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DOULEUR ET ASPECTS MÉDICO-LÉGAUX

DOULEUR ET ASPECTS
MÉDICO-LÉGAUX
DOULEUR
ET ASPECTS
MÉDICO-LÉGAUX

Édition 2009
DOULEUR ET ASPECTS
MÉDICO-LÉGAUX
Françoise Béroud
Coordinateur

INSTITUT UPSA DE LA DOULEUR
3, rue Joseph Monier - BP325
92506 Rueil-Malmaison Cedex
Tél : 01 58 83 89 94
Fax : 01 58 83 89 01
E-mail : institut.upsa@bms.com
Site : www.institut-upsa-douleur.org

Les notions exposées dans ce livre sont destinées
à compléter et non à remplacer les connaissances
médicales des professionnels formés en la matière.
Les auteurs et les coordinateurs déclinent toute
responsabilité directe ou indirecte dans l’usage
pouvant être fait de cet ouvrage.
ISBN : 2 - 910844 -17- X
Conception : A Éditorial Paris 01 42 40 23 00
Couverture : crédit photo, Monnaie de Paris,
Photographe : Jean-Jacques Castaing
Dépôt légal 3e trimestre 2009
DOULEUR
ET ASPECTS
MÉDICO-LÉGAUX

Coordinateur Scientifique et Juridique
Nathalie Lelièvre
LES

AUTEURS

Dr Frédéric Aubrun
Médecin anésthésiste, Département d’anesthésie
réanimation-chirurgicale, Groupe Hospitalier Pitié Salpêtrière, Paris
frederic.aubrun@psl.aphp.fr
Céline Avengozar
www.assistance-handicap.com
Gilles Barbier
www.handicap.fr, Lyon
Dr Jacqueline Cardona
Médecin légiste spécialisée Santé publique
jacqueline.cardona@etsm-lyon-cnamts.fr
Nathalie Lelièvre
Juriste droit de la santé, Membre de la commission Éthique
et Douleur, AEU droit médical, DESS droit de la santé
Chargée de formation, Lyon,
lelievrenath@wanadoo.fr

LES AUTEURS

Dr Alain Serrie
Président d’honneur de la Société Française d’Étude
et de Traitement de la Douleur
alain.serrie@lrb.aphp.fr

5
SOMMAIRE
1• Introduction - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

9

Alain Serrie

2• Professionnels de santé - - - - - - - - - - - - - - - - 21
et prise en charge de la douleur :
les règles juridiques
Nathalie Lelièvre
Douleur et droits, quelles évolutions ?
Les acteurs de la prise en charge de la douleur
Les bénéficiaires de la prise en charge
Douleur et fin de vie : que dit la loi Léonetti ?
Définition de l’obligation de prise en charge de la douleur
Douleur et justice
Conclusion

3. Mission du médecin expert - - - - - - - - - - - - 45
dans une action judiciaire
Nathalie Lelièvre
La mission de l’expert
Déroulement de la mission d’expertise
L’évaluation de la douleur
Quelle légitimité accorder aux recommandations
des sociétés savantes ?
Exemple d’une mission d’expertise médicale
Conclusion

SOMMAIRE

4. Place des protocoles dans la prise - - - - - 57
en charge de la douleur : l’exemple
de l’analgésie postopératoire

6

Dr Frédéric Aubrun
Introduction
Terminologie
Genèse d’un protocole
Exemple de protocole : le projet PROCEDOL
Conclusion
5• Indemnisation des séquelles - - - - - - - - - - - - 71
en droit de la sécurité sociale
Dr Jacqueline Cardona
L’incapacité permanente (IP) en accident du travail
Pension d’invalidité
Frais de reclassement professionnel

6• Handicap et douleur, la réinsertion - - - - 77
professionnelle et sociale
Gilles Barbier, Céline Avengozar
La reconnaissance du handicap et les droits du patient
La reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé
L’orientation professionnelle
La formation professionnelle
Les contrats
Les acteurs et aides pour la réinsertion professionnelle
L’aménagement du poste de travail
Les services d’aide et de conseils
L’aménagement du logement
Conclusion

7• Annexes - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 99

100
108
110
111
116

SOMMAIRE

Annexe I : Questions - Réponses - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - Annexe II : L’expert judiciaire : fiche pratique - - - - - - - - Annexe III : L’infirmier expert judiciaire - - - - - - - - - - - - - Annexe IV : Barème indicatif d’invalidité UCANSS - - - - Annexe V : Liste des affections de longue durée
fixée par le code de la sécurité sociale - - - - - - - - - - - - - - -

7
1. INTRODUCTION
Alain Serrie

La prise en charge de la douleur n’est pas seulement un véritable
enjeu de santé publique, critère de qualité et d’évolution d’un
système de santé, mais un problème de société.

Désormais, des considérations éthiques et morales ne peuvent plus
être écartées de l’élaboration et de la mise en application d’un projet
de soins. Une information adaptée doit être donnée, surtout en
matière de prise en charge de la douleur : elle doit répondre à ce que
le patient est en droit d’attendre. Il n’est plus imaginable, aujourd’hui,
de développer un objectif prioritaire de santé publique, sans la participation de l’ensemble des soignants : médecins, infirmiers(ères),
étudiants, kinésithérapeutes, psychologues, agents hospitaliers… ainsi
d’ailleurs que sans celle des représentants des usagers du système de
santé, c’est-à-dire le patient et sa famille. La lutte contre la douleur est
inséparable de l’évolution de ces idées.

INTRODUCTION

La douleur n’est ni une rédemption, ni une fatalité ou une punition,
son soulagement peut jouer un rôle dans la guérison de la personne
malade. Socialement, la douleur peut être si invalidante qu’elle
interdit ou empêche toutes activités artisanales, agricoles, sociales et
professionnelles pour celui qui souffre. La souffrance peut être si
intense qu’elle laissera des cicatrices indélébiles. Sa prise en charge
répond à un objectif humaniste, éthique et de dignité de l’homme en
raison des retentissements physique et psychique. Elle induit un
handicap qui exclut progressivement ou brutalement le patient de la
société, devient une source d’exclusion supplémentaire et un facteur
d’inégalité sociale. De plus le patient douloureux n’est pas l’unique
“victime”, l’entourage familial, social, professionnel devient lui aussi
“victime”.

9
INTRODUCTION

Les systèmes de santé doivent se soucier autant du malade que de la
maladie. Il n’est plus admissible que l’on se préoccupe exclusivement
de l’efficacité des moyens thérapeutiques mis en œuvre.
Avec la fièvre et la fatigue, la douleur est un des premiers motifs de
consultation médicale. En France (1) : un des premiers motifs de
consultation : 31,7 % des patients interrogés (20 605 000 Français)
présentent des douleurs chroniques, pour 19,9 % (12 935 000) elles
sont d’intensité modérées à intenses. 46,3 % d’entre eux ont moins de
60 ans. La douleur est le principal symptôme entraînant un recours
urgent ou non programmé à la médecine de ville (75 % des patients
DREES 2007) (2). En Europe (3) : 20 % des adultes européens ont une ou
plusieurs douleurs. L’intensité médiane est de 5 sur 10 sur une durée
médiane de 6 mois. Un tiers considère leur douleur comme insupportable et 1 sur 6 ont déjà pensé au suicide.
Les douleurs chroniques rebelles sont sources d’incapacités, de handicaps, d’invalidité et d’altérations majeures de la qualité de vie. Outre les
aspects humains ou médicaux, les douleurs chroniques ont des conséquences économiques : absentéisme au travail, puis arrêt de travail
aboutissant à l’invalidité, incapacité des sujets à assumer leurs rôles
familiaux et sociaux. L’enquête observationnelle sur les patients atteints
de douleurs neuropathiques montre que 65 % d’entre eux ont moins de
60 ans et que la majorité d’entre eux sont en arrêt maladie prolongée
(> 6 mois), voire en invalidité de 1re et 2e catégories (4). Les répercussions
financières sont importantes : 100 milliards de dollars par an aux USA (5),
il n’y a pas d’étude en France. Cette succession de chiffres montrent, s’il
en était besoin, l’importance de ce problème de société.

10

D’autre part, d’après des projections basées sur des hypothèses
modérées, le nombre de personnes âgées de 65 ans et plus qui était
de 7,8 millions en 1990, va dépasser les 13 millions en 2020 soit un
accroissement de deux tiers. Quant au grand âge, celui des seniors de
85 ans et plus, il va exploser : son effectif de moins de 900 000 en 1990
va dépasser les 2 millions en 2020, soit un coefficient multiplicateur
de 2,4. Dès lors, on comprend que la survenue de pathologie rhumatologique ou cancéreuse et de toutes douleurs est à prévoir en plus
grand nombre pour cette population.
La douleur peut, également et surtout, survenir sans que soit mise en
jeu l’espérance de vie : ce sont les douleurs chroniques bénignes, qui
Loin de l’idée de comparer ce qui ne l’est pas, on peut quand même
affirmer que c’est par la rencontre de médecins curieux, d’horizons
différents, et par la reconnaissance de leurs échecs qu’est née la réanimation. Spécialité “transversale” faisant appel à la cardiologie, à la
pneumologie, à l’infectiologie, à la pédiatrie… La prise en charge de la
douleur est elle-même une activité par définition trans- ou pluri-disciplinaire (selon ceux qui en parlent) et donc transversale. L’analogie
s’arrête là. S’il fallait répondre à la question : la douleur sera-t-elle une
spécialité ? La réponse est oui, mais la question n’est pas d’actualité.
Non seulement l’époque et les mentalités ne sont pas prêtes, mais le
bien-fondé même de cette interrogation mérite que l’on s’y arrête.
Plusieurs pays européens ont réalisé de réelles avancées allant dans le
sens de la reconnaissance de la discipline. Dans notre pays, un petit
nombre de médecins “pionniers” ont conduit une véritable action de
militant dont les buts étaient, entre autres, de changer les comportements et d’introduire une véritable “culture anti-douleur” dans les
pratiques médicales. Ils ont préparé le terrain pour la génération qui
suit, qui verra probablement la naissance de cette spécialité.
Mais la douleur, c’est l’affaire de tous “les acteurs de notre système de
soins”, comme l’on dit maintenant en termes énarchisés, et il faut que
dans la plupart des cas le médecin “référent” soit attentif à la plainte
de son patient, et qu’il puisse diagnostiquer et traiter. Il fallait donc
développer les formations universitaires et post-universitaires,
intégrer l’enseignement de “la douleur et de sa prise en charge” dans
le cursus des études médicales, dite formation initiale, de façon à ce
que les futures générations de médecins formés de façon plus spécifique puissent théoriquement répondre à cette interrogation. Dans ce

INTRODUCTION

d’ailleurs devraient être identifiées sous une autre appellation. En
effet, une douleur qui persiste pendant des années, voire des dizaines
d’années, n’a vraiment rien de bénin. Elle va avoir des répercussions
tellement importantes que la vie du patient va être transformée,
entraînant absentéisme, voire chômage ou licenciement, difficultés
familiales (rejet, rupture, divorce ou au contraire maternage, infantilisme…), psychologiques (anxiété, dépression…), médico-légales
(invalidité, procès…). Ces douleurs-là ne vont pas diminuer la vie,
mais vont la rendre impossible. Elles doivent, là aussi, être prises en
charge dans une structure spécialisée disposant d’une prise en charge
spécifique et d’un éventail thérapeutique moderne.

11
INTRODUCTION

domaine, ce qui a été fait est bien décevant, puisque ce ne sont
qu’une vingtaine d’heures qui sont obligatoires au cours de la
deuxième partie du deuxième cycle des études médicales. Les
Instituts de Formation en Soins Infirmiers ont développé beaucoup
plus largement cet enseignement, ce qui aura très probablement des
conséquences pratiques, puisque celui ou celle qui réalise la prescription sera mieux formé que le prescripteur.

12

Il y a 20 ans, les premières structures ouvraient leur porte dans notre
pays. Comme pour toute nouveauté, il s’agissait d’initiatives médicales
de terrain, développées avec le soutien des communautés médicales
locales, sans l’aide d’une réglementation administrative sur laquelle
s’appuyer ou de textes juridiques qui permettent de donner sinon
une officialisation, du moins une reconnaissance à cette activité
nouvelle. En fait, tout était lié à la bonne volonté de chacun et fonctionnait grâce à la générosité des services, l’un prêtant des locaux,
l’autre des vacations ou des heures de secrétariat, et le plus souvent
la personnalité de celui qui en prenait l’initiative comptait pour
beaucoup. Au fil des années, elles se sont multipliées de façon anarchique sans aucun contrôle de qualité, n’offrant pas forcément des
garanties de soins identiques en fonction des régions, avec des appellations “non contrôlées” : centre anti-douleur, unité d’évaluation, unité
de prise en charge, unité de diagnostic et de traitement, département
ou encore clinique de la douleur… Il était difficile aux patients,
comme aux médecins d’ailleurs, de s’y retrouver. Il y avait là, une
nécessité évidente de pouvoir parler de la même “chose”.
La plupart des médecins travaillant dans ces différentes structures
dépendent de leur service d’origine et ont, pour certain d’entre eux,
une activité propre à leur spécialité d’origine réduite à la moitié, au
quart, voire inexistante, avec une activité anti-douleur inversement
proportionnelle. Cette activité étant réalisée au détriment de celle
pour laquelle ces médecins ont été nommés et grâce à la bonne
volonté des collègues de leur service d’origine. Cette situation de fait
devait être avalisée, facilitée ou empêchée. Il fallait transformer cette
organisation artisanale et plusieurs textes officiels, aidés par la prise
de conscience du corps médical et par la médiatisation du public, ont
permis d’aller plus avant.
L’article L 1112-4 du livre VII du Code de Santé Publique est clair : “Les
établissements de Santé mettent en œuvre les moyens propres à
“L’identification” des structures, qui a été réalisée fin 1998, était un
pas de plus. Cette identification peut être comprise comme un
concept intermédiaire se situant entre autorisation, agrément, habilitation et accréditation. En l’occurrence, et à défaut d’un support réglementaire qui aujourd’hui n’existe toujours pas dans le domaine de la
santé, l’identification procède de la publication par les autorités de
tutelle de la liste des établissements disposant de structures de lutte
contre la douleur. Ces mesures ont permis d’aboutir à trois niveaux
organisationnels : Consultation de la douleur (82 en 1998), Unité
d’évaluation et de traitement de la douleur (56 en 1998) et Centre
d’évaluation et de traitement de la douleur (22 en 1998) qui possèdent une triple vocation (clinique, enseignement, recherche). Elles
sont environ 275 en 2008.
Cette procédure était une des mesures qui composaient le premier
plan gouvernemental triennal de lutte 1998-2001 contre la douleur
que l’Institut UPSA de la douleur a largement accompagné et relayé.
Le plan de Bernard Kouchner a été une réelle avancée : il était nécessaire et indispensable, mais nous savions qu’il serait insuffisant. Il a
permis de faire évoluer les mentalités, mais nombre de mesures n’ont
pas été appliquées.
Certaines mesures ont été réalisées, prises isolément elles sont réductrices, mais elles constituaient les pièces d’un puzzle, qui assemblées,
avaient l’ambition de donner une image : l’amélioration de la qualité
de prise en charge de la douleur dans notre pays. Quelles sont-elles ?
Carnet douleur remis normalement à tous les hospitalisés, EVA attribuée à tous les personnels de santé, suppression du carnet à souches,
création de 37 postes de praticiens hospitaliers et d’une vingtaine
de postes d’infirmiers, attribution de 380 pompes dites PCA... Par
ailleurs, 170 Comités de Lutte Contre la Douleur sont créés, un

INTRODUCTION

prendre en charge la douleur des patients qu’ils accueillent. Ces
moyens sont définis par le projet d’établissement visé à l’article
L.6143-2.” “Les centres hospitaliers et universitaires assurent, à cet
égard la formation initiale des médecins et diffusent les connaissances acquises en vue de permettre la réalisation de cet objectif en
ville comme dans les établissements.” De même, le nouveau Code de
Déontologie Médicale sous les numéros R.4127-1 à R.4127-112, dans
ses articles R.4127-37 et R.4127-38, précise clairement les devoirs du
médecin en ce qui concerne les douleurs et leur prise en charge.

13
chapitre spécifique douleur de la nouvelle Nomenclature Commune
des Actes Médicaux a été initié, la quasi totalité des Agences
Régionales d’Hospitalisation ont débloqué des crédits sur la base
d’appel d’offres, un site web douleur a été ouvert à tous les citoyens.
La circulaire DGS/DH n˚ 99/84 du 11 février 1999, relative à la mise
en place de protocoles de prise en charge de la douleur aiguë par les
équipes pluridisciplinaires médicales et soignantes des établissements de santé et institutions médico-sociales, s’appuie sur le premier
plan triennal de lutte contre la douleur. Elle incite les équipes médicales et soignantes à élaborer des protocoles autorisant les infirmiers
à utiliser certains antalgiques, conformément aux dispositions de l’article 8 du décret n˚ 93-345 du 15 mars 1993.

INTRODUCTION

D’autres ne sont pas réalisées : un logiciel pédagogique devait être
remis à tous les professionnels ainsi qu’un guide d’auto-évaluation des
structures et un guide méthodologique destiné aux professionnels et
aux directeurs d’établissement, 1000 PCA devaient être attribuées. La
mesure de satisfaction des patients devait être systématisée à la sortie
d’hospitalisation. La durée de prescription des opioïdes était de 7, 14
et 28 jours, ce qui était obsolète, la durée de délivrance est ramenée à
28 jours (le mois européen) comme dans la plupart des pays européens. L’élaboration d’un volet spécifique du SROS (Schéma Régional
d’Organisation Sanitaire) consacré à la lutte contre la douleur rebelle
structuré en réseau devait être généralisée.

14

Ces quelques exemples se situent à la fois dans un champ de
demande des patients toujours plus important, et dans un élargissement des problématiques ; car, dans les années qui viennent, les
douleurs aux âges extrêmes de la vie, principalement celles du sujet
âgé en rapport avec l’allongement irréversible de l’espérance de vie,
et les douleurs nosocomiales, celles qui sont induites par les soignants
et rendues “incontournables” par les thérapeutiques, seront les véritables priorités de santé publique, auxquelles nous seront confrontés.
De même que celles qui sont le quotidien des soignants qui travaillent
en santé mentale.
Du point de vue organisationnel, il faut aider à la mise en place des
réseaux ; la création de services de la douleur est incontournable : il
en existe deux ou trois en France, mais les nombreux exemples européens en font une réalité.
Il était évident que tous les problèmes étaient loin d’être réglés
(pérennisation des mesures entreprises, renforcement des moyens
des structures de prise en charge de la douleur chronique, financements, postes, vacations : dans la plupart des structures les rendezvous étaient à 2 ou 3 mois, en 2008 le délai est 3, 4, voire 5 mois) et
qu’il existait une grande inquiétude sur la volonté des pouvoirs
publics et des tutelles de toujours considérer la douleur et sa prise en
charge comme une priorité de santé publique.

Les priorités nationales pour le second plan 2002-2005 ont concerné
la migraine, les douleurs provoquées par les soins et la douleur de
l’enfant.
Dans ce deuxième plan national de lutte contre la douleur était
inscrite l’organisation d’Etats Généraux dont la responsabilité a été
confiée aux quatre collèges [Collège National des Médecins de la
Douleur (CNMD), Collège National des Enseignants Universitaires de
la Douleur (CNEUD), Collège National des Chirurgiens Dentistes de la
Douleur (CNCDD), Collège National des Psychologues de la Douleur
(CNPD) et à la Société Française pour l’Étude et le Traitement de la
Douleur (SFETD)] auxquels se sont associés les patients à travers le
Collectif Inter-associatif Sur la Santé (CISS). Les objectifs étaient de
susciter une dynamique nationale et régionale permettant de mobiliser les différents acteurs des systèmes de soins de les intégrer dans
une réflexion régionale, interrégionale et nationale et de réunir tous
les acteurs de la société civile et de mobiliser les collectivités locales
en impliquant les acteurs locaux et régionaux à la faveur de débats de
sensibilisation à la lutte contre la douleur.
Plusieurs travaux ont été réalisés :
• des enquêtes nationales : auprès du grand public (TN SOFRES Santé,
3 000 personnes interrogées), auprès des professionnels libéraux
(envoi de 10 000 questionnaires sur toute la France à six catégories de

INTRODUCTION

Le premier plan devait être poursuivi, amplifié, la difficulté majeure
était l’absence d’une enveloppe budgétaire nationale : le financement
des mesures d’amélioration de la qualité de prise en charge des
patients douloureux ne pouvait être laissé à la seule “bonne volonté”
et initiative des ARH. Les fonds dépendant des ARH, leur volume financier était constant, il fallait enlever aux uns ce que l’on donne aux
autres.

15
INTRODUCTION

professionnels libéraux : médecins généralistes, médecins spécialistes,
chirurgiens dentistes), auprès des établissements de santé (3 102
questionnaires sur toute la France), auprès de 29 pays d’Europe
(réponse de 27 pays sur 29), et enfin analyse des prescriptions et
ventes de médicaments contre la douleur (ventes de médicaments
anti-douleur entre 1988 et 2000 (rapport AFSSAPS édité en 2002, base
MEDICAM 2000/2001, base de prescription THALES 2002 – panel de
médecins libéraux).
• des enquêtes régionales (Aquitaine, Basse-Normandie, LanguedocRoussillon, Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Rhône-Alpes) ont été menées
afin de décrire les modalités d’information, de diagnostic, de traitement et de suivi des patients douloureux ainsi que les résultats de
cette prise en charge pour les patients douloureux. 8 919 patients,
606 médecins, 841 infirmières ont participé, ce qui fait de ce travail le
plus important jamais réalisé.
Ces travaux ont été finalisés par la tenue des Assises Nationales de la
Douleur qui se sont déroulées à Paris le 14 juin 2005 au Palais de la
Mutualité sous le haut parrainage de Monsieur Jacques Chirac,
Président de la République. Un livre blanc a été publié, 5 axes d’action
et 15 propositions se sont dégagés qui ont permis, entre autre, la préparation du troisième plan gouvernemental de lutte contre la douleur.

16

Le 3e plan gouvernemental de lutte contre la douleur 2006-2010,
annoncé le 26 octobre 2005 en conseil des Ministres a été dévoilé le
vendredi 3 mars 2006 par Xavier Bertrand, Ministre de la Santé et des
solidarités, à l’hôpital Lariboisière à Paris.
Il repose sur 4 axes :
• Améliorer la prise en charge des douleurs des populations les plus
vulnérables, notamment des enfants et des adolescents, des personnes
polyhandicapées, des personnes âgées et en fin de vie.
• Améliorer la formation pratique initiale et continue des professionnels de santé pour mieux prendre en compte la douleur des patients.
• Améliorer les modalités de traitement médicamenteux et d’utilisation des méthodes non pharmacologiques pour une prise en charge
de qualité.
• Structurer la filière de soins de la douleur, en particulier celle de la
prise en charge des douleurs chroniques dites rebelles, pour rendre
plus efficace le dispositif.
Le coût total du plan est évalué à 26,74 millions d’euros sur la durée
du plan, dont 11 millions d’euros financés dans le cadre des crédits de
l’Assurance-maladie et 3 millions d’euros relevant de crédits d’État.
C’est la première fois qu’un dispositif national est doté de moyens
financiers. Cependant, la ré-allocation de ces ressources n’est pas
systématiquement faite à ceux qui en sont les destinataires légitimes.
Il existe un manque de transparence qui ne fait que créer le scepticisme et ajouter à la confusion. L’IGAS devrait y mettre son “nez”, car
il s’agit de l’argent du contribuable qui a le droit d’être soigné selon
les lois qui ont été votées.
Or, nous sommes loin du compte, le financement des activités transversales est assuré par celui des Missions d’intérêt Général, dites MIG,
et d’aide à la contractualisation, dites AC. Si ce financement est
accepté, et si l’établissement de santé est déficitaire, il viendra
combler le déficit général de l’établissement et ne sera pas attribué à
l’activité à laquelle il est dévolu même si celle-ci est créatrice de
recette. Comment ne pas être plus démobilisateur dans une époque
où, pour vivre en tant qu’activité, il faut montrer que l’on existe !

Il faut inscrire “dans le marbre” l’organisation des structures. La
première consultation doit être revalorisée. Le recensement des capacitaires en charge de travail dans les consultations, unités et centres,
réalisé par les correspondants régionaux, fait apparaître que la
moyenne d’âge des médecins est proche de 52 ans. La poursuite de ce
qui a été entrepris doit être pérenne. Il convient d’être attractif, d’envisager des profils de carrière (création de postes universitaires) qui
amènent des jeunes médecins à choisir cette activité. Le combat que
nous menons n’a de sens qu’à cette condition. Une saisine a été

INTRODUCTION

D’autre part, les décideurs politiques ont choisi “la nouvelle gouvernance” pour réformer notre système de santé. La mise en place des
pôles est une des mesures inscrites dans la loi. Cette obligation est
pour nous une chance et un danger. Une chance : au sein des pôles, les
différents partenaires sont reconnus en tant que tels, la structure
douleur, l’activité douleur devront donc être clairement identifiées. Un
danger : la précarisation actuelle des structures douleur, leur vulnérabilité due à leur mauvaise visibilité et leur manque d’autonomie administrative, à côté de partenaires de discipline et de taille inégales, qui les
rendent encore plus fragiles. Nous n’avons ni le droit, ni la possibilité
de ne pas profiter de ces changements qui nous sont proposés.

17
adressée à la HAS demandant de structurer la filière de soins “douleur”
et de travailler sur la définition des critères d’éligibilité de la première
consultation : quels sont les patients qui peuvent et doivent être pris
en charge dans les consultations, unités et centres ? De la même façon,
un référentiel de bonnes pratiques permettant de définir le contenu
de la première consultation devrait voir le jour. Ceci devrait amener à
définir la labellisation des structures permettant leur reconnaissance
officielle. Un GHS (Groupe Homogène de Séjour) “01M21Z : douleurs
chroniques rebelles” est entré en application depuis le 15 mars 2006.
Nous devons l’utiliser pour tous nos patients hospitalisés, mais
comment faire lorsqu’il est plus intéressant financièrement pour l’établissement d’hospitaliser le patient dans un autre service ? Et cependant cette mesure importante doit permettre d’objectiver notre
activité d’hospitalisation. Alors ?
Voici le nouveau paysage de la lutte contre la douleur, qui doit aider à
l’amélioration de la qualité. Mais la tache reste immense et ardue. Il est
certain que l’époque se prête mal aux financements de ces activités,
que l’on dit nouvelles par habitude et qui existent depuis 20 ans,
même si celles-ci sont porteuses d’économie potentielle retentissant
sur la maîtrise des coûts de la Santé.

INTRODUCTION

J’ose reprendre ici une phrase écrite il y a 20 ans dans un autre éditorial : « Le moment est venu de changer les attitudes qui restent trop
figées vis-à-vis de la douleur et encore plus vis-à-vis de la souffrance. L’introduction d’une “culture anti-douleur” au sein des
pratiques et des exercices nécessite le changement des comportements de l’ensemble des professionnels de santé, mais aussi celui
des malades et de leurs proches”. En 2008, je pourrais écrire la même.

18

Mais la réalité a quand même changé, demain, notre système de santé
sera aussi jugé sur la façon dont il prend en compte la douleur. Cette
prise en compte est reconnue comme un droit fondamental de toute
personne par la loi relative aux droits des malades et à la qualité du
système de santé du 4 mars 2002. Lutter contre la douleur est une
obligation éthique pour les soignants, l’essence même de la philosophie du soin. Le syndrome douloureux chronique devrait être
reconnu comme une maladie, au même titre que le diabète ou les
pathologies cardio-vasculaires…
Pour cet ouvrage très fonctionnel, nous avons fait appel à des spécialistes tant du domaine de la santé que de celui du droit.
Nathalie Lelièvre (Juriste droit de la santé, Membre de la commission
Éthique et Douleur, AEU droit médical, DESS droit de la santé, Chargée
de formation, Lyon), brosse un tableau synthétique et pratique des
règles juridiques relatives aux professionnels de la prise en charge de
la douleur ainsi que de la mission du médecin expert dans une action
judiciaire.
Le Docteur Frédéric Aubrun (Médecin anesthésiste, Département
d’anesthésie réanimation-chirurgicale, Groupe Hospitalier Pitié
Salpêtrière, Paris) développe la place du protocole dans la prise en
charge de la douleur.
Par ailleurs, quelle est la mission du médecin face au patient douloureux et à l’arrêt maladie ? Le Docteur Jacqueline Cardona (Médecin
légiste spécialisée Santé publique) répond à cette question à laquelle
les médecins sont souvent confrontés.
Enfin, Céline Avengozar et Gilles Barbier (Assistance en ligne
Handicap) proposent des solutions de réinsertion professionnelle et
sociale face au handicap et à la douleur.
Nous souhaitons que cet ouvrage, à la fois original et innovant tant par
le thème abordé que par sa façon de traiter les aspects médico-légaux
dans le cadre de la prise en charge de la douleur, permette aussi bien
aux professionnels de santé, et notamment les médecins généralistes,
qu'aux experts judiciaires, médecins experts ou enseignants en
médecine légale, de mieux appréhender et comprendre ce vaste
domaine, et qu’il apporte un soutien, voire une aide, dans leur
pratique quotidienne.

Références
Prevalence of chronic pain with neuropathic characteristics in the general population.
D. Bouhassira et al. Pain (2007), doi:10.1016/.j. pain, 2007.08.013.
2.

Genèse des recours urgents ou non programmes à la médecine générale, Études et
résultats n° 607 novembre 2007, http://www.sante.gouv.fr/drees/etuderesultats/er607/er607.pdf

3.

Survey of chronic pain in Europe: prevalence, impact on daily life and treatment. Eur J
Pain, 2006 ; 10 : 287-333. Breivik H et col.

INTRODUCTION

1.

19
4.

Étude observationnelle des patients atteints de douleurs neuropathiques dans les
structures de Traitement de la Douleur en France SEFTD, mai-juin 2007, (1410 patients,
88 structures).

5.

National Institutes of Health. NIH Guide : New Directions in Pain Research I.
September 4 1998. Available from htpp://grants.nih.gov/grants/guide/pa-files/PA-98102.html accessed on August 6th, 2007-11-17

20
2. PROFESSIONNELS

DE SANTÉ
ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR :
LES RÈGLES JURIDIQUES

Les réponses à la douleur ont évolué au fil du temps, grandement
conditionnées par les possibilités de l’antalgie aux diverses époques.
La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des patients pose le principe
selon lequel : « […] Toute personne a le droit de recevoir des soins
visant à soulager sa douleur. Celle-ci doit être en toute circonstance
prévenue, évaluée, prise en compte et traitée […] » Article L 1110-5
du code de santé publique (CSP).
Faire le point sur l’évolution des textes relatifs à la prise en charge de
la douleur semble être un préambule nécessaire. En effet, l’abondance
des textes relatifs à la prise en charge de la douleur atteste de son
importance. Les pouvoirs publics l’ont dans un premier temps fixé
comme une priorité nationale. Depuis, un long chemin a été parcouru
via les réformes successives du code de santé publique, du code de
déontologie médicale, les multiples circulaires, la loi du 4 mars 2002
et les trois plans de lutte contre la douleur.
La philosophie de ces textes : soulager la douleur du patient pour
mieux respecter sa dignité.
L’obligation de prise en charge de la douleur est le résultat d’une
succession de textes qu’il convient, d’une part de reprendre dans
l’ordre chronologique pour mieux en analyser le contenu. D’autre
part, d’examiner le contenu de cette obligation et ses conséquences
sur le plan de la responsabilité des professionnels de santé. Et enfin,
d’étudier la position du juge face à une carence de prise en charge de
la douleur.

PROFESSIONNELS

« Ô douleur, ô douleur, le temps mange ma vie »
(Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal)

DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES

Nathalie Lelièvre

21
DOULEUR ET DROITS, QUELLES ÉVOLUTIONS ?
Contrairement aux idées reçues la loi du 4 mars 2002 n’a pas créé
l’obligation de prise en charge de la douleur. Elle en a défini le
contenu. L’analyse de l’évolution des textes ne peut se faire sans tenir
compte des trois plans douleur successifs.

PROFESSIONNELS

DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES

Q Évolutions législatives

22

En 1995, le premier texte relatif à la prise en charge de la douleur
impose aux établissements d’inscrire dans leur projet d’établissement
les moyens mis en place pour prendre en charge la douleur des
patients (1). La lutte contre la douleur ne pourra plus se résumer à
l’énoncé de vœux ou d’objectifs, mais à la mise à disposition de
moyens concrets et à la réalisation d’actions tangibles qui devront
être définis dans le projet d’établissement.
En 1996, une ordonnance rappelle que la prise en charge de la
douleur s’impose à tous les patients et cite entre autres : les enfants,
les personnes handicapées et les personnes âgées. L’intervention d’un
tel texte atteste des lacunes dans la prise en charge des patients non
communicants ! (2)
Reconnu comme un droit fondamental pour toutes personnes par la
loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé
du 4 mars 2002 (3), le soulagement de la douleur s’inscrit parmi les
objectifs à atteindre pour les cinq prochaines années dans le rapport
annexé à la loi relative à la santé publique du 9 août 2004. (4)
Tout doit être mis en œuvre pour apporter au malade l’information
nécessaire afin qu’il ne subisse plus sa souffrance comme une fatalité.
Il est dès lors incontestable que chaque professionnel de santé,
chaque établissement se doit de garantir une pérennité de la prise en
charge de la douleur. Dans ce sens, le manuel d’accréditation version
2 items 27) et 32) font référence à la prise en charge de la douleur
comme gage de qualité des soins (5). En cours la version 3, qui
mentionne parmi les huit objectifs de la certification la prise en
charge de la douleur (6).
Le premier plan douleur (1998-2001) (7) partait du postulat : « La
douleur n’est pas une fatalité », et l’inscrivait comme une priorité de
santé publique. Avec le recul des années, les professionnels de santé
ont constaté que l’information n’avait pas toujours été bien comprise
du grand public. En effet, le public a davantage retenu « Hôpital sans
douleur » et, de ce fait, les patients ne comprenaient pas qu’ils
puissent avoir mal. Le slogan de la campagne d’information du
premier plan était « la douleur parlez-en, on peut la soulager » mais il a
été retenu « zéro douleur » qui est une douce utopie.
En 2002, le second plan était lancé pour quatre ans et marquait une
étape supplémentaire : le contrat d’engagement de lutte contre la
douleur. La même année, soit le 4 mars 2002, la loi relative aux droits
des usagers de la santé posait comme principe que la prise en charge
de la douleur est un droit fondamental (8).
Principe repris dans le postulat du troisième plan couvrant la
période 2006-2010. Un nouveau défi est lancé avec la coordination
européenne des politiques de recherche et de programmes de prise
en charge de la douleur (9).
« […] Véritable enjeu de santé publique et critère de qualité et d’évolution d’un système de santé […] »
Il est dès lors incontestable que chaque professionnel de santé,
chaque établissement se doivent de garantir une prise en charge de la
douleur de qualité, c’est-à-dire dans les règles de l’art.

DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES

Q Photographie des plans douleurs

PROFESSIONNELS

Ainsi, l’item 34 met la priorité sur la traçabilité de la prise en charge
de la douleur dans le dossier du patient. À l’avenir, les professionnels
et notamment les infirmiers devront de façon systématique noter
dans le dossier de soins du patient l’évaluation de sa douleur. Dans la
pratique, l’évaluation est faite mais l’on retrouve encore trop
rarement ces éléments dans le dossier. Il est également mis l’accent
sur l’information donnée au patient sur les modalités de sa prise en
charge. Il est fort probable qu’un formulaire d’information sur la prise
en charge de la douleur devra être remis au patient lors de l’accréditation version 3.

23
PROFESSIONNELS

DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES

Q Constat de huit années d’organisation
de la prise en charge de la douleur

24

Le troisième plan note une nette amélioration dans les secteurs suivants:
• Amélioration de l’information des patients notamment via le contrat
d’engagement de lutte contre la douleur ;
• Amélioration des formations tant au niveau de la formation initiale
que continue ;
• Renforcement de la prise en charge des douleurs chroniques.
Cependant, on peut regretter une disparité de la prise en charge de la
douleur selon les régions. Rappelons que la prise en charge est un
droit fondamental, une telle disparité ne devrait et ne doit pas
perdurer. Tous les patients ont le droit à une prise en charge de la
douleur du premier au dernier souffle de la vie.
Il est souvent mis en avant l’importance de l’information du patient
(les trois plans vont dans ce sens, certification versions 1 et 2 et 3) sur
les modalités de prise en charge de la douleur. Il est particulièrement
nécessaire de cibler cette information sur les attentes du patient et les
limites d’un traitement. Parfois, la douleur peut être soulagée mais ne
va pas disparaître et il revient alors tant au médecin qu’au patient de
déterminer les priorités de la prise en charge (mieux dormir,
diminuer les pics de douleur à certains moments de la journée pour
être présent avec sa famille et retrouver sa place dans la cellule familiale) mais aussi les deuils à faire (diminuer son rythme de travail,
cesser des activités qui sont facteurs de douleur). La prise en charge
de la douleur est une prise en charge globale tant de la part du professionnel de santé que du patient.
Q Les priorités du 3e plan
Améliorer la prise en charge des douleurs des populations les plus
vulnérables notamment des enfants et des adolescents, des personnes
polyhandicapées, des personnes âgées et en fin de vie.
Il est important de noter que, dans tous les plans, la prise en charge
des personnes âgées, des enfants et des personnes handicapées est
une cible constante. La France serait-elle encore réfractaire à la prise
en charge de la douleur des patients qui ne s’expriment pas ?
Il est, en revanche, rassurant de lire la notion de « bientraitance » des
Améliorer les modalités de traitement médicamenteux et d’utilisation
des méthodes non pharmacologiques pour une prise en charge de qualité
Il est noté une nette amélioration de la prise en charge médicamenteuse de la douleur mais le relais en ville manque, voire reste inexistant dans certains cas.
Les protocoles de soins destinés à faciliter la prise en charge de la
douleur ne sont pas encore suffisamment utilisés. Il subsiste des
craintes quant à l’utilisation des protocoles. Il ne s’agit pas de protocoliser à outrance mais d’anticiper des prescriptions pour lesquelles
l’infirmier est amené le plus souvent à contacter un médecin en vue
de la prescription d’un antalgique. La circulaire de 99 relative à la
prise en charge des douleurs aiguës (10) prévoit que ces protocoles
soient révisés au moins une fois par an. C’est difficilement réalisable,
mais il convient de ne pas tomber dans l’excès inverse et de traiter
des patients avec des protocoles de plus de dix ans, voire des protocoles signés par des médecins décédés !
L’intérêt de la mise à jour des protocoles est de favoriser l’évaluation

DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES

Améliorer la formation pratique initiale et continue des professionnels de santé pour mieux prendre en compte la douleur des patients.
Il est fondamental de former à la prévention de la douleur afin de
limiter les douleurs provoquées par les soins. De plus, les EHPAD
doivent se rapprocher des centres hospitaliers pour l’accompagnement à la fin de vie. La prise en charge de la douleur s’impose dans
tous les établissements et la douleur ne connaît ni les week-end, ni les
vacances ! Les médecins généralistes doivent être formés à la prise en
charge de la douleur pour assurer la continuité des soins lorsque le
patient sort d’hospitalisation.

PROFESSIONNELS

personnes âgées. En effet, le plan précise l’importance de prévenir les
douleurs provoquées par les actes de soins mais aussi par les actes de la
vie courante comme les toilettes pour les personnes âgées. Être âgé ne
doit pas être un motif de non prise en charge de la douleur et une
raison pour rester fataliste face à la douleur des personnes âgées : « Avec
votre âge, je ne peux guère faire des miracles ». Là où la loi ne distingue
pas il n’y a pas lieu de le faire. La loi précise bien : « Tout patient a le
droit », en conséquence, il appartient à tous les professionnels de santé
de tenir compte des douleurs et de les prendre en charge.

25
DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES

PROFESSIONNELS
26

des conditions d’application et de les compléter par des observations
sur l’organisation de la surveillance du patient, etc.
Point fort de ce plan, il est expressément fait référence au recours aux
techniques non médicamenteuses dans la prise en charge de la
douleur. « Le traitement médicamenteux ne constitue pas la seule
réponse à la demande des patients douloureux. Les techniques non
médicamenteuses de prise en charge de la douleur existent. Les
professionnels et les usagers les reconnaissent comme efficaces.
Il s’agit de traitements réalisés par des professionnels de santé qualifiés : traitements physiques tels que massages, kinésithérapie, physiothérapie (cryothérapie, électro-stimulation transcutanée : TENS),
balnéothérapie, éducation posturale et gestuelle, et des méthodes
psycho-corporelles ou comportementales (hypnose, relaxation,
sophrologie). » (Plan d’amélioration de la douleur 2006-2010).
Structurer la filière de soins de la douleur, en particulier celle
de la prise en charge des douleurs chroniques dites rebelles,
pour rendre plus efficace le dispositif
Structurer le développement de la prise en charge des douleurs chroniques et partager les expériences, échanges entre professionnels.

LES ACTEURS DE LA PRISE EN CHARGE
DE LA DOULEUR
Les acteurs sont nombreux. En effet, le leitmotiv de l’ensemble des
textes est de plaider en faveur d’une pluridisciplinarité des intervenants. Chaque intervenant auprès d’un patient doit détecter tout
signe de douleur potentiel pour l’évaluer et mettre en place un traitement adapté aux besoins du patient.
Q Établissements de santé
Les établissements de santé publics ou privés et les établissements
sociaux et médico-sociaux (principe rappelé dans le troisième plan
douleur) et toutes les personnes intervenant dans la chaîne des soins
doivent tenir compte de la douleur du patient et intervenir.
• Quelle que soit l’unité ou la structure de soins dans laquelle le
patient est accueilli ;
• Toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa
douleur (du premier au dernier souffle de la vie) ;
• Obligation de définir la politique de prise en charge de la douleur
dans le projet d’établissement.

PROFESSIONNELS

Médecins
Quelle que soit la spécialité (médecin généraliste, cardiologue, chirurgien, etc.), la prise en charge de la douleur est une obligation.
C’est un acte de soin et, à ce titre, le médecin se doit de tout mettre
en œuvre pour tenter de la soulager, mais il n’est pas tenu à une obligation de résultat qui consisterait à faire disparaître la douleur. Il doit
donner des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données
acquises et actuelles de la science. L’annonce du premier plan
douleur était « Zéro douleur à l’hôpital », utopie bien douloureuse
pour les professionnels de santé et les patients.
Code de la santé publique (nouvelle partie réglementaire), article
R. 4127-37 (décret nº 2006-120 du 6 février 2006, art. 1, Journal
Officiel, 7 février 2006) : « En toutes circonstances, le médecin doit
s’efforcer de soulager les souffrances du malade par des moyens
appropriés à son état et l’assister moralement. Il doit s’abstenir de
toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique et peut renoncer à entreprendre ou poursuivre des traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou qui n’ont
d’autre objet ou effet que le maintien artificiel de la vie ».
L’article 37, considérablement modifié par la loi du 27 avril 2005, se
divise en deux parties. La première définit l’obligation du médecin
d’une façon générale : « En toutes circonstances, le médecin doit s’efforcer de soulager les souffrances du malade par des moyens appropriés à son état et l’assister moralement ». La seconde concerne les
patients en fin de vie. Le leitmotiv reste la priorité de la prise en
charge de la douleur du patient.

DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES

Q Les professionnels

27
DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES

PROFESSIONNELS
28

Infirmiers
La prise en charge de la douleur est intégrée dans le décret relatif aux
actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmiers (12)
qui précise que tout infirmier (hospitalier et libéral) évalue la douleur
dans le cadre de son rôle propre (art. 2.5°), est habilité à entreprendre
et à adapter les traitements antalgiques selon des protocoles préétablis, écrits, datés et signés par un médecin (art. 8), peut, sur prescription médicale, injecter des médicaments à des fins analgésiques dans
des cathéters périduraux et intra-thécaux ou placés à proximité d’un
tronc ou plexus nerveux (art. 9).
La définition même du rôle propre de l’infirmier est d’avoir la gestion,
l’initiative des soins relevant de son rôle propre et l’évaluation de la
douleur fait partie de ses missions. Évaluer, c’est bien mais le noter sur
le dossier de soins infirmier, c’est mieux (traçabilité des soins).
Selon les normes de qualité diffusées par le ministère de la Santé (13),
dès l’arrivée et tout au long du séjour de la personne soignée, l’infirmier « applique les prescriptions médicales et/ou les protocoles
spécifiques à la douleur, en assure la surveillance et en évalue les
effets ».
L’infirmier intervient dans trois secteurs : la prévention, l’évaluation et
le traitement. Cependant, il ne peut pas prendre l’initiative d’un traitement sans prescription médicale. Ainsi, dans un souci de bonne
gestion des soins et de qualité de la prise en charge de la douleur, il est
fondamental que les services prennent l’habitude de rédiger des
protocoles de soins pour faciliter la prise en charge de la douleur.
Aides soignants
L’aide soignant a également un rôle important dans l’évaluation de la
douleur. L’arrêté de janvier 2005 mentionne bien parmi les missions :
Unité 2 - Apprécier l’état clinique d’une personne : « Identifier les
signes de détresse et de douleur » (14).
Il est primordial que dans les services une véritable organisation pluridisciplinaire soit mise en place : médecins, infirmiers, aides soignants ;
chacun a un rôle déterminant pour optimiser la prise en charge du
patient et prévenir tous facteurs de douleur.
Q Prise en charge de l’enfant
L’une des cibles du 3e plan, c’est « améliorer la prise en charge des
douleurs des populations les plus vulnérables notamment les
enfants et les adolescents, personnes polyhandicapées, des
personnes âgées et en fin de vie […]. »
L’information de l’enfant et des parents sur l’organisation de la prise
en charge est une étape importante pour rassurer parents et enfant.
L’information doit être adaptée aux capacités de l’interlocuteur. Au
regard du droit, le professionnel de santé ne recherche pas le consentement de l’enfant mais celui des parents. Cependant, d’un point de
vue éthique il semble difficile de mettre en place un traitement « par
force ». L’ensemble des textes rappelle l’importance de l’information
du patient et que celle-ci doit être adaptée aux capacités de compréhension du patient. Le mineur a le droit d’être informé des raisons
pour lesquelles le traitement est mis en place, ce qu’il peut en
attendre, les limites mais aussi les effets secondaires (sans pour autant
que cette information devienne anxiogène). Il est recherché avant
tout l’adhésion du mineur au traitement.
L’opposition à la mise en place d’un traitement morphinique peut-elle
être considérée comme présentant un danger pour l’enfant ?
Une mesure d’assistance éducative est mise en place dès lors qu’il y a
une carence, une opposition de nature à mettre en danger la santé de
l’enfant.
La mesure d’assistance éducative est réservée aux cas extrêmes.
L’étude de la jurisprudence montre que l’article 28 n’est utilisé que
dans des cas très graves (enfant atteint de malformations très graves).

PROFESSIONNELS

Existe t-il des règles juridiques à la prise en charge d’un patient âgé,
mineur ? Le principe est l’accès aux soins pour toutes personnes sans
discrimination quelconque. À ce noble et humble principe, se greffent
des chartes, des recommandations, des programmes relatifs à la prise
en charge des personnes âgées, et à l’amélioration de la prise en
charge médicamenteuse pour les enfants. L’ensemble des textes cités
ci-dessus sont pris en considération par les experts judiciaires, les
magistrats lors d’un litige.

DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES

LES BÉNÉFICIAIRES DE LA PRISE EN CHARGE

29
PROFESSIONNELS

DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES

« En l’absence de la part des parents d’une faute susceptible de
mettre en péril la vie de l’enfant d’une part, et en l’absence de
danger immédiat pour le mineur d’autre part » (Nancy 4 juin 1982
et Nancy 3 décembre 1983 JCP 1983, II, 20081 note Raymond).

30

Le droit associe la notion de danger à celle de risque vital pour
l’enfant. Dans ce cas, priver un enfant de morphinique pour soulager
la douleur peut-il être considéré comme étant de nature à mettre en
péril la vie de l’enfant ? L’enfant peut s’épuiser par la douleur et
décéder dans certains cas. Dans un cas extrême, ne peut-on pas envisager que le refus du traitement met en danger l’enfant et que
l’équipe médicale est en droit de saisir le juge pour prodiguer les
soins nécessaires ? Dans cette hypothèse, il faudra rapporter la preuve
au juge que l’équipe se trouve en situation d’impasse thérapeutique
et que le refus de morphinique place l’enfant en danger.
À la lecture de nombreux articles, rapports et divers travaux, il ne
semble pas que cette question ait été posée à l’Académie de
médecine, ni au Conseil national d’éthique.
Il pourrait être intéressant de les consulter car la prise en charge de la
douleur des enfants reste un souci constant. D’autant plus, l’OMS
précise bien que la santé est un bien-être physique et psychique. Or,
priver un enfant du droit de ne pas souffrir est une atteinte à son
intégrité physique et psychique. La notion de danger pourrait être
revue et évoluer au vue de l’avancée des sciences et ne pas se
limiter strictement à la notion de risque vital.
Q Prise en charge des patients âgés
Dès les premiers textes, il était rappelé l’importance de prendre en
charge la douleur des personnes âgées. Le troisième plan douleur cite
parmi les cibles : la prise en charge de la douleur chez le patient âgé.
Cette persistance à devoir rappeler ce principe signifie-t-il que la
personne âgée n’aurait pas le droit à un peu de douceur et que vieillir
va de paire avec souffrances et poly-pathologies ?
Il est, en revanche, rassurant de lire la notion de « bientraitance » des
personnes âgées. En effet, le plan précise l’importance de prévenir les
douleurs provoquées par les actes de soins mais aussi par les actes de
la vie courante comme la toilette ou la mise au fauteuil.
DOULEUR ET FIN DE VIE :
QUE DIT LA LOI LÉONETTI ?
La loi Léonetti du 22 avril 2005, relative aux droits des patients en fin
de vie, complétée par les décrets du 6 février 2006 (15), a recherché
une solution éthique à l’encadrement juridique de la relation
médicale entre le médecin et le malade en fin de vie.
Cette loi apporte trois dispositions essentielles à la relation de soins et
favorise l’expression de la volonté et la discussion en collégialité.
Le médecin ne doit pas être limité dans la prise en charge de son
patient par des craintes judiciaires. C’est la raison pour laquelle l’article L1110-5 du code de santé publique prévoit la possibilité : « Les

DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES

La loi ne fait aucune distinction, le principe est simple : Toute
personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager la douleur.
Que le patient soit jeune ou âgé, sa douleur doit être prise en compte
et traitée eu égard aux connaissances de la sciences. Cependant, le
débat reste ouvert quant à savoir si le défaut de prise en charge de la
douleur chez un sujet âgé peut être qualifié de maltraitance du fait de
cette nouvelle notion de « bientraitance » introduite avec le troisième
plan douleur.

PROFESSIONNELS

En effet, la personne âgée présente assez souvent des poly-pathologies
et la toilette ou la mise au fauteuil peuvent être à l’origine de douleurs.
Il est alors recommandé dans les services (pas seulement hospitaliers)
de s’organiser et de prévenir cette douleur en mettant en place des
protocoles afin de donner un traitement antalgique au patient. Pour
cela, encore faut-il une certaine organisation dans les services pour
éviter que des toilettes soient faites alors que le traitement vient
d’être donné au patient ou, à l’inverse, en fin d’action du traitement.
On peut légitimement s’interroger sur cette notion de bientraitance.
L’absence d’organisation de prise en charge de la douleur, peut-elle
être qualifiée de maltraitance ? À ce jour, nous n’avons pas de
décision, ni de publication. Il est primordial que dans les services une
véritable organisation pluridisciplinaire soit mise en place ; médecins,
infirmiers, aides soignants : chacun a un rôle déterminant pour optimiser la prise en charge du patient et prévenir tous facteurs de
douleur.

31
DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES

PROFESSIONNELS
32

professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur
disposition pour assurer à chacun une vie digne jusqu’à la mort. Si
le médecin constate qu’il ne peut soulager la souffrance d’une
personne, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et
incurable, quelle qu’en soit la cause, qu’en lui appliquant un traitement qui peut avoir pour effet secondaire d’abréger sa vie, il doit
en informer le malade, sans préjudice des dispositions du
quatrième alinéa de l’article L. 1111-2, la personne de confiance
visée à l’article L. 1111-6, la famille ou, à défaut, un des proches. La
procédure suivie est inscrite dans le dossier médical ».
Démarche des professionnels de santé
• Information du patient des risques éventuels du traitement et
notamment de la possibilité d’abréger la vie ;
• Information également de la famille et des proches ;
• Il est fondamental de faire comprendre, tant au patient qu’à sa
famille, que le médecin agit dans le respect des règles du bon usage
des médicaments. L’intérêt premier est de soulager les douleurs du
patient, mais avec un risque d’abréger la vie ;
• Traçabilité de la décision. Le médecin devra être en mesure de
prouver qu’il agit dans les règles de l’art et que l’intention première
était bien la prise en charge de la douleur.
Il est important de préciser que l’équipe intervient dans le respect de
la pharmacopée. En effet, il ne s’agit nullement pour l’équipe de
soulager le patient en lui administrant des doses importantes de traitements dans le but de le faire décéder. La démarche du professionnel
de santé est d’informer son patient qu’il a la possibilité de mettre en
place un traitement antalgique mais que l’administration de ce traitement peut avoir pour effet délétère de provoquer le décès du patient.
L’intention première du professionnel est bien de prendre en charge
la douleur du patient et non de chercher à provoquer le décès.
Dans ces situations, ce n’est pas tant la loi qui apporte une solution
mais l’éthique des soins, la priorité étant toujours d’intervenir dans
l’intérêt du patient et de tenir compte de ses souhaits.
DÉFINITION DE L’OBLIGATION
DE PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR

Q Prévention de la douleur
Il résulte des dispositions de l’article L 1110-5 du CSP que les soignants
doivent s’efforcer de prévenir la douleur, notamment lors des soins
douloureux (pansements, biopsie, rééducation, etc.).
Le plan de lutte contre la douleur 2002-2005 était, entre autre, ciblé
sur la douleur provoquée par les soins et la chirurgie. À cette fin, le
deuxième plan rappelait l’importance de développer les protocoles
définis dans la circulaire n° 98/94 du 11 février 1999 (10). L’intérêt est
de pouvoir répondre rapidement à un besoin, en l’occurrence apaiser
et prévenir la douleur.
L’une des cibles du 3e plan est la notion de la prévention de la douleur
chez la personne âgée en ajoutant le terme de bientraitance (cf. prise
en charge des patients âgés).
L’information du patient sur la prise en charge de la douleur, sur les
risques de douleurs provoquées par un soin, trouve toute sa place
dans la prévention. En effet, un patient bien informé est un patient qui
sera en mesure de gérer sa douleur, de l’évaluer et d’être actif pour sa
prise en charge avec les professionnels de santé. Il ne s’agit pas d’inquiéter le patient, mais de l’informer des apports des traitements et
aussi de leurs limites pour prévenir toutes angoisses lors de la
survenue de douleur.

PROFESSIONNELS

La loi du 4 mars 2002 précise bien que l’équipe médicale se doit
d’écouter (mission d’évaluation), ne pas laisser s’installer la douleur
(mission de prévention) et la traiter (la prise en charge de la douleur
est reconnue comme un acte de soin).

DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES

L’article L 1110-5 du code de santé publique pose le principe selon
lequel « toute personne a le droit de recevoir des soins visant à
soulager sa douleur. Celle-ci doit être en toute circonstance
prévenue, évaluée, prise en compte et traitée… »

33
PROFESSIONNELS

DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES

Q Évaluation de la douleur

34

La prescription d’un antalgique n’est pas une fin en soi ; encore faut-il
veiller à son administration effective et à son efficacité sur l’évolution
de la douleur du patient: pour cela il convient d’évaluer la douleur du
patient à l’aide des dispositifs existants et de réévaluer le traitement
mis en place.
Le suivi du patient douloureux nécessite un travail d’équipe nécessairement pluridisciplinaire.
Dans le cadre de son rôle propre, l’infirmier évalue la douleur du
patient (article 2, 5° du décret n° 2002-194 du 11 février 2002). Si l’infirmier constate que le traitement antalgique administré au patient
n’est pas suffisant, il en informe le médecin qui changera éventuellement le traitement ou l’adaptera selon les besoins du patient.
L’évaluation est importante car elle permet au médecin de juger de
l’efficacité ou non du traitement et de prendre les mesures en conséquence. Par ailleurs, il est important que l’évaluation apparaisse dans
le dossier médical du patient. Cela d’autant plus que l’article L 1110-5
du CSP précise bien que « la douleur doit être en toute circonstance
évaluée ».
La gestion du dossier médical doit être tenue avec la plus grande
rigueur avec mention des heures d’évaluation, de la cotation (cotations au repos et lors des mobilisations) et du suivi.
L’absence de toute mention dans le dossier de soins laisserait à penser,
dans l’hypothèse d’une saisie du dossier par un expert judiciaire, que
l’évaluation n’a pas été faite ; ce dernier pourrait en conclure une
défaillance ou un manquement dans la prise en charge de la douleur.
Q Traitement de la douleur
Le médecin n’est pas tenu à une obligation de guérison, en l’espèce,
qui consisterait à la disparition des douleurs. En revanche, il doit s’efforcer de mettre en œuvre les moyens antalgiques dont il dispose
pour soulager au mieux son patient. La prise en charge de la douleur
est un acte de soin à part entière et, à ce titre, le professionnel de
santé est tenu à une obligation de moyen. Cette obligation se définit
comme une « prise en charge attentive, consciencieuse et conforme
aux données actuelles et acquises de la science ».
La prise en charge de la douleur fait partie des priorités de santé
publique ; dès lors, le médecin est tenu de se former sur les traitements de la douleur eu égard à sa spécialité afin de prodiguer des
soins consciencieux et conformes aux données actuelles et acquises
de la science comme l’exige la jurisprudence. L’obligation pesant sur
le médecin est de donner des soins conformes aux données acquises
de la science à la date des soins (Cour de Cassation, 6 juin 2000).
La prise en charge de la douleur ne se limite pas à la notion de traitement et encore moins à une obligation de la faire disparaître. C’est un
ensemble de gestes : savoir prévenir la douleur, l’évaluer pour mieux
la traiter.

DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES

Enfin, il est à noter l’importance de la formation continue en ce
domaine « …La formation continue constitue un élément essentiel
pour assurer l’adhésion des personnels à la politique d’amélioration de la prise en charge de la douleur… » Guide de mise en place
du plan de lutte contre la douleur 2002-2005.
D’autant plus que la loi du 4 mars 2002 précise bien que « la formation médicale continue a pour objectif l’entretien et le perfectionnement des connaissances, y compris dans le domaine des droits de
la personne ainsi que l’amélioration de la prise en charge des priorités de santé publique […]. […] Elle constitue une obligation pour
tout médecin […] » Article L 4113-1 CSP.

PROFESSIONNELS

Préalablement à la mise en place d’un traitement, le médecin doit
prêter attention aux effets du traitement et notamment aux effets
iatrogènes. La prise en charge de la douleur est une prise en charge
pluridisciplinaire mais aussi, et surtout, globale. En effet, le professionnel de santé doit tenir compte des traitements pris par le patient
et les effets du traitement prescrit. Lors d’une prescription pour un
patient travaillant sur des machines ou un professionnel de la route, il
est important d’attirer son attention sur les risques de somnolence et
sur le fait de bien prendre le traitement une fois sa journée terminée,
et de prendre de préférence ce médicament au moment du coucher.

35
PROFESSIONNELS

DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES

DOULEUR ET JUSTICE

36

Aux termes de l’article L 1142-1 du CSP « Hors les cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut de produit de santé, les
professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du code,
ainsi que les établissements, service ou organisme dans lesquels
sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de
soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes
de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute …».
Dans l’hypothèse d’une action en responsabilité civile ou administrative pour manquement à l’obligation de prise en charge de la douleur,
c’est le droit commun qui s’applique à savoir la responsabilité pour
faute. Trois conditions dites cumulatives doivent alors être réunies :
l’existence d’une faute, d’un dommage et du lien de causalité.
Q La responsabilité pour faute : le principe
L’obligation du médecin est de tout mettre en œuvre pour soulager au
mieux son patient, mais il n’est pas tenu à une obligation de résultat.
Cette obligation s’apprécie par rapport aux règles de l’art, à savoir le
médecin doit donner des soins consciencieux et conformes aux
données actuelles et acquises de la science. C’est la raison pour
laquelle la formation initiale et continue dans la prise en charge de la
douleur sont essentielles, voire primordiales.
L’obligation de prise en charge de la douleur étant une obligation
de moyen, la preuve d’une faute doit dès lors être rapportée par le
plaignant.
L’existence d’une faute
La faute peut être un manquement lors de la prise en charge de la
douleur soit au stade de la prévention, soit au stade du traitement ou
de l’évaluation du patient. Elle peut trouver aussi son origine dans
l’acte de soin lui-même, ou une insuffisance d’information du patient.
L’acte de soin peut être un manquement dans l’organisation des soins,
le choix du traitement (non approprié à l’état du patient), un manquement aux règles de sécurité ou non-conforme aux règles de l’art.
La faute se définit d’une façon générale comme « l’erreur de conduite
intentionnelle ou non, susceptible d’engager la responsabilité de
DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES

La faute peut être un manquement à l’obligation d’information.
L’information du patient est le fondement de l’expression même de sa
liberté à consentir ou de refuser les soins. La loi du 4 mars 2002 l’inscrit dans le Code de santé publique comme un principe général et
fondamental dans la relation soignant-soigné. Depuis la loi du 4 mars
2002, les principes relatifs au devoir d’information sont posés par les
textes et constituent des références pour chaque professionnel de
santé et se doit de les connaître et les d’appliquer.
« L’information porte sur les différentes investigations, traitements
ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur
urgence éventuelle, leurs conséquences, les risque fréquents ou
graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les
autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas
de refus […] »
L’article L1111-2 du CSP précise que, dans son principe, l’information
doit porter sur :
• l’état du patient, l’évolution prévisible et les soins conseillés ;
• la nature et les conséquences de la thérapeutique proposée ;
• l’utilité du traitement proposé ;
• les alternatives éventuelles (informer des avantages et inconvénients des différentes thérapies proposées ; mettre en valeur le
bénéfice-risque des traitements proposés) ;
• les suites normales du traitement ou de l’intervention et leurs
conséquences ;
• l’urgence éventuelle.

PROFESSIONNELS

son auteur » : Dictionnaire du vocabulaire juridique.
Dans le cadre de la prise en charge de la douleur, le médecin commet
une faute s’il fait preuve de négligence, de désintérêt dans la prise en
charge de la douleur du patient. L’existence ou non d’un comportement fautif s’analyse, entre autre, au regard des dispositions du code
de santé publique, code de déontologie et plus particulièrement en la
matière de l’article 37 « le médecin doit s’efforcer de soulager le
patient », complété des recommandations professionnelles de bonnes
pratiques.
Dans ces circonstances, un médecin qui n’utiliserait pas des moyens
existants pour soulager un patient et le laisserait souffrir pourrait voir
sa responsabilité civile, et éventuellement disciplinaire, engagée si le
conseil de l’Ordre des Médecins est saisi de l’affaire.

37
PROFESSIONNELS

DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES

Il y a constatation de faute pour le médecin qui n’informe pas son
patient des risques éventuels de la technique de soins à laquelle il a
recours.

38

L’existence d’un dommage
La faute doit avoir causé un préjudice au patient soit, en l’espèce, des
douleurs inutiles car celles-ci auraient pu être prises en charge par
des traitements plus appropriés ; ou une absence de changement de
traitement suite à l’évaluation qui laisse présumer une carence du traitement.
Le dommage se définit comme la lésion subie et le préjudice est la
conséquence de la lésion. En l’espèce, il s’agit d’indemniser le
dommage résultant d’un manquement, d’une insuffisance dans la
prise en charge de la douleur.
Cependant, la douleur est une donnée si subjective, si différente d’un
patient à un autre, que l’appréciation du dommage sera très certainement source de longues réflexions pour l’expert saisi pour l’évaluer.
Le dommage peut résulter aussi du recours défectueux à une technique en vue de soulager les douleurs d’un patient. Si un professionnel, suite à un geste technique, cause à son patient un dommage
(comme perte de la motricité du 5e doigt) et que ce patient est
peintre ou pianiste professionnel, le dommage est à la fois corporel et
pécuniaire (perte de revenu et conséquences sur son avenir professionnel). Pour déterminer le montant de l’indemnisation, le juge tient
compte de l’ensemble de ces éléments.
Il est certain que le dossier médical sera une pièce essentielle, voire
fondamentale dans l’appréciation de la faute et du dommage.
Il est vivement conseillé de gérer le dossier médical avec la plus
grande rigueur et de bien mentionner les évaluations, les traitements,
les observations sur l’évolution du patient.
Pour défaut d’information, il convient de distinguer deux hypothèses :
• S’il est établi que le patient aurait pris une autre décision, s’il avait
été informé, il doit être indemnisé du préjudice avec possibilité de
procéder à une diminution de l’indemnisation en appliquant la
théorie de la perte de chance ;
• Si cette faute n’a pas eu de caractère déterminant, la responsabilité
du médecin peut être écartée.
Un lien de causalité
La cause du dommage est la conséquence de la faute. C’est parce que
les douleurs n’ont pas été prises en charge correctement, selon les
règles de l’art, que le patient a subi des douleurs “inutiles”. Une prise
en charge dans les règles de l’art aurait dû éviter les douleurs subies
par le patient ou les diminuer.
L’absence d’un seul de ces éléments contribue à écarter la responsabilité du médecin. Ainsi, si le médecin a donné « des soins consciencieux et conformes aux données actuelles et acquises de la science »
mais que les douleurs ont, malgré tout, persisté, la responsabilité du
médecin est écartée en raison de l’absence de faute.

PROFESSIONNELS

Dans un arrêt rendu par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, une
patiente, atteinte d’une dysphonie pour laquelle elle avait subi une
ablation d’un kyste épidermique sur une corde vocale et deux injections de Téflon, avait assigné le médecin l’ayant opérée en réparation
de son préjudice. Après avoir relevé que l’obligation d’information du
médecin porte sur tous les risques fréquents ou graves et normalement prévisibles, ainsi que sur les risques exceptionnels, la cour
d’appel a logiquement considéré que cette obligation ne saurait
porter sur un risque inconnu à l’époque des soins. Or, en l’espèce,
rien ne permet d’affirmer qu’au moment où les injections de Téflon
ont été réalisées, la nocivité de ce produit était connue et que celui-ci
n’était pas autorisé, de sorte qu’aucun manquement à l’obligation
d’information ne pouvait être retenu à l’encontre du médecin (cour
d’appel d’Aix-en-Provence, 10 e ch., sect. B, 21 février 2007, n°
04/11740, Madame Hélène C. épouse P. c/ Monsieur Michel G.).

DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES

La Cour de cassation, intervenue dans la célèbre affaire “Hédreul”, a
rappelé qu’un médecin, même s’il a manqué à son obligation d’information à l’égard du patient, peut parfaitement ne pas être condamné,
dès lors que cette faute n’a pas été déterminante dans la décision du
patient, en d’autres termes, dès lors que le patient n’aurait pas modifié
sa décision s’il avait été régulièrement informé. Cette solution a,
depuis, été confirmée à de très nombreuses reprises.

39
PROFESSIONNELS

DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES

Q L’absence de prise en charge de la douleur
qualifiée de faute

40

Par décision du 13 juin 2006, la responsabilité administrative d’un
centre hospitalier a été retenue pour absence de prise en charge de la
douleur d’un patient admis aux urgences. Vers 8 heures 30, ce patient
est admis aux urgences. À la suite de deux tentatives infructueuses de
sondage, une échographie est réalisée à 11 heures.
Dans l’attente d’un appel de l’urologue, l’interne tente à nouveau un
sondage avec succès à 15 heures 30. À 17 heures 30, le patient est
transféré au centre hospitalier départemental avec l’accord du chirurgien viscéral. Vers 18 heures 30, le patient décède.
La fille du défunt ne conteste pas les conditions de prise en charge de
son père. En effet, le décès de son père n’est pas la conséquence ni
d’un retard de prise en charge, ni d’une éventuelle inadaptation de
celle-ci.
En revanche, il est mis en avant l’absence totale de prise en charge de
la douleur : « Le centre hospitalier ne démontre ni l’impossibilité
d’administrer à l’intéressé des antalgiques majeurs par voie
veineuse ou sous-cutanée en raison de son âge et de sa tension artérielle, ni, dans cette hypothèse, l’absence d’utilité de l’administration par voie orale d’antalgiques mineurs ; que, compte tenu de
l’état de souffrance et de la pathologie de Monsieur L, l’absence de
tout traitement antalgique est constitutive d’une faute de nature à
engager la responsabilité du centre hospitalier ».
Tant le tribunal administratif que la cour d’appel reprochent l’absence de prise en charge de la douleur du patient : « […] L’absence de
tout traitement antalgique est constitutive d’une faute de nature à
engager la responsabilité du centre hospitalier ».
La faute retenue à la charge de l’établissement est bien l’absence de
toute prise en charge de la douleur du patient. Cette faute a aggravé
les souffrances physiques subies par Monsieur L. avant son décès. Dès
lors les conditions de droit pour retenir la responsabilité de l’établissement sont bien réunies : une faute, un dommage et le lien de causalité. C’est donc à bon droit que la demande de la fille du défunt a été
retenue : « Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme L. est
fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif a
limité à un euro le montant de l’indemnité mise à la charge du
centre hospitalier ; qu’il y a lieu de porter à 1 500 euros le montant
de cette condamnation […] ».

CONCLUSION
L’analyse des engagements (plans de lutte contre la douleur, textes
juridiques, décisions de justice, formation des professionnels, etc.)
laisse à penser que la prise en charge de la douleur évolue dans le bon
sens. Pourtant, entre l’engagement individuel des professionnels et
l’accompagnement matériel de cette volonté, des difficultés persistent. La bonne volonté, l’engagement contre la douleur est encore
trop souvent bloquée par des considérations économiques.
« La permanence et la durée ne sont promises à rien, pas même la
douleur » (Marcel Proust).
Partant de cette philosophie, on peut alors souhaiter que l’ensemble
des textes relatifs à la prise en charge de la douleur permettra à l’ensemble des soignants d’accomplir cette noble mission de soulager la
douleur des patients.

PROFESSIONNELS

Accentuer la prise en charge de la douleur des personnes âgées
Cette décision nous montre tout l’intérêt du troisième plan douleur
de citer parmi les cibles la prise en charge de la douleur de la
personne âgée. Le troisième plan va même au-delà en précisant que la
douleur doit être anticipée et utilise la notion de « bientraitance » en
référence à la prise en charge de la douleur des personnes âgées. Des
résistances semblent perdurer lors de la prise en charge de la douleur
des personnes âgées.
Dans la présente affaire, il est mis en évidence que le centre hospitalier ne prouve pas d’impossibilité ou de contre-indication à la mise en
place d’un traitement antalgique. Dans ces conditions, l’absence de
traitement antalgique constitue bien une faute (Cour administrative
d’appel de Bordeaux, 13 juin 2006) (16).

DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES

Précisions sur la procédure
Comme les faits se sont produits dans un établissement public, la
demande d’indemnisation est formée contre l’hôpital et devant le
tribunal administratif. C’est pour cette raison que le centre hospitalier
est mis en cause.

41
DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES

PROFESSIONNELS
42

Résumé
« La douleur n’est pas une fatalité », tel était le postulat de
départ du premier plan de lutte contre la douleur. Depuis, un
long chemin a été parcouru et la loi du 4 mars 2002 relative
aux droits des malades résume l’esprit de l’ensemble des
textes relatifs à la prise en charge de la douleur : « …Toute
personne a droit de recevoir des soins visant à soulager
sa douleur… ». À la notion de droit s’oppose celle de
devoir. Le médecin a dès lors l’obligation de prendre en
considération la douleur et de s’efforcer de la soulager. Le
cas échéant, il pourrait voir sa responsabilité civile et/ou
disciplinaire engagée.
Toutefois même si la prise en charge de la douleur fait
partie des priorités nationales, il n’en demeure pas moins
que le médecin reste tenu à une obligation de moyen et
non de résultat dans le cadre de la prise en charge de la
douleur.
Mots clés
Responsabilité pour faute.
Obligation de prise en charge de la douleur.
Information.
Plan de lutte contre la douleur.
Prévention de la douleur.
Références
1.

Loi du 4 février 1995 n°95-116 portant diverses dispositions d’ordre social,

2.

Ordonnance du 28 mai 1996 n°96-452 portant diverses mesures d’ordre sanitaire,
social et statutaire

3.

Loi du 4 mars 2002 n°2002-303 relative aux droits des malades et à la qualité du
système de santé

Certification des établissements de santé version 2

6.

Certification des établissements de santé projet de la version 3

7.

Circulaire du 24 septembre 1998 relative à la mise en œuvre du plan d’action triennal
contre la douleur dans les établissements de santé publics et privés

8.

Circulaire du 30 avril 2002 n°266 relative à la mise en œuvre du programme national
de lutte contre la douleur 2002-2005 dans les établissements de santé

9.

Plan d’amélioration de la prise en charge. de la douleur. 2006 – 2010

10. Circulaire n°98/94 du 11 février 1999 relative à la mise en place des protocoles
de prise en charge de la douleur aigue
11. Code de déontologie médical figurant dans le Code de la Santé Publique sous les
numéros R.4127-1 à R.4127-112
12. Décret 2004-802 du 29 juillet 2004 relatif aux parties IV et V Professions de santé
(Parties Réglementaires) du Code de Santé Publique Livre III Auxiliaires médicaux.
Titre Ier : Profession d’infirmier ou d’infirmière chapitre Ier : Exercice de la profession
Section 1 : Actes professionnels.
13. DHOS, Bureau P2, « Soins infirmiers: normes de qualité », Guide du service de soins
infirmiers, rubrique « Les prises en charge particulières », 2e éd., sept. 2001
14. Arrêté du 25 janvier 2005 relatif aux modalités d’organisation de la validation des
acquis de l’expérience pour l’obtention du diplôme professionnel d’aide-soignant
15. Loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie et décret n° 2006119 du 6 février 2006 sur les directives anticipées
16. Cour administrative d’appel de Bordeaux, 13 juin 2006 ;

DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES

Loi n°2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique

5.

PROFESSIONNELS

4.

43
3. MISSION

DU MÉDECIN EXPERT
DANS UNE ACTION JUDICIAIRE
Nathalie Lelièvre

Qu’elle soit ou non demandée, l’expertise est de plus en plus souvent
ordonnée par le juge. En effet, la décision de diligenter une expertise
dans un contentieux relève de la volonté du juge. S’il estime que celleci n’apportera rien de plus aux débats, il est en droit de la refuser.
Cependant, dans le contentieux de la responsabilité médicale, le juge
désigne généralement un expert pour qu’il soit procédé aux constatations médicales.
Le choix de l’expert relève également de la seule volonté du juge. Les
parties (la demande ou la défense peuvent suggérer un expert mais le
juge est libre de désigner un autre expert). La raison est simple,
l’expert doit être impartial et, pour mener sa mission en toute indépendance vis-à-vis des parties, il ne doit pas les connaître. Si tel était le

MISSION

Si le calcul de l’indemnisation de la victime pour réparation du préjudice relève de l’appréciation souveraine des juges, il n’en demeure
pas moins que, préalablement, le juge a recours à un expert médical
pour statuer en connaissance de cause. En effet, le juge a besoin de
s’appuyer sur des connaissances techniques pour rendre sa décision.
L’expertise médicale permet d’éclairer le juge sur les soins prodigués
au patient. En matière civile, pénale ou administrative, le juge saisi de
l’affaire va nommer un expert inscrit sur la liste des experts auprès de
la cour d’Appel.

DU MÉDECIN EXPERT DANS UNE ACTION JUDICIAIRE

« Dès 1606, Henri IV prescrivait dans un édit
que son premier médecin commettrait dans les villes, bourgs
et lieux du royaume, un ou deux chirurgiens pour assister aux visites
et rapports qui se feraient par ordonnance de justice
et autrement. Les premières listes de médecins experts
sont apparues à la fin du dix-neuvième siècle à la suite
d’une loi du 30 novembre 1892. » (1)

45
cas il en informerait le juge qui désignerait un nouvel expert.
Lorsque le juge ordonne une expertise, il énonce la mission de
l’expert. Celle-ci est très précise. Le rapport de l’expert judiciaire est
fondamental pour le juge appelé à rendre une décision dans le cas
d’une action en responsabilité médicale.
Le rapport de l’expert est un véritable instrument de travail qui doit
être compréhensible, fiable et exploitable, permettant au juge de
rendre en pleine connaissance de cause une décision de justice.

MISSION

DU MÉDECIN EXPERT DANS UNE ACTION JUDICIAIRE

LA MISSION DE L’EXPERT

46

Le juge doit mentionner les points sur lesquels l’expertise porte.
Ainsi, dans le cas du contentieux de la responsabilité médicale, il
pourra être demandé de rechercher et décrire les blessures résultant
de l’acte, leur nature, leur gravité, leurs conséquences, les soins, les
traitements prodigués et ceux qui ont été nécessaires en raison de
l’éventuelle carence de soins, de prise en charge de la douleur (la
chronicité des douleurs du patient sont-elles la conséquence d’une
carence dans la prise en charge de sa douleur suite à l’intervention ?)
Il doit également préciser la durée de l’incapacité temporaire, la date
de consolidation et les taux successifs d’incapacité permanente
partielle dont la victime a été et demeure atteinte. Il doit aussi donner
son avis sur la gravité des souffrances subies pour évaluer le pretium
doloris, préjudice esthétique, corporel, etc.
La mission de l’expert est de reconstituer l’histoire médicale. Cette
reconstitution se fait, d’une part, par l’étude approfondie des pièces
du dossier, et d’autre part, par l’audition des parties.
La mission confiée à l’expert peut porter sur :
• l’étude du dossier, l’audition des témoins, lorsque leur témoignage
est indispensable au bon éclairage de la justice ;
• l’appréciation des faits médicaux tels qu’ils se sont déroulés : décrire
si les soins prodigués ont été « conformes aux données actuelles et
acquises de la science » et décrire s’il existe une éventuelle inobservation des règles de l’art dans l’administration des soins ;
• la recherche des causes des séquelles ;
• la relation de cause à effet entre la faute et le dommage ;
• la description des préjudices de la victime.
DÉROULEMENT DE LA MISSION D’EXPERTISE
1re étape : l’information de l’expert sur sa mission
Dès le prononcé de la décision, l’expert est avisé de sa mission pour
qu’il puisse dire s’il l’accepte ou la refuse. Il est alors tenu de respecter
la mission confiée, « rien que la mission, toute la mission ».
2e étape : la communication des documents à l’expert
Le code de procédure civile réglemente la remise des documents

MISSION

Il peut arriver que l’expert ait recours à un spécialiste pour l’aider sur
une question précise comme l’organisation de la prise en charge de la
douleur. L’expert désigné est peut-être spécialisé dans la pathologie du
patient mais si une question porte précisément sur la prise en charge
des douleurs, la chronocité des douleurs, l’expert pourra faire appel à
un professionnel de santé spécialisé en la matière. Sa fonction peut être
soit d’intervenir pour décrire les douleurs de la victime et aider
l’expert, et ensuite les magistrats, à évaluer et quantifier le pretium
doloris. Mais il peut être aussi appelé dans le cadre de l’appréciation de
la prise en charge de la douleur. Par ses connaissances et sa pratique,
il va permettre de déterminer si la prise en charge de la douleur par le
professionnel de santé mis en cause répond bien aux pratiques ou s’il
existe une carence dans la prise en charge de la douleur. L’expert est
libre du choix du sapiteur (“le sachant” technicien dit “homme de l’art”
qui intervient sur demande d’une juridiction ou d’un expert pour
donner son avis sur un problème technique) (4). L’expert ne peut solliciter l’avis d’un autre technicien que dans une spécialité différente de la
sienne. Il joint son avis à son rapport et le communique aux parties
avant le dépôt de son rapport pour recueillir les observations de
chacun et respecter ainsi le principe du contradictoire.

DU MÉDECIN EXPERT DANS UNE ACTION JUDICIAIRE

La démarche est délicate. L’expert doit se prononcer sur le fait de
savoir si le professionnel de santé mis en cause a agi selon les règles
de l’art ou non. Il doit se placer au moment où l’acte a été accompli. Il
lui est demandé de dire ce qui se fait en pratique dans une situation
donnée et non ce qui pourrait ou aurait pu se faire en théorie. Il doit
se limiter strictement aux faits, au descriptif de la situation, des lésions
du patient. Il ne doit pas émettre d’avis juridique.

47
MISSION

DU MÉDECIN EXPERT DANS UNE ACTION JUDICIAIRE

dont le dossier à l’expert. Il peut se faire adresser par le secrétaire de
la juridiction dossiers et documents des parties (article 268 du
nouveau code procédure civile, NCPC). Les parties doivent remettre
sans délai à l’expert tous les documents que celui-ci estime nécessaire
à l’accomplissement de sa mission (article 275). Il prend connaissance
de l’intégralité du dossier préalablement à la convocation des parties.
Tous documents transmis par une partie à l’expert sont communiqués à l’ensemble des parties pour qu’elles puissent faire part de ses
observations sur le dit document.

48

3e étape : la convocation des parties
Pour respecter le principe du contradictoire (2), l’expert doit convoquer les parties aux réunions d’expertise et chacune a la possibilité
de communiquer à l’expert des observations. L’expert doit prendre
toutes les dispositions nécessaires pour que les opérations d’expertise se déroulent en présence de l’ensemble des parties à l’affaire
(demande et défense) dûment convoquées.
Tout au long du déroulement de sa mission, l’expert se doit de
garantir le principe du contradictoire.
4e étape : l’expertise
Les parties peuvent se faire assister lors des séances d’expertise par
leur avocat. Tout au long de la mission d’expertise, les parties peuvent
communiquer au médecin expert des observations écrites que l’on
appelle « les dires » : l’expert doit les prendre en considération et lorsqu’ils sont écrits, ils doivent être joints à l’avis si les parties le demandent. L’expert doit de plus préciser dans son avis de la suite donnée
aux observations et réclamations présentées. (Article 276 NCPC). S’il
est demandé à l’expert de formuler une observation qui n’entre pas
dans le cadre de sa mission, il précise dans l’avis rendu les raisons pour
lesquelles il n’a pas donné de suite favorable à la requête d’une partie.
L’expertise comprend entre autre l’interrogatoire du patient et
l’examen de ses bilans médicaux. S’il le juge nécessaire, il peut
demander au médecin traitant des renseignements. Cependant, le
médecin traitant n’étant pas partie à l’affaire, il peut, à juste titre,
opposer le secret médical. Dans ce cas, l’expert peut remettre au
patient le questionnaire pour que son médecin traitant le complète et
le remette au patient qui le remettra au médecin expert. Un procédé
quelque peu complexe mais nécessaire pour recueillir des informa-
MISSION

5e étape : la rédaction du rapport destiné au juge
Le rapport se compose de trois parties, une partie consacrée au
résumé des faits, puis dans un deuxième temps une appréciation
d’ordre médico-légal. La dernière partie est une réponse aux questions posées par le juge. La réponse doit être claire, précise et étayée
par des arguments médicaux et bibliographiques.
L’appréciation de la notion d’existence d’une faute médicale relève
de la compétence du juge et non de l’expert. La mission de l’expert
est de se prononcer sur l’existence d’une faute lors de l’administration des soins et de ses répercussions pour le patient.
L’appréciation de la faute doit tenir compte des circonstances dans
lesquelles l’incident est survenu. Pour cela, le dossier médical est une
pièce essentielle pour l’expert. Il lui permet de reconstituer l’historique, la chronologie des faits, les personnes intervenues. Le dossier
ne doit pas être perçu comme un élément susceptible d’être utilisé à
charge des professionnels de santé. Bien au contraire, il permet non
seulement à l’expert mais également à l’ensemble des professionnels
de justifier les conditions et motifs de leurs interventions.
L’expertise est la phase déterminante de la procédure. Les conclusions de l’expert vont éclairer le juge et lui serviront de référence
pour rendre sa décision.

DU MÉDECIN EXPERT DANS UNE ACTION JUDICIAIRE

tions dans le respect des droits de chacun. En revanche, un médecin
mis en cause dans une affaire est en droit de communiquer tous les
éléments nécessaires au médecin expert sans qu’il lui soit opposé le
secret médical. En effet, il serait contraire aux droits de la défense
d’interdire à un professionnel de santé de communiquer des informations portant sur l’état de santé et les examens du patient victime
d’un dommage.
Lorsque l’expert estime que sa mission est achevée, il en avise les
parties pour qu’elles communiquent leurs dires avant la date de
clôture. Il rédige son rapport et le dépose au greffe. Une copie sera
alors communiquée aux parties.

49
L’ÉVALUATION DE LA DOULEUR

MISSION

DU MÉDECIN EXPERT DANS UNE ACTION JUDICIAIRE

L’appréciation du prix de la douleur ne relève pas de la compétence
de l’expert mais du juge à partir du rapport remis par l’expert où il a
décrit les douleurs du patient.

50

Il est important que l’expert décrive précisément les séquelles, l’importance des douleurs, les traitements afin de fournir aux juges les
éléments nécessaires pour évaluer l’indemnité correspondante aux
souffrances endurées. La nature des douleurs et leurs répercussions
sont différentes selon l’âge du patient, ses activités, sa situation socioprofessionnelle ; c’est-à-dire les répercussions de ces douleurs sur le
quotidien du patient.
L’expert doit les décrire avec minutie pour ensuite permettre aux
juges de quantifier « le prix de la douleur ».
Dans les rapports d’experts, les souffrances endurées sont codifiées
selon un barème qui va de “1 très légère” à “7 très importante”. Pour le
patient, le fait de lire “cotation 3 douleur modérée” peut être pour le
moins déconcertant eu égard aux douleurs qu’il a ressenties, qu’il
considérait comme importante et cotait à 8 sur l’échelle EVA quand
les professionnels de santé lui demandaient d’évaluer sa douleur pour
déterminer l’efficacité ou non de sa prise en charge. C’est parfois
toute la complexité entre le langage juridique et médical.

QUELLE LÉGITIMITÉ ACCORDER AUX
RECOMMANDATIONS DES SOCIÉTÉS SAVANTES ?
Les recommandations officielles comme celles émanant, notamment,
de l’Has, l’Affsaps, ont une force probante et se doivent d’être prises
en compte par les professionnels de santé. Les experts et juges saisis à
l’occasion d’un litige attacheront de l’importance au respect de ces
recommandations. Cela ne signifie pas que les recommandations
émanant des professionnels sont sans valeur. Bien au contraire, il
convient cependant d’examiner l’indépendance de la réalisation des
recommandations et de la garantie scientifique. En l’occurrence,
experts et juges s’interrogeront sur la mise en place d’un travail de
réflexion, la mise en place d’actions de prévention, la prise en charge
de la douleur (CLUD, protocoles, formation des professionnels). Ainsi,
l’expert pourra s’appuyer sur des recommandations comme celles de
la SFAR relatives « à la prise en charge de la douleur postopératoire
chez l’adulte et l’enfant » (novembre 2008). Ces recommandations,
même si elles n’ont pas un caractère obligatoire comme un texte de
loi, ne peuvent être ignorées ou écartées par les professionnels de
santé sans motif légitime. L’expert pourrait reprocher à une équipe de
ne pas les avoir intégrées dans leur démarche de réflexion et qualité
de la prise en charge de la douleur dès lors que ces recommandations
s’inscrivent pleinement dans le sens des plans douleurs et de l’amélioration de la prise en charge du patient.
Les juges seront particulièrement sévères face aux professionnels qui
ne tiennent pas compte des recommandations pour limiter le risque
de carence.

Commet le Dr ………… demeurant à ………… en qualité d’expert
avec mission de : (5)
1/ Examiner ………… [Décrire les lésions] qu’ [il ou elle] impute à
l’accident dont [il ou elle] a été victime le ………… 200X… à
…………, indiquer les examens, soins et interventions dont la victime
a été l’objet, leur évolution et les traitements appliqués ; préciser si ces
lésions sont bien en relation directe et certaine avec l’accident ;
Phase importante de l’expertise : la responsabilité administrative ou
civile peut être retenue à partir du moment où les trois conditions
requises sont réunies, c’est-à-dire une faute, un dommage, un lien de
causalité. L’absence d’un seul de ces éléments et la responsabilité
peut être écartée. Depuis la loi du 4 mars 2002, le principe est la
responsabilité pour faute.
En l’occurrence, il est demandé à l’expert de préciser si les lésions
sont la conséquence directe de l’accident ou si elles sont liées à l’évo-

MISSION

À partir d’un exemple de mission susceptible d’être confiée à un
expert, il s’agit de faire le point sur les principaux chefs de préjudices
et de mettre en exergue l’importance de l’expertise dans le contentieux de la responsabilité médicale.

DU MÉDECIN EXPERT DANS UNE ACTION JUDICIAIRE

EXEMPLE D’UNE MISSION D’EXPERTISE
MÉDICALE

51
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Douleur douleur et aspects medico legaux

  • 1. 279080907 DOULEUR ET ASPECTS MÉDICO-LÉGAUX DOULEUR ET ASPECTS MÉDICO-LÉGAUX
  • 3. DOULEUR ET ASPECTS MÉDICO-LÉGAUX Françoise Béroud Coordinateur INSTITUT UPSA DE LA DOULEUR 3, rue Joseph Monier - BP325 92506 Rueil-Malmaison Cedex Tél : 01 58 83 89 94 Fax : 01 58 83 89 01 E-mail : institut.upsa@bms.com Site : www.institut-upsa-douleur.org Les notions exposées dans ce livre sont destinées à compléter et non à remplacer les connaissances médicales des professionnels formés en la matière. Les auteurs et les coordinateurs déclinent toute responsabilité directe ou indirecte dans l’usage pouvant être fait de cet ouvrage. ISBN : 2 - 910844 -17- X Conception : A Éditorial Paris 01 42 40 23 00 Couverture : crédit photo, Monnaie de Paris, Photographe : Jean-Jacques Castaing Dépôt légal 3e trimestre 2009
  • 5. LES AUTEURS Dr Frédéric Aubrun Médecin anésthésiste, Département d’anesthésie réanimation-chirurgicale, Groupe Hospitalier Pitié Salpêtrière, Paris frederic.aubrun@psl.aphp.fr Céline Avengozar www.assistance-handicap.com Gilles Barbier www.handicap.fr, Lyon Dr Jacqueline Cardona Médecin légiste spécialisée Santé publique jacqueline.cardona@etsm-lyon-cnamts.fr Nathalie Lelièvre Juriste droit de la santé, Membre de la commission Éthique et Douleur, AEU droit médical, DESS droit de la santé Chargée de formation, Lyon, lelievrenath@wanadoo.fr LES AUTEURS Dr Alain Serrie Président d’honneur de la Société Française d’Étude et de Traitement de la Douleur alain.serrie@lrb.aphp.fr 5
  • 6. SOMMAIRE 1• Introduction - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 9 Alain Serrie 2• Professionnels de santé - - - - - - - - - - - - - - - - 21 et prise en charge de la douleur : les règles juridiques Nathalie Lelièvre Douleur et droits, quelles évolutions ? Les acteurs de la prise en charge de la douleur Les bénéficiaires de la prise en charge Douleur et fin de vie : que dit la loi Léonetti ? Définition de l’obligation de prise en charge de la douleur Douleur et justice Conclusion 3. Mission du médecin expert - - - - - - - - - - - - 45 dans une action judiciaire Nathalie Lelièvre La mission de l’expert Déroulement de la mission d’expertise L’évaluation de la douleur Quelle légitimité accorder aux recommandations des sociétés savantes ? Exemple d’une mission d’expertise médicale Conclusion SOMMAIRE 4. Place des protocoles dans la prise - - - - - 57 en charge de la douleur : l’exemple de l’analgésie postopératoire 6 Dr Frédéric Aubrun Introduction Terminologie Genèse d’un protocole Exemple de protocole : le projet PROCEDOL Conclusion
  • 7. 5• Indemnisation des séquelles - - - - - - - - - - - - 71 en droit de la sécurité sociale Dr Jacqueline Cardona L’incapacité permanente (IP) en accident du travail Pension d’invalidité Frais de reclassement professionnel 6• Handicap et douleur, la réinsertion - - - - 77 professionnelle et sociale Gilles Barbier, Céline Avengozar La reconnaissance du handicap et les droits du patient La reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé L’orientation professionnelle La formation professionnelle Les contrats Les acteurs et aides pour la réinsertion professionnelle L’aménagement du poste de travail Les services d’aide et de conseils L’aménagement du logement Conclusion 7• Annexes - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 99 100 108 110 111 116 SOMMAIRE Annexe I : Questions - Réponses - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - Annexe II : L’expert judiciaire : fiche pratique - - - - - - - - Annexe III : L’infirmier expert judiciaire - - - - - - - - - - - - - Annexe IV : Barème indicatif d’invalidité UCANSS - - - - Annexe V : Liste des affections de longue durée fixée par le code de la sécurité sociale - - - - - - - - - - - - - - - 7
  • 8. 1. INTRODUCTION Alain Serrie La prise en charge de la douleur n’est pas seulement un véritable enjeu de santé publique, critère de qualité et d’évolution d’un système de santé, mais un problème de société. Désormais, des considérations éthiques et morales ne peuvent plus être écartées de l’élaboration et de la mise en application d’un projet de soins. Une information adaptée doit être donnée, surtout en matière de prise en charge de la douleur : elle doit répondre à ce que le patient est en droit d’attendre. Il n’est plus imaginable, aujourd’hui, de développer un objectif prioritaire de santé publique, sans la participation de l’ensemble des soignants : médecins, infirmiers(ères), étudiants, kinésithérapeutes, psychologues, agents hospitaliers… ainsi d’ailleurs que sans celle des représentants des usagers du système de santé, c’est-à-dire le patient et sa famille. La lutte contre la douleur est inséparable de l’évolution de ces idées. INTRODUCTION La douleur n’est ni une rédemption, ni une fatalité ou une punition, son soulagement peut jouer un rôle dans la guérison de la personne malade. Socialement, la douleur peut être si invalidante qu’elle interdit ou empêche toutes activités artisanales, agricoles, sociales et professionnelles pour celui qui souffre. La souffrance peut être si intense qu’elle laissera des cicatrices indélébiles. Sa prise en charge répond à un objectif humaniste, éthique et de dignité de l’homme en raison des retentissements physique et psychique. Elle induit un handicap qui exclut progressivement ou brutalement le patient de la société, devient une source d’exclusion supplémentaire et un facteur d’inégalité sociale. De plus le patient douloureux n’est pas l’unique “victime”, l’entourage familial, social, professionnel devient lui aussi “victime”. 9
  • 9. INTRODUCTION Les systèmes de santé doivent se soucier autant du malade que de la maladie. Il n’est plus admissible que l’on se préoccupe exclusivement de l’efficacité des moyens thérapeutiques mis en œuvre. Avec la fièvre et la fatigue, la douleur est un des premiers motifs de consultation médicale. En France (1) : un des premiers motifs de consultation : 31,7 % des patients interrogés (20 605 000 Français) présentent des douleurs chroniques, pour 19,9 % (12 935 000) elles sont d’intensité modérées à intenses. 46,3 % d’entre eux ont moins de 60 ans. La douleur est le principal symptôme entraînant un recours urgent ou non programmé à la médecine de ville (75 % des patients DREES 2007) (2). En Europe (3) : 20 % des adultes européens ont une ou plusieurs douleurs. L’intensité médiane est de 5 sur 10 sur une durée médiane de 6 mois. Un tiers considère leur douleur comme insupportable et 1 sur 6 ont déjà pensé au suicide. Les douleurs chroniques rebelles sont sources d’incapacités, de handicaps, d’invalidité et d’altérations majeures de la qualité de vie. Outre les aspects humains ou médicaux, les douleurs chroniques ont des conséquences économiques : absentéisme au travail, puis arrêt de travail aboutissant à l’invalidité, incapacité des sujets à assumer leurs rôles familiaux et sociaux. L’enquête observationnelle sur les patients atteints de douleurs neuropathiques montre que 65 % d’entre eux ont moins de 60 ans et que la majorité d’entre eux sont en arrêt maladie prolongée (> 6 mois), voire en invalidité de 1re et 2e catégories (4). Les répercussions financières sont importantes : 100 milliards de dollars par an aux USA (5), il n’y a pas d’étude en France. Cette succession de chiffres montrent, s’il en était besoin, l’importance de ce problème de société. 10 D’autre part, d’après des projections basées sur des hypothèses modérées, le nombre de personnes âgées de 65 ans et plus qui était de 7,8 millions en 1990, va dépasser les 13 millions en 2020 soit un accroissement de deux tiers. Quant au grand âge, celui des seniors de 85 ans et plus, il va exploser : son effectif de moins de 900 000 en 1990 va dépasser les 2 millions en 2020, soit un coefficient multiplicateur de 2,4. Dès lors, on comprend que la survenue de pathologie rhumatologique ou cancéreuse et de toutes douleurs est à prévoir en plus grand nombre pour cette population. La douleur peut, également et surtout, survenir sans que soit mise en jeu l’espérance de vie : ce sont les douleurs chroniques bénignes, qui
  • 10. Loin de l’idée de comparer ce qui ne l’est pas, on peut quand même affirmer que c’est par la rencontre de médecins curieux, d’horizons différents, et par la reconnaissance de leurs échecs qu’est née la réanimation. Spécialité “transversale” faisant appel à la cardiologie, à la pneumologie, à l’infectiologie, à la pédiatrie… La prise en charge de la douleur est elle-même une activité par définition trans- ou pluri-disciplinaire (selon ceux qui en parlent) et donc transversale. L’analogie s’arrête là. S’il fallait répondre à la question : la douleur sera-t-elle une spécialité ? La réponse est oui, mais la question n’est pas d’actualité. Non seulement l’époque et les mentalités ne sont pas prêtes, mais le bien-fondé même de cette interrogation mérite que l’on s’y arrête. Plusieurs pays européens ont réalisé de réelles avancées allant dans le sens de la reconnaissance de la discipline. Dans notre pays, un petit nombre de médecins “pionniers” ont conduit une véritable action de militant dont les buts étaient, entre autres, de changer les comportements et d’introduire une véritable “culture anti-douleur” dans les pratiques médicales. Ils ont préparé le terrain pour la génération qui suit, qui verra probablement la naissance de cette spécialité. Mais la douleur, c’est l’affaire de tous “les acteurs de notre système de soins”, comme l’on dit maintenant en termes énarchisés, et il faut que dans la plupart des cas le médecin “référent” soit attentif à la plainte de son patient, et qu’il puisse diagnostiquer et traiter. Il fallait donc développer les formations universitaires et post-universitaires, intégrer l’enseignement de “la douleur et de sa prise en charge” dans le cursus des études médicales, dite formation initiale, de façon à ce que les futures générations de médecins formés de façon plus spécifique puissent théoriquement répondre à cette interrogation. Dans ce INTRODUCTION d’ailleurs devraient être identifiées sous une autre appellation. En effet, une douleur qui persiste pendant des années, voire des dizaines d’années, n’a vraiment rien de bénin. Elle va avoir des répercussions tellement importantes que la vie du patient va être transformée, entraînant absentéisme, voire chômage ou licenciement, difficultés familiales (rejet, rupture, divorce ou au contraire maternage, infantilisme…), psychologiques (anxiété, dépression…), médico-légales (invalidité, procès…). Ces douleurs-là ne vont pas diminuer la vie, mais vont la rendre impossible. Elles doivent, là aussi, être prises en charge dans une structure spécialisée disposant d’une prise en charge spécifique et d’un éventail thérapeutique moderne. 11
  • 11. INTRODUCTION domaine, ce qui a été fait est bien décevant, puisque ce ne sont qu’une vingtaine d’heures qui sont obligatoires au cours de la deuxième partie du deuxième cycle des études médicales. Les Instituts de Formation en Soins Infirmiers ont développé beaucoup plus largement cet enseignement, ce qui aura très probablement des conséquences pratiques, puisque celui ou celle qui réalise la prescription sera mieux formé que le prescripteur. 12 Il y a 20 ans, les premières structures ouvraient leur porte dans notre pays. Comme pour toute nouveauté, il s’agissait d’initiatives médicales de terrain, développées avec le soutien des communautés médicales locales, sans l’aide d’une réglementation administrative sur laquelle s’appuyer ou de textes juridiques qui permettent de donner sinon une officialisation, du moins une reconnaissance à cette activité nouvelle. En fait, tout était lié à la bonne volonté de chacun et fonctionnait grâce à la générosité des services, l’un prêtant des locaux, l’autre des vacations ou des heures de secrétariat, et le plus souvent la personnalité de celui qui en prenait l’initiative comptait pour beaucoup. Au fil des années, elles se sont multipliées de façon anarchique sans aucun contrôle de qualité, n’offrant pas forcément des garanties de soins identiques en fonction des régions, avec des appellations “non contrôlées” : centre anti-douleur, unité d’évaluation, unité de prise en charge, unité de diagnostic et de traitement, département ou encore clinique de la douleur… Il était difficile aux patients, comme aux médecins d’ailleurs, de s’y retrouver. Il y avait là, une nécessité évidente de pouvoir parler de la même “chose”. La plupart des médecins travaillant dans ces différentes structures dépendent de leur service d’origine et ont, pour certain d’entre eux, une activité propre à leur spécialité d’origine réduite à la moitié, au quart, voire inexistante, avec une activité anti-douleur inversement proportionnelle. Cette activité étant réalisée au détriment de celle pour laquelle ces médecins ont été nommés et grâce à la bonne volonté des collègues de leur service d’origine. Cette situation de fait devait être avalisée, facilitée ou empêchée. Il fallait transformer cette organisation artisanale et plusieurs textes officiels, aidés par la prise de conscience du corps médical et par la médiatisation du public, ont permis d’aller plus avant. L’article L 1112-4 du livre VII du Code de Santé Publique est clair : “Les établissements de Santé mettent en œuvre les moyens propres à
  • 12. “L’identification” des structures, qui a été réalisée fin 1998, était un pas de plus. Cette identification peut être comprise comme un concept intermédiaire se situant entre autorisation, agrément, habilitation et accréditation. En l’occurrence, et à défaut d’un support réglementaire qui aujourd’hui n’existe toujours pas dans le domaine de la santé, l’identification procède de la publication par les autorités de tutelle de la liste des établissements disposant de structures de lutte contre la douleur. Ces mesures ont permis d’aboutir à trois niveaux organisationnels : Consultation de la douleur (82 en 1998), Unité d’évaluation et de traitement de la douleur (56 en 1998) et Centre d’évaluation et de traitement de la douleur (22 en 1998) qui possèdent une triple vocation (clinique, enseignement, recherche). Elles sont environ 275 en 2008. Cette procédure était une des mesures qui composaient le premier plan gouvernemental triennal de lutte 1998-2001 contre la douleur que l’Institut UPSA de la douleur a largement accompagné et relayé. Le plan de Bernard Kouchner a été une réelle avancée : il était nécessaire et indispensable, mais nous savions qu’il serait insuffisant. Il a permis de faire évoluer les mentalités, mais nombre de mesures n’ont pas été appliquées. Certaines mesures ont été réalisées, prises isolément elles sont réductrices, mais elles constituaient les pièces d’un puzzle, qui assemblées, avaient l’ambition de donner une image : l’amélioration de la qualité de prise en charge de la douleur dans notre pays. Quelles sont-elles ? Carnet douleur remis normalement à tous les hospitalisés, EVA attribuée à tous les personnels de santé, suppression du carnet à souches, création de 37 postes de praticiens hospitaliers et d’une vingtaine de postes d’infirmiers, attribution de 380 pompes dites PCA... Par ailleurs, 170 Comités de Lutte Contre la Douleur sont créés, un INTRODUCTION prendre en charge la douleur des patients qu’ils accueillent. Ces moyens sont définis par le projet d’établissement visé à l’article L.6143-2.” “Les centres hospitaliers et universitaires assurent, à cet égard la formation initiale des médecins et diffusent les connaissances acquises en vue de permettre la réalisation de cet objectif en ville comme dans les établissements.” De même, le nouveau Code de Déontologie Médicale sous les numéros R.4127-1 à R.4127-112, dans ses articles R.4127-37 et R.4127-38, précise clairement les devoirs du médecin en ce qui concerne les douleurs et leur prise en charge. 13
  • 13. chapitre spécifique douleur de la nouvelle Nomenclature Commune des Actes Médicaux a été initié, la quasi totalité des Agences Régionales d’Hospitalisation ont débloqué des crédits sur la base d’appel d’offres, un site web douleur a été ouvert à tous les citoyens. La circulaire DGS/DH n˚ 99/84 du 11 février 1999, relative à la mise en place de protocoles de prise en charge de la douleur aiguë par les équipes pluridisciplinaires médicales et soignantes des établissements de santé et institutions médico-sociales, s’appuie sur le premier plan triennal de lutte contre la douleur. Elle incite les équipes médicales et soignantes à élaborer des protocoles autorisant les infirmiers à utiliser certains antalgiques, conformément aux dispositions de l’article 8 du décret n˚ 93-345 du 15 mars 1993. INTRODUCTION D’autres ne sont pas réalisées : un logiciel pédagogique devait être remis à tous les professionnels ainsi qu’un guide d’auto-évaluation des structures et un guide méthodologique destiné aux professionnels et aux directeurs d’établissement, 1000 PCA devaient être attribuées. La mesure de satisfaction des patients devait être systématisée à la sortie d’hospitalisation. La durée de prescription des opioïdes était de 7, 14 et 28 jours, ce qui était obsolète, la durée de délivrance est ramenée à 28 jours (le mois européen) comme dans la plupart des pays européens. L’élaboration d’un volet spécifique du SROS (Schéma Régional d’Organisation Sanitaire) consacré à la lutte contre la douleur rebelle structuré en réseau devait être généralisée. 14 Ces quelques exemples se situent à la fois dans un champ de demande des patients toujours plus important, et dans un élargissement des problématiques ; car, dans les années qui viennent, les douleurs aux âges extrêmes de la vie, principalement celles du sujet âgé en rapport avec l’allongement irréversible de l’espérance de vie, et les douleurs nosocomiales, celles qui sont induites par les soignants et rendues “incontournables” par les thérapeutiques, seront les véritables priorités de santé publique, auxquelles nous seront confrontés. De même que celles qui sont le quotidien des soignants qui travaillent en santé mentale. Du point de vue organisationnel, il faut aider à la mise en place des réseaux ; la création de services de la douleur est incontournable : il en existe deux ou trois en France, mais les nombreux exemples européens en font une réalité.
  • 14. Il était évident que tous les problèmes étaient loin d’être réglés (pérennisation des mesures entreprises, renforcement des moyens des structures de prise en charge de la douleur chronique, financements, postes, vacations : dans la plupart des structures les rendezvous étaient à 2 ou 3 mois, en 2008 le délai est 3, 4, voire 5 mois) et qu’il existait une grande inquiétude sur la volonté des pouvoirs publics et des tutelles de toujours considérer la douleur et sa prise en charge comme une priorité de santé publique. Les priorités nationales pour le second plan 2002-2005 ont concerné la migraine, les douleurs provoquées par les soins et la douleur de l’enfant. Dans ce deuxième plan national de lutte contre la douleur était inscrite l’organisation d’Etats Généraux dont la responsabilité a été confiée aux quatre collèges [Collège National des Médecins de la Douleur (CNMD), Collège National des Enseignants Universitaires de la Douleur (CNEUD), Collège National des Chirurgiens Dentistes de la Douleur (CNCDD), Collège National des Psychologues de la Douleur (CNPD) et à la Société Française pour l’Étude et le Traitement de la Douleur (SFETD)] auxquels se sont associés les patients à travers le Collectif Inter-associatif Sur la Santé (CISS). Les objectifs étaient de susciter une dynamique nationale et régionale permettant de mobiliser les différents acteurs des systèmes de soins de les intégrer dans une réflexion régionale, interrégionale et nationale et de réunir tous les acteurs de la société civile et de mobiliser les collectivités locales en impliquant les acteurs locaux et régionaux à la faveur de débats de sensibilisation à la lutte contre la douleur. Plusieurs travaux ont été réalisés : • des enquêtes nationales : auprès du grand public (TN SOFRES Santé, 3 000 personnes interrogées), auprès des professionnels libéraux (envoi de 10 000 questionnaires sur toute la France à six catégories de INTRODUCTION Le premier plan devait être poursuivi, amplifié, la difficulté majeure était l’absence d’une enveloppe budgétaire nationale : le financement des mesures d’amélioration de la qualité de prise en charge des patients douloureux ne pouvait être laissé à la seule “bonne volonté” et initiative des ARH. Les fonds dépendant des ARH, leur volume financier était constant, il fallait enlever aux uns ce que l’on donne aux autres. 15
  • 15. INTRODUCTION professionnels libéraux : médecins généralistes, médecins spécialistes, chirurgiens dentistes), auprès des établissements de santé (3 102 questionnaires sur toute la France), auprès de 29 pays d’Europe (réponse de 27 pays sur 29), et enfin analyse des prescriptions et ventes de médicaments contre la douleur (ventes de médicaments anti-douleur entre 1988 et 2000 (rapport AFSSAPS édité en 2002, base MEDICAM 2000/2001, base de prescription THALES 2002 – panel de médecins libéraux). • des enquêtes régionales (Aquitaine, Basse-Normandie, LanguedocRoussillon, Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Rhône-Alpes) ont été menées afin de décrire les modalités d’information, de diagnostic, de traitement et de suivi des patients douloureux ainsi que les résultats de cette prise en charge pour les patients douloureux. 8 919 patients, 606 médecins, 841 infirmières ont participé, ce qui fait de ce travail le plus important jamais réalisé. Ces travaux ont été finalisés par la tenue des Assises Nationales de la Douleur qui se sont déroulées à Paris le 14 juin 2005 au Palais de la Mutualité sous le haut parrainage de Monsieur Jacques Chirac, Président de la République. Un livre blanc a été publié, 5 axes d’action et 15 propositions se sont dégagés qui ont permis, entre autre, la préparation du troisième plan gouvernemental de lutte contre la douleur. 16 Le 3e plan gouvernemental de lutte contre la douleur 2006-2010, annoncé le 26 octobre 2005 en conseil des Ministres a été dévoilé le vendredi 3 mars 2006 par Xavier Bertrand, Ministre de la Santé et des solidarités, à l’hôpital Lariboisière à Paris. Il repose sur 4 axes : • Améliorer la prise en charge des douleurs des populations les plus vulnérables, notamment des enfants et des adolescents, des personnes polyhandicapées, des personnes âgées et en fin de vie. • Améliorer la formation pratique initiale et continue des professionnels de santé pour mieux prendre en compte la douleur des patients. • Améliorer les modalités de traitement médicamenteux et d’utilisation des méthodes non pharmacologiques pour une prise en charge de qualité. • Structurer la filière de soins de la douleur, en particulier celle de la prise en charge des douleurs chroniques dites rebelles, pour rendre plus efficace le dispositif. Le coût total du plan est évalué à 26,74 millions d’euros sur la durée
  • 16. du plan, dont 11 millions d’euros financés dans le cadre des crédits de l’Assurance-maladie et 3 millions d’euros relevant de crédits d’État. C’est la première fois qu’un dispositif national est doté de moyens financiers. Cependant, la ré-allocation de ces ressources n’est pas systématiquement faite à ceux qui en sont les destinataires légitimes. Il existe un manque de transparence qui ne fait que créer le scepticisme et ajouter à la confusion. L’IGAS devrait y mettre son “nez”, car il s’agit de l’argent du contribuable qui a le droit d’être soigné selon les lois qui ont été votées. Or, nous sommes loin du compte, le financement des activités transversales est assuré par celui des Missions d’intérêt Général, dites MIG, et d’aide à la contractualisation, dites AC. Si ce financement est accepté, et si l’établissement de santé est déficitaire, il viendra combler le déficit général de l’établissement et ne sera pas attribué à l’activité à laquelle il est dévolu même si celle-ci est créatrice de recette. Comment ne pas être plus démobilisateur dans une époque où, pour vivre en tant qu’activité, il faut montrer que l’on existe ! Il faut inscrire “dans le marbre” l’organisation des structures. La première consultation doit être revalorisée. Le recensement des capacitaires en charge de travail dans les consultations, unités et centres, réalisé par les correspondants régionaux, fait apparaître que la moyenne d’âge des médecins est proche de 52 ans. La poursuite de ce qui a été entrepris doit être pérenne. Il convient d’être attractif, d’envisager des profils de carrière (création de postes universitaires) qui amènent des jeunes médecins à choisir cette activité. Le combat que nous menons n’a de sens qu’à cette condition. Une saisine a été INTRODUCTION D’autre part, les décideurs politiques ont choisi “la nouvelle gouvernance” pour réformer notre système de santé. La mise en place des pôles est une des mesures inscrites dans la loi. Cette obligation est pour nous une chance et un danger. Une chance : au sein des pôles, les différents partenaires sont reconnus en tant que tels, la structure douleur, l’activité douleur devront donc être clairement identifiées. Un danger : la précarisation actuelle des structures douleur, leur vulnérabilité due à leur mauvaise visibilité et leur manque d’autonomie administrative, à côté de partenaires de discipline et de taille inégales, qui les rendent encore plus fragiles. Nous n’avons ni le droit, ni la possibilité de ne pas profiter de ces changements qui nous sont proposés. 17
  • 17. adressée à la HAS demandant de structurer la filière de soins “douleur” et de travailler sur la définition des critères d’éligibilité de la première consultation : quels sont les patients qui peuvent et doivent être pris en charge dans les consultations, unités et centres ? De la même façon, un référentiel de bonnes pratiques permettant de définir le contenu de la première consultation devrait voir le jour. Ceci devrait amener à définir la labellisation des structures permettant leur reconnaissance officielle. Un GHS (Groupe Homogène de Séjour) “01M21Z : douleurs chroniques rebelles” est entré en application depuis le 15 mars 2006. Nous devons l’utiliser pour tous nos patients hospitalisés, mais comment faire lorsqu’il est plus intéressant financièrement pour l’établissement d’hospitaliser le patient dans un autre service ? Et cependant cette mesure importante doit permettre d’objectiver notre activité d’hospitalisation. Alors ? Voici le nouveau paysage de la lutte contre la douleur, qui doit aider à l’amélioration de la qualité. Mais la tache reste immense et ardue. Il est certain que l’époque se prête mal aux financements de ces activités, que l’on dit nouvelles par habitude et qui existent depuis 20 ans, même si celles-ci sont porteuses d’économie potentielle retentissant sur la maîtrise des coûts de la Santé. INTRODUCTION J’ose reprendre ici une phrase écrite il y a 20 ans dans un autre éditorial : « Le moment est venu de changer les attitudes qui restent trop figées vis-à-vis de la douleur et encore plus vis-à-vis de la souffrance. L’introduction d’une “culture anti-douleur” au sein des pratiques et des exercices nécessite le changement des comportements de l’ensemble des professionnels de santé, mais aussi celui des malades et de leurs proches”. En 2008, je pourrais écrire la même. 18 Mais la réalité a quand même changé, demain, notre système de santé sera aussi jugé sur la façon dont il prend en compte la douleur. Cette prise en compte est reconnue comme un droit fondamental de toute personne par la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé du 4 mars 2002. Lutter contre la douleur est une obligation éthique pour les soignants, l’essence même de la philosophie du soin. Le syndrome douloureux chronique devrait être reconnu comme une maladie, au même titre que le diabète ou les pathologies cardio-vasculaires…
  • 18. Pour cet ouvrage très fonctionnel, nous avons fait appel à des spécialistes tant du domaine de la santé que de celui du droit. Nathalie Lelièvre (Juriste droit de la santé, Membre de la commission Éthique et Douleur, AEU droit médical, DESS droit de la santé, Chargée de formation, Lyon), brosse un tableau synthétique et pratique des règles juridiques relatives aux professionnels de la prise en charge de la douleur ainsi que de la mission du médecin expert dans une action judiciaire. Le Docteur Frédéric Aubrun (Médecin anesthésiste, Département d’anesthésie réanimation-chirurgicale, Groupe Hospitalier Pitié Salpêtrière, Paris) développe la place du protocole dans la prise en charge de la douleur. Par ailleurs, quelle est la mission du médecin face au patient douloureux et à l’arrêt maladie ? Le Docteur Jacqueline Cardona (Médecin légiste spécialisée Santé publique) répond à cette question à laquelle les médecins sont souvent confrontés. Enfin, Céline Avengozar et Gilles Barbier (Assistance en ligne Handicap) proposent des solutions de réinsertion professionnelle et sociale face au handicap et à la douleur. Nous souhaitons que cet ouvrage, à la fois original et innovant tant par le thème abordé que par sa façon de traiter les aspects médico-légaux dans le cadre de la prise en charge de la douleur, permette aussi bien aux professionnels de santé, et notamment les médecins généralistes, qu'aux experts judiciaires, médecins experts ou enseignants en médecine légale, de mieux appréhender et comprendre ce vaste domaine, et qu’il apporte un soutien, voire une aide, dans leur pratique quotidienne. Références Prevalence of chronic pain with neuropathic characteristics in the general population. D. Bouhassira et al. Pain (2007), doi:10.1016/.j. pain, 2007.08.013. 2. Genèse des recours urgents ou non programmes à la médecine générale, Études et résultats n° 607 novembre 2007, http://www.sante.gouv.fr/drees/etuderesultats/er607/er607.pdf 3. Survey of chronic pain in Europe: prevalence, impact on daily life and treatment. Eur J Pain, 2006 ; 10 : 287-333. Breivik H et col. INTRODUCTION 1. 19
  • 19. 4. Étude observationnelle des patients atteints de douleurs neuropathiques dans les structures de Traitement de la Douleur en France SEFTD, mai-juin 2007, (1410 patients, 88 structures). 5. National Institutes of Health. NIH Guide : New Directions in Pain Research I. September 4 1998. Available from htpp://grants.nih.gov/grants/guide/pa-files/PA-98102.html accessed on August 6th, 2007-11-17 20
  • 20. 2. PROFESSIONNELS DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES Les réponses à la douleur ont évolué au fil du temps, grandement conditionnées par les possibilités de l’antalgie aux diverses époques. La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des patients pose le principe selon lequel : « […] Toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur. Celle-ci doit être en toute circonstance prévenue, évaluée, prise en compte et traitée […] » Article L 1110-5 du code de santé publique (CSP). Faire le point sur l’évolution des textes relatifs à la prise en charge de la douleur semble être un préambule nécessaire. En effet, l’abondance des textes relatifs à la prise en charge de la douleur atteste de son importance. Les pouvoirs publics l’ont dans un premier temps fixé comme une priorité nationale. Depuis, un long chemin a été parcouru via les réformes successives du code de santé publique, du code de déontologie médicale, les multiples circulaires, la loi du 4 mars 2002 et les trois plans de lutte contre la douleur. La philosophie de ces textes : soulager la douleur du patient pour mieux respecter sa dignité. L’obligation de prise en charge de la douleur est le résultat d’une succession de textes qu’il convient, d’une part de reprendre dans l’ordre chronologique pour mieux en analyser le contenu. D’autre part, d’examiner le contenu de cette obligation et ses conséquences sur le plan de la responsabilité des professionnels de santé. Et enfin, d’étudier la position du juge face à une carence de prise en charge de la douleur. PROFESSIONNELS « Ô douleur, ô douleur, le temps mange ma vie » (Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal) DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES Nathalie Lelièvre 21
  • 21. DOULEUR ET DROITS, QUELLES ÉVOLUTIONS ? Contrairement aux idées reçues la loi du 4 mars 2002 n’a pas créé l’obligation de prise en charge de la douleur. Elle en a défini le contenu. L’analyse de l’évolution des textes ne peut se faire sans tenir compte des trois plans douleur successifs. PROFESSIONNELS DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES Q Évolutions législatives 22 En 1995, le premier texte relatif à la prise en charge de la douleur impose aux établissements d’inscrire dans leur projet d’établissement les moyens mis en place pour prendre en charge la douleur des patients (1). La lutte contre la douleur ne pourra plus se résumer à l’énoncé de vœux ou d’objectifs, mais à la mise à disposition de moyens concrets et à la réalisation d’actions tangibles qui devront être définis dans le projet d’établissement. En 1996, une ordonnance rappelle que la prise en charge de la douleur s’impose à tous les patients et cite entre autres : les enfants, les personnes handicapées et les personnes âgées. L’intervention d’un tel texte atteste des lacunes dans la prise en charge des patients non communicants ! (2) Reconnu comme un droit fondamental pour toutes personnes par la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé du 4 mars 2002 (3), le soulagement de la douleur s’inscrit parmi les objectifs à atteindre pour les cinq prochaines années dans le rapport annexé à la loi relative à la santé publique du 9 août 2004. (4) Tout doit être mis en œuvre pour apporter au malade l’information nécessaire afin qu’il ne subisse plus sa souffrance comme une fatalité. Il est dès lors incontestable que chaque professionnel de santé, chaque établissement se doit de garantir une pérennité de la prise en charge de la douleur. Dans ce sens, le manuel d’accréditation version 2 items 27) et 32) font référence à la prise en charge de la douleur comme gage de qualité des soins (5). En cours la version 3, qui mentionne parmi les huit objectifs de la certification la prise en charge de la douleur (6).
  • 22. Le premier plan douleur (1998-2001) (7) partait du postulat : « La douleur n’est pas une fatalité », et l’inscrivait comme une priorité de santé publique. Avec le recul des années, les professionnels de santé ont constaté que l’information n’avait pas toujours été bien comprise du grand public. En effet, le public a davantage retenu « Hôpital sans douleur » et, de ce fait, les patients ne comprenaient pas qu’ils puissent avoir mal. Le slogan de la campagne d’information du premier plan était « la douleur parlez-en, on peut la soulager » mais il a été retenu « zéro douleur » qui est une douce utopie. En 2002, le second plan était lancé pour quatre ans et marquait une étape supplémentaire : le contrat d’engagement de lutte contre la douleur. La même année, soit le 4 mars 2002, la loi relative aux droits des usagers de la santé posait comme principe que la prise en charge de la douleur est un droit fondamental (8). Principe repris dans le postulat du troisième plan couvrant la période 2006-2010. Un nouveau défi est lancé avec la coordination européenne des politiques de recherche et de programmes de prise en charge de la douleur (9). « […] Véritable enjeu de santé publique et critère de qualité et d’évolution d’un système de santé […] » Il est dès lors incontestable que chaque professionnel de santé, chaque établissement se doivent de garantir une prise en charge de la douleur de qualité, c’est-à-dire dans les règles de l’art. DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES Q Photographie des plans douleurs PROFESSIONNELS Ainsi, l’item 34 met la priorité sur la traçabilité de la prise en charge de la douleur dans le dossier du patient. À l’avenir, les professionnels et notamment les infirmiers devront de façon systématique noter dans le dossier de soins du patient l’évaluation de sa douleur. Dans la pratique, l’évaluation est faite mais l’on retrouve encore trop rarement ces éléments dans le dossier. Il est également mis l’accent sur l’information donnée au patient sur les modalités de sa prise en charge. Il est fort probable qu’un formulaire d’information sur la prise en charge de la douleur devra être remis au patient lors de l’accréditation version 3. 23
  • 23. PROFESSIONNELS DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES Q Constat de huit années d’organisation de la prise en charge de la douleur 24 Le troisième plan note une nette amélioration dans les secteurs suivants: • Amélioration de l’information des patients notamment via le contrat d’engagement de lutte contre la douleur ; • Amélioration des formations tant au niveau de la formation initiale que continue ; • Renforcement de la prise en charge des douleurs chroniques. Cependant, on peut regretter une disparité de la prise en charge de la douleur selon les régions. Rappelons que la prise en charge est un droit fondamental, une telle disparité ne devrait et ne doit pas perdurer. Tous les patients ont le droit à une prise en charge de la douleur du premier au dernier souffle de la vie. Il est souvent mis en avant l’importance de l’information du patient (les trois plans vont dans ce sens, certification versions 1 et 2 et 3) sur les modalités de prise en charge de la douleur. Il est particulièrement nécessaire de cibler cette information sur les attentes du patient et les limites d’un traitement. Parfois, la douleur peut être soulagée mais ne va pas disparaître et il revient alors tant au médecin qu’au patient de déterminer les priorités de la prise en charge (mieux dormir, diminuer les pics de douleur à certains moments de la journée pour être présent avec sa famille et retrouver sa place dans la cellule familiale) mais aussi les deuils à faire (diminuer son rythme de travail, cesser des activités qui sont facteurs de douleur). La prise en charge de la douleur est une prise en charge globale tant de la part du professionnel de santé que du patient. Q Les priorités du 3e plan Améliorer la prise en charge des douleurs des populations les plus vulnérables notamment des enfants et des adolescents, des personnes polyhandicapées, des personnes âgées et en fin de vie. Il est important de noter que, dans tous les plans, la prise en charge des personnes âgées, des enfants et des personnes handicapées est une cible constante. La France serait-elle encore réfractaire à la prise en charge de la douleur des patients qui ne s’expriment pas ? Il est, en revanche, rassurant de lire la notion de « bientraitance » des
  • 24. Améliorer les modalités de traitement médicamenteux et d’utilisation des méthodes non pharmacologiques pour une prise en charge de qualité Il est noté une nette amélioration de la prise en charge médicamenteuse de la douleur mais le relais en ville manque, voire reste inexistant dans certains cas. Les protocoles de soins destinés à faciliter la prise en charge de la douleur ne sont pas encore suffisamment utilisés. Il subsiste des craintes quant à l’utilisation des protocoles. Il ne s’agit pas de protocoliser à outrance mais d’anticiper des prescriptions pour lesquelles l’infirmier est amené le plus souvent à contacter un médecin en vue de la prescription d’un antalgique. La circulaire de 99 relative à la prise en charge des douleurs aiguës (10) prévoit que ces protocoles soient révisés au moins une fois par an. C’est difficilement réalisable, mais il convient de ne pas tomber dans l’excès inverse et de traiter des patients avec des protocoles de plus de dix ans, voire des protocoles signés par des médecins décédés ! L’intérêt de la mise à jour des protocoles est de favoriser l’évaluation DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES Améliorer la formation pratique initiale et continue des professionnels de santé pour mieux prendre en compte la douleur des patients. Il est fondamental de former à la prévention de la douleur afin de limiter les douleurs provoquées par les soins. De plus, les EHPAD doivent se rapprocher des centres hospitaliers pour l’accompagnement à la fin de vie. La prise en charge de la douleur s’impose dans tous les établissements et la douleur ne connaît ni les week-end, ni les vacances ! Les médecins généralistes doivent être formés à la prise en charge de la douleur pour assurer la continuité des soins lorsque le patient sort d’hospitalisation. PROFESSIONNELS personnes âgées. En effet, le plan précise l’importance de prévenir les douleurs provoquées par les actes de soins mais aussi par les actes de la vie courante comme les toilettes pour les personnes âgées. Être âgé ne doit pas être un motif de non prise en charge de la douleur et une raison pour rester fataliste face à la douleur des personnes âgées : « Avec votre âge, je ne peux guère faire des miracles ». Là où la loi ne distingue pas il n’y a pas lieu de le faire. La loi précise bien : « Tout patient a le droit », en conséquence, il appartient à tous les professionnels de santé de tenir compte des douleurs et de les prendre en charge. 25
  • 25. DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES PROFESSIONNELS 26 des conditions d’application et de les compléter par des observations sur l’organisation de la surveillance du patient, etc. Point fort de ce plan, il est expressément fait référence au recours aux techniques non médicamenteuses dans la prise en charge de la douleur. « Le traitement médicamenteux ne constitue pas la seule réponse à la demande des patients douloureux. Les techniques non médicamenteuses de prise en charge de la douleur existent. Les professionnels et les usagers les reconnaissent comme efficaces. Il s’agit de traitements réalisés par des professionnels de santé qualifiés : traitements physiques tels que massages, kinésithérapie, physiothérapie (cryothérapie, électro-stimulation transcutanée : TENS), balnéothérapie, éducation posturale et gestuelle, et des méthodes psycho-corporelles ou comportementales (hypnose, relaxation, sophrologie). » (Plan d’amélioration de la douleur 2006-2010). Structurer la filière de soins de la douleur, en particulier celle de la prise en charge des douleurs chroniques dites rebelles, pour rendre plus efficace le dispositif Structurer le développement de la prise en charge des douleurs chroniques et partager les expériences, échanges entre professionnels. LES ACTEURS DE LA PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR Les acteurs sont nombreux. En effet, le leitmotiv de l’ensemble des textes est de plaider en faveur d’une pluridisciplinarité des intervenants. Chaque intervenant auprès d’un patient doit détecter tout signe de douleur potentiel pour l’évaluer et mettre en place un traitement adapté aux besoins du patient. Q Établissements de santé Les établissements de santé publics ou privés et les établissements sociaux et médico-sociaux (principe rappelé dans le troisième plan douleur) et toutes les personnes intervenant dans la chaîne des soins doivent tenir compte de la douleur du patient et intervenir. • Quelle que soit l’unité ou la structure de soins dans laquelle le patient est accueilli ;
  • 26. • Toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur (du premier au dernier souffle de la vie) ; • Obligation de définir la politique de prise en charge de la douleur dans le projet d’établissement. PROFESSIONNELS Médecins Quelle que soit la spécialité (médecin généraliste, cardiologue, chirurgien, etc.), la prise en charge de la douleur est une obligation. C’est un acte de soin et, à ce titre, le médecin se doit de tout mettre en œuvre pour tenter de la soulager, mais il n’est pas tenu à une obligation de résultat qui consisterait à faire disparaître la douleur. Il doit donner des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises et actuelles de la science. L’annonce du premier plan douleur était « Zéro douleur à l’hôpital », utopie bien douloureuse pour les professionnels de santé et les patients. Code de la santé publique (nouvelle partie réglementaire), article R. 4127-37 (décret nº 2006-120 du 6 février 2006, art. 1, Journal Officiel, 7 février 2006) : « En toutes circonstances, le médecin doit s’efforcer de soulager les souffrances du malade par des moyens appropriés à son état et l’assister moralement. Il doit s’abstenir de toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique et peut renoncer à entreprendre ou poursuivre des traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou qui n’ont d’autre objet ou effet que le maintien artificiel de la vie ». L’article 37, considérablement modifié par la loi du 27 avril 2005, se divise en deux parties. La première définit l’obligation du médecin d’une façon générale : « En toutes circonstances, le médecin doit s’efforcer de soulager les souffrances du malade par des moyens appropriés à son état et l’assister moralement ». La seconde concerne les patients en fin de vie. Le leitmotiv reste la priorité de la prise en charge de la douleur du patient. DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES Q Les professionnels 27
  • 27. DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES PROFESSIONNELS 28 Infirmiers La prise en charge de la douleur est intégrée dans le décret relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmiers (12) qui précise que tout infirmier (hospitalier et libéral) évalue la douleur dans le cadre de son rôle propre (art. 2.5°), est habilité à entreprendre et à adapter les traitements antalgiques selon des protocoles préétablis, écrits, datés et signés par un médecin (art. 8), peut, sur prescription médicale, injecter des médicaments à des fins analgésiques dans des cathéters périduraux et intra-thécaux ou placés à proximité d’un tronc ou plexus nerveux (art. 9). La définition même du rôle propre de l’infirmier est d’avoir la gestion, l’initiative des soins relevant de son rôle propre et l’évaluation de la douleur fait partie de ses missions. Évaluer, c’est bien mais le noter sur le dossier de soins infirmier, c’est mieux (traçabilité des soins). Selon les normes de qualité diffusées par le ministère de la Santé (13), dès l’arrivée et tout au long du séjour de la personne soignée, l’infirmier « applique les prescriptions médicales et/ou les protocoles spécifiques à la douleur, en assure la surveillance et en évalue les effets ». L’infirmier intervient dans trois secteurs : la prévention, l’évaluation et le traitement. Cependant, il ne peut pas prendre l’initiative d’un traitement sans prescription médicale. Ainsi, dans un souci de bonne gestion des soins et de qualité de la prise en charge de la douleur, il est fondamental que les services prennent l’habitude de rédiger des protocoles de soins pour faciliter la prise en charge de la douleur. Aides soignants L’aide soignant a également un rôle important dans l’évaluation de la douleur. L’arrêté de janvier 2005 mentionne bien parmi les missions : Unité 2 - Apprécier l’état clinique d’une personne : « Identifier les signes de détresse et de douleur » (14). Il est primordial que dans les services une véritable organisation pluridisciplinaire soit mise en place : médecins, infirmiers, aides soignants ; chacun a un rôle déterminant pour optimiser la prise en charge du patient et prévenir tous facteurs de douleur.
  • 28. Q Prise en charge de l’enfant L’une des cibles du 3e plan, c’est « améliorer la prise en charge des douleurs des populations les plus vulnérables notamment les enfants et les adolescents, personnes polyhandicapées, des personnes âgées et en fin de vie […]. » L’information de l’enfant et des parents sur l’organisation de la prise en charge est une étape importante pour rassurer parents et enfant. L’information doit être adaptée aux capacités de l’interlocuteur. Au regard du droit, le professionnel de santé ne recherche pas le consentement de l’enfant mais celui des parents. Cependant, d’un point de vue éthique il semble difficile de mettre en place un traitement « par force ». L’ensemble des textes rappelle l’importance de l’information du patient et que celle-ci doit être adaptée aux capacités de compréhension du patient. Le mineur a le droit d’être informé des raisons pour lesquelles le traitement est mis en place, ce qu’il peut en attendre, les limites mais aussi les effets secondaires (sans pour autant que cette information devienne anxiogène). Il est recherché avant tout l’adhésion du mineur au traitement. L’opposition à la mise en place d’un traitement morphinique peut-elle être considérée comme présentant un danger pour l’enfant ? Une mesure d’assistance éducative est mise en place dès lors qu’il y a une carence, une opposition de nature à mettre en danger la santé de l’enfant. La mesure d’assistance éducative est réservée aux cas extrêmes. L’étude de la jurisprudence montre que l’article 28 n’est utilisé que dans des cas très graves (enfant atteint de malformations très graves). PROFESSIONNELS Existe t-il des règles juridiques à la prise en charge d’un patient âgé, mineur ? Le principe est l’accès aux soins pour toutes personnes sans discrimination quelconque. À ce noble et humble principe, se greffent des chartes, des recommandations, des programmes relatifs à la prise en charge des personnes âgées, et à l’amélioration de la prise en charge médicamenteuse pour les enfants. L’ensemble des textes cités ci-dessus sont pris en considération par les experts judiciaires, les magistrats lors d’un litige. DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES LES BÉNÉFICIAIRES DE LA PRISE EN CHARGE 29
  • 29. PROFESSIONNELS DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES « En l’absence de la part des parents d’une faute susceptible de mettre en péril la vie de l’enfant d’une part, et en l’absence de danger immédiat pour le mineur d’autre part » (Nancy 4 juin 1982 et Nancy 3 décembre 1983 JCP 1983, II, 20081 note Raymond). 30 Le droit associe la notion de danger à celle de risque vital pour l’enfant. Dans ce cas, priver un enfant de morphinique pour soulager la douleur peut-il être considéré comme étant de nature à mettre en péril la vie de l’enfant ? L’enfant peut s’épuiser par la douleur et décéder dans certains cas. Dans un cas extrême, ne peut-on pas envisager que le refus du traitement met en danger l’enfant et que l’équipe médicale est en droit de saisir le juge pour prodiguer les soins nécessaires ? Dans cette hypothèse, il faudra rapporter la preuve au juge que l’équipe se trouve en situation d’impasse thérapeutique et que le refus de morphinique place l’enfant en danger. À la lecture de nombreux articles, rapports et divers travaux, il ne semble pas que cette question ait été posée à l’Académie de médecine, ni au Conseil national d’éthique. Il pourrait être intéressant de les consulter car la prise en charge de la douleur des enfants reste un souci constant. D’autant plus, l’OMS précise bien que la santé est un bien-être physique et psychique. Or, priver un enfant du droit de ne pas souffrir est une atteinte à son intégrité physique et psychique. La notion de danger pourrait être revue et évoluer au vue de l’avancée des sciences et ne pas se limiter strictement à la notion de risque vital. Q Prise en charge des patients âgés Dès les premiers textes, il était rappelé l’importance de prendre en charge la douleur des personnes âgées. Le troisième plan douleur cite parmi les cibles : la prise en charge de la douleur chez le patient âgé. Cette persistance à devoir rappeler ce principe signifie-t-il que la personne âgée n’aurait pas le droit à un peu de douceur et que vieillir va de paire avec souffrances et poly-pathologies ? Il est, en revanche, rassurant de lire la notion de « bientraitance » des personnes âgées. En effet, le plan précise l’importance de prévenir les douleurs provoquées par les actes de soins mais aussi par les actes de la vie courante comme la toilette ou la mise au fauteuil.
  • 30. DOULEUR ET FIN DE VIE : QUE DIT LA LOI LÉONETTI ? La loi Léonetti du 22 avril 2005, relative aux droits des patients en fin de vie, complétée par les décrets du 6 février 2006 (15), a recherché une solution éthique à l’encadrement juridique de la relation médicale entre le médecin et le malade en fin de vie. Cette loi apporte trois dispositions essentielles à la relation de soins et favorise l’expression de la volonté et la discussion en collégialité. Le médecin ne doit pas être limité dans la prise en charge de son patient par des craintes judiciaires. C’est la raison pour laquelle l’article L1110-5 du code de santé publique prévoit la possibilité : « Les DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES La loi ne fait aucune distinction, le principe est simple : Toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager la douleur. Que le patient soit jeune ou âgé, sa douleur doit être prise en compte et traitée eu égard aux connaissances de la sciences. Cependant, le débat reste ouvert quant à savoir si le défaut de prise en charge de la douleur chez un sujet âgé peut être qualifié de maltraitance du fait de cette nouvelle notion de « bientraitance » introduite avec le troisième plan douleur. PROFESSIONNELS En effet, la personne âgée présente assez souvent des poly-pathologies et la toilette ou la mise au fauteuil peuvent être à l’origine de douleurs. Il est alors recommandé dans les services (pas seulement hospitaliers) de s’organiser et de prévenir cette douleur en mettant en place des protocoles afin de donner un traitement antalgique au patient. Pour cela, encore faut-il une certaine organisation dans les services pour éviter que des toilettes soient faites alors que le traitement vient d’être donné au patient ou, à l’inverse, en fin d’action du traitement. On peut légitimement s’interroger sur cette notion de bientraitance. L’absence d’organisation de prise en charge de la douleur, peut-elle être qualifiée de maltraitance ? À ce jour, nous n’avons pas de décision, ni de publication. Il est primordial que dans les services une véritable organisation pluridisciplinaire soit mise en place ; médecins, infirmiers, aides soignants : chacun a un rôle déterminant pour optimiser la prise en charge du patient et prévenir tous facteurs de douleur. 31
  • 31. DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES PROFESSIONNELS 32 professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer à chacun une vie digne jusqu’à la mort. Si le médecin constate qu’il ne peut soulager la souffrance d’une personne, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qu’en lui appliquant un traitement qui peut avoir pour effet secondaire d’abréger sa vie, il doit en informer le malade, sans préjudice des dispositions du quatrième alinéa de l’article L. 1111-2, la personne de confiance visée à l’article L. 1111-6, la famille ou, à défaut, un des proches. La procédure suivie est inscrite dans le dossier médical ». Démarche des professionnels de santé • Information du patient des risques éventuels du traitement et notamment de la possibilité d’abréger la vie ; • Information également de la famille et des proches ; • Il est fondamental de faire comprendre, tant au patient qu’à sa famille, que le médecin agit dans le respect des règles du bon usage des médicaments. L’intérêt premier est de soulager les douleurs du patient, mais avec un risque d’abréger la vie ; • Traçabilité de la décision. Le médecin devra être en mesure de prouver qu’il agit dans les règles de l’art et que l’intention première était bien la prise en charge de la douleur. Il est important de préciser que l’équipe intervient dans le respect de la pharmacopée. En effet, il ne s’agit nullement pour l’équipe de soulager le patient en lui administrant des doses importantes de traitements dans le but de le faire décéder. La démarche du professionnel de santé est d’informer son patient qu’il a la possibilité de mettre en place un traitement antalgique mais que l’administration de ce traitement peut avoir pour effet délétère de provoquer le décès du patient. L’intention première du professionnel est bien de prendre en charge la douleur du patient et non de chercher à provoquer le décès. Dans ces situations, ce n’est pas tant la loi qui apporte une solution mais l’éthique des soins, la priorité étant toujours d’intervenir dans l’intérêt du patient et de tenir compte de ses souhaits.
  • 32. DÉFINITION DE L’OBLIGATION DE PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR Q Prévention de la douleur Il résulte des dispositions de l’article L 1110-5 du CSP que les soignants doivent s’efforcer de prévenir la douleur, notamment lors des soins douloureux (pansements, biopsie, rééducation, etc.). Le plan de lutte contre la douleur 2002-2005 était, entre autre, ciblé sur la douleur provoquée par les soins et la chirurgie. À cette fin, le deuxième plan rappelait l’importance de développer les protocoles définis dans la circulaire n° 98/94 du 11 février 1999 (10). L’intérêt est de pouvoir répondre rapidement à un besoin, en l’occurrence apaiser et prévenir la douleur. L’une des cibles du 3e plan est la notion de la prévention de la douleur chez la personne âgée en ajoutant le terme de bientraitance (cf. prise en charge des patients âgés). L’information du patient sur la prise en charge de la douleur, sur les risques de douleurs provoquées par un soin, trouve toute sa place dans la prévention. En effet, un patient bien informé est un patient qui sera en mesure de gérer sa douleur, de l’évaluer et d’être actif pour sa prise en charge avec les professionnels de santé. Il ne s’agit pas d’inquiéter le patient, mais de l’informer des apports des traitements et aussi de leurs limites pour prévenir toutes angoisses lors de la survenue de douleur. PROFESSIONNELS La loi du 4 mars 2002 précise bien que l’équipe médicale se doit d’écouter (mission d’évaluation), ne pas laisser s’installer la douleur (mission de prévention) et la traiter (la prise en charge de la douleur est reconnue comme un acte de soin). DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES L’article L 1110-5 du code de santé publique pose le principe selon lequel « toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur. Celle-ci doit être en toute circonstance prévenue, évaluée, prise en compte et traitée… » 33
  • 33. PROFESSIONNELS DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES Q Évaluation de la douleur 34 La prescription d’un antalgique n’est pas une fin en soi ; encore faut-il veiller à son administration effective et à son efficacité sur l’évolution de la douleur du patient: pour cela il convient d’évaluer la douleur du patient à l’aide des dispositifs existants et de réévaluer le traitement mis en place. Le suivi du patient douloureux nécessite un travail d’équipe nécessairement pluridisciplinaire. Dans le cadre de son rôle propre, l’infirmier évalue la douleur du patient (article 2, 5° du décret n° 2002-194 du 11 février 2002). Si l’infirmier constate que le traitement antalgique administré au patient n’est pas suffisant, il en informe le médecin qui changera éventuellement le traitement ou l’adaptera selon les besoins du patient. L’évaluation est importante car elle permet au médecin de juger de l’efficacité ou non du traitement et de prendre les mesures en conséquence. Par ailleurs, il est important que l’évaluation apparaisse dans le dossier médical du patient. Cela d’autant plus que l’article L 1110-5 du CSP précise bien que « la douleur doit être en toute circonstance évaluée ». La gestion du dossier médical doit être tenue avec la plus grande rigueur avec mention des heures d’évaluation, de la cotation (cotations au repos et lors des mobilisations) et du suivi. L’absence de toute mention dans le dossier de soins laisserait à penser, dans l’hypothèse d’une saisie du dossier par un expert judiciaire, que l’évaluation n’a pas été faite ; ce dernier pourrait en conclure une défaillance ou un manquement dans la prise en charge de la douleur. Q Traitement de la douleur Le médecin n’est pas tenu à une obligation de guérison, en l’espèce, qui consisterait à la disparition des douleurs. En revanche, il doit s’efforcer de mettre en œuvre les moyens antalgiques dont il dispose pour soulager au mieux son patient. La prise en charge de la douleur est un acte de soin à part entière et, à ce titre, le professionnel de santé est tenu à une obligation de moyen. Cette obligation se définit comme une « prise en charge attentive, consciencieuse et conforme aux données actuelles et acquises de la science ».
  • 34. La prise en charge de la douleur fait partie des priorités de santé publique ; dès lors, le médecin est tenu de se former sur les traitements de la douleur eu égard à sa spécialité afin de prodiguer des soins consciencieux et conformes aux données actuelles et acquises de la science comme l’exige la jurisprudence. L’obligation pesant sur le médecin est de donner des soins conformes aux données acquises de la science à la date des soins (Cour de Cassation, 6 juin 2000). La prise en charge de la douleur ne se limite pas à la notion de traitement et encore moins à une obligation de la faire disparaître. C’est un ensemble de gestes : savoir prévenir la douleur, l’évaluer pour mieux la traiter. DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES Enfin, il est à noter l’importance de la formation continue en ce domaine « …La formation continue constitue un élément essentiel pour assurer l’adhésion des personnels à la politique d’amélioration de la prise en charge de la douleur… » Guide de mise en place du plan de lutte contre la douleur 2002-2005. D’autant plus que la loi du 4 mars 2002 précise bien que « la formation médicale continue a pour objectif l’entretien et le perfectionnement des connaissances, y compris dans le domaine des droits de la personne ainsi que l’amélioration de la prise en charge des priorités de santé publique […]. […] Elle constitue une obligation pour tout médecin […] » Article L 4113-1 CSP. PROFESSIONNELS Préalablement à la mise en place d’un traitement, le médecin doit prêter attention aux effets du traitement et notamment aux effets iatrogènes. La prise en charge de la douleur est une prise en charge pluridisciplinaire mais aussi, et surtout, globale. En effet, le professionnel de santé doit tenir compte des traitements pris par le patient et les effets du traitement prescrit. Lors d’une prescription pour un patient travaillant sur des machines ou un professionnel de la route, il est important d’attirer son attention sur les risques de somnolence et sur le fait de bien prendre le traitement une fois sa journée terminée, et de prendre de préférence ce médicament au moment du coucher. 35
  • 35. PROFESSIONNELS DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES DOULEUR ET JUSTICE 36 Aux termes de l’article L 1142-1 du CSP « Hors les cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut de produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du code, ainsi que les établissements, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute …». Dans l’hypothèse d’une action en responsabilité civile ou administrative pour manquement à l’obligation de prise en charge de la douleur, c’est le droit commun qui s’applique à savoir la responsabilité pour faute. Trois conditions dites cumulatives doivent alors être réunies : l’existence d’une faute, d’un dommage et du lien de causalité. Q La responsabilité pour faute : le principe L’obligation du médecin est de tout mettre en œuvre pour soulager au mieux son patient, mais il n’est pas tenu à une obligation de résultat. Cette obligation s’apprécie par rapport aux règles de l’art, à savoir le médecin doit donner des soins consciencieux et conformes aux données actuelles et acquises de la science. C’est la raison pour laquelle la formation initiale et continue dans la prise en charge de la douleur sont essentielles, voire primordiales. L’obligation de prise en charge de la douleur étant une obligation de moyen, la preuve d’une faute doit dès lors être rapportée par le plaignant. L’existence d’une faute La faute peut être un manquement lors de la prise en charge de la douleur soit au stade de la prévention, soit au stade du traitement ou de l’évaluation du patient. Elle peut trouver aussi son origine dans l’acte de soin lui-même, ou une insuffisance d’information du patient. L’acte de soin peut être un manquement dans l’organisation des soins, le choix du traitement (non approprié à l’état du patient), un manquement aux règles de sécurité ou non-conforme aux règles de l’art. La faute se définit d’une façon générale comme « l’erreur de conduite intentionnelle ou non, susceptible d’engager la responsabilité de
  • 36. DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES La faute peut être un manquement à l’obligation d’information. L’information du patient est le fondement de l’expression même de sa liberté à consentir ou de refuser les soins. La loi du 4 mars 2002 l’inscrit dans le Code de santé publique comme un principe général et fondamental dans la relation soignant-soigné. Depuis la loi du 4 mars 2002, les principes relatifs au devoir d’information sont posés par les textes et constituent des références pour chaque professionnel de santé et se doit de les connaître et les d’appliquer. « L’information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risque fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus […] » L’article L1111-2 du CSP précise que, dans son principe, l’information doit porter sur : • l’état du patient, l’évolution prévisible et les soins conseillés ; • la nature et les conséquences de la thérapeutique proposée ; • l’utilité du traitement proposé ; • les alternatives éventuelles (informer des avantages et inconvénients des différentes thérapies proposées ; mettre en valeur le bénéfice-risque des traitements proposés) ; • les suites normales du traitement ou de l’intervention et leurs conséquences ; • l’urgence éventuelle. PROFESSIONNELS son auteur » : Dictionnaire du vocabulaire juridique. Dans le cadre de la prise en charge de la douleur, le médecin commet une faute s’il fait preuve de négligence, de désintérêt dans la prise en charge de la douleur du patient. L’existence ou non d’un comportement fautif s’analyse, entre autre, au regard des dispositions du code de santé publique, code de déontologie et plus particulièrement en la matière de l’article 37 « le médecin doit s’efforcer de soulager le patient », complété des recommandations professionnelles de bonnes pratiques. Dans ces circonstances, un médecin qui n’utiliserait pas des moyens existants pour soulager un patient et le laisserait souffrir pourrait voir sa responsabilité civile, et éventuellement disciplinaire, engagée si le conseil de l’Ordre des Médecins est saisi de l’affaire. 37
  • 37. PROFESSIONNELS DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES Il y a constatation de faute pour le médecin qui n’informe pas son patient des risques éventuels de la technique de soins à laquelle il a recours. 38 L’existence d’un dommage La faute doit avoir causé un préjudice au patient soit, en l’espèce, des douleurs inutiles car celles-ci auraient pu être prises en charge par des traitements plus appropriés ; ou une absence de changement de traitement suite à l’évaluation qui laisse présumer une carence du traitement. Le dommage se définit comme la lésion subie et le préjudice est la conséquence de la lésion. En l’espèce, il s’agit d’indemniser le dommage résultant d’un manquement, d’une insuffisance dans la prise en charge de la douleur. Cependant, la douleur est une donnée si subjective, si différente d’un patient à un autre, que l’appréciation du dommage sera très certainement source de longues réflexions pour l’expert saisi pour l’évaluer. Le dommage peut résulter aussi du recours défectueux à une technique en vue de soulager les douleurs d’un patient. Si un professionnel, suite à un geste technique, cause à son patient un dommage (comme perte de la motricité du 5e doigt) et que ce patient est peintre ou pianiste professionnel, le dommage est à la fois corporel et pécuniaire (perte de revenu et conséquences sur son avenir professionnel). Pour déterminer le montant de l’indemnisation, le juge tient compte de l’ensemble de ces éléments. Il est certain que le dossier médical sera une pièce essentielle, voire fondamentale dans l’appréciation de la faute et du dommage. Il est vivement conseillé de gérer le dossier médical avec la plus grande rigueur et de bien mentionner les évaluations, les traitements, les observations sur l’évolution du patient. Pour défaut d’information, il convient de distinguer deux hypothèses : • S’il est établi que le patient aurait pris une autre décision, s’il avait été informé, il doit être indemnisé du préjudice avec possibilité de procéder à une diminution de l’indemnisation en appliquant la théorie de la perte de chance ; • Si cette faute n’a pas eu de caractère déterminant, la responsabilité du médecin peut être écartée.
  • 38. Un lien de causalité La cause du dommage est la conséquence de la faute. C’est parce que les douleurs n’ont pas été prises en charge correctement, selon les règles de l’art, que le patient a subi des douleurs “inutiles”. Une prise en charge dans les règles de l’art aurait dû éviter les douleurs subies par le patient ou les diminuer. L’absence d’un seul de ces éléments contribue à écarter la responsabilité du médecin. Ainsi, si le médecin a donné « des soins consciencieux et conformes aux données actuelles et acquises de la science » mais que les douleurs ont, malgré tout, persisté, la responsabilité du médecin est écartée en raison de l’absence de faute. PROFESSIONNELS Dans un arrêt rendu par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, une patiente, atteinte d’une dysphonie pour laquelle elle avait subi une ablation d’un kyste épidermique sur une corde vocale et deux injections de Téflon, avait assigné le médecin l’ayant opérée en réparation de son préjudice. Après avoir relevé que l’obligation d’information du médecin porte sur tous les risques fréquents ou graves et normalement prévisibles, ainsi que sur les risques exceptionnels, la cour d’appel a logiquement considéré que cette obligation ne saurait porter sur un risque inconnu à l’époque des soins. Or, en l’espèce, rien ne permet d’affirmer qu’au moment où les injections de Téflon ont été réalisées, la nocivité de ce produit était connue et que celui-ci n’était pas autorisé, de sorte qu’aucun manquement à l’obligation d’information ne pouvait être retenu à l’encontre du médecin (cour d’appel d’Aix-en-Provence, 10 e ch., sect. B, 21 février 2007, n° 04/11740, Madame Hélène C. épouse P. c/ Monsieur Michel G.). DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES La Cour de cassation, intervenue dans la célèbre affaire “Hédreul”, a rappelé qu’un médecin, même s’il a manqué à son obligation d’information à l’égard du patient, peut parfaitement ne pas être condamné, dès lors que cette faute n’a pas été déterminante dans la décision du patient, en d’autres termes, dès lors que le patient n’aurait pas modifié sa décision s’il avait été régulièrement informé. Cette solution a, depuis, été confirmée à de très nombreuses reprises. 39
  • 39. PROFESSIONNELS DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES Q L’absence de prise en charge de la douleur qualifiée de faute 40 Par décision du 13 juin 2006, la responsabilité administrative d’un centre hospitalier a été retenue pour absence de prise en charge de la douleur d’un patient admis aux urgences. Vers 8 heures 30, ce patient est admis aux urgences. À la suite de deux tentatives infructueuses de sondage, une échographie est réalisée à 11 heures. Dans l’attente d’un appel de l’urologue, l’interne tente à nouveau un sondage avec succès à 15 heures 30. À 17 heures 30, le patient est transféré au centre hospitalier départemental avec l’accord du chirurgien viscéral. Vers 18 heures 30, le patient décède. La fille du défunt ne conteste pas les conditions de prise en charge de son père. En effet, le décès de son père n’est pas la conséquence ni d’un retard de prise en charge, ni d’une éventuelle inadaptation de celle-ci. En revanche, il est mis en avant l’absence totale de prise en charge de la douleur : « Le centre hospitalier ne démontre ni l’impossibilité d’administrer à l’intéressé des antalgiques majeurs par voie veineuse ou sous-cutanée en raison de son âge et de sa tension artérielle, ni, dans cette hypothèse, l’absence d’utilité de l’administration par voie orale d’antalgiques mineurs ; que, compte tenu de l’état de souffrance et de la pathologie de Monsieur L, l’absence de tout traitement antalgique est constitutive d’une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier ». Tant le tribunal administratif que la cour d’appel reprochent l’absence de prise en charge de la douleur du patient : « […] L’absence de tout traitement antalgique est constitutive d’une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier ». La faute retenue à la charge de l’établissement est bien l’absence de toute prise en charge de la douleur du patient. Cette faute a aggravé les souffrances physiques subies par Monsieur L. avant son décès. Dès lors les conditions de droit pour retenir la responsabilité de l’établissement sont bien réunies : une faute, un dommage et le lien de causalité. C’est donc à bon droit que la demande de la fille du défunt a été retenue : « Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme L. est fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif a limité à un euro le montant de l’indemnité mise à la charge du
  • 40. centre hospitalier ; qu’il y a lieu de porter à 1 500 euros le montant de cette condamnation […] ». CONCLUSION L’analyse des engagements (plans de lutte contre la douleur, textes juridiques, décisions de justice, formation des professionnels, etc.) laisse à penser que la prise en charge de la douleur évolue dans le bon sens. Pourtant, entre l’engagement individuel des professionnels et l’accompagnement matériel de cette volonté, des difficultés persistent. La bonne volonté, l’engagement contre la douleur est encore trop souvent bloquée par des considérations économiques. « La permanence et la durée ne sont promises à rien, pas même la douleur » (Marcel Proust). Partant de cette philosophie, on peut alors souhaiter que l’ensemble des textes relatifs à la prise en charge de la douleur permettra à l’ensemble des soignants d’accomplir cette noble mission de soulager la douleur des patients. PROFESSIONNELS Accentuer la prise en charge de la douleur des personnes âgées Cette décision nous montre tout l’intérêt du troisième plan douleur de citer parmi les cibles la prise en charge de la douleur de la personne âgée. Le troisième plan va même au-delà en précisant que la douleur doit être anticipée et utilise la notion de « bientraitance » en référence à la prise en charge de la douleur des personnes âgées. Des résistances semblent perdurer lors de la prise en charge de la douleur des personnes âgées. Dans la présente affaire, il est mis en évidence que le centre hospitalier ne prouve pas d’impossibilité ou de contre-indication à la mise en place d’un traitement antalgique. Dans ces conditions, l’absence de traitement antalgique constitue bien une faute (Cour administrative d’appel de Bordeaux, 13 juin 2006) (16). DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES Précisions sur la procédure Comme les faits se sont produits dans un établissement public, la demande d’indemnisation est formée contre l’hôpital et devant le tribunal administratif. C’est pour cette raison que le centre hospitalier est mis en cause. 41
  • 41. DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES PROFESSIONNELS 42 Résumé « La douleur n’est pas une fatalité », tel était le postulat de départ du premier plan de lutte contre la douleur. Depuis, un long chemin a été parcouru et la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades résume l’esprit de l’ensemble des textes relatifs à la prise en charge de la douleur : « …Toute personne a droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur… ». À la notion de droit s’oppose celle de devoir. Le médecin a dès lors l’obligation de prendre en considération la douleur et de s’efforcer de la soulager. Le cas échéant, il pourrait voir sa responsabilité civile et/ou disciplinaire engagée. Toutefois même si la prise en charge de la douleur fait partie des priorités nationales, il n’en demeure pas moins que le médecin reste tenu à une obligation de moyen et non de résultat dans le cadre de la prise en charge de la douleur. Mots clés Responsabilité pour faute. Obligation de prise en charge de la douleur. Information. Plan de lutte contre la douleur. Prévention de la douleur.
  • 42. Références 1. Loi du 4 février 1995 n°95-116 portant diverses dispositions d’ordre social, 2. Ordonnance du 28 mai 1996 n°96-452 portant diverses mesures d’ordre sanitaire, social et statutaire 3. Loi du 4 mars 2002 n°2002-303 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé Certification des établissements de santé version 2 6. Certification des établissements de santé projet de la version 3 7. Circulaire du 24 septembre 1998 relative à la mise en œuvre du plan d’action triennal contre la douleur dans les établissements de santé publics et privés 8. Circulaire du 30 avril 2002 n°266 relative à la mise en œuvre du programme national de lutte contre la douleur 2002-2005 dans les établissements de santé 9. Plan d’amélioration de la prise en charge. de la douleur. 2006 – 2010 10. Circulaire n°98/94 du 11 février 1999 relative à la mise en place des protocoles de prise en charge de la douleur aigue 11. Code de déontologie médical figurant dans le Code de la Santé Publique sous les numéros R.4127-1 à R.4127-112 12. Décret 2004-802 du 29 juillet 2004 relatif aux parties IV et V Professions de santé (Parties Réglementaires) du Code de Santé Publique Livre III Auxiliaires médicaux. Titre Ier : Profession d’infirmier ou d’infirmière chapitre Ier : Exercice de la profession Section 1 : Actes professionnels. 13. DHOS, Bureau P2, « Soins infirmiers: normes de qualité », Guide du service de soins infirmiers, rubrique « Les prises en charge particulières », 2e éd., sept. 2001 14. Arrêté du 25 janvier 2005 relatif aux modalités d’organisation de la validation des acquis de l’expérience pour l’obtention du diplôme professionnel d’aide-soignant 15. Loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie et décret n° 2006119 du 6 février 2006 sur les directives anticipées 16. Cour administrative d’appel de Bordeaux, 13 juin 2006 ; DE SANTÉ ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : LES RÈGLES JURIDIQUES Loi n°2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique 5. PROFESSIONNELS 4. 43
  • 43. 3. MISSION DU MÉDECIN EXPERT DANS UNE ACTION JUDICIAIRE Nathalie Lelièvre Qu’elle soit ou non demandée, l’expertise est de plus en plus souvent ordonnée par le juge. En effet, la décision de diligenter une expertise dans un contentieux relève de la volonté du juge. S’il estime que celleci n’apportera rien de plus aux débats, il est en droit de la refuser. Cependant, dans le contentieux de la responsabilité médicale, le juge désigne généralement un expert pour qu’il soit procédé aux constatations médicales. Le choix de l’expert relève également de la seule volonté du juge. Les parties (la demande ou la défense peuvent suggérer un expert mais le juge est libre de désigner un autre expert). La raison est simple, l’expert doit être impartial et, pour mener sa mission en toute indépendance vis-à-vis des parties, il ne doit pas les connaître. Si tel était le MISSION Si le calcul de l’indemnisation de la victime pour réparation du préjudice relève de l’appréciation souveraine des juges, il n’en demeure pas moins que, préalablement, le juge a recours à un expert médical pour statuer en connaissance de cause. En effet, le juge a besoin de s’appuyer sur des connaissances techniques pour rendre sa décision. L’expertise médicale permet d’éclairer le juge sur les soins prodigués au patient. En matière civile, pénale ou administrative, le juge saisi de l’affaire va nommer un expert inscrit sur la liste des experts auprès de la cour d’Appel. DU MÉDECIN EXPERT DANS UNE ACTION JUDICIAIRE « Dès 1606, Henri IV prescrivait dans un édit que son premier médecin commettrait dans les villes, bourgs et lieux du royaume, un ou deux chirurgiens pour assister aux visites et rapports qui se feraient par ordonnance de justice et autrement. Les premières listes de médecins experts sont apparues à la fin du dix-neuvième siècle à la suite d’une loi du 30 novembre 1892. » (1) 45
  • 44. cas il en informerait le juge qui désignerait un nouvel expert. Lorsque le juge ordonne une expertise, il énonce la mission de l’expert. Celle-ci est très précise. Le rapport de l’expert judiciaire est fondamental pour le juge appelé à rendre une décision dans le cas d’une action en responsabilité médicale. Le rapport de l’expert est un véritable instrument de travail qui doit être compréhensible, fiable et exploitable, permettant au juge de rendre en pleine connaissance de cause une décision de justice. MISSION DU MÉDECIN EXPERT DANS UNE ACTION JUDICIAIRE LA MISSION DE L’EXPERT 46 Le juge doit mentionner les points sur lesquels l’expertise porte. Ainsi, dans le cas du contentieux de la responsabilité médicale, il pourra être demandé de rechercher et décrire les blessures résultant de l’acte, leur nature, leur gravité, leurs conséquences, les soins, les traitements prodigués et ceux qui ont été nécessaires en raison de l’éventuelle carence de soins, de prise en charge de la douleur (la chronicité des douleurs du patient sont-elles la conséquence d’une carence dans la prise en charge de sa douleur suite à l’intervention ?) Il doit également préciser la durée de l’incapacité temporaire, la date de consolidation et les taux successifs d’incapacité permanente partielle dont la victime a été et demeure atteinte. Il doit aussi donner son avis sur la gravité des souffrances subies pour évaluer le pretium doloris, préjudice esthétique, corporel, etc. La mission de l’expert est de reconstituer l’histoire médicale. Cette reconstitution se fait, d’une part, par l’étude approfondie des pièces du dossier, et d’autre part, par l’audition des parties. La mission confiée à l’expert peut porter sur : • l’étude du dossier, l’audition des témoins, lorsque leur témoignage est indispensable au bon éclairage de la justice ; • l’appréciation des faits médicaux tels qu’ils se sont déroulés : décrire si les soins prodigués ont été « conformes aux données actuelles et acquises de la science » et décrire s’il existe une éventuelle inobservation des règles de l’art dans l’administration des soins ; • la recherche des causes des séquelles ; • la relation de cause à effet entre la faute et le dommage ; • la description des préjudices de la victime.
  • 45. DÉROULEMENT DE LA MISSION D’EXPERTISE 1re étape : l’information de l’expert sur sa mission Dès le prononcé de la décision, l’expert est avisé de sa mission pour qu’il puisse dire s’il l’accepte ou la refuse. Il est alors tenu de respecter la mission confiée, « rien que la mission, toute la mission ». 2e étape : la communication des documents à l’expert Le code de procédure civile réglemente la remise des documents MISSION Il peut arriver que l’expert ait recours à un spécialiste pour l’aider sur une question précise comme l’organisation de la prise en charge de la douleur. L’expert désigné est peut-être spécialisé dans la pathologie du patient mais si une question porte précisément sur la prise en charge des douleurs, la chronocité des douleurs, l’expert pourra faire appel à un professionnel de santé spécialisé en la matière. Sa fonction peut être soit d’intervenir pour décrire les douleurs de la victime et aider l’expert, et ensuite les magistrats, à évaluer et quantifier le pretium doloris. Mais il peut être aussi appelé dans le cadre de l’appréciation de la prise en charge de la douleur. Par ses connaissances et sa pratique, il va permettre de déterminer si la prise en charge de la douleur par le professionnel de santé mis en cause répond bien aux pratiques ou s’il existe une carence dans la prise en charge de la douleur. L’expert est libre du choix du sapiteur (“le sachant” technicien dit “homme de l’art” qui intervient sur demande d’une juridiction ou d’un expert pour donner son avis sur un problème technique) (4). L’expert ne peut solliciter l’avis d’un autre technicien que dans une spécialité différente de la sienne. Il joint son avis à son rapport et le communique aux parties avant le dépôt de son rapport pour recueillir les observations de chacun et respecter ainsi le principe du contradictoire. DU MÉDECIN EXPERT DANS UNE ACTION JUDICIAIRE La démarche est délicate. L’expert doit se prononcer sur le fait de savoir si le professionnel de santé mis en cause a agi selon les règles de l’art ou non. Il doit se placer au moment où l’acte a été accompli. Il lui est demandé de dire ce qui se fait en pratique dans une situation donnée et non ce qui pourrait ou aurait pu se faire en théorie. Il doit se limiter strictement aux faits, au descriptif de la situation, des lésions du patient. Il ne doit pas émettre d’avis juridique. 47
  • 46. MISSION DU MÉDECIN EXPERT DANS UNE ACTION JUDICIAIRE dont le dossier à l’expert. Il peut se faire adresser par le secrétaire de la juridiction dossiers et documents des parties (article 268 du nouveau code procédure civile, NCPC). Les parties doivent remettre sans délai à l’expert tous les documents que celui-ci estime nécessaire à l’accomplissement de sa mission (article 275). Il prend connaissance de l’intégralité du dossier préalablement à la convocation des parties. Tous documents transmis par une partie à l’expert sont communiqués à l’ensemble des parties pour qu’elles puissent faire part de ses observations sur le dit document. 48 3e étape : la convocation des parties Pour respecter le principe du contradictoire (2), l’expert doit convoquer les parties aux réunions d’expertise et chacune a la possibilité de communiquer à l’expert des observations. L’expert doit prendre toutes les dispositions nécessaires pour que les opérations d’expertise se déroulent en présence de l’ensemble des parties à l’affaire (demande et défense) dûment convoquées. Tout au long du déroulement de sa mission, l’expert se doit de garantir le principe du contradictoire. 4e étape : l’expertise Les parties peuvent se faire assister lors des séances d’expertise par leur avocat. Tout au long de la mission d’expertise, les parties peuvent communiquer au médecin expert des observations écrites que l’on appelle « les dires » : l’expert doit les prendre en considération et lorsqu’ils sont écrits, ils doivent être joints à l’avis si les parties le demandent. L’expert doit de plus préciser dans son avis de la suite donnée aux observations et réclamations présentées. (Article 276 NCPC). S’il est demandé à l’expert de formuler une observation qui n’entre pas dans le cadre de sa mission, il précise dans l’avis rendu les raisons pour lesquelles il n’a pas donné de suite favorable à la requête d’une partie. L’expertise comprend entre autre l’interrogatoire du patient et l’examen de ses bilans médicaux. S’il le juge nécessaire, il peut demander au médecin traitant des renseignements. Cependant, le médecin traitant n’étant pas partie à l’affaire, il peut, à juste titre, opposer le secret médical. Dans ce cas, l’expert peut remettre au patient le questionnaire pour que son médecin traitant le complète et le remette au patient qui le remettra au médecin expert. Un procédé quelque peu complexe mais nécessaire pour recueillir des informa-
  • 47. MISSION 5e étape : la rédaction du rapport destiné au juge Le rapport se compose de trois parties, une partie consacrée au résumé des faits, puis dans un deuxième temps une appréciation d’ordre médico-légal. La dernière partie est une réponse aux questions posées par le juge. La réponse doit être claire, précise et étayée par des arguments médicaux et bibliographiques. L’appréciation de la notion d’existence d’une faute médicale relève de la compétence du juge et non de l’expert. La mission de l’expert est de se prononcer sur l’existence d’une faute lors de l’administration des soins et de ses répercussions pour le patient. L’appréciation de la faute doit tenir compte des circonstances dans lesquelles l’incident est survenu. Pour cela, le dossier médical est une pièce essentielle pour l’expert. Il lui permet de reconstituer l’historique, la chronologie des faits, les personnes intervenues. Le dossier ne doit pas être perçu comme un élément susceptible d’être utilisé à charge des professionnels de santé. Bien au contraire, il permet non seulement à l’expert mais également à l’ensemble des professionnels de justifier les conditions et motifs de leurs interventions. L’expertise est la phase déterminante de la procédure. Les conclusions de l’expert vont éclairer le juge et lui serviront de référence pour rendre sa décision. DU MÉDECIN EXPERT DANS UNE ACTION JUDICIAIRE tions dans le respect des droits de chacun. En revanche, un médecin mis en cause dans une affaire est en droit de communiquer tous les éléments nécessaires au médecin expert sans qu’il lui soit opposé le secret médical. En effet, il serait contraire aux droits de la défense d’interdire à un professionnel de santé de communiquer des informations portant sur l’état de santé et les examens du patient victime d’un dommage. Lorsque l’expert estime que sa mission est achevée, il en avise les parties pour qu’elles communiquent leurs dires avant la date de clôture. Il rédige son rapport et le dépose au greffe. Une copie sera alors communiquée aux parties. 49
  • 48. L’ÉVALUATION DE LA DOULEUR MISSION DU MÉDECIN EXPERT DANS UNE ACTION JUDICIAIRE L’appréciation du prix de la douleur ne relève pas de la compétence de l’expert mais du juge à partir du rapport remis par l’expert où il a décrit les douleurs du patient. 50 Il est important que l’expert décrive précisément les séquelles, l’importance des douleurs, les traitements afin de fournir aux juges les éléments nécessaires pour évaluer l’indemnité correspondante aux souffrances endurées. La nature des douleurs et leurs répercussions sont différentes selon l’âge du patient, ses activités, sa situation socioprofessionnelle ; c’est-à-dire les répercussions de ces douleurs sur le quotidien du patient. L’expert doit les décrire avec minutie pour ensuite permettre aux juges de quantifier « le prix de la douleur ». Dans les rapports d’experts, les souffrances endurées sont codifiées selon un barème qui va de “1 très légère” à “7 très importante”. Pour le patient, le fait de lire “cotation 3 douleur modérée” peut être pour le moins déconcertant eu égard aux douleurs qu’il a ressenties, qu’il considérait comme importante et cotait à 8 sur l’échelle EVA quand les professionnels de santé lui demandaient d’évaluer sa douleur pour déterminer l’efficacité ou non de sa prise en charge. C’est parfois toute la complexité entre le langage juridique et médical. QUELLE LÉGITIMITÉ ACCORDER AUX RECOMMANDATIONS DES SOCIÉTÉS SAVANTES ? Les recommandations officielles comme celles émanant, notamment, de l’Has, l’Affsaps, ont une force probante et se doivent d’être prises en compte par les professionnels de santé. Les experts et juges saisis à l’occasion d’un litige attacheront de l’importance au respect de ces recommandations. Cela ne signifie pas que les recommandations émanant des professionnels sont sans valeur. Bien au contraire, il convient cependant d’examiner l’indépendance de la réalisation des recommandations et de la garantie scientifique. En l’occurrence, experts et juges s’interrogeront sur la mise en place d’un travail de réflexion, la mise en place d’actions de prévention, la prise en charge de la douleur (CLUD, protocoles, formation des professionnels). Ainsi,
  • 49. l’expert pourra s’appuyer sur des recommandations comme celles de la SFAR relatives « à la prise en charge de la douleur postopératoire chez l’adulte et l’enfant » (novembre 2008). Ces recommandations, même si elles n’ont pas un caractère obligatoire comme un texte de loi, ne peuvent être ignorées ou écartées par les professionnels de santé sans motif légitime. L’expert pourrait reprocher à une équipe de ne pas les avoir intégrées dans leur démarche de réflexion et qualité de la prise en charge de la douleur dès lors que ces recommandations s’inscrivent pleinement dans le sens des plans douleurs et de l’amélioration de la prise en charge du patient. Les juges seront particulièrement sévères face aux professionnels qui ne tiennent pas compte des recommandations pour limiter le risque de carence. Commet le Dr ………… demeurant à ………… en qualité d’expert avec mission de : (5) 1/ Examiner ………… [Décrire les lésions] qu’ [il ou elle] impute à l’accident dont [il ou elle] a été victime le ………… 200X… à …………, indiquer les examens, soins et interventions dont la victime a été l’objet, leur évolution et les traitements appliqués ; préciser si ces lésions sont bien en relation directe et certaine avec l’accident ; Phase importante de l’expertise : la responsabilité administrative ou civile peut être retenue à partir du moment où les trois conditions requises sont réunies, c’est-à-dire une faute, un dommage, un lien de causalité. L’absence d’un seul de ces éléments et la responsabilité peut être écartée. Depuis la loi du 4 mars 2002, le principe est la responsabilité pour faute. En l’occurrence, il est demandé à l’expert de préciser si les lésions sont la conséquence directe de l’accident ou si elles sont liées à l’évo- MISSION À partir d’un exemple de mission susceptible d’être confiée à un expert, il s’agit de faire le point sur les principaux chefs de préjudices et de mettre en exergue l’importance de l’expertise dans le contentieux de la responsabilité médicale. DU MÉDECIN EXPERT DANS UNE ACTION JUDICIAIRE EXEMPLE D’UNE MISSION D’EXPERTISE MÉDICALE 51