Transmission de l'entreprise familiale - Agefi Actifs Mai 2011
Cas pratique
actifs
semaine du 20 au 26 mai 2011 - n°494
www.agefiactifs.com
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Optimiser la cession à un seul enfant
sans déséquilibre pour les autres
Au sein du groupe familial, les plus-values
de cessions de participations
peuvent bénéficier d’une exonéra-tion
lorsqu’elles sont supérieures à
25 % d’une société soumise à l’impôt sur les
sociétés (art. 150 0 A, I-3 du CGI). L’acquéreur
s’engage, en contrepartie, à ne pas revendre à
un tiers tout ou partie des droits sociaux béné-ficiant
de ce régime, et ce, dans un délai de
cinq ans.
Régime favorable. Ce régime a constamment
évolué en faveur du contribuable : en 2009,
avec la prise en compte des frères et soeurs
dans l’analyse du seuil de détention de 25 %,
mais également en 2011, puisque le siège de
l’entreprise doit
être dans l’Es-pace
économique
européen et non
plus uniquement
en France. En-fin,
les cessions
sont uniquement
exonérées de la
plus-value et non
des prélèvements
sociaux.
Par ailleurs, le
délai de conserva-tion
de cinq ans
doit s’analyser de
date à date. Les
deux cas de non re-mise
en cause sont
les suivants : en cas
de transmission
à titre gratuit des
droits sociaux pendant le délai de cinq ans et en
cas de cession dans les cinq ans à un membre
du groupe familial. Enfin, l'exonération n'est
pas applicable aux apports ou cessions consen-tis
à une société, même de structure familiale.
Préserver l’équilibre entre les enfants. Géné-ralement,
lors d’une transmission « intrafa-miliale
», un seul enfant exerce une activité au
sein de l’entreprise et ambitionne de prendre le
relais à terme. Ce dernier souhaite donc avoir
les mains libres, et surtout être le seul décision-naire
à bord. L’objectif est donc de lui passer le
flambeau. En parallèle, les parents ne souhai-tent
pas créer de déséquilibre entre les enfants
afin d’éviter toute source de conflits à terme.
Enfin, le dernier objectif est de transmettre à la
fois à titre gratuit et à titre onéreux.
La solution consiste donc à donner les
moyens à l’enfant repreneur d’indemniser
ses frères et soeurs rapidement.
Exemple. Le cas porte sur la cession d’une
SAS d’une valeur de 2 millions d’euros, créée
et détenue principalement par Monsieur X
(99 %). Ce dernier a trois enfants et seul
l’aîné travaillant dans l’entreprise souhaite la
reprendre.
Cession à titre onéreux d’une partie du capital,
à hauteur de 20 %. Cette cession sera réalisée
dans le cadre de l’article 150 0 A I-3 du CGI,
dont le principe a été vu précédemment.
Le père percevra un prix de cession de
20 % x 2.000.000 euros
= 400.000 euros et béné-ficiera
d’une exonération
d’impôt sur la plus-value
(IR uniquement) sous
réserve de la conservation
des titres acquis par les en-fants
pendant une durée
minimale de cinq ans.
Le montant des pré-lèvements
sociaux sera
de 12,30 % x 400.000 =
49.200 euros, soit des ca-pitaux
nets pour le père de
350.800 euros.
L’acquisition sera fi-nancée
par trois emprunts
bancaires de 133.000 euros
(un par enfant). La durée
d’emprunt sera de huit
ans pour le fils aîné (re-preneur)
et d’une durée
moindre pour les deux autres enfants non re-preneurs.
Enfin, les contrats de prêt intègre-ront
une clause de remboursement anticipée
sans pénalité.
Signature d’un pacte Dutreil (art. 787 B CGI).
Cet engagement de conservation des titres por-tera
sur les titres restants du père (79 %), de
son épouse (1 %) et sur au moins un titre cédé
au fils aîné repreneur. Ce pacte offre la possi-bilité
de bénéficier pour le calcul des droits de
mutation à titre gratuit, donation ou succes-sion,
d'un abattement de 75 % sur la valeur
des titres de société.
En contrepartie, les signataires doivent res-pecter
un engagement collectif de conservation
de deux ans, portant sur 34 % des parts mini-mum
(20 % si la société est cotée). Par ailleurs,
chaque signataire doit ensuite conserver les
titres pendant au moins quatre ans après la
fin de l’engagement collectif ou après la trans-mission.
En cas de prédécès du dirigeant, les
deux premières années sont réputées acquises
dans certains cas.
En l’espèce, l’engagement de conservation
couvre plus de 34 % des titres de la société et
l’un des signataires exerce l’une des fonctions
de direction éligibles (le père est président du
conseil de surveillance et le fils aîné est prési-dent
du directoire).
Les conditions étant respectées, le père
pourra bénéficier du régime de faveur dans le
cadre de la donation envisagée par la suite.
Donation partage au profit des enfants por-tant
sur les 80 % restants. Avant 2009, pour
avoir droit aux bénéfices du pacte Dutreil,
tous les donataires devaient garder leurs titres
jusqu’à la fin de leur engagement individuel
(soit quatre ans après cette donation). Cela
créait de nombreux problèmes : les donatai-res
non repreneurs exigeaient des dividendes
importants, limitant les investissements de
l’entreprise.
C’est pourquoi, depuis deux ans, le législa-teur
a admis le principe de la donation-partage
avec l’attribution intégrale au repreneur et le
versement d’une soulte en numéraire, sans
que cela fasse perdre l’avantage fiscal.
En l’espèce, seul le fils aîné a vocation à
conserver les titres de la société à long terme.
Le principe est donc de réaliser une donation-partage
des 80 % restants, avec l’attribution
de l’ensemble des titres au profit du fils aîné,
à charge pour lui de verser une soulte à son
frère et à sa soeur égale pour chacun d’eux à
1/3 de la valeur globale de l’actif donné. Ainsi
l’équilibre est respecté.
Apport à une société holding des titres donnés
avec l’obligation de régler la soulte. A la suite
de la donation, le fils aîné décide de créer une
société holding soumise à l’IS par apport des
titres reçus par donation (1.600.000 euros), à
charge pour la société de régler (rapidement)
la soulte de :
533.333 euros x 2 = 1.066.667 euros.
En contrepartie de son apport à la société
holding, le fils aîné détiendra 100 % des titres
de la holding pour une valeur de 1.600.000
–1.066.667 = 533.333 euros.
Les autres enfants recevront ainsi une
somme de 533.333 euros chacun, qu’ils affec-teront
à hauteur de 133.000 euros au rembour-sement
anticipé de l’emprunt contracté pour
l’achat de 6,66 % des titres (Cf étape 1).
Avec cette stratégie, les enfants non re-preneurs
disposent librement du solde des
capitaux pour un remploi sur un contrat d’as-surance-
vie, de capitalisation…
Et la société holding bénéficie chaque
année de la distribution de dividendes de la
société d’exploitation, lui permettant de rem-bourser
le crédit ayant permis le versement de
la soulte.
Acquisition par la holding en N+8 des titres
détenus par les deux autres enfants non repre-neurs.
L’acquisition des titres par la holding
interviendra en N+8 afin :
- d’une part de respecter l’obligation de conser-vation
des titres de cinq ans incombant aux
enfants cessionnaires afin que l’exonération
d’impôt sur la plus-value soit accordée au cé-dant
(le père) ;
- d’autre part, que la société holding dispose
d’une capacité d’endettement lui permettant
d’acquérir ces titres, le premier prêt arrivant
à échéance ;
- que les cédants bénéficient d’un régime fa-vorable
d’impôt sur la plus-value (exonération
d’impôt de plus-values) liée à la détention des
titres pendant huit ans (art. 150 OD bis du
CGI) Malgré la hausse de la fiscalité avec l’impu-tation
des prélèvements sociaux dans le cadre
d’une cession au groupe familial, les monta-ges,
exposés dans ce cas pratique, sont tou-jours
intéressants afin d’assurer la pérennité
de la société et surtout de laisser le repreneur
seul maître à bord, sans la pression capitalisti-que
des enfants non repreneurs. n
Transmission de l’entreprise familiale
u Depuis 2006, les cessions « intrafamiliales » ont été particulièrement avantagées
par l’exonération de toute fiscalité, mais depuis le 1er janvier 2011,
elles sont soumises aux prélèvements sociaux à hauteur de 12,30 %
u De nombreux problèmes peuvent se présenter dans le cas où un seul
des enfants souhaite reprendre l’entreprise. Quelles sont les solutions pour le dirigeant
afin de passer le relais sans toutefois créer de tensions familiales futures ?
L'expert
Fabrice Haehl,
responsable du bureau d'études
patrimoniales FIP Patrimoine
Points clés
• Au sein du groupe familial, les plus-values
de cessions de participations peuvent
bénéficier d’une exonération lorsqu’elles sont
supérieures à 25 % d’une société soumise
à l’impôt sur les sociétés, à condition
que l’acquéreur ne cède pas ses titres
à un tiers pendant cinq ans.
• Un alourdissement fiscal est intervenu
au 1er janvier 2011 avec l’imputation
des prélèvements sociaux à hauteur
de 12,3 %.
• Malgré tout, un montage intrafamilial
demeure intéressant, même si un seul enfant
est repreneur, avec notamment la possibilité
d’une donation-partage avec l’attribution
intégrale au repreneur et le versement
d’une soulte en numéraire aux autres enfants,
sans perte de l’avantage fiscal.
La société holding bénéficie
chaque année de la distribution
de dividendes de la société
d’exploitation, lui permettant
de rembourser le crédit ayant
permis le versement de la soulte