Licences libres, Cultures libres : une autre voie pour la création
Quels usages collectifs pour le livre à l'heure du numérique ?
1. Quels usages collectifs pour le livre à
l’heure du numérique ?
Par Calimaq
ImageparElisavhout.CC-BY-NC-ND
2. « Nous avons combattu pendant des centaines
d’années pour la conquête d’un espace intérieur,
cet espace où nous lisons, pensons, réfléchissions et
qui nous donne la possibilité de devenir non-
orthodoxe, dans notre propre esprit. C’est cet
espace que tout le monde veut supprimer. »
Eben Moglen
Usages collectifs ? Caractère solitaire, individuel,
personnel, intime de la lecture…
La Liseuse. Par Fragonard. Domaine public.
3. Mais aussi des usages collectifs des livres et de la lecture
The People’s Library –
Occupy Wall Street (2011)
Source images : Wikimedia Commons
4. Pourtant quelque chose avec le numérique est en
train de profondément changer pour le livre…
A lire : eBooks, livres augmentés ou livres diminués ?
Donner, prêter, offrir, léguer, revendre
un livre est entièrement légal.
Mais faire de même avec un eBook ?
Combien de livres avez-vous lu
qui vous ont été prêtés ou
donnés par un ami ?
5. La bibliothèque comme incarnation d’un
droit d’usage collectif sur la culture
A lire : Bibliothèques et Communs de la connaissance. Revue de l’ABF
De la bibliothèque
d’Alexandrie à la
bibliothèque du Roi…
Des confiscations
révolutionnaires à nos
bibliothèques publiques…
6. Mais de quel droit ?
Pendant longtemps, les bibliothèques
sont restées des « maisons de tolérance »
A partie de la Révolution, la fourniture de documents en prêt aux
usagers s’est exercée en dehors de tout cadre juridique, même
lorsque les œuvres étaient protégées par le droit d’auteur.
7. Jusqu’à la grande bataille du droit de prêt du livre…
La directive européenne de 1992 établit que le prêt public des œuvres est soumis au droit d’auteur. Plus de
10 ans de débats virulents ont lieu en France pour la transposer. Des titulaires de droits (auteurs, éditeurs)
demandaient l’instauration d’un prêt payant à l’acte en bibliothèque. En 2003, la loi a arbitré finalement en
faveur d’une solution différente.
8. Le prêt de livres saisi par le droit en Europe
• L’acte de prêt paraît échapper au droit
d’auteur, car il ne constitue ni une
reproduction, ni une représentation de
l’œuvre.
• En 1992, la directive européenne rattache
explicitement l’acte de prêt public au droit
d’auteur par le biais du « droit de
distribution ».
• Le prêt privé reste de son côté
complètement libre, car couvert par
« l’épuisement du droit » d’auteur après la
première mise en circulation du support.
• Les Etats ont la faculté d’organiser le prêt
public et la rémunération des ayants droit
au niveau législatif.
9. Une licence légale et un système de rémunération
Ministère de la Culture. Droit de prêt.
Versement par l’Etat d’une
somme forfaitaire annuelle par
usager inscrit dans les
bibliothèques de prêt
Prélèvement de 6% à la charge
des fournisseurs appliqué au
prix public de vente hors taxe
des ouvrages achetés par les
bibliothèques de prêt
Rabais accordé par les
fournisseurs plafonné à 9% du
prix de vente des ouvrages
La SOFIA, société de gestion
collective, reverse les
sommes aux auteurs et
éditeurs
Le droit de prêt public du livre en bibliothèque en France
10. Le « droit de prêt » de la loi de 2003,
applicable au livre numérique ?
• Pourrait-on modifier la loi de 2003
pour la rendre applicable au livre
numérique et créer un « droit de
prêt numérique » ?
• La loi parle d’œuvres publiées
« sous forme de livre » sans préciser
livre papier ou livre numérique.
• Mais les décrets d’application
visent explicitement le livre papier.
• Juridiquement, un livre numérique
n’est pas un livre (régime fiscal
différent, TVA, pas de dépôt légal, loi
sur prix unique du livre numérique).
Pourtant, le Royaume-Uni étend son « Public Lending
Right » aux eBooks, mais seulement à condition que
l’emprunt des fichiers se fasse sur place…
11. En France, en dépit du flou juridique, les pratiques
numériques se développent malgré tout…
Carte du prêt de tablettes/liseuses
dans les bibliothèques en France
Mais difficultés pour trouver des
contenus (domaine public, licences
libres) d’où tentation de se tourner vers
l’offre en B to C….
Développements d’offres par des
intermédiaires (e-Distributeurs) ou des
éditeurs indépendants, sur une base
contractuelle.
Affaire Publie.net/Mediathèque de Martigues :
tensions autour de l’achat des livres numériques
aux libraires par les bibliothèques
12. Ambiguïté de la notion de « prêt numérique » :
L’incidence des DRM
Notion problématique
« d’exemplaire
numérique »
Système de livres
« chronodégradables »
par le biais de DRM
Parfois, diffusion en
streaming (mais
seulement sur place)
Maintien artificiel de la
rareté dans
l’environnement
numérique
Appliquer la « physicalité du livre papier » au prêt numérique en bibliothèque ?
13. La France, longtemps en retard…
• Positionnement d’intermédiaires,
notamment Overdrive (en partenariat
avec grands éditeurs et Amazon)
• Aux Etats-Unis, 82% des
bibliothèques publiques prêtent des
eBooks, alors que 98,5% des
bibliothèques en France n’en prêtent
pas… (chiffres en 2014)
Position du PDG de
Hachette au Salon du
livre de Paris, 2012
"Ces lieux ont pour vocation de d'offrir à des gens qui n'ont pas les moyens financiers, un
accès subventionné par la collectivité, au livre. Nous sommes très attachés aux
bibliothèques qui sont des clients importants pour nos éditeurs, particulièrement en
littérature.
Alors, il faut retourner la question : est-ce que les acheteurs d'iPad ont besoin qu'on les
aide à se procurer des livres gratuitement ? Je ne suis pas certain que cela corresponde à
la mission des bibliothèques. Par définition, les gens qui ont acheté un Kindle ou un iPad
ont un pouvoir d'achat, là où les gens qui sont les usagers de ces lieux en manquent.
La position de Hachette aujourd'hui, c'est qu'on ne vend pas aux bibliothèques[...]".
14. Nouvelle donne ? La mise en place du projet PNB
• Un« hub » central pour le
livre numérique en
bibliothèque
• S’appuie sur expérience
précédente au Québec de la
plateforme pretnumérique.ca
• Plateforme connectant les
éditeurs, les libraires, les
bibliothèques
• Fort soutien du Ministère de
la Culture
Projet développé à droit constant sur une base
contractuelle. Pas de réforme du cadre législatif.
15. Un modèle de licence
contractuelle à géométrie variable
Licences de prêt envisagées
Grande disparité de prix et
des conditions d’accès, selon
les éditeurs.
Aucune obligation ou
contrepartie n’est
imposée aux éditeurs qui
restent libres de leur
modèle d’offre, ainsi que
de ne pas participer
Système de DRM « chronodégradable »
avec Adobe Digital Edition
16. Développement du système PBN, mais
fort risque de régression juridique…
Fort développement de PNB :
- 110 000 ebooks disponibles (62,5% de
l’offre totale).
- 58 établissements inscrits en France,
Belgique, Suisse.
- 36 libraires partenaires.
- 10 prestataires de services
informatiques.
- 70 000 prêts en 2015
Mais à quel prix par rapport aux
garanties du cadre législatif du
droit de prêt en bibliothèque ?
17. Polémique au sein de la profession de bibliothécaires
A lire : SavoirsCom1. PNB ou le livre numérique inabordable pour les bibliothèques.
18. Position de l’ABF (Association des Bibliothécaires de France)
http://www.abf.asso.fr/1/22/554/ABF/-communique-l-abf-alerte-sur-le-dispositif-
pret-numerique-en-bibliotheque-pnb-
19. Un risque de retour en arrière si le succès est au
rendez-vous ? Le précédent américain
- 2011 : HarperCollins et le système des « 26 prêts avant
autodestruction » (1)
- 2011 : Retrait brutal des collections de l’éditeur Penguin et retour
seulement des titres anciens (2)
- 2012 : Augmentation subite de 300% des prix des eBooks de Random
House (3)
http://www.flickr.com/photos/mlajs/5923345512/
20. Un risque de retour en arrière si le succès est au
rendez-vous ? Le précédent danois
Au Danemark, plateforme
eReolen : lancée en 2011,
l’expérience est brusquement
arrêtée à cause du retrait des
éditeurs devant le succès
rencontré, par peur de l’impact
sur les ventes aux particuliers.
21. Des perspectives au niveau européen ?
Quelles suites pour le rapport Reda ?
“Recognizes the importance of
libraries for access to knowledge and
calls upon the Commission to assess
the adoption of an exception
allowing public and research
libraries to legally lend works to the
public in digital formats for personal
use, for a limited duration through
the internet or libraries' networks”
Mais pas de traces dans les pistes de réforme du
droit d’auteur annoncées par la Commission
22. Des perspectives au niveau européen ?
Une décision cruciale de la CJUE à venir
Septembre 2014 : CJUE saisie par une Cour des
Pays-bas, à propos du « prêt numérique » en
bibliothèque : est-il couvert par la directive de
1992 ? La théorie de l’épuisement des droits est-
elle applicable ?
23. Des perspectives au niveau mondial ?
La piste d’une exception au droit d’auteur
• Projet de traité sur les exceptions et limitations en
faveur des bibliothèques et archives, négocié par
l’IFLA dans le cadre de l’OMPI (TLIB)
L’IFLA pousse pour
la mise en place
d’une exception au
droit d’auteur pour
« l’accès
temporaire à des
œuvres protégées
sous support
numérique »
Mais blocage des négociations et forte opposition
des pays développés (en particulier UE)
24. Des alternatives du côté du domaine public
et de la Culture libre ?
EbookenBib et
les Bibliobox
25. Livres numériques sous licence libre :
Un potentiel à exploiter
« Le geste qui sauve » de
Thierry Crouzet.
-> Publié en papier chez L’Age
d’homme
-> Diffusé en version numérique
sous licence Creative Commons
-> Traduit de manière collaborative
en 14 langues
-> Librement prêtable en
bibliothèque
26. L’avenir des usages collectifs du livre
… passe aussi toujours par le papier.
27. Développement des « Petites Bibliothèques
de rue » (Little Free Libraries)
A lire : De Toronto à Montréal en passant par Berlin,
les petites bibliothèques de la rue
28. Concept de « fonds participatif » en médiathèque
La 27ème région : les nouveaux usages de la médiathèque
32. • Inventaire.io
Jusqu’à un risque « d’ubérisation » de la sphère du livre ?
A lire :
L’affaire Booxup et le
prêt de livre : quelques
clarifications sur la
notion de bibliothèque
ouverte au public.
33. Quels risques à ne pas prendre en compte les
usages collectifs du livre numérique ?
A lire : Livres numériques : le piratage s’intensifie
34. Les GAFA ont bien compris l’importance
des usages collectifs…
A lire : Close the libraries
and buy everyone an
Amazon Kindle
Unlimited subscription.
Nouveau dispositif
« Family Sharing »
proposé par Apple
Les offres commerciales des gros acteurs
comme Amazon ou Apple mettent
progressivement den place des possibilités
d’usage collectif des eBooks.