1. Université Victor Segalen Bordeaux 2
Année 2010
Thèse n°
THÈSE
pour le
DOCTORAT DE L’UNIVERSITÉ BORDEAUX 2
Mention : Sciences Biologiques et Médicales
Option : Biologie-Santé
Présentée et soutenue publiquement
Le 20 Décembre 2010
Par Fabien LABROUSSAA
Né le 15 Mars 1984 à Pau (Pyrénées-Atlantiques)
INTERACTIONS ENTRE SPIROPLASMA CITRI
ET SON INSECTE VECTEUR CIRCULIFER HAEMATOCEPS
La phosphoglycérate kinase de S. citri : une « actin-binding protein »
impliquée dans la transmission du spiroplasme par la cicadelle
Membres du Jury
M. BONNEU M., Professeur à l’IPB ENSTBB de Bordeaux ............................ Président
Mme. BRAULT V., Directrice de Recherche à l’INRA de Colmar ................... Rapporteur
M. HEDDI A., Professeur à l’INSA de Lyon ..................................................... Rapporteur
Mme. MARZACHI C., Chercheur à l’Institut de Virologie Végétale de Turin . Examinateur
M. LANDRY M., Professeur à l’Université de Bordeaux 2 ............................... Examinateur
Mme. SAILLARD C., Maître de Conférence à l’Université de Bordeaux 2 Directrice de thèse
2.
3. THÈSE
pour le
DOCTORAT DE L’UNIVERSITÉ BORDEAUX 2
Mention : Sciences Biologiques et Médicales
Option : Biologie-Santé
Présentée et soutenue publiquement
Le 20 Décembre 2010
Par Fabien LABROUSSAA
Né le 15 Mars 1984 à Pau (Pyrénées-Atlantiques)
INTERACTIONS ENTRE SPIROPLASMA CITRI
ET SON INSECTE VECTEUR CIRCULIFER HAEMATOCEPS
La phosphoglycérate kinase de S. citri : une « actin-binding protein »
impliquée dans la transmission du spiroplasme par la cicadelle
7. Remerciements
Ce travail a été réalisé dans le laboratoire de l’Unité Mixte de Recherche 1090 Génomique et Diversité
du Pouvoir Pathogène (Institut National de la Recherche Agronomique et Université Victor Ségalen Bordeaux
2), dirigé par Mr Alain Blanchard, sous la direction de Mme Colette Saillard.
Je tiens tout d’abord à remercier Mr Blanchard pour m’avoir permis de réaliser ma thèse, ainsi que mes
précédents stages de Master 1 et 2, dans son laboratoire.
Je souhaite également remercier Mr Bonneu de me faire l’honneur de présider ce jury.
Je tiens à adresser mes plus sincères remerciements à Mme V. Brault et Mr A. Heddi d’avoir accepté
d’examiner et de juger ce manuscrit.
Je remercie également Mme C. Marzachi et Mr M. Landry d’avoir accepté de participer à ce jury de
thèse.
Un grand merci à Colette pour m’avoir accompagné pendant ces quatre dernières années. Merci pour
son encadrement de chaque instant, pour m’avoir laissé la liberté de m’exprimer pleinement dans mon travail.
Merci également pour les nombreuses heures passées à la correction de ce manuscrit et aussi lors de chacune de
mes présentations orales. Si ces années de thèse ont été un réel plaisir pour moi, c’est en grande partie grâce à
elle. J’espère que si j’avais à être le dernier thésard de ta carrière, j’aurais été à la hauteur de mes prédécesseurs.
J’adresse aussi un grand merci à Joël et Sybille pour leur encadrement pendant mon stage de M1. Merci
à Joël pour toutes les discussions scientifiques ou non, très utiles tout au long de ces années. Merci à Sybille
pour son encadrement et sa rigueur qui m’ont apporté toutes les bases indispensables au travail de laboratoire.
Merci à vous deux pour votre soutien.
Je tiens à remercier Marie-Pierre pour sa formidable gentillesse et sa disponibilité sans failles. Merci
pour m’avoir formé à toutes les techniques de Protéomique. Merci aussi pour m’avoir épargné de nombreuses
taches chronophages (commandes, micro-injections des insectes, solutions, etc…).
J’adresse un grand merci à Nathalie, ma nouvelle voisine de bureau, pour tout ce temps consacré aux
manips de microscopie confocale. Merci aussi pour les cellules de Circulifer haematoceps. Mon travail n’aurait
pas été le même sans le tien. Promis ! A la fin de ma thèse, je te donne mon bureau que tu jalouses depuis ces
derniers mois !
Je remercie énormément Laure, une des rares personnes au monde à se battre pour faire des tests
statistiques ! Merçi d’avoir consacrer du temps à l’éveil d’un néo-biochimiste. Je remercie ici une source
intarissable d’idées, de conseils et de connaissances dans de nombreux domaines scientifiques.
Je tiens également à remercier Michel Castroviejo pour avoir accepté de me prêter pour quelques heures
tous ses appareils de chromato mais aussi pour sa gentillesse au cours de chacune de mes visites.
Un grand Merci collectif et sincère à tout le labo « Molli ».
Aux « IPPistes », Pascal SP, Claire et Guillaume et pour le travail sur Mycoplasma mycoïdes.
A toute l’équipe « Phyto » au sens large : Xavier, Sylvie, Delphine, Anne, Gulnara, Sandrine, Christophe, Jam,
Pascal S et Jean-Luc.
A Jacqueline pour ces conseils et pour tous les autoclavages réalisés en « urgence ».
3
8.
9. Aux « serristes », Kaelig et Denis, pour s’occuper de toutes nos bizarreries, pour leurs connaissances pour le
secours et le dépannage d’appareils défectueux, sans oublier leurs talents pour le barbecue ! Vous êtes dignes de
votre illustre prédécesseur, Patrick, que je remercie également sincèrement pour son travail et sa personnalité.
Aux secrétaires, Evelyne et Isa, pour leurs disponibilités et leurs sourires. Peut-être que j’arriverais un jour à
vous pardonner pour les pérégrinations italiennes….
Merci aussi à Marc, Laure, Clothilde et Cédric pour les moments « détente » : pause-café, Sodexo et quelques
soirées. Je me souviendrais encore longtemps des discussions non-scientifiques improbables et variées qui
animaient ces moments-là. Merci à Marc pour m’avoir enseigné tous les secrets du « Bob Whitcomb Award » !
J’ai une pleine bacholle de souvenirs, y’en aura de reste !
Je tiens à remercier Suzann pour avoir mis à ma disposition ses indéniables talents artistiques pour le
dessin de Circulifer haematoceps. J’espère arriver à le mettre aussi bien en valeur que ce qu’il le mérite. Toutes
les brèves discussions de fin d’après-midi étaient un réel plaisir.
Je remercie également Lise et Laura pour leur travail au cours de leurs stages de M1. Bonne chance à
vous pour la suite.
Anne, Claire et Jam, compagnons de thèse, une pensée spéciale pour vous. Bonne chance pour la suite et
j’espère qu’on aura la chance de se revoir plus tard dans quelques congrès sur quelques îles paradisiaques….
En résumé, un grand merci à vous tous qui m’avait permis d’évoluer dans un cadre agréable et propice
au travail et fait de ma thèse une superbe expérience et un tremplin pour ma carrière.
Assez parlé travail !
Je remercie, du fond du cœur, mes parents qui m’ont toujours permis d’étudier en toute sérénité. Merci
pour l’intérêt que vous avez toujours porté à mes études. Je vous en serais éternellement reconnaissant.
Je remercie toute ma « famille ». Merci de votre soutien pendant toutes ces années et de m’avoir permis
de m’échapper du monde de la Recherche à chaque fois. Yves, Marie-Lucienne, Ben, Carole, Arnaud (compagnon
de galère…Courage !) et Poys, merci de m’avoir accueilli dans votre tribu et fait partager de si bons moments.
Un grand merci à tous mes amis et plus particulièrement Flo, Céc, David, Camille et Lio. Que ce soit à
Paris, Brive, Seignosse ou Pau, il y avait toujours une bonne excuse pour fêter quelque chose ! Bonne nouvelle,
voilà une nouvelle raison de faire la fête !
Même si mes recherches restent relativement floues et obscures pour beaucoup d’entre vous, je n’aurais
rien réussi sans vous !
Une dernière pensée toute particulière pour Marie qui m’a supporté avant la thèse, pendant ma thèse
(miracle !) et qui, j’espère, me supportera encore de longues années après.
4
10.
11. Liste des publications et des communications à des congrès
Labroussaa, F.; Dubrana, M.P., Béven, L., Arricau-Bouvery, N. & Saillard, C.
A minimal actin-binding region of the S.citri phosphoglycerate kinase is implicated in the
transmission process by the insect vector Circulifer haematoceps.
Soumis à publication à Applied and Environmental Microbiology .
Labroussaa, F. ; Arricau-Bouvery, N. ; Dubrana, M.P. & Saillard, C.
Entry of Spiroplasma citri into Circulifer haematoceps cells involves interaction between
spiroplasma phosphoglycerate kinase and leafhopper actin.
Applied and Environmental Microbiology. 2010, 76(6); 1879-1886.
Labroussaa, F., Arricau-Bouvery, N., Breton, M., Dubrana, M.P., Duret, S., Bové, J.M.,
Renaudin, J. & Saillard, C*.
Transmission of the phytopathogenic mollicute “Spiroplasma citri” by its leafhopper vector
“Circulifer haematoceps” involves plasmid-encoded determinants and phosphoglycerate kinase
protein from the spiroplasma.
18th Conference of the International Oraganization of Citrus Virologists (IOCV), 8-12/11/2010,
Campiñas (Brésil). COMMUNICATION ORALE.
Labroussaa, F.*; Dubrana, M.P., Béven, L., Arricau-Bouvery, N. & Saillard, C.
Deciphering the role of the Spiroplasma citri phosphoglycerate kinase in the internalization into
its insect vector cells.
16ème colloque Biologie de l’Insecte, 18-20/09/2010, Lyon. COMMUNICATION ORALE.
Labroussaa, F.*; Dubrana, M.P., Arricau-Bouvery, N. & Saillard, C.
Interactions between Spiroplasma citri and its insect vector Circulifer haematoceps: the dual role
of the phosphoglycerate kinase.
18ème Congrès de l’Organisation Internationale de Mycoplasmologie (IOM), 11-16/07/2010,
Chianciano (Italie). COMMUNICATION ORALE récompensée par le prix Robert Whitcomb.
Béven, L., Bouyssou, G., Charenton, C., Dautant, A., Labroussaa, F., Sköllermo, A., Perrson,
A., Blanchard, A. & Sirand-Pugnet, P.
Putative membrane ATPase of mycoplasmas: a specific evolution of ATP synthase F1 subunit.
18ème Congrès de l’Organisation Internationale de Mycoplasmologie (IOM), 11-16/07/2010,
Chianciano (Italie). POSTER.
Labroussaa, F.*; Arricau-Bouvery, N. ; Dubrana, M.P. & Saillard, C.
Transmission de S.citri par son insecte vecteur: rôle de la phosphoglycérate kinase dans
l’invasion des cellules de l’hôte.
10ème Journée scientifique de l'Ecole Doctorale Sciences de la Vie et de la Santé; 28/04/2010;
Arcachon. POSTER.
Labroussaa, F.*; Arricau-Bouvery, N. ; Dubrana, M.P. & Saillard, C.
Interactions entre Spiroplasma citri et son insecte vecteur, la cicadelle Circulifer haematoceps : le
double jeu de la phosphoglycérate kinase.
9ème Rencontres Plantes-Bactéries ; 18-22/01/2010, Aussois. COMMUNICATION ORALE.
5
12.
13. Labroussaa, F. ; Arricau-Bouvery, N.*; Dubrana, M.P. & Saillard, C.
La phosphoglycérate kinase inhibe l'internalisation de Spiroplasma citri dans les cellules en
culture de son insecte vecteur Circulifer haematoceps.
Congrès IMMUNINV; 21-23/10/2009; Poitiers. COMMUNICATION ORALE.
Labroussaa, F.*; Dubrana, M.P. ; Saillard, C. & Arricau-Bouvery, N.
Interactions protéine-protéine entre Spiroplasma citri et son insecte vecteur Circulifer
haematoceps.
1ère Journées des doctorants du Département SPE, 2-3/09/2009, Rennes. COMMUNICATION
ORALE.
Labroussaa, F. ; Dubrana, M.P. ; Saillard, C. & Arricau-Bouvery, N*.
La phosphoglycérate kinase de Spiroplasma citri, une actin-binding protein impliquée dans
l'internalisation du spiroplasme dans les cellules de son insecte vecteur.
7ème Colloque national de la Société Française de Phytopathologie (SFP); 08-11/06/2009; Lyon.
COMMUNICATION ORALE.
Labroussaa, F.*; Dubrana-Ourabah, M.P. ; Bouvery, N. & Saillard, C.
Interaction protéines-protéines entre Spiroplasma citri et son insecte vecteur Circulifer
haematoceps : identification de protéines d'insectes potentiellement impliquées dans la
transmission.
9ème Journée scientifique de l'Ecole Doctorale Sciences de la Vie et de la Santé; 08/04/2009;
Arcachon. POSTER.
Labroussaa, F.*; Dubrana-Ourabah, M.P. ; Bouvery, N. & Saillard, C.
Mise en évidence chez la cicadelle Circulifer haematoceps, de protéines potentiellement
impliquées dans la transmission de Spiroplasma citri.
8ème Rencontres Plantes-Bactéries ; 14-18/01/2008; Aussois. COMMUNICATION ORALE
récompensée par le prix de la meilleure communication orale.
Labroussaa, F. ; Bouvery, N. ; Dubrana-Ourabah, M.P. & Saillard, C*.
Interaction between Spiroplasma citri and the actin cytoskeleton of its insect vector's salivary
gland cells.
17ème Congrès de l’Organisation Internationale de Mycoplasmologie (IOM); 06-11/07/2008;
Tianjin (Chine). COMMUNICATION ORALE.
Labroussaa, F. ; Dubrana-Ourabah, M.P.*; Bouvery, N. & Saillard, C.
Interaction protéines-protéines entre Spiroplasma citri et son insecte vecteur Circulifer
haematoceps : identification de protéines d'insectes potentiellement impliquées dans la
transmission.
7ème Rencontre francophone de Mycoplasmologie; 17-18/07/2007; Lyon. COMMUNICATION
ORALE.
Bouvery, N.*; Labroussaa, F. ; Martin, E. ; Dubrana, M.P. ; Renaudin, J. & Saillard, C.
Interaction entre les protéines de Spiroplasma citri et celles du cytosquelette des cellules des
glandes salivaires de son insecte vecteur Circulifer haematoceps.
15ème Colloque Physiologie de l'Insecte; 09-11/07/2007; Rennes. COMMUNICATION ORALE.
* auteur qui a présenté la communication ou le poster.
6
17. INTRODUCTION
I. Les mollicutes .................................................................................................................. 12
1. Taxonomie......................................................................................................................... 12
2. Phylogénie......................................................................................................................... 13
3. Evolution et caractéristiques importantes ......................................................................... 13
II. Mollicutes phytopathogènes............................................................................................. 14
1. Phytoplasmes..................................................................................................................... 15
2. Spiroplasmes phytopathogènes ......................................................................................... 16
2.1. Spiroplasma phoeniceum et Spiroplasma kunkelii.................................................... 16
2.2. Spiroplasma citri ....................................................................................................... 17
2.2.1. Description de la maladie et mise en culture..................................................... 17
2.2.2. Caractéristiques de S. citri................................................................................. 18
2.2.3. S. citri, un organisme modèle pour l’élaboration d’outils génétiques............... 19
III. Transmission de microorganismes intracellulaires .......................................................... 21
1. Transmission par insecte vecteur ...................................................................................... 21
1.1. Relation entre le microorganisme et son insecte ....................................................... 21
1.1.1. Transmission externe......................................................................................... 21
1.1.2. Transmission intracellulaire .............................................................................. 21
1.1.3. Relation entre les spiroplasmes et leurs insectes............................................... 22
1.2. Insectes vecteurs........................................................................................................ 23
1.2.1. Vecteurs mollicutes phytopathogènes ............................................................... 23
1.2.1.1. Classification................................................................................................. 23
1.2.1.2. Vecteurs de S. citri ........................................................................................ 23
1.2.1.3. Morphologie des cicadelles ........................................................................... 24
1.2.2. Circuit du spiroplasme dans l’insecte................................................................ 25
2. Cycle cellulaire de la transmission.................................................................................... 26
2.1. Adhésion.................................................................................................................... 27
2.1.1. Adhésines de type fibrillaire ............................................................................. 27
2.1.1.1. Bactéries à Gram-négatif............................................................................... 27
2.1.1.2. Bactéries à Gram-positif................................................................................ 29
2.1.2. Adhésines de type non-fibrillaire ...................................................................... 30
2.1.2.1. Autotransporteurs .......................................................................................... 30
2.1.2.2. Effecteur Tir (translocated intimin receptor) ................................................ 30
2.1.2.3. Hémagglutinine filamenteuse (FHA) ............................................................ 31
2.1.2.4. Système de sécrétion de type 3 (SSTT) ........................................................ 31
2.1.3. Adhésion chez les mollicutes ............................................................................ 33
2.1.3.1. Mycoplasmes................................................................................................. 33
2.1.3.2. Phytoplasmes................................................................................................. 33
2.1.3.3. Spiroplasmes ................................................................................................. 35
2.2. Internalisation............................................................................................................ 35
2.2.1. Voie clathrine-dépendante................................................................................. 35
2.2.2. Phagocytose....................................................................................................... 36
2.2.2.1. « Zipper » mécanisme ................................................................................... 36
2.2.2.2. « Trigger » mécanisme.................................................................................. 37
2.2.2.3. Voie dépendante des microtubules................................................................ 37
2.2.3. Mycoplasmes..................................................................................................... 38
2.2.4. Virus .................................................................................................................. 39
2.2.5. Franchissement de la barrière des glandes salivaires ........................................ 40
2.3. Echappement à la machinerie lysosomiale................................................................ 41
2.3.1. Arrêt de la maturation des phagosomes ............................................................ 41
7
18.
19. 2.3.2. Libération de la vacuole .................................................................................... 42
2.3.3. Détournement du système lysosomial............................................................... 42
2.4. Dissémination dans l’hôte ......................................................................................... 42
3. Déterminants génétiques de la transmission de Spiroplasma citri.................................... 43
3.1. Transmission expérimentale de S. citri ..................................................................... 43
3.2. Identification de protéines chez S. citri candidates dans la transmission.................. 44
IV. Situation du sujet et objectifs de recherche ...................................................................... 46
CHAPITRE 1: Interactions protéine-protéine entre S. citri et son insecte vecteur Circulifer
haematoceps
I. Introduction et objectifs ................................................................................................... 48
II. Résultats et discussion...................................................................................................... 51
1. Publication 1...................................................................................................................... 51
2. Résultats supplémentaires ................................................................................................. 52
2.1. Identification de protéines d’insectes impliquées dans une interaction avec S. citri 52
2.1.1. Comparaison des far Western monodimensionnels (1-D) réalisés avec les
protéines totales et de glandes salivaires d’insectes.......................................................... 52
2.1.2. Far Western bi-dimensionnel (2-D) avec les protéines totales et celles des
glandes salivaires d’insectes.............................................................................................. 53
2.1.3. Identification des protéines d’insectes impliquées par spectrométrie de masse 54
2.1.3.1. Signaux d’interaction communs aux deux far Western. ........................... 54
Signal d’interaction à 42 kDa : l’actine..................................................................... 54
Signal d’interaction à 50 kDa : la tubuline................................................................ 55
Signal d’interaction à 25 kDa : Rab GTPases ........................................................... 56
2.1.3.2. Signal spécifique du far Western réalisé avec les protéines des glandes
salivaires d’insectes....................................................................................................... 57
Signal d’interaction à 27 kDa : la protéine 14-3-3 .................................................... 57
2.2. Recherche et identification du partenaire de l’actine chez S. citri ............................ 57
2.2.1.1. Transmembrane conserved hypothetical lipoprotein (SPICI 03-098)........... 58
2.2.1.2. La phosphoglycérate kinase (PGK)............................................................... 59
III. Conclusion........................................................................................................................ 59
CHAPITRE 2: Caractérisation de la région minimale de liaison à l’actine de la PGK de S. citri et
implication dans la transmission
I. Introduction et objectifs ................................................................................................... 62
II. Résultats et discussion...................................................................................................... 64
1. Publication 2...................................................................................................................... 64
2. Résultats supplémentaires et discussion............................................................................ 74
2.1. Recherche du mécanisme d’interaction entre la PGK et l’actine.............................. 74
2.2. Recherche d’homologie de séquences chez la PGK d’autres organismes. ............... 76
2.3. Localisation de la PGK ............................................................................................. 77
III. Conclusion........................................................................................................................ 78
CHAPITRE 3: Réalisation d’un mutant de S. citri dépourvu de phosphoglycérate kinase
I. Introduction ...................................................................................................................... 80
II. Résultats ........................................................................................................................... 81
1. Construction du vecteur pGOTpgk ................................................................................... 81
2. Obtention et sélection des clones délétés dans le gène pgk............................................... 82
8
20.
21. 3.Recherche du site d’intégration du pGOTpgk dans le chromosome de S. citri ................ 83
3.1. Approche par PCR pour détecter une intégration au niveau de l’OriC ou du
promoteur de la spiraline....................................................................................................... 84
3.2. Approche par PCR « aléatoire »................................................................................ 84
4. Identification des gènes dans le chromosome de S. citri ayant subi l’intégration ............ 85
III. Discussion et conclusion .................................................................................................. 86
CHAPITRE 4: Étude préliminaire de complexes protéiques impliqués dans la transmission de
S.citri par l’insecte vecteur
I. Introduction et objectifs ................................................................................................... 88
II. Résultats et discussion...................................................................................................... 90
1. Recherche de complexes par la technique de BN-PAGE chez S. citri. ............................ 90
1.1. Extraction et analyse des complexes membranaires. ................................................ 91
1.2. Extraction et analyse des complexes cytosoliques. ................................................... 92
2. Recherche chez S. citri des complexes impliquant la PGK .............................................. 94
2.1. Protéines associées à la PGK dans des complexes connus ....................................... 96
III. Discussion et conclusion .................................................................................................. 99
DISCUSSION GENERALE ET PERSPECTIVES
I. Hypothèses concernant le cycle de S. citri dans l'insecte C. haematoceps .................... 102
1. Franchissement de la barrière de l'épithélium intestinal ................................................. 102
2. Franchissement de la barrière des glandes salivaires ...................................................... 102
2.1. Franchissement de la lame basale des glandes salivaires........................................ 102
2.2. Adhésion au plasmalemme des glandes salivaires .................................................. 103
2.3. Internalisation dans les cellules des glandes salivaires ........................................... 104
2.4. Devenir des vésicules d'endocytose contenant S. citri ............................................ 105
2.5. Libération dans le canal salivaire ............................................................................ 105
II. Perspectives .................................................................................................................... 106
MATERIELS ET METHODES
I. Matériel biologique ........................................................................................................ 109
1. Spiroplasma citri : souches et conditions de culture....................................................... 109
2. Escherichia coli : souches et utilisation .......................................................................... 109
3. L’insecte vecteur : la cicadelle Circulifer haematoceps ................................................. 110
3.1. Origine et conditions d’élevage............................................................................... 110
3.2. Capture et dissection des cicadelles ........................................................................ 110
3.3. Obtention d’une lignée cellulaire ............................................................................ 111
II. Plasmides........................................................................................................................ 111
1. Commerciaux .................................................................................................................. 111
1.1. pBS .......................................................................................................................... 111
1.2. pET28a(+) ............................................................................................................... 112
2. Obtenus au laboratoire .................................................................................................... 112
2.1. pGOT1..................................................................................................................... 112
III. Méthodes d’analyse d’ADN........................................................................................... 113
1. Purification de l’ADN génomique de S. citri.................................................................. 113
2. Purification de l’ADN plasmidique................................................................................. 113
3. Purification de fragments d’ADN à partir de gel d’agarose............................................ 113
4. Hydrolyse par les endonucléases de restriction............................................................... 114
9
22.
23. 5. Analyse des fragments d’ADN sur gel d’agarose ........................................................... 114
6. Amplification d’ADN par PCR....................................................................................... 114
7. Mutagénèse dirigée ......................................................................................................... 115
8. Clonage de fragment d’ADN amplifié par PCR ............................................................. 115
8.1. Préparation du fragment PCR ................................................................................. 115
8.2. Préparation du vecteur............................................................................................. 116
8.3. Ligation du fragment PCR et de son vecteur .......................................................... 116
9. Transformation des bactéries .......................................................................................... 116
9.1. E. coli ...................................................................................................................... 116
9.1.1. Electrocompétentes ......................................................................................... 116
9.1.2. Chimiocompétentes......................................................................................... 117
9.2. S. citri ...................................................................................................................... 118
10. Marche sur le chromosome ......................................................................................... 118
IV. Méthodes d’analyse des protéines.................................................................................. 119
1. Extraction des protéines .................................................................................................. 119
1.1. Préparation des protéines de S. citri ........................................................................ 119
1.1.1. Protéines pour l’électrophorèse mono-dimensionnelle ................................... 119
1.1.2. Protéines pour l’électrophorèse bi-dimensionnelle ......................................... 120
1.1.3. Fractionnement des protéines membranaires .................................................. 120
1.2. Préparation des protéines de C. haematoceps ......................................................... 120
1.2.1. Totales ............................................................................................................. 120
1.2.2. Glandes salivaires............................................................................................ 121
1.2.3. Pour l’électrophorèse bi-dimensionnelle......................................................... 121
2. Production de protéines recombinantes tagguées His6 .................................................... 121
2.1. His6-PGK................................................................................................................. 121
2.2. His6 PGK FL1, 2, 3, 4, 5 ......................................................................................... 122
3. Purification des protéines par chromatographie liquide.................................................. 123
3.1. Colonne de protein A Sépharose CL-4B................................................................. 123
3.2. Purification de protéines recombinantes ................................................................. 124
3.2.1. IMAC (immobilized metal affinity chromatography)..................................... 124
3.2.2. Chromatographie d’exclusion ......................................................................... 125
3.2.3. Fractionnement sur colonne échangeuse d’ions.............................................. 126
4. Dosage des protéines ....................................................................................................... 126
4.1. Bradford .................................................................................................................. 126
4.2. Bradford modifié ..................................................................................................... 126
5. Séparation des protéines en gel d’électrophorèse ........................................................... 127
5.1. Electrophorèse mono-dimensionnelle ..................................................................... 127
5.1.1. Gels de polyacrylamide à concentration constante ......................................... 127
5.1.2. Gels en gradient de polyacrylamide 4-15 % ................................................... 127
5.2. Electrophorèse bi-dimensionnelle ........................................................................... 128
6. Visualisation des protéines après électrophorèse ............................................................ 129
6.1. Coloration au bleu colloïdal .................................................................................... 129
6.2. Coloration au nitrate d’argent classique.................................................................. 129
6.3. Coloration au nitrate d’argent compatible avec la spectrométrie de masse ............ 130
6.3.1. Méthode O’Connell et al, 1997....................................................................... 130
6.3.2. Kit Proteosilver™ Silver Stain........................................................................ 130
7. Transfert des protéines et détection immunologique ...................................................... 131
7.1. Electrotransfert des protéines sur membrane de nitrocellulose............................... 131
7.2. Détection immunologique des protéines sur membrane ......................................... 131
8. Etude d’interaction protéine-protéine par la technique de far Western .......................... 132
9. Identification des protéines par spectrométrie en masse................................................. 132
10
24.
25. 10. Etude des complexes protéines chez S. citri ............................................................... 133
10.1. Technique de Blue-Native PAGE ....................................................................... 133
10.1.1. Préparation des protéines ................................................................................ 133
10.1.2. Electrophorèse des protéines ........................................................................... 133
10.1.2.1. 1ère dimension ............................................................................................ 133
10.1.2.2. 2ème dimension........................................................................................... 134
10.2. Pontage des complexes protéiques associant la PGK chez S. citri ..................... 134
10.2.1. Préparation des protéines ................................................................................ 134
10.2.2. Purification sur colonne de Nickel .................................................................. 135
V. Etude de la transmission expérimentale de S. citri......................................................... 135
1. Transmission à la pervenche de Madagascar Catharanthus roseus................................ 135
1.1. Insectes .................................................................................................................... 135
1.2. Les pervenches de Madagascar ............................................................................... 135
1.3. Micro-injection intra-abdominale des cicadelles .................................................... 135
1.4. Transmission à la pervenche de Madagascar .......................................................... 136
1.5. Symptomatologie .................................................................................................... 136
2. « Recrachage » à travers une membrane de Parafilm® .................................................. 137
2.1. Injection de la culture de S. citri GII3 dans l’insecte .............................................. 137
2.2. Injection des protéines recombinantes dans l’insecte ............................................. 137
2.3. Transmission à travers une membrane de Parafilm® ............................................. 137
2.4. Mise en culture des spiroplasmes à partir des insectes ........................................... 137
3. Effet de la PGK et des peptides sur l’adhésion et/ou l’internalisation............................ 138
3.1. Adhésion.................................................................................................................. 138
3.2. Internalisation.......................................................................................................... 138
4. Observations au microscope confocal............................................................................. 139
4.1. Glandes salivaires de C. haematoceps infectées ..................................................... 139
4.2. Cellules de C. haematoceps incubées avec la His6-PGK ........................................ 140
REFERENCES………………………………………………………………………………….141
11
28. Classification Guanine+Cytosine Taille du génome Besoin en
(moles %) (kpb) Cholestérol Tween 80
Ordre I: MYCOPLASMATALES
Famille I: MYCOPLASMATACEAE
Genre I: Mycoplasma 23-40 580-1350 Oui Non
Genre II: Ureaplasma 27-30 760-1170 Oui Non
Ordre II: ENTOMOPLASMATALES
Famille I: ENTOMOPLASMATACEAE
Genre I: Entomoplasma 27-29 790-1140 Oui Non
Genre II: Mesoplasma 27-30 870-1100 Non Oui
Famille II: SPIROPLASMATACEAE
Genre I: Spiroplasma 25-30 780-2220 Oui∗
∗ Non
Ordre III: ACHOLEPLASMATALES
Famille: ACHOLEPLASMATACEAE
Genre: Acholeplasma 26-36 1500-2085 Non Non
Candidatus Phytoplasma 25-30 600-1240
Ordre IV: ANAEROPLASMATALES
Famille: ANAEROPLASMATACEAE
Genre I: Anaeroplasma 29-34 1500-1600 Oui Non
Genre II: Asteroleplasma 40 1500 Non Non
Tableau I.1: Classification des membres de l’ordre des Mollicutes.
∗: S. floricola, S. apis, S. chinense, et les spiroplasmes du groupe XII peuvent se multiplier dans un milieu sans sérum. (Rose et al., 1993)
29. Introduction
Introduction
I. Les mollicutes
Les mollicutes sont des eubactéries sans paroi présents chez l’homme, les animaux, les
insectes et les plantes. Leur découverte date de la fin du 19ème siècle lorsque Nocard et Roux
cultivèrent pour la première fois l’agent de la péripneumonie contagieuse bovine,
Mycoplasma mycoïdes (Nocard & Roux, 1898). Ce nom de mycoplasme ne sera donné qu’en
1929 par Nowak, à la suite de l’apparition de filaments évoquant des formes mycéliennes qui
apparaissent au cours de la culture de cette bactérie. Ce n’est qu’en 1967 que l’ensemble des
mycoplasmes fut regroupé dans la classe des Mollicutes (Edward & Freundt, 1967).
1. Taxonomie
La classe des Mollicutes est constituée de plusieurs centaines d’espèces réparties en 4
ordres, eux-mêmes répartis en 5 familles et 8 genres (Tableau 1.1 ; (Tully et al., 1993; Razin
et al., 1998)).
L’ordre des Mycoplasmatales est constitué d’une seule famille, la famille des
Mycoplasmataceae comprenant deux genres: le genre Mycoplasma et le genre Ureaplasma.
Dans cet ordre, les organismes ont besoin de cholestérol pour leur croissance et sont
majoritairement aérobies. Les mollicutes du genre Ureaplasma ont la capacité d’hydrolyser
l’urée. Leurs hôtes sont préférentiellement l’homme et les animaux.
L’ordre des Acholeplasmatales comprend une seule famille, les Acholeplasmataceae,
ne contenant que le genre Acholeplasma dont les organismes n’ont pas besoin de cholestérol
pour leur croissance. Ces organismes sont quant à eux présents chez les mammifères, les
insectes et les plantes.
L’ordre Anaeroplasmatales regroupe des bactéries, anaérobies, isolées uniquement de
la panse des ruminants et classées en une famille, les Anaeroplasmataceae, comprenant deux
genres. Les membres du genre Anaeroplasma ont besoin de cholestérol pour leur croissance
contrairement aux membres du genre Asteroleplasma.
Les Entomoplasmatales sont des mollicutes isolés de la surface de plantes et
d’arthropodes. Cet ordre est scindé en deux familles : la famille des Entomoplasmataceae,
constituée des deux genres Mesoplasma et Entomoplasma, et celle des Spiroplasmataceae,
représentée par un seul genre, le genre Spiroplasma. Les spiroplasmes sont caractérisés par
12
30. Figure I.2: Arbre phylogénétique basé sur les séquences d’ADNr des Mollicutes.
(D’après Sirand-Pugnet, 2007.)
31. Introduction
leur morphologie hélicoïdale et leur motilité. Ils sont plus ou moins exigeants en stérols. Les
habitats des spiroplasmes sont les invertébrés, la surface des plantes mais également, pour
trois d’entre eux uniquement, les tubes criblés du phloème.
De nombreux mollicutes n’ont pas encore été cultivés en milieu acellulaire. De ce fait,
leur statut taxonomique n’a pu être établi selon les standards minimaux de définition
d’espèce. C’est en particulier le cas des phytoplasmes qui se multiplient dans les insectes et
les tubes criblés du phloème.
2. Phylogénie
Des études phylogénétiques basées sur l’ADN 16S de ces bactéries ont montré que les
mollicutes ont évolué de manière régressive à partir d’un ancêtre bactérien à Gram-positif et à
faible pourcentage en base G+C (Woese, 1987). Cet ancêtre serait commun avec certaines
Clostridia, comme Clostridium innocuum et Clostridium ramosum, dont ils partagent la
propriété d’être insensible à la rifampicine (Gadeau et al., 1986). Cette évolution régressive
est marquée notamment par une réduction de la taille de leur génome engendrée par la perte
massive de gènes non essentiels à l’autoréplication.
Ces études ont également permis de situer les phytoplasmes par rapport aux autres
mollicutes (Woese, 1987). Selon ces critères, les phytoplasmes sont apparentés aux
acholéplasmes.
De manière plus surprenante, les mycoplasmes du groupe mycoïdes, ainsi que
Mycoplasma capricolum, appartiennent à la même branche phylogénétique que les
spiroplasmes, bien que se trouvant dans des ordres différents dans la classification
taxonomique.
La classification phylogénétique des mollicutes est représentée figure I.2 où ces
derniers sont regroupés en 4 groupes phylogénétiques distincts : les groupes pneumoniae,
hominis, spiroplasma et phytoplasma/acholeplasma (Sirand-Pugnet et al., 2007).
3. Evolution et caractéristiques importantes
Il a été suggéré que les mollicutes évoluent plus rapidement que les autres bactéries
(Woese et al., 1984). Cette vitesse d’évolution rendrait compte de leur positionnement sur les
plus longues branches de l’arbre universel de la vie (Ciccarelli et al., 2006). De plus, leur
évolution par la perte de certains gènes a influencé certaines propriétés particulières
communes à ces bactéries (tableau I.1). En effet, les mollicutes se distinguent en premier lieu
13
32.
33. Introduction
par l’absence de paroi rigide à peptidoglycane ce qui les rend constitutivement résistants à
tous les antibiotiques ayant pour cible la paroi bactérienne. Ils se caractérisent également par
une taille de génome réduite qui varie de 580 kpb pour Mycoplasma genitalium à 2200 kpb
pour Spiroplasma ixodetis. Ils possèdent un nombre limité de voies métaboliques ce qui
implique que leur culture in vitro ne peut être obtenue que dans un milieu complexe contenant
notamment du sérum d’origine animale. De plus, l’adaptation de ces organismes à des niches
écologiques précises a certainement joué un rôle prépondérant au cours de leur évolution
entraînant notamment la perte de la capacité à synthétiser certains acides aminés (Pollack et
al., 1996) voire la totalité dans le cas de Spiroplasma citri (Chang & Chen, 1981).
Leur pourcentage de moles de paires de bases G+C est faible, de 23 à 41 % (Razin et
al., 1998). De ce fait, les mollicutes ont développé un biais dans l’utilisation des codons. Pour
un même acide aminé, les codons terminés par A ou T sont utilisés préférentiellement à ceux
terminés par G ou C (Razin et al., 1998). Dans tous les genres, hormis le genre Acholeplasma,
le tryptophane est codé par le codon UGA et, dans une moindre proportion par le codon UGG
(Renaudin et al., 1986; Blanchard, 1990). UGA étant un codon de terminaison dans le code
génétique universel, l’expression de protéines dans un système hétérologue de production
comme Escherichia coli, s’avère impossible sans muter l’ensemble de ces codons dans les
gènes correspondants.
Les mollicutes sont présents dans des habitats très variés, mais toujours associés à un
hôte vivant, que ce soit l’homme, l’animal (mammifère, poisson, oiseau, insecte) ou la plante
(Razin et al., 1998). En milieu naturel, ces organismes sont des parasites obligatoires et, à ce
titre, peuvent posséder un ou plusieurs hôtes. Les mollicutes phytopathogènes ont, de ce fait,
deux hôtes que sont la plante et l’insecte vecteur par lequel ils sont transmis.
II. Mollicutes phytopathogènes
C’est en 1967 qu’une équipe japonaise observe pour la première fois, en microscopie
électronique, des organismes ressemblant à des mycoplasmes dans les tubes criblés d’une
plante atteinte de jaunisse (Doi et al., 1967). Ces organismes ont alors été nommés MLO pour
Mycoplasma-Like Organism. Le comité de taxonomie des mycoplasmes a repris, en 1994, la
proposition de Murray et Schleifer (Murray & Schleifer, 1994) de désigner, sous le nom de
genre 'Candidatus Phytoplasma', les différents groupes phylogénétiques des phytoplasmes
(IRPCM., 2004). Le phytoplasme associé à la maladie des balais de sorcières du limettier du
Sultanat d'Oman est le premier phytoplasme pour lequel cette proposition a été retenue. Il
14
34.
35. Introduction
porte maintenant le nom de 'Candidatus Phytoplasma aurantifolia' (Zreik et al., 1995).
Depuis, 25 autres espèces de Candidatus Phytoplasma ont été décrites (Hogenhout et al.,
2008).
Les mollicutes phytopathogènes regroupent aujourd’hui les phytoplasmes appartenant
au genre Candidatus phytoplasma et les spiroplasmes appartenant au genre Spiroplasma. Les
phytoplasmes sont les plus nombreux et les plus importants du point de vue économique.
Cependant, ils résistent toujours à la mise en culture. En revanche, trois espèces de
spiroplasmes phytopathogènes sont connues et disponibles en culture pure : Spiroplasma citri,
Spiroplasma kunkelii et Spiroplasma phoeniceum. Parmi ceux-là, S. citri a fait l’objet de
nombreuses études biologiques et biochimiques et est devenu un organisme modèle pour
l’étude des mollicutes phytopathogènes (Garnier et al., 2001; Bove et al., 2003).
1. Phytoplasmes
Au niveau mondial, les phytoplasmes sont responsables de plus de 300 maladies de
plantes appartenant à plus de 100 familles botaniques différentes (McCoy et al., 1989).
Les symptômes provoqués sur les plantes infectées sont variables et incluent des
jaunisses foliaires, un enroulement et/ou une diminution de la taille des feuilles, une
virescence (pétales non segmentés), une phyllodie (morphologie foliaire des sépales), la
prolifération de bourgeons axillaires, un raccourcissement des entre-nœuds, etc….
Les pertes économiques provoquées par des infections à phytoplasmes sont
importantes dans nos régions françaises lorsque ces infections touchent des cultures pérennes
comme la Flavescence dorée de la vigne (Daire et al., 1993b), la maladie du Stolbur (Daire et
al., 1993a), l’enroulement chlorotique de l’abricotier (Jaraush et al., 1999) et la maladie de la
prolifération du pommier (Lee et al., 2000).
L’analyse de leur ADN ribosomique 16S a permis de démontrer que ces organismes
sont phylogénétiquement proches des acholéplasmes (Lim & Sears, 1989; Seemüller et al.,
1994) avec lesquels ils partagent l’utilisation du code génétique universel contrairement aux
autres mollicutes (Lim & Sears, 1992). Le séquençage systématique de leurs ARNr 16S,
associé à la mise au point de techniques de RFLP (Restriction Fragment Length
Polymorphism), ont permis d’établir une classification des phytoplasmes (Lee et al., 1998).
Les premières données disponibles sur le génome des phytoplasmes révèlent, en se
basant sur des études d’électrophorèse en champ pulsé, que celui-ci aurait une taille comprise
entre 530 kpb pour le Bermuda grass white leaf phytoplasma, et 1350 kpb pour le Tomato
15
36.
37. Introduction
Stolbur phytoplasma (Marcone et al., 1999) avec une teneur en G+C de l’ordre de 25 à 30
moles %. Depuis le séquençage, en 2004, de Candidatus Phytoplasma asteris souche Onion
Yellows (OY) (Oshima et al., 2004), trois nouveaux génomes sont disponibles dont celui de
Candidatus Phytoplasma asteris Aster Yellows (AY) (Bai et al., 2006), Candidatus
Phytoplasma australiense (Tran-Nguyen et al., 2008) et Candidatus Phytoplasma mali (Kube
et al., 2008). La taille du génome de Candidatus Phytoplasma australiense est d’environ 20
kpb supérieure à ceux des deux phytoplasmes de l’ordre des Candidatus Phytoplasma asteris
qui atteignent environ 860 kpb. De ce fait, son génome possède environ 200 gènes « souche-
spécifique », qui ne sont pas présents chez les deux autres phytoplasmes séquencés, et qui
codent de nombreuses protéines hypothétiques mais aussi des transposases ou encore des
intégrases (Tran-Nguyen et al., 2008). Le génome de Candidatus Phytoplasma mali a révélé
une caractéristique particulière par rapport aux autres phytoplasmes déjà séquencés. En effet,
son génome de 600 kpb est linéaire. De plus, l’analyse des régions codantes de ce dernier a
révélé que la voie de la glycolyse, principale source d’énergie d’un organisme, est incomplète
et, de plus, aucune ATP synthase de type F n’a été retrouvée (Kube et al., 2008).
2. Spiroplasmes phytopathogènes
2.1. Spiroplasma phoeniceum et Spiroplasma kunkelii
Spiroplasma phoeniceum a été isolé en 1986 de pervenches de Madagascar atteintes de
jaunisse provenant de Syrie (Saillard et al., 1987). Il provoque des symptômes très similaires
à ceux observés sur des plantes infectées par S. citri. Il appartient au sérogroupe I-8 de la
dernière classification des spiroplasmes établie en 1998 (Williamson et al., 1998). Son
génome de 1860 kpb (Carle et al., 1995) possède 26 % de bases G+C (Saillard et al., 1987).
Son optimum de croissance dans un milieu riche en cholestérol est de 32°C.
S. kunkelii (sérogroupe I-3), observé pour la première fois en 1972, est l’agent
responsable de la maladie du rabougrissement du maïs ou « corn stunt », une maladie qui
s’étend depuis le sud des Etats-Unis jusqu’en Argentine. S. kunkelii, cultivé pour la première
fois en 1975 (Chen & Liao, 1975; Whitcomb & Williamson, 1975) a été caractérisé en 1986
(Whitcomb et al., 1986). Son génome, partiellement séquencé, est constitué d’un chromosome
circulaire de 1610 kpb (Carle et al., 1995) et possède 26 % de bases G+C (Whitcomb et al.,
1986). Les séquences disponibles sont accessibles sur le site web suivant:
(http://www.genome.ou.edu/ spiro_blast.html).
16
38.
39. Introduction
2.2. Spiroplasma citri
2.2.1. Description de la maladie et mise en culture
En 1970, deux équipes observent pour la première fois des organismes de type
mollicute dans les tubes criblés d'orangers atteints de la maladie du stubborn (Igwegbe &
Calavan, 1970; Laflèche & Bové, 1970). Contrairement à un arbre sain dont la forme est
généralement pyramidale, l'arbre très atteint présente un aspect buissonneux provenant d'un
raccourcissement général des entre-noeuds. Les feuilles des arbres malades présentent une
chlorose foliaire. La floraison et la maturation des fruits sont perturbées. La floraison
s'échelonne tout le long de l'année et survient donc à contre saison. Les fruits sont déformés
en forme de glands et les pépins avortés ou nécrosés.
Obtenu en culture pure en France (Saglio et al., 1971) et en Californie (Fudl-Allah et
al., 1972), la caractérisation biochimique et immunologique du pathogène responsable de la
maladie du stubborn révèle que l'organisme cultivé est bien un mycoplasme du fait de
l'absence de paroi à peptidoglycane (Bébéar et al., 1974) mais, qu’il s'agit d'un mycoplasme
nouveau de par sa morphologie hélicoïdale et sa motilité (Saglio et al., 1973). Il fut nommé
Spiroplasma citri en 1973 (Saglio et al., 1973).
La transmission de S. citri à l’oranger Citrus sinensis (Markham et al., 1974) par la
cicadelle Euscelis plebejus (Fallen), infectée par micro-injection d’une culture du
spiroplasme, a permis de vérifier les postulats de Koch, démontrant ainsi le rôle de S. citri
comme agent phytopathogène.
La mise au point d'un milieu de culture de composition définie a permis de connaître
les exigences nutritionnelles de S. citri (Chang & Chen, 1981). Ainsi, il a été établi que sa
culture nécessite l'ajout de cholestérol, d'acides gras, de vitamines, de co-facteurs (acide
folique, acide p-aminobenzoïque, etc...), de source de carbone et d'acides aminés sauf les
acides aspartique et glutamique. Les sucres fermentés par S. citri sont le glucose, le fructose et
le tréhalose; les autres sucres comme le mannose ou le sorbitol ne sont pas utilisés. Le
comportement de S. citri envers le saccharose n'est pas bien défini. Les milieux couramment
utilisés, comme le milieu SP4, contiennent nécessairement du sérum animal (poulain ou veau
foetal) qui apporte les stérols et lipides, ainsi que des sucres, glucose, fructose et saccharose
comme source d'énergie (Tully et al., 1977). Ce milieu possède une pression osmotique
élevée et contrôlée de 600 mOsm du fait de l’absence de paroi du spiroplasme. La
température optimale pour la croissance de S. citri est 32°C (Saglio et al., 1973). Cette
croissance est fortement ralentie à 37°C (Garnier et al., 1984).
17
40.
41. Introduction
En plus d’être l’agent du stubborn des agrumes, S. citri est également responsable de
la maladie des racines cassantes du radis noir (Fletcher et al., 1981). Au total, au moins 38
espèces végétales regroupant 12 familles botaniques sont naturellement infectées par S. citri.
La première plante découverte infectée par S. citri en Californie (Granett et al., 1976), en
Arizona (Allen & Donndelinger, 1981) ainsi qu'au Maroc (Bove et al., 1978) n'appartenant
pas à la famille des agrumes (rutacées) est la pervenche de Madagascar (Catharanthus
roseus).
Par ailleurs, en Californie, S. citri a été isolé de mauvaises herbes comme le plantin
(Plantago sp.), de plantes ornementales comme le souci (Tagetes erecta), la reine-marguerite
(Callistephus chinensis), de plantes cultivées comme la laitue (Lactuca sp.), le radis
(Raphanus sativum), la pastèque (Citrullus vulgaris) et de certains arbres fruitiers, cerisiers,
pêchers et poiriers (Calavan & Bove, 1989). Plus récemment, ce spiroplasme a également été
isolé de la carotte (Mello et al., 2009 ; Cebrian et al., 2010). S. citri a pu être transmis
expérimentalement par greffage ou insecte vecteur à environ 80 espèces végétales différentes.
2.2.2. Caractéristiques de S. citri
Depuis son obtention en culture pure, S. citri est devenu le mollicute phytopathogène
le mieux caractérisé à l’heure actuelle.
Les premières observations au microscope à fond noir révèlent que S. citri possède une
morphologie hélicoïdale et est doué de motilité malgré l’absence de flagelle ou de filament
axial normalement présent chez les bactéries mobiles (Cole et al., 1973). S. citri doit sa
motilité à deux types de mouvements, un mouvement de flexion du corps cellulaire et un
mouvement de rotation autour de l’hélice (Davis & Worley, 1973; Daniels et al., 1980). Ce
mouvement de rotation associé à sa morphologie hélicoïdale permet au spiroplasme de se
déplacer en milieu visqueux. Sur milieu solide, cette motilité a des répercussions sur l’aspect
des colonies qui sont diffuses et entourées de colonies satellites. Plus récemment, les travaux
de Trachtenberg et collaborateurs ont permis de mettre en évidence l’implication du
cytosquelette de S. citri dans sa motilité (Trachtenberg & Gilad, 2001; Trachtenberg et al.,
2003; Trachtenberg, 2004). Ce cytosquelette est composé de la protéine de fibrille
(Williamson et al., 1991) et de la protéine « actin-like » MreB (Maccheroni et al., 2001). Ce
cytosquelette agirait comme un moteur linéaire capable de se contracter permettant ainsi un
déplacement directionnel contrôlé (Trachtenberg, 2004). Des travaux complémentaires ont
montré que le déplacement du spiroplasme était également dépendant de la propagation d’une
18
42.
43. Introduction
paire de « kink » le long du corps cellulaire, structures générées par des changements de
l’hélicité du spiroplasme (Shaevitz et al., 2005).
La croissance de S. citri s’effectue par allongement d’une hélice élémentaire
constituée de 2 tours donnant une hélice parentale à quatre tours. L’hélice parentale se divise
ensuite, par constriction, en deux hélices élémentaires (Garnier et al., 1984).
Aujourd’hui, 92 % de la séquence du génome de S. citri GII3 sont connus (Carle et al.,
2010). Ce génome se compose d’un chromosome de 1820 kpb avec 26 % de bases G+C et de
sept plasmides (pSciA et pSci1 à 6) qui ne possèdent pas d’homologues connus (Saillard et
al., 2008). La taille de ces plasmides varie de 7,8 kpb pour le pSciA à 35,3 kpb pour le pSci6
et leurs nombres de copies par spiroplasmes ont été estimés entre 10 et 14. L'ADN
plasmidique représenterait ainsi près de 1,6 Mpb soit 47 % de l'ADN total de S. citri GII3. Les
pSci1-6 possèdent un pourcentage en G+C (25,6 à 29 %) proche de celui du chromosome (26
%) alors que le pSciA à un pourcentage plus faible de 21,3 %. De manière intéressante,
aucune des CDS portées par les pSci ne présente d’homologie avec une protéine de
réplication (Saillard et al., 2008). Des travaux récents ont néanmoins pu restreindre l’origine
de réplication des plasmides pSci de S. citri à une région contenant une seule CDS, nommée
pE, et à sa séquence en aval présentant des motifs de fixation à la protéine initiatrice DnaA
(Breton et al., 2008).
De plus, trois formes réplicatives virales SpV1, SpV2 et SpV3 ont été identifiées dans
le chromosome de S. citri (Renaudin et al., 1990; Renaudin & Bove, 1994). Les virus SpV2 et
SpV3 ressemblent à des bactériophages classiques, alors que le virus SpV1 est filamenteux
avec un ADN monocaténaire circulaire de 8,3 kb (Renaudin et al., 1990). Une des
caractéristiques de ce virus SpV1 est le grand nombre de copies de son ADN, plus ou moins
complètes, réparties dans tout le chromosome (Carle et al., 2010).
2.2.3. S. citri, un organisme modèle pour l’élaboration
d’outils génétiques
Un des premiers grands challenges concernant l’étude de S. citri fut le développement
de vecteurs d’expression de gènes, outil indispensable à la caractérisation fonctionnelle de ces
derniers. Dès le début, la présence des formes réplicatives virales a été mise à profit. A partir
de la forme réplicative SpV1, un vecteur a été développé parallèlement à une méthode de
transformation par électroporation (Stamburski et al., 1991). Cette première approche de
transfert de gènes chez S. citri n’a pas été jugée satisfaisante car ces vecteurs viraux sont
19
44.
45. Introduction
instables, dans le sens où des phénomènes de recombinaisons homologues entre le vecteur et
les copies virales portées par le chromosome sont observés (Marais et al., 1996). En 1994, Ye
et collaborateurs clonent l’origine de réplication chromosomique de la souche R8A2 de S.
citri (Ye et al., 1994) qui sera utilisée plus tard pour la construction de vecteurs, tels que le
plasmide pBOT (Renaudin et al., 1995). Ce plasmide navette, dans les cas de
complémentation fonctionnelle in vivo, s’intègre dans le chromosome par simple
recombinaison homologue entre les origines de réplication (Renaudin et al., 1995).
L’ensemble de ces vecteurs navettes, et notamment le plasmide pGOT (Duret et al., 2005),
développés récemment au laboratoire dans le but d’obtenir des mutants par simple
recombinaison homologue, seront détaillés au chapitre 3.
Parallèlement, une technique de mutagénèse aléatoire par transposition avec le
transposon Tn4001 a également vu le jour au laboratoire (Foissac et al., 1997). Cette approche
a permis d’obtenir plusieurs mutants de S. citri, à savoir un mutant non motile G540 (Jacob et
al., 1997), un mutant déficient pour une ATPase de type P transporteur de calcium, un mutant
non-phytopathogène (Gaurivaud et al., 2000; Gaurivaud et al., 2001) et un mutant affecté
dans sa transmission (Boutareaud et al., 2004).
Plus récemment, une nouvelle approche basée sur l’incompatibilité plasmidique
permet de modifier le contenu plasmidique de S. citri et d’obtenir des mutants afin de
caractériser l’ensemble des gènes présents sur les plasmides pSci (Breton et al., 2010).
Ces dernières années, les travaux du laboratoire se sont orientés sur les déterminismes
génétiques impliqués dans la transmission de S. citri. En effet, S. citri est transmis de plante à
plante par des cicadelles, insectes piqueurs suceurs de sève élaborée, selon un mode circulant
multipliant, impliquant des relations étroites avec l’insecte.
De nombreuses étapes clés, régissant ce mode de transmission par l’insecte, restent à
être élucidées. En revanche, pour de nombreux microorganismes pathogènes (bactéries, virus,
champignons), les mécanismes gouvernant les étapes clefs nécessaires à leur transmission ont
été particulièrement étudiés et sont, à l’heure actuelle, parfaitement décrits.
La suite de cette introduction fait le point sur les connaissances acquises sur les
relations des spiroplasmes avec leurs insectes vecteurs puis, décrit les différentes étapes ainsi
que les mécanismes mis en jeu au cours de la transmission de pathogènes intracellulaires
qu’ils soient transmis par des insectes vecteurs ou non.
20
46.
47. Introduction
III. Transmission de microorganismes intracellulaires
1. Transmission par insecte vecteur
1.1. Relation entre le microorganisme et son insecte
Il existe plusieurs types de relation entre un microorganisme et son hôte.
1.1.1. Transmission externe
Lors d’une transmission externe du microorganisme, c’est-à-dire lorsque celui-ci ne se
fixe que sur des parties externes de l’insecte (pattes, thorax, stylet), l’association entre les
deux partenaires est limitée. Aucun des deux partenaires n’influence le comportement de
l’autre.
1.1.2. Transmission intracellulaire
Lorsque l’interaction entre les deux partenaires persiste, comme cela est le cas au
cours d’une transmission intracellulaire, cette relation entre le microorganisme et son hôte se
complexifie et certaines associations peuvent engendrer une modification du comportement
de l’insecte, pouvant aller jusqu’à la mort de ce dernier. Les Baculoviridae sont les
pathogènes d'insectes les plus représentés. Ils infectent notamment les larves de lépidoptères
et d’hyménoptères (Blissard, 1996). L'infection survient une fois que des larves d'insectes
sensibles ont absorbé des aliments contaminés par le virus. Le virus s'attaque alors à
l'hémolymphe, aux tissus adipeux et à l'intestin moyen. L'insecte est ensuite paralysé et meurt.
Des interactions mutualistes entre les deux partenaires ont également été découvertes ;
le microorganisme, dans ce cas appelé endosymbiote d’insecte, peut être classé en deux
catégories.
Les endosymbiotes primaires ont été associés avec leur insecte hôte depuis des
millions d'années. Ils ont une forme d'association obligatoire et ils affichent une co-spéciation
avec leur hôte. Cette association, bénéfique aux deux organismes, permet à chacun des deux
partenaires de profiter des avantages de l’autre. Le rôle élémentaire de l’endosymbiote est de
fournir les nutriments, que l'hôte ne pourrait obtenir seul, en catabolisant la nourriture
inassimilable par l'insecte. Parmi ces endosymbiotes primaires des insectes, le plus étudié
reste la bactérie Buchnera qui colonise le puceron du pois Acyrthosiphon pisum. Buchnera est
capable de synthétiser les acides aminés essentiels que le puceron ne peut naturellement
21
48. Classe Ordre Famille Genre Espèce Pathogène Maladies
Aedes aegypti Dengue
Culicidae Aedes Flavivirus
Aedes albopictus Chikungunya
Anopheles Anopheles gambiae Plasmodium falciparum Paludisme
Culex pipiens Plasmodium Paludisme aviaire
Culex
Culex quinquefasciatus Nématodes parasites Filariose
Diptera
Psychodidae Phlebotomus Phlebotomus major Leishmania Leishmaniose
Drosophilidae Drosophila Drosophila Non pathogènes
Insecta Muscidae Musca Musca domestica > 100 pathogènes Typhoïde, choléra,
Glossina
Glossinidae Glossina palpalis Trypanosoma brucei Maladie du Sommeil
Mouche « tsé tsé »
Reduviidae Triatoma Triatoma infestans Trypanoma cruzi Maladie de Chagas
Hemiptera Buchnera aphidicola
Aphididae Acyrthosiphon Acyrthosiphon pisum
Non pathogène
Yersinia pestis Peste
Siphonaptera Pulicidae Xenopsylla Xenopsylla cheopis
Ricketssia typhi Typhus murin
Arachnida Ixodida Ixodidae Ixodes Ixodes scapularis Borrelia burgdorferi Maladie de Lyme
Figure I.3: Quelques exemples d’insectes vecteur de l’Embranchement des arthropodes associés à l’organisme qu’ils transportent
et la maladie provoquée (s’il y a lieu).
49. Introduction
obtenir par prise de nourriture tandis que ce dernier fournit à la bactérie un milieu riche lui
permettant de se répliquer (Douglas, 1998).
L’association entre les endosymbiotes secondaires et leurs insectes s’est développée
plus récemment. Ces associations ne sont pas obligatoires et, dans la plupart des cas, on parle
de relations commensales, l’insecte ne tirant aucun bénéfice de leur interaction.
1.1.3. Relation entre les spiroplasmes et leurs insectes
La plupart des espèces de spiroplasmes sont retrouvées dans l’intestin ou
l’hémolymphe de moustiques, mouches (tabanides) ou encore de tiques. De manière plus
surprenante, S. clarkii a été isolé de l’intestin d’une larve de scarabée (Whitcomb et al., 1993)
tandis que S. penaei a lui été retrouvé dans l’hémolymphe de la crevette grise, Penaeus
vannamei (Nunan et al., 2005). Plusieurs espèces de spiroplasmes ont également été
retrouvées infectant au moins 16 espèces différentes de Drosophila (Haselkorn et al., 2009).
Quelques espèces ont également été décrites influençant le comportement de l’hôte.
Un spiroplasme a été caractérisé chez le puceron du pois. Il provoque une diminution de la
croissance et de la durée de vie du puceron ainsi qu’une baisse de la fertilité (Fukatsu et al.,
2001). S. poulsonii, l’agent du « sex-ratio », supprime la descendance mâle de plusieurs
espèces de drosophiles et se transmet de manière verticale (Williamson et al., 1999). S. apis et
S. melliferum sont des pathogènes de l’abeille Apis mellifera (Mouchès et al., 1982; Mouches
et al., 1984). D’autres encore, comme S. culiciola, S. sabaudiense, S. taiwanense sont
pathogènes pour le moustique Aedes aegypti dont ils réduisent la durée de vie et la fécondité.
De plus, S. taiwanense entraîne aussi un changement du sex-ratio en favorisant la
descendance mâle (Vazeille-Falcoz et al., 1994). La présence intracellulaire de S. mirum a
même été décrite dans des lésions cérébrales d’un patient atteint d’encéphalopathie (Bastian,
1979). Plus récemment, des expériences menées par le même groupe ont également montré
que ce spiroplasme, injecté de manière intracrânienne, produisait des symptômes comparables
avec ceux d’une encéphalopathie spongiforme (Bastian et al., 2007).
Néanmoins, la plupart des mollicutes phytopathogènes ne semblent pas perturber le
comportement de l’insecte. S. citri ne semble avoir aucun effet sur la cicadelle au cours de son
circuit à l’intérieur de celle-ci. De même, lors de l’infection de Cacopsylla melanoneura par
Candidatus phytoplasma mali, le phytoplasme n’influence pas le développement ou la
longévité de ces insectes cependant il semble avoir quelques effets sur le fitness de ces
derniers (Malagnini et al., 2010).
22
50. Figure I.4: Phylogénie de l’ordre des Hemiptera basée sur les études de phylogénie moléculaire.
(D’après Campbell et al., 1995 ; Sforza, 1998).
51. Introduction
1.2. Insectes vecteurs
Les insectes vecteurs de microorganismes appartiennent tous à l’embranchement des
arthropodes. Quelques familles d’insectes responsables de la vection de microorganismes, à
l’exception des mollicutes phytopathogènes, sont regroupées dans le tableau I.3.
1.2.1. Vecteurs mollicutes phytopathogènes
1.2.1.1. Classification
Les insectes vecteurs des mollicutes phytopathogènes appartiennent à l’ordre des
Hemiptera. La classification de ces insectes a longtemps été basée sur des caractères
morphologiques (couleur, taille, ailes antérieures, tête, thorax, abdomen, parties génitales
etc...). Les hemiptères ont un développement du type hémimétabole, c’est à dire que la
nymphe est mobile et ressemble aux larves, et possèdent plusieurs caractéristiques propres
comme des antennes longues, des pièces buccales avec un long rostre et deux paires d’ailes
dont l’une peut être cornée et durcie (hémiélytre).
Ce n’est qu’en 1995, lors des travaux de Campbell et collaborateurs portant sur la
comparaison de séquences d’ADN ribosomiques 18S de ces insectes, que la classification des
hémiptères a été modifiée et est restée depuis, identique à celle présentée dans le tableau I.4
(Campbell et al., 1995).
Dès lors, les insectes vecteurs des mollicutes phytopathogènes appartiennent, au sein
du sous-ordre des Cicadomorpha, à la famille des Cicadellidae (cicadelles) ; au sein de
l’infra-ordre des Fulguromorpha, à la famille des Cixiidae (cixides) et enfin, au sein de
l’ordre des Sternorrhyncha, à la famille des Psyllidae (psylles). Au sein de la famille des
Cicadellidae, les vecteurs des mollicutes phytopathogènes appartiennent principalement à la
sous-famille des Deltocephalinae.
Dans la littérature, les membres de la famille des Cicadellidae sont regroupés sous le
terme de « leafhopper » tandis que l’infra-ordre des Fulguromorpha renferme deux familles
principales que sont les Cixiidae et les Delphacidae regroupée sous le terme de
« planthopper ». Quelques exemples de mollicutes phytopathogènes associés à leur insecte
vecteur sont présentés dans le tableau I.5.
1.2.1.2. Vecteurs de S. citri
Pour sa part, S. citri est transmis naturellement et expérimentalement par plusieurs
insectes (tableau I.5). De toutes les cicadelles précédemment décrites, C. tenellus (figure I.6)
est le vecteur majeur du spiroplasme dans le Sud-ouest des Etats-Unis (Rana et al., 1975; Liu
23
52. Bactérie Insecte vecteur Famille taxonomique Référence
Circulifer haematoceps Fos et al. , 1986
Circulifer tenellus (Baker) Oldfield et al. , 1976
Circulifer opacipennis (Lethierry) Sengonca et al. , 1991
Macrosteles fascifrons (stål) O’Hayer et al ., 1983
Spiroplasma citri Scaphytopius nitridus (DeLong) Cicadellidae Oldfield, 1977
Scaphytopius acutus delongii (Young) Kaloostian et al. , 1979
Scaphytopius coliforniensis (Hepner) Oldfield, 1987
Euscelis plebejus Marckam et al ., 1974
Euscelidius variegatus Marckam & Townsend, 1979
Dalbulus maidis Kunkel, 1946
Spiroplasma kunkelii Cicadellidae Chen & Liao, 1975
Dalbulus elimatus
Williamson et Whitcomb, 1975
Phytoplasma Stolbur Hyalesthes obsoletus Cixiidae Fos et al. , 1992
Phytoplasme de la Flavescence Dorée Scaphoideus titanus Ball Cicadellidae Caudwell, 1983
Phytoplasme de l’ESFY Cacopsylla pruni Psyllidae Carraro et al., 1998b
Phytoplasme du Pear Decline Cacopsylla pyri Psyllidae Carraro et al ., 1998a
Phytoplasme de la proliferation du pommier Cacopsylla melanoneura Psyllidae Alma et al ., 2000
Candidatus phytoplasma ziziphi Hishimonus sellatus Deltocephalidae La & Woo, 1980
Scaphoideus luteolus Baker, 1949
Candidatus phytoplasma ulmi Cicadellidae
Macropsis mendax Carraro, 2004
Phytoplasme du rabougrissement du roncier Macropsis fuscula Cicadellidae De Fluiter & Van der Meer, 1953
Phytoplasme de la jaunisse de la vigne du Palatinat Oncopsis alni Cicadellidae Maixnert, 2000
Phytoplasme de la jaunisse de l’aulne Oncopsis alni Cicadellidae Maixnert & Reinert, 1999
Figure I.5: Quelques exemples d’insectes vecteurs de Mollicutes phytopathogènes avec leur maladies associées.
53. Introduction
et al., 1983). Les vecteur identifiés dans le pourtour méditerranéen sont C. haematoceps
(figure I.6) (Fos et al., 1986) et C. tenellus (Rasooly et al., 1994). Ces cicadelles polyphages
se développent principalement sur des hôtes herbacés et sur les agrumes (rutacées) qui,
lorsqu’ils sont infectés par S. citri, présentent des taux d’infection élevés.
La transmission de plante à plante se déroule selon un mode circulant multipliant. De
ce fait, dans l’insecte, S. citri effectue un circuit au cours duquel il passe successivement du
canal alimentaire, dans l’intestin moyen puis dans l’hémolymphe et gagne les glandes
salivaires de la cicadelle afin d’être excrété avec les sécrétions salivaires.
La description anatomique de ces tissus nous permettra de mieux appréhender les
mécanismes mis en place par S. citri au cours de son trajet et notamment lors des
franchissements des deux barrières, que sont l’épithélium intestinal et celui des glandes
salivaires, indispensables à sa propagation.
1.2.1.3. Morphologie des cicadelles
Les pièces buccales des cicadelles sont composées du labrum, du labium et des stylets.
Seul les stylets pénétrent dans la plante lors du repas de l’insecte. Ils sont au nombre de quatre
et sont les vestiges des mandibules et des maxilles. La paire de stylets maxillaires se rejoint
pour former le canal salivaire et le canal alimentaire. Les stylets mandibulaires entourent en
partie les stylets maxillaires. Au niveau de la tête, les deux stylets maxillaires se séparent l’un
de l’autre et les fluides ingérés se retrouvent dans une chambre filtrante appelée precibarium.
Sa fonction est de réguler le flux de liquide avant qu’il n’entre dans le cibarium. Il est
composé d’une valve qui empêche notamment la régurgitation de fluides dans les stylets.
Le cibarium est une sorte de pompe qui constitue un sac situé dans la tête et composé d’une
couche de cellules épithéliales. Les fluides passent alors dans l’intestin antérieur de l’insecte
qui est relativement étroit avec une paroi mince et recouvert de chitine qui s’étend jusqu’au
mésothorax ou bien même jusqu’au premier fragment abdominal. Les cellules intestinales
possèdent des microvillosités à leur surface qui sont recouvertes d’une fine matrice de nature
polysaccharidique, le glycocalyx. L’épithélium intestinal est bordé d’une lame basale
composée d’un assemblage de filaments de collagène et d’une matrice amorphe constituée de
polysaccharides (Gouranton & Folliot, 1970).
Chez les insectes se nourrissant de xylème et de phloème, une chambre filtrante s’est
formée permettant le passage direct de l’eau ingérée, contenant les substances en solution, de
l’intestin antérieur à l’intestin postérieur dans le but de concentrer la solution nutritive
(Forbes, 1969). A la jonction de l’intestin moyen et postérieur se trouvent les tubes de
24
54. Figure I.6: Principaux insectes vecteurs de Spiroplasma citri.
Photographies de Circulifer tenellus (à gauche) et de Circulifer haematoceps (à droite).
Figure I.7: Représentation schématique de l’appareil salivaire de cicadelles.
AG: glande salivaire accessoire. I à VIII: types cellulaires différents de la glande salivaire principale. (D’après
Wayadande & Fletcher, 1995).
55. Introduction
Malpighi. Ils sont au nombre de quatre chez les cicadelles et sont composés de cellules
épithéliales très minces qui se divisent en deux parties, une partie distale qui servirait à la
sécrétion d’ions et à l’excrétion tandis que la partie proximale aurait une fonction dans la
réabsorption des solutés.
Les cicadelles possèdent une paire de glandes salivaires situées de part et d’autre de
l’œsophage. De chaque côté, il y a une glande principale et une glande accessoire toutes les
deux composées de cellules conductrices et sécrétrices. Chaque glande salivaire principale est
composée de 8 types cellulaires différents et organisés en lobes concentriques. Ces cellules
sont différenciées en fonction de leur morphologie et de leur densité aux électrons. Elles sont
binucléées et regroupées en deux lobes. Le lobe antérieur est composé de 10 cellules de type
I, 6 cellules de type II, 4 cellules de type III et IV et 2 cellules de type V. Le lobe postérieur
est constitué de 5 cellules de type VI, 3 cellules de type VII et 4 cellules de type VIII (figure
I.7) (Wayadande et al., 1997).
Les glandes salivaires accessoires sont reliées aux glandes salivaires principales par un
canal lui-même inséré dans le canal faisant la jonction avec le lobe antérieur et le lobe
postérieur des glandes salivaires principales. Ici, les cellules sont uninucléées.
Les deux principaux canaux formés par chacune des deux glandes s’unissent pour
former un canal salivaire commun qui se dévide dans la pompe salivaire.
Tous ces organes baignent dans l’hémolymphe, un fluide extracellulaire qui transporte
les métabolites vers les différents tissus de l’insecte. L’osmolarité de l’hémolymphe est
relativement élevée et comprise entre 240 et 600 mOsm. La principale source de carbone est
le tréhalose, sucre non réducteur composé de deux molécules de glucose. Ce fluide contient
également des lipides, des acides aminés libres, des acides inorganiques tel que l’acide
ascorbique et des ions Mg2+ et PO43- (Saglio & Whitcomb, 1979). Cette composition est
relativement proche de la composition du phloème de la plante à l’exception du sucre
majoritaire qui est le saccharose au lieu du tréhalose.
1.2.2. Circuit du spiroplasme dans l’insecte
Après ingestion et un passage dans la pompe alimentaire, les spiroplasmes se
retrouvent dans l’intestin où la plupart sont digérés par les enzymes présentes. Les survivants
poursuivent leur route jusqu’au niveau de l’intestin moyen ou ils pénètrent dans les cellules
constituant l’épithélium intestinal situées dans une région dépourvue de chitine. Chez
Circulifer tenellus, S. citri pénètre dans ces cellules épithéliales en passant entre les
microvillosités (figure I.8A; (Kwon et al., 1999). Le spiroplasme franchit l’épithélium
25
56. Passage de la barrière intestinale
A B
A
A: S. citri pénétrant dans les cellules de l’épithélium intestinal de C. tenellus à travers les
microvillosités. L: lumière intestinale, MV: microvillosités, S: spiroplasme. B: Zone proche du
plasmalemme basal montrant les spiroplasmes dans des vacuoles d’endocytose. H: hémolymphe.
Echelle: 0,5 µm. (Kwon et al., 1999)
Libération dans l’hémolymphe
D
C
C: S. kunkelii franchissant la lame basale des cellules de l’épithélium intestinal de D. maidis (flèche
avec l’étoile) ou bien libre dans l’hémolymphe de l’insecte (flèche à gauche). Bl: lame basale, Mt:
tubes de Malpighi, Mi: mitochondrie, Gc: cellule intestinale, Pl: plasmalemme basal. Echelle: 0,5 µm.
D: Agrandissement de la région encadrée montrant S. kunkelii avec une protubérance en forme de
« tip » proche de la lame basale. (Ozbek et al., 2003).
Passage de la barrière des glandes salivaires
E F
E: S. citri franchissant la lame basale des cellules de l’épithélium des glandes salivaires de C. tenellus
dans une vacule d’endocytose. Bl: lame basale, S: spiroplasme, Er: réticulum endoplasmique. F: S. citri
libre dans le canaliculus des glandes salivaires de C. tenellus. Echelle: 0,5 µm. (Kwon et al., 1999).
Figure I.8: Etapes clés du cycle des spiroplasmes dans leurs insectes vecteurs.
57. Introduction
intestinal par un mécanisme d’endocytose/exocytose au cours duquel il se retrouve dans une
vacuole d’endocytose où il adopte une forme ovoïde (figure I.8B ; (Ozbek et al., 2003)). Au
moment du passage dans l’hémolymphe de l’insecte, une protubérance de 70 nm de diamètre
est observée traversant la membrane de la vacuole (figure I.8C et D ; (Ozbek et al., 2003)).
Cette protubérance, non sans rappeler le « tip » observé chez plusieurs mycoplasmes (Rottem,
2003), regrouperait plusieurs protéines qui seraient les premières impliquées dans un rôle de
reconnaissance et de franchissement du plasmalemme intestinal (Ammar et al., 2004). Grâce à
l’intermédiaire de ce « tip », les vésicules d’endocytose fusionnent avec le plasmalemme
basal et les spiroplasmes sont donc libérés par exocytose. Ils se retrouvent alors dans
l’hémolymphe où ils se multiplient massivement. Un nouveau mécanisme
d’endocytose/exocytose leur permet de franchir la barrière des glandes salivaires puis, après
une nouvelle multiplication, ils sont expulsés dans le canal salivaire (figure I.8E et F; (Kwon
et al., 1999)).
En résumé, pour sa transmission, le spiroplasme a besoin de franchir deux barrières, la
barrière intestinale et la barrière des glandes salivaires. Les franchissements de ces barrières
nécessitent des interactions entre S. citri et son insecte vecteur afin de pénétrer à l’intérieur
des cellules de son hôte. Or, les mécanismes moléculaires ainsi que les protéines impliquées
dans ces étapes d’adhésion aux cellules et d’internalisation dans celle-ci, restent encore
inconnus à ce jour.
Pour d’autres organismes, les descriptions concernant ce processus d’invasion
permettraient de cerner les différents acteurs intervenant au cours de ces étapes et, par
analogie, faire un lien avec ce qui est connu concernant la transmission du spiroplasme.
2. Cycle cellulaire de la transmission
Le pouvoir pathogène d’un microorganisme intracellulaire repose sur sa capacité à
coloniser son hôte et, de ce fait, à envahir les cellules de celui-ci afin de s’y multiplier et de
s’y disséminer.
L’ensemble de ce processus, nommé « invasion » tout au long de ce manuscrit, se
décompose en plusieurs étapes successives. Après avoir été ingéré par leur hôte, les
microorganismes doivent (i) adhérer aux cellules de leur hôte, (ii) pénétrer à l’intérieur de
celles-ci, (iii) se développer tout en évitant les mécanismes de défense mis en place puis (iv)
se disséminer de cellule à cellule afin d’être transmis à un nouvel hôte.
26
58. Figure I.9: Représentation des principaux types de pili décrits chez les bactéries à
Gram-négatif et à Gram-positif.
(D’après Kline et al, 2009).
59. Introduction
Le succès d’une invasion réside dans les signaux que les deux acteurs, la cellule et
l’agent pathogène, s’échangent perpétuellement. A chaque étape du processus d’infection,
l’agent pathogène exploite la machinerie cellulaire de l’hôte à son propre profit.
2.1. Adhésion
L’adhésion des microorganismes à des cellules eucaryotes est souvent une première
étape essentielle dans la mise en place de la maladie. En effet, étant de manière générale une
étape spécifique, l’adhésion permet au pathogène de se retrouver au niveau de tissus
appropriés, à partir desquels, il peut initier son processus d’entrée.
De nombreuses molécules et de structures macromoléculaires, regroupées sous le
terme d’adhésines, permettent aux pathogènes d’assurer cette fonction. Ces adhésines peuvent
être divisées en deux familles : les adhésines de type fibrillaire et les adhésines de type non-
fibrillaire.
2.1.1. Adhésines de type fibrillaire
Les adhésines de type fibrillaire sont des structures filamenteuses visibles à la surface
des bactéries. Ces structures ont été pour la première fois observées dans le début des années
50 par deux équipes. La première, dirigée par James Duguid, appela ces structures fimbriae
(« frange ») (Duguid et al., 1955), tandis que la seconde, dirigée par Charles Brinton, décida
de les nommer pili (« cheveux ») (Brinton, 1965). Bien que les deux termes soient
synonymes, et toujours d’actualité, le terme de pili sera préféré au cours de ce manuscrit. Les
principaux types de pili, décrits aussi bien chez les bactéries à Gram-négatif qu’à Gram-
positif, sont représentés sur la figure I.9.
2.1.1.1. Bactéries à Gram-négatif
Les pili ont été, pour la première fois, décrits chez les bactéries à Gram-négatif. Ce
sont des structures de 1 à 2 µm de long, formées par l’association de plusieurs sous-unités,
généralement regroupées sous le terme de « pilines », formant des structures polymériques qui
permettent d’éviter la répulsion des charges négatives présentes à la surface des cellules de la
bactérie et de celles de l’hôte, retardant ainsi l’activation du système immunitaire de l’hôte
(Kline et al., 2009).
Trois principaux types de pili sont connus et se distinguent essentiellement par leurs
structures, mais aussi par leurs mécanismes de formation et de régulation qui, bien
27