loin dans le document, du commentaire
de quelques textes choisis. C'est un essai qui se veut complémentaire à et non
remplaçant de l'IE, en offrant une nouvelle perspective non dans le domaine privé et
économique, mais celui politique et public. Ce domaine public qui est d'ailleurs une des
clés de la structure du secteur économique (organisation, limites / règles, etc.) et que l'IE
cherche à influer en faveur, le plus souvent, d'un intérêt particulier.
Voilà bientôt 10 ans que je suis, d'une manière ou d'une autre1
dans cet univers à un
niveau local (échelons départemental et régional). Cela ne m'apporte pas une légitimité
particulière... mais cela n'en retire aucune non plus.
Si j'ai une expérience personnelle et des opinions, c'est malgré tout avec un certain
soucis « d'universalisme France2
» que j'ai écrit, à défaut de pouvoir prétendre à une
écriture universitaire par manque de temps pour approfondir parfois certains points
comme je l'aurais souhaité.
Plusieurs raisons m'ont poussé à l'écriture :
• Poser sur le papier mes premières observations, pour les soumettre au
jugement des experts, des connaisseurs, de tout à chacun. Si cet essai se veut
accessible, comme un parcours didactique (parfois erratique ?), qui tente de
1 Militant, cadre de parti, collaborateur d'élus, observateur attentif...
2 Je n'aborde jamais les autres pays du monde, me cantonnant aux débats et procédures français
contemporains. Sans fausse modestie, juste un souhait d'efficacité immédiate…
>> Préambule – 7
nommer et de définir quelques concepts-clé, il se veut tel une sorte de
« sommaire » des sujets de ce domaine en devenir. Il n'est ainsi exempte ni de
reproches et ni d'erreurs.
• Élargir le débat sur la décision publique, entre les nouvelles approches (la
« fin » des grandes idéologies ; la « démocratie participative » ; le poids
grandissant des collectivités territoriales, etc.) et d'anciennes problématiques (le
lobbying, le mot moderne pour l'action d'influence de quelques groupes / de
quelques personnes sur le reste d'un système, d'une organisation ; le poids du
débat partisan sur la rationalité de la décision).
Ainsi, si l'Intelligence Économique influence-t-elle les Pouvoirs publics – ou le
tente-t-elle... – , il me semble logique, naturel, équilibré et même raisonnable que
l'inverse soit vrai : une forme d'équilibre de la terreur entre, par exemple, le
chantage à la norme d'un pouvoir public et chantage à l'emploi d'une entreprise
privée…
• Être une « vitrine » ultérieure sur ce sujet : le projet d'une thèse doctorale me
semble être la seule voie viable pour permettre à ce sujet d'exister de manière
sérieuse… Mais c'est là un autre exercice.
Un point sur la méthode choisie : tout au long de cet essai, je prends des documents
divers qui m'ont servi comme points de repère. S'il y a de ma part un style d'écriture
critique voire acerbe, je les ai gardés à cause de leur qualité ou du poids qu'ils peuvent
occuper dans les esprits.
Aussi je demande à leurs auteurs de ne prendre cet essai que pour ce qu'il est. Ma
volonté n'est pas de les maltraiter mais de tenter de poser un regard que j'espère neuf et
adapté au domaine dans lequel j'évolue.
Commençons par un brin d'historique et de contexte : les termes même, « intelligence »
(au sens du renseignement et non de la qualité d'une faculté cognitive quelconque...) et
« politique » (au sens de la vie de la cité), revendiquent tous deux un attachement à un
domaine universitaire établi : celui de l'Intelligence Économique, mon secteur
professionnel d'origine.
Voici ce qu'en dit l’État, par le biais de sa Délégation à l'Intelligence Économique,
notre référence commune et provisoire3
:
3 Voir : http://www.intelligence-economique.gouv.fr/qui-sommes-nous/quest-ce-que-lintelligence-
economique
>> Préambule – 8
L’intelligence économique (IE) est un mode de gouvernance
fondé sur la maîtrise et l’exploitation de l’information
stratégique pour créer de la valeur durable dans une
organisation. Elle se décline en veille / anticipation, maîtrise
des risques (sécurité économique) et action proactive sur
l’environnement (influence). (…) L’intelligence économique
(IE) consiste à collecter, analyser, valoriser, diffuser et
protéger l’information économique stratégique, afin de
renforcer la compétitivité d’un État, d’une entreprise ou
d’un établissement de recherche. (…)
En France, si l’intelligence économique (IE) s’est développée
de façon empirique dès la fin des années 1980, grâce
notamment à l’action conjuguée de personnalités issues de
milieux très variés (universitaires, fonctionnaires,
représentants du monde de l’entreprise, du milieu consulaire,
de la défense nationale, etc.), son développement s’est
véritablement accéléré en 1994 à partir du rapport d’Henri
Martre4
.
« Intelligence » provient(drait?) d'une mauvaise traduction d'intelligence en anglais,
signifiant « renseignement ». C'est d'ailleurs le cœur du débat sur l'IE : est-ce un domaine
du pur renseignement et de la manipulation au sens militaire, cadrés et bornés par des lois
civiles, ou est-ce plus largement une des voûtes rassembleuses (parfois un peu
« marketing ») des domaines de la science de l'information et de la gestion, bref un des
outils à la mode pour l'administration efficace d'une entreprise ?
Les apôtres français ont gardé le cycle de l'information comme point de repère. Ils
penchent pour l'esprit du renseignement élevé au rang d'une science. Cependant beaucoup
des pratiquants contemporains baignent dans un « technicisme » permanent et aux
frontières communes avec les sciences de gestion, du comportement, de la communication
et d'autres domaines des Sciences Humaines, qui font de l'IE une matière désormais bien
différente de son origine – bien moins « militarisée » et cadrée. Je le dis sans jugement
négatif, peut-être ce schisme entre tous ces praticiens provient-il de leur origine
respective : nombreux sont désormais issus du civil et ne perçoivent leur fonction dans le
système qu'à l'aune de leur salariat au sein d'une organisation ?
4 Voir : http://www.intelligence-economique.gouv.fr/qui-sommes-nous/quest-ce-que-lintelligence-
economique/historique
>> Préambule – 9
Plus prosaïquement, l'Intelligence Économique part pourtant d'un principe guerrier et
clair : l'économie est une bataille permanente et, à l'échelle d'un État ou d'un groupe
important, une guerre (sans merci). Le renseignement et la tactique militaire s'y
appliquent dans le respect des règles de l’État dans lequel il agit, sauf (fréquentes?)
exceptions, car ce sont des acteurs privés qui agissent pour leurs propres intérêts et donc
qui fondent leurs actions d'intelligence économique. Difficile d'être un bon praticien IE
sans être pleinement engagé : le signal faible ou la gestion du risque pour son
organisation, n'est pas arrêté à 20h à la débauche et il faut veiller aussi sur les « ennemis
de l'intérieur »…
Sur la partie universitaire et comme souvent en sciences sociales ou sciences des
organisations, deux grandes écoles de pensées s'affrontent au sein de l'IE. Je les résume à
gros traits : tout d'abord ceux qui voient l'IE comme fondamentalement une science de
gestion, qui se veulent être plutôt d'un côté « positif ». Il s'y retrouve à la fois l'action
moins de renseignement que d'acquisition d'informations et souvent une pensée de
recherche (universitaire, ou juste théorique) n'y serait développée sur des « bonnes
pratiques » – celles « admissibles » en quelque sorte.
Bref l'IE y serait aussi (avant tout ?) une question de sécurité économique avec un
spectre réduit d'actions et d'intérêts : la défense de ses brevets, d'une « gentille » influence,
des sources « blanches », etc. L'angle techniciste n'est jamais éloigné comme je l'indique
plus haut : la veille et la gestion de l'information y seraient surtout une affaire de systèmes
numériques et d'organisation sociale.
J'en suis issu de part mes études, même si je n'en partage pas ni l'angélisme de
certain(e)s (parfois un peu naïfs) ou au contraire la fausse pudeur de beaucoup (« nous
dans l'illégalité ou sans moralité ? Jamais ! »). La légalité n'empêche pas une forme de
cruauté ou de manipulation – cela rend juste juste l'action entreprise régulière au regard de
la loi. L'éthique se confond souvent avec la morale…
Et l'économie « ouverte » de notre pays baigne d'occasions de se montrer redoutable.
Cette compétition est sans cesse plus vive entre les nations à l'heure où notre monde
physique fini révèle chaque jour davantage ses limites, devenant finalement des frontières
géographiques… par exemple les bassins d'exploitation des sous-sols pour les
hydrocarbures ou les métaux rares.
>> Préambule – 10
A l'inverse viennent les tenants d'une branche dure, parfois plus beaucoup plus dure,
qui n'hésitent pas à être sur la « ligne jaune » voire franchement au-delà lorsque la
situation « l'exige ». Les sources « noires » ne sont alors pas un problème, du moment
qu'on y met une « éthique de soldat »… et que l'on ne se fait pas repérer ! Pour cette école,
l'IE revêt toujours un aspect sinon militarisé5
, à tout le moins un côté « guerrier »
prononcé. Il y est moins fait question de la théorie qu'une efficacité « sur le terrain » et de
l'expérience. J'ai une tendance naturelle, de par mon caractère, à y adhérer : mes buts –
l'efficacité régionale et le contrôle démocratique – sont-ils moins nobles ?
J'assume peut-être plus facilement que d'autres certaines pratiques que je juge
courantes et que j'observe à tous les niveaux. Je préfère le risque d'une irrégularité
marginale à celui d'une absence « d'assurance-vie » et des conséquences non moins
néfastes que représentent les manœuvres d'en face lorsque j'enquête sur des sujets
particulièrement sensibles et où mes intérêts personnels pourraient être (légalement) remis
en cause par « simple » mesure de rétorsion.
Ainsi si la loi y est globalement respectée, le débat moral comme le respect d'une
pensée universitaire stricte n'est pas le fort de ce courant : l'adaptation et l'efficacité
sont, respectivement, le moyen et le but principaux. Cela ne doit pas pour autant rimer
avec « barbouzeries » systématiques : même la guerre a ses règles.
Pour rester dans ce schéma volontairement binaire – que les puristes du secteur
jugeront à raison obsolète –, ces deux écoles forment les deux volets de l'histoire même de
l'IE, entre le monde professionnel (militaire et civil) et les intérêts économiques d'un État
qui apporte son poids au sein des tractations, notamment au niveau international, où la
finalité compte plus que les moyens, et les pures universitaires, qui cherchent à rendre
cohérent un ensemble de pratiques (surveillance, manipulation, stratégie de conquête,
etc.), parfois en les condamnant et en s’appuyant avant tout sur l'état de l'art théorique
dans différents domaines universitaires avec, marginalement, les retours de
professionnels.
Tous ont tort (m'y incluant) car tous ont finalement une vision limitée d'un champ
toujours plus vaste qu'eux-même, leurs observations, leurs actions et leurs travaux.
Ainsi l'humain n'est-il jamais seul « à avoir raison » et « à connaître » lorsque le sujet
touche à lui-même et ses semblables… mais il est, avec ironie, souvent bien le seul à
5 Pas seulement dans les termes, mais aussi dans le matériel (système d'écoute et d'interception,
etc.) et les pratiques utilisées.
>> Préambule – 11
décider pour d'autres et pour son groupe ! C'est fréquemment la légitimité qui emporte
la décision face à des tiers et leur respect de celle-ci : c'est la première observation que
je garde pour l'IP.
Enfin il y une troisième école (qui n'en est pas réellement une, car ce n'est jamais que
la fréquence des « mauvaises » pratiques qui y est plus forte), désormais décriée par à peu
près tous… mais toujours active, car utilisée. Certain(e)s diraient que ce sont les plus
extrêmes : on les surnomme les « barbouzes », les « officines ». Leurs moyens et leurs
objectifs sont rarement légaux.
Une seule règle : ne pas se faire prendre ; tout y est autorisé. Le cas de l'ex-
entreprise Blackwater6
, une force privée que de nombreux observateurs ont qualifié de
première armée privée au monde (armée de mercenaires cependant) est un exemple…
frappant. En matière de sécurité nationale, les intérêts de l’État, du Gouvernement, d'une
entreprise ou d'un groupement se confondent très souvent dans ces affaires où rien ne peut
être réduit à certitude. C'est un des reproches qui peut être fait dans certains groupes de
réflexions à l'industrie de l'armement ou d'agglomérat d'industriels généralement en
position quasi-monopolistique. Nous verrons grâce à l'IP que certains de ces schémas
entre intérêts nationaux et organisations privées, État et connivence des responsables
publics et privés, se retrouvent au niveau local sous bien des aspects sur des sujets de
moindre importance, notamment pour conserver des emplois locaux.
Malgré tout ce type de profils barbouze n'est pas si courant et leurs pratiques ne se
trouvent pas à chaque coin de rue : le vol, l'escroquerie, la manipulation à un stade avancé
et sans retenue (par l'entourage, la famille, etc.) grâce notamment au MICE – Money
Ideology Compromission Ego.
Souvent sources de fantasmes, leurs comportements forment une conséquence
inattendue : conforter les thèses actuelles du complotisme en apportant, çà et là, des
éléments factuels à certains délires (complot « reptilien », etc.), qui parasitent un
nécessaire travail de fond pourtant indispensable sur la réalité des pouvoirs occultes7
.
6 Leur fiche Wikipédia est un bon point de départ dans la découverte de ce milieu !
https://fr.wikipedia.org/wiki/Academi
7 Définition du Larousse : Qui agit ou qui est fait de façon secrète, dont les buts restent
inconnus, cachés. Pour ma part, je les qualifie ici de non représentés légalement et
« publiquement ». Ainsi un service secret national « action » n'est à mon sens occulte qu'en
ayant obligatoirement ces deux caractéristiques.
>> Préambule – 12
Les dénégations des acteurs qui seraient impliqués dans de tels pouvoirs étant parfois
suivis de cinglants démentis par la Justice ou par des enquêtes de presse... sans
nécessairement disposer d'un lien avec le complot supposé. Ces dénégations une fois
démenties ou l'honneur de la personne mise en accusation, confortent la représentation
populaire d'un « système pourri » – sans que l'on sache ce que recouvre le terme de
système… –, et fait miroiter à une partie de la population des chimères de dérives
diverses, organisées et systématiques à tous les niveaux du « pouvoir ».
Notons que la politique a aussi les siennes, d'officines : on les surnomme les « cabinets
noirs », ceux qui ne sont jamais dans la lumière – et ne doivent pas y être. Volontairement
je ne les aborde que peu dans cet essai et toujours d'une manière détournée : ils méritent
en soi un ouvrage, lui-aussi en cours de rédaction. Les témoignages dans la presse de
l'existence et du fonctionnement de ces cabinets sont nombreux. Ces cabinets sont eux-
mêmes innombrables et se chevauchent :
• par la nature de leurs intérêts (commerciaux, financiers, politiques, publics,
personnels) ;
• par leur composition (même personnes dans un ou n cabinets : cadres, élus,
candidats, etc.).
Pour nous aujourd'hui il conviendra seulement de les garder dans un coin de l'esprit,
notamment sur les aspects liés à l'organisation effective du monde politique et partisan.
Ma définition du Cabinet noir sera sommaire j'en conviens : ils sont unitairement un
groupe plus ou moins identifié d'agents influents pour un objectif donné et souvent
général (« les intérêts de… ») – où noir n'est pas nécessairement synonyme d'interdit,
mais avant tout d'absence de formalisme public et institutionnel, malgré le poids de
ces cabinets, réel quant à lui, sur la décision publique et l'environnement politique et
médiatique.
>> Préambule – 13
En conclusion de ce préambule, l'Intelligence Économique est, depuis longtemps et de
fait, reconnu comme un outil essentiel par un grand nombre d'observateurs étatiques ou
nationaux et, de plus en plus souvent, d'acteurs agissant locaux ou d'une taille de moindre
importance. Ce phénomène de généralisation de l'IE se comprend à l'aune d'une
compétition internationale de plus en plus forte, y compris et peut-être avant tout dans la
sphère européenne (phénomène de généralisation de la sous-traitance associée au politique
de dumping fiscal et social). Par ailleurs les Service de renseignements et d'action n'ont
plus certaines de leurs libertés d'autrefois pour pallier aux risques qu'imposent ces
ouvertures économiques ; mais l’État ne veut ni ne peut rester insensible au sort de ses
entreprises comme de ses propres intérêts « stratégiques » dans la compétition
internationale et alors que les capitaux étrangers sont autant de moyens de forcer les
portes de structures privées.
Même non formalisée actuellement, l'Intelligence Politique existe. Elle est déjà un
maillon nécessaire dans cette bataille, de manière opérationnelle et pédagogique vers le
secteur politique et de plus en plus souvent à tous les niveaux des institutions publiques ; y
compris dans les guérillas administratives que se livrent les collectivités entre elles, vers
l’État ou face aux pressions qu'elles subissent pour une question d'approche, d'efficacité
ou avant tout de sensibilité à ces sujets primordiaux.
Cependant, pour agir, faut-il correctement savoir, comprendre, analyser
l'environnement politique de la part des élus, leurs collaborateurs, leurs Services, leurs
soutiens ou leurs détracteurs ; être capable aussi de se placer dans un échiquier vaste,
mouvant, où les élections forment des temps rapprochés où se définissent en permanence
des rapports des forces et des « majorités d'intérêts ». Où l'actualité agite en permanente
un microcosme d'individus agissant au nom de tous, propre de la démocratie
représentative, pour le meilleur comme pour le pire. Enfin sans oublier que de nombreux
élus ont plusieurs mandats, parlementaires ou locaux, parfois des portes-feuille
ministériels et que ce n'est pas sans incidence sur les organisations publiques et les
organisations partisanes.
En exemple et dernièrement dans la presse, se montait dans la grande Région fusionnée
Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes un groupe qui se revendique d'influence des
majorités départementales de droite pour faire plier la majorité régionale de gauche, elle-
même ayant sa propre représentation d'intérêts auprès des instances européennes à
Bruxelles.
>> Préambule – 14
Je ne sais pas si l'action des Départements ira jusqu'au bout mais elle est un signe
supplémentaire visible d'une prise de conscience de l'ambivalence que revête le terme
d'« influence » associé aux termes de « pouvoirs publics » (qu'ils soient par les élus ou
non).
Ainsi l'Intelligence Économique est le père de l'Intelligence Politique ; la Politique
est la mère. Et la décision publique la clé de tout pour peu que l'on s'accorde dans ce
couple infernal.
Vers un soutien mutuel ?
Ou, dit autrement, le retour à une France « stratège » ?
Le 26 mai 2014, Christian Harbulot tenait une conférence8
sur son ouvrage
« Sabordage. Comment la France détruit sa puissance9
». Il expliquait grâce à son passé
et ses expériences, comment s'étaient construites son opinion et l'histoire de l'IE par les
hommes qui l'ont faite. C'est le premier document intéressant que j'ai sélectionné pour cet
ouvrage.
Aujourd'hui directeur de l’École de Guerre Économique (école privée), l'homme est
respecté dans un domaine qu'il maîtrise. Cet essai lui est aussi destiné à titre personnel, s'il
devait trouver un intérêt aux premières conclusions que je défends…
Sa conférence évoquait les liens entre les pouvoirs publics, le développement
économique (plus exactement « l'enrichissement » de l’État) et le concept de puissance. Il
replace ainsi l'importance de l'économie dans les rapports de force moins comme une
finalité ultime et du 'bonheur des peuples', que la poursuite des moyens de l’État et du
renseignement étatique à des fins de maintien de la puissance publique.
Ce « renseignement10
» qui ne doit pas être seulement sur des missions de sécurité et de
sûreté de ce même État : il lui faut également agir activement sur des cibles diverses
(population, décideurs par les relations publiques et la médiation culturelle) dans et hors
de son territoire national.
8 La vidéo de son intervention est disponible à cette adresse :
http://www.dailymotion.com/video/x1yxhgq_christian-harbulot-comment-la-france-detruit-sa-
puissance_news
9 Aux éditions François Bourin. ISBN: 979-1025200346 (17 avril 2014).
10 De tout ordre. Mais n'est-ce pas très limitatif de le qualifier ainsi… ?
>> Préambule – 15
Christian Harbulot l'affirme et je partage son analyse : dans la guerre de
l'information, le contenu est certes une priorité. Mais l'attaquant a toujours une
prime, forte. En somme une logique d'empire, faite de conquêtes culturelles et
politiques.
Pour garantie notre survie, iI nous faut (re)gagner à l'échelle du globe une partie de
l'influence sur les grandes décisions qui engagent les nations toutes entières et les marchés
qui vont avec, ceux qui font tourner nos économies : c'est pour l’État français l'obligation
ardente d'attaquer. Mais qui ? Tout le monde y compris – voire à commencer par – ses
alliés ? M Harbulot semble affirmer que oui, évoquant tour à tour les exemples des USA,
de l'Allemagne et du Japon qui, chacun à leur manière et à leur époque, ont su tirer profit
de cette guerre des contenus. Je l'approuve sans réserve.
D'une nature « européen fédéraliste », ma position pourrait surprendre car je crois que
c'est au sein de l'UE que devraient commencer nos « attaques ». Elle est bien au contraire
raisonnable : c'est faire de la France, sa politique, ses mœurs et sa culture, son histoire
et sa langue, le point d'ancrage d'un continent entier. J'avoue que c'est là le retour à
une vision universelle des « valeurs historiques » de la France, considérée et reprochée
peut-être comme à une forme différente, moderne et altérée de colonialisme. Est-ce
grave ? Probablement si on s'en tient à des idéaux de respect des cultures et des modes de
développement. Et c'est là où entre en jeu le véritable défi intellectuel pour notre pays :
assumer l'égalité réelle des personnes et des cultures lorsque cela va à l'encontre de soi-
même et alors que ce soi porte justement la défense de l'égalité que d'autres n'ont peut-être
pas envers nous ou envers les tiers.Un débat impossible car sans conclusion.
Seuls, je doute d'une vie paisible présente et future pour notre pays et sa population. Il
nous faut donc conquérir l'Europe pour assurer une logique de développement qui
soit la nôtre et que je considère pour ma part comme bonne pour le développement de
tous les citoyens. Le fédéralisme européen n'implique pas d'être béat sur les enjeux sous-
jacents, notamment ceux culturels et économiques.
Christian Harbulot parle également dans sa conférence des personne(age)s qui ont
concouru à la définition de l'IE en France, dont le point de départ semble être quasi-
unanimement fixé par le « rapport Martre11
». Il y oppose un système politique et public
établi, peureux face aux changements et aux actions qu'imposent les évolutions du monde,
et face à quelques hommes audacieux qui ont su raisonner autrement. En cela, il saura
dans mon essai y trouver, j'espère, une poursuite de ces propos : l'humain et sa vision
l'emportent souvent, même lorsque cet humain est parfois contraint dans un système
11 Le document est accessible à l'adresse : http://www.iecentre.fr/IMG/pdf/martre1994.pdf
>> Préambule – 16
qui le dépasse, parce qu'il incarne plus que lui-même ou le croit-il ; parce qu'il tente
d'agir en fonction d'intérêts que son environnement ne perçoit ou ne comprend pas
toujours mais qui finissent par se révéler à lui.
Finalement ces hommes n'ont pas seulement permis l'émergence d'un début de
réflexion sur l'IE en France – réflexion poursuivie par d'autres depuis –, ils ont aussi veillé
sur les pensées étrangères, sur des systèmes étrangers. Une veille stratégique par l'analyse
comparée des situations et des pays dans l'histoire. Comment les « aventures humaines »
qu'il évoque, permettent un syncrétisme sur la pensée stratégique12
et font de l'IE un
domaine de qualité et pour lequel il nous faut collectivement prêter attention.
Une veille sur nos voisins, concurrent ou non, est probablement le sujet le plus
commenté et le plus présent au sein de la « communauté de l'IE ». Une place de raison
mais aussi de cœur suivant l'adage : « Savoir c'est pouvoir ».
Cependant le directeur de l'EGE sait aussi faire mouche loin des images d’Épinal :
aujourd'hui la France a abandonné les notions et les concepts de « puissance » à d'autres
(souvent des pays, parfois des organisations privées) ; le pays serait comme « enfermé »
dans une liasse de croyances par une « élite » politique et publique qui n'aurait plus de
prise avec la réalité – la vraie, celle qui « n'est pas au JT » (absence d'ouverture réelle des
marchés internationaux, monopoles partout et surtout dans le numérique, retrait militaire
américain et ses conséquences, etc.).
Cet essai est aussi un appel que je lui lance : et si nous utilisions l'IP en devenir
comme levier culturel auprès de nos décideurs publics ? Ces mêmes élites, qui n'en
sont pas toujours13
, et qui n'ont pas nécessairement une volonté de se faire écraser par
d'autres puissances nationales et / ou continentales, seraient plus sensibles aux messages
de l'IE si déjà, dans leur travail quotidien, les grands principes élémentaires de
l'intelligence étaient leurs outils intellectuels traditionnels.
Des principes qui sont similaires à l'IE et l'IP : je crois en effet que son combat pour
« réveiller » les élites non seulement vain (ce qui n'est pas très grave, sauf pour lui) mais
aussi et surtout contre-productif (ce qui nous touche tous donc).
12 Et donc vers UNE pensée stratégique unique et universelle… ?
13 Les collectivités locales ont un poids de plus en plus important ! Comme les organisations à
capitaux mixtes et les nouvelles formes de services aux publics.
>> Préambule – 17
Personne (ou guère ceux qui le devraient) ne se sent visé lorsque le terme d'élite est
prononcé – surtout si le terme est employé pour une critique. Car bien rare sont ceux qui
se voient comme une « élite figée » et passéiste... Plutôt que de fournir une énième
critique, certes fondée, tentons une approche positive et plus subtile, plus « IE » :
sensibilisons-les grâce à leurs propres recherches d'intérêts. « Vous voulez le pouvoir
et le conserver ? On va vous y aider ».
>> Préambule – 18
< A C Q U É R I R / >
– L A V E I L L E E T L A R E V U E D E M É D I A
Réflexions sur la revue de presse et la veille dans le domaine politique
La lente agonie de la « revue de presse » ?
Exercice difficile, souvent mal traitée et mal aimée, la revue de presse (RDP) tente
d'informer une organisation et ses dirigeants des aléas des événements. L'actualité n'y est
pas forcément décortiquée sous une forme résumée ou complétée en sus, même si c'est un
avantage indéniable d'avoir un contexte détaillé.
Cependant face aux médias qui explosent en nombre et en termes de contenus générés
(d'ailleurs le plus souvent sur des sujets finalement identiques), aux « alertes » et à
l'information « instantanée », la revue (souvent matinale) devient désuète voire
dangereuse : elle n'a plus vraiment de sens ni d'intérêt, n'offre plus la diligence que l'on
attend dans les cercles de pouvoir.
Les applications mobiles : des tueurs
finaux
Avant « c'était facile ». En résumé, ce qui était (ce qui est encore, parfois...)
particulièrement fréquent dans le domaine politique et dans les organisations privées d'une
taille honorable : le secrétariat de direction (ou d'élus, ou de cabinet, ou des groupes
politiques des assemblées) produit une reproduction « ré-agencée » et réduite des
principaux journaux intéressants de la presse écrite (par secteur, par lieu géographique,
etc.) au format numérique ou papier. La vidéo et le son (sinon par des services
spécialisées14
) ne sont pas traités ou de manière subalterne, par référence.
La pertinence de chaque item / article prime alors dans la sélection et l'organisation
finale de la RDP et, finalement, l'observation de cette pertinence repose sur les épaules de
personnes qui n'ont, souvent, jamais été formées à cela (secrétariat, assistant de gestion
ou de direction). Ils n'ont alors pour seul repère que leurs propres normes et la culture (le
14 Notamment grâce à la reconnaissance orale automatique.
< ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 19
prisme…) de leur organisation. Quant le périmètre même de la RDP n'était pas restreint à
cause d'un arbitrage face à la quantité de travail par ailleurs ou de la disponibilité des
sources15
!
Or plus le nombre de lecteurs augmentent ou que les lecteurs sont éloignés de services
spécialisés, plus la RDP et son périmètre deviennent complexes à appréhender : économie,
finances, suivie de la concurrence sont la base dans le domaine privée ; réactions, actualité
parlementaire ou dossiers divers dans le domaine public.
Quid des sujets techniques ou complexes, des revues scientifiques ou professionnelles ?
Souvent à la fois trop riche et trop pauvre, la RDP devient la bête noire de celui qui en a la
charge, n'offrant que rarement la possibilité de confronter l'organisation à un signal faible
et à témoigner de l'importance de ce signal… Laisser à l'inverse chaque service faire la
sienne, c'est se couper d'une vigie générale. Il faut trouver l'équilibre subtil où la
responsabilité de chacun dans la perception de son environnement porte un enjeu collectif
de veille : ce n'est pas toujours possible.
Puis vient l’ère du « smartphone » (puis de la « tablette ») dans le début des années
2000. Et là, les « décideurs », premiers utilisateurs des RDP, disposent en tout temps et
tout lieu d'un accès direct et parfois personnalisé à l'information. Le développement
d'outils, de technologies et de forfaits adaptés à la mobilité ont fait exploser la frontière
publique et privée, ont bouleversé les anciennes formes de secrétariat et d'assistance, mais
aussi la manière dont on conçoit la « pyramide » de l'information et ses goulots de
transmission.
Une caricature en exemple : avec son café matinal, sur des applications dédiées, le
décideur peut consulter l'actualité avant même que la personne en charge de la RDP
n'embauche. Ajoutez à cela les alertes tout au long de la journée, la réactivité nécessaire
face à ces alertes et on mesure combien l'humain (sa lenteur, ses limites) a perdu toute sa
place dans la diffusion de l'information. La diffusion oui. Mais pas dans sa gestion où il
reste primordial tout en demeurant, par ailleurs, parfaitement « visible ».
J'ai schématisé ici l'évolution récente de l'acquisition d'un grand nombre d'organisations
au travers de la RDP mais finalement ce « choc » entre diffusion et gestion existe depuis
bien longtemps : la télévision, la radio sont autant de médias qui ont bouleversé nos
15 Fréquence de mises à jour faible, problèmes matériels ou de droits sur les postes utilisateurs,
abonnements coûteux, etc.
< ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 20
univers d’information et cela bien avant l'hypertextualité et les contenus enrichis, dans un
monde alors basé quasi-exclusivement sur l'écrit. Qui se souvient des différentes éditions
quotidiennes d'un journal ?
Il y a aussi des outils que l'on a oublié et qui ont formé les prémisses de la révolution
numérique, accélérant à leur manière la diffusion des informations dans les organisations
et entre elles : les téléphones satellitaires, le fax, les télex et télétex, etc.
Alors le « big data », les structures des SI toujours plus perfectionnées qui forment un
gouffre qui avale tout le contenu numérique généré chaque jour16
par nos civilisations sont
une étape supplémentaire mais pas vraiment un « début de la fin » pour la RDP et la
transmission des informations. Ces SI qui bouleversent là encore ce que doit être la revue
de presse – et parfois même le renseignement humain, tant la finesse de l'observation peut
être poussée à l'extrême.
L'un des points qui fait qu'un système répond à la définition du big data, est
l'exploitation particulièrement poussée des données recueillies moins que le rythme ou la
masse récoltée.
Face à ces masses d'informations, on parle désormais de « tendances », de « vagues »
dans un océan de données. On réagit davantage à un « buzz » (comprenez ce qui est
abondamment repris) parfois plus qu'à l'objet lui-même traité par cette actualité.
Cependant peut-on résumer un océan à quelques gouttes d’eau qui s'agitent davantage que
la moyenne ? C’est à ce défi, et probablement à lui seul, que la revue de presse et ses
adeptes doivent répondre. Capter une « atmosphère », mais aussi les signaux faibles,
qui peuvent être bien souvent très éloignés des tendances.
Pour autant, la RDP se retrouve encore souvent dans les organisations, sous des formes
diversifiées. Explications.
Veille et revue de presse
Si la veille d'une organisation (même sous-traitée) se contente d’amasser des articles
divers de manière automatique et dont l’intérêt final est de faire des recherches textuelles
ou se borne à informer quelques personnes, j’ai la naïveté de croire qu’il ne s’agit là
qu’une revue de presse – du moins une « revue de média » globale.
16 Un contenu qui peut être aussi la mesure d'un phénomène physique : nombre de pas, photo d'un
paysage, données satellitaires, relevés d'appareils, etc.
< ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 21
Dès lors se pose la question de la définition du terme (et du concept qu’il recouvre) de
« veille » et de l’acceptation de cette définition pour ceux qui en sont les premiers
« utilisateurs ».
Rappel important : dans mes articles17
comme de cet essai, je m’intéresse surtout à la
politique, à la chose publique (débat et décision publics). La définition que je propose ici
doit se lire donc à l’objet de mes recherches : je ne propose pas une définition de la veille
pour tous les types d’organisation, de structures.
Voici quelques éléments qui fondent ma pensée actuelle :
• la veille est un processus permanent dans le temps d’un individu pour lui-même
ou pour un groupe identifié ou non-identifié18
. La veille peut s’appuyer sur des
outils numériques, mais reste liée à une activité et à une volonté humaine ;
• la veille s’intéresse à tout ce qui n’est pas accessible de manière publique ou dont
la diffusion libre n’est pas accessible sous un format directement exploitable ou
pour un plus grand nombre. La veille doit être considérée comme un effort de
recherche supérieur à ce que pourrait faire une personne non-intéressée par
l’objet de la veille et donc la veille a une valeur intrinsèque supérieure à la
valeur d'une revue de médias / d'une revue de presse ;
• la veille est liée à un ou des objectifs généraux qui varient dans le temps ; mais la
veille s’intéresse finalement :
◦ à tout ce qui fonde la décision (cf l’information stratégique, la
compréhension du défi à relever / du bon objectif à atteindre),
◦ au contexte / à l’environnement de la personne ou du groupe (cf des
évolutions à venir par les signaux faibles, la compréhension des plans
d’autrui).
Ainsi je propose en définition : la veille dans le domaine politique est une activité
permanente et polymorphe, nécessitant des ressources. Elle est liée nécessairement à
une personne et elle fonde le contexte de toute décision en agissant en priorité sur la
perception de l'environnement du décideur. Elle ne peut pas être réduite à des activités
purement numériques et s'appuie sur les biais humains (intérêts, logique, culture).
17 Sur mon blog, qui traite du sujet de l'IP.
18 Par exemple dans le cas où un service ou un cabinet prépare une revue pour un ensemble
particulièrement disparate de clients, de destinataires.
< ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 22
Ainsi la nécessité de penser la veille comme un processus lié à une personne est-
elle indispensable. Comme je l'indique plus haut, elle permet de lier les résultats de sa
veille à ses biais, à ses réflexions et finalement à une partie de la décision collective
lorsque cette personne travaille pour un groupe : informer ou non d’autres personnes que
soi (cf les liens entre ses propres intérêts et ceux de son groupe), sous quels délais et sous
quel format.
Cet aspect supplémentaire à l’information issue de la veille, un « métacontexte », est
primordial lorsque nous sommes dans un cadre de débat partisan ou au cœur du pouvoir et
de ses luttes d’influence. Il qui répond à la question du destinataire de la veille, parfois de
celui qui l'a fait : « pourquoi (me) dit-il ça / comment et pourquoi trouve-t-il ça,
maintenant ? »
Plus encore, une telle définition implique qu'il existe toujours plusieurs veilles au sein
d'un groupe (car un groupe implique au moins deux personnes sinon trois...) et que le
groupe même n'a pas de possibilité de réaliser une veille qui lui est propre comme pourrait
le faire une personnalité juridique ou d'existence de fait à part entière. Les premières
veilles pour tout membre d’un groupe sont : tout d'abord celle « conjoncturelle » sur les
informations qu'il reçoit ou qu'il perçoit de l’extérieur, puis celle « d'apprentissage » par et
sur les autres membres du groupe.
De plus la veille « basique » dans les thèses d'IE se limite à l’acquisition, à la recherche
d’informations, comme l’une des étapes du « cycle de l’information19
». La veille est aussi
la manière sur le « comment » l’information récoltée est stockée, est traitée. Si l’on
considère que toute veille ne serait réalisée que par des outils numériques de stockage et
de traitement automatique, quid du renseignement humain que l’on obtient par les jeux
d’acteurs ? Les grilles de qualification, la gestion et les moyens sont radicalement
différents – les résultats et leurs valeurs, leur stockage ou non, peut-être aussi…
Cela conforte ma pensée que toute veille est avant tout une affaire personnelle : je
choisis, moi veilleur, de stocker ou non dans une base commune ou dans un outil
quelconque, ce que je sais. Et de retirer des éléments de l’outil commun de connaissances
si j'y ai intérêt…
19 Cycle qui, pour ma part, me paraît de plus en plus sinon comme une aberration dans le
domaine du politique, au moins très mal adapté…
< ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 23
Un bon exemple de ce point est « l'affaire Kerviel » où le débat judiciaire porte sur un
outil numérique de surveillance et de contrôle « pipeauté » par un seul individu et dont les
hauts responsables tenaient pour vérité – alors qu'ils auraient été tenus simultanément
informés par ailleurs de la vérité des engagements de la Société Générale par les sources
humaines internes.
C'est une illustration d'une veille (ici interne) sur des risques importants pour le groupe
(institué par l'entreprise Société Générale) entre technique et légalisme, qui est dépassée
par la somme individuelle de recherche du profit par et pour les personnes de ce même
groupe… Ce n'est pas seulement un défaut ou une malveillance : c'est pour moi et dans
mon hypothèse préalable, la pente « naturelle » de tout système de veille, qui veut que la
frontière de l'automatisation s'arrête pour l'instant20
à une réalité : celle des intérêts des
acteurs humains !
Cependant je ne remets pas en cause les concepts de l’Intelligence Économique dans le
domaine de la veille et la place très centrale qu'occupent les outils numériques. Je les
estime simplement grandement inopérants dans le sujet qui m’occupe. Ainsi l’IE
sermonne parfois : l'absence de veille d’une organisation (qui ne récupèrerait donc pas
d’informations) subit un dysfonctionnement ou fait une erreur.
A l’inverse c’est pour moi la première des observations à mener, car cette absence
définit la base de la structure politique, de son organisation – bref du groupe étudié.
Parfois ne faut-il mieux NE PAS savoir (au moins de manière officielle) pour continuer à
agir ou décider dans un contexte difficile ?
En politique donc, ne pas informer ou désinformer un groupe auquel on
appartient ou un membre d’un groupe partenaire est un choix comme un autre.
L'absence ou la désinformation vers l'interne ou l'extérieur a ses intérêts autant que le
choix d'informer. Des questions éthiques se posent alors mais je les évacue volontairement
de cet essai. Les évoquer sera pour plus tard… !
20 Hors intelligence artificielle, j'y reviendrai plus loin.
< ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 24
La culture du groupe ou de l’individu ?
Une question vient assez naturellement alors21
: la veille (ses techniques et ses finalités)
n’est-elle finalement pas le reflet de l’organisation qu’elle sert ? Une forme d'indicateur
avancé ? Si l’on considère que l’organisation prédomine sur l’individu, la réponse serait
assez naturellement oui. Mieux : le type de veille permettrait donc un premier classement
de l'organisation dans un type / une famille.
Cependant et je l’ai évoqué par ailleurs régulièrement, la politique est histoire
d’hommes et de femmes avant d’être un mouvement uniforme (au-delà de la simple
« logique de blocs » dits idéologiques). Certains partis peuvent paraître être très organisés
dans l'Histoire (cf temps long), à tout le moins en apparence : PCF, Bloc Identitaire, ex-
RPF, etc.
Au point même que l’individu y soit vu comme « fondu » dans une masse qui le
dépasse, le limite et l’encadre.
Mais de telles organisations politiques supportent mal le débat interne, qui y est vu
comme déstabilisateur. Un débat qui, lorsqu’un parti dit « de gouvernement » est au
pouvoir local ou national, sera perçu en interne comme irresponsable, parfois même
par les observateurs extérieurs. Car ce débat affaiblie la légitimité de la parole d'un
chef considéré comme sachant grâce à l'organisation et donc pouvant pour elle.
La situation à l'heure de l'écriture de ces lignes au sein de l'ex-« gauche plurielle » (qui
finalement, n'aura jamais aussi bien porté son nom qu'aujourd'hui), le marasme du
Gouvernement Hollande/Valls sur la loi « Travail » est un bon exemple.
Dès lors la culture du secret, du renseignement sur l’adversaire qu'il soit interne ou
externe à ce parti, y est prégnante pour autant qu’un leader seul se maintient et que la
situation n’évolue pas (rare) ou que ses membres et sympathisants s’y raccrochent
(fréquent).
A mon sens, c’est une image d'Épinal : ces périodes que l'on peut appeler de
« stabilité » réelles, ne sont que transitoires vers des situations plus fréquentes voire plus
« naturelles » pour de telles organisations, que sont les périodes de troubles. Là aussi la
21 Dont beaucoup ont déjà apporté une réponse certes. Mais défaire et refaire, c'est toujours
faire… avec parfois des nuances !
< ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 25
culture du secret et du renseignement, autant en interne qu’en externe, s’y développe ;
cette fois-ci moins pour le rassemblement pour que la lutte du pouvoir interne, de son
exercice et de l’influence que le futur faiseux22
– le futur chef – se doit de déployer.
Les primaires de la gauche en 2011 et celles à venir à droite en 2016, comme un
« tour 0 »23
en sont l'illustration : elles sont des étapes récentes dans l'histoire politique de
notre pays ; mais elles ne sont que des formes renouvelées d'un principe plus ancien :
celui de l'organisation de l'investiture d'un parti ou de plusieurs, à un individu ou à un
groupe très restreint censé représenter une opinion majoritaire. Là encore la connaissance,
le sachant recouvre des concepts intéressants et complexes.
De telles luttes internes sont fréquentes : les investitures donc, mais aussi les
nominations, les désignations, les prises de position, etc. ; sont autant d’opportunités de
livrer une bataille locale ou nationale, entre courants internes ou entre partis au sein d’un
même bloc idéologique / d'une même alliance.
Ces batailles, très déstabilisatrices pour le groupe d'individus concerné (qu'il soit
un parti, un cabinet, un groupe politique ou un courant) ne peuvent évidemment
rendre la veille opérante à son niveau et, parfois, même au niveau de sous-groupes en
son sein, tant les contours des conflits peuvent être flous ou changeants.
Bref : sauf à de rares moments particuliers que j’évoquais plus haut, nous pouvons
considérer le parti comme un groupe d’individus disposant parfois de très peu d’intérêts
communs sinon la recherche du pouvoir interne ou d’une institution publique. Ce qui les
unit est certes une pensée, mais cette pensée n'est pas une force suffisante pour équilibrer
un système de masse (des centaines de milliers de personnes sur des milliers de territoires
différents) et pour répondre à toutes les problématiques internes. De plus on se heurte là à
des conflits qui peuvent être liés aux caractères des protagonistes, aux appréciations des
uns sur les autres, à l'égo de tous – où la rationalité ne l'emporte pas, bien au contraire.
Contrairement à une entreprise où les règles sont figées par la loi ou un règlement
(pacte des actionnaires, code du travail, conseil d’administration, etc.) comme de la très
grande présence du salariat qui fige les statuts et les rapports de force, il n’y a pas de
limites aux conflits internes des partis où chacun peut se proclamer d'un courant,
d'un rassemblement, c'est-à-dire du fondement même du parti qui est par nature le
rassemblement d'individus. Une victoire électorale ou une bataille de congrès règle
temporairement un ou des conflits… mais seulement jusqu’à la prochaine lutte qui peut
être, par exemple, l'organisation de ce pouvoir justement et nouvellement acquis !
22 L'homme qui peut faire…
23 Suivi du 1er
et 2nd
tour des présidentielles, et enfin du « 3ième
tour » que sont les législatives…
< ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 26
Ces luttes finissent de démontrer que l’organisation politique comme mouvement
permanent et organisé n’existe pas. L'autorité d’influence d'un membre est souvent
largement supérieure dans les faits à la relative autorité administrative conférée par
les statuts et l'organisation du mouvement politique. Que l’organisation finit
(toujours ?) par se scinder en interne en groupes, toujours plus petits, car eux-mêmes
finissent par être renvoyés à leurs luttes internes de pouvoir ; jusqu’à arriver à l’individu
« militant » seul qui, par nécessité, ne raisonne plus pour une organisation collective.
Souvent membre non-salarié24
, ce militant dispose en particulier de la capacité à refuser
de faire (être observateur plutôt qu’acteur dans le mouvement politique), ce qui réduit
l’intérêt du mouvement, qui ne dispose plus de la puissance bénévole pour porter au plus
grand nombre ses messages, d'assurer une émulation, une animation25
.
De même le financement de la vie politique française empêche une réelle
professionnalisation pas seulement des élus confrontés à une complexité grandissant de
leur situation, mais aussi des collaborateurs d'élus dont le statut juridique est précaire
malgré un poids dans la décision définitive parfois considérable26
. Or les partis n'ont pas
les moyens de salarier l'ensemble des cadres qui seraient nécessaire à une couverture fine
de tous les territoires français, et leur-s loyauté-s à l'un ou l'autre des courants du parti
annihile-nt souvent une organisation efficace.
Factuellement, je finis par m'interroger même, à titre personnel, si un parti politique
puisse exister au sens entendu par les ouvrages habituels définissant les organisations
privées. Car si formellement l’association politique existe, elle est toujours en grande
précarité et dans les faits avec une absence de pouvoir propre (contrairement à
l’entreprise, dont la société civile lui garantit des intérêts minimaux préservés comme une
personnalité propre et une administration grandement objectivable, basée sur des actions
ou tout autre moyen pécuniaire). Ainsi l'association, par sa nature de rassemblement
volontaire comme je l'indiquais plus haut, porte en finalité, en constante et en son sein, le
germe ultime de sa faillite qui est le renoncement au rassemblement car ce dernier se
devrait, à un moment ou à un autre, d'être incarné et donc excluant l'un ou l'autre des
prétendants à cette incarnation.
24 C'est l'objet même du militantisme associatif sur lequel se fonde l'action politique et partisan
au travers des partis !
25 On parle bien de « mouvements » (partis) politiques...
26 Dans le cas de mon contrat, quelques lignes du CGCT…
< ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 27
La question de ce chapitre était la prédominance ou non d’une culture de groupe en ce
qui concerne la veille : je crois avoir ainsi commencé à démontrer qu’elle peut exister,
mais dans un temps limité et un contexte particulier. La culture d'un individu dans un
groupe semble devoir reprendre systématiquement toujours le dessus lorsque celui-ci
y a intérêt. L'organisation n'a de poids dans l'appropriation et la résolution de la
décision qu'à la hauteur de celui qui l'incarne et assoie son autorité sur les autres.
La veille en politique : concepts avancés à partir des travaux de LESCA 27
En parcourant mes cours de Master pour écrire cet essai, j'ai essayé de mieux
comprendre encore les raisons qui m'avaient conduites aux conclusions premières des
différences entre revue de presse / revue de média et la veille « véritable ». Comment ma
culture et mon apprentissage m'avaient influencé ; quels étaient mes biais.
Une phrase notée au détour d'un bloc de cours m'a fait réagir : « (…) Cependant, à la
différence du radar, la veille stratégique est caractérisée par son aspect interprétatif voire
constructiviste ». Je n'aurai pu mieux dit : il y est fait question d'une veille « neutre » et
permanente, souvent de peu d'intérêt, ici symbolisée par le radar (que j'ai qualifié pour ma
part de revue de média) ; mais aussi de l'aspect excessivement humain, faillible et créatif
que représente la veille stratégique et qui ne se limite pas à des opérations purement
factuelles, systématiques, informatiques28
.
Ainsi à l'heure de l'écriture de cet essai, me semble-t-il plus simple de continuer mon
raisonnement à partir de la synthèse des travaux de LESCA, dont j'ai une note de lecture
issue de son ouvrage « Veille Stratégique » (1997). L'ouvrage est ancien désormais mais
dans les vieux pots…
Pour le domaine de la veille (sous-entendue, celle stratégique, voir plus loin),
rappelons qu'il y est fait tour à tour référence :
• à une question purement organisationnelle et opérationnelle (schématisée ici
par le comment et le par quoi)…
• mais aussi à une question décisionnelle (le pourquoi et le vers quoi).
27 Humbert LESCA est docteur d’État et professeur émérite à l'Université de Grenoble.
28 Au sens d'un ordonnancement automatique.
< ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 28
Définition de la veille stratégique
Sa définition Ma définition initiale
« La veille stratégique est le processus
collectif continu par lequel un groupe
d’individus traquent, de façon volontariste,
et utilisent des informations à caractère
anticipatif concernant les changements
susceptibles de se produire dans
l’environnement extérieur de l’entreprise,
dans le but de créer des opportunités
d’affaires et de réduire des risques et
l’incertitude en général.
Parmi ces informations figurent des
signes d’alerte précoce (que nous
définirons plus loin). Finalement, l’objectif
de la veille stratégique est de permettre
d’agir très vite et au bon moment. Les
anglo-saxons utilisent les expressions
Environmental Scanning et Competitive
Intelligence pour désigner des concepts
très voisins. »
« La veille [qui n'est pas de l'ordre de la
revue de médias, que l'on considère donc
comme « stratégique »] dans le domaine
politique est une activité permanente et
polymorphe, nécessitant des ressources,
liées nécessairement à une personne et qui
fonde le contexte de toute décision.
Elle ne peut pas être réduite à des
activités purement numériques et s'appuie
sur les biais humains. »
Si ma définition fait moins état des finalités que celle de LESCA, cet essai les évoque
largement ; je n'y reviens pas. Le plus intéressant est ailleurs...
Tout d'abord deux points qui nous rassemblent : la volonté et un processus humain –
pour lui la volonté de recherche à l'échelle d'un groupe. Dans ce résumé de LESCA il y a
peu de cas sur les conflits au sein des organisations : ils sont pourtant des parties
intégrantes et majeures de la construction de la réalité et d'une perception large de
l'environnement surtout si cette organisation est composite (dans le cas économique : des
filiales récemment absorbées par une holding par exemple).
< ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 29
Ce qui nous sépare : j'insiste sur le caractère polymorphe de l'activité, lui davantage le
caractère anticipatif. Ses travaux résumés ici s'intéressent davantage au futur (où le
présent n'y semble être que la préparation perpétuelle du futur dans les actes actuels) ;
quand pour ma part je suis dans la décision dans un sens large (la réaction à un
phénomène présent autant que la prévision d'un phénomène futur qu'il convient
d'anticiper ou de favoriser29
).
La différence fondamentale est la notion de groupe face à l'individu. Si tous les deux
nous proposons une approche où réside une part d'observation subjective et finalement
« imposée » de la réalité par les signes que nous captons, qui agit sur notre construction de
notre environnement, pour lui cette construction semble être avant tout celle du groupe.
Pour moi, la construction est essentiellement voire totalement personnelle : en
politique, comme j'ai tenté de le démontrer dans le chapitre précédent, la construction
d'une stratégie globale pleinement partagée et plus encore d'une veille commune qui s'y
rapporte, n'existent pas ou à des moments particuliers et généralement très courts.
L'histoire de la vie politique française regorge ainsi de « lieutenants » qui ont fait
chuter des candidats désignés plus ou moins « officiellement » pour replacer leur « chef »
dans la course au pouvoir grâce à des défauts par des défauts d'informations30
…
Derrière, ce sont aussi des réalités différentes et profondément humaines liées aux
enjeux de pouvoir. C'est l'histoire de ces individus, de leur caractère et de leur parcours
qui ont d’abord guidé certains de leurs intérêts et leur affinité, et ce dans un même
système / une même organisation (un même parti par exemple).
29 Exemple de phénomènes présents : la réaction par voie de communiqué de presse à un article,
à un fait ou à une déclaration.
30 Balladur / Chirac ; DSK+Jospin + Fabius / Royal ; etc.
< ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 30
Mode de fonctionnement
Ses travaux Mes réflexions
« Le processus de Veille Stratégique peut
fonctionner selon deux modes distincts
mais non exclusifs : le mode « commande »
et le mode « alerte ».
- Le mode commande signifie que la
recherche active d’une information de
veille stratégique est déclenchée par la
demande expresse (la commande) d’un
supérieur hiérarchique qui exprime ainsi
un besoin ponctuel d’information.
L’initiative est donc du côté de l’utilisateur
potentiel de l’information (un responsable,
par exemple).
- Le mode alerte signifie que la recherche
active d’information est continue de la part
de certaines personnes (que nous
nommerons traqueurs) et que ces
personnes alertent, de leur propre
initiative, le supérieur hiérarchique (ou
d’autres personnes) lorsqu’elles jugent
avoir trouvé une information intéressante,
alors que ce supérieur n’a pas exprimé un
besoin particulier d’information.
L’initiative est donc du côté de l’animateur
de la veille stratégique. »
Rien à ajouter : dans le domaine politique
aussi ces deux modes existent.
Cependant ils ne se rencontrent
pratiquement jamais sous leur forme
« pure », mais bien davantage sous leurs
nombreuses variantes, suivant le poste et la
situation : ainsi une commande peut
devenir alerte si, dans un service et au
cours d'une étude, le travail impacte ou est
impacté par d'autres travaux (exemple : le
décaissement et les engagements du CPER
sur les programmes départementaux et
régionaux, leurs impacts sur l'agenda
politique et médiatique : lancement d'un
chantier, etc.).
C'est aussi, au niveau de la collaboration
politique, la possibilité d'abandonner une
note émise des services, de dissimuler des
informations voire de tromper sa hiérarchie
ou les élus et cela volontairement
(notamment à l'occasion des débats
budgétaires31
).
Ces méthodes manipulatoires, parfois irrégulières voire illégales (cf la bonne
information par l'Exécutif des élus et, dans une moindre mesure, du public est rendue
impérative par la loi), sont rencontrées régulièrement et peuvent être parfois préconisées
dans l'intérêt même de la collectivité. Car les seules luttes partisanes et la paralysie
partielle ou totale qu'elles entraînent ne peuvent être la finalité d'une organisation ou d'une
31 Depuis l'écriture des lignes, au sein de la Région ALPC, une note interne à l'ex-Poitou-
Charentes demandant la sous-budgétisation aux Services régionaux et provoquant l'insincérité
du budget présenté aux élus, a été communiquée par le nouvel exécutif à la presse locale
régionale. Aussi j'ai maintenu ce propos dans cet essai alors qu'il aurait pu, de ma main et de
ma fonction sans cette note rendue publique, être jugé diffamatoire…
< ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 31
action publique. Le bien public peut imposer un défaut d'information à une condition
express, justifiable par la suite et objective ; lorsque, par exemple, cela répond à un besoin
d'arbitrage impératif dans un contexte de crise politique ou de catastrophe.
Cette recherche de l'intérêt public n'est pas toujours vraie... voire s’éclipse au profit du
seul débat partisan et de l'intérêt électoral, comme j'ai pu le synthétiser par mon travail
dans le dossier lié au projet des véhicules électriques régionaux en Poitou-Charentes où
près de 30 millions d'euros ont été engloutis selon moi dans des mécanismes financiers
complexes avec une absence totale de contrôle du Conseil Régional comme des autorités
publiques type la préfectorale. L'agenda politique semble avoir imposé certains choix
irresponsables.
A mon sens il y a derrière cet enjeu du « mode de fonctionnement » moins la maîtrise
et la description du processus, que son contrôle et l'effectivité de l'action et des
informations qu'il génère.
Le terme de « stratégique »
Ses travaux Mes réflexions
« L’adjectif « stratégique » n’est pas une
concession à la mode du moment. Il est
utilisé pour signaler que les informations
fournies par la Veille Stratégique ne
concernent pas les opérations courantes et
répétitives, mais, au contraire, l’aide à la
prise de décisions qui ont les
caractéristiques suivantes. Il s’agit de
décisions : non répétitives, non familières,
pour lesquelles on ne dispose pas de
modèles déjà éprouvés par l’expérience,
prises en situation d’information très
incomplète. Mais il s’agit cependant de
décisions qui peuvent avoir un très grand
impact sur la compétitivité et la pérennité
de l’entreprise. Par exemple, le choix d’un
nouveau fournisseur a une importance
stratégique pour une entreprise
Je trouve ses caractéristiques /
qualifications concernant le terme de
« stratégique » pour le moins étranges voire
impropres – autant en politique que dans
une entreprise.
Les concepts de gestion de flux tendus, la
diversité des prestataires extérieurs, des
fournisseurs, des changements de tous
ordres de plus en plus brutaux et
l'interaction de tout cela, sont autant de
phénomènes courants mais essentiels qu'il
convient de surveiller, d'observer.
Même le quotidien « interne » doit être
scruté avec intérêt… Alors que, plus que
jamais, une recherche du moindre coût rend
parfois rapidement caduque des habitudes
de travail et des accords pour de seuls
< ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 32
industrielle, alors que la passation d’une
commande (répétitive) n’a pas une
importance stratégique. Du fait même que
la veille stratégique doit aider à la prise de
décisions peu répétitives, concernant des
problèmes difficiles à structurer,
l'utilisation des informations prend une
dimension créative. »
motifs d'une réduction de la dépense
(parfois marginale ou éloignée dans le
temps).
Quant au répétitif, il peut l'être aussi pour
de grands événements qualifiés
individuellement d'unique (car
« exceptionnels ») au regard des
observateurs : les keynotes, au format léché
et millimétré, en sont des exemples de plus
en plus répandus et peuvent faire ou défaire
des sortie mondiales de produits ou de
services. Ils sont uniques mais réguliers,
stratégiques mais répétés…
L'extension du domaine de l'information, avec les théories et les nouvelles possibilités
techniques du « big data » bouleverse là aussi la conscience et la connaissance de la
structure sur elle-même, comme des individus qui agissent pour elles ou avec elles. Où
quand l'« infobésité » peut devenir un avantage si elle est utilisée avec les bons outils : les
résultats sur ce que l'on considère comme « stratégique » seront colossaux. Probablement
que le signal faible, par de tels traitements, sera plus aisément repéré – voire plus
facilement accepté car non-dépendant d'une recherche humaine jugée peut-être davantage
biaisé.
L'intégration même de ces outils tend déjà à la démocratisation par l'utilisation de
services commerciaux intégrés et tiers (ex. : les Googles Apps).
Pour ma part, la stratégie d'une organisation ne peut pas être seulement liée à
l'utilisation ou non de modèles éprouvés. Elle n'est d'ailleurs pas uniquement liée aux faits
et aux objectifs de cette organisation, mais revêt en réalité une infinité de stratégies liées...
aux personnes qui la composent, à leurs actions et à leurs intérêts.
Ces « sous-stratégies » déterminent le contexte de réalisation de ce qui est au-dessus :
au niveau d'un groupe ou de l'organisation elle-même. Quant à l'information incomplète,
elle l'est par nature dans toute organisation : sait-on jamais tout de soi et de son
environnement (même avec le big data) ?
< ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 33
Aussi je préfère parler de « stratégique » ce qui touche à un intérêt vital ou un
phénomène essentiel pour l'organisation dans laquelle personne collabore, sous toute
forme et qui s'appuie sur une finalité à la fois propre à cette personne et propre à son
organisation.
La stratégie n'est ainsi pour moi applicable qu'avec un objectif au moins en partie
« objectivable32
» à un instant précis ; sans qu'il soit notion de difficultés de structurations
des problématiques, car les objectifs varient dans le temps et en nature – donc leurs
dépendances aussi (les problématiques qui forment le « soubassement » de la décision et
de l'action).
« Les types de veille »
Ses travaux Mes réflexions
« L’expression « veille stratégique » est
une expression générique qui englobe
plusieurs types de veilles spécifiques telles
que la veille technologique, la veille
concurrentielle, la veille commerciales, etc.
Une entreprise n’est pas forcément dans la
nécessité de mettre en œuvre toutes ces
veilles spécifiques. Elle doit choisir celle
(ou celles) qui lui paraît la plus adaptée à
sa situation. Ce choix relève lui-même
d’une démarche méthodologique. »
Je rejoins sa réflexion, en mettant en avant
moins des considérations de techniques et
d'orientations que la limite offerte par les
moyens mises en place par la veille – cf la
conclusion du chapitre sur la RDP.
32 C-à-d qu'il puisse être mesuré de manière systématique, au moins en partie.
< ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 34
« Volontariste »
Ses travaux Mes réflexions
« Parce qu'elle vise un but créatif, la veille
stratégique ne saurait être un acte passif,
limité à une simple surveillance de
l'environnement. C'est au contraire un acte
volontariste, exigeant que l'on aille au
devant des informations anticipatives en
ouvrant bien grand ses yeux , ses oreilles et
en activant tous les autres sens. Parfois il
faut même susciter des informations. A cet
égard, le mot "veille" est bien mal choisi,
mais il est maintenant très répandu. Les
expressions « Intelligence de l’entreprise »
(utilisée par H. LESCA, dès 1986 comme
sous-titre de son livre publié chez Mac
Graw Hill) ou encore « Intelligence
Stratégique » seraient préférables. Les
anglo-saxons parlent de "Environmental
Scanning" ou encore de "Competitive
Intelligence". De façon imagée, on peut
comparer la veille stratégique de
l'entreprise au radar du navire, comme l'a
suggéré AGUILAR, puisqu'elle vise à
anticiper des événements avant qu'il ne soit
trop tard pour pouvoir agir. Cependant, à
la différence du radar, qui est objectif, la
veille stratégique est caractérisée par son
aspect interprétatif voire constructiviste. »
Une différence : à mon sens l'anticipation
est davantage la vision d'une personne dans
un environnement (et donc calquer ses
propres menaces et opportunités à sa veille)
qu'une pensée abstraite et « neutre » vis-à-
vis de celui qui la porte.
Bref la veille est, pour moi, avant tout
l'action d'une personne qui sélectionne à la
fois pour son organisation lorsqu'il y a lieu,
mais avant tout pour son propre intérêt.
< ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 35
« Intelligence collective »
Ses travaux Mes réflexions
« La recherche volontariste (on dit aussi
« pro-active ») des informations de veille
stratégique et leur utilisation ne saurait
être une démarche individuelle. Au
contraire elle fait intervenir divers
membres de l’entreprise, chacun d’eux en
fonction de ses activités et de ses
compétences. Pour cette raison la veille
stratégique est un processus collectif
transverse à l’entreprise. Ce processus
englobe des phases d’interprétation des
informations, phases délicates nécessitant
la mobilisation d’expériences diverses.
C’est pourquoi nous disons que la veille
stratégique est inséparable du concept
d’intelligence collective. Il y a intelligence
collective, c’est-à-dire d’un groupe
d’individus, lorsque les signes observés
dans l’environnement, leur sélection et
leurs mises en relations pour créer du sens
sont l’objet d’un travail collectif à
l’occasion duquel les membres du groupe
sont en communication et en interaction
sous toutes formes appropriées, dans le
respect de certaines règles de
comportement de travail en groupe. »
Plus qu'un désaccord, les travaux de
LESCA sont pour moi sur ce volet
impraticable dans le domaine politique en
l'état. Son domaine d'étude – l'économie et
des groupes clairement institués, formels,
« solidaires » entre eux pour les individus
qui les composent – me semble trahir une
volonté d'universalité « facile », sans
arriver à être transposée à tous les types
d'organisations.
Mes travaux sont plus modestes.
Cependant, peut-être avec le défaut de
n'être qu'intuitif, pour mon domaine
d'observation et à l'heure du bouclage de
l'ouvrage, ma conclusion est à
l'impossibilité d'une intelligence collective
absolue au niveau d'un groupe de
personnels politiques, d'un Conseil, d'un
Exécutif ou d'un parti. Plus encore si l'on
définit la veille stratégique comme
permanente et donc l'intelligence collective
elle aussi permanente.
Tout au plus l'intelligence collective y est-
elle relative, « douce » (non-coercitive),
dans un temps limité et des sujets donnés.
Cela n'enlève rien à une recherche
volontariste, et personnelle, aux
compétences et aux opportunités offertes à
chacun dans les personnels politiques, et de
la sélection de ce qui est mis avant ou non
vers des pairs ou ses « supérieurs ».
Le point de départ que le « groupe » (quel
définition ? Quel périmètre ?) serait
l'échelon de travail et que la politique
< ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 36
n'aurait simplement que des règles de
comportement de travail différent d'une
entreprise me semble être une erreur
absolue. Peut-être vraie en entreprise, elle
est fausse et dangereuse dans un terrain
d'observation aussi mouvant et insondable
que le débat public et partisan où se
chevauche les statuts : collaborateurs,
agents, candidats, etc. – dont le « poids »
politique est parfois au moins égal à l'élu33
.
Le concept de « mises en relation ensemble » pour le domaine privé me semble devoir
évoluer. D'abord parce que le développement du salariat précaire – c-à-d la perte d'un lien
fort qui unit le salarié à l'entreprise –, voire de la fin du salariat (cf « l'uberisation » de
l'économie) et des nouvelles pratiques comme le big data bouleversent les règles et les
concepts existants.
Sur le big data34
, c'est la définition même de ce qu'est ce système informatique qui
vient comme « contrarier » les travaux cités et désormais anciens de LESCA : il s'agit de
la structuration et de la mobilisation, de la gestion, des données au-delà de ce que peut
faire une personne ou un groupe, fut-il uni et parfaitement organisé.
Le big data est avant tout un travail d'acquisition, de rassemblement et de traitement
sur des masses de données colossales, intraitables autrement et dont les relations sont
construites sur des bases mathématiques, même pour les systèmes prédictifs. L'outil peut
rendre une réponse pertinente car il est capable d'agglomérer et de trouver des liens et des
principes entre des données hétérogènes35
. De plus la définition du big data (notamment le
coût de la donnée traitée, la masse, la variété des sources36
) peut détacher la veille
stratégique d'une intelligence collective humaine sous certaines conditions. En soi le big
data remet en cause dès à présent une partie des travaux de LESCA mais fixe aussi les
formes ultimes de l'Intelligence Politique. Car le big data n'est qu'une étape vers
l'apprentissage artificiel et donc à terme l'intelligence artificielle.
33 Le Secrétaire Général de l’Élysée ne devrait pas me contredire, pas plus que les Directeurs et
Chefs de Cabinet de Matignon et des Ministères… eux-même en prise avec les Directeurs de
leur administration qui les voient « défiler » à l'occasion de chaque remaniement ou
changement d'humeur !
34 Attention : il y a une différence majeure entre big data et IA !
35 Au point que, parfois, des phénomènes sans rapport soient corrélés ; la faute au hasard ou à
des bases d'interprétations erronées ou exagérées. Même cet exercice a ses limites !
36 Voir p. 7 de l'ouvrage collectif Big Data et Maching Learning, aux éditions Dunod.
< ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 37
Il faut cependant ne pas confondre un système de veille automatique dans une
entreprise et un véritable SI de big data, dont les moyens de fonctionnement sont souvent
colossaux malgré la baisse des coûts informatiques.
Sur un autre point, l'intelligence collective nécessaire à la veille stratégique définie par
LESCA implique aussi une adhésion forte de l'individu à son groupe de travail : sa phrase
« le respect de certaines règles de comportement » m'intéresse particulièrement. Elle doit
nous inviter à avoir une réflexion à cette adhésion aux règles de comportement (et aux
règles elles-même) dans le domaine politique.
Car au-delà de la question de l'évolution de ce qu'est le salariat (quasi-inexistant en
politique), c'est aussi la motivation qui est en défaut dans le cas de la veille en politique :
la décision publique à une vocation universaliste sur la société et ses membres – ce qui
entraîne des enjeux de pouvoir énormes – et des tentations qui le sont toutes autant. Pour
preuve : le développement du lobbying à tous les niveaux de la décision publique, du
supranational à la commune ; l'accumulation des « affaires » sur les conflits d'intérêt et la
difficulté aujourd'hui à définir les contours de ces conflits ; etc.
Cependant ce sujet nous entraîne dans l'observation des systèmes humains, des
« organisations », des mutations même de nos civilisations et mérite une vie de recherche
en soi. Je n'y arrête donc pas ici.
A mon sens, c'est l'enjeu de pouvoir et de postes qui entraîne la dispersion des moyens
du groupe et du groupe lui-même, qui se retrouve « abandonné » (mais existe t-il sans ses
membres ? Parfois oui, lorsqu'il est institutionnalisé37
) à ses querelles internes et qui subit
les pressions et attaques de ses concurrents, parfois de ses partenaires, des citoyens ou des
lobbyistes de tous ordres.
37 Exemple de l'article L4132-23 du CGCT qui fonde par exemple les groupes d'élus au sein des
Conseils Régionaux, même s'ils ne partagent rien en commun en terme d'idées ou de stratégie,
de comportement vis-à-vis de l'exécutif.
Mon contrat de travail actuel au sein de la Région ALPC repose ainsi sur un groupe qui peut-
être très bien, dans les faits quotidiens, être strictement inexistant sans être remis en cause
organiquement.
< ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 38
Cela tend donc à annuler toute forme d'intelligence collective permanente et efficiente.
Cette intelligence est remplacée par d'autres formes (consensus par une absence de
décision, jeu complexe de travail des acteurs entre eux par l'influence, gestion des médias
« en réaction », etc.) que je tente ainsi de définir à travers l'Intelligence Politique.
L'« environnement »
Ses travaux Mes réflexions
« L'environnement de l'entreprise n'est pas
un concept abstrait ou un objet statistique.
Il est constitué d’acteurs agissants. Il sera
défini de façon opératoire, notamment au
moment de parler du ciblage de la veille
stratégique. »
Si l'environnement est composé d'acteurs
agissants et non statiques, ils n'en restent
pas moins abstraits. D'abord parce qu'ils se
composent de différents types (physiques
ou non : personne, règle / loi, organisation,
etc.) et à répondant à une série de critères
objectifs (coercitifs ou non, adversaire ou
non, etc.). Des critères qui peuvent évoluer
fortement dans le temps et parfois en
rapport avec soi-même (ennemi / neutre /
allié objectif / allié véritable, etc.)
La définition de l'environnement ne peut
donc pas être lors du ciblage de la veille
mais doit être qualifiée bien avant, au
moment-même où la veille est voulue.
Car c'est l'environnement qui pousse la
personne (ou le groupe dans le cas d'une
lecture « LESCA ») à réaliser une veille.
Le mode opératoire, lui aussi, agit en fonction d'un contexte qui n'est pas seulement
celui répondant à ce qui est possible mais aussi à ce qui est souhaitable. L'opératoire est
donc une autre grille de lecture de l'environnement basée sur un futur « espéré38
» et pas
seulement « probabilisé » ou « rationalisé » : la question du « comment » doit toujours être
comprise comme la réalisation d'une action éloignée de sa condition actuelle.
Une fois la veille démarrée, la perception de l'environnement évoluera en fonction de
ses connaissances et agira de facto sur la pertinence de la veille et sur le mode opératoire :
cela nous prouve les liens de dépendance entre ces problématiques – quelque soit
d'ailleurs les résultats de la veille, qui peuvent être nuls.
38 Lorsqu'il s'agit par exemple d'une « vision » développée dans un projet politique.
< ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 39
C'est aussi et de manière très régulière dans le domaine de la politique, un
environnement sur lequel on est directement en réaction : par voie de presse, par décision
remise « sur table », en situation de crise, etc. ; où le temps entre le moment où l'on a
l'information et le moment où l'on décide est quasi-nul. Ainsi l'anticipation et la réaction
sont parfois confondues, comme peut l'être l'information « acquise » (revue de média
ou veille) et l'information « poussée » (remontée de l'interne ou par un tiers identifié
qui est dans le rôle du demandeur).
De plus, il faut garder à l'esprit que trop définir des acteurs (ou trop tôt), c'est prendre le
risque de mal les définir : il est rare qu'un être humain ou tout acteur vivant soit
possiblement résumé en quelques points forcément distincts dans le temps et l'espace,
surtout dès l'origine d'une étude sur lui. Sauf à créer une multitude de cases pour tous les
ranger : mais alors quel est l'intérêt du rangement si nous y retrouvons une organisation
qui tend à être le bazar naturel de notre monde… ?
C'est aussi le cas des signaux faibles : ils répondent en priorité à une notion
d'appréhension, non forcément de secret ou de discrétion. Le « capter », le repérer et
l’interpréter correctement permet, comme le souligne LESCA un peu plus loin, de
« créer » par l'interprétation. Cela implique que tout acteur, toute personne, toute source
peut être utile. Si la définition implique d'être le préalable ou la finalité d'un filtre, alors
les mailles ne doivent pas être trop fines… sinon c'est faire une veille qui sera par nature
inopérante.
A une définition précise de la nature des « acteurs », de tous les ordres, je préfère poser
la question de la pertinence des limites en terme de ressources que l'on attribue à la veille
et des ajustements au besoin : car la personne humaine = beaucoup de limites !
Charge aux responsables de la veille, aux exécutants, d'avoir l'esprit « suffisamment
large » de notre « élite politique » tant décriée, comme le souligne par ailleurs et en creux
Christian HARBULOT lorsqu'il évoque les carences d'observation de ce qui se passe
ailleurs…
< ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 40
« Créer »
Ses travaux Mes réflexions
« Compte tenu des caractéristiques des
informations dont il est question, la veille
stratégique englobe des
phases d'interprétation des signes d'alerte
précoce qui s'apparentent à de la
créativité. En effet, les informations
dont il est question ne décrivent pas des
événements déjà réalisés, mais permettent
de formuler des hypothèses et
de créer une vision volontariste.
Interprétation et création prennent appui à
la fois sur les signes captés sur
l’environnement, sur l'expérience des
personnes qui interprètent les informations
et sur les connaissances stockées
dans l’ensemble des mémoires de
l'entreprise (mémoires formelles et
mémoires tacites individuelles). »
La création (ou sa chimère) en politique… !
Cela mérite en soi tout un ouvrage ; je
laisse donc ce travail des Danaïdes à plus
tard et à des dizaines de chercheurs
chevronnés... !
Plus sérieusement je reprends les propos et
concepts de LESCA à mon compte, quand
bien même je ne partage pas son concept de
« mémoires d'entreprise », qui implique que
le groupe serait prioritaire dans la
production, le stockage et la transmission
d'une telle mémoire.
En lieu et place de cette mémoire
d'entreprise, je ne garde que les notes, la
mémoire (faillible) de l'individu, des
coupures de la presse ou des témoignages
(faillibles eux-aussi). Bref une
« construction mémorielle » peu impartiale,
peu transmissible ou même peu commune.
Là aussi les exemples ne manquent pas de
pouvoirs publics disposant d'immenses
ressources intellectuelles laissées à
l'abandon et oubliées (parfois
volontairement) de tous…
« Anticipation »
Ses travaux Mes réflexions
« Notre définition de la Veille Stratégique
met l’accent sur l’anticipation et la
détection de changements et notamment
d’éventuelles ruptures (ou discontinuités :
discontinuity, radical change) qui
pourraient survenir dans l’environnement
pertinent de l’entreprise. Rappelons que
Là encore des rapprochements et des
divergences se créent.
L'écart le plus manifeste repose sur la très
grande fréquence des changements, des
événements et l'opacité des liens entre eux,
comme de l'immensité du secteur et de ses
< ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 41
Aguilar (1967) avait comparé
l’Environmental Scanning de l’entreprise
au radar du navire. Notre choix a une
conséquence théorique et pratique quant
au type d’informations auquel nous nous
intéressons ici. Il s’agit d’informations
ayant elles-mêmes un caractère
anticipatif : elles doivent fournir des
éclairages sur le futur, et non pas sur le
passé ou le présent. Cependant il faut
distinguer deux façons de s’intéresser au
futur.
Une première façon consiste à accumuler
des informations sur le passé et à effectuer
des extrapolations. C’est le cas lorsque
l’on « calcule » des tendances, voire des
tendances « lourdes ». Selon nous, cette
façon revient à regarder le futur « dans le
rétroviseur ». Elle n’est pas appropriée à
anticiper les changements surprenants et
encore moins les ruptures.
Une seconde façon consiste à rechercher
des informations susceptibles d’annoncer à
l’avance des changements nouveaux. Cette
façon de faire a été préconisée par I.
Ansoff lorsqu’il a introduit le concept de
management stratégique et parlé de « weak
signals » (probablement par analogie avec
ce que l’on connaît dans le domaine de la
radio et des radars. (Il semble en effet qu’il
ait emprunté cette expression à W. W.
Bryan, un cadre de chez Philips, Pays-
Bas).
Le type d’informations recherchées et les
traitements pouvant leur être appliqués
sont très différents de ceux utilisés pour le
calcul des tendances.
Le présent document est plutôt orienté vers
cette seconde façon d’anticiper. C’est
pourquoi nous allons présenter le concept
de signe d’alerte précoce. »
acteurs dans le domaine public. Compte
tenu que ma réflexion place initialement
l'individu et non le groupe au centre de la
réflexion, ses limites fortes et vite atteintes
s'imposent toujours.
Même les décideurs nationaux n'ont de
l'actualité et des informations grises et
noires que des résumés, des compilations ;
ce que j'appelle globalement des
« témoignages ». Cela rend plus facile les
jeux d'influence et les phénomènes dits « de
cour », où la centralité du pouvoir aiguise
des appétits de reconnaissance et de vacuité
face à ce qui se trouve à l'extérieur…
Toutes naturelles sont la volonté et la
pratique de l'anticipation et de la détection
des changements en politique. Mon blog39
,
alternant des études du passé, des
extrapolations et des recherches de signaux
faibles, s'en veut être une modeste
illustration. La presse et le développement
des outils numériques de communication
personnelle en sont des illustrations plus
éclairantes encore, recherchant la « petite
phrase » ou la position inattendue de tel ou
tel acteur, la créant (par effet de miroirs) ou
la relayant, amplifiant et déformant la
vision d'un événement tel l’œil de la
mouche.
Généralement la volonté de conquérir et
détenir le pouvoir passe par l'anticipation
« volontaire » et assumée, alors qu'il
n'existe en politique finalement que des
liens faibles entre les individus et des
masses difficiles à appréhender –
notamment au niveau des exécutifs, qui
s'appuient sur des chambres / des conseils
et des majorités.
39 Qui est en consultation libre à l'adresse intelligence-politique.fr et le travail d'origine de cet
essai…
< ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 42
Dans les faits les situations sont diverses,
riches et toujours complexes : nous ne
sommes pas sur des relations contractuelles
et, même sur des « contrats » – par
exemple le CPER ou les Contrats de
développement des territoires – il n'est pas
rare qu'une des parties fasse défaut, sans
qu'il y ait des représailles administratives
ou judiciaires pour elle. L'anticipation ne
se résume donc pas à la lecture stricte d'un
document ou à la confrontation de plusieurs
documents – fussent-ils officiels !
Sur l'anticipation elle-même, les deux types
évoqués (extrapolation et signaux faibles)
se retrouvent et se confondent à l'échelle de
l'individu. Les distinguer a-t-il un sens,
sinon pour définir un trait de caractère ou
tenter de comprendre un jeu d'acteur ?
Bientôt, très bientôt, une partie de ce que j'indique ici sera désuète, car les systèmes
prédictifs non-humains / « non-naturels » (c-à-d en dehors du champ habituel du vivant)
seront suffisamment développés par le biais de l'intelligence artificielle.
Ces systèmes ne seront plus seulement des représentants des données statistiques mais
dotés d'une véritable imagination. Il ne s'agit donc plus de probabilité mathématique pure
mais aussi d'une part d'aléatoire et de « l'expérience humaine » sublimée. Bref que la
machine soit consciente et rêve de possibles loin du probable…
Dès lors c'est toute la pyramide de la gestion de l'information stratégique qui nous
faudra revoir, tant sur le domaine universitaire que professionnel ou public. Et alors
l'anticipation sera rentrée pleinement dans une ère que nous pourrions qualifier de
mécaniste.
< ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 43
< ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 44
< C L A S S E R E T C O M P R E N D R E / >
– L A G E S T I O N D E S C O N N A I S S A N C E S
Ce chapitre se consacrera à la meilleure manière de gérer
les connaissances acquises au niveau de la personne.
Mais avant d'être une connaissance et considérée ainsi,
différents processus intellectuels se mettent en place : de la
données (unité de base, très variables), par l'information
(l'agglomérat, détermine un contexte à un moment) et
jusqu'à la connaissance proprement dite (qui n'évolue pas
ou très peu dans le temps), sont les principales étapes /
préalables / état d'une matière étrange à connaître.
La création de la connaissance et son organisation sont en
elles-même vectrices de création de nouvelles
connaissances (que l'on nommera par facilité de langage
métaconnaissances les ensemble ou métainformation pour
les liens).
C'est là un schéma assez classique emprunté au cycle de
l'information et aux théories classiques de l'infocom'. J'ai
souhaité le revisiter à l'aune d'autres domaines et d'une
approche que certains pourraient penser naïve (à raison ?).
L'ouvrage Un brève histoire du temps, du célèbre physicien
Stephen HAWKING, m'a inspiré pour cette partie. Il
révolutionne durant son immense carrière la physique sur de
nombreux points en confirmant les aspects quantiques de
notre univers et leurs conséquences incalculables40
,
bousculant la « vérité » comme étant un phénomène unique
et reproductible.
C'est aussi un homme qui doit inspirer le respect et
l'admiration par un travail qui a su dépasser son handicap et
des préjugés parfois tenaces, étalon de notre propre
tolérance et de capacité à nous extraire de nos certitudes…
40 Dans tous les sens du terme ?!
< CLASSER ET COMPRENDRE /> – La gestion des connaissances – 45
Un point de sa théorie sur la physique quantique m'a
particulièrement intéressé : seul l'observateur fige une
situation où il n'y aurait en « réalité » que des possibles.
Cela arrange bien ma théorie sur l'acquisition de
l'information (et sa gestion ?) comme une affaire de l'individu
avant d'être celle d'un groupe…
« BaseC » et l'IMAP comme point de départ
La création d'un outil de gestion des connaissances personnelles n'est pas une chose si
aisée. Beaucoup existent sous un format très simple, notamment sous la forme de listes de
tâches plus ou moins collaboratives. D'autres existent, plus complets mais où le groupe
l'emporte (modules de groupware, gestionnaire avancé de documentation, système de
gestion de contenus de type encyclopédique, etc.).
Rien n'existe pour une personne seule, qui n'a pas de qualification technique
particulière, qui manque de temps et qui ne dispose bien souvent comme principal outil de
travail que de son smartphone personnel et de sa boîte courriel. Bref le commun des élus
locaux (parfois nationaux...) et des collaborateurs. C'était mon point de départ voilà
quelques années, en marge de mon travail, tant par passion du développement que par
intérêt professionnel.
D'abord parce que se pose des questions fondamentales autour la forme de l'outil, qui
interroge l'ingénieur qui sommeille en moi : doit-il être exclusivement numérique ? Doit-il
être forcément adapté à des situations de mobilités ? Par écrit ou par différents sens
humains, comme ce qui fonde notre observation de l'environnement : toucher, odorat,
etc. ? Comment intégrer à cet outil de manière simple, ludique, automatique, des flux
continus comme par exemple les alertes médias ou des réseaux sociaux ?
Mes compétences et mon temps sur cette terre n'étant pas infinis – ce que je regrette –,
j'ai opté pour ce qui était développable le plus immédiatement pour moi, basé sur le
langage PHP (avec une pointe de Python pour le moteur de réception des mails) et orienté
POO et web. Par la suite, le « trouple » SQLite, MongoDB, Node.JS prirent de l'ampleur,
associé pour certaines fonctions avancées à Python.
En attendant, j'avais essayé les différents types de wiki-wiki, particulièrement
Wikimédia (base fondatrice de l'encyclopédie en ligne et collaborative Wikipédia) et
Dokuwiki (qui ne dispose pas d'une base de données, mais d'un ensemble ordonné de
fichiers textuels), comme de CMS plus ou moins aboutis (Agora, Drupal, etc.). Sans
< CLASSER ET COMPRENDRE /> – La gestion des connaissances – 46
trouver véritablement l'outil à la mesure de mes orientations de développement. C'est donc
très naturellement qu'est (re)venu le développement logiciel pur et la description d'une
nouvelle norme technique d'organisation.
Cet outil, je l'ai nommé BaseC, comme base de connaissances. Il se présente (en
partie) sous la forme d'un site Internet où l'inscription n'est pas obligatoire. Il suffit de
renseigner les champs d'information pour l'accès à sa boîte courriel par une simple
connexion IMAP. Une fois la connexion établie, c'est la preuve que l'utilisateur sur le site
est l'utilisateur régulier de la boîte courriel. J'ai rajouté une étape supplémentaire (l'envoi
par courriel d'un code à retourner), pour éviter les attaques dites « de forces brutes »41
.
À l'heure d'écriture de ces lignes, j'ai fondu le projet dans un cadre plus large et
s'appuyant sur l'auto-entreprise qui porte la publication commerciale de cet essai.
L'objectif au-delà de porter le sujet de l'IP, est de fournir des services payants très
spécialisés aux personnels politiques ou dans les organisations où une forme de
« microgestion » règne, en s'appuyant sur les besoins que j'évoque dans l'ouvrage. Avec à
la clé la possibilité de répondre à un besoin sans créer pour le client ni compte ni profil,
pour l'entreprise ni de service ni d'outil d'hébergement et de réplication des données
personnelles ou de maintenance d'appareils complexes.
J'envisage comme incontournable « l'ouverture » de l'outil, la publication de son code
source, afin de bénéficier des retours des communautés techniques et de continuer
l'observation par l'appropriation de l'outil par d'autres, appréhender son évolution – là où il
répond aux besoins. C'est aussi, par sa démonstration, de la pédagogie sur une manière
que j'espère nouvelle et utile sur la gestion des connaissances personnelles.
De plus et c'est loin d'être anecdotique, le développement de cet outil m'a permis
d'affiner certaines des hypothèses que j'évoque dans cet essai.
Au final cet essai et l'outil forme un chemin pour observer « de bout en bout »
comment réagissent les premières règles élaborées de mes observations sur des cas très
réels et quotidiens.
41 Tests répétitifs de toutes les combinaisons possibles, jusqu'à trouver la bonne. Le raffinement :
partir d'un « dictionnaire », c'est-à-dire de combinaisons qui auraient le plus de chances
d'aboutir au déverrouillage du système.
< CLASSER ET COMPRENDRE /> – La gestion des connaissances – 47
Intelligence Politique, renseignement, influence et organisation de l'information dans le domaine public
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  • 1.
  • 3. – 3 Une dédicace particulière à trois femmes qui ont jalonné mon début de parcours et m'ont fait envie de la science et de l'écriture au travers de leurs cours : Maude Mérinis, Christine Belcikowski et Isabelle Hare. – Ouvrage rédigé par Julien Garderon. Toute reproduction est formellement interdite sans autorisation préalable.
  • 5. / / S O M M A I R E >> Préambule.............................................7 Intelligence-s................................................7 Vers un soutien mutuel ?.............................15 < ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média.........................................................19 Réflexions sur la revue de presse et la veille dans le domaine politique...........................19 La lente agonie de la « revue de presse » ?...19 Les applications mobiles : des tueurs finaux.19 Veille et revue de presse................................21 La culture du groupe ou de l’individu ?........25 La veille en politique : concepts avancés à partir des travaux de LESCA......................28 Définition de la veille stratégique.................29 Mode de fonctionnement...............................31 Le terme de « stratégique »...........................32 « Les types de veille »...................................34 « Volontariste »..............................................35 « Intelligence collective »..............................36 L'« environnement »......................................39 « Créer »........................................................41 « Anticipation ».............................................41 < CLASSER ET COMPRENDRE /> – La gestion des connaissances........................45 « BaseC » et l'IMAP comme point de départ ...................................................................46 L'IMAP, un protocole adapté.........................48 L'exemple de la pomme !..............................51 Dépasser les limites de l'IMAP ?...................54 Google, ce précurseur....................................56 Vers des nouveaux principes dans la gestion des connaissances personnelles...................57 Le principe de la mesurabilité.......................57 Le principe des ensembles de connaissances 58 Le principe d’ordonnancement faible............59 Le principe d’incertitude...............................61 Le principe de la mesure de l’intrication.......62 < SYNTHÉTISER /> – Les 3 vérités et leurs portées.............................................64 Définition de la vérité politique, la vérité administrative et le rapport à la réalité........64 La vérité n’est pas réalité...............................64 La formalisation et l’informalisation.............66 La décision, un nombre infini de questions et l'action forcément restreint du choix.............67 Un quotidien complexe.................................71 Qu'en retenir ?...............................................73 Dernière minute…......................................76 Responsable mais pas coupable ?..................77 La politique au carrefour du commerce ?....81 L'extension du « domaine du politique » ?....81 Le politique une marque, vraiment ?.............84 Les deux « pour tous »..................................86 < MANIPULER /> – Agir sur son environnement..........................................89 La dernière étape, mais pas l'ultime étape...89 >> Postambule..........................................99 // Sommaire – 5
  • 7. > > P R É A M B U L E Intelligence-s Avant toute chose, la définition de ce que souhaite être cet ouvrage : il ne se revendique pas comme un travail universitaire mais comme un essai au sens propre. Il offre un parcours pour l'esprit et certaines approches qui, espérons-le, mises ensemble et coordonnées, peuvent fonder une toute nouvelle discipline d'étude. Et une toute nouvelle approche de la politique : c'est-à-dire de l'ensemble des éléments qui concourent à la décision publique, sous toutes ses formes (débats, élections / choix des décideurs, modalités de la décision publique et de son application). Il n'est pas non plus un brûlot sur l'Intelligence Économique (IE), bien que l'image de prime abord pourrait être celle-là à l'occasion plus loin dans le document, du commentaire de quelques textes choisis. C'est un essai qui se veut complémentaire à et non remplaçant de l'IE, en offrant une nouvelle perspective non dans le domaine privé et économique, mais celui politique et public. Ce domaine public qui est d'ailleurs une des clés de la structure du secteur économique (organisation, limites / règles, etc.) et que l'IE cherche à influer en faveur, le plus souvent, d'un intérêt particulier. Voilà bientôt 10 ans que je suis, d'une manière ou d'une autre1 dans cet univers à un niveau local (échelons départemental et régional). Cela ne m'apporte pas une légitimité particulière... mais cela n'en retire aucune non plus. Si j'ai une expérience personnelle et des opinions, c'est malgré tout avec un certain soucis « d'universalisme France2 » que j'ai écrit, à défaut de pouvoir prétendre à une écriture universitaire par manque de temps pour approfondir parfois certains points comme je l'aurais souhaité. Plusieurs raisons m'ont poussé à l'écriture : • Poser sur le papier mes premières observations, pour les soumettre au jugement des experts, des connaisseurs, de tout à chacun. Si cet essai se veut accessible, comme un parcours didactique (parfois erratique ?), qui tente de 1 Militant, cadre de parti, collaborateur d'élus, observateur attentif... 2 Je n'aborde jamais les autres pays du monde, me cantonnant aux débats et procédures français contemporains. Sans fausse modestie, juste un souhait d'efficacité immédiate… >> Préambule – 7
  • 8. nommer et de définir quelques concepts-clé, il se veut tel une sorte de « sommaire » des sujets de ce domaine en devenir. Il n'est ainsi exempte ni de reproches et ni d'erreurs. • Élargir le débat sur la décision publique, entre les nouvelles approches (la « fin » des grandes idéologies ; la « démocratie participative » ; le poids grandissant des collectivités territoriales, etc.) et d'anciennes problématiques (le lobbying, le mot moderne pour l'action d'influence de quelques groupes / de quelques personnes sur le reste d'un système, d'une organisation ; le poids du débat partisan sur la rationalité de la décision). Ainsi, si l'Intelligence Économique influence-t-elle les Pouvoirs publics – ou le tente-t-elle... – , il me semble logique, naturel, équilibré et même raisonnable que l'inverse soit vrai : une forme d'équilibre de la terreur entre, par exemple, le chantage à la norme d'un pouvoir public et chantage à l'emploi d'une entreprise privée… • Être une « vitrine » ultérieure sur ce sujet : le projet d'une thèse doctorale me semble être la seule voie viable pour permettre à ce sujet d'exister de manière sérieuse… Mais c'est là un autre exercice. Un point sur la méthode choisie : tout au long de cet essai, je prends des documents divers qui m'ont servi comme points de repère. S'il y a de ma part un style d'écriture critique voire acerbe, je les ai gardés à cause de leur qualité ou du poids qu'ils peuvent occuper dans les esprits. Aussi je demande à leurs auteurs de ne prendre cet essai que pour ce qu'il est. Ma volonté n'est pas de les maltraiter mais de tenter de poser un regard que j'espère neuf et adapté au domaine dans lequel j'évolue. Commençons par un brin d'historique et de contexte : les termes même, « intelligence » (au sens du renseignement et non de la qualité d'une faculté cognitive quelconque...) et « politique » (au sens de la vie de la cité), revendiquent tous deux un attachement à un domaine universitaire établi : celui de l'Intelligence Économique, mon secteur professionnel d'origine. Voici ce qu'en dit l’État, par le biais de sa Délégation à l'Intelligence Économique, notre référence commune et provisoire3 : 3 Voir : http://www.intelligence-economique.gouv.fr/qui-sommes-nous/quest-ce-que-lintelligence- economique >> Préambule – 8
  • 9. L’intelligence économique (IE) est un mode de gouvernance fondé sur la maîtrise et l’exploitation de l’information stratégique pour créer de la valeur durable dans une organisation. Elle se décline en veille / anticipation, maîtrise des risques (sécurité économique) et action proactive sur l’environnement (influence). (…) L’intelligence économique (IE) consiste à collecter, analyser, valoriser, diffuser et protéger l’information économique stratégique, afin de renforcer la compétitivité d’un État, d’une entreprise ou d’un établissement de recherche. (…) En France, si l’intelligence économique (IE) s’est développée de façon empirique dès la fin des années 1980, grâce notamment à l’action conjuguée de personnalités issues de milieux très variés (universitaires, fonctionnaires, représentants du monde de l’entreprise, du milieu consulaire, de la défense nationale, etc.), son développement s’est véritablement accéléré en 1994 à partir du rapport d’Henri Martre4 . « Intelligence » provient(drait?) d'une mauvaise traduction d'intelligence en anglais, signifiant « renseignement ». C'est d'ailleurs le cœur du débat sur l'IE : est-ce un domaine du pur renseignement et de la manipulation au sens militaire, cadrés et bornés par des lois civiles, ou est-ce plus largement une des voûtes rassembleuses (parfois un peu « marketing ») des domaines de la science de l'information et de la gestion, bref un des outils à la mode pour l'administration efficace d'une entreprise ? Les apôtres français ont gardé le cycle de l'information comme point de repère. Ils penchent pour l'esprit du renseignement élevé au rang d'une science. Cependant beaucoup des pratiquants contemporains baignent dans un « technicisme » permanent et aux frontières communes avec les sciences de gestion, du comportement, de la communication et d'autres domaines des Sciences Humaines, qui font de l'IE une matière désormais bien différente de son origine – bien moins « militarisée » et cadrée. Je le dis sans jugement négatif, peut-être ce schisme entre tous ces praticiens provient-il de leur origine respective : nombreux sont désormais issus du civil et ne perçoivent leur fonction dans le système qu'à l'aune de leur salariat au sein d'une organisation ? 4 Voir : http://www.intelligence-economique.gouv.fr/qui-sommes-nous/quest-ce-que-lintelligence- economique/historique >> Préambule – 9
  • 10. Plus prosaïquement, l'Intelligence Économique part pourtant d'un principe guerrier et clair : l'économie est une bataille permanente et, à l'échelle d'un État ou d'un groupe important, une guerre (sans merci). Le renseignement et la tactique militaire s'y appliquent dans le respect des règles de l’État dans lequel il agit, sauf (fréquentes?) exceptions, car ce sont des acteurs privés qui agissent pour leurs propres intérêts et donc qui fondent leurs actions d'intelligence économique. Difficile d'être un bon praticien IE sans être pleinement engagé : le signal faible ou la gestion du risque pour son organisation, n'est pas arrêté à 20h à la débauche et il faut veiller aussi sur les « ennemis de l'intérieur »… Sur la partie universitaire et comme souvent en sciences sociales ou sciences des organisations, deux grandes écoles de pensées s'affrontent au sein de l'IE. Je les résume à gros traits : tout d'abord ceux qui voient l'IE comme fondamentalement une science de gestion, qui se veulent être plutôt d'un côté « positif ». Il s'y retrouve à la fois l'action moins de renseignement que d'acquisition d'informations et souvent une pensée de recherche (universitaire, ou juste théorique) n'y serait développée sur des « bonnes pratiques » – celles « admissibles » en quelque sorte. Bref l'IE y serait aussi (avant tout ?) une question de sécurité économique avec un spectre réduit d'actions et d'intérêts : la défense de ses brevets, d'une « gentille » influence, des sources « blanches », etc. L'angle techniciste n'est jamais éloigné comme je l'indique plus haut : la veille et la gestion de l'information y seraient surtout une affaire de systèmes numériques et d'organisation sociale. J'en suis issu de part mes études, même si je n'en partage pas ni l'angélisme de certain(e)s (parfois un peu naïfs) ou au contraire la fausse pudeur de beaucoup (« nous dans l'illégalité ou sans moralité ? Jamais ! »). La légalité n'empêche pas une forme de cruauté ou de manipulation – cela rend juste juste l'action entreprise régulière au regard de la loi. L'éthique se confond souvent avec la morale… Et l'économie « ouverte » de notre pays baigne d'occasions de se montrer redoutable. Cette compétition est sans cesse plus vive entre les nations à l'heure où notre monde physique fini révèle chaque jour davantage ses limites, devenant finalement des frontières géographiques… par exemple les bassins d'exploitation des sous-sols pour les hydrocarbures ou les métaux rares. >> Préambule – 10
  • 11. A l'inverse viennent les tenants d'une branche dure, parfois plus beaucoup plus dure, qui n'hésitent pas à être sur la « ligne jaune » voire franchement au-delà lorsque la situation « l'exige ». Les sources « noires » ne sont alors pas un problème, du moment qu'on y met une « éthique de soldat »… et que l'on ne se fait pas repérer ! Pour cette école, l'IE revêt toujours un aspect sinon militarisé5 , à tout le moins un côté « guerrier » prononcé. Il y est moins fait question de la théorie qu'une efficacité « sur le terrain » et de l'expérience. J'ai une tendance naturelle, de par mon caractère, à y adhérer : mes buts – l'efficacité régionale et le contrôle démocratique – sont-ils moins nobles ? J'assume peut-être plus facilement que d'autres certaines pratiques que je juge courantes et que j'observe à tous les niveaux. Je préfère le risque d'une irrégularité marginale à celui d'une absence « d'assurance-vie » et des conséquences non moins néfastes que représentent les manœuvres d'en face lorsque j'enquête sur des sujets particulièrement sensibles et où mes intérêts personnels pourraient être (légalement) remis en cause par « simple » mesure de rétorsion. Ainsi si la loi y est globalement respectée, le débat moral comme le respect d'une pensée universitaire stricte n'est pas le fort de ce courant : l'adaptation et l'efficacité sont, respectivement, le moyen et le but principaux. Cela ne doit pas pour autant rimer avec « barbouzeries » systématiques : même la guerre a ses règles. Pour rester dans ce schéma volontairement binaire – que les puristes du secteur jugeront à raison obsolète –, ces deux écoles forment les deux volets de l'histoire même de l'IE, entre le monde professionnel (militaire et civil) et les intérêts économiques d'un État qui apporte son poids au sein des tractations, notamment au niveau international, où la finalité compte plus que les moyens, et les pures universitaires, qui cherchent à rendre cohérent un ensemble de pratiques (surveillance, manipulation, stratégie de conquête, etc.), parfois en les condamnant et en s’appuyant avant tout sur l'état de l'art théorique dans différents domaines universitaires avec, marginalement, les retours de professionnels. Tous ont tort (m'y incluant) car tous ont finalement une vision limitée d'un champ toujours plus vaste qu'eux-même, leurs observations, leurs actions et leurs travaux. Ainsi l'humain n'est-il jamais seul « à avoir raison » et « à connaître » lorsque le sujet touche à lui-même et ses semblables… mais il est, avec ironie, souvent bien le seul à 5 Pas seulement dans les termes, mais aussi dans le matériel (système d'écoute et d'interception, etc.) et les pratiques utilisées. >> Préambule – 11
  • 12. décider pour d'autres et pour son groupe ! C'est fréquemment la légitimité qui emporte la décision face à des tiers et leur respect de celle-ci : c'est la première observation que je garde pour l'IP. Enfin il y une troisième école (qui n'en est pas réellement une, car ce n'est jamais que la fréquence des « mauvaises » pratiques qui y est plus forte), désormais décriée par à peu près tous… mais toujours active, car utilisée. Certain(e)s diraient que ce sont les plus extrêmes : on les surnomme les « barbouzes », les « officines ». Leurs moyens et leurs objectifs sont rarement légaux. Une seule règle : ne pas se faire prendre ; tout y est autorisé. Le cas de l'ex- entreprise Blackwater6 , une force privée que de nombreux observateurs ont qualifié de première armée privée au monde (armée de mercenaires cependant) est un exemple… frappant. En matière de sécurité nationale, les intérêts de l’État, du Gouvernement, d'une entreprise ou d'un groupement se confondent très souvent dans ces affaires où rien ne peut être réduit à certitude. C'est un des reproches qui peut être fait dans certains groupes de réflexions à l'industrie de l'armement ou d'agglomérat d'industriels généralement en position quasi-monopolistique. Nous verrons grâce à l'IP que certains de ces schémas entre intérêts nationaux et organisations privées, État et connivence des responsables publics et privés, se retrouvent au niveau local sous bien des aspects sur des sujets de moindre importance, notamment pour conserver des emplois locaux. Malgré tout ce type de profils barbouze n'est pas si courant et leurs pratiques ne se trouvent pas à chaque coin de rue : le vol, l'escroquerie, la manipulation à un stade avancé et sans retenue (par l'entourage, la famille, etc.) grâce notamment au MICE – Money Ideology Compromission Ego. Souvent sources de fantasmes, leurs comportements forment une conséquence inattendue : conforter les thèses actuelles du complotisme en apportant, çà et là, des éléments factuels à certains délires (complot « reptilien », etc.), qui parasitent un nécessaire travail de fond pourtant indispensable sur la réalité des pouvoirs occultes7 . 6 Leur fiche Wikipédia est un bon point de départ dans la découverte de ce milieu ! https://fr.wikipedia.org/wiki/Academi 7 Définition du Larousse : Qui agit ou qui est fait de façon secrète, dont les buts restent inconnus, cachés. Pour ma part, je les qualifie ici de non représentés légalement et « publiquement ». Ainsi un service secret national « action » n'est à mon sens occulte qu'en ayant obligatoirement ces deux caractéristiques. >> Préambule – 12
  • 13. Les dénégations des acteurs qui seraient impliqués dans de tels pouvoirs étant parfois suivis de cinglants démentis par la Justice ou par des enquêtes de presse... sans nécessairement disposer d'un lien avec le complot supposé. Ces dénégations une fois démenties ou l'honneur de la personne mise en accusation, confortent la représentation populaire d'un « système pourri » – sans que l'on sache ce que recouvre le terme de système… –, et fait miroiter à une partie de la population des chimères de dérives diverses, organisées et systématiques à tous les niveaux du « pouvoir ». Notons que la politique a aussi les siennes, d'officines : on les surnomme les « cabinets noirs », ceux qui ne sont jamais dans la lumière – et ne doivent pas y être. Volontairement je ne les aborde que peu dans cet essai et toujours d'une manière détournée : ils méritent en soi un ouvrage, lui-aussi en cours de rédaction. Les témoignages dans la presse de l'existence et du fonctionnement de ces cabinets sont nombreux. Ces cabinets sont eux- mêmes innombrables et se chevauchent : • par la nature de leurs intérêts (commerciaux, financiers, politiques, publics, personnels) ; • par leur composition (même personnes dans un ou n cabinets : cadres, élus, candidats, etc.). Pour nous aujourd'hui il conviendra seulement de les garder dans un coin de l'esprit, notamment sur les aspects liés à l'organisation effective du monde politique et partisan. Ma définition du Cabinet noir sera sommaire j'en conviens : ils sont unitairement un groupe plus ou moins identifié d'agents influents pour un objectif donné et souvent général (« les intérêts de… ») – où noir n'est pas nécessairement synonyme d'interdit, mais avant tout d'absence de formalisme public et institutionnel, malgré le poids de ces cabinets, réel quant à lui, sur la décision publique et l'environnement politique et médiatique. >> Préambule – 13
  • 14. En conclusion de ce préambule, l'Intelligence Économique est, depuis longtemps et de fait, reconnu comme un outil essentiel par un grand nombre d'observateurs étatiques ou nationaux et, de plus en plus souvent, d'acteurs agissant locaux ou d'une taille de moindre importance. Ce phénomène de généralisation de l'IE se comprend à l'aune d'une compétition internationale de plus en plus forte, y compris et peut-être avant tout dans la sphère européenne (phénomène de généralisation de la sous-traitance associée au politique de dumping fiscal et social). Par ailleurs les Service de renseignements et d'action n'ont plus certaines de leurs libertés d'autrefois pour pallier aux risques qu'imposent ces ouvertures économiques ; mais l’État ne veut ni ne peut rester insensible au sort de ses entreprises comme de ses propres intérêts « stratégiques » dans la compétition internationale et alors que les capitaux étrangers sont autant de moyens de forcer les portes de structures privées. Même non formalisée actuellement, l'Intelligence Politique existe. Elle est déjà un maillon nécessaire dans cette bataille, de manière opérationnelle et pédagogique vers le secteur politique et de plus en plus souvent à tous les niveaux des institutions publiques ; y compris dans les guérillas administratives que se livrent les collectivités entre elles, vers l’État ou face aux pressions qu'elles subissent pour une question d'approche, d'efficacité ou avant tout de sensibilité à ces sujets primordiaux. Cependant, pour agir, faut-il correctement savoir, comprendre, analyser l'environnement politique de la part des élus, leurs collaborateurs, leurs Services, leurs soutiens ou leurs détracteurs ; être capable aussi de se placer dans un échiquier vaste, mouvant, où les élections forment des temps rapprochés où se définissent en permanence des rapports des forces et des « majorités d'intérêts ». Où l'actualité agite en permanente un microcosme d'individus agissant au nom de tous, propre de la démocratie représentative, pour le meilleur comme pour le pire. Enfin sans oublier que de nombreux élus ont plusieurs mandats, parlementaires ou locaux, parfois des portes-feuille ministériels et que ce n'est pas sans incidence sur les organisations publiques et les organisations partisanes. En exemple et dernièrement dans la presse, se montait dans la grande Région fusionnée Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes un groupe qui se revendique d'influence des majorités départementales de droite pour faire plier la majorité régionale de gauche, elle- même ayant sa propre représentation d'intérêts auprès des instances européennes à Bruxelles. >> Préambule – 14
  • 15. Je ne sais pas si l'action des Départements ira jusqu'au bout mais elle est un signe supplémentaire visible d'une prise de conscience de l'ambivalence que revête le terme d'« influence » associé aux termes de « pouvoirs publics » (qu'ils soient par les élus ou non). Ainsi l'Intelligence Économique est le père de l'Intelligence Politique ; la Politique est la mère. Et la décision publique la clé de tout pour peu que l'on s'accorde dans ce couple infernal. Vers un soutien mutuel ? Ou, dit autrement, le retour à une France « stratège » ? Le 26 mai 2014, Christian Harbulot tenait une conférence8 sur son ouvrage « Sabordage. Comment la France détruit sa puissance9 ». Il expliquait grâce à son passé et ses expériences, comment s'étaient construites son opinion et l'histoire de l'IE par les hommes qui l'ont faite. C'est le premier document intéressant que j'ai sélectionné pour cet ouvrage. Aujourd'hui directeur de l’École de Guerre Économique (école privée), l'homme est respecté dans un domaine qu'il maîtrise. Cet essai lui est aussi destiné à titre personnel, s'il devait trouver un intérêt aux premières conclusions que je défends… Sa conférence évoquait les liens entre les pouvoirs publics, le développement économique (plus exactement « l'enrichissement » de l’État) et le concept de puissance. Il replace ainsi l'importance de l'économie dans les rapports de force moins comme une finalité ultime et du 'bonheur des peuples', que la poursuite des moyens de l’État et du renseignement étatique à des fins de maintien de la puissance publique. Ce « renseignement10 » qui ne doit pas être seulement sur des missions de sécurité et de sûreté de ce même État : il lui faut également agir activement sur des cibles diverses (population, décideurs par les relations publiques et la médiation culturelle) dans et hors de son territoire national. 8 La vidéo de son intervention est disponible à cette adresse : http://www.dailymotion.com/video/x1yxhgq_christian-harbulot-comment-la-france-detruit-sa- puissance_news 9 Aux éditions François Bourin. ISBN: 979-1025200346 (17 avril 2014). 10 De tout ordre. Mais n'est-ce pas très limitatif de le qualifier ainsi… ? >> Préambule – 15
  • 16. Christian Harbulot l'affirme et je partage son analyse : dans la guerre de l'information, le contenu est certes une priorité. Mais l'attaquant a toujours une prime, forte. En somme une logique d'empire, faite de conquêtes culturelles et politiques. Pour garantie notre survie, iI nous faut (re)gagner à l'échelle du globe une partie de l'influence sur les grandes décisions qui engagent les nations toutes entières et les marchés qui vont avec, ceux qui font tourner nos économies : c'est pour l’État français l'obligation ardente d'attaquer. Mais qui ? Tout le monde y compris – voire à commencer par – ses alliés ? M Harbulot semble affirmer que oui, évoquant tour à tour les exemples des USA, de l'Allemagne et du Japon qui, chacun à leur manière et à leur époque, ont su tirer profit de cette guerre des contenus. Je l'approuve sans réserve. D'une nature « européen fédéraliste », ma position pourrait surprendre car je crois que c'est au sein de l'UE que devraient commencer nos « attaques ». Elle est bien au contraire raisonnable : c'est faire de la France, sa politique, ses mœurs et sa culture, son histoire et sa langue, le point d'ancrage d'un continent entier. J'avoue que c'est là le retour à une vision universelle des « valeurs historiques » de la France, considérée et reprochée peut-être comme à une forme différente, moderne et altérée de colonialisme. Est-ce grave ? Probablement si on s'en tient à des idéaux de respect des cultures et des modes de développement. Et c'est là où entre en jeu le véritable défi intellectuel pour notre pays : assumer l'égalité réelle des personnes et des cultures lorsque cela va à l'encontre de soi- même et alors que ce soi porte justement la défense de l'égalité que d'autres n'ont peut-être pas envers nous ou envers les tiers.Un débat impossible car sans conclusion. Seuls, je doute d'une vie paisible présente et future pour notre pays et sa population. Il nous faut donc conquérir l'Europe pour assurer une logique de développement qui soit la nôtre et que je considère pour ma part comme bonne pour le développement de tous les citoyens. Le fédéralisme européen n'implique pas d'être béat sur les enjeux sous- jacents, notamment ceux culturels et économiques. Christian Harbulot parle également dans sa conférence des personne(age)s qui ont concouru à la définition de l'IE en France, dont le point de départ semble être quasi- unanimement fixé par le « rapport Martre11 ». Il y oppose un système politique et public établi, peureux face aux changements et aux actions qu'imposent les évolutions du monde, et face à quelques hommes audacieux qui ont su raisonner autrement. En cela, il saura dans mon essai y trouver, j'espère, une poursuite de ces propos : l'humain et sa vision l'emportent souvent, même lorsque cet humain est parfois contraint dans un système 11 Le document est accessible à l'adresse : http://www.iecentre.fr/IMG/pdf/martre1994.pdf >> Préambule – 16
  • 17. qui le dépasse, parce qu'il incarne plus que lui-même ou le croit-il ; parce qu'il tente d'agir en fonction d'intérêts que son environnement ne perçoit ou ne comprend pas toujours mais qui finissent par se révéler à lui. Finalement ces hommes n'ont pas seulement permis l'émergence d'un début de réflexion sur l'IE en France – réflexion poursuivie par d'autres depuis –, ils ont aussi veillé sur les pensées étrangères, sur des systèmes étrangers. Une veille stratégique par l'analyse comparée des situations et des pays dans l'histoire. Comment les « aventures humaines » qu'il évoque, permettent un syncrétisme sur la pensée stratégique12 et font de l'IE un domaine de qualité et pour lequel il nous faut collectivement prêter attention. Une veille sur nos voisins, concurrent ou non, est probablement le sujet le plus commenté et le plus présent au sein de la « communauté de l'IE ». Une place de raison mais aussi de cœur suivant l'adage : « Savoir c'est pouvoir ». Cependant le directeur de l'EGE sait aussi faire mouche loin des images d’Épinal : aujourd'hui la France a abandonné les notions et les concepts de « puissance » à d'autres (souvent des pays, parfois des organisations privées) ; le pays serait comme « enfermé » dans une liasse de croyances par une « élite » politique et publique qui n'aurait plus de prise avec la réalité – la vraie, celle qui « n'est pas au JT » (absence d'ouverture réelle des marchés internationaux, monopoles partout et surtout dans le numérique, retrait militaire américain et ses conséquences, etc.). Cet essai est aussi un appel que je lui lance : et si nous utilisions l'IP en devenir comme levier culturel auprès de nos décideurs publics ? Ces mêmes élites, qui n'en sont pas toujours13 , et qui n'ont pas nécessairement une volonté de se faire écraser par d'autres puissances nationales et / ou continentales, seraient plus sensibles aux messages de l'IE si déjà, dans leur travail quotidien, les grands principes élémentaires de l'intelligence étaient leurs outils intellectuels traditionnels. Des principes qui sont similaires à l'IE et l'IP : je crois en effet que son combat pour « réveiller » les élites non seulement vain (ce qui n'est pas très grave, sauf pour lui) mais aussi et surtout contre-productif (ce qui nous touche tous donc). 12 Et donc vers UNE pensée stratégique unique et universelle… ? 13 Les collectivités locales ont un poids de plus en plus important ! Comme les organisations à capitaux mixtes et les nouvelles formes de services aux publics. >> Préambule – 17
  • 18. Personne (ou guère ceux qui le devraient) ne se sent visé lorsque le terme d'élite est prononcé – surtout si le terme est employé pour une critique. Car bien rare sont ceux qui se voient comme une « élite figée » et passéiste... Plutôt que de fournir une énième critique, certes fondée, tentons une approche positive et plus subtile, plus « IE » : sensibilisons-les grâce à leurs propres recherches d'intérêts. « Vous voulez le pouvoir et le conserver ? On va vous y aider ». >> Préambule – 18
  • 19. < A C Q U É R I R / > – L A V E I L L E E T L A R E V U E D E M É D I A Réflexions sur la revue de presse et la veille dans le domaine politique La lente agonie de la « revue de presse » ? Exercice difficile, souvent mal traitée et mal aimée, la revue de presse (RDP) tente d'informer une organisation et ses dirigeants des aléas des événements. L'actualité n'y est pas forcément décortiquée sous une forme résumée ou complétée en sus, même si c'est un avantage indéniable d'avoir un contexte détaillé. Cependant face aux médias qui explosent en nombre et en termes de contenus générés (d'ailleurs le plus souvent sur des sujets finalement identiques), aux « alertes » et à l'information « instantanée », la revue (souvent matinale) devient désuète voire dangereuse : elle n'a plus vraiment de sens ni d'intérêt, n'offre plus la diligence que l'on attend dans les cercles de pouvoir. Les applications mobiles : des tueurs finaux Avant « c'était facile ». En résumé, ce qui était (ce qui est encore, parfois...) particulièrement fréquent dans le domaine politique et dans les organisations privées d'une taille honorable : le secrétariat de direction (ou d'élus, ou de cabinet, ou des groupes politiques des assemblées) produit une reproduction « ré-agencée » et réduite des principaux journaux intéressants de la presse écrite (par secteur, par lieu géographique, etc.) au format numérique ou papier. La vidéo et le son (sinon par des services spécialisées14 ) ne sont pas traités ou de manière subalterne, par référence. La pertinence de chaque item / article prime alors dans la sélection et l'organisation finale de la RDP et, finalement, l'observation de cette pertinence repose sur les épaules de personnes qui n'ont, souvent, jamais été formées à cela (secrétariat, assistant de gestion ou de direction). Ils n'ont alors pour seul repère que leurs propres normes et la culture (le 14 Notamment grâce à la reconnaissance orale automatique. < ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 19
  • 20. prisme…) de leur organisation. Quant le périmètre même de la RDP n'était pas restreint à cause d'un arbitrage face à la quantité de travail par ailleurs ou de la disponibilité des sources15 ! Or plus le nombre de lecteurs augmentent ou que les lecteurs sont éloignés de services spécialisés, plus la RDP et son périmètre deviennent complexes à appréhender : économie, finances, suivie de la concurrence sont la base dans le domaine privée ; réactions, actualité parlementaire ou dossiers divers dans le domaine public. Quid des sujets techniques ou complexes, des revues scientifiques ou professionnelles ? Souvent à la fois trop riche et trop pauvre, la RDP devient la bête noire de celui qui en a la charge, n'offrant que rarement la possibilité de confronter l'organisation à un signal faible et à témoigner de l'importance de ce signal… Laisser à l'inverse chaque service faire la sienne, c'est se couper d'une vigie générale. Il faut trouver l'équilibre subtil où la responsabilité de chacun dans la perception de son environnement porte un enjeu collectif de veille : ce n'est pas toujours possible. Puis vient l’ère du « smartphone » (puis de la « tablette ») dans le début des années 2000. Et là, les « décideurs », premiers utilisateurs des RDP, disposent en tout temps et tout lieu d'un accès direct et parfois personnalisé à l'information. Le développement d'outils, de technologies et de forfaits adaptés à la mobilité ont fait exploser la frontière publique et privée, ont bouleversé les anciennes formes de secrétariat et d'assistance, mais aussi la manière dont on conçoit la « pyramide » de l'information et ses goulots de transmission. Une caricature en exemple : avec son café matinal, sur des applications dédiées, le décideur peut consulter l'actualité avant même que la personne en charge de la RDP n'embauche. Ajoutez à cela les alertes tout au long de la journée, la réactivité nécessaire face à ces alertes et on mesure combien l'humain (sa lenteur, ses limites) a perdu toute sa place dans la diffusion de l'information. La diffusion oui. Mais pas dans sa gestion où il reste primordial tout en demeurant, par ailleurs, parfaitement « visible ». J'ai schématisé ici l'évolution récente de l'acquisition d'un grand nombre d'organisations au travers de la RDP mais finalement ce « choc » entre diffusion et gestion existe depuis bien longtemps : la télévision, la radio sont autant de médias qui ont bouleversé nos 15 Fréquence de mises à jour faible, problèmes matériels ou de droits sur les postes utilisateurs, abonnements coûteux, etc. < ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 20
  • 21. univers d’information et cela bien avant l'hypertextualité et les contenus enrichis, dans un monde alors basé quasi-exclusivement sur l'écrit. Qui se souvient des différentes éditions quotidiennes d'un journal ? Il y a aussi des outils que l'on a oublié et qui ont formé les prémisses de la révolution numérique, accélérant à leur manière la diffusion des informations dans les organisations et entre elles : les téléphones satellitaires, le fax, les télex et télétex, etc. Alors le « big data », les structures des SI toujours plus perfectionnées qui forment un gouffre qui avale tout le contenu numérique généré chaque jour16 par nos civilisations sont une étape supplémentaire mais pas vraiment un « début de la fin » pour la RDP et la transmission des informations. Ces SI qui bouleversent là encore ce que doit être la revue de presse – et parfois même le renseignement humain, tant la finesse de l'observation peut être poussée à l'extrême. L'un des points qui fait qu'un système répond à la définition du big data, est l'exploitation particulièrement poussée des données recueillies moins que le rythme ou la masse récoltée. Face à ces masses d'informations, on parle désormais de « tendances », de « vagues » dans un océan de données. On réagit davantage à un « buzz » (comprenez ce qui est abondamment repris) parfois plus qu'à l'objet lui-même traité par cette actualité. Cependant peut-on résumer un océan à quelques gouttes d’eau qui s'agitent davantage que la moyenne ? C’est à ce défi, et probablement à lui seul, que la revue de presse et ses adeptes doivent répondre. Capter une « atmosphère », mais aussi les signaux faibles, qui peuvent être bien souvent très éloignés des tendances. Pour autant, la RDP se retrouve encore souvent dans les organisations, sous des formes diversifiées. Explications. Veille et revue de presse Si la veille d'une organisation (même sous-traitée) se contente d’amasser des articles divers de manière automatique et dont l’intérêt final est de faire des recherches textuelles ou se borne à informer quelques personnes, j’ai la naïveté de croire qu’il ne s’agit là qu’une revue de presse – du moins une « revue de média » globale. 16 Un contenu qui peut être aussi la mesure d'un phénomène physique : nombre de pas, photo d'un paysage, données satellitaires, relevés d'appareils, etc. < ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 21
  • 22. Dès lors se pose la question de la définition du terme (et du concept qu’il recouvre) de « veille » et de l’acceptation de cette définition pour ceux qui en sont les premiers « utilisateurs ». Rappel important : dans mes articles17 comme de cet essai, je m’intéresse surtout à la politique, à la chose publique (débat et décision publics). La définition que je propose ici doit se lire donc à l’objet de mes recherches : je ne propose pas une définition de la veille pour tous les types d’organisation, de structures. Voici quelques éléments qui fondent ma pensée actuelle : • la veille est un processus permanent dans le temps d’un individu pour lui-même ou pour un groupe identifié ou non-identifié18 . La veille peut s’appuyer sur des outils numériques, mais reste liée à une activité et à une volonté humaine ; • la veille s’intéresse à tout ce qui n’est pas accessible de manière publique ou dont la diffusion libre n’est pas accessible sous un format directement exploitable ou pour un plus grand nombre. La veille doit être considérée comme un effort de recherche supérieur à ce que pourrait faire une personne non-intéressée par l’objet de la veille et donc la veille a une valeur intrinsèque supérieure à la valeur d'une revue de médias / d'une revue de presse ; • la veille est liée à un ou des objectifs généraux qui varient dans le temps ; mais la veille s’intéresse finalement : ◦ à tout ce qui fonde la décision (cf l’information stratégique, la compréhension du défi à relever / du bon objectif à atteindre), ◦ au contexte / à l’environnement de la personne ou du groupe (cf des évolutions à venir par les signaux faibles, la compréhension des plans d’autrui). Ainsi je propose en définition : la veille dans le domaine politique est une activité permanente et polymorphe, nécessitant des ressources. Elle est liée nécessairement à une personne et elle fonde le contexte de toute décision en agissant en priorité sur la perception de l'environnement du décideur. Elle ne peut pas être réduite à des activités purement numériques et s'appuie sur les biais humains (intérêts, logique, culture). 17 Sur mon blog, qui traite du sujet de l'IP. 18 Par exemple dans le cas où un service ou un cabinet prépare une revue pour un ensemble particulièrement disparate de clients, de destinataires. < ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 22
  • 23. Ainsi la nécessité de penser la veille comme un processus lié à une personne est- elle indispensable. Comme je l'indique plus haut, elle permet de lier les résultats de sa veille à ses biais, à ses réflexions et finalement à une partie de la décision collective lorsque cette personne travaille pour un groupe : informer ou non d’autres personnes que soi (cf les liens entre ses propres intérêts et ceux de son groupe), sous quels délais et sous quel format. Cet aspect supplémentaire à l’information issue de la veille, un « métacontexte », est primordial lorsque nous sommes dans un cadre de débat partisan ou au cœur du pouvoir et de ses luttes d’influence. Il qui répond à la question du destinataire de la veille, parfois de celui qui l'a fait : « pourquoi (me) dit-il ça / comment et pourquoi trouve-t-il ça, maintenant ? » Plus encore, une telle définition implique qu'il existe toujours plusieurs veilles au sein d'un groupe (car un groupe implique au moins deux personnes sinon trois...) et que le groupe même n'a pas de possibilité de réaliser une veille qui lui est propre comme pourrait le faire une personnalité juridique ou d'existence de fait à part entière. Les premières veilles pour tout membre d’un groupe sont : tout d'abord celle « conjoncturelle » sur les informations qu'il reçoit ou qu'il perçoit de l’extérieur, puis celle « d'apprentissage » par et sur les autres membres du groupe. De plus la veille « basique » dans les thèses d'IE se limite à l’acquisition, à la recherche d’informations, comme l’une des étapes du « cycle de l’information19 ». La veille est aussi la manière sur le « comment » l’information récoltée est stockée, est traitée. Si l’on considère que toute veille ne serait réalisée que par des outils numériques de stockage et de traitement automatique, quid du renseignement humain que l’on obtient par les jeux d’acteurs ? Les grilles de qualification, la gestion et les moyens sont radicalement différents – les résultats et leurs valeurs, leur stockage ou non, peut-être aussi… Cela conforte ma pensée que toute veille est avant tout une affaire personnelle : je choisis, moi veilleur, de stocker ou non dans une base commune ou dans un outil quelconque, ce que je sais. Et de retirer des éléments de l’outil commun de connaissances si j'y ai intérêt… 19 Cycle qui, pour ma part, me paraît de plus en plus sinon comme une aberration dans le domaine du politique, au moins très mal adapté… < ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 23
  • 24. Un bon exemple de ce point est « l'affaire Kerviel » où le débat judiciaire porte sur un outil numérique de surveillance et de contrôle « pipeauté » par un seul individu et dont les hauts responsables tenaient pour vérité – alors qu'ils auraient été tenus simultanément informés par ailleurs de la vérité des engagements de la Société Générale par les sources humaines internes. C'est une illustration d'une veille (ici interne) sur des risques importants pour le groupe (institué par l'entreprise Société Générale) entre technique et légalisme, qui est dépassée par la somme individuelle de recherche du profit par et pour les personnes de ce même groupe… Ce n'est pas seulement un défaut ou une malveillance : c'est pour moi et dans mon hypothèse préalable, la pente « naturelle » de tout système de veille, qui veut que la frontière de l'automatisation s'arrête pour l'instant20 à une réalité : celle des intérêts des acteurs humains ! Cependant je ne remets pas en cause les concepts de l’Intelligence Économique dans le domaine de la veille et la place très centrale qu'occupent les outils numériques. Je les estime simplement grandement inopérants dans le sujet qui m’occupe. Ainsi l’IE sermonne parfois : l'absence de veille d’une organisation (qui ne récupèrerait donc pas d’informations) subit un dysfonctionnement ou fait une erreur. A l’inverse c’est pour moi la première des observations à mener, car cette absence définit la base de la structure politique, de son organisation – bref du groupe étudié. Parfois ne faut-il mieux NE PAS savoir (au moins de manière officielle) pour continuer à agir ou décider dans un contexte difficile ? En politique donc, ne pas informer ou désinformer un groupe auquel on appartient ou un membre d’un groupe partenaire est un choix comme un autre. L'absence ou la désinformation vers l'interne ou l'extérieur a ses intérêts autant que le choix d'informer. Des questions éthiques se posent alors mais je les évacue volontairement de cet essai. Les évoquer sera pour plus tard… ! 20 Hors intelligence artificielle, j'y reviendrai plus loin. < ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 24
  • 25. La culture du groupe ou de l’individu ? Une question vient assez naturellement alors21 : la veille (ses techniques et ses finalités) n’est-elle finalement pas le reflet de l’organisation qu’elle sert ? Une forme d'indicateur avancé ? Si l’on considère que l’organisation prédomine sur l’individu, la réponse serait assez naturellement oui. Mieux : le type de veille permettrait donc un premier classement de l'organisation dans un type / une famille. Cependant et je l’ai évoqué par ailleurs régulièrement, la politique est histoire d’hommes et de femmes avant d’être un mouvement uniforme (au-delà de la simple « logique de blocs » dits idéologiques). Certains partis peuvent paraître être très organisés dans l'Histoire (cf temps long), à tout le moins en apparence : PCF, Bloc Identitaire, ex- RPF, etc. Au point même que l’individu y soit vu comme « fondu » dans une masse qui le dépasse, le limite et l’encadre. Mais de telles organisations politiques supportent mal le débat interne, qui y est vu comme déstabilisateur. Un débat qui, lorsqu’un parti dit « de gouvernement » est au pouvoir local ou national, sera perçu en interne comme irresponsable, parfois même par les observateurs extérieurs. Car ce débat affaiblie la légitimité de la parole d'un chef considéré comme sachant grâce à l'organisation et donc pouvant pour elle. La situation à l'heure de l'écriture de ces lignes au sein de l'ex-« gauche plurielle » (qui finalement, n'aura jamais aussi bien porté son nom qu'aujourd'hui), le marasme du Gouvernement Hollande/Valls sur la loi « Travail » est un bon exemple. Dès lors la culture du secret, du renseignement sur l’adversaire qu'il soit interne ou externe à ce parti, y est prégnante pour autant qu’un leader seul se maintient et que la situation n’évolue pas (rare) ou que ses membres et sympathisants s’y raccrochent (fréquent). A mon sens, c’est une image d'Épinal : ces périodes que l'on peut appeler de « stabilité » réelles, ne sont que transitoires vers des situations plus fréquentes voire plus « naturelles » pour de telles organisations, que sont les périodes de troubles. Là aussi la 21 Dont beaucoup ont déjà apporté une réponse certes. Mais défaire et refaire, c'est toujours faire… avec parfois des nuances ! < ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 25
  • 26. culture du secret et du renseignement, autant en interne qu’en externe, s’y développe ; cette fois-ci moins pour le rassemblement pour que la lutte du pouvoir interne, de son exercice et de l’influence que le futur faiseux22 – le futur chef – se doit de déployer. Les primaires de la gauche en 2011 et celles à venir à droite en 2016, comme un « tour 0 »23 en sont l'illustration : elles sont des étapes récentes dans l'histoire politique de notre pays ; mais elles ne sont que des formes renouvelées d'un principe plus ancien : celui de l'organisation de l'investiture d'un parti ou de plusieurs, à un individu ou à un groupe très restreint censé représenter une opinion majoritaire. Là encore la connaissance, le sachant recouvre des concepts intéressants et complexes. De telles luttes internes sont fréquentes : les investitures donc, mais aussi les nominations, les désignations, les prises de position, etc. ; sont autant d’opportunités de livrer une bataille locale ou nationale, entre courants internes ou entre partis au sein d’un même bloc idéologique / d'une même alliance. Ces batailles, très déstabilisatrices pour le groupe d'individus concerné (qu'il soit un parti, un cabinet, un groupe politique ou un courant) ne peuvent évidemment rendre la veille opérante à son niveau et, parfois, même au niveau de sous-groupes en son sein, tant les contours des conflits peuvent être flous ou changeants. Bref : sauf à de rares moments particuliers que j’évoquais plus haut, nous pouvons considérer le parti comme un groupe d’individus disposant parfois de très peu d’intérêts communs sinon la recherche du pouvoir interne ou d’une institution publique. Ce qui les unit est certes une pensée, mais cette pensée n'est pas une force suffisante pour équilibrer un système de masse (des centaines de milliers de personnes sur des milliers de territoires différents) et pour répondre à toutes les problématiques internes. De plus on se heurte là à des conflits qui peuvent être liés aux caractères des protagonistes, aux appréciations des uns sur les autres, à l'égo de tous – où la rationalité ne l'emporte pas, bien au contraire. Contrairement à une entreprise où les règles sont figées par la loi ou un règlement (pacte des actionnaires, code du travail, conseil d’administration, etc.) comme de la très grande présence du salariat qui fige les statuts et les rapports de force, il n’y a pas de limites aux conflits internes des partis où chacun peut se proclamer d'un courant, d'un rassemblement, c'est-à-dire du fondement même du parti qui est par nature le rassemblement d'individus. Une victoire électorale ou une bataille de congrès règle temporairement un ou des conflits… mais seulement jusqu’à la prochaine lutte qui peut être, par exemple, l'organisation de ce pouvoir justement et nouvellement acquis ! 22 L'homme qui peut faire… 23 Suivi du 1er et 2nd tour des présidentielles, et enfin du « 3ième tour » que sont les législatives… < ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 26
  • 27. Ces luttes finissent de démontrer que l’organisation politique comme mouvement permanent et organisé n’existe pas. L'autorité d’influence d'un membre est souvent largement supérieure dans les faits à la relative autorité administrative conférée par les statuts et l'organisation du mouvement politique. Que l’organisation finit (toujours ?) par se scinder en interne en groupes, toujours plus petits, car eux-mêmes finissent par être renvoyés à leurs luttes internes de pouvoir ; jusqu’à arriver à l’individu « militant » seul qui, par nécessité, ne raisonne plus pour une organisation collective. Souvent membre non-salarié24 , ce militant dispose en particulier de la capacité à refuser de faire (être observateur plutôt qu’acteur dans le mouvement politique), ce qui réduit l’intérêt du mouvement, qui ne dispose plus de la puissance bénévole pour porter au plus grand nombre ses messages, d'assurer une émulation, une animation25 . De même le financement de la vie politique française empêche une réelle professionnalisation pas seulement des élus confrontés à une complexité grandissant de leur situation, mais aussi des collaborateurs d'élus dont le statut juridique est précaire malgré un poids dans la décision définitive parfois considérable26 . Or les partis n'ont pas les moyens de salarier l'ensemble des cadres qui seraient nécessaire à une couverture fine de tous les territoires français, et leur-s loyauté-s à l'un ou l'autre des courants du parti annihile-nt souvent une organisation efficace. Factuellement, je finis par m'interroger même, à titre personnel, si un parti politique puisse exister au sens entendu par les ouvrages habituels définissant les organisations privées. Car si formellement l’association politique existe, elle est toujours en grande précarité et dans les faits avec une absence de pouvoir propre (contrairement à l’entreprise, dont la société civile lui garantit des intérêts minimaux préservés comme une personnalité propre et une administration grandement objectivable, basée sur des actions ou tout autre moyen pécuniaire). Ainsi l'association, par sa nature de rassemblement volontaire comme je l'indiquais plus haut, porte en finalité, en constante et en son sein, le germe ultime de sa faillite qui est le renoncement au rassemblement car ce dernier se devrait, à un moment ou à un autre, d'être incarné et donc excluant l'un ou l'autre des prétendants à cette incarnation. 24 C'est l'objet même du militantisme associatif sur lequel se fonde l'action politique et partisan au travers des partis ! 25 On parle bien de « mouvements » (partis) politiques... 26 Dans le cas de mon contrat, quelques lignes du CGCT… < ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 27
  • 28. La question de ce chapitre était la prédominance ou non d’une culture de groupe en ce qui concerne la veille : je crois avoir ainsi commencé à démontrer qu’elle peut exister, mais dans un temps limité et un contexte particulier. La culture d'un individu dans un groupe semble devoir reprendre systématiquement toujours le dessus lorsque celui-ci y a intérêt. L'organisation n'a de poids dans l'appropriation et la résolution de la décision qu'à la hauteur de celui qui l'incarne et assoie son autorité sur les autres. La veille en politique : concepts avancés à partir des travaux de LESCA 27 En parcourant mes cours de Master pour écrire cet essai, j'ai essayé de mieux comprendre encore les raisons qui m'avaient conduites aux conclusions premières des différences entre revue de presse / revue de média et la veille « véritable ». Comment ma culture et mon apprentissage m'avaient influencé ; quels étaient mes biais. Une phrase notée au détour d'un bloc de cours m'a fait réagir : « (…) Cependant, à la différence du radar, la veille stratégique est caractérisée par son aspect interprétatif voire constructiviste ». Je n'aurai pu mieux dit : il y est fait question d'une veille « neutre » et permanente, souvent de peu d'intérêt, ici symbolisée par le radar (que j'ai qualifié pour ma part de revue de média) ; mais aussi de l'aspect excessivement humain, faillible et créatif que représente la veille stratégique et qui ne se limite pas à des opérations purement factuelles, systématiques, informatiques28 . Ainsi à l'heure de l'écriture de cet essai, me semble-t-il plus simple de continuer mon raisonnement à partir de la synthèse des travaux de LESCA, dont j'ai une note de lecture issue de son ouvrage « Veille Stratégique » (1997). L'ouvrage est ancien désormais mais dans les vieux pots… Pour le domaine de la veille (sous-entendue, celle stratégique, voir plus loin), rappelons qu'il y est fait tour à tour référence : • à une question purement organisationnelle et opérationnelle (schématisée ici par le comment et le par quoi)… • mais aussi à une question décisionnelle (le pourquoi et le vers quoi). 27 Humbert LESCA est docteur d’État et professeur émérite à l'Université de Grenoble. 28 Au sens d'un ordonnancement automatique. < ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 28
  • 29. Définition de la veille stratégique Sa définition Ma définition initiale « La veille stratégique est le processus collectif continu par lequel un groupe d’individus traquent, de façon volontariste, et utilisent des informations à caractère anticipatif concernant les changements susceptibles de se produire dans l’environnement extérieur de l’entreprise, dans le but de créer des opportunités d’affaires et de réduire des risques et l’incertitude en général. Parmi ces informations figurent des signes d’alerte précoce (que nous définirons plus loin). Finalement, l’objectif de la veille stratégique est de permettre d’agir très vite et au bon moment. Les anglo-saxons utilisent les expressions Environmental Scanning et Competitive Intelligence pour désigner des concepts très voisins. » « La veille [qui n'est pas de l'ordre de la revue de médias, que l'on considère donc comme « stratégique »] dans le domaine politique est une activité permanente et polymorphe, nécessitant des ressources, liées nécessairement à une personne et qui fonde le contexte de toute décision. Elle ne peut pas être réduite à des activités purement numériques et s'appuie sur les biais humains. » Si ma définition fait moins état des finalités que celle de LESCA, cet essai les évoque largement ; je n'y reviens pas. Le plus intéressant est ailleurs... Tout d'abord deux points qui nous rassemblent : la volonté et un processus humain – pour lui la volonté de recherche à l'échelle d'un groupe. Dans ce résumé de LESCA il y a peu de cas sur les conflits au sein des organisations : ils sont pourtant des parties intégrantes et majeures de la construction de la réalité et d'une perception large de l'environnement surtout si cette organisation est composite (dans le cas économique : des filiales récemment absorbées par une holding par exemple). < ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 29
  • 30. Ce qui nous sépare : j'insiste sur le caractère polymorphe de l'activité, lui davantage le caractère anticipatif. Ses travaux résumés ici s'intéressent davantage au futur (où le présent n'y semble être que la préparation perpétuelle du futur dans les actes actuels) ; quand pour ma part je suis dans la décision dans un sens large (la réaction à un phénomène présent autant que la prévision d'un phénomène futur qu'il convient d'anticiper ou de favoriser29 ). La différence fondamentale est la notion de groupe face à l'individu. Si tous les deux nous proposons une approche où réside une part d'observation subjective et finalement « imposée » de la réalité par les signes que nous captons, qui agit sur notre construction de notre environnement, pour lui cette construction semble être avant tout celle du groupe. Pour moi, la construction est essentiellement voire totalement personnelle : en politique, comme j'ai tenté de le démontrer dans le chapitre précédent, la construction d'une stratégie globale pleinement partagée et plus encore d'une veille commune qui s'y rapporte, n'existent pas ou à des moments particuliers et généralement très courts. L'histoire de la vie politique française regorge ainsi de « lieutenants » qui ont fait chuter des candidats désignés plus ou moins « officiellement » pour replacer leur « chef » dans la course au pouvoir grâce à des défauts par des défauts d'informations30 … Derrière, ce sont aussi des réalités différentes et profondément humaines liées aux enjeux de pouvoir. C'est l'histoire de ces individus, de leur caractère et de leur parcours qui ont d’abord guidé certains de leurs intérêts et leur affinité, et ce dans un même système / une même organisation (un même parti par exemple). 29 Exemple de phénomènes présents : la réaction par voie de communiqué de presse à un article, à un fait ou à une déclaration. 30 Balladur / Chirac ; DSK+Jospin + Fabius / Royal ; etc. < ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 30
  • 31. Mode de fonctionnement Ses travaux Mes réflexions « Le processus de Veille Stratégique peut fonctionner selon deux modes distincts mais non exclusifs : le mode « commande » et le mode « alerte ». - Le mode commande signifie que la recherche active d’une information de veille stratégique est déclenchée par la demande expresse (la commande) d’un supérieur hiérarchique qui exprime ainsi un besoin ponctuel d’information. L’initiative est donc du côté de l’utilisateur potentiel de l’information (un responsable, par exemple). - Le mode alerte signifie que la recherche active d’information est continue de la part de certaines personnes (que nous nommerons traqueurs) et que ces personnes alertent, de leur propre initiative, le supérieur hiérarchique (ou d’autres personnes) lorsqu’elles jugent avoir trouvé une information intéressante, alors que ce supérieur n’a pas exprimé un besoin particulier d’information. L’initiative est donc du côté de l’animateur de la veille stratégique. » Rien à ajouter : dans le domaine politique aussi ces deux modes existent. Cependant ils ne se rencontrent pratiquement jamais sous leur forme « pure », mais bien davantage sous leurs nombreuses variantes, suivant le poste et la situation : ainsi une commande peut devenir alerte si, dans un service et au cours d'une étude, le travail impacte ou est impacté par d'autres travaux (exemple : le décaissement et les engagements du CPER sur les programmes départementaux et régionaux, leurs impacts sur l'agenda politique et médiatique : lancement d'un chantier, etc.). C'est aussi, au niveau de la collaboration politique, la possibilité d'abandonner une note émise des services, de dissimuler des informations voire de tromper sa hiérarchie ou les élus et cela volontairement (notamment à l'occasion des débats budgétaires31 ). Ces méthodes manipulatoires, parfois irrégulières voire illégales (cf la bonne information par l'Exécutif des élus et, dans une moindre mesure, du public est rendue impérative par la loi), sont rencontrées régulièrement et peuvent être parfois préconisées dans l'intérêt même de la collectivité. Car les seules luttes partisanes et la paralysie partielle ou totale qu'elles entraînent ne peuvent être la finalité d'une organisation ou d'une 31 Depuis l'écriture des lignes, au sein de la Région ALPC, une note interne à l'ex-Poitou- Charentes demandant la sous-budgétisation aux Services régionaux et provoquant l'insincérité du budget présenté aux élus, a été communiquée par le nouvel exécutif à la presse locale régionale. Aussi j'ai maintenu ce propos dans cet essai alors qu'il aurait pu, de ma main et de ma fonction sans cette note rendue publique, être jugé diffamatoire… < ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 31
  • 32. action publique. Le bien public peut imposer un défaut d'information à une condition express, justifiable par la suite et objective ; lorsque, par exemple, cela répond à un besoin d'arbitrage impératif dans un contexte de crise politique ou de catastrophe. Cette recherche de l'intérêt public n'est pas toujours vraie... voire s’éclipse au profit du seul débat partisan et de l'intérêt électoral, comme j'ai pu le synthétiser par mon travail dans le dossier lié au projet des véhicules électriques régionaux en Poitou-Charentes où près de 30 millions d'euros ont été engloutis selon moi dans des mécanismes financiers complexes avec une absence totale de contrôle du Conseil Régional comme des autorités publiques type la préfectorale. L'agenda politique semble avoir imposé certains choix irresponsables. A mon sens il y a derrière cet enjeu du « mode de fonctionnement » moins la maîtrise et la description du processus, que son contrôle et l'effectivité de l'action et des informations qu'il génère. Le terme de « stratégique » Ses travaux Mes réflexions « L’adjectif « stratégique » n’est pas une concession à la mode du moment. Il est utilisé pour signaler que les informations fournies par la Veille Stratégique ne concernent pas les opérations courantes et répétitives, mais, au contraire, l’aide à la prise de décisions qui ont les caractéristiques suivantes. Il s’agit de décisions : non répétitives, non familières, pour lesquelles on ne dispose pas de modèles déjà éprouvés par l’expérience, prises en situation d’information très incomplète. Mais il s’agit cependant de décisions qui peuvent avoir un très grand impact sur la compétitivité et la pérennité de l’entreprise. Par exemple, le choix d’un nouveau fournisseur a une importance stratégique pour une entreprise Je trouve ses caractéristiques / qualifications concernant le terme de « stratégique » pour le moins étranges voire impropres – autant en politique que dans une entreprise. Les concepts de gestion de flux tendus, la diversité des prestataires extérieurs, des fournisseurs, des changements de tous ordres de plus en plus brutaux et l'interaction de tout cela, sont autant de phénomènes courants mais essentiels qu'il convient de surveiller, d'observer. Même le quotidien « interne » doit être scruté avec intérêt… Alors que, plus que jamais, une recherche du moindre coût rend parfois rapidement caduque des habitudes de travail et des accords pour de seuls < ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 32
  • 33. industrielle, alors que la passation d’une commande (répétitive) n’a pas une importance stratégique. Du fait même que la veille stratégique doit aider à la prise de décisions peu répétitives, concernant des problèmes difficiles à structurer, l'utilisation des informations prend une dimension créative. » motifs d'une réduction de la dépense (parfois marginale ou éloignée dans le temps). Quant au répétitif, il peut l'être aussi pour de grands événements qualifiés individuellement d'unique (car « exceptionnels ») au regard des observateurs : les keynotes, au format léché et millimétré, en sont des exemples de plus en plus répandus et peuvent faire ou défaire des sortie mondiales de produits ou de services. Ils sont uniques mais réguliers, stratégiques mais répétés… L'extension du domaine de l'information, avec les théories et les nouvelles possibilités techniques du « big data » bouleverse là aussi la conscience et la connaissance de la structure sur elle-même, comme des individus qui agissent pour elles ou avec elles. Où quand l'« infobésité » peut devenir un avantage si elle est utilisée avec les bons outils : les résultats sur ce que l'on considère comme « stratégique » seront colossaux. Probablement que le signal faible, par de tels traitements, sera plus aisément repéré – voire plus facilement accepté car non-dépendant d'une recherche humaine jugée peut-être davantage biaisé. L'intégration même de ces outils tend déjà à la démocratisation par l'utilisation de services commerciaux intégrés et tiers (ex. : les Googles Apps). Pour ma part, la stratégie d'une organisation ne peut pas être seulement liée à l'utilisation ou non de modèles éprouvés. Elle n'est d'ailleurs pas uniquement liée aux faits et aux objectifs de cette organisation, mais revêt en réalité une infinité de stratégies liées... aux personnes qui la composent, à leurs actions et à leurs intérêts. Ces « sous-stratégies » déterminent le contexte de réalisation de ce qui est au-dessus : au niveau d'un groupe ou de l'organisation elle-même. Quant à l'information incomplète, elle l'est par nature dans toute organisation : sait-on jamais tout de soi et de son environnement (même avec le big data) ? < ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 33
  • 34. Aussi je préfère parler de « stratégique » ce qui touche à un intérêt vital ou un phénomène essentiel pour l'organisation dans laquelle personne collabore, sous toute forme et qui s'appuie sur une finalité à la fois propre à cette personne et propre à son organisation. La stratégie n'est ainsi pour moi applicable qu'avec un objectif au moins en partie « objectivable32 » à un instant précis ; sans qu'il soit notion de difficultés de structurations des problématiques, car les objectifs varient dans le temps et en nature – donc leurs dépendances aussi (les problématiques qui forment le « soubassement » de la décision et de l'action). « Les types de veille » Ses travaux Mes réflexions « L’expression « veille stratégique » est une expression générique qui englobe plusieurs types de veilles spécifiques telles que la veille technologique, la veille concurrentielle, la veille commerciales, etc. Une entreprise n’est pas forcément dans la nécessité de mettre en œuvre toutes ces veilles spécifiques. Elle doit choisir celle (ou celles) qui lui paraît la plus adaptée à sa situation. Ce choix relève lui-même d’une démarche méthodologique. » Je rejoins sa réflexion, en mettant en avant moins des considérations de techniques et d'orientations que la limite offerte par les moyens mises en place par la veille – cf la conclusion du chapitre sur la RDP. 32 C-à-d qu'il puisse être mesuré de manière systématique, au moins en partie. < ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 34
  • 35. « Volontariste » Ses travaux Mes réflexions « Parce qu'elle vise un but créatif, la veille stratégique ne saurait être un acte passif, limité à une simple surveillance de l'environnement. C'est au contraire un acte volontariste, exigeant que l'on aille au devant des informations anticipatives en ouvrant bien grand ses yeux , ses oreilles et en activant tous les autres sens. Parfois il faut même susciter des informations. A cet égard, le mot "veille" est bien mal choisi, mais il est maintenant très répandu. Les expressions « Intelligence de l’entreprise » (utilisée par H. LESCA, dès 1986 comme sous-titre de son livre publié chez Mac Graw Hill) ou encore « Intelligence Stratégique » seraient préférables. Les anglo-saxons parlent de "Environmental Scanning" ou encore de "Competitive Intelligence". De façon imagée, on peut comparer la veille stratégique de l'entreprise au radar du navire, comme l'a suggéré AGUILAR, puisqu'elle vise à anticiper des événements avant qu'il ne soit trop tard pour pouvoir agir. Cependant, à la différence du radar, qui est objectif, la veille stratégique est caractérisée par son aspect interprétatif voire constructiviste. » Une différence : à mon sens l'anticipation est davantage la vision d'une personne dans un environnement (et donc calquer ses propres menaces et opportunités à sa veille) qu'une pensée abstraite et « neutre » vis-à- vis de celui qui la porte. Bref la veille est, pour moi, avant tout l'action d'une personne qui sélectionne à la fois pour son organisation lorsqu'il y a lieu, mais avant tout pour son propre intérêt. < ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 35
  • 36. « Intelligence collective » Ses travaux Mes réflexions « La recherche volontariste (on dit aussi « pro-active ») des informations de veille stratégique et leur utilisation ne saurait être une démarche individuelle. Au contraire elle fait intervenir divers membres de l’entreprise, chacun d’eux en fonction de ses activités et de ses compétences. Pour cette raison la veille stratégique est un processus collectif transverse à l’entreprise. Ce processus englobe des phases d’interprétation des informations, phases délicates nécessitant la mobilisation d’expériences diverses. C’est pourquoi nous disons que la veille stratégique est inséparable du concept d’intelligence collective. Il y a intelligence collective, c’est-à-dire d’un groupe d’individus, lorsque les signes observés dans l’environnement, leur sélection et leurs mises en relations pour créer du sens sont l’objet d’un travail collectif à l’occasion duquel les membres du groupe sont en communication et en interaction sous toutes formes appropriées, dans le respect de certaines règles de comportement de travail en groupe. » Plus qu'un désaccord, les travaux de LESCA sont pour moi sur ce volet impraticable dans le domaine politique en l'état. Son domaine d'étude – l'économie et des groupes clairement institués, formels, « solidaires » entre eux pour les individus qui les composent – me semble trahir une volonté d'universalité « facile », sans arriver à être transposée à tous les types d'organisations. Mes travaux sont plus modestes. Cependant, peut-être avec le défaut de n'être qu'intuitif, pour mon domaine d'observation et à l'heure du bouclage de l'ouvrage, ma conclusion est à l'impossibilité d'une intelligence collective absolue au niveau d'un groupe de personnels politiques, d'un Conseil, d'un Exécutif ou d'un parti. Plus encore si l'on définit la veille stratégique comme permanente et donc l'intelligence collective elle aussi permanente. Tout au plus l'intelligence collective y est- elle relative, « douce » (non-coercitive), dans un temps limité et des sujets donnés. Cela n'enlève rien à une recherche volontariste, et personnelle, aux compétences et aux opportunités offertes à chacun dans les personnels politiques, et de la sélection de ce qui est mis avant ou non vers des pairs ou ses « supérieurs ». Le point de départ que le « groupe » (quel définition ? Quel périmètre ?) serait l'échelon de travail et que la politique < ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 36
  • 37. n'aurait simplement que des règles de comportement de travail différent d'une entreprise me semble être une erreur absolue. Peut-être vraie en entreprise, elle est fausse et dangereuse dans un terrain d'observation aussi mouvant et insondable que le débat public et partisan où se chevauche les statuts : collaborateurs, agents, candidats, etc. – dont le « poids » politique est parfois au moins égal à l'élu33 . Le concept de « mises en relation ensemble » pour le domaine privé me semble devoir évoluer. D'abord parce que le développement du salariat précaire – c-à-d la perte d'un lien fort qui unit le salarié à l'entreprise –, voire de la fin du salariat (cf « l'uberisation » de l'économie) et des nouvelles pratiques comme le big data bouleversent les règles et les concepts existants. Sur le big data34 , c'est la définition même de ce qu'est ce système informatique qui vient comme « contrarier » les travaux cités et désormais anciens de LESCA : il s'agit de la structuration et de la mobilisation, de la gestion, des données au-delà de ce que peut faire une personne ou un groupe, fut-il uni et parfaitement organisé. Le big data est avant tout un travail d'acquisition, de rassemblement et de traitement sur des masses de données colossales, intraitables autrement et dont les relations sont construites sur des bases mathématiques, même pour les systèmes prédictifs. L'outil peut rendre une réponse pertinente car il est capable d'agglomérer et de trouver des liens et des principes entre des données hétérogènes35 . De plus la définition du big data (notamment le coût de la donnée traitée, la masse, la variété des sources36 ) peut détacher la veille stratégique d'une intelligence collective humaine sous certaines conditions. En soi le big data remet en cause dès à présent une partie des travaux de LESCA mais fixe aussi les formes ultimes de l'Intelligence Politique. Car le big data n'est qu'une étape vers l'apprentissage artificiel et donc à terme l'intelligence artificielle. 33 Le Secrétaire Général de l’Élysée ne devrait pas me contredire, pas plus que les Directeurs et Chefs de Cabinet de Matignon et des Ministères… eux-même en prise avec les Directeurs de leur administration qui les voient « défiler » à l'occasion de chaque remaniement ou changement d'humeur ! 34 Attention : il y a une différence majeure entre big data et IA ! 35 Au point que, parfois, des phénomènes sans rapport soient corrélés ; la faute au hasard ou à des bases d'interprétations erronées ou exagérées. Même cet exercice a ses limites ! 36 Voir p. 7 de l'ouvrage collectif Big Data et Maching Learning, aux éditions Dunod. < ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 37
  • 38. Il faut cependant ne pas confondre un système de veille automatique dans une entreprise et un véritable SI de big data, dont les moyens de fonctionnement sont souvent colossaux malgré la baisse des coûts informatiques. Sur un autre point, l'intelligence collective nécessaire à la veille stratégique définie par LESCA implique aussi une adhésion forte de l'individu à son groupe de travail : sa phrase « le respect de certaines règles de comportement » m'intéresse particulièrement. Elle doit nous inviter à avoir une réflexion à cette adhésion aux règles de comportement (et aux règles elles-même) dans le domaine politique. Car au-delà de la question de l'évolution de ce qu'est le salariat (quasi-inexistant en politique), c'est aussi la motivation qui est en défaut dans le cas de la veille en politique : la décision publique à une vocation universaliste sur la société et ses membres – ce qui entraîne des enjeux de pouvoir énormes – et des tentations qui le sont toutes autant. Pour preuve : le développement du lobbying à tous les niveaux de la décision publique, du supranational à la commune ; l'accumulation des « affaires » sur les conflits d'intérêt et la difficulté aujourd'hui à définir les contours de ces conflits ; etc. Cependant ce sujet nous entraîne dans l'observation des systèmes humains, des « organisations », des mutations même de nos civilisations et mérite une vie de recherche en soi. Je n'y arrête donc pas ici. A mon sens, c'est l'enjeu de pouvoir et de postes qui entraîne la dispersion des moyens du groupe et du groupe lui-même, qui se retrouve « abandonné » (mais existe t-il sans ses membres ? Parfois oui, lorsqu'il est institutionnalisé37 ) à ses querelles internes et qui subit les pressions et attaques de ses concurrents, parfois de ses partenaires, des citoyens ou des lobbyistes de tous ordres. 37 Exemple de l'article L4132-23 du CGCT qui fonde par exemple les groupes d'élus au sein des Conseils Régionaux, même s'ils ne partagent rien en commun en terme d'idées ou de stratégie, de comportement vis-à-vis de l'exécutif. Mon contrat de travail actuel au sein de la Région ALPC repose ainsi sur un groupe qui peut- être très bien, dans les faits quotidiens, être strictement inexistant sans être remis en cause organiquement. < ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 38
  • 39. Cela tend donc à annuler toute forme d'intelligence collective permanente et efficiente. Cette intelligence est remplacée par d'autres formes (consensus par une absence de décision, jeu complexe de travail des acteurs entre eux par l'influence, gestion des médias « en réaction », etc.) que je tente ainsi de définir à travers l'Intelligence Politique. L'« environnement » Ses travaux Mes réflexions « L'environnement de l'entreprise n'est pas un concept abstrait ou un objet statistique. Il est constitué d’acteurs agissants. Il sera défini de façon opératoire, notamment au moment de parler du ciblage de la veille stratégique. » Si l'environnement est composé d'acteurs agissants et non statiques, ils n'en restent pas moins abstraits. D'abord parce qu'ils se composent de différents types (physiques ou non : personne, règle / loi, organisation, etc.) et à répondant à une série de critères objectifs (coercitifs ou non, adversaire ou non, etc.). Des critères qui peuvent évoluer fortement dans le temps et parfois en rapport avec soi-même (ennemi / neutre / allié objectif / allié véritable, etc.) La définition de l'environnement ne peut donc pas être lors du ciblage de la veille mais doit être qualifiée bien avant, au moment-même où la veille est voulue. Car c'est l'environnement qui pousse la personne (ou le groupe dans le cas d'une lecture « LESCA ») à réaliser une veille. Le mode opératoire, lui aussi, agit en fonction d'un contexte qui n'est pas seulement celui répondant à ce qui est possible mais aussi à ce qui est souhaitable. L'opératoire est donc une autre grille de lecture de l'environnement basée sur un futur « espéré38 » et pas seulement « probabilisé » ou « rationalisé » : la question du « comment » doit toujours être comprise comme la réalisation d'une action éloignée de sa condition actuelle. Une fois la veille démarrée, la perception de l'environnement évoluera en fonction de ses connaissances et agira de facto sur la pertinence de la veille et sur le mode opératoire : cela nous prouve les liens de dépendance entre ces problématiques – quelque soit d'ailleurs les résultats de la veille, qui peuvent être nuls. 38 Lorsqu'il s'agit par exemple d'une « vision » développée dans un projet politique. < ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 39
  • 40. C'est aussi et de manière très régulière dans le domaine de la politique, un environnement sur lequel on est directement en réaction : par voie de presse, par décision remise « sur table », en situation de crise, etc. ; où le temps entre le moment où l'on a l'information et le moment où l'on décide est quasi-nul. Ainsi l'anticipation et la réaction sont parfois confondues, comme peut l'être l'information « acquise » (revue de média ou veille) et l'information « poussée » (remontée de l'interne ou par un tiers identifié qui est dans le rôle du demandeur). De plus, il faut garder à l'esprit que trop définir des acteurs (ou trop tôt), c'est prendre le risque de mal les définir : il est rare qu'un être humain ou tout acteur vivant soit possiblement résumé en quelques points forcément distincts dans le temps et l'espace, surtout dès l'origine d'une étude sur lui. Sauf à créer une multitude de cases pour tous les ranger : mais alors quel est l'intérêt du rangement si nous y retrouvons une organisation qui tend à être le bazar naturel de notre monde… ? C'est aussi le cas des signaux faibles : ils répondent en priorité à une notion d'appréhension, non forcément de secret ou de discrétion. Le « capter », le repérer et l’interpréter correctement permet, comme le souligne LESCA un peu plus loin, de « créer » par l'interprétation. Cela implique que tout acteur, toute personne, toute source peut être utile. Si la définition implique d'être le préalable ou la finalité d'un filtre, alors les mailles ne doivent pas être trop fines… sinon c'est faire une veille qui sera par nature inopérante. A une définition précise de la nature des « acteurs », de tous les ordres, je préfère poser la question de la pertinence des limites en terme de ressources que l'on attribue à la veille et des ajustements au besoin : car la personne humaine = beaucoup de limites ! Charge aux responsables de la veille, aux exécutants, d'avoir l'esprit « suffisamment large » de notre « élite politique » tant décriée, comme le souligne par ailleurs et en creux Christian HARBULOT lorsqu'il évoque les carences d'observation de ce qui se passe ailleurs… < ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 40
  • 41. « Créer » Ses travaux Mes réflexions « Compte tenu des caractéristiques des informations dont il est question, la veille stratégique englobe des phases d'interprétation des signes d'alerte précoce qui s'apparentent à de la créativité. En effet, les informations dont il est question ne décrivent pas des événements déjà réalisés, mais permettent de formuler des hypothèses et de créer une vision volontariste. Interprétation et création prennent appui à la fois sur les signes captés sur l’environnement, sur l'expérience des personnes qui interprètent les informations et sur les connaissances stockées dans l’ensemble des mémoires de l'entreprise (mémoires formelles et mémoires tacites individuelles). » La création (ou sa chimère) en politique… ! Cela mérite en soi tout un ouvrage ; je laisse donc ce travail des Danaïdes à plus tard et à des dizaines de chercheurs chevronnés... ! Plus sérieusement je reprends les propos et concepts de LESCA à mon compte, quand bien même je ne partage pas son concept de « mémoires d'entreprise », qui implique que le groupe serait prioritaire dans la production, le stockage et la transmission d'une telle mémoire. En lieu et place de cette mémoire d'entreprise, je ne garde que les notes, la mémoire (faillible) de l'individu, des coupures de la presse ou des témoignages (faillibles eux-aussi). Bref une « construction mémorielle » peu impartiale, peu transmissible ou même peu commune. Là aussi les exemples ne manquent pas de pouvoirs publics disposant d'immenses ressources intellectuelles laissées à l'abandon et oubliées (parfois volontairement) de tous… « Anticipation » Ses travaux Mes réflexions « Notre définition de la Veille Stratégique met l’accent sur l’anticipation et la détection de changements et notamment d’éventuelles ruptures (ou discontinuités : discontinuity, radical change) qui pourraient survenir dans l’environnement pertinent de l’entreprise. Rappelons que Là encore des rapprochements et des divergences se créent. L'écart le plus manifeste repose sur la très grande fréquence des changements, des événements et l'opacité des liens entre eux, comme de l'immensité du secteur et de ses < ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 41
  • 42. Aguilar (1967) avait comparé l’Environmental Scanning de l’entreprise au radar du navire. Notre choix a une conséquence théorique et pratique quant au type d’informations auquel nous nous intéressons ici. Il s’agit d’informations ayant elles-mêmes un caractère anticipatif : elles doivent fournir des éclairages sur le futur, et non pas sur le passé ou le présent. Cependant il faut distinguer deux façons de s’intéresser au futur. Une première façon consiste à accumuler des informations sur le passé et à effectuer des extrapolations. C’est le cas lorsque l’on « calcule » des tendances, voire des tendances « lourdes ». Selon nous, cette façon revient à regarder le futur « dans le rétroviseur ». Elle n’est pas appropriée à anticiper les changements surprenants et encore moins les ruptures. Une seconde façon consiste à rechercher des informations susceptibles d’annoncer à l’avance des changements nouveaux. Cette façon de faire a été préconisée par I. Ansoff lorsqu’il a introduit le concept de management stratégique et parlé de « weak signals » (probablement par analogie avec ce que l’on connaît dans le domaine de la radio et des radars. (Il semble en effet qu’il ait emprunté cette expression à W. W. Bryan, un cadre de chez Philips, Pays- Bas). Le type d’informations recherchées et les traitements pouvant leur être appliqués sont très différents de ceux utilisés pour le calcul des tendances. Le présent document est plutôt orienté vers cette seconde façon d’anticiper. C’est pourquoi nous allons présenter le concept de signe d’alerte précoce. » acteurs dans le domaine public. Compte tenu que ma réflexion place initialement l'individu et non le groupe au centre de la réflexion, ses limites fortes et vite atteintes s'imposent toujours. Même les décideurs nationaux n'ont de l'actualité et des informations grises et noires que des résumés, des compilations ; ce que j'appelle globalement des « témoignages ». Cela rend plus facile les jeux d'influence et les phénomènes dits « de cour », où la centralité du pouvoir aiguise des appétits de reconnaissance et de vacuité face à ce qui se trouve à l'extérieur… Toutes naturelles sont la volonté et la pratique de l'anticipation et de la détection des changements en politique. Mon blog39 , alternant des études du passé, des extrapolations et des recherches de signaux faibles, s'en veut être une modeste illustration. La presse et le développement des outils numériques de communication personnelle en sont des illustrations plus éclairantes encore, recherchant la « petite phrase » ou la position inattendue de tel ou tel acteur, la créant (par effet de miroirs) ou la relayant, amplifiant et déformant la vision d'un événement tel l’œil de la mouche. Généralement la volonté de conquérir et détenir le pouvoir passe par l'anticipation « volontaire » et assumée, alors qu'il n'existe en politique finalement que des liens faibles entre les individus et des masses difficiles à appréhender – notamment au niveau des exécutifs, qui s'appuient sur des chambres / des conseils et des majorités. 39 Qui est en consultation libre à l'adresse intelligence-politique.fr et le travail d'origine de cet essai… < ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 42
  • 43. Dans les faits les situations sont diverses, riches et toujours complexes : nous ne sommes pas sur des relations contractuelles et, même sur des « contrats » – par exemple le CPER ou les Contrats de développement des territoires – il n'est pas rare qu'une des parties fasse défaut, sans qu'il y ait des représailles administratives ou judiciaires pour elle. L'anticipation ne se résume donc pas à la lecture stricte d'un document ou à la confrontation de plusieurs documents – fussent-ils officiels ! Sur l'anticipation elle-même, les deux types évoqués (extrapolation et signaux faibles) se retrouvent et se confondent à l'échelle de l'individu. Les distinguer a-t-il un sens, sinon pour définir un trait de caractère ou tenter de comprendre un jeu d'acteur ? Bientôt, très bientôt, une partie de ce que j'indique ici sera désuète, car les systèmes prédictifs non-humains / « non-naturels » (c-à-d en dehors du champ habituel du vivant) seront suffisamment développés par le biais de l'intelligence artificielle. Ces systèmes ne seront plus seulement des représentants des données statistiques mais dotés d'une véritable imagination. Il ne s'agit donc plus de probabilité mathématique pure mais aussi d'une part d'aléatoire et de « l'expérience humaine » sublimée. Bref que la machine soit consciente et rêve de possibles loin du probable… Dès lors c'est toute la pyramide de la gestion de l'information stratégique qui nous faudra revoir, tant sur le domaine universitaire que professionnel ou public. Et alors l'anticipation sera rentrée pleinement dans une ère que nous pourrions qualifier de mécaniste. < ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 43
  • 44. < ACQUÉRIR /> – La veille et la revue de média – 44
  • 45. < C L A S S E R E T C O M P R E N D R E / > – L A G E S T I O N D E S C O N N A I S S A N C E S Ce chapitre se consacrera à la meilleure manière de gérer les connaissances acquises au niveau de la personne. Mais avant d'être une connaissance et considérée ainsi, différents processus intellectuels se mettent en place : de la données (unité de base, très variables), par l'information (l'agglomérat, détermine un contexte à un moment) et jusqu'à la connaissance proprement dite (qui n'évolue pas ou très peu dans le temps), sont les principales étapes / préalables / état d'une matière étrange à connaître. La création de la connaissance et son organisation sont en elles-même vectrices de création de nouvelles connaissances (que l'on nommera par facilité de langage métaconnaissances les ensemble ou métainformation pour les liens). C'est là un schéma assez classique emprunté au cycle de l'information et aux théories classiques de l'infocom'. J'ai souhaité le revisiter à l'aune d'autres domaines et d'une approche que certains pourraient penser naïve (à raison ?). L'ouvrage Un brève histoire du temps, du célèbre physicien Stephen HAWKING, m'a inspiré pour cette partie. Il révolutionne durant son immense carrière la physique sur de nombreux points en confirmant les aspects quantiques de notre univers et leurs conséquences incalculables40 , bousculant la « vérité » comme étant un phénomène unique et reproductible. C'est aussi un homme qui doit inspirer le respect et l'admiration par un travail qui a su dépasser son handicap et des préjugés parfois tenaces, étalon de notre propre tolérance et de capacité à nous extraire de nos certitudes… 40 Dans tous les sens du terme ?! < CLASSER ET COMPRENDRE /> – La gestion des connaissances – 45
  • 46. Un point de sa théorie sur la physique quantique m'a particulièrement intéressé : seul l'observateur fige une situation où il n'y aurait en « réalité » que des possibles. Cela arrange bien ma théorie sur l'acquisition de l'information (et sa gestion ?) comme une affaire de l'individu avant d'être celle d'un groupe… « BaseC » et l'IMAP comme point de départ La création d'un outil de gestion des connaissances personnelles n'est pas une chose si aisée. Beaucoup existent sous un format très simple, notamment sous la forme de listes de tâches plus ou moins collaboratives. D'autres existent, plus complets mais où le groupe l'emporte (modules de groupware, gestionnaire avancé de documentation, système de gestion de contenus de type encyclopédique, etc.). Rien n'existe pour une personne seule, qui n'a pas de qualification technique particulière, qui manque de temps et qui ne dispose bien souvent comme principal outil de travail que de son smartphone personnel et de sa boîte courriel. Bref le commun des élus locaux (parfois nationaux...) et des collaborateurs. C'était mon point de départ voilà quelques années, en marge de mon travail, tant par passion du développement que par intérêt professionnel. D'abord parce que se pose des questions fondamentales autour la forme de l'outil, qui interroge l'ingénieur qui sommeille en moi : doit-il être exclusivement numérique ? Doit-il être forcément adapté à des situations de mobilités ? Par écrit ou par différents sens humains, comme ce qui fonde notre observation de l'environnement : toucher, odorat, etc. ? Comment intégrer à cet outil de manière simple, ludique, automatique, des flux continus comme par exemple les alertes médias ou des réseaux sociaux ? Mes compétences et mon temps sur cette terre n'étant pas infinis – ce que je regrette –, j'ai opté pour ce qui était développable le plus immédiatement pour moi, basé sur le langage PHP (avec une pointe de Python pour le moteur de réception des mails) et orienté POO et web. Par la suite, le « trouple » SQLite, MongoDB, Node.JS prirent de l'ampleur, associé pour certaines fonctions avancées à Python. En attendant, j'avais essayé les différents types de wiki-wiki, particulièrement Wikimédia (base fondatrice de l'encyclopédie en ligne et collaborative Wikipédia) et Dokuwiki (qui ne dispose pas d'une base de données, mais d'un ensemble ordonné de fichiers textuels), comme de CMS plus ou moins aboutis (Agora, Drupal, etc.). Sans < CLASSER ET COMPRENDRE /> – La gestion des connaissances – 46
  • 47. trouver véritablement l'outil à la mesure de mes orientations de développement. C'est donc très naturellement qu'est (re)venu le développement logiciel pur et la description d'une nouvelle norme technique d'organisation. Cet outil, je l'ai nommé BaseC, comme base de connaissances. Il se présente (en partie) sous la forme d'un site Internet où l'inscription n'est pas obligatoire. Il suffit de renseigner les champs d'information pour l'accès à sa boîte courriel par une simple connexion IMAP. Une fois la connexion établie, c'est la preuve que l'utilisateur sur le site est l'utilisateur régulier de la boîte courriel. J'ai rajouté une étape supplémentaire (l'envoi par courriel d'un code à retourner), pour éviter les attaques dites « de forces brutes »41 . À l'heure d'écriture de ces lignes, j'ai fondu le projet dans un cadre plus large et s'appuyant sur l'auto-entreprise qui porte la publication commerciale de cet essai. L'objectif au-delà de porter le sujet de l'IP, est de fournir des services payants très spécialisés aux personnels politiques ou dans les organisations où une forme de « microgestion » règne, en s'appuyant sur les besoins que j'évoque dans l'ouvrage. Avec à la clé la possibilité de répondre à un besoin sans créer pour le client ni compte ni profil, pour l'entreprise ni de service ni d'outil d'hébergement et de réplication des données personnelles ou de maintenance d'appareils complexes. J'envisage comme incontournable « l'ouverture » de l'outil, la publication de son code source, afin de bénéficier des retours des communautés techniques et de continuer l'observation par l'appropriation de l'outil par d'autres, appréhender son évolution – là où il répond aux besoins. C'est aussi, par sa démonstration, de la pédagogie sur une manière que j'espère nouvelle et utile sur la gestion des connaissances personnelles. De plus et c'est loin d'être anecdotique, le développement de cet outil m'a permis d'affiner certaines des hypothèses que j'évoque dans cet essai. Au final cet essai et l'outil forme un chemin pour observer « de bout en bout » comment réagissent les premières règles élaborées de mes observations sur des cas très réels et quotidiens. 41 Tests répétitifs de toutes les combinaisons possibles, jusqu'à trouver la bonne. Le raffinement : partir d'un « dictionnaire », c'est-à-dire de combinaisons qui auraient le plus de chances d'aboutir au déverrouillage du système. < CLASSER ET COMPRENDRE /> – La gestion des connaissances – 47