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Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources
1
Remerciements
Le présent rapport a été préparé par une équipe composée par
Mohamed HADDAR, Président de l’ASECTU et Mustapha
BOUZAIENE, Statisticien-Economiste. Durant la préparation de ce
rapport, l’équipe a bénéficié de l’aimable coopération de différents
services de l’administration tunisienne qu’elle tient ici à remercier,
aussi bien pour l’appui en termes de facilité dans la mobilisation de
certaines informations statistiques, que pour les échanges et
discussions effectués. L’équipe a également bénéficié des rencontres
réalisées avec plusieurs différents opérateurs et intervenants de la
scène économique et politique.
Tout particulièrement, l’équipe exprime des remerciements à Mme
Lamia ZRIBI, ancien ministre des finances, Mr Mustapha K. Nabli,
ancien gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie et Mr Hédi Larbi,
ancien ministre de l’équipement, de l’aménagement du territoire et
de l’habitat pour avoir accepté de consacrer du temps à la discussion
avec l’équipe chargée de préparer le rapport et pour avoir commenté
diverses versions du rapport.
Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources
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Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources
3
Table des matières
Principaux messages..................................................................................................... 5
Résumé...................................................................................................................... 10
Contexte et méthodologie.......................................................................................... 14
Le contexte................................................................................................................................... 14
Aspects méthodologies................................................................................................................ 16
A propos de justice fiscale .......................................................................................... 19
Pourquoi payer les impôts ?......................................................................................................... 19
La justice fiscale en questions...................................................................................................... 22
Evolution et structure des recettes fiscales ................................................................. 26
Etat des lieux et tendances majeures .......................................................................................... 26
Les impôts indirects en Tunisie de 1986 à 2015 .......................................................................... 31
L’évitement fiscal ....................................................................................................... 35
La population potentielle de contribuables hors champ fiscal.................................................... 35
La moitié des contribuables répertoriés sont en défaut.............................................................. 38
Qui paye les impôts et combien ? ............................................................................... 44
L’impôt sur le Revenu des Personnes Physiques (IRPP)............................................................... 45
L’impôt sur les Sociétés (IS).......................................................................................................... 53
La TVA comme ressource fiscale majeure.................................................................................... 54
Exonérations, évasion, fraude et recouvrement.......................................................... 57
Les exonérations fiscales.............................................................................................................. 57
La législation fiscale et son application........................................................................................ 59
Estimation de l’évasion et de la fraude fiscales........................................................................... 64
Conclusions et recommandations ............................................................................... 71
Annexes ..................................................................................................................... 75
Annexe 1....................................................................................................................................... 75
Annexe 2....................................................................................................................................... 79
Annexe 3....................................................................................................................................... 82
Annexe 4 :..................................................................................................................................... 86
Bibliographie ................................................................................................................................ 94
Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources
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Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources
5
Principaux messages
Un ensemble de messages sont distillés tout au long de ce document, dont ci-dessous
une sélection :
I. Qui ne déclare pas ses revenus au fisc ?
1. Population potentielle hors champ fiscal.
M1 : Le tiers de la population active occupée (32,3%) exerce dans l’informalité. Cette
population n’est pas identifiée par les services administratifs et échappe donc aux
services des impôts ;
M2 : Sur les 2461 milles emplois salariés, plus du cinquième (508 mille) occupe un
emploi dans des activités informelles ou sont dans une situation ou forme d’informalité.
2. Population en défaut.
M3 : La moitié des contribuables répertoriés sont en défaut. Sur un nombre de
734 mille contribuables répertoriés, 365 mille sont en défaut dont 302 mille personnes
physiques et 63 mille sociétés.
II. Qui paye les impôts et combien ?
Rappel 1 : La répartition des ressources fiscales se présente comme suit : IRPP (5003
MD), IS (2673 MD), TVA (5057 MD).
Rappel 2 : la population qui déclare ses revenus est de 2323 mille personnes physiques
et morales répartie comme suit : 1954 mille salariés dans le secteur formel (84%), 296
mille non-salariés (13%) et 73 mille sociétés (3%).
1. Les personnes physiques
Traitements et salaires :
Rappel 3 : L’impôt payé, en 2015, par les 1950 mille salariés est de 3549 MD, soit
environ 4,2% du PIB, 46% des impôts directs et 15% des recettes fiscales.
 Les salariés représentent 84% des contribuables ayant déposé une déclaration en
2015 ;
 L’impôt par salarié est de 1820 dinars ;
 26% des salariés ont un revenu inférieur à 5000 et de ce fait, ne paient pas d’impôt ;
 Environ la moitié des salariés ayant un revenu annuel compris entre 5 et 20 mille
dinars (51%) contribuent à hauteur de 49% des impôts sur les salaires ;
 Les salariés ayant un revenu annuel de 20 mille dinars et plus (13%) contribuent à
hauteur de 51% des impôts sur les salaires ;
 L’impôt est progressif : alors que 26% des salariés ne contribuent pas à l’effort fiscal,
1% des salariés touchant 50 mille dinars et plus acquittent environ 13% de l’impôt.
Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources
6
Rappel 4 : Sur les 414 mille forfaitaires, 219 mille sont en défaut en 2015. La
contribution des 196 milles restants (47%) qui ont déposé leur déclaration est de 36
MD, soit l’équivalent de 0.7% de l’impôt sur le revenu et 0.5% de l’impôt direct ou
encore 0.2% des recettes fiscales.
M4 : Sur la base de leurs déclarations, tous les forfaitaires et 30% des
BNC, vivraient dans une situation d’extrême pauvreté.
Rappel 5 : Les BIC : 133 mille BIC ; 63 mille ont déposé leur déclaration (48% de
l’effectif) et 40 mille ont réalisé un bénéfice.
 Environ le tiers de l’impôt dû est supporté par seulement 3% des BIC réalisant un
chiffre d’affaire supérieur à 1 million de dinars ;
 81% des BIC, réalisent un chiffre d’affaire inférieur à 100 mille dinars contribuent à
environ 26% de l’impôt dû ;
 75% de l’impôt est supporté par 20% des BIC réalisant un chiffre d’affaire supérieur
à 100 mille dinars.
2. Les sociétés (IS)
Rappel 6 :
 Le quart des 136 mille sociétés, soit 32 mille (24%) ont réalisé un bénéfice et payent
l’impôt, 63 mille sont en défaut (46%), 16 mille ont déclaré néant (11%) et 26 mille
(19%) sont déficitaires.
 75% de l’impôt est supporté par 13% des entreprises réalisant un chiffre d’affaire
supérieur à 1 million de dinars ; 34% des entreprises déclarent un chiffre d’affaire
inférieur à 5 mille dinars et contribuent à environ 2% de l’impôt et 57% des
entreprises déclarent un chiffre d’affaire inférieur à 100 mille dinars et contribuent
à 6% de l’impôt.
M5 : 250 grandes entreprises (14% DGE) supportent 75% de l’impôt des GE et
50% de l’IS ; 44% des entreprises DGE réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 10
millions de dinars contribuent à hauteur de 4% de l’impôt dû pour les GE
III. La législation fiscale et son application
M6 : La complexité du système fiscal, sa non transparence et l’instabilité fiscale
génèrent un cout élevé pour l’économie : incitation à la corruption et à la fraude et
découragement de l’investisseur. A titre d’exemple, plus de 530 dispositions fiscales
parues dans les lois des finances entre 2011 et 2016.
M7 : Le contrôle fiscal est quasi absent : le taux de couverture du contrôle fiscal
approfondi est de 1%. Il est de 5% pour les contrôles préliminaires.
IV. Evasion et fraude fiscales
M8 : la part du secteur informel dans l’économie se situerait très vraisemblablement dans une
proportion globale au plus égale à 30%. Une estimation plutôt grossière de la fraude fiscale aboutirait
à un manque de presque 400 millions de dinars de recettes en impôt sur le revenu pour l’Etat en 2015.
M9 : Pour une meilleure justice fiscale : l’administration fiscale est appelée à se
moderniser et exercer son pouvoir de contrôle afin de recouvrer les ressources de l’Etat
Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources
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Tableaux annexes
Tab.1
Catégorie de
contribuables
Taux de défaut
Personnes physiques 50%
Forfaitaire 53%
BIC 52%
BNC 27%
Sociétés 46%
Tab.2
BIC (personnes physiques) 2015 Nombre En %
Redevables 132903
Défauts de déclarations 69749 52%
Déclarations nulles 16169 12%
Déficitaires 7319 6%
Déclarations imposables 39625 30%
Tab.3
BNC Nombre En % du total
Redevables 50105
Défauts de déclarations 13769 27%
 Déclarations nulles (régime réel) 6488 (33%)
 Déficitaires (régime réel) 2882 (14%)
Bénéficiaires pour l’ensemble des contribuables 27001 54%
Tab.4
Activité
Nombre des
redevables
Défauts de
déclaration
Taux de
défaut
Médecin spécialiste 1 189 90 8%
Médecin généraliste 2622 378 14%
Dentistes et chirurgiens-dentistes 2921 518 18%
Expert-comptable 1 133 293 26%
Activités d'ingénierie 109 32 29%
Ingénieur conseil 813 246 30%
Architecte 2 762 946 34%
Comptable 2041 814 40%
Architecte d'intérieur et décoration 367 166 45%
Conseil fiscal 207 93 45%
Bureau d’encadrement et d’assistance
fiscale
32 16 50%
Avocats 7 440 3739 50%
Expert toutes spécialités 830 411 50%
Dessinateur géomètre, topographe 367 187 51%
Bureau d'études 6 764 3459 51%
Consultant 8915 4615 52%
Etude de marché et sondage 2 367 1477 62%
Tab.5
Personnes Morales : IS en 2015 Nombre En %
Redevables 136324
Défauts de déclarations 62713 46%
Déclarations nulles 16044 11%
Déficitaires 25955 19%
Déclarations imposables 32072 24%
Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources
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3. Les personnes physiques (IRPP)
Tab.6
Part de certains contribuables à l'IRPP
Salariés 71%
BIC 2%
BNC 2%
Forfaitaires 1%
Revenus agricoles 1%
Revenus fonciers 0%
Revenus des capitaux mobiliers 4%
Intérêts des comptes d'épargne 3%
Honoraires, commissions, courtage et loyer 7%
Tab.7
L’impôt dû pour certains fonctionnaires
dans la fonction publique
Salaire
mensuel
brut
Salaire
annuel
brut
Salaire
imposable
(après cotisations
sociales)
Impôt
dû
Juge
Juge catégorie 1 2512 30140 26539 5096
Juge catégorie 2 3133 37600 33106 6869
Juge catégorie 3 3676 44116 38844 8418
Instituteur
Instituteur 1080 12960 11411 1516
Professeur d'école primaire 1439 17272 15208 2368
Enseignant du secondaire
Professeur d'enseignement secondaire 1707 20480 18033 3004
Professeur Université
Professeur d'université 4067 48798 42967 9531
Maitre de conférences 3393 40714 35848 7610
Maitre-assistant 2804 33650 29629 5930
Assistant 2322 27858 24529 4553
Médecins public
Médecin de la santé publique 2566 30786 27107 5249
Médecin spécialiste de la santé publique 3000 35994 31693 6488
Médecin spécialiste principal de la santé publique 4199 50382 44361 9908
Médecin professeur d'université 5501 66012 58124 13724
Ingénieurs
Ingénieur général 2103 25230 22215 3945
Fonction publique
Salaire moyen dans la fonction publique 1400 16800 14792 2275
Directeur général de l'administration centrale 2900 34800 30641 6204
Tab.8 Synthèse : Evasion et fraude fiscales
H 1 H 2 H 3
Forfaitaires 246 606 907
Régime BNC 35
Régime BIC 448
TVA 1 146
Total 1 875 2 235 2 176
Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources
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Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources
10
Résumé
La réflexion sur la justice fiscale et la mobilisation des ressources s’est articulée autour
de trois axes. Le premier volet de l’étude a d’abord permis de dresser un "état des lieux"
de la situation du côté des ressources fiscales et son évolution sur une longue période.
Ce volet constitue une étape incontournable pour situer les choses dans une perspective
historique et aborder ainsi de manière éclairée les thématiques analysées. La discipline
fiscale est entrevue tout au long d’une deuxième partie moyennant l’exploration,
l’exploitation et le rapprochement de différentes sources statistiques possibles sur
l’exercice 2015 et permet d’aborder la question de la justice fiscale en rapport avec la
mobilisation des ressources fiscales en répondant à deux questions :
i. A combien on évalue la population hors champ fiscal et qui, parmi les
contribuables répertoriés par le ministère des finances, ne déclare pas ses
revenus au fisc ?
ii. Qui paye les impôts et combien ?
Cette partie permet aussi d’identifier simultanément les incohérences et les anomalies
qui caractérisent la configuration actuelle du système fiscal tunisien au niveau des
impôts directs. Enfin, une troisième partie est consacrée à une estimation de la fraude
fiscale. La Taxe sur la Valeur Ajoutée qui constitue une source majeure à la fois du
champ des impôts indirects et de fraude fiscale et dont l’intérêt est d’exhiber les
latitudes dont disposent les autorités en matière de mobilisation des ressources
intérieures afin de renflouer les deniers publics et s’affranchir tant que faire se peut de
l’endettement.
Sur le principe, la fiscalité répond aux trois fonctions de l’État : réguler l’activité
économique en modulant le niveau des prélèvements obligatoires afin de garantir une
certaine efficacité, mettre en œuvre des incitations fiscales pour influer sur l’allocation
des ressources et orienter les choix des individus en évitant les distorsions, et visant
l’équité à travers une redistribution des revenus en ajustant l’impôt en fonction du
montant et de l’origine des ressources des contribuables.
La difficulté posée par de telles exigences, est de conserver la transparence et
l’intelligibilité de l’impôt. Si les contribuables ne sont pas conscients des sommes
d’impôts qu’ils paient, il leur est impossible de raisonner en fonction de mécanismes
incitatifs. Le citoyen, submergé par un lot de mesures fiscales ardûment inintelligibles,
peine à se situer au sein de la société et ne ressent ni l’intérêt ni la progressivité de
l’impôt, ce qui risque de mettre à mal le caractère démocratique de celui-ci.
Les résultats corroborent les conclusions retenues dans d’autres études et diagnostics, à
savoir que le système fiscal tunisien est complexe ; une complexité due en grande partie à
son caractère cédulaire et à la multiplication des assiettes, des taux et des dépenses
fiscales.
Différents diagnostics de la fiscalité tunisienne menés durant les dernières années par
les pouvoirs publics, en partenariat avec des organisations internationales ou avec des
bureaux spécialisés, ont souvent relevé les lacunes générales du système fiscal tunisien,
à savoir que le dispositif fiscal est complexe, dû en grande partie à son caractère
cédulaire et à la multiplication des assiettes, des taux et le foisonnement des dépenses
fiscales.
Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources
11
Si la réflexion menée par l’ASECTU rejoint les conclusions générales issues des
diagnostics précédents, elle tient toutefois à souligner que la situation observée résulte
d’une accumulation de plusieurs facteurs aussi bien culturels (rapport sociétal vis-à-vis
de l’impôt), que de politiques fiscales longtemps frileuses face aux réformes de fond, ou
structurels qui tiennent à la configuration plutôt fragile du tissu économique tunisien.
Par ailleurs, les recommandations et les voies de réforme sont souvent proposées
comme si la Tunisie était dans une situation « normale » et font abstractions des
mutations politiques, économiques et sociales qui sont à l’œuvre dans le pays.
En effet, rien que la structure des recettes publiques a sensiblement changé depuis le
début de la décennie 2000, notamment suite à la baisse des droits de douanes et qui a
été compensé par la hausse des impôts directs, sans une réflexion profonde et anticipée
du système fiscal. La démarche suivie par les pouvoirs publics et qui perdure encore
s’est limitée à des solutions de facilités, en surtaxant toujours les mêmes
contribuables et en optant pour la solution la plus commode et la plus fiable en matière
d’imposition qu’est la retenue à la source. En somme, un empilement de mesures
fiscales ponctuelles qui sont de nature à aggraver l’injustice fiscale. On oublie également
que le système fiscal tunisien est par essence déclaratif et ne donne pas lieu
ultérieurement à un contrôle efficace. Il en a résulté un rendement très faible, un
taux de défaut élevé et une forte évasion fiscale qui s’installe comme la norme et
non l’exception.
Au regard de la justice fiscale, et à travers une exploration de la masse d’informations
fiscales individuelles disponibles sur l’exercice 2015, l’étude apporte un éclairage inédit
sur les flottements qui empreignent le système fiscal et révèle son caractère insoutenable.
Le concept d’équité fiscale peut être apprécié à travers le degré de discipline fiscale par
rapport à l’impôt sur le revenu. Là-dessus, trois principales réserves marquent le
dispositif des impôts directs : un taux de défaut avoisinant les 50%, une assiette
poreuse avec multiplication des taux et des assiettes, et une panoplie
d’exonérations. La procédure de la retenue à la source permet de collecter 71% du
total de l’impôt sur le revenu auprès d’environ deux millions de salariés que compte le
tissu économique. Alors que les revenus agricoles, les revenus fonciers et les plus value
mobilière et immobilière ont un rendement très faible et une grande partie des revenus
semble échapper à l’impôt.
Ailleurs, le constat est bien plus préoccupant. Le répertoire des contribuables non
salariés recense en 2015 environ 734 mille entités économiques actives enregistrées
dont une proportion de 56% figure dans la catégorie des « forfaitaires » et qui
prétendent réaliser 1,7% du chiffre d’affaires total déclaré et contribuent pour
seulement 36 millions de dinars aux recettes fiscales. Mieux encore, un peu plus de
80% des unités inscrites au régime forfaitaire déclarent un chiffre d’affaire annuel
inférieur à 10 mille dinars afin de se soumettre au minimum d’impôt.
En réalité, et au registre de l’impôt sur les sociétés, l’effort fiscal est entièrement
supporté par 19% des unités économiques, soit un nombre de 136 mille sociétés
qui constituent finalement le premier noyau de l’économie du pays. Paradoxalement,
parmi ces unités nationales qui sont censées créer de la richesse, favoriser la création
de l’emploi et s’acquitter de leur devoir fiscal, seulement la moitié a déposé une
déclaration auprès de l’administration fiscale en 2015. En outre, environ 1700
Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources
12
grandes entreprises1
contribuent à hauteurs de 68% de l’impôt sur les sociétés. D’une
manière plus précise, 243 entreprises contribuent à 50% du total de l’impôt sur les
sociétés. Elles appartiennent aux secteurs des télécommunications, banques et
assurances, et hydrocarbures.
Ces anomalies reflètent théoriquement une évasion fiscale qui pourrait prendre plusieurs
formes : une sous-estimation des revenus, une non déclaration et l’absence de
régularisation de certains revenus tels que ceux provenant des comptes d’épargne qui
font partie de l’assiette de l’IRPP. Dans la pratique, la quasi-totalité des contribuables
ne déclarent pas ces revenus et se limitent au prélèvement à la source qui devient de
facto libératoire.
L’application d’une méthodologie d’estimation de l’écart de TVA en 2015, i.e. le gap entre
le montant effectivement collecté et le montant théorique susceptible d’être accumulé,
montre qu’environ le quart des recettes sur ce type d’impôt manque à l’appel. Cet exercice
reflète en premier lieu une injustice fiscale et les marges de manœuvre dont disposent les
pouvoirs publics pour consolider les recettes fiscales. Il fournit en second lieu les
prémisses d’un cadre d’analyse opportun pour l’administration fiscale.
La structure des impôts indirects est dominée depuis la fin des années quatre vingt dix
par la contribution croissante des ressources provenant de la Taxe sur la Valeur Ajoutée
(TVA). Parallèlement, les droits de douanes ont enregistré un net repli mais leur poids
dans la masse des impôts indirects demeure stable.
Ainsi, après bientôt trois décennies, la TVA s’est imposée grâce à la simplicité de sa
gestion et à son faible coût. Les ressources tirées de la plupart des autres impôts
risquant d’être plus faibles en proportion durant les prochaines années, la TVA devrait
voir son potentiel s’accroître. Elle figure déjà parmi les rubriques les plus
importantes des impôts indirects avec environ la moitié des recettes sur ce type
d’imposition. Et au regard du poids de la TVA dans les finances publiques, son efficience
dans ses trois composantes (assiette, recouvrement et contrôle) constitue un enjeu
majeur pour l’administration fiscale.
Les principales réserves par rapport au dispositif de la TVA,
concernent principalement son champ d’application qui ne couvre pas tous les secteurs
d’activité, la multiplicité des taux et des exonérations et la rupture au niveau de la
chaîne de déduction, les problèmes soulevés par les crédits de la TVA et leur gestion
ainsi que les difficultés de sa collecte. De ce fait, elle constitue une source de fraude.
Dans une optique de renforcement de la justice fiscale et de la mobilisation des
ressources nationales, des travaux d’estimation du l’écart de TVA ont été conduits sur
la base d’une approche utilisant les données de la comptabilité nationale. L’exercice
mené sur l’estimation de l’écart de TVA en 2015, c'est-à-dire le gap entre le montant
effectivement collecté et le montant théorique susceptible d’être accumulé, reflète en
premier lieu et en même temps, le montant fraudé et les marges de manœuvre dont
disposent les pouvoirs publics pour consolider les recettes fiscales. Mieux encore, la
démarche développée lors de cette étude fournit en second lieu un cadre d’analyse
opportun pour l’administration fiscale afin de conduire les différentes simulations et
variantes sur les mesures relatives à la TVA.
1
Selon la classification de la DGI, est considérée comme grande entreprise toute unité dont le chiffre d’affaire
dépasse 10 millions de dinars.
Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources
13
Dans ces conditions, quelles chances pour l’émergence d’une véritable réforme fiscale ?
Si cette étude apporte une « assise » à un débat qu’elle espère fructueux sur la
nécessité d’une réforme fiscale et entend « souffler » quelques pistes dans ce sens,
en revanche, en tant que « facilitateur » de débat, elle génère davantage de questions
que de solutions arrêtées. Mais, l’important est de poser les bonnes interrogations
et les discuter sur la base d’un ensemble d’informations consommé.
Certains axes sont néanmoins bien identifiés. Dans la double optique d’une meilleure
justice fiscale et une mobilisation optimale des ressources fiscales, l’intervention des
pouvoirs publics se situerait à trois niveaux. Le premier réside dans une simplification
du système de taxation et sa mise en cohérence avec les axes de la politique
économique, en particulier pour un impôt comme celui de la TVA. L’amélioration de la
capacité de l’Etat à lever l’impôt est cruciale, notamment pour garantir une justice
fiscale et combattre la fraude fiscale. Un autre levier d’action est plus complexe puisqu’il
est question de faire face à une dangereuse extension du secteur informel, préjudiciable
à une mobilisation efficiente des recettes fiscales.
Mais, la fiscalité est en dernier ressort l’expression d’un compromis politique et
d’un débat démocratique et reflète les préférences collectives. Avant de transformer
le dispositif, il faut impérativement veiller à en évaluer les coûts et les avantages. En
même temps, il faut être conscient que la panne des réflexions sur la fiscalité traduit
une panne des réflexions plus générales, pas uniquement sur le modèle social, mais sur
l’idée du « vivre ensemble ». La perception de l’impôt révèle celle des critères de justice
qui doivent présider à l’organisation de la vie commune. S’accorder sur les critères de
justice, qui ne sont pas forcément concordants, voilà la tâche essentielle de la
délibération collective qui définit la démocratie même. Or, c’est précisément ce débat-
là qu’on veut évacuer de l’espace public lorsque l’on réduit les marges de manœuvre de
l’action collective.
Débattre de la question fiscale, c’est débattre des inégalités réelles, et de la façon dont
on entend les délimiter et les combattre. Et pour conférer à l’impôt une certaine
légitimité il faut retrouver un accord sur des règles de justice et des règles de
redistribution qui gèrent la vie collective d’une société. Or c’est précisément ce débat-
là que notre société tend à éluder.
La multiplication des définitions implicites de la justice fiscale dans la société rend la
question fiscale difficile et toute discussion sur le sujet devient une discussion
généralisée sur les normes de justice et d’efficacité dans la société. Elle est donc très
coûteuse, ce qui explique que certains pensent qu’il est illusoire de vouloir faire des
réformes fiscales d’ensemble, car cela oblige à une mise à plat tellement lourde que le
coût de mise en œuvre est très élevé.
Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources
14
Chapitre premier
Contexte et méthodologie
Article 10 de la constitution tunisienne
« L’acquittement de l’impôt et la contribution aux charges publiques,
conformément à un système juste et équitable, constituent un devoir.
L’Etat met en place les mécanismes propres à garantir le recouvrement
de l’impôt et la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales. Il veille à la
bonne gestion des deniers publics et prend les mesures nécessaires
pour les utiliser conformément aux priorités de l’économie nationale.
Il agit en vue d’empêcher la corruption et tout ce qui est de nature à
porter atteinte à la souveraineté nationale ».
La Tunisie se trouve aujourd’hui à un tournant de son histoire et doit compter de plus
en plus sur ses ressources fiscales surtout que ses revenus non fiscaux s’amenuisent
d’une année à l’autre. Il va sans dire que la fiscalité tunisienne doit évoluer d’une façon
radicalement différente des deux dernières décennies et doit, surtout, être mieux
adaptée aux exigences du contexte actuel. Or la question de l’impôt compte parmi les
débats les plus vifs et les mesures les plus critiquées. Pourtant, quelles que soient les
opinions et positions sur la question, l’impôt est très souvent méconnu : ses principes,
ses raisons d’être, son calcul, ses enjeux pour la société dans laquelle nous vivons, etc.
L’article 10 de la constitution tunisienne consacre certains principes généraux ayant
vocation à l’encadrer : principe du devoir de s’acquitter de l’impôt ; principe de justice
et d’équité devant l’impôt et principe de la bonne gouvernance des deniers publics.
L’Association Tunisienne des Economistes2
(ASECTU) a entrepris une réflexion sur
certains aspects du système fiscal tunisien. Une initiative motivée essentiellement par
le souci de provoquer et de nourrir un débat public objectif autour des questions
cruciales qui touchent à la justice fiscale et corrélativement à la mobilisation des
ressources domestiques dans le domaine des finances publiques.
Le contexte
Une réflexion invoquée d’abord par le contexte politico-économique de manière
générale et en particulier par la poursuite de la dégradation des finances publiques.
Le citoyen ordinaire est en droit de se demander où on se situe par rapport à ces nobles
principes inscrits dans la constitution de 2014. Force est de constater que la question
de justice fiscale en Tunisie s’est imposée comme une problématique d’une actualité
particulièrement brulante au cours des toutes dernières années. Les répercussions
du changement politique de 2011, conjuguées avec une évolution d’une conjoncture
économique marquée par une croissance molle, un sentiment économique timoré et un
investissement en berne, a mis au-devant de la scène cette question de « justice
fiscale », d’ailleurs souvent posée en réaction aux privilèges fiscaux instaurés durant les
2
Avec l’appui de la Fondation Hanns Seidel,
Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources
15
précédentes décennies. Alors que le principe et le fondement de la justice fiscale sont
généralement entendus comme étant l’égalité des contribuables devant l’impôt, en ce
sens qu’un même régime fiscal doit alors s’appliquer à tous les contribuables placés
dans des situations identiques.
La question de la mobilisation des ressources intérieures a resurgi concomitamment
avec la dégradation progressive des finances publiques. Car, face aux urgences et
en l’absence d’orientation claire en termes de réformes structurelles, la situation des
finances publiques est devenue au fil du temps critique. La détérioration a été accentuée
par le retard observé en matière d’assainissement des finances publiques, ce qui
entraîne une dégradation du déficit budgétaire et un ratio d’endettement rapporté au
PIB s’écartant des seuils de tolérance. Le recours à d’autres alternatives autres que
l’endettement pour corriger les dérapages et le déséquilibre des comptes publics
devient donc un impératif.
A l’évidence, la réussite de la transition démocratique en Tunisie est largement
tributaire de la consolidation du rôle et le positionnement de l’Etat, qui est lui-
même étroitement liée à sa capacité à lever l’impôt et de manière plus large de son
aptitude à canaliser ses ressources budgétaires pour mettre en œuvre les orientations
de politique économique. D’autant plus que les marges de manœuvre en matière
d’endettement public deviennent particulièrement étroites avec des contraintes
budgétaires difficilement conciliables.
Parallèlement, la démocratie se fonde sur l’idée que toute personne, quels que soient
ses moyens, a le même droit de décider de ce qui est bon pour la société dans son
ensemble. Cette promesse perd son sens quand certains ne sont plus à même d’exercer
leurs droits de citoyen dans la dignité, faute d’accéder à l’éducation, à la santé ou à des
conditions de vie et de logement décentes. Il n’y a pas de démocratie possible sans
acceptation d’un certain niveau d’impôt et sans financement solidaire de cet
impôt. Les prélèvements obligatoires n’ont pas vocation à faire disparaître les inégalités,
mais ils doivent faire en sorte que la promesse d’égalité que porte en elle la démocratie
ne soit pas un vain mot.
La tendance à l’accentuation de la pression fiscale pour rompre le cercle vicieux de
l’endettement public dans une période de fortes difficultés économiques, permet un
renouvellement du débat sur le juste mode de partage des prélèvements obligatoires.
Mais, dans le souci d’éviter que le débat démocratique ne soit confisqué par un
microcosme de spécialistes, il est à notre sens nécessaire d’accorder à chacun un accès
direct à l’information et des éléments de repérage lui permettant de s’approprier
les grands enjeux d’une réforme fiscale qui devient incontournable.
L’étude ne constitue nullement un manuel ou un guide pour une éventuelle réforme
fiscale, même si elle verse dans ce sens. Modestement, elle s’est simplement assignée
pour ambition d’amorcer un débat serein et constructif sur certains aspects de la
fiscalité tunisienne.
La difficulté posée par de telles exigences, est de conserver la transparence et
l’intelligibilité de l’impôt. Si les contribuables ne sont pas conscients des sommes
d’impôts qu’ils paient, il leur est impossible de raisonner en fonction de mécanismes
incitatifs. Le contribuable, submergé par un lot de mesures fiscales ardûment
inintelligibles, peine à se situer au sein de la société et ne ressent pas la progressivité
de l’impôt. Pire, les citoyens n’hésitent pas à négliger et remettre en cause leur devoir
fiscal quand ils voient au quotidien que l’informel explose, que les forfaitaires
s’enrichissent rapidement et finalement que l’impôt qu’ils paient est mal géré : une
Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources
16
administration bureaucratique et pléthorique avec des services publics défectueux, une
fraude massive, une corruption généralisée, des écoles non entretenues, un réseau
d’eau vétuste, des inégalités à l’accès aux soins et à l’éducation, etc. L’impunité favorise
la fraude, affaiblit l’Etat et risque de mettre à mal le processus de transition
démocratique dans son ensemble.
Les réflexions sur le rôle de la fiscalité et des systèmes concrets qui en découlent
constituent le cheminement inévitable de toute interrogation sur le caractère
démocratique de l’impôt. Cependant, il n’est pas question d’omettre l’impératif de
croissance avec lequel la fiscalité entre en interaction. Les prélèvements obligatoires
constituent les ressources de l’État au moyen desquelles ce dernier développe les
structures productives nationales (création de capital humain via l’éducation,
infrastructures de transport, etc.) et répond ainsi à un objectif d’efficacité, mais ils sont
parallèlement soupçonnés d’être responsables d’effets dé-incitatifs à l’égard des
entreprises.
Ce type de considérations et ces préoccupations ne sont malheureusement pas assez
tangibles dans les discussions houleuses, parfois partiales et même abusives qui
surgissent à chaque occasion où l’on évoque la perspective d’une réforme fiscale. En
témoigne à ce titre les commentaires et les débats qui ont émaillé les cessions
parlementaires consacrées à la loi de finance 2017.
Or tout projet de réforme fiscale pose une série de questions fondamentales, à savoir :
 Qui ne déclare pas au fisc ses revenus ? ;
 Qui paie l’impôt et combien ?
 Quelles sont les normes jugées acceptables qui doivent être mises en place de façon
contraignante, en matière de redistribution ?
La réponse à ce type d’interrogations suppose au préalable une bonne appréciation de
la situation en vigueur et des éléments d’éclairage et de chiffrage pertinents. Telle est
l’ambition de cette initiative.
Aspects méthodologies
La réponse aux différentes questions que peut se poser le citoyen ordinaire par
rapport à la fiscalité se heurte à des obstacles en termes de disponibilité de données
et leur interprétation à des fins d’analyse économique.
Par rapport à la question de la fiscalité, plusieurs questions préoccupent beaucoup de
tunisiens : "qui paye l’impôt et combien" ? Est-ce que tous les tunisiens (personnes
morales ou physiques) s’acquittent de leur devoir fiscal avec toute la transparence et
l’honnêteté nécessaires ? Est-ce que l’administration fiscale joue correctement son rôle
pour assurer la justice fiscale (égalité de tous devant l’impôt), favoriser le
développement économique (une fiscalité encourageant la croissance, traitement
équitable de toutes les activités devant l’impôt), et collecter tous les impôts dus pour
offrir à l’État les ressources nécessaires au développement économique et social du
pays ? Quelles sont les niches fiscales ? A combien estimer l’évasion fiscale ?
La réponse à ces différentes questions n’est pas une tâche facile sur le plan théorique
et sur le plan empirique pour maintes raisons. La première renvoie à la difficulté de
mobiliser les informations et données pertinentes autour de la fiscalité en Tunisie. En
effet, pour conduire cette analyse sous revue, et outre le travail de documentation
indispensable dans une telle entreprise ainsi que les échanges avec certains
responsables politiques et les principaux acteurs économiques et sociaux, il a fallu
Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources
17
d’abord faire au préalable un inventaire succinct des sources de données susceptibles
de nourrir notre étude. A l’issue de cette étape, il s’agissait de vérifier la disponibilité,
d’accéder, de collecter et d’organiser l’exploitation d’une masse importante
d’informations et données statistiques (vérification, confrontation des sources, fiabilité,
etc.).
Pour des considérations techniques, nous avons opté pour l’année 2015 comme exercice
de référence, dans la mesure où les données sont quasiment arrêtées ou définitives,
aussi bien au niveau de la comptabilité nationale que pour les comptes publics. Les
données de base sur lesquelles s’est fondée l’étude proviennent essentiellement des
services du Ministère des finances, de l’Institut National des Statistiques (INS) ainsi que
des bases de données de certaines organisations internationales, notamment celle de
l’OCDE qui pilote tout un programme d’harmonisation des statistiques des recettes
fiscales. Ce travail sur les données n’était pas une tâche facile dans la mesure où il s’agit
de données le plus souvent difficilement accessibles ou pas suffisamment détaillées et
parfois manquent d’homogénéité comparativement à d’autres sources. A titre
d’illustration, les statistiques des recettes fiscales tunisiennes ne tiennent pas compte
des cotisations sociales et ne sont pas comptabilisés en tant que recettes fiscales
contrairement à la classification internationale ; les données sur les revenus de toutes
les catégories de contribuables, à l’exception de ceux des salariés ne sont pas
directement disponibles.
La plupart des contraintes autour de l’information statistique ont pu être surmontées
tout au long de ce travail. Les éléments méthodologiques de l’étude sous revue se
fondent sur un accès privilégié à une masse de données fiscales individuelles et des
outputs très détaillés issus des comptes nationaux.
Néanmoins, si la plupart des contraintes autour de l’information statistique ont pu être
surmontées, il a fallu parfois au cours de cette étude admettre certaines hypothèses ou
adopter des clés de répartition pour affiner les analyses. Il n'était pas aisé de chiffrer ni
les flux informels ni les effets économiques, financiers et fiscaux d'une activité
commerciale qui relève de ces activités. Les statistiques officielles ne font aucune
allusion à ce phénomène et les études ou enquêtes à l'échelle régionale ou nationale
pour évaluer l'ampleur de la contrebande sont rares. Par contre les discours sur ces
phénomènes, le plus souvent non fondés, abondent. Faute de temps et de moyens nous
n’avons pas conduit des enquêtes sur certains contribuables (forfaitaires, professions
libérales, etc.) ainsi que sur le système informel et la contrebande afin d’analyser
l’évasion fiscale dans ces activités.
Selon les problématiques abordées par l’étude, ce travail a tiré profit d’une analyse de
séries longues des agrégats fiscaux pour dégager les tendances majeures au cours des
trente dernières années, d’une exploration statistique des données fiscales individuelles,
de l’exploitation de certains outputs de la comptabilité nationale à un détail très fin
(matrices de production et des consommations intermédiaires, le tableau des entrées
sorties) et de certains résultats de l’enquête sur les dépenses de consommation des
ménages pour l’exercice 2015.
Par ailleurs, tout au long de ce travail, un intérêt particulier a été accordé au volet
documentaire sur divers matériaux publiés par le FMI, la BM et les documents des
assises nationales sur la fiscalité. Nous avons conduit des contacts avec certains
responsables de l’administration fiscale pour recueillir leur perception de la situation et
pour partager leurs points de vue. Ces contacts se sont avérés utiles et nécessaires.
Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources
18
Il convient aussi de préciser qu’on a utilisé les termes "impôt dû" et "impôt payé". Au
ministère des finances, on trouve deux types d’informations. La première est celle basée
sur l’approche caisse, qui provient de la trésorerie générale et qui met en exergue le
montant effectivement encaissé par le trésor public. Selon cette approche, les montants
encaissés ne correspondent pas forcément à l’impôt de l’année en question. A titre
d’exemple, un contribuable qui doit régulariser la situation des exercices antérieurs doit
forcément payer plus d’impôt que l’impôt dû. De même un contribuable qui souhaite
reporter une partie de l’impôt sur les exercices ultérieurs va payer forcément moins
d’impôt que l’impôt dû et ce, du fait du report sans être en défaut.
La seconde information est celle qui provient de la Direction Générale des Impôts (DGI)
et qui a l’avantage d’être plus détaillée. Elle nous renseigne sur l’impôt dû par chaque
contribuable, le chiffre d’affaire réalisé etc. La difficulté est que l’impôt dû n’est pas
forcément encaissé par le trésor public. Très souvent, il est de loin plus important que
celui encaissé. Nous sommes conscients de la difficulté que peut avoir le lecteur de ce
rapport pour distinguer ces différents aspects.
Pour faciliter la lecture, nous avons cherché à chaque fois de présenter la répartition ou
la structure de l’impôt encaissé (approche caisse) afin de répondre à la question de la
répartition de la charge fiscale. Par ailleurs et afin de mieux évaluer le niveau d’évasion
et de fraude nous avons utilisé plutôt l’impôt dû pour chaque catégorie de contribuable.
Ce type d’exercice est très délicat dans un système fiscal à assiettes multiples. L’impôt
dû est déterminé sur la base du revenu net imposable qui dépend du régime fiscal choisi
(forfait d’impôt, forfait d’assiette, régime réel, régime réel simplifié etc.). Pour ce faire
nous faisons recours parfois à un calcul du chiffre d’affaire moyen pour faciliter la lecture
du document.
Au final, notre constat amer est que le système fiscal tunisien bute aujourd’hui sur des
problèmes multiples : une complexité voire même des incohérences 3
; des iniquités
évidentes ; et de fortes distorsions qui faussent l’allocation des ressources, encouragent
l’optimisation et la fraude fiscale et octroient une rente économique importante à
certains producteurs et opérateurs. Ce rapport en fournit les éléments d’argumentation
et constitue, à notre connaissance, l’unique document qui propose une cartographie de
la fiscalité pour une année donnée. A ce titre, il répond, loin des discours politiques et
des débats stériles à deux principales questions : i) qui ne déclare pas ses revenus et
ii) qui paye ses impôts et combien. Il contient un résumé de l’étude. Il est structuré en
six chapitres. Le premier rappellera quelques notions de base du concept de la justice
fiscale. Le second chapitre retracera l’évolution des recettes fiscales en Tunisie de 1986
à 2015. Le troisième chapitre traitera la question des contribuables qui ne déclarent pas
au fisc leurs revenus. On tentera de répondre à la question qui paye les impôts et
combien en analysant l’impôt direct par catégorie de contribuables dans le chapitre
quatre. Une tentative d’estimation de l’évasion fiscale sera traitée au chapitre cinq. On
conclura par la proposition de quelques recommandations au sixième et dernier
chapitre.
3 Certains produits bénéficient d’un taux de TVA réduit mais leur production est frappée par une taxe affectée
à un fonds spécial. Il n’est pas incertain que dans certains cas, le taux de TVA réduit plus une taxe sur le chiffre
d’affaire dépasse le taux de TVA standard de 18%.
Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources
19
Chapitre deux
A propos de justice fiscale
Ce chapitre sera structuré en deux sections. La première sera consacrée à éclairer le
débat sur la fiscalité. Alors que la Constitution tunisienne considère que payer l’impôt
est un devoir pour tout citoyen, certains économistes soutiennent que prélever à des
personnes qui ont travaillé et essayé de fructifier leurs actifs, pourrait les dissuader de
fournir moins d’effort, investir moins et donc créer moins de richesse. Dans la section
deux, on tentera de définir la notion de justice fiscale.
Pourquoi payer les impôts ?
La réponse évidente à cette question est : "pour financer les dépenses publiques". Mais
pourquoi ces dépenses surtout que l'impôt, du point de vue économique, soustrait du
pouvoir d'achat aux agents privés. Les positions sur cette question ne sont pas
convergentes.
Certains économistes libéraux soutiennent que le bienêtre collectif est la résultante de
la poursuite des intérêts individuels dans le cadre du marché qui se régule
automatiquement. L’intervention de l’Etat doit se limiter à la protection des citoyens en
leur assurant la sécurité intérieure (Police et Justice) et extérieure (Armée) et la
consommation collective par la prise en charge des infrastructures non rentables
financièrement, indispensables à la croissance économique, tels que les routes et les
barrages. Ces infrastructures sont utilisées collectivement et aucune entreprise privée
n’est prête à en payer le prix. A partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, l'Etat a
transgressé ces principes pour compenser les défaillances du marché. Les keynésiens,
et suite à la crise de 1929 avec la montée du chômage, ont soutenu une forte
intervention de l’Etat dans l'économie. Durant les Trente glorieuses, la mise en place de
"l'Etat Providence" a provoqué une forte augmentation des dépenses publiques pour
couvrir des services comme la police, l’armée, les tribunaux, les administrations,
l’enseignement, la santé, les routes, les aides aux entreprises en difficulté, les incitations
pour relancer l’économie, les aides sociales, etc. Ces services sont gratuits ou
subventionnés mais qu’il faut bien financer.
Le financement des dépenses publiques : impôt ou emprunt
Pour financer ces dépenses, l’Etat dispose de deux principales sources de financement :
ses ressources propres (essentiellement les ressources fiscales i.e. les impôts et taxes)
et l’endettement. Avec le ralentissement de la croissance et la hausse des dépenses
publiques, les ressources propres deviennent insuffisantes. Si les contribuables fiscaux
ne payent pas suffisamment d’impôts, on peut s’attendre, en retour, à une hausse de
la dette publique ou à une diminution du nombre et/ou de la qualité des services fournis
à la population. Dans les deux cas, la situation est problématique.
La baisse du nombre et/ou de la qualité des services publics provoque un
mécontentement d’une partie de la population. Et ceux qui paient les impôts se
demandent pourquoi payer autant pour un service aussi médiocre. L’accroissement du
niveau de la dette soulève des problèmes de soutenabilité des finances publiques et un
risque de solvabilité. L’augmentation de la prime de risque qui en découle conduit à un
relèvement du coût d’emprunt. Cette situation génère très souvent une crise des
finances publiques avec des conséquences économiques et sociales préoccupantes.
Dans ce cas, un programme de réduction de la dette est requis. Repousser la
Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources
20
consolidation ne devrait pas uniquement augmenter les coûts de financement de la dette
mais aussi accroitre l’instabilité économique et sociale. Les coûts de la non réforme
pourraient dès lors être encore plus élevés.
Ainsi, quand on comprend à quoi servent les impôts, la question n’est plus de les réduire
ou de ne pas les payer en ayant recours à l’évasion fiscale ou à la fraude. La question
devient : voulons-nous une école sans moyens humains et matériels ou une école
accessible uniquement aux riches, des routes de mauvaise qualité ou de bonnes routes
privatisées, des assurances maladies déficitaires ou privées, etc. ? Toutefois, les
citoyens mettent en cause cette question d’impôt quand ils voient que leurs impôts sont
mal gérés et mal utilisés : une administration bureaucratique et pléthorique, une
corruption généralisée, une mauvaise allocation des ressources (des écoles non
entretenues, un réseau d’eau vétuste, etc. et surtout quand ils constatent qu’ils ne sont
pas tous traités d’une façon équitable devant l’impôt et l’offre des services publics.
Les riches se plaignent de l’impôt sous prétexte qu’il décourage l’investissement, la
création des richesses et de l’emploi. De l’autre côté, le discours "l’impôt appauvrirait"
est facile à tenir. C’est un discours populiste qui trouve un large écho auprès de
personnes aux revenus faibles et modestes qui se plaignent de l’impôt. Toutefois, ce
discours omet de préciser que, dans une société juste, l’impôt sert à financer des
services publics et qu’une société sans ces services les exclurait. D’une manière
générale, l’ouvrier moyen gagne à payer des impôts. La partie de salaire prélevée par
l’État donne droit à de nombreux services en retour qu’il ne peut pas payer par lui-
même. La progressivité de l’impôt sur les revenus du travail, à elle seule, permet à la
plupart des travailleurs de payer moins d’impôts qu’ils ne reçoivent de services en
retour. Ceci nous conduit à poser la question suivante :
A quoi servent les services publics ?
Tous les jours, nous utilisons une multitude de services publics sans nous en rendre
compte, notamment pour :
 Se maintenir en bonne santé́ : remboursement partiel des consultations et des
médicaments, accès aux hôpitaux publics,
 Enseigner et former nos enfants : écoles publiques ou subventionnées, universités,
centres de formation, etc.
 Garantir notre sécurité et la sécurité de nos avoirs : police, tribunaux, prisons,
services incendies, etc.
 Protéger notre territoire national : armée,
 Se déplacer, livrer des marchandises et exporter : routes, réseau ferroviaire, ports,
aéroports, etc.
 Développer l’activité́ économique : aides à l’investissement, à l’innovation et à
l’embauche, conseils et accompagnement pour les créateurs d’entreprises,
aménagement des terrains pour les entreprises,
 Bénéficier d’un cadre de vie agréable : ramassage des déchets ménagers,
aménagement de parcs et des centres urbains, plantations aux abords des routes,
etc.
Tous ces services, et bien d’autres encore, sont mis en place et financés en grande
partie par les impôts versés par les citoyens à l’Etat.
Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources
21
Quelle est la finalité de ces dépenses publiques par la fiscalité ?
Si on pousse l’analyse, on relève qu’en prélevant les impôts, l’Etat est censé viser deux
objectifs : l'efficacité économique et l'équité sociale. Il est question d’abord,
d’inciter les entreprises à investir, recruter, former et produire au moindre cout pour
être compétitives. L’Etat doit alors prélever les ressources nécessaires à travers une
fiscalité juste et économiquement incitative. Ces ressources doivent être utilisées pour
fournir l’infrastructure et les services économiques et sociaux de base (transport,
éducation, santé, eau, électricité, sécurité etc.) et assurer la cohésion et l’inclusion
sociales à travers une couverture sociale adéquate aux couches vulnérables (effet
redistributif) et de faible revenu.
Au Suède, l’Etat-providence est considéré comme une évidence, un acquis à conserver.
En même temps, il est tout aussi évident, même pour les électeurs sociaux-démocrates
longtemps majoritaires, que les entreprises et le capital doivent être faiblement taxés,
afin d’être compétitifs, attirer les investissements et créer des emplois dans ce petit
pays très ouvert sur le monde. Ainsi, l’impôt ne sert pas à taxer les entreprises au
bénéfice des particuliers mais à créer la valeur et surtout de l’emploi considéré comme
le meilleur instrument de répartition des richesses et d’émancipation sociale de la
personne. Cet exemple montre clairement, la nécessité de soutenir les gains de
productivité, qui sous-tendent la création de richesse d’aujourd’hui et de demain et les
emplois futurs et mieux la répartir. Toute réforme fiscale doit se mesurer au principe
d’efficacité et répondre aux attentes des citoyens. Mais elle ne peut pas se passer d’une
réflexion approfondie sur le principe même de l’impôt juste.
L’efficacité économique
La théorie économique considère que la politique fiscale est un des moyens dont dispose
l’Etat pour orienter l’évolution économique et sociale. Par des mesures fiscales ciblées,
l’Etat peut favoriser une ou plusieurs catégories sociales, promouvoir une activité
économique au dépend d’autres, encourager ou décourager l’épargne des ménages, etc.
Une simple diminution ou augmentation de la pression fiscale peut avoir des
conséquences importantes sur l’économie en modifiant le système des prix relatifs, et
donc, les comportements des agents économiques. Ainsi, les incitations fiscales visant
à orienter ces comportements, occupent une place de plus en plus importante dans les
politiques fiscales. L’Etat les utilise pour décourager les activités nuisibles ou encourager
les activités économiquement et socialement utiles à la collectivité nationale.
Redistribution de revenus, équité et solidarité
A côté de la recherche de l’efficacité économique, l’Etat pourrait avoir un objectif
d’inclusion sociale visant à limiter les inégalités en matière de revenus et de distribution
des richesses et/ou à venir en aide aux couches vulnérables et à celles de faible revenu.
La redistribution peut prendre une forme monétaire ou non monétaire. La protection
sociale vise à effectuer des transferts de ressources au profit de personnes exposées à
un risque social : maladie, maternité, famille, etc. La redistribution verticale cherche à
réduire les inégalités : aides aux pauvres, aux marginalisés et aux personnes
handicapées, etc. Dans ce cadre, l'objectif de la redistribution fiscale est le resserrement
de l'éventail des revenus. Son instrument privilégié est l'impôt progressif sur le revenu
où chacun doit contribuer selon son niveau de revenu et de richesse. Cela signifie que
ceux qui ont des revenus plus élevés payent proportionnellement plus car ils ont plus
de facilités à s’acquitter de leurs impôts.
Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources
22
La justice fiscale en questions
La question de la justice fiscale est fondamentale dans une société, comme la nôtre,
marquée par la banalisation de l’évasion fiscale et l’absence du sens du devoir fiscal. Ce
phénomène ne se réduit pas à une simple résistance à l’impôt mais plutôt à une remise
en cause de la légitimité de l’impôt. La plupart des citoyens ont le sentiment que les
gouvernements successifs ne voyaient dans l’impôt que sa fonction budgétaire,
négligeant de ce fait, sa fonction d’instrument de justice sociale au point où les
contribuables qui ne pratiquent pas l’évasion fiscale se sentent pénalisés. Cet état
d’esprit a rendu aujourd’hui les pratiques d’évitement fiscal largement répandues. Ce
sentiment d’injustice fiscale provient d’une perception maintenant ancrée dans les
esprits de la majorité des Tunisiens que l’ETAT ne traite pas tous les citoyens d’une
façon équitable devant l’impôt. Certains groupes d’influences et lobbies ou même de
simples citoyens réussissent à échapper totalement ou partiellement à leur devoir fiscal.
D’autres s’acquittent de leur devoir en payant une faible partie de ce qu’ils devraient
payer grâce à des pratiques de corruption que l’administration fiscale semble
s’accommoder. C’est ce sentiment de défaillance de l’Etat qui mine et inquiète le citoyen.
On se trouve alors dans une situation préoccupante ou l’un des piliers de base du contrat
social entre l’Etat et les citoyens est aujourd’hui complétement anéanti.
L’impôt est un devoir et un acte solidaire
"Quel que soit l’endroit où les citoyens vivent, ce sont les initiatives collectives qui
permettent d’améliorer les conditions de vie du plus grand nombre en organisant la
solidarité". La collecte de l’impôt consiste à mettre en commun des moyens pour
développer des services et des aides qui doivent participer au bien-être de la collectivité.
L’équité de sa perception et de sa redistribution constitue le ciment de cette solidarité.
C’est un moyen, représentant la part de chaque citoyen selon ses facultés contributives,
pour vivre collectivement en société.
Malheureusement, on relève qu’en Tunisie, ces principes ne sont pas respectés et que
la charge fiscale est très mal répartie : 71% de l’impôt sur les revenus sont payés par
les salariés du secteur formel. L’impôt sur le bénéfice des sociétés représente 11% des
recettes fiscales, environ 243 grandes entreprises, sur un total de 136 mille sociétés
recensées, payent 50% de l’IS. Les 414 mille unités forfaitaires (60% du tissu
économique) contribuent par 0.7% de l’impôt sur le revenu et 0.5% de l’impôt direct
ou encore 0.2% des recettes fiscales. Le véritable enjeu est moins "combien d’impôt"
mais "qui ne s’acquitte pas de son devoir fiscal et pourquoi ?" et puis "qui paye les
impôts et combien". Avant de répondre à ces questions, il y a lieu d’abord de définir ce
qui est un impôt juste ?
Principe et fondement de l’équité fiscale
Le principe de l’équité fiscale est entendu comme l’égalité des contribuables devant
l’impôt. Un même régime fiscal doit s’appliquer à tous les contribuables placés dans la
même situation. C’est le fondement de la justice fiscale. Il s’agit davantage d’une égalité
par l’impôt, utilisé comme outil de redistribution. Il n’est pas question d’une stricte
égalité devant l’impôt, mais d’une répartition juste de la charge fiscale en vue de
favoriser une égalité de sacrifices financiers.
Qu’est-ce qu’un impôt juste ?
Les débats relatifs aux impôts se focalisent le plus souvent sur les questions de leur
montant et de leur répartition. Les tenants d’une minimisation des prélèvements, au
Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources
23
nom de leur effet "distorsif" sur l’économie - peu d’impôt se justifie surtout par le fait
que les agents économiques allouent mieux leurs ressources que l’Etat considéré moins
efficace, bureaucratique et gaspilleur - s’opposent à ceux qui font du montant de l’impôt
et de sa répartition un indicateur de solidarité. De fait, les acteurs du débat sur la
fiscalité ne semblent pas vouloir mener une réflexion profonde sur la question de la
justice fiscale. Ils ne parviennent pas à s’écarter de l’idée que, pour garantir une stabilité
sociale, le sort des uns (les fortunés) doit se rapprocher de celui des autres (les
pauvres). Cette réduction de la notion de justice cantonne le débat à des oppositions
stériles illustrées par des expressions courantes et peu convaincantes : "Il faut faire
payer les riches" ou "ras-le-bol fiscal". Dans tous les cas et dans tous les pays, l’impôt
est toujours contesté. Il est considéré comme un mal nécessaire. Son acceptation est
fonction, entre autres, de la capacité de l’Etat à assurer son application par tous les
citoyens selon la capacité contributive de chacun. C’est autour du "juste", support moral,
économique et social, que l’on va faire progresser la réflexion, faire émerger des
compromis et donc l’envie de vivre ensemble, dont l’impôt accepté est la meilleure
traduction. Pourtant le débat, entre des discours totalement opposés depuis des années
n’a pas avancé.
Loin des débats stériles, la problématique de l'acceptation de l'impôt doit déboucher
sur la recherche d'une norme acceptable de partage de la charge fiscale entre les
différents contribuables. Dans le passé, le refus de l'impôt a souvent pris la forme d'une
contestation violente, celle des révoltes fiscales qui témoignaient de la résistance des
contribuables à une fiscalité injuste et un ordre politique inégalitaire. L'évitement fiscal
(fraude, évasion et optimisation fiscale) peut s'analyser comme une manifestation du
refus de payer l'impôt en raison d’un manque de confiance vis à vis de l’Etat, d’une
mauvaise gestion des ressources publiques et d’une absence de contrôle des
contribuables. L’impunité incite la fraude et l’effondrement de l’Etat.
Pour être légitime, cette norme doit être juste. Dans ce sens, un certain consensus se
dégage pour dire qu’un impôt juste est celui :
 Qui tient compte de la capacité contributive des contribuables aux ressources de
l’État pour assurer la justice, l’ordre, la sécurité, les services publics, etc. ;
 Qui ne laisse pas beaucoup de marges pour à la fraude fiscale et aux possibilités
d’évasion fiscale ;
 Auquel participent tous les revenus de manière équitable : i) les revenus provenant
d’une activité professionnelle, les salariés, les professions libérales, les
indépendants, les gérants de société, etc. ; ii) les revenus mobiliers, provenant de
la rémunération de capitaux tels que les intérêts ; et iii) les revenus immobiliers,
provenant de la propriété́ foncière ;
Notons que ces critères ne suffisent pas. C’est l’application, la mise en œuvre et le suivi
et donc la qualité de l’administration fiscale en charge de la gestion, du contrôle et du
recouvrement de cet impôt qui assure ou non une justice fiscale. En Tunisie, les taux de
défaut avoisinent, depuis des années les 50%, les montants des arriérés sont en
croissance. Clairement, la défaillance de l’administration fiscale est manifeste.
L’impôt : une question de choix de société.
Pour savoir quel choix de société nous vivons, il faut analyser comment l’impôt est
prélevé, géré et redistribué dans le pays. C’est-à-dire :
1) Qui ne déclare pas au fisc la totalité de ses revenus et pourquoi ?
2) qui paie l’impôt et combien ?
Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources
24
3) comment l’impôt est géré ?
4) qui reçoit les transferts sociaux, combien et à quelles conditions ?
5) quels services publics sont financés et à quelles conditions les gens peuvent-ils
effectivement y recourir ?
On se limitera dans ce rapport, aux deux premières questions. L’objet est de déterminer,
pour l’année 2015, qui sont en défaut de déclarations de leurs revenus et qui paye
l’impôt et combien loin de tout débat partisan. La réponse à ces interrogations nous
conduira à discuter la question de la justice fiscale ainsi que celle de l’évasion fiscale et
la mobilisation des ressources. La réflexion s’est articulée autour de trois axes. Le
premier volet couvert par le chapitre 2 de l’étude a d’abord permis de dresser un « état
des lieux » de la situation du côté des ressources fiscales et son évolution sur une longue
période. Ce travail préliminaire constitue une étape incontournable pour situer les
choses dans une perspective historique et aborder ainsi de manière éclairée les
thématiques citées ci-dessus.
La discipline fiscale est entrevue tout au long d’une deuxième partie qui englobe les
chapitres 3 à 5, moyennant l’exploration, l’exploitation et le rapprochement de
différentes sources statistiques possibles sur l’exercice 2015 et permet d’identifier
simultanément les incohérences et les anomalies qui caractérisent la configuration
actuelle du système fiscal tunisien au niveau des impôts directs. Enfin, une troisième
partie est consacrée à la Taxe sur la Valeur Ajoutée qui constitue une source majeure
du champ des impôts indirects et dont l’intérêt est d’exhiber les latitudes dont disposent
les autorités en matière de mobilisation des ressources intérieures afin de renflouer les
deniers publics et s’affranchir tant que faire se peut de l’endettement.
L’enjeu de la justice fiscale :
A l’évidence, la réussite de la transition démocratique en Tunisie est largement tributaire
de la consolidation du rôle et le positionnement de l’Etat, qui est lui-même étroitement
liée à sa capacité à lever l’impôt et de manière plus large de son aptitude à canaliser
ses ressources budgétaires pour mettre en œuvre les orientations de politique
économique, d’autant plus que les marges de manœuvre en matière d’endettement
public deviennent particulièrement étroites avec des contraintes budgétaires
difficilement conciliables. L’accentuation de la pression fiscale pour rompre le cercle
vicieux de l’endettement public dans une période de fortes difficultés économiques,
permet un renouvellement du débat sur le juste mode de partage des prélèvements
obligatoires.
En effet, on admet que les recettes fiscales sont primordiales pour la dynamique de
développement d’un pays car elles constituent pour les États des ressources propres
susceptibles d’être investies dans les moteurs du développement, la réduction de la
pauvreté et la fourniture de services publics ainsi que dans le renforcement des
capacités de l’État, de sa redevabilité et de son aptitude à répondre aux attentes des
citoyens. Dans la présente partie de l’étude, on s’est donc attaché à alimenter la
réflexion sur le potentiel considérable d’accroissement des recettes fiscales dont dispose
la Tunisie, ainsi qu’une description des défis qu’il faudrait relever pour y parvenir, au
nombre desquels les défaillances des administrations, la corruption, la médiocrité de la
gouvernance, le manque de « civisme fiscal » et de discipline fiscale.
Il va de soi que la préoccupation de renforcer la mobilisation des ressources nationales
ne revient pas uniquement à augmenter les recettes : il s’agit également de concevoir
un système de prélèvements juste et propre à favoriser la cohésion et la bonne
gouvernance, à améliorer la capacité des pouvoirs publics de rendre compte de leurs
Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources
25
décisions aux citoyens et à promouvoir la justice sociale. La conception et le
fonctionnement du système de prélèvements, et notamment les dimensions intéressant
la transparence, la lutte contre la corruption et l’équité, sont également des facteurs
déterminants pour les décisions des investisseurs nationaux et internationaux dans la
mesure où ils constituent des paramètres de l’amélioration des conditions d’ensemble
pouvant permettre d’attirer davantage d’investissements privés.
L’enjeu de l’étude se situe ainsi à ce niveau avec le modeste but de nourrir le débat
public par des éléments d’analyse à la fois lisibles et tangibles, et d’orienter les réflexions
simultanées sur « l’efficacité et la justice fiscale » à travers des réformes nécessaires à
mettre en œuvre tant au niveau de la structure et du niveau d’imposition que de
l’amélioration de la capacité de l’Etat à bien gérer son système fiscal. C’est pourquoi le
renforcement de la mobilisation des ressources intérieures ne se résume pas à un simple
accroissement des recettes : elle suppose aussi la mise en place d’un système fiscal qui
favorise une croissance inclusive, encourage la bonne gouvernance, réponde aux
inquiétudes suscitées dans l’opinion par les inégalités de revenu et de richesse, et serve
la justice sociale. Plus fondamentalement, parce que la fiscalité se situe au cœur de
l’exercice du pouvoir dont l’État est investi, l’avènement de systèmes fiscaux efficaces,
transparents et équitables, ainsi que d’administrations fiscales moins corrompues, peut
être synonyme de progrès sur des questions de gouvernance de plus vaste portée.
Même si l’« effort fiscal », qui correspond aux recettes fiscales réelles rapportées aux
recettes fiscales potentielles, n’est pas faible, un surcroît de recettes non négligeable
pourrait toutefois être levé dans le pays. L’expérience de plusieurs pays a démontré
qu’il était possible d’accroître considérablement les recettes intérieures. D’autres pays
ont réussi en seulement quelques années à obtenir une hausse soutenue de leurs
recettes. Leurs facteurs communs de réussite sont notamment une volonté politique
constante au plus haut niveau, des réformes administratives étroitement liées aux
changements d’orientation de l’action gouvernementale, et une détermination forte de
la part de l’administration fiscale, autant de facteurs d’évolution susceptibles de se
heurter à une opposition puissante.
Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources
26
Chapitre trois
Evolution et structure des recettes fiscales
L’analyse exploratoire des données des finances publiques tunisiennes sur une longue
période permet de mettre en avant la nécessité et l’urgence d’aligner le système
statistique des finances publiques en Tunisie sur les normes en vigueur au niveau
international. Le fait de publier des séries de données cohérentes et détaillées sur les
recettes intérieures collectées permet d’éclairer les débats sur l’action à mener et
d’orienter les réformes.
Etat des lieux et tendances majeures
Sur la base des données de statistiques publiques, et moyennant une
croissance annuelle à 8,6%, les recettes fiscales rapportées au PIB affichent
un taux moyen de 20,2% sur la période 1986-2015. Dans cette évolution,
l’année 2005 se démarque comme étant une date de changement en termes de
structure des recettes. En outre, et malgré leur poids relatif important comparé
aux autres types de taxation, les impôts indirects affichent une croissance
annuelle moyenne inférieure à celle des impôts directs (7,6% l’an contre
10,9% sur la période étudiée).
En pratique, la justice fiscale et la mobilisation des ressources nationales sont
probablement entravées par des régimes fiscaux inadaptés, une course au nivellement
de la fiscalité vers le bas, le manque de transparence fiscale, le manque de contrôle
fiscal et la prolifération de mesures fiscales parallèles nocives. Un état des lieux de la
situation du côté des ressources fiscales est plus que jamais incontournable.
L’exploration, l’exploitation et le rapprochement de différentes sources statistiques
(sources fiscales, résultats de l’enquête consommation auprès des ménages et les
données du répertoire national des entreprises) permettraient de dresser une
cartographie de la situation en matière de ressources, d’identifier les incohérences et
les anomalies qui caractérisent la configuration actuelle et de proposer les réformes
nécessaires.
Dans l’objectif de faire un état des lieux en matière de fiscalité en Tunisie, les
paragraphes qui suivent apportent un éclairage sur quelques tendances ou traits lourds
issus d’une exploration préliminaire des données relativement agrégées disponibles sur
une période longue (1986-2016). L’analyse qui suit s’appuie sur les données des
finances publiques du Ministère des Finances (cf. Tableau A.1), tout en soulignant que
la manière propre à synthétiser les données n’est pas totalement conforme aux
standards en vigueur au niveau international.
En effet, les recettes publiques tunisiennes sont d’abord des données enregistrées sur
la base des encaissements alors que la pratique au niveau international recommande
un enregistrement sur la base des droits constatés. Par ailleurs, et à titre d’illustration,
les statistiques des finances publiques tunisiennes ne prennent pas en compte les
cotisations de sécurité sociales qui ne sont pas considérées en Tunisie comme des
recettes fiscales. Pourtant, selon la définition de l’OCDE, les impôts sont des versements
obligatoires aux administrations publiques sans contrepartie. La terminologie « sans
contrepartie » signifiant que les prestations fournies par les administrations aux
contribuables ne sont pas proportionnelles à leurs paiements.
Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources
27
En outre, et afin de dresser un tableau équilibré des finances, il serait judicieux de
présenter et analyser les recettes non fiscales. Celles-ci sont simplement l’ensemble des
recettes perçues par les administrations publiques qui ne rentrent pas dans la définition
des impôts et englobent les dons, les retours sur investissements, les rentes tirées de
l’extraction des ressources naturelles, les produits de la vente des biens et de services
par le secteur public, les amendes et confiscations.
Dans le même ordre d’idée, il faut signaler que la publication de la version définitive du
manuel de Statistiques de Finances Publiques 2014 du FMI a achevé le cycle de parution
des versions révisées des trois systèmes de classification (Manuel SFP du FMI, SCN des
Nations-Unies et Guide de l’OCDE) qui, historiquement, avaient déjà beaucoup de points
communs avec la classification des impôts et le guide d’interprétation de l’OCDE dans
le domaine des recettes publiques. Le document reviendra dans la partie consacrée à la
comparaison internationale sur cet aspect d’harmonisation des statistiques des finances
publiques.
Tab. 3.1 Recettes budgétaires de 1986 à 2015 (données en millions de Dinars)
Rubriques 1986 1990 1995 2000 2005 2010 2015
Impôts directs 377.5 403.1 810.8 1 596.8 2 886.1 5 032.7 7 822.1
Impôts sur le revenu 219.1 201.7 460.3 1 021.8 1 524.2 2 600.1 5 088.4
Impôts sur les sociétés 158.4 201.4 350.5 575.0 1 361.9 2 432.6 2 733.7
Impôts indirects 1 254.5 1 766.1 2 681.6 4 081.6 5 018.1 7 666.0 10723.7
Ressources fiscales 1 632 2 169 3 492 5 678 7 904 12 698 18 545
var. en % 32.9 61.0 62.6 39.2 60.7 46.0
Ressources non fiscales 635.9 855.1 988,0 853.6 1 376,0 2 124.6 1 640.0
Total des ressources
propres
2 268 3 024 4 480 6 532 9 280 14 823 20 185
Pour mémoire :
Cotisations sociales - - - 1 551 2 436,2 4 628,9 7 548,8
Dépenses publiques 2 395.0 3 181.8 4 584.2 6 638.0 9 191.4 14 267.4 22 248.5
Déficit budgétaire (*
) -354.6 -530.7 -763.8 -993.5 -1 212.7 -650.2 -4 069.3
(en % du PIB) -5.0 -4.9 -4.5 -3.4 -2.9 -1.0 -4.8
Pression fiscale (en % du PIB) 22.8 20.1 20.5 19.3 18.9 20.1 21.9
Encours de la dette publique 4 109.3 6 313.5 9 814.1 16 503.3 21 949.0 25 639.9 46 922.0
dont dette extérieure en % 73.0 68.6 66.8 60.7 63.9 60.6 63.7
Dette publique en % du PIB 57.4 58.4 57.6 56.1 52.4 40.7 55.4
(*) hors privatisation, dons extérieurs et revenus
confisqués
Source : Ministère des finances
Les données officielles disponibles pour les trois dernières décennies, montrent que les
ressources fiscales ont augmenté de façon considérable, notamment au cours des
années quatre-vingt-dix et sur la sous période 2005-2010. En niveau, elles totalisaient
en 2015 un montant de 18 487,3 millions de dinars, soit plus de trois fois son niveau en
2000 et presque 91% de l’ensemble des ressources fiscales et non fiscales (à comparer
à une proportion de 84,4% sur l’ensemble de la décennie 2005-2015).
Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources
28
La croissance des ressources fiscales a été de 8,6% en moyenne chaque année avec
des pics ponctuels, notamment en 2008 (+19%) et en 2014 (+14.4%). Hors inflation,
la progression annuelle des recettes fiscales en volume s’établirait à 4%, soit à un
rythme voisin de la croissance économique tendancielle. Selon la décomposition des
chiffres des recettes fournis, cette évolution résulte d’une croissance annuelle moyenne
des impôts directs supérieure à celle des impôts indirects (10 ,9% contre 7,6% l’an
sur la période examinée), ceci en dépit d’un niveau plus bas des impôts direct comparé
au montant des impôts indirects. Les variations brusques des recettes fiscales signalées
ci-dessus en 2008 et 2014 trouvent leur origine dans une forte augmentation simultanée
au niveau des impôts directs et les impôts indirects, mais plus prononcée sur ces
derniers.
Le ratio des recettes fiscales en pourcentage du PIB est un indicateur important qui
mesure la proportion de fonds levés par l’impôt permettant de financer les dépenses
publiques et traduit l’aptitude du pays à recourir à la fiscalité pour mobiliser ses
ressources comme facteur de son essor économique. Durant la période examinée, les
recettes fiscales rapportées au PIB affichent un taux moyen de 20,2%. Son évolution
chronologique traduit, en gros, une légère tendance baissière entre 1986 et 2006
(passant de 23,2% en 1986 à 18,5% en 2006), suivie d’une remontée quasi-continue
jusqu’en 2014, où te taux retrouve son niveau du milieu des années quatre vingt.
Indicateurs des finances publiques (1986-2015, en % du PIB)
-5.0 -4.9 -4.5 -3.4 -2.9 -1.0 -4.8
-10
0
10
20
30
40
50
60
70
1986 1990 1995 2000 2005 2010 2015
Déficit budgétaire
Endettement public
Pression fiscale
Evolution des ressources fiscales (1986-2016, en millions de Dinars)
0
2000
4000
6000
8000
10000
12000
14000
16000
18000
20000
86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16
Ressources fiscales
Impôts indirects
Impôts directs
Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources
29
Dans un souci de comparaison internationale, il convient en revanche d’intégrer dans
ces recettes la partie « cotisations sociales ». L’harmonisation réalisée par certains
organismes internationaux (voir plus loin la section consacrée à la comparaison
internationale) permet d’établir le ratio recettes fiscales par rapport au PIB pour la
Tunisie au taux moyen de 27,8% sur les quinze dernières années, mais avec un taux en
constante augmentation de 24,6% en 2000 à plus de 31% en 2014. Afin d’avoir une
première appréciation et bien que nous aborderons plus loin et plus en détail cette mise
en perspective internationale, nous signalons que les pays de l’OCDE affichent un ratio
moyen d’environ 34% des recettes fiscales par rapport au PIB.
La dynamique du ratio des recettes fiscales par rapport au PIB s’explique également en
observant le même ratio selon les deux composantes des recettes. Alors que les impôts
indirects ont marqué une baisse continue à partir de 1986 pour perdre environ cinq
points de pourcentage et s’établir à 13% du PIB en 2015, les recettes engrangées à
travers l’impôt direct exprimées en pourcentage du PIB ont quant à elles connu un
cheminement inverse en s’affichent à environ 10% en fin de série contre seulement 5%
en 1986 et gagnant ainsi les cinq points de pourcentage perdus par les impôts indirects.
Une telle évolution s’explique par la croissance plus rapide des impôts directs par rapport
au rythme d’augmentation des impôts indirects, favorisée par une croissance à deux
chiffres sur les rubriques des impôts sur les sociétés (notamment au niveau de l’impôt
sur les sociétés pétrolières) et les impôts sur les salaires, respectivement à 14,1% et
12,8% l’an sur la période 1986-2015.
L’examen de la structure du système fiscal, en conjonction avec celui de pression fiscale,
apporte un éclairage sur la façon dont les pouvoirs publics choisissent de mobiliser leurs
recettes, et permet de comprendre le système politique et social du pays. La panoplie
des impôts est variée, chacun avec ses forces et ses faiblesses en termes de coût
politique, de potentiel de recettes et de répercussions sur l’économie. En outre, chacun
de ces impôts est affecté différemment par l’évolution de la situation économique
conjoncturelle. Ainsi, les structures fiscales ne sont finalement que le résultat de choix
sociaux et politiques qui traduisent l’équilibre des intérêts économiques et politiques au
sein du pays.
Ceci nous conduit à scruter la structure plus détaillée des recettes fiscales en se
focalisant sur la composante des impôts indirects. Déjà, pour une première lecture des
éléments des recettes publiques on enregistre d’abord une légère modification de la
structure des ressources depuis 2005 suite à une baisse de la part des recettes non
fiscales : 20.8%, 59.5% et 19.7% respectivement pour les impôts indirects, les impôts
Recettes fiscales (en % du PIB)
0
3
5
8
10
13
15
18
20
23
25
86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15
Recettes fiscales
Impôts indirects
Impôts directs
Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources
30
directs et les recettes non fiscales avant 2005, contre respectivement 34.7%, 50.5% et
14.8% après 2005. Les ressources fiscales conservent un poids de plus de 80% dans le
total des recettes budgétaires.
Par ailleurs, un regard sur les données en termes de structure est particulièrement
instructif. La contribution de l’impôt sur le revenu dans le total des impôts directs
est souvent supérieure à celle de l’impôt sur les sociétés. Déjà, suite au premier plan
d’ajustement structurel (P.A.S) des années quatre-vingt, les revenus salariaux ont
endossé le gros de l’effort d’ajustement. La tendance a été maintenue sur l’ensemble
de la période 1994-2007. La crise d’après 2010 a permis d’équilibrer les choses dans
la mesure où la part de l’impôt sur les sociétés gagne 10 points de pourcentage dans le
total des impôts directs.
Structure des recettes budgétaires (1986-2016, en %)
0
20
40
60
80
100
86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16
Recettesnon fiscales Impôtsdirects Impôtsindirects
Evolution de la structure des impôts directs (1986-2016, en %)
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16
Impôts sur le revenu
Impôts sur les sociétés
Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources
31
Les impôts indirects en Tunisie de 1986 à 2015
En matière d’impôts indirects, la structure est dominée depuis la fin des années
quatre-vingt-dix par les ressources provenant de la Taxe sur la Valeur Ajoutée,
dont la croissance annuelle sur la période 1990-2016 se situe à environ 8,3%
l’an. Le foisonnement et l’opacité des postes constituant la rubrique « autres
impôts indirects » tranchent avec son poids dans le total des impôts indirects
qui atteint 28,5% en 2015 contre presque 20% en 2005. Alors que la
dynamique des impôts indirects durant les trois dernières décennies est
marquée par une quasi-stagnation des droits de douanes.
Cette section aborde certaines facettes de la fiscalité indirecte en Tunisie en se focalisant
notamment sur une composante devenue majeure dans le dispositif, à savoir la Taxe
sur la Valeur Ajoutée (TVA). Cette option sera justifiée au fur et à mesure des
développements et analyses qui vont suivre, mais elle s’explique à notre sens, en plus
du souci en termes de justice fiscale, surtout par rapport à la question de la mobilisation
des ressources intérieures ou domestiques et dans laquelle les recettes fiscales occupent
une place de choix. En même temps, il faut savoir que la capacité d’un pays d’atteindre
un niveau de justice fiscale et à mobiliser ses ressources intérieures dépend du volume
de ses activités économiques, de sa croissance économique, de son aptitude à collecter
et gérer des recettes fiscales, et de la performance de son système financier.
Si les impôts directs ont gagné en proportion au cours des années au détriment des
recettes non fiscales, les impôts indirects demeurent une source majeure des
recettes budgétaires avec une contribution qui se situe en moyenne à 50,5% des
recettes publiques durant la dernière décennie. Par rapport aux impôts directs, il faut
noter l’accélération depuis 2010 des impôts sur le revenu (environ 15% l’an contre
11% avant 2010), résultant vraisemblablement des augmentations salariales accordées
depuis cette date ainsi que de fortes augmentations enregistrées sur la rubrique « autres
impôts sur le revenus ». L’impôt sur les sociétés marque une nette chute dès 2014,
favorisée de manière générale par les difficultés économiques conjoncturelles auxquelles
font faces les entreprises, mais surtout par une baisse de l’impôt sur les sociétés
pétrolières dont l’activité continue d’être particulièrement perturbée par les
mouvements sociaux.
Avant de poursuivre l’analyse des impôts indirects, il est utile d’en donner les contours.
La distinction entre les impôts directs et indirects est importante parce qu’elle a des
incidences opérationnelles. On perçoit aisément que l’impôt sur le revenu est le modèle
type de l’impôt direct, car il est établi et collecté sur la base d’une imposition attribuée
à chaque contribuable ; la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est par contre le modèle de
l’impôt indirect, qui n’est pas directement acquitté auprès de l’administration fiscale par
le contribuable qui en supporte le coût.
Ainsi, on considère qu’un impôt direct est un impôt pour lequel il y a identité entre
l’assujetti (celui qui doit d’après les textes s’acquitter de l’impôt) et le redevable (celui
qui est en dette par rapport au fisc et qui supporte le coût du paiement). S’agissant de
l’impôt sur le revenu ou encore de l’impôt sur les sociétés, c’est le redevable (la personne
bénéficiaire des revenus ou des bénéfices) qui est assujetti au paiement : ce sont donc
des impôts directs. S’agissant de la TVA, l’assujetti (le commerçant par exemple) n’est
évidemment que le redevable légal, le redevable effectif qui supporte la charge de
l’impôt étant une tierce personne (le client ou l’acquéreur) : ce sont des impôts indirects.
Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources
32
Evolution et tendance sur une longue période
Dans le système fiscal tunisien, les impôts indirects regroupent la taxe sur la valeur
ajoutée TVA, les droits de douane, les droits de consommation et les autres impôts
indirects (permettant le financement des Fonds Spéciaux du Trésor et les Fonds de
Concours qui font l’objet de larges polémiques auprès des analystes du mode de gestion
des finances publiques en Tunisie, taxes sur les salaires à la charge des employeurs,
taxe sur les contrats d’assurance..). Le code de la TVA, dont l’analyse chiffrée sera
développée dans la sous-section suivante, a été promulgué dès la fin des années quatre-
vingt et se caractérise par une base plus ou moins étroite de biens et services imposés
à un taux standard et par une catégorie de produits soumis à des taux réduits. Certains
biens sont soumis au droit de consommation, dont essentiellement les véhicules de
tourisme, les carburants, le tabac, les vins, bières, alcool et boissons alcoolisées. Le
droit de consommation est applicable selon deux types de taux : un taux ad valorem
variant de 10% à 267% et des tarifs spécifiques pour les carburants, alcool et vins.
L’importance des ressources fiscales provenant des impôts indirects en Tunisie (dans la
mesure où elles représentent la moitié des recettes publiques et affichent un niveau de
deux fois et demi celui des impôts directs) se justifie par le fait que ce type d’impôt est
généralement moins coûteux à recouvrer que d’autres types de taxes, d’autant plus
lorsque certaines ressources sont adossées à l’instauration de fonds spéciaux comme
on pourra le constater plus bas.
En matière d’impôts indirects, la structure selon les rubriques de ce type d’impôt est
dominée depuis la fin des années quatre-vingt-dix par les ressources provenant de la
Taxe sur la Valeur Ajoutée, suivie par les « autres impôts indirects » et les droits
à la consommation. La croissance du montant annuel de TVA collecté sur la période
1990-2016 se situe à environ 8,3% l’an. Alors que celles des « autres impôts indirects »
et les droits à la consommation s’établiraient respectivement à presque 10% et 7,1%
par an. Sous l’effet de ces rubriques, l’évolution des impôts indirects enregistre un
accroissement annuel d’environ 7,6% l’an sur cette même période.
Le niveau de la rubrique « autres impôts indirects » ainsi que sa contribution aux
recettes fiscales indirectes, ont pris de l’ampleur, particulièrement depuis 2010. Ils
occupent le deuxième poste phare des impôts indirects. Parmi ce qui est disigné par
« autres impôts indirects » figure essentiellement les taxes alimentant les Fonds
Spéciaux du Trésor (FST) et les Fonds de Concours. Les (FST) qui sont des comptes
Evolution des impôts indirects (1990-2016, en millions de Dinars)
0
1000
2000
3000
4000
5000
6000
90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15
Autres impôts indirects
T.V.A
Droits de douanes
Droits de consommation
Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources
33
retraçant des opérations de recettes et des dépenses effectuées en dehors du budget
général servent à comptabiliser des actions provisoires destinées, comme les prêts et
les avances. Ces fonds suscitent plusieurs interrogations et des polémiques, voire même
intriguent les analystes quant à la gestion des comptes spéciaux, par rapport à l’absence
de rapports périodiques sur l’état de leurs ressources et des affectations y afférentes au
regard des objectifs initialement assignés à leur création.
Il faut savoir que les services du Ministère des Finances en Tunisie gèrent déjà plusieurs
FST. Il s’agit, à titre d’exemples : du fonds de promotion du logement pour les salariés,
du fonds de développement de la compétitivité ; du fonds de développement de la
compétitivité (FODEC) du secteur agricole et pêche ; du fonds de promotion des
exportations (FOPRODEX) ; du fonds d’accès aux marchés d’exportation (FAMEX) ; du
fonds national de promotion de l’artisanat et des petits métiers ; du fonds de promotion
et de décentralisation industrielle ; du fonds national de l’emploi ; du fonds national de
garantie ; du fonds de coopération entre les collectivités locales et du fonds spécial de
développement de l’agriculture et de la pêche, etc. A cela, il faut rajouter un fonds que
les «officiels» qualifient de “fonds souverain de gestion d’actifs“ ayant pour vocation le
rachat des unités hôtelières endettées, un fonds pour le développement des
télécommunications et des nouvelles technologies d’information, un fonds national pour
l’amélioration de l’habitat, un fonds pour la lutte contre la pollution, un fonds pour la
transition énergétique et enfin un fonds dit de dignité pour l’indemnisation des victimes
de l’oppression des ex-régimes de la dictature.
Le foisonnement et l’opacité des sous rubriques qui constituent cette rubrique « autres
impôts indirects » en recettes tranchent avec leur poids dans le total des impôts indirects
qui atteint 28,5% en 2015 contre presque 20% en 2005. En fait, on continue de recourir
de manière récurrente et croissante à des dispositifs et opérations exceptionnels,
initialement enregistrées dans un compte qualifié de “spécial“, c'est-à-dire qui font
référence à ce qui déroge au général, qui se sont érigé comme tendance de principe.
Dans la dynamique des impôts indirects durant les trois dernières décennies, il faut enfin
relever une quasi-stagnation des droits de douanes dont la contribution dépasse à peine
5% en contre respectivement 10,1% et 28,8% en 2005 et 1995. La forte baisse des
recettes fiscales provenant des droits à l’importation est due en bonne partie à la
politique de libéralisation des échanges sous la forme de réduction des droits de douanes
et l’adhésion à de nouveaux accords d’échanges bilatéraux ou régionaux. Par ailleurs,
la libéralisation des échanges s’est accompagnée d’une diminution des taxes à
l’exportation comme source de recettes au cours des dernières années.
Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources
34
Tab. 3.2 Structure des impôts indirects selon les principaux postes
Sur cette décennie, la TVA et les
droits de douanes constituaient les
principales sources d’impôts
indirects, avec respectivement
35,6% et 27,8% du total. Il faut
rappeler que cette période couvre la
premier plan d’ajustement
structurel mis en œuvre en Tunisie
suite à la crise économique du milieu
des années quatre-vingt.
La configuration observée sur la
décennie précédente enregistre une
déformation surtout à travers la
baisse sensible du poids des droits
de douane, au profit des rubriques
TVA et droits de consommation.
La multiplication des Fonds Spéciaux
propulse la part de la rubrique des
« autres impôts indirects » en
deuxième position en termes de
contribution aux impôts indirects. La
rubrique TVA gagne également du
terrain et fournit ainsi presque la
moitié des recettes fiscales
indirectes.
27.8
35.6
17.4
19.2
1986-1995 Droits de douanes
TVA
Droits de consommation
Autres Impôts indirects
16.5
42.4
23.1
17.9
1996-2005 Droits de douanes
TVA
Droits de consommation
Autres Impôts indirects
8.0
48.2
20.1
23.7
2006-2015 Droits de douanes
TVA
Droits de consommation
Autres Impôts indirects
Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources
35
Chapitre quatre
L’évitement fiscal
Le défaut de déclaration des revenus est une atteinte à la justice fiscale
et au principe de l’égalité devant la loi entre les citoyens.
Le premier principe de la justice fiscale est l’égalité devant l’impôt. Selon la Constitution
tunisienne, l’acquittement de l’impôt est un devoir. L’Etat est responsable de la mise
en place des mécanismes propres à garantir son recouvrement et à lutter contre
l’évasion et la fraude fiscales. Pour tout citoyen, le premier acte pour accomplir ce
devoir, est de déclarer, dans toute transparence, la totalité de ses revenus. Deux
catégories de non déclarants sont à considérer. Dans la première section on étudiera la
population hors champ fiscal au nombre de 1 094 mille personnes. La population
répertoriée par le ministère des finances mais qui ne déclare pas ses revenus fera l’objet
de la section deux. Au total plus des deux cinquièmes échappent au fisc, soit 43% de la
population potentielle des contribuables.
La population potentielle de contribuables hors champ fiscal
A ce niveau, la première question que nous nous posons est de savoir si les services de
l’administration fiscale cernent correctement toute la population potentielle des
imposables. La question sur la configuration de l’univers des contribuables est plutôt
double, dans la mesure où elle porte à la fois sur le nombre des unités économiques
actives sur le territoire économique ainsi que sur les emplois qui opèrent au sein de ces
unités. L’exercice qui va suivre révèle la pénombre de l’univers des imposables, un flou
occasionné par la panoplie des activités réalisées dans ce qu’on a l’habitude de qualifier
par le terme de secteur « informel », mais également par le comportement de certaines
unités pour échapper à leurs obligations.
Une « image » floue et imparfaite de l’univers des contribuables
A propos de l’univers des contribuables, nous disposons de quatre sources majeures
d’informations qui devraient permettre les recoupements nécessaires sur cet aspect : i)
l’Enquête Nationale sur la population et l'emploi – 2015 (ENPE), ii) le Répertoire National
des Entreprises (RNE), iii) le Répertoire du Ministère des Finances (RMF), iv) l’enquête
du CRESS sur le secteur informel et v) les données des caisses de sécurité sociale.
i. Selon le RMF, le nombre de sociétés est de 136 milles et celui des personnes
physiques se situerait à 597 milles. Parallèlement, le RNE recense un nombre
total de plus de 700 milles unités économiques patentées, avec une proportion
de « faux actifs » estimée à 15% du total. Les divergences entre les fichiers issus
de sources administratives tiennent à la nature de leur construction et des
procédures de mise à jour insuffisamment coordonnées. Toutefois, la question
est posée ici surtout par rapport aux personnes physiques ;
ii. En matière d’emploi, l’enquête constitue généralement le point d’appui. Pour
l’année 2015, les données issues de l’ENPE indiquent que la population active
occupée est d’environ 3,4 millions dont notamment 2,5 millions de salariés
répartis selon la profession et les secteurs comme l’indique le tableau qui suit :
Etude sur la justice fiscale et la mobilisation des ressources
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Etude sur la justice fiscale et la mobilisation des ressources

  • 1. Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources 1 Remerciements Le présent rapport a été préparé par une équipe composée par Mohamed HADDAR, Président de l’ASECTU et Mustapha BOUZAIENE, Statisticien-Economiste. Durant la préparation de ce rapport, l’équipe a bénéficié de l’aimable coopération de différents services de l’administration tunisienne qu’elle tient ici à remercier, aussi bien pour l’appui en termes de facilité dans la mobilisation de certaines informations statistiques, que pour les échanges et discussions effectués. L’équipe a également bénéficié des rencontres réalisées avec plusieurs différents opérateurs et intervenants de la scène économique et politique. Tout particulièrement, l’équipe exprime des remerciements à Mme Lamia ZRIBI, ancien ministre des finances, Mr Mustapha K. Nabli, ancien gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie et Mr Hédi Larbi, ancien ministre de l’équipement, de l’aménagement du territoire et de l’habitat pour avoir accepté de consacrer du temps à la discussion avec l’équipe chargée de préparer le rapport et pour avoir commenté diverses versions du rapport.
  • 2. Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources 2
  • 3. Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources 3 Table des matières Principaux messages..................................................................................................... 5 Résumé...................................................................................................................... 10 Contexte et méthodologie.......................................................................................... 14 Le contexte................................................................................................................................... 14 Aspects méthodologies................................................................................................................ 16 A propos de justice fiscale .......................................................................................... 19 Pourquoi payer les impôts ?......................................................................................................... 19 La justice fiscale en questions...................................................................................................... 22 Evolution et structure des recettes fiscales ................................................................. 26 Etat des lieux et tendances majeures .......................................................................................... 26 Les impôts indirects en Tunisie de 1986 à 2015 .......................................................................... 31 L’évitement fiscal ....................................................................................................... 35 La population potentielle de contribuables hors champ fiscal.................................................... 35 La moitié des contribuables répertoriés sont en défaut.............................................................. 38 Qui paye les impôts et combien ? ............................................................................... 44 L’impôt sur le Revenu des Personnes Physiques (IRPP)............................................................... 45 L’impôt sur les Sociétés (IS).......................................................................................................... 53 La TVA comme ressource fiscale majeure.................................................................................... 54 Exonérations, évasion, fraude et recouvrement.......................................................... 57 Les exonérations fiscales.............................................................................................................. 57 La législation fiscale et son application........................................................................................ 59 Estimation de l’évasion et de la fraude fiscales........................................................................... 64 Conclusions et recommandations ............................................................................... 71 Annexes ..................................................................................................................... 75 Annexe 1....................................................................................................................................... 75 Annexe 2....................................................................................................................................... 79 Annexe 3....................................................................................................................................... 82 Annexe 4 :..................................................................................................................................... 86 Bibliographie ................................................................................................................................ 94
  • 4. Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources 4
  • 5. Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources 5 Principaux messages Un ensemble de messages sont distillés tout au long de ce document, dont ci-dessous une sélection : I. Qui ne déclare pas ses revenus au fisc ? 1. Population potentielle hors champ fiscal. M1 : Le tiers de la population active occupée (32,3%) exerce dans l’informalité. Cette population n’est pas identifiée par les services administratifs et échappe donc aux services des impôts ; M2 : Sur les 2461 milles emplois salariés, plus du cinquième (508 mille) occupe un emploi dans des activités informelles ou sont dans une situation ou forme d’informalité. 2. Population en défaut. M3 : La moitié des contribuables répertoriés sont en défaut. Sur un nombre de 734 mille contribuables répertoriés, 365 mille sont en défaut dont 302 mille personnes physiques et 63 mille sociétés. II. Qui paye les impôts et combien ? Rappel 1 : La répartition des ressources fiscales se présente comme suit : IRPP (5003 MD), IS (2673 MD), TVA (5057 MD). Rappel 2 : la population qui déclare ses revenus est de 2323 mille personnes physiques et morales répartie comme suit : 1954 mille salariés dans le secteur formel (84%), 296 mille non-salariés (13%) et 73 mille sociétés (3%). 1. Les personnes physiques Traitements et salaires : Rappel 3 : L’impôt payé, en 2015, par les 1950 mille salariés est de 3549 MD, soit environ 4,2% du PIB, 46% des impôts directs et 15% des recettes fiscales.  Les salariés représentent 84% des contribuables ayant déposé une déclaration en 2015 ;  L’impôt par salarié est de 1820 dinars ;  26% des salariés ont un revenu inférieur à 5000 et de ce fait, ne paient pas d’impôt ;  Environ la moitié des salariés ayant un revenu annuel compris entre 5 et 20 mille dinars (51%) contribuent à hauteur de 49% des impôts sur les salaires ;  Les salariés ayant un revenu annuel de 20 mille dinars et plus (13%) contribuent à hauteur de 51% des impôts sur les salaires ;  L’impôt est progressif : alors que 26% des salariés ne contribuent pas à l’effort fiscal, 1% des salariés touchant 50 mille dinars et plus acquittent environ 13% de l’impôt.
  • 6. Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources 6 Rappel 4 : Sur les 414 mille forfaitaires, 219 mille sont en défaut en 2015. La contribution des 196 milles restants (47%) qui ont déposé leur déclaration est de 36 MD, soit l’équivalent de 0.7% de l’impôt sur le revenu et 0.5% de l’impôt direct ou encore 0.2% des recettes fiscales. M4 : Sur la base de leurs déclarations, tous les forfaitaires et 30% des BNC, vivraient dans une situation d’extrême pauvreté. Rappel 5 : Les BIC : 133 mille BIC ; 63 mille ont déposé leur déclaration (48% de l’effectif) et 40 mille ont réalisé un bénéfice.  Environ le tiers de l’impôt dû est supporté par seulement 3% des BIC réalisant un chiffre d’affaire supérieur à 1 million de dinars ;  81% des BIC, réalisent un chiffre d’affaire inférieur à 100 mille dinars contribuent à environ 26% de l’impôt dû ;  75% de l’impôt est supporté par 20% des BIC réalisant un chiffre d’affaire supérieur à 100 mille dinars. 2. Les sociétés (IS) Rappel 6 :  Le quart des 136 mille sociétés, soit 32 mille (24%) ont réalisé un bénéfice et payent l’impôt, 63 mille sont en défaut (46%), 16 mille ont déclaré néant (11%) et 26 mille (19%) sont déficitaires.  75% de l’impôt est supporté par 13% des entreprises réalisant un chiffre d’affaire supérieur à 1 million de dinars ; 34% des entreprises déclarent un chiffre d’affaire inférieur à 5 mille dinars et contribuent à environ 2% de l’impôt et 57% des entreprises déclarent un chiffre d’affaire inférieur à 100 mille dinars et contribuent à 6% de l’impôt. M5 : 250 grandes entreprises (14% DGE) supportent 75% de l’impôt des GE et 50% de l’IS ; 44% des entreprises DGE réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 10 millions de dinars contribuent à hauteur de 4% de l’impôt dû pour les GE III. La législation fiscale et son application M6 : La complexité du système fiscal, sa non transparence et l’instabilité fiscale génèrent un cout élevé pour l’économie : incitation à la corruption et à la fraude et découragement de l’investisseur. A titre d’exemple, plus de 530 dispositions fiscales parues dans les lois des finances entre 2011 et 2016. M7 : Le contrôle fiscal est quasi absent : le taux de couverture du contrôle fiscal approfondi est de 1%. Il est de 5% pour les contrôles préliminaires. IV. Evasion et fraude fiscales M8 : la part du secteur informel dans l’économie se situerait très vraisemblablement dans une proportion globale au plus égale à 30%. Une estimation plutôt grossière de la fraude fiscale aboutirait à un manque de presque 400 millions de dinars de recettes en impôt sur le revenu pour l’Etat en 2015. M9 : Pour une meilleure justice fiscale : l’administration fiscale est appelée à se moderniser et exercer son pouvoir de contrôle afin de recouvrer les ressources de l’Etat
  • 7. Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources 7 Tableaux annexes Tab.1 Catégorie de contribuables Taux de défaut Personnes physiques 50% Forfaitaire 53% BIC 52% BNC 27% Sociétés 46% Tab.2 BIC (personnes physiques) 2015 Nombre En % Redevables 132903 Défauts de déclarations 69749 52% Déclarations nulles 16169 12% Déficitaires 7319 6% Déclarations imposables 39625 30% Tab.3 BNC Nombre En % du total Redevables 50105 Défauts de déclarations 13769 27%  Déclarations nulles (régime réel) 6488 (33%)  Déficitaires (régime réel) 2882 (14%) Bénéficiaires pour l’ensemble des contribuables 27001 54% Tab.4 Activité Nombre des redevables Défauts de déclaration Taux de défaut Médecin spécialiste 1 189 90 8% Médecin généraliste 2622 378 14% Dentistes et chirurgiens-dentistes 2921 518 18% Expert-comptable 1 133 293 26% Activités d'ingénierie 109 32 29% Ingénieur conseil 813 246 30% Architecte 2 762 946 34% Comptable 2041 814 40% Architecte d'intérieur et décoration 367 166 45% Conseil fiscal 207 93 45% Bureau d’encadrement et d’assistance fiscale 32 16 50% Avocats 7 440 3739 50% Expert toutes spécialités 830 411 50% Dessinateur géomètre, topographe 367 187 51% Bureau d'études 6 764 3459 51% Consultant 8915 4615 52% Etude de marché et sondage 2 367 1477 62% Tab.5 Personnes Morales : IS en 2015 Nombre En % Redevables 136324 Défauts de déclarations 62713 46% Déclarations nulles 16044 11% Déficitaires 25955 19% Déclarations imposables 32072 24%
  • 8. Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources 8 3. Les personnes physiques (IRPP) Tab.6 Part de certains contribuables à l'IRPP Salariés 71% BIC 2% BNC 2% Forfaitaires 1% Revenus agricoles 1% Revenus fonciers 0% Revenus des capitaux mobiliers 4% Intérêts des comptes d'épargne 3% Honoraires, commissions, courtage et loyer 7% Tab.7 L’impôt dû pour certains fonctionnaires dans la fonction publique Salaire mensuel brut Salaire annuel brut Salaire imposable (après cotisations sociales) Impôt dû Juge Juge catégorie 1 2512 30140 26539 5096 Juge catégorie 2 3133 37600 33106 6869 Juge catégorie 3 3676 44116 38844 8418 Instituteur Instituteur 1080 12960 11411 1516 Professeur d'école primaire 1439 17272 15208 2368 Enseignant du secondaire Professeur d'enseignement secondaire 1707 20480 18033 3004 Professeur Université Professeur d'université 4067 48798 42967 9531 Maitre de conférences 3393 40714 35848 7610 Maitre-assistant 2804 33650 29629 5930 Assistant 2322 27858 24529 4553 Médecins public Médecin de la santé publique 2566 30786 27107 5249 Médecin spécialiste de la santé publique 3000 35994 31693 6488 Médecin spécialiste principal de la santé publique 4199 50382 44361 9908 Médecin professeur d'université 5501 66012 58124 13724 Ingénieurs Ingénieur général 2103 25230 22215 3945 Fonction publique Salaire moyen dans la fonction publique 1400 16800 14792 2275 Directeur général de l'administration centrale 2900 34800 30641 6204 Tab.8 Synthèse : Evasion et fraude fiscales H 1 H 2 H 3 Forfaitaires 246 606 907 Régime BNC 35 Régime BIC 448 TVA 1 146 Total 1 875 2 235 2 176
  • 9. Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources 9
  • 10. Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources 10 Résumé La réflexion sur la justice fiscale et la mobilisation des ressources s’est articulée autour de trois axes. Le premier volet de l’étude a d’abord permis de dresser un "état des lieux" de la situation du côté des ressources fiscales et son évolution sur une longue période. Ce volet constitue une étape incontournable pour situer les choses dans une perspective historique et aborder ainsi de manière éclairée les thématiques analysées. La discipline fiscale est entrevue tout au long d’une deuxième partie moyennant l’exploration, l’exploitation et le rapprochement de différentes sources statistiques possibles sur l’exercice 2015 et permet d’aborder la question de la justice fiscale en rapport avec la mobilisation des ressources fiscales en répondant à deux questions : i. A combien on évalue la population hors champ fiscal et qui, parmi les contribuables répertoriés par le ministère des finances, ne déclare pas ses revenus au fisc ? ii. Qui paye les impôts et combien ? Cette partie permet aussi d’identifier simultanément les incohérences et les anomalies qui caractérisent la configuration actuelle du système fiscal tunisien au niveau des impôts directs. Enfin, une troisième partie est consacrée à une estimation de la fraude fiscale. La Taxe sur la Valeur Ajoutée qui constitue une source majeure à la fois du champ des impôts indirects et de fraude fiscale et dont l’intérêt est d’exhiber les latitudes dont disposent les autorités en matière de mobilisation des ressources intérieures afin de renflouer les deniers publics et s’affranchir tant que faire se peut de l’endettement. Sur le principe, la fiscalité répond aux trois fonctions de l’État : réguler l’activité économique en modulant le niveau des prélèvements obligatoires afin de garantir une certaine efficacité, mettre en œuvre des incitations fiscales pour influer sur l’allocation des ressources et orienter les choix des individus en évitant les distorsions, et visant l’équité à travers une redistribution des revenus en ajustant l’impôt en fonction du montant et de l’origine des ressources des contribuables. La difficulté posée par de telles exigences, est de conserver la transparence et l’intelligibilité de l’impôt. Si les contribuables ne sont pas conscients des sommes d’impôts qu’ils paient, il leur est impossible de raisonner en fonction de mécanismes incitatifs. Le citoyen, submergé par un lot de mesures fiscales ardûment inintelligibles, peine à se situer au sein de la société et ne ressent ni l’intérêt ni la progressivité de l’impôt, ce qui risque de mettre à mal le caractère démocratique de celui-ci. Les résultats corroborent les conclusions retenues dans d’autres études et diagnostics, à savoir que le système fiscal tunisien est complexe ; une complexité due en grande partie à son caractère cédulaire et à la multiplication des assiettes, des taux et des dépenses fiscales. Différents diagnostics de la fiscalité tunisienne menés durant les dernières années par les pouvoirs publics, en partenariat avec des organisations internationales ou avec des bureaux spécialisés, ont souvent relevé les lacunes générales du système fiscal tunisien, à savoir que le dispositif fiscal est complexe, dû en grande partie à son caractère cédulaire et à la multiplication des assiettes, des taux et le foisonnement des dépenses fiscales.
  • 11. Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources 11 Si la réflexion menée par l’ASECTU rejoint les conclusions générales issues des diagnostics précédents, elle tient toutefois à souligner que la situation observée résulte d’une accumulation de plusieurs facteurs aussi bien culturels (rapport sociétal vis-à-vis de l’impôt), que de politiques fiscales longtemps frileuses face aux réformes de fond, ou structurels qui tiennent à la configuration plutôt fragile du tissu économique tunisien. Par ailleurs, les recommandations et les voies de réforme sont souvent proposées comme si la Tunisie était dans une situation « normale » et font abstractions des mutations politiques, économiques et sociales qui sont à l’œuvre dans le pays. En effet, rien que la structure des recettes publiques a sensiblement changé depuis le début de la décennie 2000, notamment suite à la baisse des droits de douanes et qui a été compensé par la hausse des impôts directs, sans une réflexion profonde et anticipée du système fiscal. La démarche suivie par les pouvoirs publics et qui perdure encore s’est limitée à des solutions de facilités, en surtaxant toujours les mêmes contribuables et en optant pour la solution la plus commode et la plus fiable en matière d’imposition qu’est la retenue à la source. En somme, un empilement de mesures fiscales ponctuelles qui sont de nature à aggraver l’injustice fiscale. On oublie également que le système fiscal tunisien est par essence déclaratif et ne donne pas lieu ultérieurement à un contrôle efficace. Il en a résulté un rendement très faible, un taux de défaut élevé et une forte évasion fiscale qui s’installe comme la norme et non l’exception. Au regard de la justice fiscale, et à travers une exploration de la masse d’informations fiscales individuelles disponibles sur l’exercice 2015, l’étude apporte un éclairage inédit sur les flottements qui empreignent le système fiscal et révèle son caractère insoutenable. Le concept d’équité fiscale peut être apprécié à travers le degré de discipline fiscale par rapport à l’impôt sur le revenu. Là-dessus, trois principales réserves marquent le dispositif des impôts directs : un taux de défaut avoisinant les 50%, une assiette poreuse avec multiplication des taux et des assiettes, et une panoplie d’exonérations. La procédure de la retenue à la source permet de collecter 71% du total de l’impôt sur le revenu auprès d’environ deux millions de salariés que compte le tissu économique. Alors que les revenus agricoles, les revenus fonciers et les plus value mobilière et immobilière ont un rendement très faible et une grande partie des revenus semble échapper à l’impôt. Ailleurs, le constat est bien plus préoccupant. Le répertoire des contribuables non salariés recense en 2015 environ 734 mille entités économiques actives enregistrées dont une proportion de 56% figure dans la catégorie des « forfaitaires » et qui prétendent réaliser 1,7% du chiffre d’affaires total déclaré et contribuent pour seulement 36 millions de dinars aux recettes fiscales. Mieux encore, un peu plus de 80% des unités inscrites au régime forfaitaire déclarent un chiffre d’affaire annuel inférieur à 10 mille dinars afin de se soumettre au minimum d’impôt. En réalité, et au registre de l’impôt sur les sociétés, l’effort fiscal est entièrement supporté par 19% des unités économiques, soit un nombre de 136 mille sociétés qui constituent finalement le premier noyau de l’économie du pays. Paradoxalement, parmi ces unités nationales qui sont censées créer de la richesse, favoriser la création de l’emploi et s’acquitter de leur devoir fiscal, seulement la moitié a déposé une déclaration auprès de l’administration fiscale en 2015. En outre, environ 1700
  • 12. Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources 12 grandes entreprises1 contribuent à hauteurs de 68% de l’impôt sur les sociétés. D’une manière plus précise, 243 entreprises contribuent à 50% du total de l’impôt sur les sociétés. Elles appartiennent aux secteurs des télécommunications, banques et assurances, et hydrocarbures. Ces anomalies reflètent théoriquement une évasion fiscale qui pourrait prendre plusieurs formes : une sous-estimation des revenus, une non déclaration et l’absence de régularisation de certains revenus tels que ceux provenant des comptes d’épargne qui font partie de l’assiette de l’IRPP. Dans la pratique, la quasi-totalité des contribuables ne déclarent pas ces revenus et se limitent au prélèvement à la source qui devient de facto libératoire. L’application d’une méthodologie d’estimation de l’écart de TVA en 2015, i.e. le gap entre le montant effectivement collecté et le montant théorique susceptible d’être accumulé, montre qu’environ le quart des recettes sur ce type d’impôt manque à l’appel. Cet exercice reflète en premier lieu une injustice fiscale et les marges de manœuvre dont disposent les pouvoirs publics pour consolider les recettes fiscales. Il fournit en second lieu les prémisses d’un cadre d’analyse opportun pour l’administration fiscale. La structure des impôts indirects est dominée depuis la fin des années quatre vingt dix par la contribution croissante des ressources provenant de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA). Parallèlement, les droits de douanes ont enregistré un net repli mais leur poids dans la masse des impôts indirects demeure stable. Ainsi, après bientôt trois décennies, la TVA s’est imposée grâce à la simplicité de sa gestion et à son faible coût. Les ressources tirées de la plupart des autres impôts risquant d’être plus faibles en proportion durant les prochaines années, la TVA devrait voir son potentiel s’accroître. Elle figure déjà parmi les rubriques les plus importantes des impôts indirects avec environ la moitié des recettes sur ce type d’imposition. Et au regard du poids de la TVA dans les finances publiques, son efficience dans ses trois composantes (assiette, recouvrement et contrôle) constitue un enjeu majeur pour l’administration fiscale. Les principales réserves par rapport au dispositif de la TVA, concernent principalement son champ d’application qui ne couvre pas tous les secteurs d’activité, la multiplicité des taux et des exonérations et la rupture au niveau de la chaîne de déduction, les problèmes soulevés par les crédits de la TVA et leur gestion ainsi que les difficultés de sa collecte. De ce fait, elle constitue une source de fraude. Dans une optique de renforcement de la justice fiscale et de la mobilisation des ressources nationales, des travaux d’estimation du l’écart de TVA ont été conduits sur la base d’une approche utilisant les données de la comptabilité nationale. L’exercice mené sur l’estimation de l’écart de TVA en 2015, c'est-à-dire le gap entre le montant effectivement collecté et le montant théorique susceptible d’être accumulé, reflète en premier lieu et en même temps, le montant fraudé et les marges de manœuvre dont disposent les pouvoirs publics pour consolider les recettes fiscales. Mieux encore, la démarche développée lors de cette étude fournit en second lieu un cadre d’analyse opportun pour l’administration fiscale afin de conduire les différentes simulations et variantes sur les mesures relatives à la TVA. 1 Selon la classification de la DGI, est considérée comme grande entreprise toute unité dont le chiffre d’affaire dépasse 10 millions de dinars.
  • 13. Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources 13 Dans ces conditions, quelles chances pour l’émergence d’une véritable réforme fiscale ? Si cette étude apporte une « assise » à un débat qu’elle espère fructueux sur la nécessité d’une réforme fiscale et entend « souffler » quelques pistes dans ce sens, en revanche, en tant que « facilitateur » de débat, elle génère davantage de questions que de solutions arrêtées. Mais, l’important est de poser les bonnes interrogations et les discuter sur la base d’un ensemble d’informations consommé. Certains axes sont néanmoins bien identifiés. Dans la double optique d’une meilleure justice fiscale et une mobilisation optimale des ressources fiscales, l’intervention des pouvoirs publics se situerait à trois niveaux. Le premier réside dans une simplification du système de taxation et sa mise en cohérence avec les axes de la politique économique, en particulier pour un impôt comme celui de la TVA. L’amélioration de la capacité de l’Etat à lever l’impôt est cruciale, notamment pour garantir une justice fiscale et combattre la fraude fiscale. Un autre levier d’action est plus complexe puisqu’il est question de faire face à une dangereuse extension du secteur informel, préjudiciable à une mobilisation efficiente des recettes fiscales. Mais, la fiscalité est en dernier ressort l’expression d’un compromis politique et d’un débat démocratique et reflète les préférences collectives. Avant de transformer le dispositif, il faut impérativement veiller à en évaluer les coûts et les avantages. En même temps, il faut être conscient que la panne des réflexions sur la fiscalité traduit une panne des réflexions plus générales, pas uniquement sur le modèle social, mais sur l’idée du « vivre ensemble ». La perception de l’impôt révèle celle des critères de justice qui doivent présider à l’organisation de la vie commune. S’accorder sur les critères de justice, qui ne sont pas forcément concordants, voilà la tâche essentielle de la délibération collective qui définit la démocratie même. Or, c’est précisément ce débat- là qu’on veut évacuer de l’espace public lorsque l’on réduit les marges de manœuvre de l’action collective. Débattre de la question fiscale, c’est débattre des inégalités réelles, et de la façon dont on entend les délimiter et les combattre. Et pour conférer à l’impôt une certaine légitimité il faut retrouver un accord sur des règles de justice et des règles de redistribution qui gèrent la vie collective d’une société. Or c’est précisément ce débat- là que notre société tend à éluder. La multiplication des définitions implicites de la justice fiscale dans la société rend la question fiscale difficile et toute discussion sur le sujet devient une discussion généralisée sur les normes de justice et d’efficacité dans la société. Elle est donc très coûteuse, ce qui explique que certains pensent qu’il est illusoire de vouloir faire des réformes fiscales d’ensemble, car cela oblige à une mise à plat tellement lourde que le coût de mise en œuvre est très élevé.
  • 14. Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources 14 Chapitre premier Contexte et méthodologie Article 10 de la constitution tunisienne « L’acquittement de l’impôt et la contribution aux charges publiques, conformément à un système juste et équitable, constituent un devoir. L’Etat met en place les mécanismes propres à garantir le recouvrement de l’impôt et la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales. Il veille à la bonne gestion des deniers publics et prend les mesures nécessaires pour les utiliser conformément aux priorités de l’économie nationale. Il agit en vue d’empêcher la corruption et tout ce qui est de nature à porter atteinte à la souveraineté nationale ». La Tunisie se trouve aujourd’hui à un tournant de son histoire et doit compter de plus en plus sur ses ressources fiscales surtout que ses revenus non fiscaux s’amenuisent d’une année à l’autre. Il va sans dire que la fiscalité tunisienne doit évoluer d’une façon radicalement différente des deux dernières décennies et doit, surtout, être mieux adaptée aux exigences du contexte actuel. Or la question de l’impôt compte parmi les débats les plus vifs et les mesures les plus critiquées. Pourtant, quelles que soient les opinions et positions sur la question, l’impôt est très souvent méconnu : ses principes, ses raisons d’être, son calcul, ses enjeux pour la société dans laquelle nous vivons, etc. L’article 10 de la constitution tunisienne consacre certains principes généraux ayant vocation à l’encadrer : principe du devoir de s’acquitter de l’impôt ; principe de justice et d’équité devant l’impôt et principe de la bonne gouvernance des deniers publics. L’Association Tunisienne des Economistes2 (ASECTU) a entrepris une réflexion sur certains aspects du système fiscal tunisien. Une initiative motivée essentiellement par le souci de provoquer et de nourrir un débat public objectif autour des questions cruciales qui touchent à la justice fiscale et corrélativement à la mobilisation des ressources domestiques dans le domaine des finances publiques. Le contexte Une réflexion invoquée d’abord par le contexte politico-économique de manière générale et en particulier par la poursuite de la dégradation des finances publiques. Le citoyen ordinaire est en droit de se demander où on se situe par rapport à ces nobles principes inscrits dans la constitution de 2014. Force est de constater que la question de justice fiscale en Tunisie s’est imposée comme une problématique d’une actualité particulièrement brulante au cours des toutes dernières années. Les répercussions du changement politique de 2011, conjuguées avec une évolution d’une conjoncture économique marquée par une croissance molle, un sentiment économique timoré et un investissement en berne, a mis au-devant de la scène cette question de « justice fiscale », d’ailleurs souvent posée en réaction aux privilèges fiscaux instaurés durant les 2 Avec l’appui de la Fondation Hanns Seidel,
  • 15. Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources 15 précédentes décennies. Alors que le principe et le fondement de la justice fiscale sont généralement entendus comme étant l’égalité des contribuables devant l’impôt, en ce sens qu’un même régime fiscal doit alors s’appliquer à tous les contribuables placés dans des situations identiques. La question de la mobilisation des ressources intérieures a resurgi concomitamment avec la dégradation progressive des finances publiques. Car, face aux urgences et en l’absence d’orientation claire en termes de réformes structurelles, la situation des finances publiques est devenue au fil du temps critique. La détérioration a été accentuée par le retard observé en matière d’assainissement des finances publiques, ce qui entraîne une dégradation du déficit budgétaire et un ratio d’endettement rapporté au PIB s’écartant des seuils de tolérance. Le recours à d’autres alternatives autres que l’endettement pour corriger les dérapages et le déséquilibre des comptes publics devient donc un impératif. A l’évidence, la réussite de la transition démocratique en Tunisie est largement tributaire de la consolidation du rôle et le positionnement de l’Etat, qui est lui- même étroitement liée à sa capacité à lever l’impôt et de manière plus large de son aptitude à canaliser ses ressources budgétaires pour mettre en œuvre les orientations de politique économique. D’autant plus que les marges de manœuvre en matière d’endettement public deviennent particulièrement étroites avec des contraintes budgétaires difficilement conciliables. Parallèlement, la démocratie se fonde sur l’idée que toute personne, quels que soient ses moyens, a le même droit de décider de ce qui est bon pour la société dans son ensemble. Cette promesse perd son sens quand certains ne sont plus à même d’exercer leurs droits de citoyen dans la dignité, faute d’accéder à l’éducation, à la santé ou à des conditions de vie et de logement décentes. Il n’y a pas de démocratie possible sans acceptation d’un certain niveau d’impôt et sans financement solidaire de cet impôt. Les prélèvements obligatoires n’ont pas vocation à faire disparaître les inégalités, mais ils doivent faire en sorte que la promesse d’égalité que porte en elle la démocratie ne soit pas un vain mot. La tendance à l’accentuation de la pression fiscale pour rompre le cercle vicieux de l’endettement public dans une période de fortes difficultés économiques, permet un renouvellement du débat sur le juste mode de partage des prélèvements obligatoires. Mais, dans le souci d’éviter que le débat démocratique ne soit confisqué par un microcosme de spécialistes, il est à notre sens nécessaire d’accorder à chacun un accès direct à l’information et des éléments de repérage lui permettant de s’approprier les grands enjeux d’une réforme fiscale qui devient incontournable. L’étude ne constitue nullement un manuel ou un guide pour une éventuelle réforme fiscale, même si elle verse dans ce sens. Modestement, elle s’est simplement assignée pour ambition d’amorcer un débat serein et constructif sur certains aspects de la fiscalité tunisienne. La difficulté posée par de telles exigences, est de conserver la transparence et l’intelligibilité de l’impôt. Si les contribuables ne sont pas conscients des sommes d’impôts qu’ils paient, il leur est impossible de raisonner en fonction de mécanismes incitatifs. Le contribuable, submergé par un lot de mesures fiscales ardûment inintelligibles, peine à se situer au sein de la société et ne ressent pas la progressivité de l’impôt. Pire, les citoyens n’hésitent pas à négliger et remettre en cause leur devoir fiscal quand ils voient au quotidien que l’informel explose, que les forfaitaires s’enrichissent rapidement et finalement que l’impôt qu’ils paient est mal géré : une
  • 16. Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources 16 administration bureaucratique et pléthorique avec des services publics défectueux, une fraude massive, une corruption généralisée, des écoles non entretenues, un réseau d’eau vétuste, des inégalités à l’accès aux soins et à l’éducation, etc. L’impunité favorise la fraude, affaiblit l’Etat et risque de mettre à mal le processus de transition démocratique dans son ensemble. Les réflexions sur le rôle de la fiscalité et des systèmes concrets qui en découlent constituent le cheminement inévitable de toute interrogation sur le caractère démocratique de l’impôt. Cependant, il n’est pas question d’omettre l’impératif de croissance avec lequel la fiscalité entre en interaction. Les prélèvements obligatoires constituent les ressources de l’État au moyen desquelles ce dernier développe les structures productives nationales (création de capital humain via l’éducation, infrastructures de transport, etc.) et répond ainsi à un objectif d’efficacité, mais ils sont parallèlement soupçonnés d’être responsables d’effets dé-incitatifs à l’égard des entreprises. Ce type de considérations et ces préoccupations ne sont malheureusement pas assez tangibles dans les discussions houleuses, parfois partiales et même abusives qui surgissent à chaque occasion où l’on évoque la perspective d’une réforme fiscale. En témoigne à ce titre les commentaires et les débats qui ont émaillé les cessions parlementaires consacrées à la loi de finance 2017. Or tout projet de réforme fiscale pose une série de questions fondamentales, à savoir :  Qui ne déclare pas au fisc ses revenus ? ;  Qui paie l’impôt et combien ?  Quelles sont les normes jugées acceptables qui doivent être mises en place de façon contraignante, en matière de redistribution ? La réponse à ce type d’interrogations suppose au préalable une bonne appréciation de la situation en vigueur et des éléments d’éclairage et de chiffrage pertinents. Telle est l’ambition de cette initiative. Aspects méthodologies La réponse aux différentes questions que peut se poser le citoyen ordinaire par rapport à la fiscalité se heurte à des obstacles en termes de disponibilité de données et leur interprétation à des fins d’analyse économique. Par rapport à la question de la fiscalité, plusieurs questions préoccupent beaucoup de tunisiens : "qui paye l’impôt et combien" ? Est-ce que tous les tunisiens (personnes morales ou physiques) s’acquittent de leur devoir fiscal avec toute la transparence et l’honnêteté nécessaires ? Est-ce que l’administration fiscale joue correctement son rôle pour assurer la justice fiscale (égalité de tous devant l’impôt), favoriser le développement économique (une fiscalité encourageant la croissance, traitement équitable de toutes les activités devant l’impôt), et collecter tous les impôts dus pour offrir à l’État les ressources nécessaires au développement économique et social du pays ? Quelles sont les niches fiscales ? A combien estimer l’évasion fiscale ? La réponse à ces différentes questions n’est pas une tâche facile sur le plan théorique et sur le plan empirique pour maintes raisons. La première renvoie à la difficulté de mobiliser les informations et données pertinentes autour de la fiscalité en Tunisie. En effet, pour conduire cette analyse sous revue, et outre le travail de documentation indispensable dans une telle entreprise ainsi que les échanges avec certains responsables politiques et les principaux acteurs économiques et sociaux, il a fallu
  • 17. Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources 17 d’abord faire au préalable un inventaire succinct des sources de données susceptibles de nourrir notre étude. A l’issue de cette étape, il s’agissait de vérifier la disponibilité, d’accéder, de collecter et d’organiser l’exploitation d’une masse importante d’informations et données statistiques (vérification, confrontation des sources, fiabilité, etc.). Pour des considérations techniques, nous avons opté pour l’année 2015 comme exercice de référence, dans la mesure où les données sont quasiment arrêtées ou définitives, aussi bien au niveau de la comptabilité nationale que pour les comptes publics. Les données de base sur lesquelles s’est fondée l’étude proviennent essentiellement des services du Ministère des finances, de l’Institut National des Statistiques (INS) ainsi que des bases de données de certaines organisations internationales, notamment celle de l’OCDE qui pilote tout un programme d’harmonisation des statistiques des recettes fiscales. Ce travail sur les données n’était pas une tâche facile dans la mesure où il s’agit de données le plus souvent difficilement accessibles ou pas suffisamment détaillées et parfois manquent d’homogénéité comparativement à d’autres sources. A titre d’illustration, les statistiques des recettes fiscales tunisiennes ne tiennent pas compte des cotisations sociales et ne sont pas comptabilisés en tant que recettes fiscales contrairement à la classification internationale ; les données sur les revenus de toutes les catégories de contribuables, à l’exception de ceux des salariés ne sont pas directement disponibles. La plupart des contraintes autour de l’information statistique ont pu être surmontées tout au long de ce travail. Les éléments méthodologiques de l’étude sous revue se fondent sur un accès privilégié à une masse de données fiscales individuelles et des outputs très détaillés issus des comptes nationaux. Néanmoins, si la plupart des contraintes autour de l’information statistique ont pu être surmontées, il a fallu parfois au cours de cette étude admettre certaines hypothèses ou adopter des clés de répartition pour affiner les analyses. Il n'était pas aisé de chiffrer ni les flux informels ni les effets économiques, financiers et fiscaux d'une activité commerciale qui relève de ces activités. Les statistiques officielles ne font aucune allusion à ce phénomène et les études ou enquêtes à l'échelle régionale ou nationale pour évaluer l'ampleur de la contrebande sont rares. Par contre les discours sur ces phénomènes, le plus souvent non fondés, abondent. Faute de temps et de moyens nous n’avons pas conduit des enquêtes sur certains contribuables (forfaitaires, professions libérales, etc.) ainsi que sur le système informel et la contrebande afin d’analyser l’évasion fiscale dans ces activités. Selon les problématiques abordées par l’étude, ce travail a tiré profit d’une analyse de séries longues des agrégats fiscaux pour dégager les tendances majeures au cours des trente dernières années, d’une exploration statistique des données fiscales individuelles, de l’exploitation de certains outputs de la comptabilité nationale à un détail très fin (matrices de production et des consommations intermédiaires, le tableau des entrées sorties) et de certains résultats de l’enquête sur les dépenses de consommation des ménages pour l’exercice 2015. Par ailleurs, tout au long de ce travail, un intérêt particulier a été accordé au volet documentaire sur divers matériaux publiés par le FMI, la BM et les documents des assises nationales sur la fiscalité. Nous avons conduit des contacts avec certains responsables de l’administration fiscale pour recueillir leur perception de la situation et pour partager leurs points de vue. Ces contacts se sont avérés utiles et nécessaires.
  • 18. Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources 18 Il convient aussi de préciser qu’on a utilisé les termes "impôt dû" et "impôt payé". Au ministère des finances, on trouve deux types d’informations. La première est celle basée sur l’approche caisse, qui provient de la trésorerie générale et qui met en exergue le montant effectivement encaissé par le trésor public. Selon cette approche, les montants encaissés ne correspondent pas forcément à l’impôt de l’année en question. A titre d’exemple, un contribuable qui doit régulariser la situation des exercices antérieurs doit forcément payer plus d’impôt que l’impôt dû. De même un contribuable qui souhaite reporter une partie de l’impôt sur les exercices ultérieurs va payer forcément moins d’impôt que l’impôt dû et ce, du fait du report sans être en défaut. La seconde information est celle qui provient de la Direction Générale des Impôts (DGI) et qui a l’avantage d’être plus détaillée. Elle nous renseigne sur l’impôt dû par chaque contribuable, le chiffre d’affaire réalisé etc. La difficulté est que l’impôt dû n’est pas forcément encaissé par le trésor public. Très souvent, il est de loin plus important que celui encaissé. Nous sommes conscients de la difficulté que peut avoir le lecteur de ce rapport pour distinguer ces différents aspects. Pour faciliter la lecture, nous avons cherché à chaque fois de présenter la répartition ou la structure de l’impôt encaissé (approche caisse) afin de répondre à la question de la répartition de la charge fiscale. Par ailleurs et afin de mieux évaluer le niveau d’évasion et de fraude nous avons utilisé plutôt l’impôt dû pour chaque catégorie de contribuable. Ce type d’exercice est très délicat dans un système fiscal à assiettes multiples. L’impôt dû est déterminé sur la base du revenu net imposable qui dépend du régime fiscal choisi (forfait d’impôt, forfait d’assiette, régime réel, régime réel simplifié etc.). Pour ce faire nous faisons recours parfois à un calcul du chiffre d’affaire moyen pour faciliter la lecture du document. Au final, notre constat amer est que le système fiscal tunisien bute aujourd’hui sur des problèmes multiples : une complexité voire même des incohérences 3 ; des iniquités évidentes ; et de fortes distorsions qui faussent l’allocation des ressources, encouragent l’optimisation et la fraude fiscale et octroient une rente économique importante à certains producteurs et opérateurs. Ce rapport en fournit les éléments d’argumentation et constitue, à notre connaissance, l’unique document qui propose une cartographie de la fiscalité pour une année donnée. A ce titre, il répond, loin des discours politiques et des débats stériles à deux principales questions : i) qui ne déclare pas ses revenus et ii) qui paye ses impôts et combien. Il contient un résumé de l’étude. Il est structuré en six chapitres. Le premier rappellera quelques notions de base du concept de la justice fiscale. Le second chapitre retracera l’évolution des recettes fiscales en Tunisie de 1986 à 2015. Le troisième chapitre traitera la question des contribuables qui ne déclarent pas au fisc leurs revenus. On tentera de répondre à la question qui paye les impôts et combien en analysant l’impôt direct par catégorie de contribuables dans le chapitre quatre. Une tentative d’estimation de l’évasion fiscale sera traitée au chapitre cinq. On conclura par la proposition de quelques recommandations au sixième et dernier chapitre. 3 Certains produits bénéficient d’un taux de TVA réduit mais leur production est frappée par une taxe affectée à un fonds spécial. Il n’est pas incertain que dans certains cas, le taux de TVA réduit plus une taxe sur le chiffre d’affaire dépasse le taux de TVA standard de 18%.
  • 19. Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources 19 Chapitre deux A propos de justice fiscale Ce chapitre sera structuré en deux sections. La première sera consacrée à éclairer le débat sur la fiscalité. Alors que la Constitution tunisienne considère que payer l’impôt est un devoir pour tout citoyen, certains économistes soutiennent que prélever à des personnes qui ont travaillé et essayé de fructifier leurs actifs, pourrait les dissuader de fournir moins d’effort, investir moins et donc créer moins de richesse. Dans la section deux, on tentera de définir la notion de justice fiscale. Pourquoi payer les impôts ? La réponse évidente à cette question est : "pour financer les dépenses publiques". Mais pourquoi ces dépenses surtout que l'impôt, du point de vue économique, soustrait du pouvoir d'achat aux agents privés. Les positions sur cette question ne sont pas convergentes. Certains économistes libéraux soutiennent que le bienêtre collectif est la résultante de la poursuite des intérêts individuels dans le cadre du marché qui se régule automatiquement. L’intervention de l’Etat doit se limiter à la protection des citoyens en leur assurant la sécurité intérieure (Police et Justice) et extérieure (Armée) et la consommation collective par la prise en charge des infrastructures non rentables financièrement, indispensables à la croissance économique, tels que les routes et les barrages. Ces infrastructures sont utilisées collectivement et aucune entreprise privée n’est prête à en payer le prix. A partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, l'Etat a transgressé ces principes pour compenser les défaillances du marché. Les keynésiens, et suite à la crise de 1929 avec la montée du chômage, ont soutenu une forte intervention de l’Etat dans l'économie. Durant les Trente glorieuses, la mise en place de "l'Etat Providence" a provoqué une forte augmentation des dépenses publiques pour couvrir des services comme la police, l’armée, les tribunaux, les administrations, l’enseignement, la santé, les routes, les aides aux entreprises en difficulté, les incitations pour relancer l’économie, les aides sociales, etc. Ces services sont gratuits ou subventionnés mais qu’il faut bien financer. Le financement des dépenses publiques : impôt ou emprunt Pour financer ces dépenses, l’Etat dispose de deux principales sources de financement : ses ressources propres (essentiellement les ressources fiscales i.e. les impôts et taxes) et l’endettement. Avec le ralentissement de la croissance et la hausse des dépenses publiques, les ressources propres deviennent insuffisantes. Si les contribuables fiscaux ne payent pas suffisamment d’impôts, on peut s’attendre, en retour, à une hausse de la dette publique ou à une diminution du nombre et/ou de la qualité des services fournis à la population. Dans les deux cas, la situation est problématique. La baisse du nombre et/ou de la qualité des services publics provoque un mécontentement d’une partie de la population. Et ceux qui paient les impôts se demandent pourquoi payer autant pour un service aussi médiocre. L’accroissement du niveau de la dette soulève des problèmes de soutenabilité des finances publiques et un risque de solvabilité. L’augmentation de la prime de risque qui en découle conduit à un relèvement du coût d’emprunt. Cette situation génère très souvent une crise des finances publiques avec des conséquences économiques et sociales préoccupantes. Dans ce cas, un programme de réduction de la dette est requis. Repousser la
  • 20. Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources 20 consolidation ne devrait pas uniquement augmenter les coûts de financement de la dette mais aussi accroitre l’instabilité économique et sociale. Les coûts de la non réforme pourraient dès lors être encore plus élevés. Ainsi, quand on comprend à quoi servent les impôts, la question n’est plus de les réduire ou de ne pas les payer en ayant recours à l’évasion fiscale ou à la fraude. La question devient : voulons-nous une école sans moyens humains et matériels ou une école accessible uniquement aux riches, des routes de mauvaise qualité ou de bonnes routes privatisées, des assurances maladies déficitaires ou privées, etc. ? Toutefois, les citoyens mettent en cause cette question d’impôt quand ils voient que leurs impôts sont mal gérés et mal utilisés : une administration bureaucratique et pléthorique, une corruption généralisée, une mauvaise allocation des ressources (des écoles non entretenues, un réseau d’eau vétuste, etc. et surtout quand ils constatent qu’ils ne sont pas tous traités d’une façon équitable devant l’impôt et l’offre des services publics. Les riches se plaignent de l’impôt sous prétexte qu’il décourage l’investissement, la création des richesses et de l’emploi. De l’autre côté, le discours "l’impôt appauvrirait" est facile à tenir. C’est un discours populiste qui trouve un large écho auprès de personnes aux revenus faibles et modestes qui se plaignent de l’impôt. Toutefois, ce discours omet de préciser que, dans une société juste, l’impôt sert à financer des services publics et qu’une société sans ces services les exclurait. D’une manière générale, l’ouvrier moyen gagne à payer des impôts. La partie de salaire prélevée par l’État donne droit à de nombreux services en retour qu’il ne peut pas payer par lui- même. La progressivité de l’impôt sur les revenus du travail, à elle seule, permet à la plupart des travailleurs de payer moins d’impôts qu’ils ne reçoivent de services en retour. Ceci nous conduit à poser la question suivante : A quoi servent les services publics ? Tous les jours, nous utilisons une multitude de services publics sans nous en rendre compte, notamment pour :  Se maintenir en bonne santé́ : remboursement partiel des consultations et des médicaments, accès aux hôpitaux publics,  Enseigner et former nos enfants : écoles publiques ou subventionnées, universités, centres de formation, etc.  Garantir notre sécurité et la sécurité de nos avoirs : police, tribunaux, prisons, services incendies, etc.  Protéger notre territoire national : armée,  Se déplacer, livrer des marchandises et exporter : routes, réseau ferroviaire, ports, aéroports, etc.  Développer l’activité́ économique : aides à l’investissement, à l’innovation et à l’embauche, conseils et accompagnement pour les créateurs d’entreprises, aménagement des terrains pour les entreprises,  Bénéficier d’un cadre de vie agréable : ramassage des déchets ménagers, aménagement de parcs et des centres urbains, plantations aux abords des routes, etc. Tous ces services, et bien d’autres encore, sont mis en place et financés en grande partie par les impôts versés par les citoyens à l’Etat.
  • 21. Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources 21 Quelle est la finalité de ces dépenses publiques par la fiscalité ? Si on pousse l’analyse, on relève qu’en prélevant les impôts, l’Etat est censé viser deux objectifs : l'efficacité économique et l'équité sociale. Il est question d’abord, d’inciter les entreprises à investir, recruter, former et produire au moindre cout pour être compétitives. L’Etat doit alors prélever les ressources nécessaires à travers une fiscalité juste et économiquement incitative. Ces ressources doivent être utilisées pour fournir l’infrastructure et les services économiques et sociaux de base (transport, éducation, santé, eau, électricité, sécurité etc.) et assurer la cohésion et l’inclusion sociales à travers une couverture sociale adéquate aux couches vulnérables (effet redistributif) et de faible revenu. Au Suède, l’Etat-providence est considéré comme une évidence, un acquis à conserver. En même temps, il est tout aussi évident, même pour les électeurs sociaux-démocrates longtemps majoritaires, que les entreprises et le capital doivent être faiblement taxés, afin d’être compétitifs, attirer les investissements et créer des emplois dans ce petit pays très ouvert sur le monde. Ainsi, l’impôt ne sert pas à taxer les entreprises au bénéfice des particuliers mais à créer la valeur et surtout de l’emploi considéré comme le meilleur instrument de répartition des richesses et d’émancipation sociale de la personne. Cet exemple montre clairement, la nécessité de soutenir les gains de productivité, qui sous-tendent la création de richesse d’aujourd’hui et de demain et les emplois futurs et mieux la répartir. Toute réforme fiscale doit se mesurer au principe d’efficacité et répondre aux attentes des citoyens. Mais elle ne peut pas se passer d’une réflexion approfondie sur le principe même de l’impôt juste. L’efficacité économique La théorie économique considère que la politique fiscale est un des moyens dont dispose l’Etat pour orienter l’évolution économique et sociale. Par des mesures fiscales ciblées, l’Etat peut favoriser une ou plusieurs catégories sociales, promouvoir une activité économique au dépend d’autres, encourager ou décourager l’épargne des ménages, etc. Une simple diminution ou augmentation de la pression fiscale peut avoir des conséquences importantes sur l’économie en modifiant le système des prix relatifs, et donc, les comportements des agents économiques. Ainsi, les incitations fiscales visant à orienter ces comportements, occupent une place de plus en plus importante dans les politiques fiscales. L’Etat les utilise pour décourager les activités nuisibles ou encourager les activités économiquement et socialement utiles à la collectivité nationale. Redistribution de revenus, équité et solidarité A côté de la recherche de l’efficacité économique, l’Etat pourrait avoir un objectif d’inclusion sociale visant à limiter les inégalités en matière de revenus et de distribution des richesses et/ou à venir en aide aux couches vulnérables et à celles de faible revenu. La redistribution peut prendre une forme monétaire ou non monétaire. La protection sociale vise à effectuer des transferts de ressources au profit de personnes exposées à un risque social : maladie, maternité, famille, etc. La redistribution verticale cherche à réduire les inégalités : aides aux pauvres, aux marginalisés et aux personnes handicapées, etc. Dans ce cadre, l'objectif de la redistribution fiscale est le resserrement de l'éventail des revenus. Son instrument privilégié est l'impôt progressif sur le revenu où chacun doit contribuer selon son niveau de revenu et de richesse. Cela signifie que ceux qui ont des revenus plus élevés payent proportionnellement plus car ils ont plus de facilités à s’acquitter de leurs impôts.
  • 22. Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources 22 La justice fiscale en questions La question de la justice fiscale est fondamentale dans une société, comme la nôtre, marquée par la banalisation de l’évasion fiscale et l’absence du sens du devoir fiscal. Ce phénomène ne se réduit pas à une simple résistance à l’impôt mais plutôt à une remise en cause de la légitimité de l’impôt. La plupart des citoyens ont le sentiment que les gouvernements successifs ne voyaient dans l’impôt que sa fonction budgétaire, négligeant de ce fait, sa fonction d’instrument de justice sociale au point où les contribuables qui ne pratiquent pas l’évasion fiscale se sentent pénalisés. Cet état d’esprit a rendu aujourd’hui les pratiques d’évitement fiscal largement répandues. Ce sentiment d’injustice fiscale provient d’une perception maintenant ancrée dans les esprits de la majorité des Tunisiens que l’ETAT ne traite pas tous les citoyens d’une façon équitable devant l’impôt. Certains groupes d’influences et lobbies ou même de simples citoyens réussissent à échapper totalement ou partiellement à leur devoir fiscal. D’autres s’acquittent de leur devoir en payant une faible partie de ce qu’ils devraient payer grâce à des pratiques de corruption que l’administration fiscale semble s’accommoder. C’est ce sentiment de défaillance de l’Etat qui mine et inquiète le citoyen. On se trouve alors dans une situation préoccupante ou l’un des piliers de base du contrat social entre l’Etat et les citoyens est aujourd’hui complétement anéanti. L’impôt est un devoir et un acte solidaire "Quel que soit l’endroit où les citoyens vivent, ce sont les initiatives collectives qui permettent d’améliorer les conditions de vie du plus grand nombre en organisant la solidarité". La collecte de l’impôt consiste à mettre en commun des moyens pour développer des services et des aides qui doivent participer au bien-être de la collectivité. L’équité de sa perception et de sa redistribution constitue le ciment de cette solidarité. C’est un moyen, représentant la part de chaque citoyen selon ses facultés contributives, pour vivre collectivement en société. Malheureusement, on relève qu’en Tunisie, ces principes ne sont pas respectés et que la charge fiscale est très mal répartie : 71% de l’impôt sur les revenus sont payés par les salariés du secteur formel. L’impôt sur le bénéfice des sociétés représente 11% des recettes fiscales, environ 243 grandes entreprises, sur un total de 136 mille sociétés recensées, payent 50% de l’IS. Les 414 mille unités forfaitaires (60% du tissu économique) contribuent par 0.7% de l’impôt sur le revenu et 0.5% de l’impôt direct ou encore 0.2% des recettes fiscales. Le véritable enjeu est moins "combien d’impôt" mais "qui ne s’acquitte pas de son devoir fiscal et pourquoi ?" et puis "qui paye les impôts et combien". Avant de répondre à ces questions, il y a lieu d’abord de définir ce qui est un impôt juste ? Principe et fondement de l’équité fiscale Le principe de l’équité fiscale est entendu comme l’égalité des contribuables devant l’impôt. Un même régime fiscal doit s’appliquer à tous les contribuables placés dans la même situation. C’est le fondement de la justice fiscale. Il s’agit davantage d’une égalité par l’impôt, utilisé comme outil de redistribution. Il n’est pas question d’une stricte égalité devant l’impôt, mais d’une répartition juste de la charge fiscale en vue de favoriser une égalité de sacrifices financiers. Qu’est-ce qu’un impôt juste ? Les débats relatifs aux impôts se focalisent le plus souvent sur les questions de leur montant et de leur répartition. Les tenants d’une minimisation des prélèvements, au
  • 23. Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources 23 nom de leur effet "distorsif" sur l’économie - peu d’impôt se justifie surtout par le fait que les agents économiques allouent mieux leurs ressources que l’Etat considéré moins efficace, bureaucratique et gaspilleur - s’opposent à ceux qui font du montant de l’impôt et de sa répartition un indicateur de solidarité. De fait, les acteurs du débat sur la fiscalité ne semblent pas vouloir mener une réflexion profonde sur la question de la justice fiscale. Ils ne parviennent pas à s’écarter de l’idée que, pour garantir une stabilité sociale, le sort des uns (les fortunés) doit se rapprocher de celui des autres (les pauvres). Cette réduction de la notion de justice cantonne le débat à des oppositions stériles illustrées par des expressions courantes et peu convaincantes : "Il faut faire payer les riches" ou "ras-le-bol fiscal". Dans tous les cas et dans tous les pays, l’impôt est toujours contesté. Il est considéré comme un mal nécessaire. Son acceptation est fonction, entre autres, de la capacité de l’Etat à assurer son application par tous les citoyens selon la capacité contributive de chacun. C’est autour du "juste", support moral, économique et social, que l’on va faire progresser la réflexion, faire émerger des compromis et donc l’envie de vivre ensemble, dont l’impôt accepté est la meilleure traduction. Pourtant le débat, entre des discours totalement opposés depuis des années n’a pas avancé. Loin des débats stériles, la problématique de l'acceptation de l'impôt doit déboucher sur la recherche d'une norme acceptable de partage de la charge fiscale entre les différents contribuables. Dans le passé, le refus de l'impôt a souvent pris la forme d'une contestation violente, celle des révoltes fiscales qui témoignaient de la résistance des contribuables à une fiscalité injuste et un ordre politique inégalitaire. L'évitement fiscal (fraude, évasion et optimisation fiscale) peut s'analyser comme une manifestation du refus de payer l'impôt en raison d’un manque de confiance vis à vis de l’Etat, d’une mauvaise gestion des ressources publiques et d’une absence de contrôle des contribuables. L’impunité incite la fraude et l’effondrement de l’Etat. Pour être légitime, cette norme doit être juste. Dans ce sens, un certain consensus se dégage pour dire qu’un impôt juste est celui :  Qui tient compte de la capacité contributive des contribuables aux ressources de l’État pour assurer la justice, l’ordre, la sécurité, les services publics, etc. ;  Qui ne laisse pas beaucoup de marges pour à la fraude fiscale et aux possibilités d’évasion fiscale ;  Auquel participent tous les revenus de manière équitable : i) les revenus provenant d’une activité professionnelle, les salariés, les professions libérales, les indépendants, les gérants de société, etc. ; ii) les revenus mobiliers, provenant de la rémunération de capitaux tels que les intérêts ; et iii) les revenus immobiliers, provenant de la propriété́ foncière ; Notons que ces critères ne suffisent pas. C’est l’application, la mise en œuvre et le suivi et donc la qualité de l’administration fiscale en charge de la gestion, du contrôle et du recouvrement de cet impôt qui assure ou non une justice fiscale. En Tunisie, les taux de défaut avoisinent, depuis des années les 50%, les montants des arriérés sont en croissance. Clairement, la défaillance de l’administration fiscale est manifeste. L’impôt : une question de choix de société. Pour savoir quel choix de société nous vivons, il faut analyser comment l’impôt est prélevé, géré et redistribué dans le pays. C’est-à-dire : 1) Qui ne déclare pas au fisc la totalité de ses revenus et pourquoi ? 2) qui paie l’impôt et combien ?
  • 24. Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources 24 3) comment l’impôt est géré ? 4) qui reçoit les transferts sociaux, combien et à quelles conditions ? 5) quels services publics sont financés et à quelles conditions les gens peuvent-ils effectivement y recourir ? On se limitera dans ce rapport, aux deux premières questions. L’objet est de déterminer, pour l’année 2015, qui sont en défaut de déclarations de leurs revenus et qui paye l’impôt et combien loin de tout débat partisan. La réponse à ces interrogations nous conduira à discuter la question de la justice fiscale ainsi que celle de l’évasion fiscale et la mobilisation des ressources. La réflexion s’est articulée autour de trois axes. Le premier volet couvert par le chapitre 2 de l’étude a d’abord permis de dresser un « état des lieux » de la situation du côté des ressources fiscales et son évolution sur une longue période. Ce travail préliminaire constitue une étape incontournable pour situer les choses dans une perspective historique et aborder ainsi de manière éclairée les thématiques citées ci-dessus. La discipline fiscale est entrevue tout au long d’une deuxième partie qui englobe les chapitres 3 à 5, moyennant l’exploration, l’exploitation et le rapprochement de différentes sources statistiques possibles sur l’exercice 2015 et permet d’identifier simultanément les incohérences et les anomalies qui caractérisent la configuration actuelle du système fiscal tunisien au niveau des impôts directs. Enfin, une troisième partie est consacrée à la Taxe sur la Valeur Ajoutée qui constitue une source majeure du champ des impôts indirects et dont l’intérêt est d’exhiber les latitudes dont disposent les autorités en matière de mobilisation des ressources intérieures afin de renflouer les deniers publics et s’affranchir tant que faire se peut de l’endettement. L’enjeu de la justice fiscale : A l’évidence, la réussite de la transition démocratique en Tunisie est largement tributaire de la consolidation du rôle et le positionnement de l’Etat, qui est lui-même étroitement liée à sa capacité à lever l’impôt et de manière plus large de son aptitude à canaliser ses ressources budgétaires pour mettre en œuvre les orientations de politique économique, d’autant plus que les marges de manœuvre en matière d’endettement public deviennent particulièrement étroites avec des contraintes budgétaires difficilement conciliables. L’accentuation de la pression fiscale pour rompre le cercle vicieux de l’endettement public dans une période de fortes difficultés économiques, permet un renouvellement du débat sur le juste mode de partage des prélèvements obligatoires. En effet, on admet que les recettes fiscales sont primordiales pour la dynamique de développement d’un pays car elles constituent pour les États des ressources propres susceptibles d’être investies dans les moteurs du développement, la réduction de la pauvreté et la fourniture de services publics ainsi que dans le renforcement des capacités de l’État, de sa redevabilité et de son aptitude à répondre aux attentes des citoyens. Dans la présente partie de l’étude, on s’est donc attaché à alimenter la réflexion sur le potentiel considérable d’accroissement des recettes fiscales dont dispose la Tunisie, ainsi qu’une description des défis qu’il faudrait relever pour y parvenir, au nombre desquels les défaillances des administrations, la corruption, la médiocrité de la gouvernance, le manque de « civisme fiscal » et de discipline fiscale. Il va de soi que la préoccupation de renforcer la mobilisation des ressources nationales ne revient pas uniquement à augmenter les recettes : il s’agit également de concevoir un système de prélèvements juste et propre à favoriser la cohésion et la bonne gouvernance, à améliorer la capacité des pouvoirs publics de rendre compte de leurs
  • 25. Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources 25 décisions aux citoyens et à promouvoir la justice sociale. La conception et le fonctionnement du système de prélèvements, et notamment les dimensions intéressant la transparence, la lutte contre la corruption et l’équité, sont également des facteurs déterminants pour les décisions des investisseurs nationaux et internationaux dans la mesure où ils constituent des paramètres de l’amélioration des conditions d’ensemble pouvant permettre d’attirer davantage d’investissements privés. L’enjeu de l’étude se situe ainsi à ce niveau avec le modeste but de nourrir le débat public par des éléments d’analyse à la fois lisibles et tangibles, et d’orienter les réflexions simultanées sur « l’efficacité et la justice fiscale » à travers des réformes nécessaires à mettre en œuvre tant au niveau de la structure et du niveau d’imposition que de l’amélioration de la capacité de l’Etat à bien gérer son système fiscal. C’est pourquoi le renforcement de la mobilisation des ressources intérieures ne se résume pas à un simple accroissement des recettes : elle suppose aussi la mise en place d’un système fiscal qui favorise une croissance inclusive, encourage la bonne gouvernance, réponde aux inquiétudes suscitées dans l’opinion par les inégalités de revenu et de richesse, et serve la justice sociale. Plus fondamentalement, parce que la fiscalité se situe au cœur de l’exercice du pouvoir dont l’État est investi, l’avènement de systèmes fiscaux efficaces, transparents et équitables, ainsi que d’administrations fiscales moins corrompues, peut être synonyme de progrès sur des questions de gouvernance de plus vaste portée. Même si l’« effort fiscal », qui correspond aux recettes fiscales réelles rapportées aux recettes fiscales potentielles, n’est pas faible, un surcroît de recettes non négligeable pourrait toutefois être levé dans le pays. L’expérience de plusieurs pays a démontré qu’il était possible d’accroître considérablement les recettes intérieures. D’autres pays ont réussi en seulement quelques années à obtenir une hausse soutenue de leurs recettes. Leurs facteurs communs de réussite sont notamment une volonté politique constante au plus haut niveau, des réformes administratives étroitement liées aux changements d’orientation de l’action gouvernementale, et une détermination forte de la part de l’administration fiscale, autant de facteurs d’évolution susceptibles de se heurter à une opposition puissante.
  • 26. Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources 26 Chapitre trois Evolution et structure des recettes fiscales L’analyse exploratoire des données des finances publiques tunisiennes sur une longue période permet de mettre en avant la nécessité et l’urgence d’aligner le système statistique des finances publiques en Tunisie sur les normes en vigueur au niveau international. Le fait de publier des séries de données cohérentes et détaillées sur les recettes intérieures collectées permet d’éclairer les débats sur l’action à mener et d’orienter les réformes. Etat des lieux et tendances majeures Sur la base des données de statistiques publiques, et moyennant une croissance annuelle à 8,6%, les recettes fiscales rapportées au PIB affichent un taux moyen de 20,2% sur la période 1986-2015. Dans cette évolution, l’année 2005 se démarque comme étant une date de changement en termes de structure des recettes. En outre, et malgré leur poids relatif important comparé aux autres types de taxation, les impôts indirects affichent une croissance annuelle moyenne inférieure à celle des impôts directs (7,6% l’an contre 10,9% sur la période étudiée). En pratique, la justice fiscale et la mobilisation des ressources nationales sont probablement entravées par des régimes fiscaux inadaptés, une course au nivellement de la fiscalité vers le bas, le manque de transparence fiscale, le manque de contrôle fiscal et la prolifération de mesures fiscales parallèles nocives. Un état des lieux de la situation du côté des ressources fiscales est plus que jamais incontournable. L’exploration, l’exploitation et le rapprochement de différentes sources statistiques (sources fiscales, résultats de l’enquête consommation auprès des ménages et les données du répertoire national des entreprises) permettraient de dresser une cartographie de la situation en matière de ressources, d’identifier les incohérences et les anomalies qui caractérisent la configuration actuelle et de proposer les réformes nécessaires. Dans l’objectif de faire un état des lieux en matière de fiscalité en Tunisie, les paragraphes qui suivent apportent un éclairage sur quelques tendances ou traits lourds issus d’une exploration préliminaire des données relativement agrégées disponibles sur une période longue (1986-2016). L’analyse qui suit s’appuie sur les données des finances publiques du Ministère des Finances (cf. Tableau A.1), tout en soulignant que la manière propre à synthétiser les données n’est pas totalement conforme aux standards en vigueur au niveau international. En effet, les recettes publiques tunisiennes sont d’abord des données enregistrées sur la base des encaissements alors que la pratique au niveau international recommande un enregistrement sur la base des droits constatés. Par ailleurs, et à titre d’illustration, les statistiques des finances publiques tunisiennes ne prennent pas en compte les cotisations de sécurité sociales qui ne sont pas considérées en Tunisie comme des recettes fiscales. Pourtant, selon la définition de l’OCDE, les impôts sont des versements obligatoires aux administrations publiques sans contrepartie. La terminologie « sans contrepartie » signifiant que les prestations fournies par les administrations aux contribuables ne sont pas proportionnelles à leurs paiements.
  • 27. Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources 27 En outre, et afin de dresser un tableau équilibré des finances, il serait judicieux de présenter et analyser les recettes non fiscales. Celles-ci sont simplement l’ensemble des recettes perçues par les administrations publiques qui ne rentrent pas dans la définition des impôts et englobent les dons, les retours sur investissements, les rentes tirées de l’extraction des ressources naturelles, les produits de la vente des biens et de services par le secteur public, les amendes et confiscations. Dans le même ordre d’idée, il faut signaler que la publication de la version définitive du manuel de Statistiques de Finances Publiques 2014 du FMI a achevé le cycle de parution des versions révisées des trois systèmes de classification (Manuel SFP du FMI, SCN des Nations-Unies et Guide de l’OCDE) qui, historiquement, avaient déjà beaucoup de points communs avec la classification des impôts et le guide d’interprétation de l’OCDE dans le domaine des recettes publiques. Le document reviendra dans la partie consacrée à la comparaison internationale sur cet aspect d’harmonisation des statistiques des finances publiques. Tab. 3.1 Recettes budgétaires de 1986 à 2015 (données en millions de Dinars) Rubriques 1986 1990 1995 2000 2005 2010 2015 Impôts directs 377.5 403.1 810.8 1 596.8 2 886.1 5 032.7 7 822.1 Impôts sur le revenu 219.1 201.7 460.3 1 021.8 1 524.2 2 600.1 5 088.4 Impôts sur les sociétés 158.4 201.4 350.5 575.0 1 361.9 2 432.6 2 733.7 Impôts indirects 1 254.5 1 766.1 2 681.6 4 081.6 5 018.1 7 666.0 10723.7 Ressources fiscales 1 632 2 169 3 492 5 678 7 904 12 698 18 545 var. en % 32.9 61.0 62.6 39.2 60.7 46.0 Ressources non fiscales 635.9 855.1 988,0 853.6 1 376,0 2 124.6 1 640.0 Total des ressources propres 2 268 3 024 4 480 6 532 9 280 14 823 20 185 Pour mémoire : Cotisations sociales - - - 1 551 2 436,2 4 628,9 7 548,8 Dépenses publiques 2 395.0 3 181.8 4 584.2 6 638.0 9 191.4 14 267.4 22 248.5 Déficit budgétaire (* ) -354.6 -530.7 -763.8 -993.5 -1 212.7 -650.2 -4 069.3 (en % du PIB) -5.0 -4.9 -4.5 -3.4 -2.9 -1.0 -4.8 Pression fiscale (en % du PIB) 22.8 20.1 20.5 19.3 18.9 20.1 21.9 Encours de la dette publique 4 109.3 6 313.5 9 814.1 16 503.3 21 949.0 25 639.9 46 922.0 dont dette extérieure en % 73.0 68.6 66.8 60.7 63.9 60.6 63.7 Dette publique en % du PIB 57.4 58.4 57.6 56.1 52.4 40.7 55.4 (*) hors privatisation, dons extérieurs et revenus confisqués Source : Ministère des finances Les données officielles disponibles pour les trois dernières décennies, montrent que les ressources fiscales ont augmenté de façon considérable, notamment au cours des années quatre-vingt-dix et sur la sous période 2005-2010. En niveau, elles totalisaient en 2015 un montant de 18 487,3 millions de dinars, soit plus de trois fois son niveau en 2000 et presque 91% de l’ensemble des ressources fiscales et non fiscales (à comparer à une proportion de 84,4% sur l’ensemble de la décennie 2005-2015).
  • 28. Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources 28 La croissance des ressources fiscales a été de 8,6% en moyenne chaque année avec des pics ponctuels, notamment en 2008 (+19%) et en 2014 (+14.4%). Hors inflation, la progression annuelle des recettes fiscales en volume s’établirait à 4%, soit à un rythme voisin de la croissance économique tendancielle. Selon la décomposition des chiffres des recettes fournis, cette évolution résulte d’une croissance annuelle moyenne des impôts directs supérieure à celle des impôts indirects (10 ,9% contre 7,6% l’an sur la période examinée), ceci en dépit d’un niveau plus bas des impôts direct comparé au montant des impôts indirects. Les variations brusques des recettes fiscales signalées ci-dessus en 2008 et 2014 trouvent leur origine dans une forte augmentation simultanée au niveau des impôts directs et les impôts indirects, mais plus prononcée sur ces derniers. Le ratio des recettes fiscales en pourcentage du PIB est un indicateur important qui mesure la proportion de fonds levés par l’impôt permettant de financer les dépenses publiques et traduit l’aptitude du pays à recourir à la fiscalité pour mobiliser ses ressources comme facteur de son essor économique. Durant la période examinée, les recettes fiscales rapportées au PIB affichent un taux moyen de 20,2%. Son évolution chronologique traduit, en gros, une légère tendance baissière entre 1986 et 2006 (passant de 23,2% en 1986 à 18,5% en 2006), suivie d’une remontée quasi-continue jusqu’en 2014, où te taux retrouve son niveau du milieu des années quatre vingt. Indicateurs des finances publiques (1986-2015, en % du PIB) -5.0 -4.9 -4.5 -3.4 -2.9 -1.0 -4.8 -10 0 10 20 30 40 50 60 70 1986 1990 1995 2000 2005 2010 2015 Déficit budgétaire Endettement public Pression fiscale Evolution des ressources fiscales (1986-2016, en millions de Dinars) 0 2000 4000 6000 8000 10000 12000 14000 16000 18000 20000 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 Ressources fiscales Impôts indirects Impôts directs
  • 29. Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources 29 Dans un souci de comparaison internationale, il convient en revanche d’intégrer dans ces recettes la partie « cotisations sociales ». L’harmonisation réalisée par certains organismes internationaux (voir plus loin la section consacrée à la comparaison internationale) permet d’établir le ratio recettes fiscales par rapport au PIB pour la Tunisie au taux moyen de 27,8% sur les quinze dernières années, mais avec un taux en constante augmentation de 24,6% en 2000 à plus de 31% en 2014. Afin d’avoir une première appréciation et bien que nous aborderons plus loin et plus en détail cette mise en perspective internationale, nous signalons que les pays de l’OCDE affichent un ratio moyen d’environ 34% des recettes fiscales par rapport au PIB. La dynamique du ratio des recettes fiscales par rapport au PIB s’explique également en observant le même ratio selon les deux composantes des recettes. Alors que les impôts indirects ont marqué une baisse continue à partir de 1986 pour perdre environ cinq points de pourcentage et s’établir à 13% du PIB en 2015, les recettes engrangées à travers l’impôt direct exprimées en pourcentage du PIB ont quant à elles connu un cheminement inverse en s’affichent à environ 10% en fin de série contre seulement 5% en 1986 et gagnant ainsi les cinq points de pourcentage perdus par les impôts indirects. Une telle évolution s’explique par la croissance plus rapide des impôts directs par rapport au rythme d’augmentation des impôts indirects, favorisée par une croissance à deux chiffres sur les rubriques des impôts sur les sociétés (notamment au niveau de l’impôt sur les sociétés pétrolières) et les impôts sur les salaires, respectivement à 14,1% et 12,8% l’an sur la période 1986-2015. L’examen de la structure du système fiscal, en conjonction avec celui de pression fiscale, apporte un éclairage sur la façon dont les pouvoirs publics choisissent de mobiliser leurs recettes, et permet de comprendre le système politique et social du pays. La panoplie des impôts est variée, chacun avec ses forces et ses faiblesses en termes de coût politique, de potentiel de recettes et de répercussions sur l’économie. En outre, chacun de ces impôts est affecté différemment par l’évolution de la situation économique conjoncturelle. Ainsi, les structures fiscales ne sont finalement que le résultat de choix sociaux et politiques qui traduisent l’équilibre des intérêts économiques et politiques au sein du pays. Ceci nous conduit à scruter la structure plus détaillée des recettes fiscales en se focalisant sur la composante des impôts indirects. Déjà, pour une première lecture des éléments des recettes publiques on enregistre d’abord une légère modification de la structure des ressources depuis 2005 suite à une baisse de la part des recettes non fiscales : 20.8%, 59.5% et 19.7% respectivement pour les impôts indirects, les impôts Recettes fiscales (en % du PIB) 0 3 5 8 10 13 15 18 20 23 25 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 Recettes fiscales Impôts indirects Impôts directs
  • 30. Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources 30 directs et les recettes non fiscales avant 2005, contre respectivement 34.7%, 50.5% et 14.8% après 2005. Les ressources fiscales conservent un poids de plus de 80% dans le total des recettes budgétaires. Par ailleurs, un regard sur les données en termes de structure est particulièrement instructif. La contribution de l’impôt sur le revenu dans le total des impôts directs est souvent supérieure à celle de l’impôt sur les sociétés. Déjà, suite au premier plan d’ajustement structurel (P.A.S) des années quatre-vingt, les revenus salariaux ont endossé le gros de l’effort d’ajustement. La tendance a été maintenue sur l’ensemble de la période 1994-2007. La crise d’après 2010 a permis d’équilibrer les choses dans la mesure où la part de l’impôt sur les sociétés gagne 10 points de pourcentage dans le total des impôts directs. Structure des recettes budgétaires (1986-2016, en %) 0 20 40 60 80 100 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 Recettesnon fiscales Impôtsdirects Impôtsindirects Evolution de la structure des impôts directs (1986-2016, en %) 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 Impôts sur le revenu Impôts sur les sociétés
  • 31. Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources 31 Les impôts indirects en Tunisie de 1986 à 2015 En matière d’impôts indirects, la structure est dominée depuis la fin des années quatre-vingt-dix par les ressources provenant de la Taxe sur la Valeur Ajoutée, dont la croissance annuelle sur la période 1990-2016 se situe à environ 8,3% l’an. Le foisonnement et l’opacité des postes constituant la rubrique « autres impôts indirects » tranchent avec son poids dans le total des impôts indirects qui atteint 28,5% en 2015 contre presque 20% en 2005. Alors que la dynamique des impôts indirects durant les trois dernières décennies est marquée par une quasi-stagnation des droits de douanes. Cette section aborde certaines facettes de la fiscalité indirecte en Tunisie en se focalisant notamment sur une composante devenue majeure dans le dispositif, à savoir la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA). Cette option sera justifiée au fur et à mesure des développements et analyses qui vont suivre, mais elle s’explique à notre sens, en plus du souci en termes de justice fiscale, surtout par rapport à la question de la mobilisation des ressources intérieures ou domestiques et dans laquelle les recettes fiscales occupent une place de choix. En même temps, il faut savoir que la capacité d’un pays d’atteindre un niveau de justice fiscale et à mobiliser ses ressources intérieures dépend du volume de ses activités économiques, de sa croissance économique, de son aptitude à collecter et gérer des recettes fiscales, et de la performance de son système financier. Si les impôts directs ont gagné en proportion au cours des années au détriment des recettes non fiscales, les impôts indirects demeurent une source majeure des recettes budgétaires avec une contribution qui se situe en moyenne à 50,5% des recettes publiques durant la dernière décennie. Par rapport aux impôts directs, il faut noter l’accélération depuis 2010 des impôts sur le revenu (environ 15% l’an contre 11% avant 2010), résultant vraisemblablement des augmentations salariales accordées depuis cette date ainsi que de fortes augmentations enregistrées sur la rubrique « autres impôts sur le revenus ». L’impôt sur les sociétés marque une nette chute dès 2014, favorisée de manière générale par les difficultés économiques conjoncturelles auxquelles font faces les entreprises, mais surtout par une baisse de l’impôt sur les sociétés pétrolières dont l’activité continue d’être particulièrement perturbée par les mouvements sociaux. Avant de poursuivre l’analyse des impôts indirects, il est utile d’en donner les contours. La distinction entre les impôts directs et indirects est importante parce qu’elle a des incidences opérationnelles. On perçoit aisément que l’impôt sur le revenu est le modèle type de l’impôt direct, car il est établi et collecté sur la base d’une imposition attribuée à chaque contribuable ; la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est par contre le modèle de l’impôt indirect, qui n’est pas directement acquitté auprès de l’administration fiscale par le contribuable qui en supporte le coût. Ainsi, on considère qu’un impôt direct est un impôt pour lequel il y a identité entre l’assujetti (celui qui doit d’après les textes s’acquitter de l’impôt) et le redevable (celui qui est en dette par rapport au fisc et qui supporte le coût du paiement). S’agissant de l’impôt sur le revenu ou encore de l’impôt sur les sociétés, c’est le redevable (la personne bénéficiaire des revenus ou des bénéfices) qui est assujetti au paiement : ce sont donc des impôts directs. S’agissant de la TVA, l’assujetti (le commerçant par exemple) n’est évidemment que le redevable légal, le redevable effectif qui supporte la charge de l’impôt étant une tierce personne (le client ou l’acquéreur) : ce sont des impôts indirects.
  • 32. Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources 32 Evolution et tendance sur une longue période Dans le système fiscal tunisien, les impôts indirects regroupent la taxe sur la valeur ajoutée TVA, les droits de douane, les droits de consommation et les autres impôts indirects (permettant le financement des Fonds Spéciaux du Trésor et les Fonds de Concours qui font l’objet de larges polémiques auprès des analystes du mode de gestion des finances publiques en Tunisie, taxes sur les salaires à la charge des employeurs, taxe sur les contrats d’assurance..). Le code de la TVA, dont l’analyse chiffrée sera développée dans la sous-section suivante, a été promulgué dès la fin des années quatre- vingt et se caractérise par une base plus ou moins étroite de biens et services imposés à un taux standard et par une catégorie de produits soumis à des taux réduits. Certains biens sont soumis au droit de consommation, dont essentiellement les véhicules de tourisme, les carburants, le tabac, les vins, bières, alcool et boissons alcoolisées. Le droit de consommation est applicable selon deux types de taux : un taux ad valorem variant de 10% à 267% et des tarifs spécifiques pour les carburants, alcool et vins. L’importance des ressources fiscales provenant des impôts indirects en Tunisie (dans la mesure où elles représentent la moitié des recettes publiques et affichent un niveau de deux fois et demi celui des impôts directs) se justifie par le fait que ce type d’impôt est généralement moins coûteux à recouvrer que d’autres types de taxes, d’autant plus lorsque certaines ressources sont adossées à l’instauration de fonds spéciaux comme on pourra le constater plus bas. En matière d’impôts indirects, la structure selon les rubriques de ce type d’impôt est dominée depuis la fin des années quatre-vingt-dix par les ressources provenant de la Taxe sur la Valeur Ajoutée, suivie par les « autres impôts indirects » et les droits à la consommation. La croissance du montant annuel de TVA collecté sur la période 1990-2016 se situe à environ 8,3% l’an. Alors que celles des « autres impôts indirects » et les droits à la consommation s’établiraient respectivement à presque 10% et 7,1% par an. Sous l’effet de ces rubriques, l’évolution des impôts indirects enregistre un accroissement annuel d’environ 7,6% l’an sur cette même période. Le niveau de la rubrique « autres impôts indirects » ainsi que sa contribution aux recettes fiscales indirectes, ont pris de l’ampleur, particulièrement depuis 2010. Ils occupent le deuxième poste phare des impôts indirects. Parmi ce qui est disigné par « autres impôts indirects » figure essentiellement les taxes alimentant les Fonds Spéciaux du Trésor (FST) et les Fonds de Concours. Les (FST) qui sont des comptes Evolution des impôts indirects (1990-2016, en millions de Dinars) 0 1000 2000 3000 4000 5000 6000 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 Autres impôts indirects T.V.A Droits de douanes Droits de consommation
  • 33. Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources 33 retraçant des opérations de recettes et des dépenses effectuées en dehors du budget général servent à comptabiliser des actions provisoires destinées, comme les prêts et les avances. Ces fonds suscitent plusieurs interrogations et des polémiques, voire même intriguent les analystes quant à la gestion des comptes spéciaux, par rapport à l’absence de rapports périodiques sur l’état de leurs ressources et des affectations y afférentes au regard des objectifs initialement assignés à leur création. Il faut savoir que les services du Ministère des Finances en Tunisie gèrent déjà plusieurs FST. Il s’agit, à titre d’exemples : du fonds de promotion du logement pour les salariés, du fonds de développement de la compétitivité ; du fonds de développement de la compétitivité (FODEC) du secteur agricole et pêche ; du fonds de promotion des exportations (FOPRODEX) ; du fonds d’accès aux marchés d’exportation (FAMEX) ; du fonds national de promotion de l’artisanat et des petits métiers ; du fonds de promotion et de décentralisation industrielle ; du fonds national de l’emploi ; du fonds national de garantie ; du fonds de coopération entre les collectivités locales et du fonds spécial de développement de l’agriculture et de la pêche, etc. A cela, il faut rajouter un fonds que les «officiels» qualifient de “fonds souverain de gestion d’actifs“ ayant pour vocation le rachat des unités hôtelières endettées, un fonds pour le développement des télécommunications et des nouvelles technologies d’information, un fonds national pour l’amélioration de l’habitat, un fonds pour la lutte contre la pollution, un fonds pour la transition énergétique et enfin un fonds dit de dignité pour l’indemnisation des victimes de l’oppression des ex-régimes de la dictature. Le foisonnement et l’opacité des sous rubriques qui constituent cette rubrique « autres impôts indirects » en recettes tranchent avec leur poids dans le total des impôts indirects qui atteint 28,5% en 2015 contre presque 20% en 2005. En fait, on continue de recourir de manière récurrente et croissante à des dispositifs et opérations exceptionnels, initialement enregistrées dans un compte qualifié de “spécial“, c'est-à-dire qui font référence à ce qui déroge au général, qui se sont érigé comme tendance de principe. Dans la dynamique des impôts indirects durant les trois dernières décennies, il faut enfin relever une quasi-stagnation des droits de douanes dont la contribution dépasse à peine 5% en contre respectivement 10,1% et 28,8% en 2005 et 1995. La forte baisse des recettes fiscales provenant des droits à l’importation est due en bonne partie à la politique de libéralisation des échanges sous la forme de réduction des droits de douanes et l’adhésion à de nouveaux accords d’échanges bilatéraux ou régionaux. Par ailleurs, la libéralisation des échanges s’est accompagnée d’une diminution des taxes à l’exportation comme source de recettes au cours des dernières années.
  • 34. Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources 34 Tab. 3.2 Structure des impôts indirects selon les principaux postes Sur cette décennie, la TVA et les droits de douanes constituaient les principales sources d’impôts indirects, avec respectivement 35,6% et 27,8% du total. Il faut rappeler que cette période couvre la premier plan d’ajustement structurel mis en œuvre en Tunisie suite à la crise économique du milieu des années quatre-vingt. La configuration observée sur la décennie précédente enregistre une déformation surtout à travers la baisse sensible du poids des droits de douane, au profit des rubriques TVA et droits de consommation. La multiplication des Fonds Spéciaux propulse la part de la rubrique des « autres impôts indirects » en deuxième position en termes de contribution aux impôts indirects. La rubrique TVA gagne également du terrain et fournit ainsi presque la moitié des recettes fiscales indirectes. 27.8 35.6 17.4 19.2 1986-1995 Droits de douanes TVA Droits de consommation Autres Impôts indirects 16.5 42.4 23.1 17.9 1996-2005 Droits de douanes TVA Droits de consommation Autres Impôts indirects 8.0 48.2 20.1 23.7 2006-2015 Droits de douanes TVA Droits de consommation Autres Impôts indirects
  • 35. Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources 35 Chapitre quatre L’évitement fiscal Le défaut de déclaration des revenus est une atteinte à la justice fiscale et au principe de l’égalité devant la loi entre les citoyens. Le premier principe de la justice fiscale est l’égalité devant l’impôt. Selon la Constitution tunisienne, l’acquittement de l’impôt est un devoir. L’Etat est responsable de la mise en place des mécanismes propres à garantir son recouvrement et à lutter contre l’évasion et la fraude fiscales. Pour tout citoyen, le premier acte pour accomplir ce devoir, est de déclarer, dans toute transparence, la totalité de ses revenus. Deux catégories de non déclarants sont à considérer. Dans la première section on étudiera la population hors champ fiscal au nombre de 1 094 mille personnes. La population répertoriée par le ministère des finances mais qui ne déclare pas ses revenus fera l’objet de la section deux. Au total plus des deux cinquièmes échappent au fisc, soit 43% de la population potentielle des contribuables. La population potentielle de contribuables hors champ fiscal A ce niveau, la première question que nous nous posons est de savoir si les services de l’administration fiscale cernent correctement toute la population potentielle des imposables. La question sur la configuration de l’univers des contribuables est plutôt double, dans la mesure où elle porte à la fois sur le nombre des unités économiques actives sur le territoire économique ainsi que sur les emplois qui opèrent au sein de ces unités. L’exercice qui va suivre révèle la pénombre de l’univers des imposables, un flou occasionné par la panoplie des activités réalisées dans ce qu’on a l’habitude de qualifier par le terme de secteur « informel », mais également par le comportement de certaines unités pour échapper à leurs obligations. Une « image » floue et imparfaite de l’univers des contribuables A propos de l’univers des contribuables, nous disposons de quatre sources majeures d’informations qui devraient permettre les recoupements nécessaires sur cet aspect : i) l’Enquête Nationale sur la population et l'emploi – 2015 (ENPE), ii) le Répertoire National des Entreprises (RNE), iii) le Répertoire du Ministère des Finances (RMF), iv) l’enquête du CRESS sur le secteur informel et v) les données des caisses de sécurité sociale. i. Selon le RMF, le nombre de sociétés est de 136 milles et celui des personnes physiques se situerait à 597 milles. Parallèlement, le RNE recense un nombre total de plus de 700 milles unités économiques patentées, avec une proportion de « faux actifs » estimée à 15% du total. Les divergences entre les fichiers issus de sources administratives tiennent à la nature de leur construction et des procédures de mise à jour insuffisamment coordonnées. Toutefois, la question est posée ici surtout par rapport aux personnes physiques ; ii. En matière d’emploi, l’enquête constitue généralement le point d’appui. Pour l’année 2015, les données issues de l’ENPE indiquent que la population active occupée est d’environ 3,4 millions dont notamment 2,5 millions de salariés répartis selon la profession et les secteurs comme l’indique le tableau qui suit :