D’apparence simple, le fil conducteur de cette conférence traitera de la question suivante : comment les gens pensent-ils ?
Comment élaborent-ils leurs connaissances ? Quel(s) rôle(s) jouent leurs croyances ? Le raisonnement peut-il être en fonction de l’objet ? Quelles interactions existent entre le savoir profane et le savoir scientifique ? La pensée magique n’est-elle qu’une forme de superstition ? Quels facteurs prédisposent à l’adoption de croyances particulières ? Doit-on forcément adhérer au contenu du message pour le transmettre ou le diffuser ? Ce sont autant de questions qui surgissent alors immédiatement et pour lesquelles je tenterai d’apporter des réponses.
2. « Les faits ne pénètrent pas dans le monde où
vivent nos croyances, ils n'ont pas fait naître
celles-ci, ils ne les détruisent pas ; ils peuvent
leur infliger les plus constants démentis sans
les affaiblir, et une avalanche de malheurs ou
de maladies dans une famille ne la fera pas
douter de la bonté de son Dieu ou du talent
de son médecin. »
(Marcel Proust, Du côté de chez Swann, p.179)
3. L’échec d’une prophétie
Festinger
(1919-1989)
Leon Festinger, Henry
Riecken et Stanley Schachter
L'Échec d'une prophétie (titre
original : When Prophecy
Fails, 1956)
Dorothy Martin (« Marian
Keech ») dans la banlieue
de Chicago
21 décembre 1954
6. Une raquette et une balle de tennis valent 11 euros
La raquette vaut 10 euros de plus que la balle
Combien coûte la balle ?
7. Un lac est recouvert de
nénuphars dont l'étendue
double chaque jour. Si les
nénuphars mettent 48 jours à
couvrir toute la surface du lac,
en combien de temps en
couvriraient-ils la moitié ?
9. La balle de tennis
coûte 0, 50 € !
La réponse intuitive qui saute à l'esprit est 1 € mais cette réponse, intuitive et impulsive, est fausse
Si la balle valait 1 €, la raquette vaudrait 11 € (1 € de plus), et leur somme serait de 12 €
La réponse est 0,50 € puisque 0,50 + (10 + 0,50) = 11 !
11. en 47 jours !
La réponse intuitive qui saute à l'esprit est 24 jours mais cette réponse, intuitive et impulsive, est fausse.
L'étendue doublant tous les jours, pour chaque jour donné, elle était la moitié moins grande la veille
12. Daniel
Kahneman
Système 2
lente, fiable, coûteuse,
délibérée (dirigée
consciemment) et logique
PENSÉE ANALYTIQUE
Système 1
réactions intuitives, peu
coûteuses, approximatives,
automatiques (peu
conscientes ou délibérées)
et rapides
PENSÉE INTUITIVE
13. quel est leur point commun ?
« Je ne porte que des costumes bleus ou gris, j’essaie de réduire au minimum le nombre de
décisions à prendre. Je ne veux pas en prendre en rapport avec ce que je porte ou ce que je
mange, parce que j’en ai trop à prendre par ailleurs. Vous devez mettre en place une routine,
vous ne devez pas être distrait par des choses triviales pendant votre journée. »
14. des raisonnements biaisés
intellectuellement plus
confortables que des
raisonnements justes
la forme des discours
et la manière dont les
informations nous sont
présentées
le groupe
les interactions (directes ou
indirectes) avec les autres
Nos jugements /
nos raisonnements sont
influencés par
15. Les biais cognitifs
peuvent être
organisés en quatre
catégories : les biais
qui découlent de trop
d'informations, pas
assez de sens, la
nécessité d'agir
rapidement et les
limites de la mémoire
16. « Vous avez besoin d'être aimé et admiré, et pourtant vous
êtes critique avec vous-même. Vous avez certes des points
faibles dans votre personnalité, mais vous savez
généralement les compenser. Vous avez un potentiel
considérable que vous n'avez pas encore utilisé à votre
avantage. À l'extérieur vous êtes discipliné et vous savez
vous contrôler, mais à l'intérieur vous tendez à être
préoccupé et pas très sûr de vous-même […] »
Bertram Forer (1948)
18. biais de confirmation (d’hypothèse)
tendance à privilégier les informations confirmant ses idées préconçues
(ou ses hypothèses) et/ou à accorder moins de poids aux informations (et
hypothèses) jouant en défaveur de ses conceptions
20. McCauley &
Jacques (1979)
Assassinat d’un président
(cas fictif)
réussi >> plus de probabilité d’être
considéré comme le résultat
d’un complot
raté >> plus de probabilité d’être
considéré comme le résultat
d’un individu isolé recherche de
cohérence entre
les causes et les effets
30. MOSCOVICI (1925-2014)
Serge
Serge Moscovici (1961). La psychanalyse, son image
et son public. Paris, Presses universitaires de France.
Une représentation sociale s’élabore selon deux
processus fondamentaux : l’objectivation et l’ancrage
33. Shōkō ASAHARA
Vérité suprême de Aum
20 mars 1995, attentat au gaz sarin dans le métro
de Tokyo, 12 morts, plusieurs milliers de blessés
Jo DI MAMBRO
Ordre du Temple solaire
5 octobre 1993, suicide collectif,
48 morts
David KORESH
Groupe religieux des « Davidiens »
28 février 1993, siège de 51 jours (ATF / FBI),
suicide collectif, 82 morts
Jim JONES
Le temple du peuple
18 novembre 1978, « suicide
révolutionnaire », plus de 900 morts
34. uEvénements tragiques /
marquants / inattendus
provoquent souvent l’apparition
de théories du complot
explications naïves concurrentes
aux versions officielles impliquant
l’intervention d’un groupe agissant
dans l’ombre
théories du complot : définitions
35. u « superconspirationnisme » qui renvoie aux croyances
considérées comme irrationnelles (e.g. le surnaturel)
u « conspirationnisme d’événement » lié à un événement
particulier (décès, catastrophe naturelle…)
u « conspirationnisme systémique » : le(s) complot(s)
devien(nen)t ici une grille de lecture de la vérité qui entraîne
un très fort degré d’adhésion
Michael Barkun
théories du complot : définitions
36. Selon Keeley les théories du complot auraient plusieurs caractéristiques :
1. Les intentions cachées des conspirateurs sont néfastes ;
2. Ceux-ci font preuve d’une volonté manifeste de cacher la vérité ;
3. Elles contredisent une version « officielle » ou « évidente » ;
4. Elles lient des événements qui n’ont pas de rapport évident entre eux ;
5. Les données aberrantes (éléments contradictoires ou qui n’ont pas été expliqués
dans la version « officielle ») sont les éléments de base de ces théories
théories du complot : définitions
37.
38. Ce qui conditionne et rend compte de
la connaissance quotidienne c’est
avant tout l’insertion sociale des
individus qui l’exprime
Les « erreurs » font corps et sens…
39. RAISON(S)&DÉRAISON(S)
Sylvain DELOUVÉE, université Rennes 2
Laboratoire de psychologie (LP3C)
Maître de conférences HDR en psychologie sociale
Coordinateur scientifique du projet ANR « Répondre à la propagation
des théories du complot » (http://www.anr-conspiracy.fr)
sylvain.delouvee@univ-rennes2.fr
twitter : @sylvaindelouvee