Géraldine Goulinet-Fité, spécialiste de la communication hospitalière et doctorante en sciences de l'information et de la communication à l'Université de Bordeaux (Laboratoire Aquil@bs) répond à quelques questions pour le ''Cercle des communicants francophones''.
Dénutrition de la personne âgée Dénutrition de la personne âgée
Tout savoir sur la communication interne dans la fonction publique hospitalière
1. Cercle des communicants francophones
« Dans les hôpitaux, il faut remettre "l'humain" au centre de toutes les
démarches de communication interne et utiliser des outils qui
privilégient l'interactivité, l'expressivité et l'émotionnel »
Géraldine Goulinet-Fité, spécialiste de la communication hospitalière et doctorante en sciences de
l'information et de la communication à l'Université de Bordeaux (Laboratoire Aquil@bs) répond à
quelques questions pour le ''Cercle des communicants francophones''.
Comment la communication interne est-elle considérée au sein des hôpitaux ? A-t-
elle acquis sa légitimité ?
Géraldine Goulinet-Fité (GGF) : La communication interne n'est pas encore une fonction reconnue
en tant que telle par les structures hospitalières mais tend à le devenir et ce, pour deux raisons
majeures. La première provient du niveau de maturité de la fonction communication au sein des
hôpitaux. En effet, elle n'est intégrée au répertoire de la fonction publique hospitalière que depuis
une dizaine d'année seulement. Le recrutement des professionnels du métier, formés et
expérimentés sont venus peu à peu remplacer des personnels souvent issus de professions
soignantes pour lesquels la communication interne s'inscrivait davantage dans une démarche
relationnelle que dans un processus d'accompagnement stratégique et de soutien au pilotage des
politiques institutionnelles.
La deuxième raison est liée aux transformations structurelles du système politique. Suite à plusieurs
réformes (ordonnances Juppé prises en 1996, obligation d'une certification d'établissement par la
Haute Autorité de Santé, valorisation des droits des patients avec la loi Kouchner de 2002,
transformation radicale du mode de gouvernance avec la loi Hôpital Patients Santé et Territoires en
2009), les établissements de santé ont donc "professionnalisé" la communication, tant dans les
modes de recrutement que dans les missions confiées : approche marketing, communication digitale
et communication interne sont, entre autre aujourd'hui, des compétences recherchées dans un
environnement de plus en plus "concurrentiel", un contexte de désertification médicale, une
gouvernance complexe et un souci permanent de soigner sa réputation dans une omni-présence de
l'information en temps réel.
De fait, je suis intimement convaincue que la communication interne est amenée à moyen et long
terme à trouver son modèle de reconnaissance dans autre chose que la gestion d'un site intranet ou
dans la publication d'un journal interne.
La communication interne est une fonction partagée entre plusieurs acteurs
(service des ressources humaines, directeur de l'établissement...). Comment
peut-on faire en sorte qu'ils travaillent ensemble sans que la communication
interne devienne un enjeu de pouvoir ?
(GGF) : L'hôpital est dans l'obligation réglementaire de dresser sa feuille de route tous les 5 ans à
travers son projet d'établissement. C'est ce dernier qui lui permet de négocier les contrats d'objectifs
et de moyens avec ses structures de tutelle. Par ailleurs, l'hôpital est soumis à une procédure de
certification obligatoire, demandée par la Haute Autorité de Santé, chargée d'évaluer entre autre, le
management général (qualité de vie au travail, démarche en matière de développement durable) et
les fonctions supports (notamment la fonction RH) de chaque établissement. Ces obligations
2. garantissent la cohérence et sont un formidable levier d'évitement des clivages et d'exercice abusif
de pouvoir individuel. Elles contraignent les directions fonctionnelles à travailler ensemble pour
garantir aux professionnels comme aux usagers de santé le meilleur service possible. Directions
RH, qualité et gestion des risques, affaires médicales et soins infirmiers, institut de formation en
soins infirmiers et service communication sont donc invités en permanence à collaborer et s'associer
pour mener les projets stratégiques.
Est-ce nécessaire selon vous d'élaborer une stratégie de communication interne ?
(GGF) : Avec plus de 150 métiers différents dans les domaines logistiques, administratifs, médical,
paramédical, technique, biomédical etc.. s'adresser à tous ces publics en fonction de leurs attentes et
de leurs besoins nécessitent de tracer une feuille de route claire, partagée et visible pour tous. L'acte
même de définir la stratégie de communication interne permet de concevoir, suivre et évaluer son
plan de communication. Ce management est indispensable pour une gestion efficace et une
reconnaissance de son utilité. La communication interne ne doit pas être indépendante, ni être une
"annexe" de la communication externe mais s'adosser à elle et interagir en permanence à partir du
sens et des valeurs du service public hospitalier.
D'après votre expérience, quels sont les outils de communication interne qui
fonctionnent bien au sein des hôpitaux et ceux dont l'efficacité reste à prouver ?
(GGF) : Tous les outils permettant l'expression des agents et valorisant leur expérience pour la faire
partager au plus grand nombre à partir d'une thématique transversale peuvent être utiles.
Voici quelques exemples :
– réaliser un numéro spécial du journal interne sur la fonction accueil à l'hôpital, la
responsabilité hospitalière, les 35 heures et faire participer tous les corps de métier sur ces
questions.
– co-réaliser avec les équipes des reportages vidéo permettant d'illustrer la manière dont ils
ont mis en pratique les axes du projet institutionnel et les utiliser pour co-construire la
thématique de présentation des séminaires annuels d'information animés par l'équipe de
direction
– faire témoigner les équipes sur les exigences et la noblesse des métiers hospitaliers à
l'occasion des journées d'accueil des nouveaux personnels.
En fait, remettre "l'humain" au centre de toutes les démarches de communication interne à travers
tous les actes qui contribuent à prendre soin (notion du ''care''). C'est pourquoi les outils qui
privilégient l'interactivité, l'expressivité, l'émotionnel bénéficient d'un facteur de réussite plus
important que ceux qui se sont positionnés sur une seule démarche informationnelle et pédagogique.
Pensez-vous que dans les prochaines années la communication numérique aura
remplacé la communication papier au sein des hôpitaux ?
(GGF) : Le numérique, notamment avec le développement de dispositifs mobiles et la gestion des
data, offrent de formidables opportunités de communication pour personnaliser et adapter les
messages. D'une communication interne générale et impersonnelle, considérée comme souvent trop
éloignée des besoins et attentes du personnel, nous allons tendre vers une communication
"personnifiée", sur-mesure et en temps réel. Si ces fonctionnalités vont engager de nouveaux
usages, la fonction communication interne va devoir se saisir de ces nouvelles pratiques. Cela va
induire de nouvelles exigences pour d'une part garantir le respect des règles de confidentialité et
3. d'autre part développer de nouvelles compétences notamment d'analyse des données (datasciences).
Les organisations, y compris l'hôpital, vont devoir s'adapter à l'évolution des équipements (tablette,
smartphone) et adapter leur système d'information comme leur stratégie de communication interne à
ces nouveaux usages où les frontières entre vie professionnelle et vie privée viennent à se diluer par
des dispositifs communs. Nous le voyons déjà par exemple avec l'usage du mail où les temps de
déconnexion des collaborateurs sont de plus en plus courts. Le débat n'est pas tant sur le
remplacement d'un support par l'autre mais sur les transformations des usages entre l'un et l'autre.
Cette réflexion est encore à mon sens trop peu soulevée par les professionnels. Et pourtant, c'est là
que sont les nouveaux enjeux de la communication interne.
Quels sont les thèmes de communication interne qui émergent ces dernières
années au sein des hôpitaux ?
(GGF) : La qualité de vie au travail et la responsabilité hospitalière sont deux thèmes phares de la
communication interne et ce pour plusieurs raisons : tendance au ''burn out'' très important des
professions médicales et para-médicales, insécurité, incivilités exponentielles depuis quelques
années (agressions aux urgences), nécessité d'une adaptation de plus en plus rapide aux exigences
réglementaires et technologiques (e-santé). Il faut donc une communication centrée sur l'écoute,
l'accompagnement et la valorisation des résultats opérationnels probants pour maintenir la
motivation et fédérer les acteurs dans les démarches institutionnelles.
Pourriez-vous donner quelques exemples d'actions de communication interne
que vous avez mises en oeuvre et dont vous êtes particulièrement fière ?
(GGF) : Nous sommes en 2001. Le Centre de psychiatrie doit quitter ses locaux vétustes pendant un
an pour permettre les travaux en toute sécurité. Personnels et patients sont logés par l'office public
HLM de Béziers dans un quartier considéré comme difficile (chômage, délinquance, trafic de
drogue). La veille du déménagement, le chef du cabinet du maire se fait abattre suite à une rixe avec
les policiers dans ce même quartier. Outre la gestion de la crise en interne, il a fallu concilier avec le
comité de quartier, les habitants, les commerçants. La pression était immense. Après la projection
médiatique stigmatisant le quartier, les "fous" allaient venir squatter ce dernier... La communication
interne a été quotidienne pour (ré)assurer les personnels, être imaginatif pour permettre
l'acceptabilité de tous, être attentif au moindre détail sans pour autant oublié les autre services
hospitaliers. Un travail de longue haleine et un véritable engagement de "terrain".
Quelles sont selon vous les compétences requises pour travailler dans la
communication au sein d'un hôpital ?
(GGF) : Il ne s'agit pas d'être un bon communicant, il faut être un très bon médiateur. Face à
diversité des métiers hospitaliers, les cultures professionnelles sont parfois diamétralement
opposées. Il faut concilier toutes ses approches avec diplomatie, respecter les différences de
chacune et trouver dans les complémentarités les forces fédératrices.
Quelles sont à votre avis les grandes évolutions que va connaître la
communication au sein des hôpitaux dans les prochaines années ?
(GGF) : La santé est un domaine qui doit sortir de ''l'hospitalo-centrisme'' et se discuter dans ces
orientations stratégiques de communication avec l'ensemble des acteurs territoriaux et dans les
différents schémas d'organisation.
4. Quelles sont celles que vous souhaiteriez ?
(GGF) : Je rêverai d'un réseau transversal de communication santé où, autour de la table se
retrouverai les responsables communication des collectivités territoriales, des structures de tutelle,
des services décentralisés de l'état pour définir un schéma territorial de la communication santé.
Interview réalisée par Damien ARNAUD (@laCOMenchantier) – octobre 2014
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