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23e FORUM
      Intégration Homme-Systèmes
                Groupe Aéronautique



       LA VISION :
UNE VUE DE L’ESPRIT
                          21 octobre 2008
            Direction générale de l’Aviation civile - Paris



 « L'œil, appelé fenêtre de l'âme, est
 la principale voie par où notre
 intellect peut apprécier pleinement
 et magnifiquement l'œuvre infinie
 de la nature. »
                    Léonard de Vinci
Compte rendu du forum
          « La Vision : une vue de l’esprit »
organisé par l’Académie de l’air et de l’espace et la DGAC
  avec le soutien de l’Académie nationale de Médecine,
    la Mairie de Toulouse et la Région Midi-Pyrénées.




            Académie de l’air et de l’espace
                          B.P.75825
                  31505 TOULOUSE CEDEX
                         anae@anae.fr
                      +33 534 25 03 80

           © Académie de l’air et de l’espace 2009
SOMMAIRE

             Allocution de Maxime Coffin, direction du Contrôle et de la Sécurité de l’Aviation civile
             Présentation du forum, Jean-Claude Bück et Christian Corbé, Académie de l’air et de
             l’espace

I.      LA VISION À LA LUMIERE DES RÉCENTES DÉCOUVERTES
          Professeur Christian Corbé, Institut national des Invalides, Académie de l’air et
          de l’espace, Conseil médical de l’aviation civile.................................................................9

II.     LA VISION DES COULEURS
          Professeur Philippe Lanthony, Laboratoire de vision des couleurs de
          l’Hôpital des Quinze-Vingts............................................................................................ 15
          Docteur Alain Léger, Thales Aerospace.......................................................................... 23
Débat avec la salle........................................................................................................................ 29

III. HYGIÈNE DE LA VUE
       Professeur Froussart-Maille, service d’ophtalmologie de l’Hôpital d’instruction
       des armées Percy ............................................................................................................ 33
Débat avec la salle........................................................................................................................ 43

IV.     IMPORTANCE DE LA VISION POUR LES PILOTES, ÉVOLUTION DES
        NORMES MÉDICALES AVEC LA RÉGLEMENTATION EUROPÉENNE
          Docteur René Germa, Bureau médical de la direction du Contrôle et de la sécurité
          de l’Aviation civile.......................................................................................................... 45

V.      POLITIQUE DES DÉROGATIONS
          Professeur Michel Cupa, Conseil médical de l’Aviation civile.......................................... 51
Débat avec la salle........................................................................................................................ 53

VI.     AMÉLIORATION DE LA VUE
          Lunettes : Madame Pascale Godin, ESSILOR................................................................. 57
          Lentilles : Docteur Catherine Peyre, Hôpital de Nanterre ................................................ 65
          Chirurgie : Docteur Jean Jacques Saragoussi, Société de l’Association française
          d’implantologie intra-oculaire et de chirurgie réfractive (SAFIR) .................................... 75
Débat avec la salle........................................................................................................................ 84

VII. ÉVOLUTION DE LA VUE AVEC L’AGE
        Docteur Martine Crochet, Société d’exploration visuelle et d’electrophysiologie............. 87

CONCLUSIONS
     Professeur Christian Corbé, Institut national des Invalides, Académie de l’air et
     de l’espace, Conseil médical de l’aviation civile............................................................... 95
Biographies des intervenants......................................................................................................... 97
Liste des participants au forum ................................................................................................... 101
Forum : La vision : une vue de l’esprit                                      Académie de l’Air et de l’Espace




                                          INTRODUCTION

                                             Maxime COFFIN

                         Directeur du Contrôle et de la Sécurité de l’Aviation Civile




Le thème du colloque établit un lien entre l’aéronautique et la médecine : la vision, une vue de
l’esprit. De nombreux experts interviendront aujourd’hui sur ce sujet. Je me garde bien d’exprimer le
moindre commentaire scientifique, qui risquerait fort d’être démenti par l’un de ces experts. En
revanche, mes souvenirs de vol peuvent être évoqués. Les mots « piste en vue » et « je vois une
piste » illustrent le soulagement de l’information nous parvenant. Ainsi, voir la piste a un caractère
rassurant. Tout au long de ces vols, l’activité visuelle nous montre dans quelle mesure les yeux nous
apportent de nombreuses et précieuses informations. Consécutivement à l’activité oculaire, le
cerveau fonctionne. Cet ensemble composé d’un capteur, d’un moyen de restitution de l’information
et d’un moyen d’utilisation de l’information est donc extrêmement utile.

Les exposés nous permettront de mieux comprendre les forces et les faiblesses des yeux. En outre,
certains exposés évoqueront les normes médicales et les modalités d’une mise en œuvre raisonnée et
intelligente de celles-ci. Cette approche me semble importante afin que l’aviation puisse continuer de
progresser. En effet, un équilibre doit être trouvé entre la norme et la souplesse d’interprétation des
professionnels, médecins et ingénieurs. En outre, l’aviation doit tirer pleinement parti des avancées
médicales et technologiques. L’évolution de la sécurité aéronautique implique donc l’utilisation du
progrès ; elle doit aussi faire évoluer la norme. Les anticipations des autres doivent être intégrées au
système de sécurité. La participation du professionnel, seul apte au jugement, est donc nécessaire.

Cette approche est également pertinente dans le cadre de nos travaux menés au niveau européen.
Sous prétexte d’harmonisation, la réflexion, très riche, peut être sclérosante si elle aboutit à définir
un cadre trop rigide. Cette rigidité doit être évitée. Nos travaux européens doivent donc demeurer
flexibles. Dans cet esprit, les travaux menés par l’Académie de l’air et de l’espace sont extrêmement
importants : ils sont en effet complémentaires des nôtres aujourd’hui. Par ailleurs, notez que
l’Académie de l’air et de l’espace a su faire preuve d’ouverture, en enlevant le « N » (national) de sa
dénomination. Je ne peux donc que me réjouir de l’organisation de ce colloque, à laquelle contribue
la DGAC. Je vous souhaite une bonne journée.




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                             PRÉSENTATION DU FORUM

                                              Jean-Claude BÜCK

                                          Académie de l’air et de l’espace


Ce forum organisé conjointement par la Direction générale de l’Aviation civile et l’Académie de l’air
et de l’espace avec le patronage de l’Académie nationale de médecine s’inscrit dans une certaine
continuité puisque cela fait huit ans que nous en organisons ensemble dans un cadre général qui est
celui de la relation homme /machine.
Certains ont pu s’étonner de l’intitulé de ce forum dont l’objet ne semble pas avoir de rapport direct
avec l’air ou l’espace ; mais comme il est mentionné sur le programme, sans une bonne vue, il n’y a
pas de pilote, de cosmonaute et de contrôleur de la circulation aérienne. L’Académie est, par
vocation, pluridisciplinaire. Elle comprend cinq sections dédiées, la première à la science, la
deuxième à l’industrie, la troisième à la présence et aux activités humaines dans l’air et l’espace, la
quatrième au droit, à l’économie, à la sociologie et à la morale, et enfin la cinquième à l’histoire, aux
lettres et aux arts. La troisième section comprend un certain nombre de médecins, dont le professeur
Corbé, co-organisateur du forum, et c’est elle qui a pris l’initiative de ce forum.
La vue, une vision de l’esprit. Jeu de mots un peu facile pour nous rappeler que l’œil n’est que
l’instrument, la fenêtre, comme disait Léonard de Vinci, qui permet au cerveau d’appréhender le
monde.


                                          Professeur Christian CORBÉ

                                          Académie de l’air et de l’espace


Chers amis,

L’idée d’organiser un forum consacré à la vision provient de la réflexion et de l’évolution de la
connaissance sur la physiologie de cet organe sensoriel. Cette idée découle également de l’évolution
des normes à l’échelle internationale et de l’interrogation sur les seuils limites réglementaires. Il
semble que tout soit parfaitement étudié et appliqué dans la mise en œuvre des normes actuelles qui
régissent les décisions du Conseil médical de l’Aéronautique Civile, pour ce qui concerne la vision.
Cependant, des questions et des difficultés existent. Ces problèmes ne sont toujours pas résolus.

Aujourd’hui, nous souhaitons évoquer les découvertes des neurosciences relatives à la physiologie
sensorielle visuelle. Un paramètre pose problème au niveau de l’aéronautique : la vision des
couleurs. Philippe Lanthony, un grand spécialiste international de la vision des couleurs, a travaillé
toute sa vie sur la particularité que constitue la vision colorée. Il dirige un laboratoire effectuant des
travaux de recherche sur la couleur. Il est l’intervenant le plus apte à nous communiquer son


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sentiment sur l’utilisation par l’homme de la couleur, au niveau médical et physiologique. Le docteur
Alain Léger, chercheur avec qui j’ai travaillé, évoquera l’utilisation de la couleur par l’industriel
disposant d’un module aéronautique. L’industriel utilise des normes, des moyens et des attractions
visuelles pour sensibiliser sur une difficulté.

Depuis le début de ma carrière aéronautique, il a toujours été question de normes pour les pilotes de
l’aviation civile. Celles-ci reposaient sur une vision évaluée à 7/10 et sur une myopie maximale de 1
dioptrie. A cette époque, nous cherchions à déterminer la meilleure hygiène de la vue pour
développer la vision. Ce thème est lié à celui de la physiologie oculaire. Par ailleurs, les questions
administratives seront également développées dans le cadre de ce forum. En outre, le progrès
considérable réalisé par la chirurgie oculaire a entraîné cependant une série de conséquences qu’il est
nécessaire de prendre en compte. Ainsi, trois spécialistes de la compensation de certains déficits
d’amétropie tels que l’astigmatisme, la myopie et l’hypermétropie sont présents aujourd’hui.

Trois moyens de correction de la vue existent : les lunettes, les lentilles et la chirurgie réfractive.
Ainsi, la société Essilor est venue nous présenter son savoir-faire sur la correction des amétropies
par les lunettes. Je rappelle que c’est Bernard Maitenaz, ancien Président d’Essilor qui a inventé le
verre progressif et qu’elle constitue la plus grande société optique internationale. En outre, une
évolution considérable a été enregistrée au sujet des lentilles. Ainsi, nous écouterons l’exposé du
docteur Catherine Peyre, spécialiste de l’adaptation des lentilles à des sujets de tous âges. Enfin, la
chirurgie réfractive constitue une question ayant soulevé des difficultés durant dix ans. Les médecins
de médecine aéronautique au niveau international ont fixé les règles de cette chirurgie. La chirurgie
réfractive opère l’individu à l’âge de 35 ans en « robotisant » la cornée: est-ce légitime ? Des dangers
existent-ils ? Le docteur Jean-Jacques Saragoussi évoquera ce sujet. Il est l’un des référents
internationaux sur le sujet.

Nous souhaiterions que cette session suscite un échange fructueux entre tous les participants.



Jean-Claude BÜCK
Nous allons maintenant entrer dans le vif du sujet. Le premier intervenant est notre confrère le
professeur Christian Corbé : professeur de physiopathologie sensorielle aérospatiale, président de la
Société française de médecine aéronautique et spatiale (2000-2002), expert en ophtalmologie au
Conseil médical de l’aéronautique civile.




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                            SESSION I :
              LA VISION À LA LUMIÈRE DES RÉCENTES
                          DÉCOUVERTES

                                          Professeur Christian CORBÉ

    Directeur de l’Institut national des Invalides, membre de l’Académie de l’air et de l’espace,
                   expert ophtalmologique du Conseil médical de l’aviation civile



Un étudiant apprend que l’œil est conçu pour disposer d’une bonne acuité visuelle et d’un champ
visuel satisfaisant, pour résister à l’éblouissement et pour disposer d’une bonne vision nocturne. De
plus, la vision des couleurs, l’équilibre oculomoteur et la vision binoculaire doivent être normaux.
Ces paramètres sont ceux d’une aptitude visuelle en aéronautique. Mais, le degré de l’acuité visuelle
est différent selon les réglementations en vigueur. Les normes européennes relatives à l’aviation
civile ont été abaissées au niveau de l’amétropie ; celles relatives au champ visuel restent intangibles.
Les seuils de l’éblouissement et de la vision nocturne sont inchangés. La question de la vision des
couleurs sera abordée par Philippe Lanthony. L’équilibre oculomoteur et la vision binoculaire seront
évoqués sous l’angle normatif et non fonctionnel. Ces deux points sont source de difficultés. Si
l’acuité visuelle est évaluée par des tests référenciés au niveau international, les autres paramètres
sont souvent laissés à la libre appréciation des différentes écoles de médecine aéronautiques. Les
tests de champ visuel qui sont actuellement sur le marché sont des tests de champs visuels
automatisés destinés originellement pour le diagnostic précoce du glaucome. Les champs visuels
pour l’aptitude aéronautique de type « Goldmann » sont en voie de disparition, y compris dans les
centres hospitaliers universitaires. Ils se trouvent néanmoins dans les centres d’expertise. Ils sont
ceux permettant la meilleure approche ergonomique du champ visuel. L’éblouissement constitue
également un point laissé à la libre appréciation de chaque école. Au niveau international, l’étude de
la sensibilité et de la récupération après un éblouissement est toutefois homogène. Enfin, la vision
nocturne est étudiée par des tests précis.
L’équilibre oculomoteur a également fait l’objet de révolution. Auparavant, il était obligatoire de
disposer d’une vision binoculaire normale. L’équilibre oculomoteur était évalué par le paramètre
ultime de la vision binoculaire qu’était le sens du relief. Une telle approche caractérisait les écoles
latines, et non les écoles anglo-saxonnes. Nous nous sommes aperçus que la vision du relief n’est
utile que jusqu’à cinq mètres. Elle n’est que peu utile pour une distance supérieure. L’appréciation
de la capacité d’un contrôleur aérien ou d’un pilote à percevoir la piste ne doit donc plus relever du
test TNO. Désormais, nous nous basons surtout sur les mesures de l’équilibre oculomoteur. Ce
compromis a été réalisé douloureusement entre les écoles latines et les écoles anglo-saxonnes.
L’ensemble de ces facteurs visuels pose problème dans l’établissement d’un consensus européen ou
international. L’aptitude doit être évaluée de manière stricte. Mais l’expérience montre qu’en cours
de carrière, certaines pathologies entraînent des déficits fonctionnels parfaitement compensés,


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permettant l’octroi de dérogations d’aptitude. Celles-ci sont obtenues après un bilan complet et
pratiquement exhaustif qui seront des documents médicolégaux.
L’évolution des connaissances a bénéficié de l’expérience que nous avons acquise lors du suivi… des
sportifs de haut niveau. En effet, depuis quarante ans, un certain nombre de sportifs de haut niveau
se font suivre au centre principal d’expertise médicale situé à Paris. Or, tout problème de vision d’un
sportif de haut niveau ne résulte pas obligatoirement d’une vision médiocre, mais souvent d’un
changement de sa vision.
En 1981, des chercheurs américains, Hubel et Wiesel, ont obtenu le prix Nobel de médecine pour
leurs travaux relatifs au système visuel. Ils ont placé des microélectrodes sur toutes les cellules du
système visuel d’un chat, de la cornée jusqu’au cerveau. Ils ont étudié les réactions de chaque
cellule. Leurs conclusions ont révolutionné la connaissance de la vision. Cette avancée a été reprise
par le Dr Ginsburg, un médecin de l’US Air force avec qui nous avions travaillé en 1984. Les
Français ont ensuite transposé ces avancées au secteur de l’aéronautique. Nous avons ainsi introduit
de nouveaux tests, une application pratique pour navigants et les personnels présentant un état de
déficience visuelle. Par extension a été mis en place une procédure pour aider les déficients visuels.
Intéressons-nous cette nouveauté. Les paramètres tels que l’acuité visuelle, la vision des couleurs,
l’éblouissement et la vision binoculaire n’ont pas changé. Mais, les découvertes réalisées par Hubel
et Wiesel nous apprennent que le système visuel est en plasticité permanente. Le système visuel dès
la rétine, est composé de millions de champs récepteurs de lumière indépendants et réactifs
uniquement au contraste de luminance. Ceux-ci transmettent une information unique au niveau
cérébral, et ce par des voies indépendantes. Une vision évaluée à 10/10 n’est donc pas pertinente
pour le secteur de l’aéronautique. En effet, la vision périphérique ne peut être évaluée à 10/10. Ainsi,
chaque individu dispose d’un « volume de vision » au niveau de la rétine et du système visuel à
l’intérieur duquel l’œil cherche une et une seule information utile pour une action. La barre des
10/10 était une commodité, car facilement mesuré par des tests simples et reproductibles. Si les
10/10 ne sont pas atteints, cela ne signifie pas nécessairement que le reste de la vision n’est pas
fonctionnel. L’enveloppe de vision doit donc pouvoir être appréciée. Les méthodes d’analyse ont
donc changé. Nous utilisons pour ce faire des fréquences spatiales ou temporelles.
Lorsque la richesse de la rétine a été découverte, les spécialistes ont cru avoir percé les secrets de
l’œil. Cependant, l’analyse d’une information ne peut être synthétisée qu’après une potentialisation
des données des capteurs des cinq sens. Un individu peut donc compenser un problème visuel par
ses capteurs pris dans leur globalité. Nous nous sommes acheminés progressivement vers une
pluridisciplinarité.
La plasticité cognitive est connue par les médecins de l’aéronautique. La médecine classique la
comprend mal, mais désormais quand même un peu mieux grâce au vieillissement de la population
dont une partie du traitement doit prendre en compte le cognitif. Ainsi, lorsqu’un navigant présente
une perte partielle de la vision, une dérogation peut lui être accordée si l’étude de la compensation
de cette perte sensorielle s’avère satisfaisante. Les problèmes cognitifs rencontrés actuellement par
des pilotes classe 2 âgés de plus de 85 ans nous rappellent que toute vision doit pouvoir être
exploitée au niveau cognitif. Autrement dit, une bonne vision n’est, en soi, que d’utilité relative.
Nous ne savons pas comment analyser la dernière partie des découvertes d’Hubel et Wiesel. Il s’agit
de la capacité adaptative. A l’heure actuelle, seuls les psychologues savent approcher et appréhender
cette capacité essentielle.


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L’œil ne se réduit pas à l’acuité visuelle. La vision est composée de l’œil, des voies de
communication cérébrale et du cerveau. Les recherches ont démontré la possibilité de l’adaptabilité
et de la plasticité d’un système visuel et de la restructuration de ses chaînes neuronales. En tout état
de cause, la médecine aéronautique a la nécessité d’être au plus près des pilotes. Les médecins ont
donc été conduits à s’intéresser à la physiologie des systèmes pour être au plus proche des
personnels navigants, non pour les entraver, mais pour leur donner plus de capacités en cas de
difficulté physique, physiologique ou psychologique. La société civile a également bénéficié de ces
avancées. Je vous remercie.




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                SESSION II : LA VISION DES COULEURS

Jean-Claude BÜCK

Aux débuts de l’aviation, une bonne vue était indispensable pour permettre aux pilotes d’éviter les
obstacles, d’apprécier la hauteur au-dessus du sol et de naviguer. En effet, seul le vol à vue était
pratiqué. Rapidement, des signaux lumineux ont été utilisés pour les communications entre le sol et
l’avion. Les codes de couleur étaient simples : rouge, vert et blanc. Ces couleurs ont ensuite été
utilisées dans le cockpit pour attirer l’attention du pilote sur certains évènements : alarmes diverses,
passage d’une balise, plage d’utilisation d’un instrument. De nos jours, les multiples cadrans qui se
trouvaient sur la planche de bord ont disparu, ou sont en voie de disparition. Toutes les informations
sont regroupées sur des écrans plats, ou la couleur est devenue essentielle pour différencier ces
informations. L’importance de la vision des couleurs en résulte. Ce sujet sera abordé par deux
intervenants : le professeur Philippe Lanthony, Directeur du Laboratoire de vision des couleurs de
l’Hôpital des Quinze-Vingts de Paris, et le professeur Alain Léger, de la société Thales. Cette société
est l’un des principaux acteurs mondiaux dans la fabrication des planches de bord et des écrans
utilisés dans la salle de contrôle de la circulation aérienne.



                LA COULEUR : UNE VUE DE L’ESPRIT ?
                                     Professeur Philippe LANTHONY

            Directeur du Laboratoire de vision des couleurs de l’Hôpital des Quinze-Vingts


Lorsque le professeur Corbé m’a demandé d’aborder le sujet de la vision des couleurs dans
l’enceinte de l’Académie de l’air et de l’espace, je me suis interrogé sur ses attentes vis-à-vis de moi.
En effet, je ne connais strictement rien à l’aviation. Le titre du forum, « La vision : une vue de
l’esprit » m’a donc éclairé. Ainsi, la couleur est-elle une vue de l’esprit ? Cette question soulève
l’origine de la couleur. Un objet a-t-il une couleur quand personne ne le regarde ? Cette question est
posée avec plaisir par les philosophes. L’origine de la couleur est-elle physique, physiologique ou
seulement psychologique ? Est-elle une production du seul esprit ? Mon exposé sera général, et ne
suscitera aucune application pratique.

La première origine de la couleur est la physique. Comme vous le savez, la couleur provient du
rayonnement électromagnétique. Les ondes électromagnétiques vont des ondes radio aux rayons
gamma. 70 octaves sont ainsi couvertes. Le spectre lisible, la lumière et les couleurs, occupe une
seule octave. Ainsi, Yves Legrand affirmait que nous ne sommes pas aveugles, mais qu’il ne s’en est
pas fallu de beaucoup. Le spectre visible peut être défini de trois manières. Habituellement, nous le
définissons par la longueur d’onde en ophtalmologie. Cette définition n’est pas tout à fait logique,
dans la mesure où cette grandeur varie avec le milieu de propagation. Il conviendrait d’utiliser la
fréquence, qui est l’inverse de la longueur d’onde.


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Un troisième paramètre nous concerne ainsi davantage : l’intensité énergétique transportée par les
diverses longueurs d’onde. L’énergie varie comme la fréquence. Il en résulte que, de petites
longueurs d’onde aux grandes longueurs d’ondes, l’énergie diminue de moitié. De plus, il en résulte
que les limites du spectre dépendent étroitement de cette énergie. Ces limites ne sont pas physiques,
mais physiologiques. En effet, l’énergie des grandes longueurs d’onde, celles de l’infrarouge, n’est
pas suffisante pour stimuler suffisamment la rétine. Elle ne produit que de la chaleur. Dans les
courtes longueurs d’onde, dans les ultraviolets, l’énergie est trop grande et a tendance à être nocive
pour les cellules. Au-delà, elle présente un effet ionisant (rayons X). Par conséquent, les limites
biologiques donnent au spectre son étendue.

Cependant, la couleur n’est toujours pas expliquée. Les photons, les radiations électromagnétiques,
n’ont pas de couleur. Newton affirmait : « Les radiations ne sont pas colorées. » La couleur n’est
donc pas véritablement physique. La couleur existe donc en raison de l’existence de réactions
physiologiques à la suite de la stimulation physique par les photons. La coupe de la rétine que je
vous présente a été réalisée en 1880 et est toujours d’actualité. La couleur provient des pigments des
cônes. Cette affirmation constitue un progrès de la compréhension de la vision colorée et de la vision
générale, apporté par la biologie moléculaire depuis vingt ans. Nous connaissions la rhodopsine, le
pigment des bâtonnets ; mais nous ignorions tout des cônes. Ainsi, la iodopsine a été inventée, alors
qu’elle n’existait pas. La biologie moléculaire nous a donc appris qu’il existe trois types de pigments
dans les cônes, et que ceux-ci correspondent à différentes courbes d’adaptation.

Le schéma que je vous présente est celui d’un pigment d’un cône. C’est une chaîne d’aminoacides,
au nombre de 364 en moyenne. Ils sont enroulés en sept hélices alpha, alignées les unes à côté des
autres. Un radical se trouve dans la septième hélice : le rétinal. Il est spécifiquement chargé de
l’absorption des photons. La constitution du pigment détermine sa courbe d’absorption et son
maximum d’absorption en particulier. Le rétinal absorbe spécifiquement les photons ; le photon est
absorbé par le rétinal. L’absorption du photon par le rétinal, la transduction, déclenche la suite des
évènements. La transduction est le phénomène capital de la vision. En effet, elle constitue l’interface
entre le monde extérieur et le monde intérieur du sujet. Le photon, qui provient du monde extérieur,
est absorbé par le rétinal, qui appartient au monde intérieur de l’organisme.

La transduction entraîne une cascade enzymatique conduisant à une modification du courant
électrique sortant du cône. Ce phénomène ne nous donne aucune indication quant à la couleur. En
effet, l’absorption du photon provoque l’isomérisation du rétinal. Ainsi, le rétinal, recourbé, se
détend. Il passe ainsi de la forme 6 à la forme 30. Aucune indication sur la longueur d’onde de la
lumière n’est donc donnée. Nous ne connaissons pas la longueur d’onde du photon absorbé par la
rétine. Nous parlons donc de loi d’univariance.

Il existe trois types de cônes, trois types de pigments. Le premier a un maximum d’absorption dans
les courtes longueurs d’onde (420 nm, violet), le second dans les moyennes longueurs d’onde
(530 nm, vert-jaune) et le troisième dans des longueurs d’onde légèrement supérieures (560 nm,
jaune-vert). Oubliez donc le triptyque rouge, vert, bleu : le niveau physiologique ne fonctionne pas
ainsi. Par ailleurs, trois signaux différents sont dénombrés. La vision trichromatique n’est que trop
simplificatrice de la réalité. En effet, un codage particulier se produit dans la rétine. Une
photographie en plan de la rétine montre que la disposition des cellules rétiniennes est totalement
aléatoire. De plus, aucun équilibre constant entre les différents types de cônes n’existe. Cet équilibre
varie ainsi d’un individu à un autre. Le codage est donc indépendant de la disposition anatomique
aléatoire.


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En outre, le codage chromatique s’effectue de manière antagoniste. A ce niveau, deux types de
champs récepteurs sont distingués. Ils constituent des canaux indépen-dants l’un de l’autre. Ces
canaux correspondent aux fibres sortant des cellules ganglionnaires et allant au cerveau.

L’existence de deux systèmes présente un intérêt phylogénique. En effet, il a été considéré que la
vision nocturne précédait la vision diurne, elle-même précédant la vision colorée. Aujourd’hui, nous
pensons que la vision diurne colorée est la première. Durant l’évolution animale, le deuxième cône
unique du centre du spectre s’est divisé en deux catégories, correspondant aux cônes de moyenne
longueur d’onde (m-cône) et aux cônes de grandes longueurs d’onde (l-cône). La différence entre
les maximums de longueurs d’onde est faible. En outre, cette division est observable chez les singes.
En effet, nous distinguons les singes de l’ancien monde de ceux du nouveau monde. Les premiers
ont trois types de cônes : ils sont trichromates, comme l’Homme. Les seconds sont dichromates. En
effet, lors de la séparation des continents il y a 50 millions d’années environ, la distinction entre le m-
cône et le l-cône ne s’était pas encore opérée. Par conséquent, elle a eu lieu ultérieurement chez les
singes de l’ancien monde. Le singe hurleur, espèce découverte récemment en Amérique du Sud, fait
figure d’exception : il est trichromate.

La division entre les trois types de cônes a donc une origine phylogénique qui est retrouvée chez
l’Homme. Elle affecte le daltonisme. Celui-ci constitue une régression à l’état dichromatique et
s’appuie sur deux types de pigments visuels, les s-cônes (cônes dans les basses longueurs d’ondes) et
les m- ou l-cônes, selon les types de daltonismes. Ces notions phylogéniques sont appliquées dans la
clinique d’aujourd’hui. Par ailleurs, ces informations sont ensuite véhiculées jusqu’au cerveau, au
lobe occipital (zone V1). Une dispersion a ensuite lieu dans le reste du cerveau, en particulier vers la
pointe du lobe occipital (zone V4). Celle-ci est qualifiée injustement de zone colorée du cerveau. En
outre, la division s’observe en IRM. Les trois clichés pris après stimulation du cerveau par des
contrastes, de la couleur et du mouvement montrent de très nettes différences dans la topographie de
la stimulation. En effet, le contraste affecte la zone postérieure du cerveau. De plus, plusieurs zones
du cerveau répondent à une stimulation par la couleur. Enfin, le mouvement affecte d’autres zones.
Ce constat rejoint celui du professeur Corbé sur l’indépendance des canaux, qui aboutissent à des
modules différents dans le cerveau. Aujourd’hui, nous estimons que le cerveau présente une division
modulaire.

Nous estimons qu’une vingtaine de zones du cerveau correspond à la vision colorée. Ainsi, une
répartition de l’information chromatique a lieu dans la zone primaire V1. Au préalable, les canaux
provenant de la périphérie y aboutissent. La couleur est donc distribuée dans différentes zones, telles
que le lobe temporal, qui sert à la reconnaissance de la couleur. De même, la localisation des
couleurs se trouve également dans le lobe pariétal (zone V5). Enfin, des zones encore plus éloignées
correspondent à la mémoire colorée et au langage chromatique.

Enfin, abordons l’aspect de la psychologie. En effet, la couleur ne provient ni des radiations
électromagnétiques, ni de la transduction, ni enfin de l’existence de trois pigments. De plus, il
n’existe pas de centre chromatique cérébral. La modularité du cerveau a en effet été soulignée. En
psychologie, la sensation, la perception et la cognition sont traditionnellement distinguées. La
couleur est avant tout sensation. Finckenstein affirme : « Vous me demandez la couleur de ce livre.
Je vous dis qu’il est rouge. Si vous me demandez pourquoi je dis qu’il est rouge, je ne peux pas vous
répondre. Je ne peux pas vous donner de raison. C’est une perception immédiate. Je n’ai pas de
raison à vous donner. Je l’ai simplement regardé, et j’ai vu qu’il était rouge. » Le constat est donc
primitif et absolu.


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La sensation peut être décrite par des attributs tels que la luminosité, la tonalité et la saturation. La
perception constitue une problématique actuelle, car elle concerne les facteurs de l’apparence
colorée. Les trois attributs évoqués constituent à cet égard une compréhension dépassée. Ainsi, les
expériences de Land ont montré aux colorimétristes que la couleur dépend pour partie voire totalité
de ce qui l’entoure. Actuellement, nous cherchons à codifier d’une façon chiffrée les facteurs de
l’apparence. Ainsi, l’apparence de l’objet se définit par les attributs chromatiques, mais également
par les attributs non chromatiques, à savoir les caractéristiques de la surface telles que la texture,
l’opacité et le brillant. En outre, les relations spatiales sont l’effet du voisinage. Certaines couleurs
sont isolées, d’autres non. Pour ces dernières, des interactions ont lieu entre elles. Les facteurs
temporaux doivent également être pris en compte.



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La couleur a une importance capitale dans l’industrie. Des collections mates et brillantes existent.
Ainsi, le contraste est à la base de la vision. Evoquons les ombres colorées. L’exemple de l’éclairage
de la Vénus de Milo avec une lumière blanche et une lumière jaune est singulier : une ombre bleue
apparaît. Ceci prouve que la couleur est due au contraste. Par ailleurs, l’assimilation est le contraire
du contraste. Ainsi, les couleurs sont attirées par les couleurs de voisinage. Enfin, la cognition est
évoquée dans le cadre du test de Stroop. Celui-ci se présente sous la forme de trois colonnes de
noms représentant des couleurs. Il montre l’antagonisme entre la signification verbale du terme et
l’apparence réelle, qui représente une gêne pour l’individu.

En conclusion, la couleur n’est pas une vue de l’esprit. En effet, elle a des origines physique et
physiologique. En outre, nous ne devrions pas parler de vision des couleurs, car ces dernières ne
constituent pas une réalité extérieure. Les couleurs sont produites par la vision elle-même. Nous
devrions parler d’une vision colorée voire d’une vision colorante, car le processus visuel crée lui-
même l’existence de la couleur. Cependant, si un objet n’a pas de couleur si personne ne le regarde,
il n’en a pas davantage si quelqu’un le regarde. En effet, la couleur n’est pas dans l’objet, mais dans
la perception. Nous pouvons également affirmer que la couleur est une vue de l’esprit, puisqu’elle
est une sensation appartenant à notre monde visuel subjectif. Selon Cézanne, « la couleur est le lieu
où notre cerveau et l’univers se rencontrent. » Cette phrase n’a pas seulement une portée littéraire.
Elle constitue en outre une pure vérité. Elle évoque une réalité que je nomme « transduction ». Ainsi,
notre cerveau et l’univers se rencontrent au moment de la transduction, car le photon est absorbé par
le rétinal, élément de la rétine, elle-même partie du cerveau.

Je vous remercie de votre attention.




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                              LA VISION DES COULEURS

                                           Dr Alain LÉGER

                              Chief Scientist Human Factors THALES DAE/DT




Contrairement aux autres orateurs, je ne suis un spécialiste ni de la vision, ni de la couleur. Mon
domaine de recherche a surtout été celui de l’orientation spatiale. Dans le cadre du SAE, j‘ai été
amené à diriger un groupe dont la mission consistait à remettre à jour une série de recommandations
relative à la couleur. Tout à l’heure, le professeur Lanthony a présenté un remarquable exposé, à un
niveau de connaissances très élevé. Ma présentation sera beaucoup plus basique.

Le SAE G-10 est un comité appartenant à un important organisme de standardisation aux Etats-
Unis, le SAE (Society of Automotive Engineers). Le SAE est bien connu pour son travail sur des
problématiques liées aux huiles et carburants s’intéresse aussi bien aux transports terrestre et
ferroviaire qu’à l’aéronautique. C’est dans cette dernière Division du SAE, que le G-10 (Human
Behavioral Engineering Technology) a pour vocation de traiter les aspects Facteurs Humains dans le
domaine aéronautique. En Europe, les organisations de standardisations, telles que l’Eurocae, ne
disposent pas réellement de groupes dédiés spécifiquement aux aspects facteurs humains.

Les thèmes traités par le SAE G-10 varient au cours du temps : cartes, couleurs des affichages,
systèmes de vision synthétique, risques aéronautiques liés à l’utilisation du laser, visualisations
multifonctions, système de guidage en perspective, systèmes d’UAV et hélicoptères. Un sujet est
très important à l’heure actuelle : les informations météo. Par ailleurs, le SAE regroupe notamment
des avionneurs, des fabricants d’équipements divers, des consultants, des représentants d’organismes
gouvernementaux et des universitaires.

Trois types de documents sont produits. Les ressources documents identifient les problèmes du
moment, exposent l’état des connaissances et les pistes d’action ; les recommandations (ARP,
Aerospace Recommended Practices) rassemblent les connaissances existantes et sont destinées aux
ingénieurs de conception ; enfin, les Aérospaces Standards (AS), équivalent des MOPS (Minimum
Operating Performance Standard), indiquent la performance minimale devant caractériser tout
équipement afin d’opérer en sécurité. Ces documents sont élaborés selon une méthode de consensus
et sont approuvés à trois niveaux : les comités et groupes de travail constitués, le comité exécutif du
G-10 et l’Aerospace Council.

Abordons à présent des généralités relatives à l’usage de la couleur. Je ne prétends pas à
l’exhaustivité et souhaite seulement mettre certains aspects en évidence. A ce titre, un ouvrage tel
que celui de « la vision opérationnelle des couleurs dans l’environnement de l’aviation militaire
moderne » constitue une référence utile. Si la couleur à toujours plus ou moins existé dans les
cockpits, l’aspect moderne de l’utilisation des affichages couleur en aéronautique n’est en fait pas


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très ancien. En effet, les visualisations électroniques sont nées, en particulier pour l’aviation
commerciale, au début des années 80. Le premier avion commercial en Europe disposant d’écrans
couleur est l’A-310. Les facteurs généralement utilisés pour justifier le codage couleur sont
l’efficacité, l’amélioration de la distribution de l’information et l’amélioration de la structuration du
contenu des visualisations. Les bénéfices en résultant habituellement sont l’amélioration de la




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performance des actes de pilotage, ainsi que la facilitation, l’acquisition et la rétention
d’entraînement.

La mise en œuvre du codage coloré est parfois complexe. Elle présente également des limites dans
les domaines physiques et du cognitif. Par ailleurs, il faut aussi considérer que la couleur a également
un impact esthétique non négligeable dans les cockpits (dimension hédoniste du codage coloré).
Dans certaines circonstances l’utilisation inconsidérée de la couleur peut emmener à des difficultés,
ainsi que l’ont montré certaines études expérimentales. C’est particulièrement le cas des risques de
confusion, éventuellement préjudiciables pour la sécurité.

Il faut cependant reconnaître que la couleur est unanimement appréciée par les pilotes. En outre,
l’usage de la couleur, associé aux informations alphanumériques et symboliques, présente
indéniablement des avantages en termes de performance. Ceux-ci ont été démontrés et font donc
l’objet de certitudes. Ceci ne doit toutefois pas faire oublier que l’usage non approprié de la couleur
peut se révéler néfaste dans certaines conditions. Ce point doit donc demeurer présent à l’esprit.

Si l’on considère les aspects réglementaires, la « part 23 » de la réglementation relative à
l’aéronautique s’intéresse à la couleur, mais accorde de larges libertés en la matière. La « part 25 »
décrit les couleurs utilisables dans le domaine de l’aéronautique commerciale. L’utilisation des
couleurs n’est cependant pas précisée dans la réglementation en dehors des alarmes.

Ce constat explique l’existence des recommandations du SAE. Le sous-comité « couleur » du SAE
G-10 a fixé des règles de participation ouverte. Ainsi, l’ensemble de la communauté aéronautique
internationale peut participer à ses travaux. A l’heure actuelle, Boeing, Airbus, Thales, Honeywell et
la NASA sont quelque uns des participants.

Les objectifs du sous-comité « Couleur » sont de remettre à jour les documents élaborés au milieu
des années 80, afin de prendre en compte les évolutions scientifiques sur le thème de la couleur en
aéronautique. Celles-ci sont liées aux évolutions technologiques : outre l’amélioration des capacités
d’affichage de la couleur, les systèmes du type GPWS puis EGPWS sont apparus. Les radars météo
et les cartes électroniques utilisent également le codage coloré. Les représentations peuvent donc
s’avérer relativement compliquées, car elles s’appuient sur des symboles nouveaux. Le
développement du marché des systèmes de vision synthétique (SVS, ESVS) devra également être
pris en considération.

Sur les images qui suivent, l’utilisation de la couleur est relativement importante. L’affichage le plus
classique est bien sûr celui du PFD (Primary Flight display) où se trouvent regroupées l’essentiel des
informations de pilotage. Pour ce qui concerne la visualisation de la navigation, affichage de la route
suivie, on peut voir que des informations météo sont également affichées en superposition.
Regardons à présent ce qu’est un système de vision synthétique. Les points d’intérêt courant sur les
images qui suivent suscitent des questions. Quel est le nombre de couleurs utilisé dans le codage de
l’information ? Il est extrêmement variable. Généralement, un nombre de 7 est considéré comme
satisfaisant pour le codage de la symbologie, si le travail s’effectue dans des conditions où seules des
variations des différences de tonalité entre les différentes couleurs sont utilisées. En revanche, si
nous considérons des applications utilisant des variations, non seulement de teinte mais aussi de
saturation et de luminance entre les couleurs, il a été montré expérimentalement qu’il était possible
d’utiliser jusqu’à cinquante couleurs.




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Enfin, le nombre de couleurs sans valeurs de codage doit être pris en compte. Sur combien de
couleurs s’appuient les représentations synthétiques du monde ? Utiliserons-nous les 32 millions de
couleurs, ou nous limiterons-nous à un nombre de couleurs plus restreint ?




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L’application de la couleur en champ large est également différente de l’utilisation pour de la
symbologie. Que se passe-t-il dans un champ large ? La notion « d’affordance » de l’information
couleur est également importante. A titre d’exemple, un radar météo utilise la couleur bleue pour
signaler un front froid, la couleur rouge pour un front chaud. Toutefois, la dangerosité est également
codée : le rouge signifie « dangereux », le bleu « pas dangereux ». Or les fronts froids sont beaucoup
plus dangereux que les fronts chauds. Des risques d’interprétation erronée pourraient donc
éventuellement exister si l’information prête à confusion. En outre, l’importance du contraste a été
mise en évidence. La couleur de fond et la polarité des écrans jouent également un rôle et font partie
des points étudiés. De plus, la superposition d’informations de couleurs identiques issues
d’applications différentes pourrait poser un sérieux problème.

Enfin, les caractéristiques des utilisateurs ne doivent pas être ignorées. A l’heure actuelle, un certain
nombre de pilotes réussissent les tests de sélection aéronautique pour la couleur sans nécessairement
disposer d’une vision parfaite des couleurs. Des risques de confusion peuvent donc exister dans un
environnement où l’information colorée serait par trop ambiguë. De surcroît, ces risques peuvent
être amplifiés par la multiplication des codes de couleur à un instant donné.

L’intégration de multiples visualisations dans le cockpit constitue un aspect plus technologique de la
visualisation des couleurs. Elle suscite cependant quelques problèmes. Ainsi, la taille importante des
écrans peut poser problème avec le volume réduit de la cabine de pilotage. De plus, nous assistons à
la généralisation des écrans matriciels, généralement du type LCD. Ainsi, des problèmes d’angles de
vue se sont rapidement posés, alors qu’ils n’existaient pas avec les écrans cathodiques. La perception
des couleurs peut donc différer sensiblement entre les membres de l’équipage selon l’angle de vue.
Ce problème, de plus, est difficile à cerner en données chiffrées. Qu’autoriserons-nous ? Par ailleurs,
le mélange dans la planche de bord de visualisations utilisant des matrices de sources
d’approvisionnement différentes peut également poser problème. Un industriel dispose toujours d’au
moins deux fournisseurs de matrices, afin de sécuriser l’approvisionnement. Or les matrices ne
présentent pas toujours totalement les mêmes caractéristiques selon le fournisseur. Quelles
différences peuvent être tolérées ? Certes, des recommandations existent, mais leur légitimité n’est
pas très bien justifiée. De surcroît, les variations entre les technologies différentes devront être prises
en considération. Enfin, le comportement des écrans de visualisation en cas de panne partielle
modifient généralement la couleur présentée. Les problèmes d’intégration de la couleur dans les
cockpits sont donc bien réels et méritent de bénéficier d’une attention particulière en terme de
bonnes pratiques.

En conclusion, compte tenu des évolutions technologiques, l’usage de la couleur dans les cabines de
pilotage est un sujet actuel, aussi bien pour les visualisations que pour les systèmes de bord. De
nouveaux systèmes font de plus en plus leur apparition dans les cockpits. Tous utilisent de plus en
plus la couleur. Les évolutions et innovations technologiques progressent extrêmement rapidement,
sans toujours tenir compte des bonnes pratiques exprimées en termes de facteurs humains.

L’intervention d’experts spécialisés dans le domaine des facteurs humains constitue donc un élément
important de la démarche de conception.

Par ailleurs, l’aspect esthétique de la couleur joue un rôle de plus en plus important, au point d’en
faire un argument « marketing » pour de se différencier de la concurrence. Des aspects souvent bien
plus fondamentaux concernant l’usage de la couleur dans les postes de pilotages ne devraient
cependant pas être biaisés par des considérations relevant purement de l’esthétique.


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Si l’information polychrome utilisée dans le cockpit comporte d’indéniables avantages, il ne faut pas
oublier que l’usage de la couleur dans les visualisations n’est pas totalement anodin. En tout état de
cause, la couleur doit être appliqué avec raison afin d’éviter des conséquences indésirables.

Je vous remercie de votre attention.




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                                             DÉBAT

Florence CALEFON, médecin aéronautique et pilote privé

Ma question s’adresse au professeur Lanthony. Vous n’êtes pas pilote : comment percevez-vous les
normes d’aptitude en vision colorée ? Pouvez-vous nous donner votre avis sur leur pertinence ?

Philippe LANTHONY

Absolument pas. Cette question pratique relève des missions devant être accomplies. Seuls les
individus pratiquant le pilotage peuvent y répondre, car eux seuls connaissent les nécessités du
pilotage et les couleurs devant être utilisées dans la signalisation et les cockpits. Je peux nourrir une
idée générale sur la question, mais pas une idée spécifique à l’aviation. Cependant, le daltonisme
concerne des individus dont les situations sont extrêmement variables. L’incidence des divers degrés
du daltonisme sur le pilotage doit être étudiée. De plus, il convient de s’intéresser aux sujets
particulièrement performants dans l’industrie, afin de déterminer des experts de la couleur.

Jean-Claude BÜCK

L’académie a édité un dictionnaire de franglais, réalisé par le Général Robineau, ancien pilote de
chasse. Cependant, je n’ai pas compris le sens de l’expression « affordance de l’information
couleur ».

Dr Alain LÉGER

L’affordance est un concept développé par un psychologue britannique, Hudson. Celui-ci a traité la
problématique de la couleur durant plusieurs années. Il a inventé ce mot pour signifier le pouvoir
d’évocation d’un objet. A titre d’exemple, l’air est transparent. Tout ce qui est transparent est donc
de l’air. Ainsi, sans mise en place d’une bande blanche, des personnes heurtent des glaces, pensant
qu’il s’agissait d’air.

Monsieur AZAÏS

Quelle est la signification physiologique de l’œil bleu et de l’œil rouge ? Quel intérêt présente le fait
de voir bleu avec un œil, rouge avec l’autre ?

Philippe LANTHONY

Cela tient à l’asymétrie. Ainsi, les rétines peuvent être différentes d’un œil à l’autre. En outre, la
question de l’aberration chromatique doit également être soulevée. Ainsi, la focalisation se déroule
différemment si un œil est plus myope que l’autre. Seul le nombre de couleurs pouvant être
discriminées les unes des autres compte. Le défaut des daltoniens n’est pas de voir telle couleur de
telle façon, mais de percevoir un nombre plus faible de nuances colorées dans le spectre. Un individu


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normal voit 150 nuances dans le spectre, alors qu’un sujet daltonien n’en perçoit qu’une trentaine. Il
est donc handicapé par la confusion de certaines teintes.

Gilles LAURENT, commandant de bord, Air France

Je souhaite faire part d’un retour d’expérience douloureux sur l’utilisation du GPWS. Dans un
simulateur de vol, certains pilotes placent leur avion avec le variomètre dans la zone rouge.
L’interface Boeing n’utilisait pas ce code couleur, contrairement à l’interface Airbus.
Paradoxalement, celle-ci était davantage propice aux accidents. En tant qu’instructeur, j’ai donc
répété que la zone rouge devait être évitée.

Un intervenant

Quelle est la relation entre la sensibilité à une couleur donnée et le champ visuel ? Dans les salles de
contrôle de circulation aérienne, l’alarme rouge est placée en périphérie. Elle n’est donc pas bien vue
par les contrôleurs aériens.

Dr Alain LÉGER

Outre la couleur, il s’agit également d’une question de niveau lumineux. Le problème du champ
visuel coloré est extrêmement complexe et fait l’objet d’importants débats. De nombreux paramètres
doivent en effet être pris en compte tels que la taille, la fatigue à la couleur – l’œil s’adapte en effet à
la couleur –, ou l’effet Troxler, c'est-à-dire la disparition du stimulus coloré dès qu’il est
périphérique. Si vous regardez la toile Impression soleil levant de Monet au Musée Marmottan et
fixez attentivement quelques instants les pêcheurs au premier plan, le soleil disparaît en périphérie
alors qu’il n’est qu’à quelques degrés. Il s’agit d’une syncope colorée. Ce type de phénomène peut
également se produire en cas de signalisation rouge en périphérie.

Professeur Christian CORBÉ

L’obtention ou non de l’aptitude par les candidats rencontrant des difficultés au test Ishihara
constitue un problème se posant au quotidien et qui n’a pas été résolu. Les interprétations sont
différentes selon les pays, notamment entre les Anglo-Saxons et les Français. Il est convenu que
l’aptitude peut être accordée, si le sujet peut reconnaître sans difficulté le rouge, le vert et le bleu.
Est-ce suffisant au niveau pratique ? Quel est le curseur en termes d’exigence, sachant que la vision
des couleurs est pour chacun différente ? Même les spationautes sélectionnés obtiennent des
résultats fort différents aux tests colorés. Une limite avait cependant été fixée pour le test
Farnsworth, dans son calcul de score d’erreurs. Chacun éprouve des difficultés après 40 ans, le
cristallin perdant sa transparence et la rétine se modifiant. Quel est le seuil fixé pour l’aptitude ? La
couleur constitue une difficulté en matière d’expertise, et conduit à des relations difficiles avec les
administrations médicales étrangères voisines.

Dr PELBROCHE

Il faut intégrer la notion d’apprentissage et de vieillissement dans le métier. Les couleurs
s’apprennent. Quant à l’utilisation des couleurs, je crois que nous sommes passés de couleurs
franches à des couleurs plus pastels. A la tour de contrôle de Roissy, les couleurs sont bien




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tranchées, élément que les contrôleurs jugent facilitant. Dans les salles de contrôle de la régulation,
les CRNA, les couleurs sont en revanche beaucoup plus pastels.

Un intervenant

Je voudrais confirmer vos propos. J’ai rencontré un conducteur de métro de la RATP avec 16 ans
d’expérience. Suite aux quelques erreurs qu’il a commises au test Ishihara, j’ai confirmé son
aptitude. Quand Farnsworth a inventé son test, il l’a appliqué à des salariés du textile. Il a alors
constaté que les performances étaient généralement d’autant meilleures que les personnes
travaillaient depuis longtemps dans le métier. Personnellement, malgré mon âge, mes performances
au test sont meilleures que la moyenne des personnes de ma génération, car je suis habitué à
manipuler ces tests. Cependant, il reste vrai que certaines personnes sont plus douées que d’autres.

Dr MOUCHARD, Toulouse

Comment interpréter la notion anglo-saxonne de « color safe » ?

Jean-Claude BÜCK

Ce sera peut-être à nos spécialistes normatifs de répondre à cette question.

Général ROBINEAU

Ma question s’adresse au Professeur Corbé. Autrefois, on éliminait les pilotes à l’admission
lorsqu’ils n’avaient pas 10/10ème. Au fur et à mesure des années, les personnes ont besoin de lunettes.
On m’a ainsi autorisé à voler avec dérogation mais sans lunettes, alors qu’on a toujours toléré des
lunettes de soleil dans les cockpits d’avions de chasse. Je portais des lunettes de soleil adaptées à la
vue du tableau de bord. Est-on toujours aussi rigoureux lors des visites médicales d’admission sur
l’acuité visuelle alors que les lunettes permettent une correction ?

Professeur Christian CORBÉ

Il est certain qu’il y a une certaine évolutivité compte tenu des moyens actuels.

Les « couleurs de sécurité » dont parlait le Dr Mouchard posent la difficulté des relations
internationales en matière d’application de normes. Il faut intégrer l’habitude anglo-saxonne
consistant à laisser la liberté à chacun et une certaine rigueur latine visant à protéger l’individu et la
société. Nous n’avons pas encore résolu cette question.

Je pense qu’à l’admission, il ne doit pas y avoir de doute. L’aptitude dépend du niveau et de la
nature du défaut coloré. L’expérience entre en jeu par la suite.

Jérémy NOËL, copilote sur A320

Ma question s’adresse à Monsieur Léger. Le Professeur Corbé a indiqué que la vision constituait une
partie de la perception d’informations, la partie auditive s’y ajoutant. Les constructeurs, lorsqu’ils
élaborent des SI, prennent-ils en compte le fait que l’audition peut contribuer à la perception de
l’information, en particulier s'agissant de l’évitement d’autres avions ?




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Dr Alain LÉGER

Nous avons travaillé au sein de programmes européens sur l’utilisation du son localisé. Les
programmes européens constituent souvent des patchworks d’expertise de différents pays. Des
pilotes d’Alitalia étaient conseillers opérationnels.

Nous ne pouvons pas, je crois, disposer d’écouteurs sur les oreilles pour obtenir des sons localisés.
Nous avons testé des technologies avec des batteries de haut-parleurs permettant de reconstituer un
son. Les conclusions étaient relativement négatives. Quand nous regardons le domaine militaire, les
pays anglo-saxons ont en revanche très clairement adopté une information sonore ajoutée en
redondance d’autres informations. Cependant, certaines personnes sont tout à fait capables d’utiliser
une information sonore localisée ; d’autres éprouvent davantage de difficultés et la prennent comme
un simple signal d’alarme classique. In fine, si des systèmes sonores permettent d’obtenir des
informations sur la localisation d’un objet dans l’espace, ce ne sera jamais extrêmement précis. En
outre, cela impose, pour disposer d’une qualité suffisante d’information, de porter des écouteurs. Le
système est donc utilisable dans la zone de 10 000 pieds à l’atterrissage par exemple. En croisière,
cela sera plus difficile.




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                         SESSION III : HYGIÈNE DE LA VUE

Jean-Claude BÜCK

La vue est précieuse, aussi faut-il en prendre soin ; c’est le professeur Maille, chef du service
d’ophtalmologie de l’hôpital d’instruction des armées de Percy, qui devait traiter le sujet. Victime
d’un accident, il n’a pu se joindre à nous. C’est son adjointe et son épouse, le professeur Froussart-
Maille, agrégée du Val de Grâce, qui le remplace au pied levé.




                                    Professeur FROUSSART-MAILLE

                           Professeur agrégé de l’Ecole du Val-de-Grâce,
       Adjoint au chef de service d’ophtalmologie de l’hôpital d’instruction des armées Percy



La vision représente environ 85 % des afférences sensorielles responsables de notre appréciation du
monde extérieur. La multiplicité des tâches en vision de loin, en vision intermédiaire et en vision de
près à laquelle est soumis le système visuel, les agressions permanentes, qu’elles soient physiques,
allergiques ou infectieuses, le vieillissement accru de la population sont responsables de pathologies
émergentes. Pour rester performant, l’œil doit être soumis à certaines règles d’hygiène élémentaires.

Nous ferons d'abord un rappel sur les caractéristiques de la vision. Nous envisagerons l’effet des
rayonnements visibles et invisibles sur l’œil, les conséquences pathologiques qui peuvent en résulter
et les moyens de protection et de prévention. Nous étudierons ensuite l’œil dans son environnement
avec les problèmes infectieux et allergiques et surtout la notion de fatigue visuelle et l’étude des
facteurs intrinsèques et extrinsèques responsables d’inconfort visuel, en insistant sur les moyens de
prévention et d’amélioration.

Les caractéristiques de la vision
L’œil est un système bilatéral et symétrique avec un appareil de vision qui comporte un organe de
réception qui est le bulbe de l’œil, protégé par des annexes, et dont l’orbite est mû par les muscles
oculomoteurs. Il comprend une série d’appareils de transmission avec des voies optiques (les nerfs
optiques, le chiasma, les bandelettes optiques, le corps genouillé latéral et les radiations optiques), et
un centre visuel cortical d’intégration situé au niveau du lobe occipital. Le système optique est
constitué au niveau de ses milieux transparents par la cornée. Il existe en outre des milieux
intraoculaires transparents et réfringents qui permettent aux rayons lumineux émis par un objet de
converger pour former un foyer sur la macula dans le cas de l’œil normal ou œil emmétrope.



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L’ensemble de ces milieux est centré sur le cristallin dont la puissance est variable chez le sujet jeune
par le jeu de l’accommodation grâce à ses attaches au corps ciliaire par les fibres zonulaires. La
rétine sur le plan histologique comprend 10 couches. En pratique, il faut retenir qu’il y a un
traitement de l’information à la fois vertical et horizontal. S'agissant de la structure verticale, il y a un
rôle de transmission à partir des photorécepteurs que sont les cônes et les bâtonnets, avec ensuite,
les cellules bipolaires et les cellules ganglionnaires. Le traitement horizontal de l’information
s’effectue par des cellules régulatrices qui sont les cellules horizontales, les amacrines. La répartition
des photorécepteurs au niveau de la rétine est assez particulière : au niveau de la fovéa, au centre de
la macula, il n’y a que des cônes qui sont le support de la vision des couleurs, avec une densité de
cônes qui décroît en périphérie. Les bâtonnets n’apparaissent qu’à deux degrés d’excentricité par
rapport à la fovéa. Leur densité augmente jusqu’à environ trente degrés d’excentricité puis diminue
vers la périphérie du fond de l’œil. L’activité physiologique des photorécepteurs est liée à l’existence
d’un pigment qui vient se décomposer sous l’action de la lumière et cette cascade photochimique va
aboutir à l’influx nerveux.

Il faut souligner dans cette structure le rôle particulier du DHA qui est un acide gras oméga 3 au
niveau de cette rétine. Il a en effet un rôle structurel : c’est le principal constituant au niveau des
membranes des disques des segments externes des photorécepteurs. Il joue aussi un rôle majeur dans
la phototransduction, et un rôle protecteur contre le vieillissement rétinien, avec une activité qui est à
la fois anti-apoptotique, anti-inflammatoire et anti-ischémique. Bien que les cônes et les bâtonnets
soient proches sur le plan histologique, ils ont une structure et des propriétés bien différentes. Les
bâtonnets, au nombre de 110 à 125 millions, constituent le support de la vision scotopique c'est-à-
dire la vision de nuit. Ils fonctionnent à charge complète de pigments, ce qui nécessite un temps
d’adaptation mais permet d’être sensible à des niveaux lumineux très faibles. La vision scotopique
est caractérisée par la perte des composantes psychosensorielles de la vision avec une chute de
l’acuité visuelle – avec un scotome central d’un à deux degrés –, une altération de la vision des
couleurs, une altération du sens du mouvement et du sens spatial. Cependant, grâce aux bâtonnets et
au phénomène d’adaptation rétinienne, nous pouvons être sensibles à des niveaux de luminance
extrêmement faibles.

Les capacités en vision nocturne seront altérées dans des syndromes de dysfonctionnement des
bâtonnets que l’on retrouve dans certaines maladies, les héméralopies, essentiellement les
rétinopathies pigmentaires, et également dans certaines affections de la voie optique comme dans le
glaucome primitif à angle ouvert. Physiologiquement, il faut se rappeler que la vision nocturne est
très fragile. Les capacités sont nettement diminuées en cas d’hypoxie, de fatigue ou d’exposition à
de très hauts niveaux d’éclairement dans la journée.

Comment peut-on améliorer les capacités en vision de nuit ? Il faut tout d'abord en connaître les
imperfections et être entraîné. Comme pour la vision des couleurs, il faut adopter de bonnes règles
d’hygiène de vie, prévenir l’hypoglycémie, éventuellement porter des lunettes filtrantes le jour pour
éviter l’effet des rayonnements solaires diurnes et s’abstenir de tabac ou d’alcool. Des moyens
pharmacologiques avec des dérivés anthocyanosidiques peuvent être intéressants comme le Difrarel
qui intervient dans la synthèse du pourpre rétinien. Enfin, il existe des moyens technologiques pour
perfectionner cette vision nocturne avec des systèmes infrarouges ou des amplificateurs de lumière,
particulièrement utilisés en aéronautique militaire.

La vision de jour ou vision photopique est sous la dépendance des cônes qui sont beaucoup moins
nombreux (4 à 7 millions). A l’inverse, ils n’interviennent pas dans la vision nocturne, mais


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répondent instantanément à une stimulation et nous permettent de voir les couleurs et les détails. La
vision de jour sous la dépendance des cônes est très performante ; elle permet l’appréciation du sens
des formes (acuité visuelle), l’appréciation des distances et du relief et la vision des couleurs. Elle
assure également la résistance à l’éblouissement.

Les performances de la vision centrale ou maculaire sont toutefois diminuées dans de nombreuses
circonstances. Un traitement adapté permettra le plus souvent d’y remédier. Ce sont par exemple les
troubles de la réfraction, les troubles de la transparence des milieux oculaires (cataracte), les
atteintes de la rétine centrale (affections dégénératives de la macula) et les atteintes des voies
optiques voire des centres visuels.

Il faut se rappeler que c’est grâce à ces deux systèmes (système photopique et scotopique) que l’œil
peut travailler à divers niveaux lumineux correspondant à ces différents types de visions.

La caractéristique principale du système visuel est d’être sensible à la lumière, ce qui amène à
évoquer désormais l’action des rayonnements sur l’œil.

L’action des rayonnements sur l’œil
L’appareil oculaire possède des défenses limitées contre le rayonnement par le biais du clignement.
Celui-ci a une latence d’environ 1/10ème de seconde, ce qui est parfois insuffisant pour protéger le
globe oculaire lui-même. Dans le cadre du réflexe photomoteur, les radiations rétiniennes varient en
fonction de la taille de la pupille, et seront donc beaucoup plus importantes de nuit. La cornée et le
cristallin sont par eux-mêmes des filtres naturels pour la rétine. Il existe à leur niveau une absorption
sélective, en particulier au niveau du cristallin. C’est ainsi que la lumière naturelle d’origine solaire
est filtrée tout d'abord par la cornée qui ne laissera passer que les radiations supérieures à 300
nanomètres et par le cristallin qui ne laissera passer au-delà que les rayonnements au-dessus de 400
nanomètres. Ceci explique que le patient opéré de cataracte et à qui on n’a pas mis d’implants, est
plus exposé et a besoin d’une protection particulière. Les longueurs d’onde de courte durée,
notamment les bleus, représenteraient la partie potentiellement la plus nocive de la lumière visible
pour la rétine. Du fait du vieillissement cristallinien, la transmission de la lumière sur la rétine
diminue avec l’âge. Ceci a conduit à l’utilisation préférentielle de filtres jaunes sur les implants des
personnes opérées de cataracte afin de limiter l’effet nocif des radiations bleues sur la rétine.

Quels sont les effets de rayonnements ? Les radiations ultra-violettes sont responsables au niveau des
paupières d’un érythème actinique, au niveau de l’œil lui-même : c’est la classique ophtalmie des
neiges habituellement peu grave mais assez douloureuse. Les mesures prophylactiques comprennent
l’utilisation de verres teintés ou de lentilles arrêtant les UV. Les radiations visibles et infrarouges
sont responsables d’atteintes palpébrales aigues ou chroniques, d’atteintes cornéo-conjonctivales et
d’atteintes choriorétiniennes, généralement maculaires du fait de la concentration de l’énergie
radiante à ce niveau. Un tableau de phototraumatismes est ainsi établi (héliotraumatisme après
observation d’une éclipse solaire ou des navigateurs, etc.). Différents tableaux cliniques de gravité
croissante peuvent être envisagés : un simple éblouissement sans gravité avec une récupération assez
rapide, un éblouissement avec des lésions visualisées au fond d’œil mais réversibles en quelques jours
(œdème du pôle postérieur), un éblouissement avec des lésions irréversibles du fond d’œil sous
forme de pseudo-trou ou de véritable trou qui sont responsables d’un véritable déficit sensoriel du
fait de l’absence de rétine fonctionnelle à cet



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endroit. En fonction de la protection nécessaire, différents types de filtres solaires sont utilisés par les
opticiens, classés en général de 0 à 4. S'agissant des lasers, l’œil est l’organe le plus exposé du fait de
l’existence d’un système d’autofocalisation, réflexe qui va automatiquement projeter la fovéa sur le
rayonnement laser. Les lésions qui sont plus ou moins étendues et profondes sont essentiellement
dues à l’effet thermique du laser. Les lasers qui émettent dans l’UV ou l’infrarouge sont dangereux
pour la cornée et le cristallin, alors que c’est le rayonnement visible qui va, lui, détruire la rétine.
Concernant l’effet des rayonnements électromagnétiques, le risque potentiel de ces lésions qui sont
surtout la cataracte, avec le radar, n’a jamais été nettement confirmé et ne peut que se concevoir
chez une personne exposée très longtemps, par le faisceau de l’antenne émettrice qu’il réparait par
exemple. Les rayonnements sont souvent impliqués dans les pathologies oculaires rencontrées. En
effet, les radicaux libres qui sont libérés par le métabolisme sous l’influence de nombreux facteurs
environnementaux, vont se comporter comme des accélérateurs du vieillissement. Au niveau du
cristallin, la cataracte, le plus souvent liée à l’âge, sera accentuée par une consommation de tabac qui
conduira à une cataracte plus fréquemment nucléaire, et par une exposition aux UV de type B pour
sa forme corticale. Au niveau de la rétine elle-même, l’âge, mais aussi la lumière bleue et un faible
taux de lutéine et de xanthine au niveau du pigment maculaire sont responsables d’altérations plus
précoces. En ce qui concerne les maculopathies et la dégénérescence maculaire liée à l’âge, on peut
définir des facteurs de risques génétiques, environnementaux et systémiques, notamment le
tabagisme, qui constitue le premier facteur de risque, et l’hypertension artérielle. La chirurgie de la
cataracte peut accélérer le vieillissement de la rétine centrale. Enfin, la présence à l’examen du fond
de l’œil des patients de certains stigmates et de précurseurs du vieillissement, incitent à proposer une
prévention par micro-nutrition selon des études AREDS 1 et AREDS 2 en associant des
antioxydants à haute dose, essentiellement de la vitamine C, de la vitamine E, du béta-carotène, du
zinc, des omégas 3, en particulier le DHA que l’on retrouve dans le pigment des photorécepteurs, et
des pigments maculaires comme les caroténoïdes. D’autres moyens de prévention sont en cours
d’étude, comme l’acétate d’anécortave, qui sont essentiellement destinés aux patients
particulièrement à risques. Enfin, les statines ne semblent pas produire l’efficacité souhaitée. A partir
de ces données, nous avons proposé une pyramide de traitement préventif du vieillissement de la
rétine centrale, fondée sur un examen du fond de l’œil à partir de 55 ans. En fonction du stade de la
maculopathie corrélée au risque de dégénérescence à 5 ans, nous proposons un traitement préventif
composé de différents stades. Initialement, on donne du DHA, éventuellement associé à de la lutéine.
Au stade 3 (drusen séreux, premier stigmate d’évolution sévère de la maladie), nous proposons des
antioxydants comme la vitamine C. Dans les deux derniers stades qui sont des stades cliniques, nous
utiliserons l’ensemble de ces composants.

L’œil dans son environnement
Envisageons désormais le rôle de l’environnement sur l’œil. Nous évoquerons rapidement les aspects
infectieux, avec les méfaits de l’air et de l’eau, avant d’insister sur les notions d’inconfort et de
fatigue visuelle, qui constituent des sources fréquentes de plaintes des patients dans un contexte de
généralisation du travail sur écran.

S'agissant des aspects infectieux, les kérato-conjonctivites épidémiques imposent des mesures
d’exclusion et d’hygiène pour les porteurs (ne pas serrer les mains, ne pas partager le linge de
toilette, respecter les consignes d’utilisation des lentilles de contact). L’air peut conduire à des
conjonctivites d’irritation, des conjonctivites allergiques, avec des problèmes de sécheresse oculaire
particulièrement fréquents dans le milieu aéronautique. L’eau peut quant à elle produire



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des conjonctivites « des piscines ». La contamination peut s’effectuer par les amibes, ce qui peut
conduire à des kératites amibiennes particulièrement graves, avec une baisse d’acuité de la vision.

La fatigue du système visuel peut se manifester de différentes façons, soit par une fatigue générale
avec des céphalées, des dorsalgies, avec un problème de posturologie, une fatigue oculaire
(picotements, sécheresse) de par la fréquence du clignement qui diminue sur écran. La fatigue
oculaire proprement dite est marquée par des perceptions de visions floues, dédoublées et des
céphalées à la lecture. Ces symptômes imposent la recherche d’un trouble de la réfraction – une
amétropie qui n’aurait pas été dépistée, une petite myopie ou astigmatisme. Quelquefois, un léger
déséquilibre oculomoteur suffit à mettre en évidence cette symptomologie visuelle.

Comment objectiver la fatigue visuelle ? En vision de près, l’accommodation est fortement sollicitée
car l’œil ne fixe pas la même distance de façon soutenue. Il existe, avant 47 ou 48 ans – l’âge de la
presbytie – d’imperceptibles micro-fluctuations et accommodations de l’œil. Ces micro-fluctuations,
qui sont un indicateur objectif de la fatigue visuelle, ont amené certains fabricants à proposer des
verres antifatigue qui sont des verres en vision de loin, avec une partie basse permettant de détendre
quelque peu l’accommodation du sujet et de diminuer ainsi la fatigue lors du travail sur écran.

Pour obtenir un bon confort visuel, il faudra donc agir d’une part sur des facteurs intrinsèques –
dépister les amétropies, corriger la presbytie et les troubles oculomoteurs – et extrinsèques que
constituent les niveaux d’éclairement. La correction optique des amétropies se fera pour
l’hypermétropie par des verres sphériques convergents, pour la myopie par des verres divergents, et
pour l’astigmatisme par des verres cylindriques. La correction de la presbytie s’effectue en
additionnant sur ces verres entre 0,75 et 2,5 de dioptrie en fonction de l’âge. Les hétérophories
décompensées seront rééduquées, avec succès généralement, par des séances de rééducation
orthoptique.

L’éclairement doit répondre à trois critères principaux s'agissant des locaux de travail : l’éclairement
moyen à maintenir sur sa tâche visuelle doit être d’environ 500 lux ; l’indice de rendu des couleurs
est important, notamment en termes de lampes ; la limitation de l’éblouissement d’inconfort doit être
prise en compte même si elle n’intègre pas la notion d’équilibre de la luminance. Pour les sujets
malvoyants, la tâche visuelle en termes d’ergonomie est insuffisante, et des critères
environnementaux doivent intervenir, à savoir un aspect qualitatif et une interaction lumière
artificielle/lumière naturelle. Nous pourrons donc agir sur l’intensité lumineuse, sur la couleur par le
biais de filtres et sur la disposition des sources lumineuses. Concernant l’intensité, en cas d’atteinte
de la vision centrale, nous pouvons utiliser des lampes à décharge, des lampes fluo-tubulaires et un
indice de rendu de couleurs élevées. En cas d’atteinte de la vision périphérique, il faudra privilégier
des lampes à décharge ou fluo-compactes, des lampes à incandescence avec un indice de couleur peu
élevé. Quand l’atteinte rétinienne est mixte (centrale et périphérique), des lampes à décharge peuvent
être utilisées avec un indice de couleur élevé.

S'agissant des filtres, ils peuvent être neutres (atténuateurs). Dans certaines pathologies, des filtres
sélectifs peuvent être utiles, notamment pour certaines aberrations chromatiques. Les myopes voient
mieux dans le rouge ; les hypermétropes dans le vert. Pour les patients atteints de certaines
pathologies, des filtres particuliers peuvent être utilisés : un filtre rouge pour les albinos, des filtres
RT 560 ou 580 chez les personnes atteintes de rétinopathie pigmentaire. Dans les DMLA, des filtres
spécifiques sont également utiles.



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L’éclairage peut être direct et général, indirect et diffus, ou directionnel. Il faut cependant toujours
éviter un éclairage trop violent ou trop faible et un éclairage qui papillote. Très souvent, les patients
atteints d’une pathologie ne s’éclairent pas assez.

Pour conclure, nous venons d’évoquer quelques règles élémentaires d’hygiène visuelle qui
permettent d’optimiser les performances du récepteur oculaire. Cependant, il ne faut pas oublier
(inaudible).




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Forum : La vision : une vue de l’esprit                                     Académie de l’Air et de l’Espace




                                                DEBAT

Un intervenant

Y a-t-il des affections de l’œil liées au travail prolongé dans un milieu sec ?

Professeur FROUSSART-MAILLE

Il s’agit simplement de syndromes de sécheresse majorés chez les porteurs de lentilles de contact.
Les personnes qui souffrent d’un léger déficit de larmes ne devraient pas, si possible, porter de
lentilles en vol.

Un intervenant

Qu’est-ce qu’une lampe à décharge ?

Professeur FROUSSART-MAILLE

Il faudrait solliciter un spécialiste de l’éclairage sur ce point.

Guillaume, DGAC

Quelle est votre opinion concernant des lentilles de rééducation permettant de limiter la progression
de la myopie ?

Professeur FROUSSART-MAILLE

Cela n’existe pas. La myopie va évoluer, quelles que soient les mesures que l’on peut prendre. On
peut équiper les enfants avec des lentilles rigides qui permettent quelque peu de contrôler l’évolution
de la myopie axile. L’ortho-contactologie se développe, le port de la lentille de nuit pouvant modifier
quelque peu la topographie de la cornée. Cela permet d’améliorer le confort visuel. La solution n’est
cependant que temporaire.

Bernard CONCHON

J’ai développé une méthode de gymnastique oculaire. Au fil du temps, la vision se concentre sur les
éléments situés de face, un mouvement de tête étant effectué par le sujet pour les éléments
périphériques. La méthode que j’ai développée visait à regarder de loin, de près, à droite puis à
gauche sans bouger la tête. Cette méthode peut-elle retarder une presbytie ou améliorer un défaut
oculaire ?




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Forum : La vision : une vue de l’esprit                                    Académie de l’Air et de l’Espace



Professeur FROUSSART-MAILLE

Je ne le pense pas malheureusement. Ces méthodes ne font pas de mal et améliorent quelque peu la
souplesse visuelle, mais ne retardent pas l’évolution des défauts oculaires. Quand les personnes
deviennent presbytes, certains veulent des lunettes tout de suite ; d’autres préfèrent attendre. La
notion de confort me paraît à cet égard importante. Il n’y a toutefois malheureusement pas d’élixir
de jouvence pour restaurer les fibres zonulaires et leur rôle dans l’accommodation.

Vincent KERDOT

Faudrait-il pour l’hygiène de la vue porter des lunettes de plus en plus sombres ?

Professeur FROUSSART-MAILLE

Il y a une tendance à porter des lunettes de plus en plus tôt. Plus on se protège, mieux c’est pour la
rétine d’autant plus que l’on vit de plus en plus vieux. Faut-il pour autant porter systématiquement
des lunettes de soleil ? Je n’en suis pas certaine non plus. Pour les personnes qui présentent des
facteurs de risques (yeux clairs) ou des antécédents familiaux, les lunettes de soleil sont en revanche
importantes. En vol, la luminosité est différente et constitue un facteur de risque supplémentaire.

Annie RODRIGUEZ, Société Essilor

Je voudrais ajouter un élément au sujet des filtres. Ce n’est pas parce que le verre est plus foncé qu’il
va vous protéger des UV. La teinte protège de l’éblouissement. En revanche, le filtre UV qui est
dépendant de la matière du verre, est essentiel. Des verres totalement blancs peuvent filtrer 100 %
des UV. C’est la raison pour laquelle nous conseillons aux personnes de s’adresser à leur opticien
pour acheter des lunettes de soleil afin qu’elles intègrent un filtre UV.




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                     SESSION IV :
       IMPORTANCE DE LA VISION POUR LES PILOTES
                Évolution des normes médicales avec la
                      réglementation européenne


Jean-Claude BÜCK
Nous allons maintenant parler des normes médicales auxquelles doivent se conformer les pilotes. Le
docteur René Germa, chef du bureau médical de la direction du contrôle et de la sécurité de
l’aviation civile, a suivi dès le début le processus qui a conduit à l’élaboration d’une réglementation
applicable à tous les pilotes européens qui va commencer. Il sera suivi du professeur Michel Cupa,
président du Conseil médical de l’aviation civile qui exposera la politique des dérogations.



                                          Dr René GERMA

      Chef du Bureau médical de la Direction du Contrôle et de la sécurité de l’Aviation civile



Je me suis inspiré du manuel de médecine aéronautique de Russel Rayman, secrétaire général de la
Société américaine de médecine aérospatiale, ainsi que du manuel de médecine aéronautique français
pour vous donner ces quelques éléments simples.

Tout d'abord, il faut disposer d’une bonne vision de près pour voir les instruments et d’une bonne
vision de loin pour voir l’extérieur du cockpit, en particulier les autres avions. Une bonne perception
du relief est en outre nécessaire pour l’atterrissage, quoique ce point puisse être débattu. Mon
propos concerne ici davantage les vols militaires que civils. D’ailleurs les normes ont d’abord été
élaborées pour l’aviation militaire au début du siècle et je vous expliquerai pourquoi il y a eu une
divergence par la suite.

La vision des couleurs est également importante et constituera le grand débat des prochaines années.
Des travaux intéressants sont en cours à cet égard. Cette vision permet d’apprécier les alarmes, les
rampes d’atterrissage ou de lire les cartes.

La vision nocturne est bien plus importante pour les pilotes militaires. La fusion pour la prévention
de la diplopie (vision double) et les champs visuels temporaux sont par ailleurs essentiels au pilote
pour apprécier le maximum d’espace autour de lui.




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Globalement, la fonction ophtalmologique doit être de très bonne qualité.

Chez les pilotes civils, certaines de ces fonctions ont toutefois une importance moindre d’autant plus
que la possibilité de correction s’est améliorée. L’évolution des techniques de correction (chirurgie,
lunettes, lentilles) a en effet été très importante.

Je souhaite ensuite dresser un rapide historique de la réglementation. En ce qui concerne
l’ophtalmologie, je me suis limité à évoquer l’évolution de la réglementation en matière
d’amétropies, c'est-à-dire des myopies et hypermétropies.

Avant la Guerre de 39-45, il existait une réglementation par État, essentiellement fondée sur des
normes militaires. En 1944, compte tenu du développement de l’aviation commerciale, les États ont
dû normaliser l’aviation internationale : la signature de la Convention de Chicago aboutit à des
normes mondiales dans le domaine civil. La médecine aéronautique se trouve dans l’annexe 1 de la
convention, chapitres 1 et 6. Cette convention instaure des normes de base applicables à tous les
États qui l’ont ratifiée, à savoir actuellement 186 États. Chaque État a la possibilité d’être plus strict
que la norme OACI, mais ne peut se montrer plus souple. En septembre 1948, a été publiée la
première édition de l’annexe 1 de l’OACI : seuls les navigants dont la vision était de 7/10ème corrigée
à 10/10ème, en l’absence d’hypermétropie supérieure à 2,5 dioptries étaient considérés aptes. On ne
parlait pas alors de myopie, 7/10ème correspondant en effet à une myopie négligeable.

S'agissant de la philosophie des normes civiles, peuvent être distinguées :
         l’approche anglo-saxonne
         l’approche latine.

L’approche anglo-saxonne repose sur une médecine prédictive – le navigant doit être apte entre
deux visites.

L’approche latine sur le concept de médecine préventive – la carrière du pilote doit être préservée.

L’Europe aéronautique, très élargie par rapport à la Communauté économique européenne de
l’époque, a débuté en 1971. Les Joint aviation authorities (JAA) ont alors commencé leurs travaux
dans le domaine de la certification des aéronefs. En 1983, le premier aéronef à avoir été certifié JAR
25 est le British Aerospace 146, un avion à quadriréacteur à décollage court. En 1979, les JAR 25
sont adoptées comme code commun par certains États européens. Cette adoption n’a rien de
politique ; ce sont des gentlemen’s agreements entre États, ceux-ci introduisant ensuite avec plus ou
moins de difficulté dans leur droit national les règlements édictés.

Des difficultés sont toutefois rencontrées, en particulier dans le domaine des licences. En 1990, les
accords de Chypre étendent le pouvoir des JAA au domaine des licences. Les directeurs généraux de
l’Aviation civile de nombreux États se sont mis d’accord pour élaborer des codes dans le domaine
des licences (comprenant le domaine médical) qu’ils s’engageaient à introduire dans leur droit
national, sans modifier le dispositif juridique de haut niveau (tel que les lois et décrets en droit
français).




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Forum : La vision : une vue de l’esprit   Académie de l’Air et de l’Espace




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Forum : La vision : une vue de l’esprit                                  Académie de l’Air et de l’Espace



Du point de vue médical, le travail a été particulièrement long : la première réunion du JAA FCL
Medical Subcommittee s’est déroulée en juin 1990. 53 réunions ont été organisées jusqu’en 2001.
Ce comité est ensuite devenu le Licensing Subsectorial Team qui s’est réuni 18 fois pour achever ses
travaux le 5 septembre 2007 à Cologne pour effectuer la transition avec l’Agence européenne de
sécurité aéronautique (EASA).

Un groupe de travail a été créé au moment de cette transition. Le fonctionnement en était
fondamentalement différent. Auparavant, tous les États étaient représentés, ainsi que les
observateurs (fédérations, organisations professionnelles, organismes étatiques outre-atlantique tels
que FAA, Transport Canada, etc.). Le groupe de travail qui comprenait 7 membres désignés par
l’agence européenne, non seulement des médecins, mais aussi des juristes ainsi que quelques
organismes, a conduit en juin 2008 à établir des implementing rules FCL qui sont ouvertes aux
commentaires jusqu’au 5 décembre 2008.

Ensuite, la Commission européenne et le Parlement européen seront saisis pour publier ces règles
dans le cadre d’un règlement européen. Ce règlement, hiérarchiquement situé au-dessus du droit
national, s’appliquera alors à tous les États. Cette application est envisagée dans le domaine médical
et des licences pour mai 2012. .

Les deux philosophies se sont surtout affrontées dans le domaine de l’ophtalmologie. En 1985,
l’OACI a imposé une limite de réfraction pour les myopes à -3 dioptries et à +3 dioptries pour les
hypermétropes. Avant l’ère JAA qui a commencé en 1990, chaque pays européen appliquait les
normes en respectant celles de l’OACI de manière plus ou moins stricte. La France s’est montrée
très stricte en matière d’amétropies, puisqu’elle a attendu 1992 pour adopter les standards de
l’OACI. Les JAA, dès 1990, ont appliqué les normes OACI (-3/+3). En juillet 2001, l’OACI a
simplifié ses normes ophtalmologiques, en supprimant la mesure de la réfraction dans son annexe 1.
On ne tenait ainsi compte que de l’acuité visuelle corrigée avec un bon examen ophtalmologique. Le
consensus était loin d’être obtenu au sein du LSST med.

Un sous groupe de travail composé de la France, du Royaume-Uni, de l’Allemagne et de la Suisse an
été spécifiquement fondé pour l’ophtalmologie. Huit réunions ont été organisées en quatre ans, et
nous sommes enfin parvenus à un consensus.

A l’admission, c’est la possibilité d’aller en dérogation jusqu’à -6 dioptries pour les myopes et +5
dioptries pour les hypermétropes, à condition qu’il y ait une correction à 10/10ème pour les pilotes
professionnels et que l’examen ophtalmologique soit normal. Les chirurgies de l’œil (Lasik,
cataracte, décollement de rétine) ont été autorisées avec des dérogations, avec un recul post
opératoire moins important. Cependant pour la chirurgie réfractive (lasik, laser) réfraction pré
opératoire devait être identique.

Pour la vision des couleurs, il n’y a pas de progrès. Des difficultés sont en effet rencontrées dans
l’élaboration des tests. L’OACI, en collaboration avec le Royaume-Uni et le Canada, est toutefois en
train de mettre en place des tests sur écran vidéo au Kings College de Londres.




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  • 1. 23e FORUM Intégration Homme-Systèmes Groupe Aéronautique LA VISION : UNE VUE DE L’ESPRIT 21 octobre 2008 Direction générale de l’Aviation civile - Paris « L'œil, appelé fenêtre de l'âme, est la principale voie par où notre intellect peut apprécier pleinement et magnifiquement l'œuvre infinie de la nature. » Léonard de Vinci
  • 2. Compte rendu du forum « La Vision : une vue de l’esprit » organisé par l’Académie de l’air et de l’espace et la DGAC avec le soutien de l’Académie nationale de Médecine, la Mairie de Toulouse et la Région Midi-Pyrénées. Académie de l’air et de l’espace B.P.75825 31505 TOULOUSE CEDEX anae@anae.fr +33 534 25 03 80 © Académie de l’air et de l’espace 2009
  • 3. SOMMAIRE Allocution de Maxime Coffin, direction du Contrôle et de la Sécurité de l’Aviation civile Présentation du forum, Jean-Claude Bück et Christian Corbé, Académie de l’air et de l’espace I. LA VISION À LA LUMIERE DES RÉCENTES DÉCOUVERTES Professeur Christian Corbé, Institut national des Invalides, Académie de l’air et de l’espace, Conseil médical de l’aviation civile.................................................................9 II. LA VISION DES COULEURS Professeur Philippe Lanthony, Laboratoire de vision des couleurs de l’Hôpital des Quinze-Vingts............................................................................................ 15 Docteur Alain Léger, Thales Aerospace.......................................................................... 23 Débat avec la salle........................................................................................................................ 29 III. HYGIÈNE DE LA VUE Professeur Froussart-Maille, service d’ophtalmologie de l’Hôpital d’instruction des armées Percy ............................................................................................................ 33 Débat avec la salle........................................................................................................................ 43 IV. IMPORTANCE DE LA VISION POUR LES PILOTES, ÉVOLUTION DES NORMES MÉDICALES AVEC LA RÉGLEMENTATION EUROPÉENNE Docteur René Germa, Bureau médical de la direction du Contrôle et de la sécurité de l’Aviation civile.......................................................................................................... 45 V. POLITIQUE DES DÉROGATIONS Professeur Michel Cupa, Conseil médical de l’Aviation civile.......................................... 51 Débat avec la salle........................................................................................................................ 53 VI. AMÉLIORATION DE LA VUE Lunettes : Madame Pascale Godin, ESSILOR................................................................. 57 Lentilles : Docteur Catherine Peyre, Hôpital de Nanterre ................................................ 65 Chirurgie : Docteur Jean Jacques Saragoussi, Société de l’Association française d’implantologie intra-oculaire et de chirurgie réfractive (SAFIR) .................................... 75 Débat avec la salle........................................................................................................................ 84 VII. ÉVOLUTION DE LA VUE AVEC L’AGE Docteur Martine Crochet, Société d’exploration visuelle et d’electrophysiologie............. 87 CONCLUSIONS Professeur Christian Corbé, Institut national des Invalides, Académie de l’air et de l’espace, Conseil médical de l’aviation civile............................................................... 95 Biographies des intervenants......................................................................................................... 97 Liste des participants au forum ................................................................................................... 101
  • 4.
  • 5. Forum : La vision : une vue de l’esprit Académie de l’Air et de l’Espace INTRODUCTION Maxime COFFIN Directeur du Contrôle et de la Sécurité de l’Aviation Civile Le thème du colloque établit un lien entre l’aéronautique et la médecine : la vision, une vue de l’esprit. De nombreux experts interviendront aujourd’hui sur ce sujet. Je me garde bien d’exprimer le moindre commentaire scientifique, qui risquerait fort d’être démenti par l’un de ces experts. En revanche, mes souvenirs de vol peuvent être évoqués. Les mots « piste en vue » et « je vois une piste » illustrent le soulagement de l’information nous parvenant. Ainsi, voir la piste a un caractère rassurant. Tout au long de ces vols, l’activité visuelle nous montre dans quelle mesure les yeux nous apportent de nombreuses et précieuses informations. Consécutivement à l’activité oculaire, le cerveau fonctionne. Cet ensemble composé d’un capteur, d’un moyen de restitution de l’information et d’un moyen d’utilisation de l’information est donc extrêmement utile. Les exposés nous permettront de mieux comprendre les forces et les faiblesses des yeux. En outre, certains exposés évoqueront les normes médicales et les modalités d’une mise en œuvre raisonnée et intelligente de celles-ci. Cette approche me semble importante afin que l’aviation puisse continuer de progresser. En effet, un équilibre doit être trouvé entre la norme et la souplesse d’interprétation des professionnels, médecins et ingénieurs. En outre, l’aviation doit tirer pleinement parti des avancées médicales et technologiques. L’évolution de la sécurité aéronautique implique donc l’utilisation du progrès ; elle doit aussi faire évoluer la norme. Les anticipations des autres doivent être intégrées au système de sécurité. La participation du professionnel, seul apte au jugement, est donc nécessaire. Cette approche est également pertinente dans le cadre de nos travaux menés au niveau européen. Sous prétexte d’harmonisation, la réflexion, très riche, peut être sclérosante si elle aboutit à définir un cadre trop rigide. Cette rigidité doit être évitée. Nos travaux européens doivent donc demeurer flexibles. Dans cet esprit, les travaux menés par l’Académie de l’air et de l’espace sont extrêmement importants : ils sont en effet complémentaires des nôtres aujourd’hui. Par ailleurs, notez que l’Académie de l’air et de l’espace a su faire preuve d’ouverture, en enlevant le « N » (national) de sa dénomination. Je ne peux donc que me réjouir de l’organisation de ce colloque, à laquelle contribue la DGAC. Je vous souhaite une bonne journée. Paris, 21 octobre 2008 5
  • 6. Forum : La vision : une vue de l’esprit Académie de l’Air et de l’Espace Paris, 21 octobre 2008 6
  • 7. Forum : La vision : une vue de l’esprit Académie de l’Air et de l’Espace PRÉSENTATION DU FORUM Jean-Claude BÜCK Académie de l’air et de l’espace Ce forum organisé conjointement par la Direction générale de l’Aviation civile et l’Académie de l’air et de l’espace avec le patronage de l’Académie nationale de médecine s’inscrit dans une certaine continuité puisque cela fait huit ans que nous en organisons ensemble dans un cadre général qui est celui de la relation homme /machine. Certains ont pu s’étonner de l’intitulé de ce forum dont l’objet ne semble pas avoir de rapport direct avec l’air ou l’espace ; mais comme il est mentionné sur le programme, sans une bonne vue, il n’y a pas de pilote, de cosmonaute et de contrôleur de la circulation aérienne. L’Académie est, par vocation, pluridisciplinaire. Elle comprend cinq sections dédiées, la première à la science, la deuxième à l’industrie, la troisième à la présence et aux activités humaines dans l’air et l’espace, la quatrième au droit, à l’économie, à la sociologie et à la morale, et enfin la cinquième à l’histoire, aux lettres et aux arts. La troisième section comprend un certain nombre de médecins, dont le professeur Corbé, co-organisateur du forum, et c’est elle qui a pris l’initiative de ce forum. La vue, une vision de l’esprit. Jeu de mots un peu facile pour nous rappeler que l’œil n’est que l’instrument, la fenêtre, comme disait Léonard de Vinci, qui permet au cerveau d’appréhender le monde. Professeur Christian CORBÉ Académie de l’air et de l’espace Chers amis, L’idée d’organiser un forum consacré à la vision provient de la réflexion et de l’évolution de la connaissance sur la physiologie de cet organe sensoriel. Cette idée découle également de l’évolution des normes à l’échelle internationale et de l’interrogation sur les seuils limites réglementaires. Il semble que tout soit parfaitement étudié et appliqué dans la mise en œuvre des normes actuelles qui régissent les décisions du Conseil médical de l’Aéronautique Civile, pour ce qui concerne la vision. Cependant, des questions et des difficultés existent. Ces problèmes ne sont toujours pas résolus. Aujourd’hui, nous souhaitons évoquer les découvertes des neurosciences relatives à la physiologie sensorielle visuelle. Un paramètre pose problème au niveau de l’aéronautique : la vision des couleurs. Philippe Lanthony, un grand spécialiste international de la vision des couleurs, a travaillé toute sa vie sur la particularité que constitue la vision colorée. Il dirige un laboratoire effectuant des travaux de recherche sur la couleur. Il est l’intervenant le plus apte à nous communiquer son Paris, 21 octobre 2008 7
  • 8. Forum : La vision : une vue de l’esprit Académie de l’Air et de l’Espace sentiment sur l’utilisation par l’homme de la couleur, au niveau médical et physiologique. Le docteur Alain Léger, chercheur avec qui j’ai travaillé, évoquera l’utilisation de la couleur par l’industriel disposant d’un module aéronautique. L’industriel utilise des normes, des moyens et des attractions visuelles pour sensibiliser sur une difficulté. Depuis le début de ma carrière aéronautique, il a toujours été question de normes pour les pilotes de l’aviation civile. Celles-ci reposaient sur une vision évaluée à 7/10 et sur une myopie maximale de 1 dioptrie. A cette époque, nous cherchions à déterminer la meilleure hygiène de la vue pour développer la vision. Ce thème est lié à celui de la physiologie oculaire. Par ailleurs, les questions administratives seront également développées dans le cadre de ce forum. En outre, le progrès considérable réalisé par la chirurgie oculaire a entraîné cependant une série de conséquences qu’il est nécessaire de prendre en compte. Ainsi, trois spécialistes de la compensation de certains déficits d’amétropie tels que l’astigmatisme, la myopie et l’hypermétropie sont présents aujourd’hui. Trois moyens de correction de la vue existent : les lunettes, les lentilles et la chirurgie réfractive. Ainsi, la société Essilor est venue nous présenter son savoir-faire sur la correction des amétropies par les lunettes. Je rappelle que c’est Bernard Maitenaz, ancien Président d’Essilor qui a inventé le verre progressif et qu’elle constitue la plus grande société optique internationale. En outre, une évolution considérable a été enregistrée au sujet des lentilles. Ainsi, nous écouterons l’exposé du docteur Catherine Peyre, spécialiste de l’adaptation des lentilles à des sujets de tous âges. Enfin, la chirurgie réfractive constitue une question ayant soulevé des difficultés durant dix ans. Les médecins de médecine aéronautique au niveau international ont fixé les règles de cette chirurgie. La chirurgie réfractive opère l’individu à l’âge de 35 ans en « robotisant » la cornée: est-ce légitime ? Des dangers existent-ils ? Le docteur Jean-Jacques Saragoussi évoquera ce sujet. Il est l’un des référents internationaux sur le sujet. Nous souhaiterions que cette session suscite un échange fructueux entre tous les participants. Jean-Claude BÜCK Nous allons maintenant entrer dans le vif du sujet. Le premier intervenant est notre confrère le professeur Christian Corbé : professeur de physiopathologie sensorielle aérospatiale, président de la Société française de médecine aéronautique et spatiale (2000-2002), expert en ophtalmologie au Conseil médical de l’aéronautique civile. Paris, 21 octobre 2008 8
  • 9. Forum : La vision : une vue de l’esprit Académie de l’Air et de l’Espace SESSION I : LA VISION À LA LUMIÈRE DES RÉCENTES DÉCOUVERTES Professeur Christian CORBÉ Directeur de l’Institut national des Invalides, membre de l’Académie de l’air et de l’espace, expert ophtalmologique du Conseil médical de l’aviation civile Un étudiant apprend que l’œil est conçu pour disposer d’une bonne acuité visuelle et d’un champ visuel satisfaisant, pour résister à l’éblouissement et pour disposer d’une bonne vision nocturne. De plus, la vision des couleurs, l’équilibre oculomoteur et la vision binoculaire doivent être normaux. Ces paramètres sont ceux d’une aptitude visuelle en aéronautique. Mais, le degré de l’acuité visuelle est différent selon les réglementations en vigueur. Les normes européennes relatives à l’aviation civile ont été abaissées au niveau de l’amétropie ; celles relatives au champ visuel restent intangibles. Les seuils de l’éblouissement et de la vision nocturne sont inchangés. La question de la vision des couleurs sera abordée par Philippe Lanthony. L’équilibre oculomoteur et la vision binoculaire seront évoqués sous l’angle normatif et non fonctionnel. Ces deux points sont source de difficultés. Si l’acuité visuelle est évaluée par des tests référenciés au niveau international, les autres paramètres sont souvent laissés à la libre appréciation des différentes écoles de médecine aéronautiques. Les tests de champ visuel qui sont actuellement sur le marché sont des tests de champs visuels automatisés destinés originellement pour le diagnostic précoce du glaucome. Les champs visuels pour l’aptitude aéronautique de type « Goldmann » sont en voie de disparition, y compris dans les centres hospitaliers universitaires. Ils se trouvent néanmoins dans les centres d’expertise. Ils sont ceux permettant la meilleure approche ergonomique du champ visuel. L’éblouissement constitue également un point laissé à la libre appréciation de chaque école. Au niveau international, l’étude de la sensibilité et de la récupération après un éblouissement est toutefois homogène. Enfin, la vision nocturne est étudiée par des tests précis. L’équilibre oculomoteur a également fait l’objet de révolution. Auparavant, il était obligatoire de disposer d’une vision binoculaire normale. L’équilibre oculomoteur était évalué par le paramètre ultime de la vision binoculaire qu’était le sens du relief. Une telle approche caractérisait les écoles latines, et non les écoles anglo-saxonnes. Nous nous sommes aperçus que la vision du relief n’est utile que jusqu’à cinq mètres. Elle n’est que peu utile pour une distance supérieure. L’appréciation de la capacité d’un contrôleur aérien ou d’un pilote à percevoir la piste ne doit donc plus relever du test TNO. Désormais, nous nous basons surtout sur les mesures de l’équilibre oculomoteur. Ce compromis a été réalisé douloureusement entre les écoles latines et les écoles anglo-saxonnes. L’ensemble de ces facteurs visuels pose problème dans l’établissement d’un consensus européen ou international. L’aptitude doit être évaluée de manière stricte. Mais l’expérience montre qu’en cours de carrière, certaines pathologies entraînent des déficits fonctionnels parfaitement compensés, Paris, 21 octobre 2008 9
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  • 11. Forum : La vision : une vue de l’esprit Académie de l’Air et de l’Espace permettant l’octroi de dérogations d’aptitude. Celles-ci sont obtenues après un bilan complet et pratiquement exhaustif qui seront des documents médicolégaux. L’évolution des connaissances a bénéficié de l’expérience que nous avons acquise lors du suivi… des sportifs de haut niveau. En effet, depuis quarante ans, un certain nombre de sportifs de haut niveau se font suivre au centre principal d’expertise médicale situé à Paris. Or, tout problème de vision d’un sportif de haut niveau ne résulte pas obligatoirement d’une vision médiocre, mais souvent d’un changement de sa vision. En 1981, des chercheurs américains, Hubel et Wiesel, ont obtenu le prix Nobel de médecine pour leurs travaux relatifs au système visuel. Ils ont placé des microélectrodes sur toutes les cellules du système visuel d’un chat, de la cornée jusqu’au cerveau. Ils ont étudié les réactions de chaque cellule. Leurs conclusions ont révolutionné la connaissance de la vision. Cette avancée a été reprise par le Dr Ginsburg, un médecin de l’US Air force avec qui nous avions travaillé en 1984. Les Français ont ensuite transposé ces avancées au secteur de l’aéronautique. Nous avons ainsi introduit de nouveaux tests, une application pratique pour navigants et les personnels présentant un état de déficience visuelle. Par extension a été mis en place une procédure pour aider les déficients visuels. Intéressons-nous cette nouveauté. Les paramètres tels que l’acuité visuelle, la vision des couleurs, l’éblouissement et la vision binoculaire n’ont pas changé. Mais, les découvertes réalisées par Hubel et Wiesel nous apprennent que le système visuel est en plasticité permanente. Le système visuel dès la rétine, est composé de millions de champs récepteurs de lumière indépendants et réactifs uniquement au contraste de luminance. Ceux-ci transmettent une information unique au niveau cérébral, et ce par des voies indépendantes. Une vision évaluée à 10/10 n’est donc pas pertinente pour le secteur de l’aéronautique. En effet, la vision périphérique ne peut être évaluée à 10/10. Ainsi, chaque individu dispose d’un « volume de vision » au niveau de la rétine et du système visuel à l’intérieur duquel l’œil cherche une et une seule information utile pour une action. La barre des 10/10 était une commodité, car facilement mesuré par des tests simples et reproductibles. Si les 10/10 ne sont pas atteints, cela ne signifie pas nécessairement que le reste de la vision n’est pas fonctionnel. L’enveloppe de vision doit donc pouvoir être appréciée. Les méthodes d’analyse ont donc changé. Nous utilisons pour ce faire des fréquences spatiales ou temporelles. Lorsque la richesse de la rétine a été découverte, les spécialistes ont cru avoir percé les secrets de l’œil. Cependant, l’analyse d’une information ne peut être synthétisée qu’après une potentialisation des données des capteurs des cinq sens. Un individu peut donc compenser un problème visuel par ses capteurs pris dans leur globalité. Nous nous sommes acheminés progressivement vers une pluridisciplinarité. La plasticité cognitive est connue par les médecins de l’aéronautique. La médecine classique la comprend mal, mais désormais quand même un peu mieux grâce au vieillissement de la population dont une partie du traitement doit prendre en compte le cognitif. Ainsi, lorsqu’un navigant présente une perte partielle de la vision, une dérogation peut lui être accordée si l’étude de la compensation de cette perte sensorielle s’avère satisfaisante. Les problèmes cognitifs rencontrés actuellement par des pilotes classe 2 âgés de plus de 85 ans nous rappellent que toute vision doit pouvoir être exploitée au niveau cognitif. Autrement dit, une bonne vision n’est, en soi, que d’utilité relative. Nous ne savons pas comment analyser la dernière partie des découvertes d’Hubel et Wiesel. Il s’agit de la capacité adaptative. A l’heure actuelle, seuls les psychologues savent approcher et appréhender cette capacité essentielle. Paris, 21 octobre 2008 11
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  • 14. Forum : La vision : une vue de l’esprit Académie de l’Air et de l’Espace L’œil ne se réduit pas à l’acuité visuelle. La vision est composée de l’œil, des voies de communication cérébrale et du cerveau. Les recherches ont démontré la possibilité de l’adaptabilité et de la plasticité d’un système visuel et de la restructuration de ses chaînes neuronales. En tout état de cause, la médecine aéronautique a la nécessité d’être au plus près des pilotes. Les médecins ont donc été conduits à s’intéresser à la physiologie des systèmes pour être au plus proche des personnels navigants, non pour les entraver, mais pour leur donner plus de capacités en cas de difficulté physique, physiologique ou psychologique. La société civile a également bénéficié de ces avancées. Je vous remercie. Paris, 21 octobre 2008 14
  • 15. Forum : La vision : une vue de l’esprit Académie de l’Air et de l’Espace SESSION II : LA VISION DES COULEURS Jean-Claude BÜCK Aux débuts de l’aviation, une bonne vue était indispensable pour permettre aux pilotes d’éviter les obstacles, d’apprécier la hauteur au-dessus du sol et de naviguer. En effet, seul le vol à vue était pratiqué. Rapidement, des signaux lumineux ont été utilisés pour les communications entre le sol et l’avion. Les codes de couleur étaient simples : rouge, vert et blanc. Ces couleurs ont ensuite été utilisées dans le cockpit pour attirer l’attention du pilote sur certains évènements : alarmes diverses, passage d’une balise, plage d’utilisation d’un instrument. De nos jours, les multiples cadrans qui se trouvaient sur la planche de bord ont disparu, ou sont en voie de disparition. Toutes les informations sont regroupées sur des écrans plats, ou la couleur est devenue essentielle pour différencier ces informations. L’importance de la vision des couleurs en résulte. Ce sujet sera abordé par deux intervenants : le professeur Philippe Lanthony, Directeur du Laboratoire de vision des couleurs de l’Hôpital des Quinze-Vingts de Paris, et le professeur Alain Léger, de la société Thales. Cette société est l’un des principaux acteurs mondiaux dans la fabrication des planches de bord et des écrans utilisés dans la salle de contrôle de la circulation aérienne. LA COULEUR : UNE VUE DE L’ESPRIT ? Professeur Philippe LANTHONY Directeur du Laboratoire de vision des couleurs de l’Hôpital des Quinze-Vingts Lorsque le professeur Corbé m’a demandé d’aborder le sujet de la vision des couleurs dans l’enceinte de l’Académie de l’air et de l’espace, je me suis interrogé sur ses attentes vis-à-vis de moi. En effet, je ne connais strictement rien à l’aviation. Le titre du forum, « La vision : une vue de l’esprit » m’a donc éclairé. Ainsi, la couleur est-elle une vue de l’esprit ? Cette question soulève l’origine de la couleur. Un objet a-t-il une couleur quand personne ne le regarde ? Cette question est posée avec plaisir par les philosophes. L’origine de la couleur est-elle physique, physiologique ou seulement psychologique ? Est-elle une production du seul esprit ? Mon exposé sera général, et ne suscitera aucune application pratique. La première origine de la couleur est la physique. Comme vous le savez, la couleur provient du rayonnement électromagnétique. Les ondes électromagnétiques vont des ondes radio aux rayons gamma. 70 octaves sont ainsi couvertes. Le spectre lisible, la lumière et les couleurs, occupe une seule octave. Ainsi, Yves Legrand affirmait que nous ne sommes pas aveugles, mais qu’il ne s’en est pas fallu de beaucoup. Le spectre visible peut être défini de trois manières. Habituellement, nous le définissons par la longueur d’onde en ophtalmologie. Cette définition n’est pas tout à fait logique, dans la mesure où cette grandeur varie avec le milieu de propagation. Il conviendrait d’utiliser la fréquence, qui est l’inverse de la longueur d’onde. Paris, 21 octobre 2008 15
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  • 17. Forum : La vision : une vue de l’esprit Académie de l’Air et de l’Espace Un troisième paramètre nous concerne ainsi davantage : l’intensité énergétique transportée par les diverses longueurs d’onde. L’énergie varie comme la fréquence. Il en résulte que, de petites longueurs d’onde aux grandes longueurs d’ondes, l’énergie diminue de moitié. De plus, il en résulte que les limites du spectre dépendent étroitement de cette énergie. Ces limites ne sont pas physiques, mais physiologiques. En effet, l’énergie des grandes longueurs d’onde, celles de l’infrarouge, n’est pas suffisante pour stimuler suffisamment la rétine. Elle ne produit que de la chaleur. Dans les courtes longueurs d’onde, dans les ultraviolets, l’énergie est trop grande et a tendance à être nocive pour les cellules. Au-delà, elle présente un effet ionisant (rayons X). Par conséquent, les limites biologiques donnent au spectre son étendue. Cependant, la couleur n’est toujours pas expliquée. Les photons, les radiations électromagnétiques, n’ont pas de couleur. Newton affirmait : « Les radiations ne sont pas colorées. » La couleur n’est donc pas véritablement physique. La couleur existe donc en raison de l’existence de réactions physiologiques à la suite de la stimulation physique par les photons. La coupe de la rétine que je vous présente a été réalisée en 1880 et est toujours d’actualité. La couleur provient des pigments des cônes. Cette affirmation constitue un progrès de la compréhension de la vision colorée et de la vision générale, apporté par la biologie moléculaire depuis vingt ans. Nous connaissions la rhodopsine, le pigment des bâtonnets ; mais nous ignorions tout des cônes. Ainsi, la iodopsine a été inventée, alors qu’elle n’existait pas. La biologie moléculaire nous a donc appris qu’il existe trois types de pigments dans les cônes, et que ceux-ci correspondent à différentes courbes d’adaptation. Le schéma que je vous présente est celui d’un pigment d’un cône. C’est une chaîne d’aminoacides, au nombre de 364 en moyenne. Ils sont enroulés en sept hélices alpha, alignées les unes à côté des autres. Un radical se trouve dans la septième hélice : le rétinal. Il est spécifiquement chargé de l’absorption des photons. La constitution du pigment détermine sa courbe d’absorption et son maximum d’absorption en particulier. Le rétinal absorbe spécifiquement les photons ; le photon est absorbé par le rétinal. L’absorption du photon par le rétinal, la transduction, déclenche la suite des évènements. La transduction est le phénomène capital de la vision. En effet, elle constitue l’interface entre le monde extérieur et le monde intérieur du sujet. Le photon, qui provient du monde extérieur, est absorbé par le rétinal, qui appartient au monde intérieur de l’organisme. La transduction entraîne une cascade enzymatique conduisant à une modification du courant électrique sortant du cône. Ce phénomène ne nous donne aucune indication quant à la couleur. En effet, l’absorption du photon provoque l’isomérisation du rétinal. Ainsi, le rétinal, recourbé, se détend. Il passe ainsi de la forme 6 à la forme 30. Aucune indication sur la longueur d’onde de la lumière n’est donc donnée. Nous ne connaissons pas la longueur d’onde du photon absorbé par la rétine. Nous parlons donc de loi d’univariance. Il existe trois types de cônes, trois types de pigments. Le premier a un maximum d’absorption dans les courtes longueurs d’onde (420 nm, violet), le second dans les moyennes longueurs d’onde (530 nm, vert-jaune) et le troisième dans des longueurs d’onde légèrement supérieures (560 nm, jaune-vert). Oubliez donc le triptyque rouge, vert, bleu : le niveau physiologique ne fonctionne pas ainsi. Par ailleurs, trois signaux différents sont dénombrés. La vision trichromatique n’est que trop simplificatrice de la réalité. En effet, un codage particulier se produit dans la rétine. Une photographie en plan de la rétine montre que la disposition des cellules rétiniennes est totalement aléatoire. De plus, aucun équilibre constant entre les différents types de cônes n’existe. Cet équilibre varie ainsi d’un individu à un autre. Le codage est donc indépendant de la disposition anatomique aléatoire. Paris, 21 octobre 2008 17
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  • 19. Forum : La vision : une vue de l’esprit Académie de l’Air et de l’Espace En outre, le codage chromatique s’effectue de manière antagoniste. A ce niveau, deux types de champs récepteurs sont distingués. Ils constituent des canaux indépen-dants l’un de l’autre. Ces canaux correspondent aux fibres sortant des cellules ganglionnaires et allant au cerveau. L’existence de deux systèmes présente un intérêt phylogénique. En effet, il a été considéré que la vision nocturne précédait la vision diurne, elle-même précédant la vision colorée. Aujourd’hui, nous pensons que la vision diurne colorée est la première. Durant l’évolution animale, le deuxième cône unique du centre du spectre s’est divisé en deux catégories, correspondant aux cônes de moyenne longueur d’onde (m-cône) et aux cônes de grandes longueurs d’onde (l-cône). La différence entre les maximums de longueurs d’onde est faible. En outre, cette division est observable chez les singes. En effet, nous distinguons les singes de l’ancien monde de ceux du nouveau monde. Les premiers ont trois types de cônes : ils sont trichromates, comme l’Homme. Les seconds sont dichromates. En effet, lors de la séparation des continents il y a 50 millions d’années environ, la distinction entre le m- cône et le l-cône ne s’était pas encore opérée. Par conséquent, elle a eu lieu ultérieurement chez les singes de l’ancien monde. Le singe hurleur, espèce découverte récemment en Amérique du Sud, fait figure d’exception : il est trichromate. La division entre les trois types de cônes a donc une origine phylogénique qui est retrouvée chez l’Homme. Elle affecte le daltonisme. Celui-ci constitue une régression à l’état dichromatique et s’appuie sur deux types de pigments visuels, les s-cônes (cônes dans les basses longueurs d’ondes) et les m- ou l-cônes, selon les types de daltonismes. Ces notions phylogéniques sont appliquées dans la clinique d’aujourd’hui. Par ailleurs, ces informations sont ensuite véhiculées jusqu’au cerveau, au lobe occipital (zone V1). Une dispersion a ensuite lieu dans le reste du cerveau, en particulier vers la pointe du lobe occipital (zone V4). Celle-ci est qualifiée injustement de zone colorée du cerveau. En outre, la division s’observe en IRM. Les trois clichés pris après stimulation du cerveau par des contrastes, de la couleur et du mouvement montrent de très nettes différences dans la topographie de la stimulation. En effet, le contraste affecte la zone postérieure du cerveau. De plus, plusieurs zones du cerveau répondent à une stimulation par la couleur. Enfin, le mouvement affecte d’autres zones. Ce constat rejoint celui du professeur Corbé sur l’indépendance des canaux, qui aboutissent à des modules différents dans le cerveau. Aujourd’hui, nous estimons que le cerveau présente une division modulaire. Nous estimons qu’une vingtaine de zones du cerveau correspond à la vision colorée. Ainsi, une répartition de l’information chromatique a lieu dans la zone primaire V1. Au préalable, les canaux provenant de la périphérie y aboutissent. La couleur est donc distribuée dans différentes zones, telles que le lobe temporal, qui sert à la reconnaissance de la couleur. De même, la localisation des couleurs se trouve également dans le lobe pariétal (zone V5). Enfin, des zones encore plus éloignées correspondent à la mémoire colorée et au langage chromatique. Enfin, abordons l’aspect de la psychologie. En effet, la couleur ne provient ni des radiations électromagnétiques, ni de la transduction, ni enfin de l’existence de trois pigments. De plus, il n’existe pas de centre chromatique cérébral. La modularité du cerveau a en effet été soulignée. En psychologie, la sensation, la perception et la cognition sont traditionnellement distinguées. La couleur est avant tout sensation. Finckenstein affirme : « Vous me demandez la couleur de ce livre. Je vous dis qu’il est rouge. Si vous me demandez pourquoi je dis qu’il est rouge, je ne peux pas vous répondre. Je ne peux pas vous donner de raison. C’est une perception immédiate. Je n’ai pas de raison à vous donner. Je l’ai simplement regardé, et j’ai vu qu’il était rouge. » Le constat est donc primitif et absolu. Paris, 21 octobre 2008 19
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  • 21. Forum : La vision : une vue de l’esprit Académie de l’Air et de l’Espace La sensation peut être décrite par des attributs tels que la luminosité, la tonalité et la saturation. La perception constitue une problématique actuelle, car elle concerne les facteurs de l’apparence colorée. Les trois attributs évoqués constituent à cet égard une compréhension dépassée. Ainsi, les expériences de Land ont montré aux colorimétristes que la couleur dépend pour partie voire totalité de ce qui l’entoure. Actuellement, nous cherchons à codifier d’une façon chiffrée les facteurs de l’apparence. Ainsi, l’apparence de l’objet se définit par les attributs chromatiques, mais également par les attributs non chromatiques, à savoir les caractéristiques de la surface telles que la texture, l’opacité et le brillant. En outre, les relations spatiales sont l’effet du voisinage. Certaines couleurs sont isolées, d’autres non. Pour ces dernières, des interactions ont lieu entre elles. Les facteurs temporaux doivent également être pris en compte. Paris, 21 octobre 2008 21
  • 22. Forum : La vision : une vue de l’esprit Académie de l’Air et de l’Espace La couleur a une importance capitale dans l’industrie. Des collections mates et brillantes existent. Ainsi, le contraste est à la base de la vision. Evoquons les ombres colorées. L’exemple de l’éclairage de la Vénus de Milo avec une lumière blanche et une lumière jaune est singulier : une ombre bleue apparaît. Ceci prouve que la couleur est due au contraste. Par ailleurs, l’assimilation est le contraire du contraste. Ainsi, les couleurs sont attirées par les couleurs de voisinage. Enfin, la cognition est évoquée dans le cadre du test de Stroop. Celui-ci se présente sous la forme de trois colonnes de noms représentant des couleurs. Il montre l’antagonisme entre la signification verbale du terme et l’apparence réelle, qui représente une gêne pour l’individu. En conclusion, la couleur n’est pas une vue de l’esprit. En effet, elle a des origines physique et physiologique. En outre, nous ne devrions pas parler de vision des couleurs, car ces dernières ne constituent pas une réalité extérieure. Les couleurs sont produites par la vision elle-même. Nous devrions parler d’une vision colorée voire d’une vision colorante, car le processus visuel crée lui- même l’existence de la couleur. Cependant, si un objet n’a pas de couleur si personne ne le regarde, il n’en a pas davantage si quelqu’un le regarde. En effet, la couleur n’est pas dans l’objet, mais dans la perception. Nous pouvons également affirmer que la couleur est une vue de l’esprit, puisqu’elle est une sensation appartenant à notre monde visuel subjectif. Selon Cézanne, « la couleur est le lieu où notre cerveau et l’univers se rencontrent. » Cette phrase n’a pas seulement une portée littéraire. Elle constitue en outre une pure vérité. Elle évoque une réalité que je nomme « transduction ». Ainsi, notre cerveau et l’univers se rencontrent au moment de la transduction, car le photon est absorbé par le rétinal, élément de la rétine, elle-même partie du cerveau. Je vous remercie de votre attention. Paris, 21 octobre 2008 22
  • 23. Forum : La vision : une vue de l’esprit Académie de l’Air et de l’Espace LA VISION DES COULEURS Dr Alain LÉGER Chief Scientist Human Factors THALES DAE/DT Contrairement aux autres orateurs, je ne suis un spécialiste ni de la vision, ni de la couleur. Mon domaine de recherche a surtout été celui de l’orientation spatiale. Dans le cadre du SAE, j‘ai été amené à diriger un groupe dont la mission consistait à remettre à jour une série de recommandations relative à la couleur. Tout à l’heure, le professeur Lanthony a présenté un remarquable exposé, à un niveau de connaissances très élevé. Ma présentation sera beaucoup plus basique. Le SAE G-10 est un comité appartenant à un important organisme de standardisation aux Etats- Unis, le SAE (Society of Automotive Engineers). Le SAE est bien connu pour son travail sur des problématiques liées aux huiles et carburants s’intéresse aussi bien aux transports terrestre et ferroviaire qu’à l’aéronautique. C’est dans cette dernière Division du SAE, que le G-10 (Human Behavioral Engineering Technology) a pour vocation de traiter les aspects Facteurs Humains dans le domaine aéronautique. En Europe, les organisations de standardisations, telles que l’Eurocae, ne disposent pas réellement de groupes dédiés spécifiquement aux aspects facteurs humains. Les thèmes traités par le SAE G-10 varient au cours du temps : cartes, couleurs des affichages, systèmes de vision synthétique, risques aéronautiques liés à l’utilisation du laser, visualisations multifonctions, système de guidage en perspective, systèmes d’UAV et hélicoptères. Un sujet est très important à l’heure actuelle : les informations météo. Par ailleurs, le SAE regroupe notamment des avionneurs, des fabricants d’équipements divers, des consultants, des représentants d’organismes gouvernementaux et des universitaires. Trois types de documents sont produits. Les ressources documents identifient les problèmes du moment, exposent l’état des connaissances et les pistes d’action ; les recommandations (ARP, Aerospace Recommended Practices) rassemblent les connaissances existantes et sont destinées aux ingénieurs de conception ; enfin, les Aérospaces Standards (AS), équivalent des MOPS (Minimum Operating Performance Standard), indiquent la performance minimale devant caractériser tout équipement afin d’opérer en sécurité. Ces documents sont élaborés selon une méthode de consensus et sont approuvés à trois niveaux : les comités et groupes de travail constitués, le comité exécutif du G-10 et l’Aerospace Council. Abordons à présent des généralités relatives à l’usage de la couleur. Je ne prétends pas à l’exhaustivité et souhaite seulement mettre certains aspects en évidence. A ce titre, un ouvrage tel que celui de « la vision opérationnelle des couleurs dans l’environnement de l’aviation militaire moderne » constitue une référence utile. Si la couleur à toujours plus ou moins existé dans les cockpits, l’aspect moderne de l’utilisation des affichages couleur en aéronautique n’est en fait pas Paris, 21 octobre 2008 23
  • 24. Forum : La vision : une vue de l’esprit Académie de l’Air et de l’Espace très ancien. En effet, les visualisations électroniques sont nées, en particulier pour l’aviation commerciale, au début des années 80. Le premier avion commercial en Europe disposant d’écrans couleur est l’A-310. Les facteurs généralement utilisés pour justifier le codage couleur sont l’efficacité, l’amélioration de la distribution de l’information et l’amélioration de la structuration du contenu des visualisations. Les bénéfices en résultant habituellement sont l’amélioration de la Paris, 21 octobre 2008 24
  • 25. Forum : La vision : une vue de l’esprit Académie de l’Air et de l’Espace performance des actes de pilotage, ainsi que la facilitation, l’acquisition et la rétention d’entraînement. La mise en œuvre du codage coloré est parfois complexe. Elle présente également des limites dans les domaines physiques et du cognitif. Par ailleurs, il faut aussi considérer que la couleur a également un impact esthétique non négligeable dans les cockpits (dimension hédoniste du codage coloré). Dans certaines circonstances l’utilisation inconsidérée de la couleur peut emmener à des difficultés, ainsi que l’ont montré certaines études expérimentales. C’est particulièrement le cas des risques de confusion, éventuellement préjudiciables pour la sécurité. Il faut cependant reconnaître que la couleur est unanimement appréciée par les pilotes. En outre, l’usage de la couleur, associé aux informations alphanumériques et symboliques, présente indéniablement des avantages en termes de performance. Ceux-ci ont été démontrés et font donc l’objet de certitudes. Ceci ne doit toutefois pas faire oublier que l’usage non approprié de la couleur peut se révéler néfaste dans certaines conditions. Ce point doit donc demeurer présent à l’esprit. Si l’on considère les aspects réglementaires, la « part 23 » de la réglementation relative à l’aéronautique s’intéresse à la couleur, mais accorde de larges libertés en la matière. La « part 25 » décrit les couleurs utilisables dans le domaine de l’aéronautique commerciale. L’utilisation des couleurs n’est cependant pas précisée dans la réglementation en dehors des alarmes. Ce constat explique l’existence des recommandations du SAE. Le sous-comité « couleur » du SAE G-10 a fixé des règles de participation ouverte. Ainsi, l’ensemble de la communauté aéronautique internationale peut participer à ses travaux. A l’heure actuelle, Boeing, Airbus, Thales, Honeywell et la NASA sont quelque uns des participants. Les objectifs du sous-comité « Couleur » sont de remettre à jour les documents élaborés au milieu des années 80, afin de prendre en compte les évolutions scientifiques sur le thème de la couleur en aéronautique. Celles-ci sont liées aux évolutions technologiques : outre l’amélioration des capacités d’affichage de la couleur, les systèmes du type GPWS puis EGPWS sont apparus. Les radars météo et les cartes électroniques utilisent également le codage coloré. Les représentations peuvent donc s’avérer relativement compliquées, car elles s’appuient sur des symboles nouveaux. Le développement du marché des systèmes de vision synthétique (SVS, ESVS) devra également être pris en considération. Sur les images qui suivent, l’utilisation de la couleur est relativement importante. L’affichage le plus classique est bien sûr celui du PFD (Primary Flight display) où se trouvent regroupées l’essentiel des informations de pilotage. Pour ce qui concerne la visualisation de la navigation, affichage de la route suivie, on peut voir que des informations météo sont également affichées en superposition. Regardons à présent ce qu’est un système de vision synthétique. Les points d’intérêt courant sur les images qui suivent suscitent des questions. Quel est le nombre de couleurs utilisé dans le codage de l’information ? Il est extrêmement variable. Généralement, un nombre de 7 est considéré comme satisfaisant pour le codage de la symbologie, si le travail s’effectue dans des conditions où seules des variations des différences de tonalité entre les différentes couleurs sont utilisées. En revanche, si nous considérons des applications utilisant des variations, non seulement de teinte mais aussi de saturation et de luminance entre les couleurs, il a été montré expérimentalement qu’il était possible d’utiliser jusqu’à cinquante couleurs. Paris, 21 octobre 2008 25
  • 26. Forum : La vision : une vue de l’esprit Académie de l’Air et de l’Espace Enfin, le nombre de couleurs sans valeurs de codage doit être pris en compte. Sur combien de couleurs s’appuient les représentations synthétiques du monde ? Utiliserons-nous les 32 millions de couleurs, ou nous limiterons-nous à un nombre de couleurs plus restreint ? Paris, 21 octobre 2008 26
  • 27. Forum : La vision : une vue de l’esprit Académie de l’Air et de l’Espace L’application de la couleur en champ large est également différente de l’utilisation pour de la symbologie. Que se passe-t-il dans un champ large ? La notion « d’affordance » de l’information couleur est également importante. A titre d’exemple, un radar météo utilise la couleur bleue pour signaler un front froid, la couleur rouge pour un front chaud. Toutefois, la dangerosité est également codée : le rouge signifie « dangereux », le bleu « pas dangereux ». Or les fronts froids sont beaucoup plus dangereux que les fronts chauds. Des risques d’interprétation erronée pourraient donc éventuellement exister si l’information prête à confusion. En outre, l’importance du contraste a été mise en évidence. La couleur de fond et la polarité des écrans jouent également un rôle et font partie des points étudiés. De plus, la superposition d’informations de couleurs identiques issues d’applications différentes pourrait poser un sérieux problème. Enfin, les caractéristiques des utilisateurs ne doivent pas être ignorées. A l’heure actuelle, un certain nombre de pilotes réussissent les tests de sélection aéronautique pour la couleur sans nécessairement disposer d’une vision parfaite des couleurs. Des risques de confusion peuvent donc exister dans un environnement où l’information colorée serait par trop ambiguë. De surcroît, ces risques peuvent être amplifiés par la multiplication des codes de couleur à un instant donné. L’intégration de multiples visualisations dans le cockpit constitue un aspect plus technologique de la visualisation des couleurs. Elle suscite cependant quelques problèmes. Ainsi, la taille importante des écrans peut poser problème avec le volume réduit de la cabine de pilotage. De plus, nous assistons à la généralisation des écrans matriciels, généralement du type LCD. Ainsi, des problèmes d’angles de vue se sont rapidement posés, alors qu’ils n’existaient pas avec les écrans cathodiques. La perception des couleurs peut donc différer sensiblement entre les membres de l’équipage selon l’angle de vue. Ce problème, de plus, est difficile à cerner en données chiffrées. Qu’autoriserons-nous ? Par ailleurs, le mélange dans la planche de bord de visualisations utilisant des matrices de sources d’approvisionnement différentes peut également poser problème. Un industriel dispose toujours d’au moins deux fournisseurs de matrices, afin de sécuriser l’approvisionnement. Or les matrices ne présentent pas toujours totalement les mêmes caractéristiques selon le fournisseur. Quelles différences peuvent être tolérées ? Certes, des recommandations existent, mais leur légitimité n’est pas très bien justifiée. De surcroît, les variations entre les technologies différentes devront être prises en considération. Enfin, le comportement des écrans de visualisation en cas de panne partielle modifient généralement la couleur présentée. Les problèmes d’intégration de la couleur dans les cockpits sont donc bien réels et méritent de bénéficier d’une attention particulière en terme de bonnes pratiques. En conclusion, compte tenu des évolutions technologiques, l’usage de la couleur dans les cabines de pilotage est un sujet actuel, aussi bien pour les visualisations que pour les systèmes de bord. De nouveaux systèmes font de plus en plus leur apparition dans les cockpits. Tous utilisent de plus en plus la couleur. Les évolutions et innovations technologiques progressent extrêmement rapidement, sans toujours tenir compte des bonnes pratiques exprimées en termes de facteurs humains. L’intervention d’experts spécialisés dans le domaine des facteurs humains constitue donc un élément important de la démarche de conception. Par ailleurs, l’aspect esthétique de la couleur joue un rôle de plus en plus important, au point d’en faire un argument « marketing » pour de se différencier de la concurrence. Des aspects souvent bien plus fondamentaux concernant l’usage de la couleur dans les postes de pilotages ne devraient cependant pas être biaisés par des considérations relevant purement de l’esthétique. Paris, 21 octobre 2008 27
  • 28. Forum : La vision : une vue de l’esprit Académie de l’Air et de l’Espace Si l’information polychrome utilisée dans le cockpit comporte d’indéniables avantages, il ne faut pas oublier que l’usage de la couleur dans les visualisations n’est pas totalement anodin. En tout état de cause, la couleur doit être appliqué avec raison afin d’éviter des conséquences indésirables. Je vous remercie de votre attention. Paris, 21 octobre 2008 28
  • 29. Forum : La vision : une vue de l’esprit Académie de l’Air et de l’Espace DÉBAT Florence CALEFON, médecin aéronautique et pilote privé Ma question s’adresse au professeur Lanthony. Vous n’êtes pas pilote : comment percevez-vous les normes d’aptitude en vision colorée ? Pouvez-vous nous donner votre avis sur leur pertinence ? Philippe LANTHONY Absolument pas. Cette question pratique relève des missions devant être accomplies. Seuls les individus pratiquant le pilotage peuvent y répondre, car eux seuls connaissent les nécessités du pilotage et les couleurs devant être utilisées dans la signalisation et les cockpits. Je peux nourrir une idée générale sur la question, mais pas une idée spécifique à l’aviation. Cependant, le daltonisme concerne des individus dont les situations sont extrêmement variables. L’incidence des divers degrés du daltonisme sur le pilotage doit être étudiée. De plus, il convient de s’intéresser aux sujets particulièrement performants dans l’industrie, afin de déterminer des experts de la couleur. Jean-Claude BÜCK L’académie a édité un dictionnaire de franglais, réalisé par le Général Robineau, ancien pilote de chasse. Cependant, je n’ai pas compris le sens de l’expression « affordance de l’information couleur ». Dr Alain LÉGER L’affordance est un concept développé par un psychologue britannique, Hudson. Celui-ci a traité la problématique de la couleur durant plusieurs années. Il a inventé ce mot pour signifier le pouvoir d’évocation d’un objet. A titre d’exemple, l’air est transparent. Tout ce qui est transparent est donc de l’air. Ainsi, sans mise en place d’une bande blanche, des personnes heurtent des glaces, pensant qu’il s’agissait d’air. Monsieur AZAÏS Quelle est la signification physiologique de l’œil bleu et de l’œil rouge ? Quel intérêt présente le fait de voir bleu avec un œil, rouge avec l’autre ? Philippe LANTHONY Cela tient à l’asymétrie. Ainsi, les rétines peuvent être différentes d’un œil à l’autre. En outre, la question de l’aberration chromatique doit également être soulevée. Ainsi, la focalisation se déroule différemment si un œil est plus myope que l’autre. Seul le nombre de couleurs pouvant être discriminées les unes des autres compte. Le défaut des daltoniens n’est pas de voir telle couleur de telle façon, mais de percevoir un nombre plus faible de nuances colorées dans le spectre. Un individu Paris, 21 octobre 2008 29
  • 30. Forum : La vision : une vue de l’esprit Académie de l’Air et de l’Espace normal voit 150 nuances dans le spectre, alors qu’un sujet daltonien n’en perçoit qu’une trentaine. Il est donc handicapé par la confusion de certaines teintes. Gilles LAURENT, commandant de bord, Air France Je souhaite faire part d’un retour d’expérience douloureux sur l’utilisation du GPWS. Dans un simulateur de vol, certains pilotes placent leur avion avec le variomètre dans la zone rouge. L’interface Boeing n’utilisait pas ce code couleur, contrairement à l’interface Airbus. Paradoxalement, celle-ci était davantage propice aux accidents. En tant qu’instructeur, j’ai donc répété que la zone rouge devait être évitée. Un intervenant Quelle est la relation entre la sensibilité à une couleur donnée et le champ visuel ? Dans les salles de contrôle de circulation aérienne, l’alarme rouge est placée en périphérie. Elle n’est donc pas bien vue par les contrôleurs aériens. Dr Alain LÉGER Outre la couleur, il s’agit également d’une question de niveau lumineux. Le problème du champ visuel coloré est extrêmement complexe et fait l’objet d’importants débats. De nombreux paramètres doivent en effet être pris en compte tels que la taille, la fatigue à la couleur – l’œil s’adapte en effet à la couleur –, ou l’effet Troxler, c'est-à-dire la disparition du stimulus coloré dès qu’il est périphérique. Si vous regardez la toile Impression soleil levant de Monet au Musée Marmottan et fixez attentivement quelques instants les pêcheurs au premier plan, le soleil disparaît en périphérie alors qu’il n’est qu’à quelques degrés. Il s’agit d’une syncope colorée. Ce type de phénomène peut également se produire en cas de signalisation rouge en périphérie. Professeur Christian CORBÉ L’obtention ou non de l’aptitude par les candidats rencontrant des difficultés au test Ishihara constitue un problème se posant au quotidien et qui n’a pas été résolu. Les interprétations sont différentes selon les pays, notamment entre les Anglo-Saxons et les Français. Il est convenu que l’aptitude peut être accordée, si le sujet peut reconnaître sans difficulté le rouge, le vert et le bleu. Est-ce suffisant au niveau pratique ? Quel est le curseur en termes d’exigence, sachant que la vision des couleurs est pour chacun différente ? Même les spationautes sélectionnés obtiennent des résultats fort différents aux tests colorés. Une limite avait cependant été fixée pour le test Farnsworth, dans son calcul de score d’erreurs. Chacun éprouve des difficultés après 40 ans, le cristallin perdant sa transparence et la rétine se modifiant. Quel est le seuil fixé pour l’aptitude ? La couleur constitue une difficulté en matière d’expertise, et conduit à des relations difficiles avec les administrations médicales étrangères voisines. Dr PELBROCHE Il faut intégrer la notion d’apprentissage et de vieillissement dans le métier. Les couleurs s’apprennent. Quant à l’utilisation des couleurs, je crois que nous sommes passés de couleurs franches à des couleurs plus pastels. A la tour de contrôle de Roissy, les couleurs sont bien Paris, 21 octobre 2008 30
  • 31. Forum : La vision : une vue de l’esprit Académie de l’Air et de l’Espace tranchées, élément que les contrôleurs jugent facilitant. Dans les salles de contrôle de la régulation, les CRNA, les couleurs sont en revanche beaucoup plus pastels. Un intervenant Je voudrais confirmer vos propos. J’ai rencontré un conducteur de métro de la RATP avec 16 ans d’expérience. Suite aux quelques erreurs qu’il a commises au test Ishihara, j’ai confirmé son aptitude. Quand Farnsworth a inventé son test, il l’a appliqué à des salariés du textile. Il a alors constaté que les performances étaient généralement d’autant meilleures que les personnes travaillaient depuis longtemps dans le métier. Personnellement, malgré mon âge, mes performances au test sont meilleures que la moyenne des personnes de ma génération, car je suis habitué à manipuler ces tests. Cependant, il reste vrai que certaines personnes sont plus douées que d’autres. Dr MOUCHARD, Toulouse Comment interpréter la notion anglo-saxonne de « color safe » ? Jean-Claude BÜCK Ce sera peut-être à nos spécialistes normatifs de répondre à cette question. Général ROBINEAU Ma question s’adresse au Professeur Corbé. Autrefois, on éliminait les pilotes à l’admission lorsqu’ils n’avaient pas 10/10ème. Au fur et à mesure des années, les personnes ont besoin de lunettes. On m’a ainsi autorisé à voler avec dérogation mais sans lunettes, alors qu’on a toujours toléré des lunettes de soleil dans les cockpits d’avions de chasse. Je portais des lunettes de soleil adaptées à la vue du tableau de bord. Est-on toujours aussi rigoureux lors des visites médicales d’admission sur l’acuité visuelle alors que les lunettes permettent une correction ? Professeur Christian CORBÉ Il est certain qu’il y a une certaine évolutivité compte tenu des moyens actuels. Les « couleurs de sécurité » dont parlait le Dr Mouchard posent la difficulté des relations internationales en matière d’application de normes. Il faut intégrer l’habitude anglo-saxonne consistant à laisser la liberté à chacun et une certaine rigueur latine visant à protéger l’individu et la société. Nous n’avons pas encore résolu cette question. Je pense qu’à l’admission, il ne doit pas y avoir de doute. L’aptitude dépend du niveau et de la nature du défaut coloré. L’expérience entre en jeu par la suite. Jérémy NOËL, copilote sur A320 Ma question s’adresse à Monsieur Léger. Le Professeur Corbé a indiqué que la vision constituait une partie de la perception d’informations, la partie auditive s’y ajoutant. Les constructeurs, lorsqu’ils élaborent des SI, prennent-ils en compte le fait que l’audition peut contribuer à la perception de l’information, en particulier s'agissant de l’évitement d’autres avions ? Paris, 21 octobre 2008 31
  • 32. Forum : La vision : une vue de l’esprit Académie de l’Air et de l’Espace Dr Alain LÉGER Nous avons travaillé au sein de programmes européens sur l’utilisation du son localisé. Les programmes européens constituent souvent des patchworks d’expertise de différents pays. Des pilotes d’Alitalia étaient conseillers opérationnels. Nous ne pouvons pas, je crois, disposer d’écouteurs sur les oreilles pour obtenir des sons localisés. Nous avons testé des technologies avec des batteries de haut-parleurs permettant de reconstituer un son. Les conclusions étaient relativement négatives. Quand nous regardons le domaine militaire, les pays anglo-saxons ont en revanche très clairement adopté une information sonore ajoutée en redondance d’autres informations. Cependant, certaines personnes sont tout à fait capables d’utiliser une information sonore localisée ; d’autres éprouvent davantage de difficultés et la prennent comme un simple signal d’alarme classique. In fine, si des systèmes sonores permettent d’obtenir des informations sur la localisation d’un objet dans l’espace, ce ne sera jamais extrêmement précis. En outre, cela impose, pour disposer d’une qualité suffisante d’information, de porter des écouteurs. Le système est donc utilisable dans la zone de 10 000 pieds à l’atterrissage par exemple. En croisière, cela sera plus difficile. Paris, 21 octobre 2008 32
  • 33. Forum : La vision : une vue de l’esprit Académie de l’Air et de l’Espace SESSION III : HYGIÈNE DE LA VUE Jean-Claude BÜCK La vue est précieuse, aussi faut-il en prendre soin ; c’est le professeur Maille, chef du service d’ophtalmologie de l’hôpital d’instruction des armées de Percy, qui devait traiter le sujet. Victime d’un accident, il n’a pu se joindre à nous. C’est son adjointe et son épouse, le professeur Froussart- Maille, agrégée du Val de Grâce, qui le remplace au pied levé. Professeur FROUSSART-MAILLE Professeur agrégé de l’Ecole du Val-de-Grâce, Adjoint au chef de service d’ophtalmologie de l’hôpital d’instruction des armées Percy La vision représente environ 85 % des afférences sensorielles responsables de notre appréciation du monde extérieur. La multiplicité des tâches en vision de loin, en vision intermédiaire et en vision de près à laquelle est soumis le système visuel, les agressions permanentes, qu’elles soient physiques, allergiques ou infectieuses, le vieillissement accru de la population sont responsables de pathologies émergentes. Pour rester performant, l’œil doit être soumis à certaines règles d’hygiène élémentaires. Nous ferons d'abord un rappel sur les caractéristiques de la vision. Nous envisagerons l’effet des rayonnements visibles et invisibles sur l’œil, les conséquences pathologiques qui peuvent en résulter et les moyens de protection et de prévention. Nous étudierons ensuite l’œil dans son environnement avec les problèmes infectieux et allergiques et surtout la notion de fatigue visuelle et l’étude des facteurs intrinsèques et extrinsèques responsables d’inconfort visuel, en insistant sur les moyens de prévention et d’amélioration. Les caractéristiques de la vision L’œil est un système bilatéral et symétrique avec un appareil de vision qui comporte un organe de réception qui est le bulbe de l’œil, protégé par des annexes, et dont l’orbite est mû par les muscles oculomoteurs. Il comprend une série d’appareils de transmission avec des voies optiques (les nerfs optiques, le chiasma, les bandelettes optiques, le corps genouillé latéral et les radiations optiques), et un centre visuel cortical d’intégration situé au niveau du lobe occipital. Le système optique est constitué au niveau de ses milieux transparents par la cornée. Il existe en outre des milieux intraoculaires transparents et réfringents qui permettent aux rayons lumineux émis par un objet de converger pour former un foyer sur la macula dans le cas de l’œil normal ou œil emmétrope. Paris, 21 octobre 2008 33
  • 34. Forum : La vision : une vue de l’esprit Académie de l’Air et de l’Espace Paris, 21 octobre 2008 34
  • 35. Forum : La vision : une vue de l’esprit Académie de l’Air et de l’Espace L’ensemble de ces milieux est centré sur le cristallin dont la puissance est variable chez le sujet jeune par le jeu de l’accommodation grâce à ses attaches au corps ciliaire par les fibres zonulaires. La rétine sur le plan histologique comprend 10 couches. En pratique, il faut retenir qu’il y a un traitement de l’information à la fois vertical et horizontal. S'agissant de la structure verticale, il y a un rôle de transmission à partir des photorécepteurs que sont les cônes et les bâtonnets, avec ensuite, les cellules bipolaires et les cellules ganglionnaires. Le traitement horizontal de l’information s’effectue par des cellules régulatrices qui sont les cellules horizontales, les amacrines. La répartition des photorécepteurs au niveau de la rétine est assez particulière : au niveau de la fovéa, au centre de la macula, il n’y a que des cônes qui sont le support de la vision des couleurs, avec une densité de cônes qui décroît en périphérie. Les bâtonnets n’apparaissent qu’à deux degrés d’excentricité par rapport à la fovéa. Leur densité augmente jusqu’à environ trente degrés d’excentricité puis diminue vers la périphérie du fond de l’œil. L’activité physiologique des photorécepteurs est liée à l’existence d’un pigment qui vient se décomposer sous l’action de la lumière et cette cascade photochimique va aboutir à l’influx nerveux. Il faut souligner dans cette structure le rôle particulier du DHA qui est un acide gras oméga 3 au niveau de cette rétine. Il a en effet un rôle structurel : c’est le principal constituant au niveau des membranes des disques des segments externes des photorécepteurs. Il joue aussi un rôle majeur dans la phototransduction, et un rôle protecteur contre le vieillissement rétinien, avec une activité qui est à la fois anti-apoptotique, anti-inflammatoire et anti-ischémique. Bien que les cônes et les bâtonnets soient proches sur le plan histologique, ils ont une structure et des propriétés bien différentes. Les bâtonnets, au nombre de 110 à 125 millions, constituent le support de la vision scotopique c'est-à- dire la vision de nuit. Ils fonctionnent à charge complète de pigments, ce qui nécessite un temps d’adaptation mais permet d’être sensible à des niveaux lumineux très faibles. La vision scotopique est caractérisée par la perte des composantes psychosensorielles de la vision avec une chute de l’acuité visuelle – avec un scotome central d’un à deux degrés –, une altération de la vision des couleurs, une altération du sens du mouvement et du sens spatial. Cependant, grâce aux bâtonnets et au phénomène d’adaptation rétinienne, nous pouvons être sensibles à des niveaux de luminance extrêmement faibles. Les capacités en vision nocturne seront altérées dans des syndromes de dysfonctionnement des bâtonnets que l’on retrouve dans certaines maladies, les héméralopies, essentiellement les rétinopathies pigmentaires, et également dans certaines affections de la voie optique comme dans le glaucome primitif à angle ouvert. Physiologiquement, il faut se rappeler que la vision nocturne est très fragile. Les capacités sont nettement diminuées en cas d’hypoxie, de fatigue ou d’exposition à de très hauts niveaux d’éclairement dans la journée. Comment peut-on améliorer les capacités en vision de nuit ? Il faut tout d'abord en connaître les imperfections et être entraîné. Comme pour la vision des couleurs, il faut adopter de bonnes règles d’hygiène de vie, prévenir l’hypoglycémie, éventuellement porter des lunettes filtrantes le jour pour éviter l’effet des rayonnements solaires diurnes et s’abstenir de tabac ou d’alcool. Des moyens pharmacologiques avec des dérivés anthocyanosidiques peuvent être intéressants comme le Difrarel qui intervient dans la synthèse du pourpre rétinien. Enfin, il existe des moyens technologiques pour perfectionner cette vision nocturne avec des systèmes infrarouges ou des amplificateurs de lumière, particulièrement utilisés en aéronautique militaire. La vision de jour ou vision photopique est sous la dépendance des cônes qui sont beaucoup moins nombreux (4 à 7 millions). A l’inverse, ils n’interviennent pas dans la vision nocturne, mais Paris, 21 octobre 2008 35
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  • 37. Forum : La vision : une vue de l’esprit Académie de l’Air et de l’Espace répondent instantanément à une stimulation et nous permettent de voir les couleurs et les détails. La vision de jour sous la dépendance des cônes est très performante ; elle permet l’appréciation du sens des formes (acuité visuelle), l’appréciation des distances et du relief et la vision des couleurs. Elle assure également la résistance à l’éblouissement. Les performances de la vision centrale ou maculaire sont toutefois diminuées dans de nombreuses circonstances. Un traitement adapté permettra le plus souvent d’y remédier. Ce sont par exemple les troubles de la réfraction, les troubles de la transparence des milieux oculaires (cataracte), les atteintes de la rétine centrale (affections dégénératives de la macula) et les atteintes des voies optiques voire des centres visuels. Il faut se rappeler que c’est grâce à ces deux systèmes (système photopique et scotopique) que l’œil peut travailler à divers niveaux lumineux correspondant à ces différents types de visions. La caractéristique principale du système visuel est d’être sensible à la lumière, ce qui amène à évoquer désormais l’action des rayonnements sur l’œil. L’action des rayonnements sur l’œil L’appareil oculaire possède des défenses limitées contre le rayonnement par le biais du clignement. Celui-ci a une latence d’environ 1/10ème de seconde, ce qui est parfois insuffisant pour protéger le globe oculaire lui-même. Dans le cadre du réflexe photomoteur, les radiations rétiniennes varient en fonction de la taille de la pupille, et seront donc beaucoup plus importantes de nuit. La cornée et le cristallin sont par eux-mêmes des filtres naturels pour la rétine. Il existe à leur niveau une absorption sélective, en particulier au niveau du cristallin. C’est ainsi que la lumière naturelle d’origine solaire est filtrée tout d'abord par la cornée qui ne laissera passer que les radiations supérieures à 300 nanomètres et par le cristallin qui ne laissera passer au-delà que les rayonnements au-dessus de 400 nanomètres. Ceci explique que le patient opéré de cataracte et à qui on n’a pas mis d’implants, est plus exposé et a besoin d’une protection particulière. Les longueurs d’onde de courte durée, notamment les bleus, représenteraient la partie potentiellement la plus nocive de la lumière visible pour la rétine. Du fait du vieillissement cristallinien, la transmission de la lumière sur la rétine diminue avec l’âge. Ceci a conduit à l’utilisation préférentielle de filtres jaunes sur les implants des personnes opérées de cataracte afin de limiter l’effet nocif des radiations bleues sur la rétine. Quels sont les effets de rayonnements ? Les radiations ultra-violettes sont responsables au niveau des paupières d’un érythème actinique, au niveau de l’œil lui-même : c’est la classique ophtalmie des neiges habituellement peu grave mais assez douloureuse. Les mesures prophylactiques comprennent l’utilisation de verres teintés ou de lentilles arrêtant les UV. Les radiations visibles et infrarouges sont responsables d’atteintes palpébrales aigues ou chroniques, d’atteintes cornéo-conjonctivales et d’atteintes choriorétiniennes, généralement maculaires du fait de la concentration de l’énergie radiante à ce niveau. Un tableau de phototraumatismes est ainsi établi (héliotraumatisme après observation d’une éclipse solaire ou des navigateurs, etc.). Différents tableaux cliniques de gravité croissante peuvent être envisagés : un simple éblouissement sans gravité avec une récupération assez rapide, un éblouissement avec des lésions visualisées au fond d’œil mais réversibles en quelques jours (œdème du pôle postérieur), un éblouissement avec des lésions irréversibles du fond d’œil sous forme de pseudo-trou ou de véritable trou qui sont responsables d’un véritable déficit sensoriel du fait de l’absence de rétine fonctionnelle à cet Paris, 21 octobre 2008 37
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  • 39. Forum : La vision : une vue de l’esprit Académie de l’Air et de l’Espace endroit. En fonction de la protection nécessaire, différents types de filtres solaires sont utilisés par les opticiens, classés en général de 0 à 4. S'agissant des lasers, l’œil est l’organe le plus exposé du fait de l’existence d’un système d’autofocalisation, réflexe qui va automatiquement projeter la fovéa sur le rayonnement laser. Les lésions qui sont plus ou moins étendues et profondes sont essentiellement dues à l’effet thermique du laser. Les lasers qui émettent dans l’UV ou l’infrarouge sont dangereux pour la cornée et le cristallin, alors que c’est le rayonnement visible qui va, lui, détruire la rétine. Concernant l’effet des rayonnements électromagnétiques, le risque potentiel de ces lésions qui sont surtout la cataracte, avec le radar, n’a jamais été nettement confirmé et ne peut que se concevoir chez une personne exposée très longtemps, par le faisceau de l’antenne émettrice qu’il réparait par exemple. Les rayonnements sont souvent impliqués dans les pathologies oculaires rencontrées. En effet, les radicaux libres qui sont libérés par le métabolisme sous l’influence de nombreux facteurs environnementaux, vont se comporter comme des accélérateurs du vieillissement. Au niveau du cristallin, la cataracte, le plus souvent liée à l’âge, sera accentuée par une consommation de tabac qui conduira à une cataracte plus fréquemment nucléaire, et par une exposition aux UV de type B pour sa forme corticale. Au niveau de la rétine elle-même, l’âge, mais aussi la lumière bleue et un faible taux de lutéine et de xanthine au niveau du pigment maculaire sont responsables d’altérations plus précoces. En ce qui concerne les maculopathies et la dégénérescence maculaire liée à l’âge, on peut définir des facteurs de risques génétiques, environnementaux et systémiques, notamment le tabagisme, qui constitue le premier facteur de risque, et l’hypertension artérielle. La chirurgie de la cataracte peut accélérer le vieillissement de la rétine centrale. Enfin, la présence à l’examen du fond de l’œil des patients de certains stigmates et de précurseurs du vieillissement, incitent à proposer une prévention par micro-nutrition selon des études AREDS 1 et AREDS 2 en associant des antioxydants à haute dose, essentiellement de la vitamine C, de la vitamine E, du béta-carotène, du zinc, des omégas 3, en particulier le DHA que l’on retrouve dans le pigment des photorécepteurs, et des pigments maculaires comme les caroténoïdes. D’autres moyens de prévention sont en cours d’étude, comme l’acétate d’anécortave, qui sont essentiellement destinés aux patients particulièrement à risques. Enfin, les statines ne semblent pas produire l’efficacité souhaitée. A partir de ces données, nous avons proposé une pyramide de traitement préventif du vieillissement de la rétine centrale, fondée sur un examen du fond de l’œil à partir de 55 ans. En fonction du stade de la maculopathie corrélée au risque de dégénérescence à 5 ans, nous proposons un traitement préventif composé de différents stades. Initialement, on donne du DHA, éventuellement associé à de la lutéine. Au stade 3 (drusen séreux, premier stigmate d’évolution sévère de la maladie), nous proposons des antioxydants comme la vitamine C. Dans les deux derniers stades qui sont des stades cliniques, nous utiliserons l’ensemble de ces composants. L’œil dans son environnement Envisageons désormais le rôle de l’environnement sur l’œil. Nous évoquerons rapidement les aspects infectieux, avec les méfaits de l’air et de l’eau, avant d’insister sur les notions d’inconfort et de fatigue visuelle, qui constituent des sources fréquentes de plaintes des patients dans un contexte de généralisation du travail sur écran. S'agissant des aspects infectieux, les kérato-conjonctivites épidémiques imposent des mesures d’exclusion et d’hygiène pour les porteurs (ne pas serrer les mains, ne pas partager le linge de toilette, respecter les consignes d’utilisation des lentilles de contact). L’air peut conduire à des conjonctivites d’irritation, des conjonctivites allergiques, avec des problèmes de sécheresse oculaire particulièrement fréquents dans le milieu aéronautique. L’eau peut quant à elle produire Paris, 21 octobre 2008 39
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  • 41. Forum : La vision : une vue de l’esprit Académie de l’Air et de l’Espace des conjonctivites « des piscines ». La contamination peut s’effectuer par les amibes, ce qui peut conduire à des kératites amibiennes particulièrement graves, avec une baisse d’acuité de la vision. La fatigue du système visuel peut se manifester de différentes façons, soit par une fatigue générale avec des céphalées, des dorsalgies, avec un problème de posturologie, une fatigue oculaire (picotements, sécheresse) de par la fréquence du clignement qui diminue sur écran. La fatigue oculaire proprement dite est marquée par des perceptions de visions floues, dédoublées et des céphalées à la lecture. Ces symptômes imposent la recherche d’un trouble de la réfraction – une amétropie qui n’aurait pas été dépistée, une petite myopie ou astigmatisme. Quelquefois, un léger déséquilibre oculomoteur suffit à mettre en évidence cette symptomologie visuelle. Comment objectiver la fatigue visuelle ? En vision de près, l’accommodation est fortement sollicitée car l’œil ne fixe pas la même distance de façon soutenue. Il existe, avant 47 ou 48 ans – l’âge de la presbytie – d’imperceptibles micro-fluctuations et accommodations de l’œil. Ces micro-fluctuations, qui sont un indicateur objectif de la fatigue visuelle, ont amené certains fabricants à proposer des verres antifatigue qui sont des verres en vision de loin, avec une partie basse permettant de détendre quelque peu l’accommodation du sujet et de diminuer ainsi la fatigue lors du travail sur écran. Pour obtenir un bon confort visuel, il faudra donc agir d’une part sur des facteurs intrinsèques – dépister les amétropies, corriger la presbytie et les troubles oculomoteurs – et extrinsèques que constituent les niveaux d’éclairement. La correction optique des amétropies se fera pour l’hypermétropie par des verres sphériques convergents, pour la myopie par des verres divergents, et pour l’astigmatisme par des verres cylindriques. La correction de la presbytie s’effectue en additionnant sur ces verres entre 0,75 et 2,5 de dioptrie en fonction de l’âge. Les hétérophories décompensées seront rééduquées, avec succès généralement, par des séances de rééducation orthoptique. L’éclairement doit répondre à trois critères principaux s'agissant des locaux de travail : l’éclairement moyen à maintenir sur sa tâche visuelle doit être d’environ 500 lux ; l’indice de rendu des couleurs est important, notamment en termes de lampes ; la limitation de l’éblouissement d’inconfort doit être prise en compte même si elle n’intègre pas la notion d’équilibre de la luminance. Pour les sujets malvoyants, la tâche visuelle en termes d’ergonomie est insuffisante, et des critères environnementaux doivent intervenir, à savoir un aspect qualitatif et une interaction lumière artificielle/lumière naturelle. Nous pourrons donc agir sur l’intensité lumineuse, sur la couleur par le biais de filtres et sur la disposition des sources lumineuses. Concernant l’intensité, en cas d’atteinte de la vision centrale, nous pouvons utiliser des lampes à décharge, des lampes fluo-tubulaires et un indice de rendu de couleurs élevées. En cas d’atteinte de la vision périphérique, il faudra privilégier des lampes à décharge ou fluo-compactes, des lampes à incandescence avec un indice de couleur peu élevé. Quand l’atteinte rétinienne est mixte (centrale et périphérique), des lampes à décharge peuvent être utilisées avec un indice de couleur élevé. S'agissant des filtres, ils peuvent être neutres (atténuateurs). Dans certaines pathologies, des filtres sélectifs peuvent être utiles, notamment pour certaines aberrations chromatiques. Les myopes voient mieux dans le rouge ; les hypermétropes dans le vert. Pour les patients atteints de certaines pathologies, des filtres particuliers peuvent être utilisés : un filtre rouge pour les albinos, des filtres RT 560 ou 580 chez les personnes atteintes de rétinopathie pigmentaire. Dans les DMLA, des filtres spécifiques sont également utiles. Paris, 21 octobre 2008 41
  • 42. Forum : La vision : une vue de l’esprit Académie de l’Air et de l’Espace L’éclairage peut être direct et général, indirect et diffus, ou directionnel. Il faut cependant toujours éviter un éclairage trop violent ou trop faible et un éclairage qui papillote. Très souvent, les patients atteints d’une pathologie ne s’éclairent pas assez. Pour conclure, nous venons d’évoquer quelques règles élémentaires d’hygiène visuelle qui permettent d’optimiser les performances du récepteur oculaire. Cependant, il ne faut pas oublier (inaudible). Paris, 21 octobre 2008 42
  • 43. Forum : La vision : une vue de l’esprit Académie de l’Air et de l’Espace DEBAT Un intervenant Y a-t-il des affections de l’œil liées au travail prolongé dans un milieu sec ? Professeur FROUSSART-MAILLE Il s’agit simplement de syndromes de sécheresse majorés chez les porteurs de lentilles de contact. Les personnes qui souffrent d’un léger déficit de larmes ne devraient pas, si possible, porter de lentilles en vol. Un intervenant Qu’est-ce qu’une lampe à décharge ? Professeur FROUSSART-MAILLE Il faudrait solliciter un spécialiste de l’éclairage sur ce point. Guillaume, DGAC Quelle est votre opinion concernant des lentilles de rééducation permettant de limiter la progression de la myopie ? Professeur FROUSSART-MAILLE Cela n’existe pas. La myopie va évoluer, quelles que soient les mesures que l’on peut prendre. On peut équiper les enfants avec des lentilles rigides qui permettent quelque peu de contrôler l’évolution de la myopie axile. L’ortho-contactologie se développe, le port de la lentille de nuit pouvant modifier quelque peu la topographie de la cornée. Cela permet d’améliorer le confort visuel. La solution n’est cependant que temporaire. Bernard CONCHON J’ai développé une méthode de gymnastique oculaire. Au fil du temps, la vision se concentre sur les éléments situés de face, un mouvement de tête étant effectué par le sujet pour les éléments périphériques. La méthode que j’ai développée visait à regarder de loin, de près, à droite puis à gauche sans bouger la tête. Cette méthode peut-elle retarder une presbytie ou améliorer un défaut oculaire ? Paris, 21 octobre 2008 43
  • 44. Forum : La vision : une vue de l’esprit Académie de l’Air et de l’Espace Professeur FROUSSART-MAILLE Je ne le pense pas malheureusement. Ces méthodes ne font pas de mal et améliorent quelque peu la souplesse visuelle, mais ne retardent pas l’évolution des défauts oculaires. Quand les personnes deviennent presbytes, certains veulent des lunettes tout de suite ; d’autres préfèrent attendre. La notion de confort me paraît à cet égard importante. Il n’y a toutefois malheureusement pas d’élixir de jouvence pour restaurer les fibres zonulaires et leur rôle dans l’accommodation. Vincent KERDOT Faudrait-il pour l’hygiène de la vue porter des lunettes de plus en plus sombres ? Professeur FROUSSART-MAILLE Il y a une tendance à porter des lunettes de plus en plus tôt. Plus on se protège, mieux c’est pour la rétine d’autant plus que l’on vit de plus en plus vieux. Faut-il pour autant porter systématiquement des lunettes de soleil ? Je n’en suis pas certaine non plus. Pour les personnes qui présentent des facteurs de risques (yeux clairs) ou des antécédents familiaux, les lunettes de soleil sont en revanche importantes. En vol, la luminosité est différente et constitue un facteur de risque supplémentaire. Annie RODRIGUEZ, Société Essilor Je voudrais ajouter un élément au sujet des filtres. Ce n’est pas parce que le verre est plus foncé qu’il va vous protéger des UV. La teinte protège de l’éblouissement. En revanche, le filtre UV qui est dépendant de la matière du verre, est essentiel. Des verres totalement blancs peuvent filtrer 100 % des UV. C’est la raison pour laquelle nous conseillons aux personnes de s’adresser à leur opticien pour acheter des lunettes de soleil afin qu’elles intègrent un filtre UV. Paris, 21 octobre 2008 44
  • 45. Forum : La vision : une vue de l’esprit Académie de l’Air et de l’Espace SESSION IV : IMPORTANCE DE LA VISION POUR LES PILOTES Évolution des normes médicales avec la réglementation européenne Jean-Claude BÜCK Nous allons maintenant parler des normes médicales auxquelles doivent se conformer les pilotes. Le docteur René Germa, chef du bureau médical de la direction du contrôle et de la sécurité de l’aviation civile, a suivi dès le début le processus qui a conduit à l’élaboration d’une réglementation applicable à tous les pilotes européens qui va commencer. Il sera suivi du professeur Michel Cupa, président du Conseil médical de l’aviation civile qui exposera la politique des dérogations. Dr René GERMA Chef du Bureau médical de la Direction du Contrôle et de la sécurité de l’Aviation civile Je me suis inspiré du manuel de médecine aéronautique de Russel Rayman, secrétaire général de la Société américaine de médecine aérospatiale, ainsi que du manuel de médecine aéronautique français pour vous donner ces quelques éléments simples. Tout d'abord, il faut disposer d’une bonne vision de près pour voir les instruments et d’une bonne vision de loin pour voir l’extérieur du cockpit, en particulier les autres avions. Une bonne perception du relief est en outre nécessaire pour l’atterrissage, quoique ce point puisse être débattu. Mon propos concerne ici davantage les vols militaires que civils. D’ailleurs les normes ont d’abord été élaborées pour l’aviation militaire au début du siècle et je vous expliquerai pourquoi il y a eu une divergence par la suite. La vision des couleurs est également importante et constituera le grand débat des prochaines années. Des travaux intéressants sont en cours à cet égard. Cette vision permet d’apprécier les alarmes, les rampes d’atterrissage ou de lire les cartes. La vision nocturne est bien plus importante pour les pilotes militaires. La fusion pour la prévention de la diplopie (vision double) et les champs visuels temporaux sont par ailleurs essentiels au pilote pour apprécier le maximum d’espace autour de lui. Paris, 21 octobre 2008 45
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  • 47. Forum : La vision : une vue de l’esprit Académie de l’Air et de l’Espace Globalement, la fonction ophtalmologique doit être de très bonne qualité. Chez les pilotes civils, certaines de ces fonctions ont toutefois une importance moindre d’autant plus que la possibilité de correction s’est améliorée. L’évolution des techniques de correction (chirurgie, lunettes, lentilles) a en effet été très importante. Je souhaite ensuite dresser un rapide historique de la réglementation. En ce qui concerne l’ophtalmologie, je me suis limité à évoquer l’évolution de la réglementation en matière d’amétropies, c'est-à-dire des myopies et hypermétropies. Avant la Guerre de 39-45, il existait une réglementation par État, essentiellement fondée sur des normes militaires. En 1944, compte tenu du développement de l’aviation commerciale, les États ont dû normaliser l’aviation internationale : la signature de la Convention de Chicago aboutit à des normes mondiales dans le domaine civil. La médecine aéronautique se trouve dans l’annexe 1 de la convention, chapitres 1 et 6. Cette convention instaure des normes de base applicables à tous les États qui l’ont ratifiée, à savoir actuellement 186 États. Chaque État a la possibilité d’être plus strict que la norme OACI, mais ne peut se montrer plus souple. En septembre 1948, a été publiée la première édition de l’annexe 1 de l’OACI : seuls les navigants dont la vision était de 7/10ème corrigée à 10/10ème, en l’absence d’hypermétropie supérieure à 2,5 dioptries étaient considérés aptes. On ne parlait pas alors de myopie, 7/10ème correspondant en effet à une myopie négligeable. S'agissant de la philosophie des normes civiles, peuvent être distinguées : l’approche anglo-saxonne l’approche latine. L’approche anglo-saxonne repose sur une médecine prédictive – le navigant doit être apte entre deux visites. L’approche latine sur le concept de médecine préventive – la carrière du pilote doit être préservée. L’Europe aéronautique, très élargie par rapport à la Communauté économique européenne de l’époque, a débuté en 1971. Les Joint aviation authorities (JAA) ont alors commencé leurs travaux dans le domaine de la certification des aéronefs. En 1983, le premier aéronef à avoir été certifié JAR 25 est le British Aerospace 146, un avion à quadriréacteur à décollage court. En 1979, les JAR 25 sont adoptées comme code commun par certains États européens. Cette adoption n’a rien de politique ; ce sont des gentlemen’s agreements entre États, ceux-ci introduisant ensuite avec plus ou moins de difficulté dans leur droit national les règlements édictés. Des difficultés sont toutefois rencontrées, en particulier dans le domaine des licences. En 1990, les accords de Chypre étendent le pouvoir des JAA au domaine des licences. Les directeurs généraux de l’Aviation civile de nombreux États se sont mis d’accord pour élaborer des codes dans le domaine des licences (comprenant le domaine médical) qu’ils s’engageaient à introduire dans leur droit national, sans modifier le dispositif juridique de haut niveau (tel que les lois et décrets en droit français). Paris, 21 octobre 2008 47
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  • 49. Forum : La vision : une vue de l’esprit Académie de l’Air et de l’Espace Du point de vue médical, le travail a été particulièrement long : la première réunion du JAA FCL Medical Subcommittee s’est déroulée en juin 1990. 53 réunions ont été organisées jusqu’en 2001. Ce comité est ensuite devenu le Licensing Subsectorial Team qui s’est réuni 18 fois pour achever ses travaux le 5 septembre 2007 à Cologne pour effectuer la transition avec l’Agence européenne de sécurité aéronautique (EASA). Un groupe de travail a été créé au moment de cette transition. Le fonctionnement en était fondamentalement différent. Auparavant, tous les États étaient représentés, ainsi que les observateurs (fédérations, organisations professionnelles, organismes étatiques outre-atlantique tels que FAA, Transport Canada, etc.). Le groupe de travail qui comprenait 7 membres désignés par l’agence européenne, non seulement des médecins, mais aussi des juristes ainsi que quelques organismes, a conduit en juin 2008 à établir des implementing rules FCL qui sont ouvertes aux commentaires jusqu’au 5 décembre 2008. Ensuite, la Commission européenne et le Parlement européen seront saisis pour publier ces règles dans le cadre d’un règlement européen. Ce règlement, hiérarchiquement situé au-dessus du droit national, s’appliquera alors à tous les États. Cette application est envisagée dans le domaine médical et des licences pour mai 2012. . Les deux philosophies se sont surtout affrontées dans le domaine de l’ophtalmologie. En 1985, l’OACI a imposé une limite de réfraction pour les myopes à -3 dioptries et à +3 dioptries pour les hypermétropes. Avant l’ère JAA qui a commencé en 1990, chaque pays européen appliquait les normes en respectant celles de l’OACI de manière plus ou moins stricte. La France s’est montrée très stricte en matière d’amétropies, puisqu’elle a attendu 1992 pour adopter les standards de l’OACI. Les JAA, dès 1990, ont appliqué les normes OACI (-3/+3). En juillet 2001, l’OACI a simplifié ses normes ophtalmologiques, en supprimant la mesure de la réfraction dans son annexe 1. On ne tenait ainsi compte que de l’acuité visuelle corrigée avec un bon examen ophtalmologique. Le consensus était loin d’être obtenu au sein du LSST med. Un sous groupe de travail composé de la France, du Royaume-Uni, de l’Allemagne et de la Suisse an été spécifiquement fondé pour l’ophtalmologie. Huit réunions ont été organisées en quatre ans, et nous sommes enfin parvenus à un consensus. A l’admission, c’est la possibilité d’aller en dérogation jusqu’à -6 dioptries pour les myopes et +5 dioptries pour les hypermétropes, à condition qu’il y ait une correction à 10/10ème pour les pilotes professionnels et que l’examen ophtalmologique soit normal. Les chirurgies de l’œil (Lasik, cataracte, décollement de rétine) ont été autorisées avec des dérogations, avec un recul post opératoire moins important. Cependant pour la chirurgie réfractive (lasik, laser) réfraction pré opératoire devait être identique. Pour la vision des couleurs, il n’y a pas de progrès. Des difficultés sont en effet rencontrées dans l’élaboration des tests. L’OACI, en collaboration avec le Royaume-Uni et le Canada, est toutefois en train de mettre en place des tests sur écran vidéo au Kings College de Londres. Paris, 21 octobre 2008 49