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PREMIER MINISTRE
       SECRÉTARIAT D’ÉTAT CHARGÉ DE LA PROSPECTIVE,
         DE L’ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES
      ET DU DÉVELOPPEMENT DE L ’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE




              ÉRIC BESSON

                                                      JANVIER 2009




>>> Dix défis
   pour la France
Sommaire



Préambule....................................................................................................................... 3

I. Introduction ................................................................................................................. 5
Pour sortir de la crise : regarder loin...........................................................................................................................................                       5
France 2025 : analyser les possibles, éclairer les choix........................................................................................................                                         6
La France de 2025 face à ses défis ..............................................................................................................................................                        6

II. Dix défis pour la France ........................................................................................................................................................... 7
1.     Le défi de la stabilité dans le monde ..................................................................................................................................                         7
2.     Le défi de l’influence .................................................................................................................................................................         9
3.     Le défi du développement durable.......................................................................................................................................                         11
4.     Le défi de l’accomplissement personnel au travail ........................................................................................................                                      13
5.     Le défi de la compétitivité et de l’attractivité .................................................................................................................                              15
6.     Le défi de l’innovation et de la “classe créative” ............................................................................................................                                 18
7.     Le défi de la solidarité...............................................................................................................................................................         21
8.     Le défi de la démocratie et de la liberté individuelle....................................................................................................                                      23
9.     Le défi de l’insertion active dans la société......................................................................................................................                             25
10.    Le défi du service public...........................................................................................................................................................            26
11.    Derrière les dix défis : retrouver confiance dans l’avenir.............................................................................................                                         28

III. Conclusion ......................................................................................................................................................................................... 29

IV. Remerciements .............................................................................................................................................................................. 31




                                                                                                                                                                                                               1
Préambule




            3
Introduction



                                                           l’actualité. Ce serait une erreur, au moins pour deux
Pour sortir de la crise :                                  raisons.

regarder loin                                              La première raison tient au fait que, le monde conti-
                                                           nue d’évoluer sur des tendances de long terme que la
                                                           crise affectera, mais sans les remettre en cause. Pour
À partir de l’été 2007, le système financier mondial a     ne citer que quelques exemples, la Chine passe
connu une crise inédite dans l’histoire économique,        imperceptiblement de la position “d’usine du monde”
avec des pertes chiffrées en milliers de milliards de      à celle de pôle d’excellence dans certains domaines de
dollars pour l’ensemble des établissements financiers,     recherche. Le réchauffement climatique progresse, et,
des faillites bancaires évitées par une intervention       dans le même temps, apparaissent les innovations qui
publique vigoureuse, des révisions à la baisse massives    nous permettront d’y répondre tout en améliorant
de la croissance des principaux pays développés ou en      notre vie quotidienne. La révolution numérique
développement, ou encore des fluctuations sans             continue d’offrir de nouvelles façons d’accéder à une
précédent des prix des matières premières, le prix du      masse croissante de connaissances et d’expertises,
pétrole passant de 150 dollars à moins de 40 dollars       d’échanger avec le monde entier, de travailler, ou de
le baril en quelques mois.                                 se distraire. Ces changements sont autant d’oppor-
                                                           tunités, à condition toutefois que nous sachions les
Au moment où cette crise commençait à produire ses         anticiper.
effets, en avril 2008, débutaient en France les travaux
du diagnostic stratégique France 2025. Cet exercice a      Deuxièmement, la crise que nous connaissons provient
mobilisé plusieurs centaines de personnalités (parle-      précisément de décisions de régulation prises il y a une
mentaires, partenaires sociaux, experts, représentants     vingtaine d’années. Elles n’ont eu aucune conséquence
de la société civile…) rassemblées dans huit groupes de    immédiate, mais leur impact vingt ans plus tard se
travail et au sein d’une commission plénière, afin de      chiffre en milliers de milliards d’euros. Cette crise nous
tracer une “cartographie du futur”. Plus d’une centaine    rappelle que les décisions publiques ne montrent
de réunions de travail ou en commission plénière ont       souvent leur plein effet que sur des temps longs. Qu’il
eu lieu, un site internet dédié au débat a été créé afin   s’agisse de recherche, d’éducation, de cohésion sociale
d’accueillir des centaines de contributions d’inter-       ou d’esprit d’entreprise, il sera impossible à tout
nautes et des dizaines de messages vidéo de cher-          gouvernement, quel qu’il soit, d’infléchir fortement et
cheurs, de sociologues, d’économistes, de partenaires      durablement le cours des choses sans se placer dans
sociaux ou de responsables d’entreprise.                   une perspective de long terme.
Il serait facile d’opposer la crise, qui appelle à des     Il est, enfin, toujours difficile de choisir le moment
actions immédiates, et la réflexion sur la France de       pour regarder le long terme. Il peut sembler vain de
2025, qui vise au contraire à prendre du recul sur         faire de la prospective en période de croissance forte



                                                                                                                        5
D   I   X   D   É   F   I   S   P   O   U    R     L   A    F   R   A   N   C   E




    lorsque la prolongation des tendances suffit à donner             ter dans le futur pour distinguer, dès maintenant,
    un horizon sans nuage, aussi bien qu’en situation de              comment la France peut se donner les moyens de
    crise, lorsque les besoins immédiats dominent                     rester influente dans un monde plus instable, de
    l’agenda public. Mais la vérité, c’est que la gestion             protéger toujours plus efficacement ses citoyens
    publique impose à tout moment de gérer l’immédiat                 contre les accidents de la vie ou de concilier compéti-
    tout en anticipant l’avenir. Cette vérité n’est pas               tivité internationale et épanouissement personnel
    nouvelle, et l’attention croissante donnée au dévelop-            dans le travail. France 2025 n’a pas la prétention
    pement durable est là pour nous rappeler une                      d’être un itinéraire fléché des réformes. Mais en
    “impérieuse nécessité” : gérer les problèmes d’aujour-            établissant la cartographie des futurs, il a l’ambition
    d’hui sans perdre de vue ceux des générations qui                 de constituer une sorte de “GPS de l’action publique”,
    nous succéderont.                                                 qui éclairera les choix possibles.



    France 2025 : analyser            La France de 2025
    les possibles, éclairer les choix face à ses défis
    C’est dans cette perspective que les travaux de France            Sur la base des travaux conduits par les huit groupes
    2025 ont poursuivi deux objectifs. D’une part,                    de travail et la commission plénière, je veux, dans ce
    anticiper les différents chemins d’évolution possibles            rapport, tirer ce qui me paraît constituer les princi-
    que pourraient connaître l’écosystème planétaire,                 pales leçons de cet exercice de prospective. Au risque
    l’environnement international de la France, notre                 de me répéter, il ne s’agit pas de faire une liste de
    société, nos attentes individuelles ou les technologies           réformes à décider dans les six mois, ni de prétendre
    dont nous disposerons. D’autre part, identifier les               redécouvrir la nécessité (réelle) d’investir dans l’éco-
    principales bifurcations, les principales décisions qu’il         nomie de la connaissance et d’être plus réactif dans la
    faudra prendre pour rester à la fois compétitifs et               mondialisation. Il convient d’avoir une vision plus glo-
    solidaires.                                                       bale, à l’image de la diversité des domaines couverts
                                                                      par France 2025.
    Les travaux des groupes se sont déclinés sous forme
    de scénarios, construits sous l’entière responsabilité            Mes réflexions sont structurées autour de dix défis. Il
    du président de chaque groupe : certains sont                     s’agit de défis, non de contraintes, ni même d’évolu-
    séduisants, d’autres peuvent étonner, d’autres enfin              tions inéluctables, comme celle du vieillissement démo-
    pourront être jugés plus discutables. Ils doivent être            graphique. Ces défis sont posés en termes d’objectifs.
    lus en gardant à l’esprit l’objectif des groupes : non            Ce sont des objectifs que nous pouvons atteindre, ou
    pas produire un plan d’action à mettre en œuvre                   à côté desquels nous pouvons passer ; en fonction de
    demain par le gouvernement, mais susciter des débats              notre réussite ou non face à chacun de ces défis, la
    utiles qui pourront éclairer des décisions futures.               France que nous laisserons à nos enfants en 2025 sera
                                                                      très différente.
    Car c’est ainsi que France 2025 sera utile à la décision
    politique : non pas en livrant un “paquet” de mesures
    déjà ficelées, mais en nous permettant de nous proje-




6
Dix défis pour la France



                                                                     Le même type de vision caractérise le rapport Une
Le défi de la stabilité                                              stratégie européenne pour la mondialisation2. Ce
                                                                     rapport souligne la “géopolitisation de la mondialisa-
dans le monde                                                        tion”, qu’il illustre notamment par la question
                                                                     énergétique : “La localisation de la majeure partie des
                                                                     ressources énergétiques sur un arc de crise
Par construction, l’exercice France 2025 s’est davan-                géopolitique (Golfe persique, Asie centrale, Afrique du
tage centré sur les questions économiques, sociales,                 Nord, Caucase, Afrique musulmane…) favorise les
technologiques et environnementales que sur les gran-                stratégies de puissance des pays producteurs qui
des questions géostratégiques, ces dernières ayant été               l’utilisent comme arme politique (Russie, Golfe, Iran,
traitées dans le cadre du Livre blanc sur la défense et              Venezuela, etc.), et le déploiement d’une intense
la sécurité nationale1. Pourtant, il est rapidement                  “diplomatie énergétique” de la part des pays
apparu que ces questions ne pouvaient être séparées                  consommateurs (Chine, États-Unis…) pesant sur les
de celles traitées par les groupes de travail.                       cours mondiaux. Cette dramatisation des enjeux
                                                                     énergétiques constitue un signe avant-coureur de la
La donne qu’il faut anticiper                                        politisation croissante des stratégies économiques au
                                                                     niveau mondial…”

Des logiques de puissance potentiellement en conflit
                                                                     Un système international plus complexe
Certes, la mondialisation accroît les interdépendances
                                                                     Dans les scénarios élaborés par les groupes de travail,
entre les États et les zones économiques du monde.
                                                                     notamment le groupe “Europe-Mondialisation”, en
Elle est donc favorable à des dynamiques d’ouvertures
                                                                     2025, les États-Unis auront perdu leur statut “d’hyper-
et d’échanges.
                                                                     puissance”. En outre, du fait de la montée en puissance
Cependant, quels que soient les scénarios étudiés par                de nouveaux acteurs de la mondialisation (comme
les groupes de travail de France 2025, il faut s’atten-              l’Indonésie ou la Corée), le monde sera partagé entre
dre à ce que les attributs traditionnels de puissance                davantage de pôles d’influence autonomes (États ou
continuent à jouer un rôle important. En clair, la                   groupes d’États) que ce n’est le cas en 2009. Il pour-
mondialisation, même si elle met en concurrence les                  rait même être “non polaire”, c’est-à-dire “caractérisé
États ou les zones économiques, ne les dissoudra pas.                par des centres de pouvoir diffus, plus nombreux que
Au contraire, il faut vraisemblablement anticiper un                 dans un système multipolaire classique et non exclu-
développement de la “logique de puissance” de la                     sivement constitué d’États-Nations”.
part de certaines zones, qui n’hésiteront pas à utiliser,
quand elles le pourront, l’économie comme une arme.

1
    Disponible sur http://www.livreblancdefenseetsecurite.gouv.fr.
2
    Rapport issu du groupe présidé par Laurent Cohen-Tanugi.
                                                                                                                               7
D   I   X   D   É   F   I   S   P   O   U    R     L   A    F   R   A   N   C   E




    En effet, les acteurs non étatiques sont certainement              gresser la paix et le dialogue entre les peuples partout
    appelés à prendre une importance croissante dans la                où c’est nécessaire. C’est par exemple le sens de notre
    mondialisation. France 2025 distingue quelques types               action au Proche-Orient.
    d’acteurs dont l’influence sera certainement grandis-
    sante : les ONG (organisations non gouvernementales)               Ainsi, la France ne doit se désintéresser d’aucune des
    dont notamment les mouvements de consommateurs                     zones de la planète, même de celles où elle ne semble
    ou les organisations syndicales internationales, ainsi             avoir aucun intérêt d’un strict point de vue écono-
    que des acteurs privés dont le poids financier dépasse             mique. Elle doit se comporter en émissaire du dialo-
    celui de certains États.                                           gue entre les peuples et entre les cultures.

    Mais les groupes appelés à se développer ne seront                 La prise de conscience de la nécessité
    pas tous armés des meilleures intentions. Certains (à
                                                                       d’une régulation au niveau mondial
    visée terroriste, par exemple) risquent de contribuer à
    rendre la mondialisation plus conflictuelle. Il est pos-
                                                                       Certes, un monde plus éclaté risque d’être plus ins-
    sible également que l’on assiste à la poursuite de la
                                                                       table. Mais, précisément, dans la mesure où toutes les
    mondialisation du crime organisé.
                                                                       grandes nations prennent conscience de ce risque,
                                                                       elles pourraient mieux mesurer l’importance de la
    L’enjeu des migrations                                             coopération.

    La proximité géographique restera le déterminant                   Ainsi, l’idée d’une nécessaire régulation mondiale
    majeur des flux migratoires, plus encore que les liens             progresse. Les responsables politiques et économiques
    historiques et culturels. En Europe, on devrait observer           autour de la planète réalisent que, sans régulation, le
    un accroissement des flux migratoires en provenance                monde n’est pas à l’abri des crises et de leur contagion
    d’Europe de l’Est. Il s’accompagnera d’une montée en               mondiale. Dans l’onde de choc de la crise des sub-
    puissance de la migration asiatique, moins importante              primes, tout le monde a compris que le secteur ban-
    numériquement en France et en Europe, mais dont le                 caire ne peut, seul, s’autoréguler efficacement. Tout le
    poids mondial continuera de s’accroître dans les 20                monde a constaté que, sans régulation, la finance
    prochaines années. Il faudra compter avec le double                pouvait bâtir des châteaux de cartes qui, lorsqu’ils
    effet des migrations sur les pays d’accueil et les pays            s’écroulent, amènent au bord de la banqueroute des
    de départ : elles peuvent avoir, sous certaines                    pays dont la réussite faisait envie.
    conditions, un impact positif sur la croissance, mais              Le monde semble prendre aujourd’hui conscience du
    elles posent aussi d’importants défis au regard de la              fait que la capacité à mettre au point une gestion plus
    cohésion sociale. Il est clair que les mouvements                  efficace des facteurs de crise systémique (qu’ils soient
    migratoires, dont le changement climatique et les                  financiers ou environnementaux) déterminera demain
    inégalités Nord-Sud pourraient renforcer l’ampleur,                notre niveau de croissance. Si nous relevons correcte-
    seront un enjeu majeur dans les années à venir. Elles              ment ce défi, non seulement l’activité sera plus
    exigeront une politique coordonnée au niveau                       soutenue, mais le monde pourra également réduire les
    européen.                                                          phases de contraction que nous traversons régulière-
                                                                       ment. Un des chiffrages réalisés dans le cadre de
    Ce dont nous aurons besoin pour affronter ces défis                France 2025 l’illustre parfaitement : si la mondialisa-
                                                                       tion est régulée, la croissance annuelle sera supérieure
                                                                       à 3 % sur la période 2008-2025 ; si elle ne l’est pas,
    Une politique étrangère qui fasse mentir                           la croissance sera à peine supérieure à 2 %. Année
    la prophétie du “choc des civilisations”                           après année, ces rythmes différents créent des
                                                                       divergences considérables : en une génération, l’écart
    Selon Samuel Huntington, les grandes zones du                      de niveau de vie entre ces deux scénarios serait de
    monde sont appelées à se heurter dans ce qu’il appelle             plus d’un tiers.
    le “choc des civilisations”. C’est ce scénario noir que la
                                                                       Ce n’est donc pas la “main invisible” du marché qui,
    France doit contribuer à faire mentir.
                                                                       seule, pourra nous conduire vers un futur souhaitable.
    Certes, le monde présente le risque, d’ici à 2025, de se           Le monde a besoin de la décision politique et de
    complexifier et de se radicaliser. Pour autant, la politi-         l’action des États. La position traditionnelle de la
    que étrangère d’un pays comme la France et l’action                France est de militer, au niveau international, pour
    de l’Union européenne doivent s’intéresser à faire pro-            l’amélioration de la gouvernance mondiale. Elle l’a fait



8
D   I   X    D   É   F   I   S    P   O   U    R      L    A   F   R   A   N   C   E




en amont du G20 qui s’est tenu le 15 novembre 2008 ;                      La crise que nous traversons pourrait également ac-
elle devra encore le faire d’ici à 2025.                                  centuer le déplacement vers l’Est du centre de gravité
                                                                          du monde. Par exemple, aux États-Unis comme en
La régulation sera d’autant mieux admise par tous                         Europe, il faut s’attendre, ces prochaines années, à
qu’elle ne sera pas la production exclusive des puis-                     une importante hausse de la dette publique pour
sances dominantes de la fin de la Seconde Guerre                          juguler les effets dépressifs de la crise. Il faudra donc
mondiale. Pour assurer la stabilité économique du                         que les pays qui disposent de fortes réserves en
monde, et donc sa stabilité politique, il faut que les                    devises (comme la Chine) continuent de financer les
forums de négociation reflètent la nouvelle réparti-                      déficits publics américains. Certes, d’ici à 2025, ce
tion mondiale de la puissance économique. La France                       déséquilibre peut s’atténuer ; il n’en reste pas moins
doit continuer à militer pour que toutes les grandes                      que, d’un point de vue financier, l’Occident pourrait être
instances du monde fassent l’objet d’un rééquilibrage,                    à court terme plus dépendant financièrement qu’il ne
à l’instar de son action en amont de la réunion du G20                    l’est aujourd’hui. Cette dépendance pourrait égale-
de novembre 2008.                                                         ment s’accompagner d’une présence croissante de
                                                                          fonds souverains au capital des entreprises euro-
                                                                          péennes et américaines.
Le défi de l’influence                                                    Une structuration du monde autour de grandes
                                                                          régions
La France doit non seulement contribuer, par son
action, à la stabilité du monde, mais elle doit aussi
                                                                          Dans ce monde plus éclaté, les travaux de France
garder une influence forte au niveau international,
                                                                          2025 tablent aussi sur un approfondissement du pro-
influence qui épaulera la compétitivité de ses entre-
                                                                          cessus de régionalisation3, voire sur une possible
prises.
                                                                          autonomisation des zones de croissance. Comme le
                                                                          souligne le rapport France 2025, “l’intégration régio-
La donne qu’il faut anticiper                                             nale ne s’oppose pas à la mondialisation, mais cons-
                                                                          titue soit une étape vers la mondialisation qui offre un
                                                                          cadre mieux adapté à l’exploitation des avantages
L’évolution de la position relative de l’Europe                           comparatifs et à l’insertion ultérieure dans l’économie
                                                                          mondiale, soit une occasion de renforcer la compé-
Même si l’Europe reste, d’après les scénarios des                         titivité nationale grâce à des économies d’échelle, à la
groupes de travail, la première zone du monde en ter-                     mise en place d’infrastructures régionales et de moyens
mes de PIB, elle verra son importance relative décliner.                  institutionnels et humains…”
L’Union représente actuellement 30 % du PIB mon-
dial. En 2025, dans le scénario de mondialisation ré-
gulée, elle en représenterait 26 %. Dans le scénario de                   Le rôle des organisations non gouvernementales
déséquilibre, elle en représenterait 28 %.
                                                                          Les organisations non gouvernementales jouent un
                                                                          rôle croissant, que ce soit sur les questions d’environ-
La modification de la hiérarchie des nations                              nement ou en matière de défense des droits fonda-
                                                                          mentaux – la création en 2006 de la Confédération
La montée en puissance de nouveaux acteurs de la                          syndicale internationale constituant une étape
mondialisation se poursuivra, notamment en ce qui                         importante de cette évolution. D’autres champs
concerne la place des grands émergents, Brésil, Russie,                   pourraient connaître une mondialisation de leur ac-
Inde et Chine qui représenteront 40 % de la popu-                         tion, notamment les organisations qui œuvrent pour
lation mondiale en 2025 et 17 % du PIB mondial.                           la défense des consommateurs : leur mondialisation
À côté de ces territoires-continents, de nouveaux                         suivra logiquement celle des risques qu’elles visent à
émergents, en particulier le Mexique, la Turquie et le                    contrôler.
Vietnam, constitueront des locomotives plus régio-
nales. Le destin de l’Afrique paraît aujourd’hui moins
clairement tracé, mais il pourrait surprendre.

3
    C’est-à-dire de construction de zones d’échanges privilégiés entre pays proches.




                                                                                                                                       9
D   I   X   D   É   F   I   S   P   O   U    R      L   A    F   R   A   N   C   E




     Ce dont nous aurons besoin pour affronter ces défis                de celle dont nous disposons déjà, ce qui serait d’ail-
                                                                        leurs incompréhensible pour les citoyens. Ceci n’empê-
     Comment, dans ce monde plus multipolaire, conserver                che évidemment pas, comme le souligne le rapport
     une influence à l’échelle de la planète ?                          “Vivre ensemble”, de faire en sorte que l’Union euro-
                                                                        péenne soit davantage capable de définir des poli-
                                                                        tiques économiques. C’est dans ce cadre, que je
     Miser sur l’euro, l’Union européenne et l’Union                    comprends l’idée, proposée par le groupe “Vivre
     pour la Méditerranée                                               ensemble” de “Communauté européenne de l’environ-
                                                                        nement, de l’énergie et de la recherche”.
     L’euro constitue une force. Les problèmes qu’a
     récemment rencontrés le Danemark, obligé d’aug-                    Par ailleurs, la France doit tenir un rôle moteur dans la
     menter ses taux pour défendre sa monnaie, au                       constitution de nouvelles zones de stabilité, comme
     moment où les conséquences de la crise des                         l’Union pour la Méditerranée. Tout milite en faveur
     subprimes plaidaient plutôt pour une détente                       d’une grande zone Europe-Méditerranée. Non seu-
     monétaire, nous rappellent à quel point la monnaie                 lement une histoire et une culture communes nous
     unique constitue un atout dans les périodes de forte               poussent à resserrer nos liens, mais aussi il va de notre
     turbulence monétaire. La BCE, plus forte et disposant              intérêt mutuel d’intensifier notre collaboration éco-
     d’une plus grande marge de manœuvre qu’une                         nomique – surtout si la polarisation régionale du
     banque centrale nationale, est en effet mieux armée                monde s’accroît, du fait de la hausse du prix de
     pour gérer les crises.                                             l’énergie, donc du coût des transports. À cet égard, le
                                                                        projet que promeut le président de la République est
     S’agissant de l’euro, je veux être plus optimiste que les          aussi visionnaire que l’était le projet de Communauté
     experts de France 2025. Ceux-ci, dans le rapport                   européenne au sortir de la Deuxième Guerre mondiale.
     Europe-Mondialisation, évoquent trois scénarios pour               Il nous occupera nécessairement dans les décennies
     l’euro. J’en écarte deux : d’une part la contraction de            qui viennent.
     la zone euro autour d’un nombre restreint de pays,
     d’autre part l’éclatement. Je retiendrai plutôt le scé-
     nario d’élargissement aux nouveaux États membres,                  Agir grâce aux normes
     au Danemark et à la Suède. J’irai même plus loin en
     avançant que, d’ici à 2025, la Grande-Bretagne                     Quoi de plus aride et abstrait que les normes, qui
     pourrait avoir renoncé, elle aussi, à sa clause d’opt-out.         définissent à la fois les protocoles de communication
                                                                        entre équipements électroniques, les procédures
     L’Union européenne constitue une force. Nous l’avons               comptables, le niveau de solvabilité des banques ou
     vu pendant la crise : non seulement les États euro-                encore les conditions à remplir pour mettre un véhi-
     péens ont été capables de trouver une réponse                      cule sur les routes européennes ? Et pourtant, si l’impor-
     européenne coordonnée, mais ils ont également su                   tance de l’euro et de l’Europe est souvent soulignée,
     influencer la décision mondiale, en plaidant pour la               celle des normes ne l’est pas assez. Or l’Europe ne peut
     réunion d’un G20 en novembre, suivie par une nou-                  pas exercer son influence comme une puissance
     velle réunion au premier trimestre 2009. Par ailleurs,             traditionnelle, car elle constitue une sorte de “soft
     malgré les soubresauts qui l’agitent parfois, il faut se           power” qui ne dispose pas de tous les attributs de la
     souvenir que l’Europe constitue la bonne échelle pour              puissance. Elle doit donc exercer son influence par la
     mener certaines politiques, telles que la recherche. À             persuasion, par l’exemple, par la raison et par les
     cet égard, je pense que, d’ici à 2025, une “bifurcation”           normes applicables au marché intérieur.
     essentielle résidera dans notre capacité à augmenter
     le budget communautaire dans des proportions signi-                Dans tous les scénarios élaborés par les groupes de
     ficatives en faveur des dépenses d’investissement                  travail de France 2025, l’Europe restera, comme
     dans l’avenir.                                                     aujourd’hui, la première zone du monde en termes de
                                                                        débouchés commerciaux. De fait, elle dispose des
     L’Union européenne me semble préférable à un                       moyens d’exercer une influence forte, si elle sait tirer
     concept plus vague d’Europe. Malgré des difficultés à              parti de la dimension stratégique de tout ce qui a trait
     réformer les institutions, le dispositif décisionnel de            à la norme.
     l’Union fonctionne ; il se caractérise d’ailleurs par un
     rôle grandissant du Parlement européen. Nous ne                    Déjà aujourd’hui, l’influence de l’Europe s’exerce par
     gagnerions rien à doublonner l’Union d’une autre                   son pouvoir normatif. L’UE s’impose même des
     structure au lieu de chercher à tirer le meilleur parti            normes plus contraignantes que ses compétiteurs




10
D   I   X     D   É   F   I   S   P   O   U    R      L   A    F   R   A   N   C   E




dans un certain nombre de domaines. Par exemple,                          qui s’implantent en Asie “utilisent leur capacité de
elle se fixe des objectifs draconiens en matière d’émis-                  lobbying auprès du gouvernement américain, des
sion de gaz à effet de serre ou en matière de part des                    institutions internationales et des gouvernements
énergies renouvelables dans le bouquet énergétique.                       locaux pour (…) imposer des normes ou des standards
En première analyse, il est tentant de dire que l’Europe                  qui leur sont favorables”.
s’impose des handicaps dans la course vis-à-vis du
reste du monde.
Et pourtant, n’est-elle pas en train de fixer des normes
réglementaires que les autres pays devront reprendre
                                                                          Le défi du développement
à leur compte à plus ou moins brève échéance ? Ne
contribue-t-elle pas à faire évoluer les préférences
                                                                          durable
collectives à l’échelle de la planète ? Pour prendre un
exemple, la réglementation dite “Reach”, en matière                       “Le temps du monde fini commence”, avertissait Paul
d’enregistrement des substances chimiques dange-                          Valéry. Cette prophétie semble devoir se vérifier en ce
reuses pour la santé humaine, constitue certes une                        qui concerne le climat et notre accès aux ressources
contrainte pour l’industrie chimique européenne. Mais                     énergétiques. Pour que la croissance ne bute pas,
elle se répercute aussi sur l’ensemble de nos four-                       d’une part sur les effets possibles du réchauffement
nisseurs. Elle aboutit donc à incorporer davantage les                    climatique, d’autre part sur une pénurie d’énergie, il
préoccupations de santé humaine dans le commerce                          nous faut dès aujourd’hui nous fixer un cap clair au
international et dans la production mondiale. Il faut                     niveau national et peser les décisions au niveau
donc le constater : la norme européenne se diffuse.                       mondial.
L’Europe doit également influencer la production de
normes réglementaires au niveau international, qu’il                      La donne qu’il faut anticiper
s’agisse des normes commerciales ou environnemen-
tales. Elle doit participer aux enceintes multilatérales,                 Sans surprise, les deux principaux défis qui devront
non pas avec une vision abstraite et désincarnée de                       être relevés sont celui de la maîtrise du changement
l’économie, mais en ayant des visées stratégiques, à                      climatique et celui de l’approvisionnement en énergie.
l’instar des pays qui émergent sur l’échiquier mondial.
Dans ces conditions, elle ne doit pas hésiter, par                        Le changement climatique
exemple, à donner corps au principe de réciprocité.
Il n’y a pas que par l’intermédiaire de l’Union que la                    Certes, à l’heure actuelle, notre connaissance des
France peut espérer une influence normative utile.                        effets du réchauffement climatique continue de
Elle doit aussi participer sans relâche, et de façon                      progresser. Mais certains faits sont clairement établis :
coordonnée, aux enceintes internationales (colloques                      d’après la plupart des experts, une élévation de la
ou organisations internationales comme l’OCDE) où                         température, de 3 ou 4 degrés, pourrait avoir des
s’élabore, lentement mais sûrement, le paysage qui                        conséquences lourdes. Au-delà d’un certain seuil,
influencera la production ultérieure de normes.                           l’écosystème émettra du CO2 au lieu d’en absorber. La
                                                                          quantification de ces effets, et de leur impact sur la
La norme réglementaire n’est pas la seule à compter.                      croissance, est malaisée. Elle a néanmoins été tentée
Il faut également être en mesure d’influencer la                          par le rapport Stern, qui en tire la conclusion qu’il faut
norme technique, lorsqu’elle est stratégique. L’Europe                    agir sans tarder : il faut faire en sorte, dès maintenant,
compte à son actif quelques belles réalisations en la                     d’éviter le réchauffement.
matière, comme celle de la norme GSM dont le déve-
loppement précoce a permis aux industriels européens                      La transformation (redoutée) du climat ferait naître de
de télécommunications de prendre un peu d’avance                          nouveaux risques. Les travaux de France 2025 mettent
dans la compétition mondiale. Cet effort doit être                        ainsi en avant la recrudescence de maladies infec-
amplifié, car nos concurrents ont réalisé l’importance                    tieuses, ou la possibilité de devoir faire face à des
de la normalisation technique. Ainsi, comme le cons-                      phénomènes migratoires de grande ampleur (appari-
tate un ouvrage récent4, les entreprises américaines                      tion de véritables “réfugiés climatiques”5). Au total, le


4
    La Présence économique européenne en Asie du Sud-Est, Guy Faure et David Hoyrup, éditions Les Indes savantes, 2008.
5
    Il s’agit des populations forcées d’émigrer en raison des effets du changement climatique, tels que l’élévation du niveau des eaux ou
    de la température.


                                                                                                                                            11
D   I   X   D   É   F   I   S   P   O   U    R        L   A    F   R   A   N   C   E




     groupe “Risques et protection” estime que, dans les               D’abord, à court terme, elle peut pousser certains
     pays OCDE à hauts revenus, jusqu’à 5 % des coûts de               importateurs à accroître leur production d’électricité
     santé pourraient être attribués à l’environnement (hors           pour remplacer le pétrole par d’autres sources d’éner-
     milieu professionnel et comportements individuels)...             gie. Or de nombreux pays, comme la Chine, font un
                                                                       important usage du charbon dans leur production
                                                                       d’électricité, procédé très fortement émetteur de CO2.
     Un accès probablement plus difficile aux énergies
     fossiles                                                          Ensuite, la hausse du prix du pétrole entraîne de gra-
                                                                       ves répercussions sociales, plus sensibles pour les
     L’inégale répartition des gisements pétroliers, détenus           ménages à faible revenu (elle peut, par exemple,
     en majorité par l’Opep, l’instrumentalisation par les             affecter leur pouvoir d’achat ou leur mobilité
     pays producteurs de la tension entre la demande et les            géographique). Ceci complique la tâche des pays
     capacités de production, les risques de conflits géopo-           développés qui souhaiteraient remettre à plat leur
     litiques, ainsi que la volatilité des cours entravent             fiscalité environnementale dans le sens d’une plus
     l’exercice de prévision. Lorsque nous avons commencé              grande efficacité, par exemple en introduisant une
     l’exercice de prospective, le prix du baril était à               taxe carbone.
     150 dollars ; quelques mois après, il était descendu à
     40 dollars.                                                       Par l’action de l’Europe, tenter d’influencer
                                                                       les décisions mondiales
     Cependant, je retiens des travaux du groupe “Res-
     sources rares” que les tendances lourdes sont à la                L’initiative du marché communautaire d’échange de
     hausse des cours. Faire reposer tous nos espoirs sur              quotas d’émissions de CO2 a permis à l’Europe de
     l’abondance des énergies fossiles potentiellement                 devenir un acteur exemplaire de la lutte contre le
     disponibles ou la possibilité de prix durablement bas             réchauffement climatique, avec l’ambition affichée de
     serait un leurre. Dans l’absolu, ces ressources poten-            tenir le rôle de médiateur dans la négociation mon-
     tielles satisferaient les besoins mondiaux en pétrole et          diale. Un accord sur la réduction des gaz à effet de
     en gaz pour plusieurs générations, et en charbon pour             serre (GES), qui comprenne la Chine et les États-Unis,
     des centaines d’années. Dans les faits, elles ne nous             conditionne la possibilité de passer de cette initiative
     protégeront pas du risque de pénurie, si les investis-            locale à une lutte efficace car globale contre le
     sements pétroliers et gaziers restent insuffisants du             changement climatique.
     fait de prix trop bas.
                                                                       Seule région du monde où le Protocole de Kyoto a
                                                                       véritablement été mis en œuvre, l’UE met aujourd’hui
     Ce dont nous aurons besoin pour affronter ces défis               en avant la tenue de ses engagements à horizon 2012,
                                                                       et n’hésite pas à afficher des objectifs audacieux afin
                                                                       d’inciter les pays développés à la suivre sur cette voie :
     Ne pas considérer que le renchérissement                          en 2007, elle a résolu de réduire de 20 % ses
     tendanciel du pétrole et du gaz résout le problème                émissions de GES de 1990 à 2020 et elle a offert
     du changement climatique                                          d’aller jusque 30 % en cas d’accord international.
                                                                       Cette stratégie semble payante, comme l’a prouvé son
     La tentation existe de s’en remettre aux tendances                rôle décisif dans l’adoption par le G8 d’une réduction
     lourdes de l’offre et de la demande pour lutter contre            de moitié des émissions mondiales de GES à l’horizon
     le risque de réchauffement global. Faut-il espérer que            2050. Elle doit être poursuivie.
     l’élévation probable du pétrole et du gaz suffise à
     modifier nos comportements et à inciter la recherche-             Au niveau national, miser sur une utilisation
     développement, avec pour résultat de rendre la                    plus rationnelle de l’énergie et sur le progrès
     planète moins vorace en énergie ?                                 technologique
     Malheureusement non. L’élévation du prix de l’énergie
     sur les marchés ne doit pas être perçue comme une                 En France, la lutte contre le changement climatique et
     recette miracle pour répondre aux préoccupations                  la transition vers des énergies “décarbonées” repose-
     environnementales : si elle est susceptible de rendre le          ront sur quatre axes tracés par le Grenelle de l’Environ-
     consommateur plus économe, elle pose au moins                     nement :
     autant de problèmes qu’elle n’en résout.                           Q   l’utilisation de plus en plus rationnelle de l’énergie ;



12
D   I   X   D   É   F   I   S   P   O   U    R      L   A     F   R   A   N   C   E




 Q  un développement raisonné des énergies renou-
    velables ;                                                    Le défi de l’accomplissement
  Q la poursuite à un rythme adapté de la politique
    électronucléaire ;                                            personnel au travail
  Q le renforcement des actions de recherche et de
    formation aux métiers de l’énergie.                           La France de 2025 sera insérée dans la mondialisation,
Quel que soit le contexte mondial (accord interna-                quels que soient les traits que celle-ci aura pris d’ici là :
tional sur la limitation des gaz à effet de serre obtenu          mondialisation régulée ou instable, régionalisation
ou non), la France devra progresser selon ces quatre              plus ou moins marquée. Nous ne pourrons la mettre
axes. Les objectifs devront se décliner différemment              en ordre de marche pour conquérir des marchés que si
selon les secteurs, les gisements de réduction les plus           les citoyens ne sont pas sacrifiés sur l’autel de la
importants résidant dans le transport et dans le bâti-            compétitivité. C’est pourquoi il faut concilier perfor-
ment.                                                             mance des entreprises et accomplissement individuel.

Dans le secteur des transports, les axes les plus
porteurs apparaissent être le développement des                   La donne qu’il faut anticiper
modes alternatifs à la route, la diffusion des véhicules
électriques, mais aussi les améliorations des moteurs             Un besoin plus grand de flexibilité et de réactivité
thermiques classiques. Dans le bâtiment, des progrès
technologiques dans le chauffage et l’isolation seront
                                                                  Il faut s’attendre à ce que la production française soit
nécessaires.
                                                                  davantage “pilotée par l’aval”, c’est-à-dire tirée par
À l’horizon 2020 et au-delà, le bouquet énergétique               les besoins des consommateurs, les distributeurs de-
national devra être réorienté en faveur du dévelop-               venant une interface clé entre les attentes des
pement des énergies renouvelables, de la poursuite du             ménages et les produits qui leur sont proposés, jouant
nucléaire et de la réduction au minimum de la pro-                ainsi un rôle toujours plus central d’intégrateurs.
duction d’électricité à partir de fioul, de gaz ou de
                                                                  La chaîne de production devra donc, pour être
charbon – sauf à inventer des procédés nouveaux de
                                                                  compétitive, être plus souple et plus réactive. Elle
capture du CO2 émis par les énergies fossiles.
                                                                  devra s’adapter aux besoins de consommateurs qui
La filière nucléaire s’est en effet imposée au fil des            feront une place croissante à la santé et au bien-être
années comme un levier indispensable afin de conci-               rechercheront des “solutions” de consommation,
lier indépendance énergétique, satisfaction de la                 davantage que de simples produits. Par exemple, les
demande et moindres émissions. La production nu-                  consommateurs ne demanderont pas simplement une
cléaire mondiale pourrait ainsi augmenter de plus de              voiture, mais ils souhaiteront que l’on mette à leur
70 % dans les 20 ans à venir. Pionnière dans ce                   disposition un “package” qui comprenne, selon les cas,
domaine, la France doit accentuer ses efforts de re-              un véhicule, loué ou acheté, son assurance, des
cherche pour mettre au point les réacteurs de 4e géné-            prestations d’entretien et de réparation, voire pour les
ration ainsi que la gestion des déchets radioactifs de            véhicules électriques, le changement rapide des
haute activité à vie longue.                                      batteries.
                                                                  Des gains de productivité majeurs sont par ailleurs
Repenser nos villes                                               envisageables dans les services aux particuliers, la
                                                                  santé, le commerce ou les transports. Ils seront
Pour consommer moins d’énergie et émettre moins de                alimentés par une plus grande utilisation de la
gaz à effet de serre, il sera également nécessaire de             technologie : tous les services deviendront de plus en
repenser un cadre de vie urbain trop souvent conçu                plus utilisateurs de technologies de l’information et de
autour du véhicule individuel. Il est possible que cette          la communication, notamment l’éducation et la santé.
nouvelle donne conduise à la création de “nouvelles               L’utilisation de ces technologies s’intensifiera, et
villes nouvelles”. Il est également probable que la               permettra de créer de nouveaux modes de fourniture
“décarbonation” de notre économie induise un besoin               des services à distance.
de renouvellement des villes existantes.
                                                                  Enfin, les consommateurs s’habituent à une économie
                                                                  du “sur mesure”, qui leur permettra d’adapter à leur
                                                                  mode de consommation certains produits ou services.



                                                                                                                                  13
D   I   X   D   É   F   I   S   P   O   U    R     L   A    F   R   A   N   C   E




     Un besoin d’accomplissement par le travail                        Le développement du cumul emploi-études peut
                                                                       permettre à la fois d’augmenter le taux d’emploi des
     Ces nouveaux besoins de productivité et de souplesse              jeunes et d’améliorer leur insertion sur le marché du
     peuvent devenir une source de pression considérable               travail. Concernant les seniors, leur maintien dans
     si nous n’y prenons pas garde. Le pire scénario serait            l’emploi pourrait être favorisé par une politique active
     en effet celui dans lequel les besoins de réactivité et           de l’emploi (accompagnement ciblé, lutte contre la
     de souplesse des entreprises se réaliseraient au seul             discrimination, formation…), la disparition des clauses
     détriment de la qualité d’emploi des salariés. Pour               “couperet” en matière d’âge de départ à la retraite et
     éviter ce “scénario noir”, il faudra inventer de nou-             une plus grande flexibilité du cumul emploi/retraite.
     velles organisations, et de nouvelles relations sociales,
                                                                       Des jeunes jusqu’aux seniors, le groupe “Vivre
     et suivre l’exemple des pays qui ont su atteindre cette
                                                                       ensemble” avance l’idée d’une “déchronologisation”
     réactivité autrement qu’en précarisant leurs salariés.
                                                                       régulée des parcours de vie, c’est-à-dire, le fait de
     La France est-elle organisée actuellement d’une façon             rendre possibles le cumul emploi-formation à tout
     qui lui permette d’inventer ces nouveaux modes                    âge et la formation tout au long de la vie. Outre sa
     d’organisation ? Rien n’est moins sûr : les analyses              capacité d’adaptation, cette solution aurait pour
     contenues dans le rapport “Production et emploi”                  avantage de réduire le coût des accidents ou ruptures
     montrent que, pour ce qui concerne le marché du                   dans la trajectoire de vie (perte d’emploi, période
     travail, la France se caractérise par une faible coopé-           d’inactivité), qui deviendraient à la fois des périodes
     ration entre dirigeants et employés et, au total, par             de formation et de recherche active d’emploi.
     des relations marquées par la défiance. À moins que
                                                                       Pour aller vers cet objectif, force est de constater que
     nous ne sachions l’inverser d’ici à 2025, cette
                                                                       les différentes organisations contribuant à la forma-
     situation ne va pas favoriser l’innovation sociale et
                                                                       tion des individus restent bien trop cloisonnées. L’une
     l’identification des solutions destinées à concilier
                                                                       des façons d’organiser ce décloisonnement pourrait
     qualité du travail et productivité.
                                                                       être d’agir en unifiant les fonctions “transverses” que
     Le scénario le plus pessimiste serait alors celui d’un            sont les fonctions de prospective sur les métiers,
     cercle vicieux dans lequel cette défiance empire les              d’orientation et d’évaluation des résultats des forma-
     difficultés sociales, qui viendront à leur tour alimenter         tions en termes d’employabilité.
     la défiance et distendre le lien employeur-salarié. Le
     scénario rose est celui d’une plus grande participation           Mobiliser les technologies de l’information
     des salariés à la résolution du difficile équilibre entre         et de la communication
     contraintes économiques (répondre à la demande) et
     désir légitime des salariés en matière de qualité et de           Le principal moteur de productivité des dernières
     stabilité de leur emploi.                                         années est lié à l’introduction des nouvelles techno-
                                                                       logies dans l’organisation des entreprises. Or nous
     Ce dont nous aurons besoin pour affronter ces défis               sommes loin d’en avoir exploité tous les bénéfices
                                                                       possibles dans tous les secteurs économiques. Ce
     L’investissement dans le capital humain et la mobi-               développement doit être global pour être efficace : les
     lisation des technologies de l’information constituent            entreprises ne peuvent développer leurs outils que si
     les moyens de concilier l’objectif de performance et              les réseaux à haut débit sont disponibles sur tout le
     celui d’accomplissement.                                          territoire, et si le plus grand nombre de nos conci-
                                                                       toyens est familier avec ces outils.
     Investir dans le capital humain tout au long                      C’est tout le sens des orientations du plan France
     de la vie                                                         Numérique 2012 pour le développement des réseaux,
                                                                       des contenus et des usages du numérique en France.
     Des progrès ont été accomplis ces dernières années                Outre les gains qui peuvent en être attendus en ma-
     tant dans la formation initiale (pour la tourner davan-           tière de productivité, on peut en attendre un effet sur
     tage vers la vie professionnelle) que dans la formation           l’organisation des relations au travail, les nouvelles
     continue (pour l’ouvrir à davantage de travailleurs,              technologies favorisant une gestion plus décentra-
     notamment par la validation des acquis de l’expé-                 lisée, qui repose sur l’autonomisation des employés et
     rience). Mais les parcours restent souvent bien trop              sur une participation active des salariés d’exécution à
     segmentés pour constituer un parcours de formation                l’amélioration des performances.
     tout au long de la vie.



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D   I   X   D   É   F   I   S   P   O   U    R     L   A     F   R   A   N   C   E




Donner plus de place à l’orientation
et à l’évaluation de la formation                                  Le défi de la compétitivité
Une économie qui évolue offre à chacun plus d’oppor-
tunité qu’une société organisée en “castes” immobiles,
                                                                   et de l’attractivité
mais son bon fonctionnement suppose un système
d’orientation d’excellente qualité – qui permette pré-             Nos ambitions sociales doivent être fortes pour 2025.
cisément d’aider chacun à trouver sa place, compte                 Mais elles ne pourront être compatibles avec une
tenu des nombreuses évolutions que peut connaître                  hausse de notre pouvoir d’achat que si nous savons
l’économie.                                                        rester suffisamment compétitifs. Cela impliquera des
                                                                   politiques déterminées quant à l’insertion de notre
Le rôle de l’orientation sera d’autant plus important que          économie dans les échanges internationaux.
nous devrons nous adapter à des évolutions rapides, et
les analyses de France 2025 confirment une nécessité :
engager une réflexion afin de définir les contours du
                                                                   La donne qu’il faut anticiper
système d’orientation qui nous permettra demain de
répondre à ce besoin. Plus que la question de la                   Des débouchés nouveaux à saisir à l’exportation
sélection, c’est en effet la question de l’orientation qui
sera le grand défi de notre système de formation.                  Les scénarios de France 2025 anticipent tous un
L’une des façons d’aborder la question pourrait être               rattrapage des pays émergents en termes de richesse
une étude sur l’opportunité d’une agence chargée de                nationale. En 2025, l’ensemble composé par le Brésil,
l’orientation professionnelle, et de l’évaluation des per-         la Russie, l’Inde et la Chine sera passé devant le Japon.
formances des formations en termes d’accès à l’emploi,             Par ailleurs, de nouveaux émergents vont apparaître,
dont le champ de compétence couvrirait la formation                comme le Mexique, la Turquie, l’Indonésie et le Vietnam.
initiale comme la formation continue.                              La croissance de la richesse des citoyens de ces pays
                                                                   suivra une tendance similaire. Dans ces conditions, la
Réussir le défi de la diversité                                    taille de la “classe moyenne” (entendue comme la
                                                                   classe de population bénéficiant d’un revenu annuel
Malgré les efforts réalisés récemment, des progrès                 situé entre 6 000 et 30 000 dollars et qui a accès à la
restent nécessaires pour donner à chacun les mêmes                 majorité des biens de grande consommation) va
chances dans la vie politique, dans l’entreprise ou                croître formidablement. Ainsi, d’après la Banque
dans la société civile – hommes, femmes, minorités                 mondiale, la classe moyenne globale triplerait dans les
visibles ou invisibles, handicapés... En plus d’être un            pays émergents d’ici à 2030, et atteindrait alors 30 %
impératif moral, cet effort d’intégration sera                     de la population pour l’ensemble des pays du monde.
nécessaire pour répondre au défi du vieillissement et
de la réduction de la population active.                           Cette perspective pose, dès aujourd’hui, la question de
                                                                   l’adaptation de notre système productif. Comment
Pour traiter et prévenir les phénomènes de                         profiter de cette opportunité en termes de débouchés ?
ségrégation sociale et territoriale des populations                La France manque en effet de grosses PME (entre
immigrées, il faudra de plus en plus combiner une                  100 et 250 salariés) et d’entreprises de tailles inter-
politique d’immigration choisie, fondée sur une                    médiaires (entre 250 et 500 salariés). Cela affecte
estimation réaliste de nos besoins et nos capacités                notre performance globale à l’exportation. Les PME,
d’accueil, et une action volontariste de désen-                    qui sont relativement petites en France, représentent
clavement et d’intégration positive des populations en             80 % des entreprises exportatrices, mais seulement
difficultés (elle passe par l’ouverture du marché du               15 % du montant des exportations. Or le nombre de
travail, la promotion de l’identité nationale à travers            PME qui exportent est en France insuffisant.
la langue française et l’assimilation des principes
républicains).




                                                                                                                               15
D   I   X     D   É   F   I   S    P   O   U    R      L   A    F   R   A   N   C   E




     Une plus grande difficulté à attirer les capitaux                          Certes, la localisation des sièges et des centres de
                                                                                recherche n’est pas neutre : il sera toujours préférable
     À l’heure actuelle, notre pays est parmi ceux qui                          pour une entreprise de disposer, à prix équivalent, d’un
     attirent le plus d’investissements directs étrangers                       site de production à proximité de son siège. De la
     (IDE). Depuis dix ans, sa place oscille entre le 3e et le                  même façon, il restera utile de pouvoir disposer de
     5e rang mondial en termes de flux entrants d’inves-                        sites de production proches du marché visé, pour
     tissements directs. Certes, cette performance est à                        gagner en réactivité ou adapter les produits aux
     relativiser par les sorties nettes de capitaux, mais ces                   besoins locaux. Mais cette “préférence pour la
     dernières s’expliquent notamment par des politiques                        proximité” ne joue que jusqu’à un certain écart de
     de conquête de nos entreprises.                                            coût : au-delà, il sera plus rentable de délocaliser la
                                                                                production. En fonction de l’évolution des coûts du
     Or, dans les années à venir, la France pourrait, comme                     transport, certains produits réalisés à l’étranger
     la plupart des pays de l’OCDE, éprouver de plus                            pourraient être “relocalisés”. À l’inverse, dans certaines
     grandes difficultés pour attirer les capitaux. Comme le                    activités (produits légers, peu encombrants et
     remarque le groupe “Europe-Mondialisation”, les flux                       pouvant être transportés sans dégâts coûteux) la
     de capitaux devraient s’orienter davantage vers les                        “préférence pour la proximité” pourrait évoluer à la
     pays émergents. Non seulement ces derniers offriront                       baisse. Si nous voulons viser une place en tête de la
     de meilleures perspectives qu’aujourd’hui en termes                        compétition mondiale, nous devrons tenir compte de
     de rentabilité, mais ils auront également développé                        ces deux possibilités.
     leur système financier et leur autonomie financière.
                                                                                Cette réflexion est également susceptible de toucher
     Au total, nous courrons le risque de voir se réduire notre                 au moins en partie le service public. En effet, les pays
     capacité à accompagner des projets adressés au                             sont de plus en plus fréquemment mis en concurrence
     marché français, dès lors que ces derniers seront en                       par les entreprises qui souhaitent s’implanter en Europe,
     concurrence pour leur financement avec des projets des                     et ce choix prend en compte le rapport qualité/prix
     pays émergents, offrant à la fois plus de perspectives et                  des services publics, par exemple celui des infras-
     plus de proximité avec les pays qui disposent d’une                        tructures, de la couverture sociale et la qualité de la
     démographie qui leur permettra de générer une épargne                      formation des salariés au regard des prélèvements qui
     abondante.                                                                 la financent.

     Une nécessaire insertion dans la “chaîne de valeur                         Ce dont nous aurons besoin pour affronter ces défis
     mondiale”

     Au sein des pays développés, la compétitivité des                          Favoriser la croissance des PME
     entreprises provient de moins en moins de la capacité
     à disposer d’un avantage “absolu” (par exemple, un coût                    Le nouveau tissu productif devrait comporter davan-
     du travail plus bas ou l’accès à des matières pre-                         tage de grosses PME (autour de 250 salariés) indé-
     mières) que de la capacité à imaginer un produit                           pendantes. La carence actuelle de cette catégorie
     répondant à un besoin nouveau ou mal servi par la                          d’entreprises semble en effet liée au retard français en
     concurrence, et à le produire en identifiant les parte-                    matière d’innovation et d’exportation. Mais pour leur
     naires mondiaux capables d’en réaliser les différentes                     permettre de se développer en dehors des groupes
     composantes dans les meilleures conditions. En bref,                       existants, il est prioritaire d’agir, en mobilisant les
     pour bien exporter, il faut savoir bien importer. Ignorer                  leviers6 qui ont déjà été soulignés dans les nombreux
     cette logique, c’est se condamner à avoir de bonnes                        rapports consacrés à cette question. La création récente
     idées, mais à les voir exploitées par des concurrents                      du Fonds d’investissement stratégique devrait égale-
     plus compétitifs.                                                          ment contribuer à l’émergence de ces grosses PME.




     6
         Il s’agit notamment des questions de délais de paiement, d’accès au financement (et indirectement du droit des créanciers), de l’accès
         aux différentes formes de fonds propres ainsi qu’aux marchés financiers adaptés aux valeurs de croissance. Une autre piste réside dans
         notre système de prélèvement, qui donne une place relative plus forte aux prélèvements “avant chiffre d’affaires” (cotisations sociales
         notamment) qu’aux prélèvements sur la consommation ou sur le résultat des entreprises.




16
D   I   X     D   É   F   I   S    P   O   U    R     L   A     F   R   A   N   C   E




Veiller à l’attractivité de la France                                      Cette caractéristique a des conséquences à la fois
                                                                           injustes et inefficaces. Injustes, car ceux qui sont
Certaines mesures fiscales, sans remettre en cause le                      frappés par le chômage pour des raisons qui relèvent
souci d’équité, peuvent améliorer l’attractivité de la                     de causes collectives (modification de la compétitivité
France. Ainsi, en matière d’impôt sur les sociétés,                        nationale, évolution de la demande, progrès tech-
l’idéal serait d’aboutir, au niveau européen, à une har-                   nique) en payeront fortement et durablement le prix.
monisation des bases, voire à une certaine conver-                         Inefficaces, car les entreprises les plus compétitives à
gence des taux. Cela éviterait que les États membres                       l’échelle mondiale sont celles qui peuvent organiser
de l’Union ne se livrent au dumping fiscal et social.                      leur “chaîne de valeur”, en répartissant les différentes
                                                                           productions dans les pays les plus productifs. Or la
À supposer que ce dossier n’avance pas, la France                          caractéristique de notre système social nous entraîne
pourrait trouver avantage à modifier certains traits de                    dans un cercle vicieux : se résigner à perdre en
sa fiscalité. Toujours en matière d’impôt sur les socié-                   compétitivité pour éviter des pertes d’emploi, cette
tés, elle affiche en effet des taux élevés… mais qui                       perte de compétitivité détruisant à son tour d’autres
s’appliquent sur une base plus étroite que dans bien                       emplois, ou évitant leur création ailleurs, et rendant à
d’autres pays ! Si bien que les taux effectifs de la                       terme insoutenable notre système social.
France ne sont souvent pas significativement supé-
rieurs à la moyenne, malgré l’affichage de taux appa-                      Faut-il nous résigner à choisir entre ignorer la détresse
rents élevés.                                                              de ceux qui perdent leur emploi par suite de cette
                                                                           recherche de compétitivité, ou renoncer à ce que la
La France doit également se montrer capable de                             France soit compétitive dans les secteurs ouverts à la
convaincre les investisseurs potentiels qu’elle pré-                       concurrence ? La réponse est négative : il a été
sente un haut degré de sécurité juridique. Alors que le                    démontré8 qu’un modèle social très protecteur pour
régime des investissements étrangers en France est                         les personnes et ne laissant personne de côté peut
l’un des plus sûrs du monde, nous pâtissons parfois                        constituer un avantage compétitif dans la concur-
d’une mauvaise image.                                                      rence mondiale, dès lors que sa générosité est dyna-
                                                                           mique, c’est-à-dire qu’elle vise à aider chacun à iden-
Plus généralement, la question de la compétitivité
                                                                           tifier l’emploi qui lui est le plus adapté compte tenu
mériterait d’être abordée dans le cadre d’une réflexion
                                                                           du contexte économique.
globale. En effet, y contribuent notamment les prélè-
vements (fiscaux et sociaux), les prestations (services                    Autrement dit, nous mettons des moyens considé-
publics, ou assurances sociales qu’une entreprise                          rables pour lutter contre le chômage ou pour la
devra prendre en compte dans un pays qui ne dispose                        formation mais, bien que des évolutions considérables
pas de système obligatoire), les infrastructures (phy-                     aient été engagées, nous ne les mettons pas encore
siques ou numériques), le taux d’intérêt ou la taille du                   tout à fait au bon endroit. Dans le contexte social
marché local. Nous gagnerions à nous doter de                              difficile que connaît la France début 2009, il est plus
mesures de compétitivité “globale7”, permettant                            que jamais nécessaire d’accompagner l’évolution de
d’estimer le rapport coûts/bénéfices total d’implan-                       notre système de protection contre le risque de
tation et d’exploitation de sites en France, en compa-                     chômage vers un système dynamique centré sur le
raison de celui de pays similaires.                                        réemploi (c’est-à-dire donnant plus de place à l’orien-
                                                                           tation, à la formation, et à l’anticipation des besoins
                                                                           en emplois) dans les meilleures conditions possibles.
Augmenter fortement notre “taux de réemploi”
                                                                           Les évolutions qui sont actuellement engagées au
La principale raison qui empêche la France de se posi-                     travers de la création du Pôle Emploi doivent y contri-
tionner aussi bien que ses partenaires du nord de                          buer. Un pas important serait également de pouvoir
l’Europe dans la “chaîne de valeur mondiale” tient à la                    mesurer nos progrès dans ce domaine, en disposant
question du réemploi : une personne qui perd son                           d’une statistique régulière en matière de réemploi,
emploi dans notre pays connaît généralement de plus                        mesurant à la fois la vitesse à laquelle un salarié qui
grandes difficultés à sortir du chômage que chez la                        perd son emploi en retrouve un, et la qualité de cet
plupart de nos partenaires économiques.                                    emploi.


7
    Un exemple de méthodologie pourrait être celui retenu dans l’étude “Choix concurrentiels” (www.choixconcurrentiels.com).
8
    “Globalisation, a european perspective” (John Sutton, “Global Europe, Social Europe”, publié par Polity, 2006)
    “Réduction du chômage : des réussites en Europe” (Jean-Paul Fitoussi, Olivier Passet et Jacques Freyssinet, Conseil d’analyse
    économique).

                                                                                                                                       17
D   I   X   D   É   F   I   S   P   O   U    R     L   A     F   R   A   N   C   E




                                                                           bonation” de l’économie, au vieillissement ou au
     Le défi de l’innovation                                               développement d’une classe moyenne mondiale avide
                                                                           de produits de grande consommation à prix acces-
     et de la “classe créative”                                            sibles – et une accélération de la capacité d’inno-
                                                                           vation liée à la poursuite du développement des
                                                                           nouvelles technologies (internet des objets, mise en
     La diffusion de la connaissance et de la technologie                  réseau des connaissances) ou au développement de la
     sera le principal moteur de la croissance de la                       “classe créative mondiale” (la poursuite de l’effort de
     productivité. Encore faut-il que la France ne soit pas                recherche des pays développés s’ajoutant au dévelop-
     seulement un lieu où l’on “consomme” de la connais-                   pement de la recherche des pays émergents, dans un
     sance, mais qu’elle reste un pays où l’on investisse                  contexte d’échange croissant entre chercheurs). En
     dans la recherche, l’innovation ou encore l’industrie.                d’autres termes, plus de besoins d’innovation vont
                                                                           coïncider avec plus de capacité à innover.
     La donne qu’il faut anticiper                                         Le développement de la logique de “chaîne de valeur
                                                                           mondiale” facilitera également la capacité des
                                                                           innovateurs à développer des produits de grande consom-
     Un net déplacement du centre de gravité mondial
                                                                           mation, en leur permettant de recourir à des entre-
                                                                           prises extérieures pour fabriquer ou vendre les
     Le centre de gravité du monde en termes de
                                                                           produits qu’ils ont conçus. Il y a quelques décennies,
     recherche-développement se déplacera fortement
                                                                           seuls de grands groupes auraient pu développer ce
     d’ici à 2025. La Chine et l’Inde pourraient alors repré-
                                                                           type de produits.
     senter environ 20 % de la recherche mondiale, soit
     plus du double du niveau actuel. Non seulement les                    Enfin, quatre grands domaines scientifiques seront le
     émergents consacreront davantage de moyens finan-                     socle de l’essentiel des activités d’innovation techno-
     ciers à la recherche, mais les entreprises multina-                   logique : environnement et énergie, nanotechnologies
     tionales y implanteront également de plus en plus de                  et nouveaux matériaux, sciences du vivant et biotech-
     centres de recherche, au détriment des “vieux pays”.                  nologies, technologies de l’information. De plus, des
     L’internationalisation des activités de recherche                     champs d’innovation particulièrement fertiles devraient
     pourra franchir de nouvelles étapes avec notamment                    apparaître aux points de rencontre entre ces diffé-
     le développement de la localisation des centres de                    rentes disciplines.
     recherche dans certains pays émergents, y compris
     dans les domaines les plus innovants.
                                                                           Le potentiel exceptionnel de l’économie numérique
     Il nous faut donc anticiper le déplacement du centre
     de gravité en matière de recherche, ainsi qu’une                      Les technologies de l’information et de la commu-
     polarisation au niveau mondial autour de certains                     nication, avec le développement de la téléphonie
     “clusters”, qui regrouperont dans une même zone                       mobile et de l’internet, en France, à la fin des années
     géographique les chercheurs et les industriels les                    1990, ont profondément bouleversé l’économie et la
     plus en pointe dans un même domaine. Nous ne                          société. Les mutations induites par cette révolution
     pourrons pas être passifs par rapport à ces évolutions :              numérique se poursuivront et s’accéléreront dans les
     si nous n’y prenons garde, ces tendances lourdes                      vingt prochaines années.
     risqueraient de marginaliser une France qui n’occupe-
                                                                           À l’horizon 2025, la disponibilité d’infrastructures très
     rait alors qu’une place moyenne en matière d’éco-
                                                                           haut débit9 de qualité sera la norme dans les pays
     nomie de la connaissance.
                                                                           développés. La fibre optique sera largement déployée,
                                                                           permettant à une majorité de foyers et d’entreprises
     De nouvelles innovations                                              d’être raccordés aux réseaux à très haut débit. Le
                                                                           développement de ces infrastructures décuplera le
     Les décennies à venir vont voir la rencontre entre une                débit disponible et révolutionnera les services et les
     évolution des besoins – notamment liée à la “décar-                   usages.



     9
         Les réseaux mobiles de 4G (WiMax mobile et LTE) seront massivement déployés, ceux de 5e génération permettront d’atteindre
         1 Gigabit par seconde contre aujourd’hui 384 kbit/s pour l’actuelle 3G.




18
D   I   X      D   É   F   I   S    P   O   U    R      L   A     F   R   A   N   C   E




Tout notre quotidien sera impacté : santé, éducation,                       Dans ce contexte, l’enjeu pour la collectivité sera préci-
travail, loisirs... Au domicile, la plupart des contenus                    sément de réussir à apprécier les risques pour choisir
seront diffusés en haute définition et en trois                             ceux qui doivent être assumés et ceux qu’il faut rejeter,
dimensions pour la TV. Ils seront également stockés et                      plutôt que de rechercher un illusoire “risque zéro”.
accessibles à la demande instantanément. La visio-
phonie en haute définition se généralisera, et permet-                      L’importance croissante de la “classe créative10”
tra par exemple au télétravail et à la télémédecine
(suivi des maladies chroniques, télédiagnostic, etc.) de                    Dans les décennies qui viennent, il est probable que
connaître un développement spectaculaire. Grâce aux                         nous connaîtrons à la fois une période d’innovation
technologies de radio identification (RFID) et à l’adop-                    sans précédent, de fortes évolutions de la demande
tion du protocole IPv6, les objets deviendront “intel-                      mondiale, ainsi que la nécessité de modifier nos
ligents” et pourront communiquer entre eux : un pro-                        modes de consommation d’énergie, d’intégrer une
duit surgelé pourra ainsi signaler sa composition (afin                     hausse du coût du transport, ou celle de répondre aux
d’améliorer l’équilibre alimentaire d’un repas ou de                        défis du vieillissement.
lutter contre les risques d’allergie), ou sa date de
péremption.                                                                 Dans ce cadre, l’avantage compétitif des nations
                                                                            tiendra de plus en plus à sa “classe créative”, c’est-à-
De même, chaque individu possédera sa propre “iden-                         dire tous ceux qui imaginent et réalisent les évolu-
tité numérique”, lui permettant aussi bien de voter, de                     tions de notre tissu économique et, plus largement, de
payer ses achats ou de gérer l’accès à son univers de                       notre société – chercheurs, créateurs d’entreprise,
données ou de services personnalisés. Cet accès                             chefs de projets publics ou privés.
passera de plus en plus via des serveurs informatiques
interconnectés (“cloud computing”), et non plus à                           Cette “classe créative” comprend également les
partir du seul ordinateur en local. Chaque infor-                           personnes en “recherche active d’emploi” c’est-à-dire
mation, chaque service pourra être accessible de                            celles qui, passant d’un emploi à un autre, accompa-
n’importe où, sans distinction entre réseaux fixes et                       gnent également l’évolution économique de notre
réseaux mobiles.                                                            pays. En effet, cent ouvriers peu qualifiés qui choi-
                                                                            sissent ou qui sont contraints de se former pour
Ainsi, après avoir transformé les échanges, puis les                        passer d’un secteur en déclin à un secteur d’avenir
contenus et les médias, les technologies numériques                         contribuent, collectivement, autant à la richesse de la
permettront l’émergence d’une multitude de services,                        France que le créateur d’une entreprise de même
d’usages, de modèles économiques, qui transforme-                           taille, ou que l’expert qui publie l’étude sur laquelle se
ront durablement notre appareil de production.                              fonde le précédent pour construire son projet.
Certains peuvent être imaginés aujourd’hui. La plupart
seront à inventer dans les décennies à venir.                               La “classe créative” traverse les nomenclatures qui
                                                                            séparent agriculture, industrie et services d’une part,
Un risque de “désenchantement du progrès”                                   et le secteur public du secteur privé d’autre part : quel
                                                                            que soit le secteur, quel que soit le métier, il est
Les études réalisées dans le cadre de France 2025 ont                       possible d’innover ou de faire mieux avec autant. Elle
mis en évidence une tendance prononcée au “désen-                           ne se limite pas au secteur des services, mais
chantement du progrès” : face aux innovations, nos                          comprend également tous ceux qui accompagnent les
concitoyens ont tendance à en surestimer les risques,                       évolutions de l’industrie, notamment s’agissant de la
et à en sous-estimer les bénéfices. Alors que l’histoire                    réduction des émissions de carbone, l’évolution des
montre que l’innovation est le premier facteur de                           produits ou le développement du véhicule du futur.
croissance sur le long terme, et qu’elle permet de venir                    Cette “classe” est rarement reconnue en tant que
à bout des prédictions les plus pessimistes, la France                      telle, cette “activité” étant généralement cachée par
donne parfois l’impression de considérer l’innovation                       les statistiques : une personne en recherche active
scientifique comme une source de risques plus que                           d’emploi sera considérée comme un “chômeur”, celle
comme une source de progrès.                                                qui prépare un projet de création d’entreprise sera
                                                                            selon les cas salariée, étudiante ou sans emploi.




10
     Cette classe est comprise dans une définition différente, et plus large que la “creative class” évoquée par R. Florida.



                                                                                                                                         19
D   I   X   D   É   F   I   S   P   O   U    R     L   A    F   R   A   N   C   E




     Ce dont nous aurons besoin pour affronter ces défis                Mieux valoriser la recherche

                                                                        Il s’agit d’abord de tirer parti de l’effort national de
     Une stratégie nationale de recherche                               recherche en lui donnant davantage de débouchés
     et d’innovation                                                    commerciaux. Pour ce faire, il convient de faciliter le
                                                                        passage entre la recherche fondamentale et ses appli-
     D’ici à 2025, nous connaîtrons une croissance de la                cations pratiques, notamment en intensifiant les
     demande de produits à forte intensité en nouvelles                 efforts pour accompagner les chercheurs qui souhai-
     technologies dans des domaines très variés : la santé,             tent s’orienter vers l’entreprise.
     l’alimentation, l’habitat... Cette évolution de la                 Un autre moyen serait de valoriser la recherche dans
     demande appellera à des évolutions de la recherche –               la formation. Il existe actuellement un clivage trop
     dans des limites qui respectent évidemment le temps                grand entre les grandes écoles formant des ingénieurs
     de la recherche, nécessairement long, et les contrain-             et les universités formant des docteurs. Quelles qu’en
     tes liées à son pilotage, qui ne saurait être totalement           soient les modalités précises – le rapprochement entre
     “mécaniste” : les plus grandes innovations se déve-                grandes écoles, universités et classes préparatoires
     loppent en dehors des chemins tracés à l’avance, à                 étant une voie, pas nécessairement unique –, il convient
     l’instar du langage HTML qui a permis le développe-                en effet de généraliser la “formation par la recherche”,
     ment du web, issu du Cern, organisation européenne                 afin d’augmenter sensiblement le nombre des cadres
     pour la recherche nucléaire, qui n’a jamais eu pour                dont la formation aura, à un moment ou un autre,
     mission de développer un tel langage !                             compris une phase de recherche, voire une thèse.
     À cet égard, il serait utile de pérenniser la démarche de          Enfin, la valorisation de la recherche passe également
     stratégie nationale de recherche et d’innovation enga-             par une plus grande démocratisation des enjeux de
     gée par le ministère de la Recherche et de l’Ensei-                recherche, de technologie et d’innovation. À cet
     gnement supérieur, en veillant à concilier la réactivité           égard, les efforts en faveur de l’acquisition d’un socle
     nécessaire aux besoins de l’industrie, et l’anticipation et        de connaissances sur les enjeux scientitiques pour
     la stabilité nécessaires aux projets de recherche.                 l’ensemble de la population française doivent être
                                                                        maintenus.
     Réussir la “France Numérique”
                                                                        Concentrer les efforts sur quelques pôles
     De la diffusion et de l’appropriation de ces techno-
     logies dépendra la compétitivité et la croissance                  Le groupe “Création, recherche et innovation”, partant
     future de notre pays. Cet avenir n’est cependant pas               du constat que la recherche se polarise au niveau
     acquis. Il dépendra de notre capacité à nous engager               mondial, suggère que les efforts au niveau national
     dès à présent, résolument, dans le développement de                soient plus concentrés. Dans la mesure où la compé-
     l’économie numérique. Il nous faut en particulier                  titivité de l’économie française reposera, en 2025, sur
     répondre à plusieurs enjeux critiques. En premier lieu,            une collaboration forte entre les acteurs de la
     il s’agit bien sûr de construire les réseaux de nouvelle           recherche et de l’innovation et la constitution de
     génération et de mobiliser à cette fin tous les                    “masses critiques”, il faudra probablement procéder à
     investissements nécessaires.                                       une recomposition du paysage français de la recher-
     Dans le même temps, l’accès de tous aux réseaux doit               che et de l’innovation, en donnant une place centrale
     s’accompagner d’un effort particulièrement important               à un nombre limité de clusters dont le rayonnement
     de lutte contre les fractures numériques, notamment                international permettra d’attirer talents, savoirs et
     en termes d’équipement et d’accompagnement des                     investissements.
     populations fragiles. Enfin, il s’agit de constituer des           Il conviendra sans doute alors de mieux hiérarchiser
     “écosystèmes” favorables à la production et à l’offre              l’effort public selon que les clusters ont, ou non,
     de contenus numériques, ainsi qu’à la multiplication               vocation à exercer une attraction internationale.
     des usages et des services numériques. Ces enjeux, au
     cœur du plan France numérique 2012, témoignent de
     la volonté du gouvernement de s’engager dans la
     révolution numérique et de placer, dès 2012, la France
     parmi les grandes nations dans ce domaine.




20
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France 2025 diagnostic stratégique diaporama 2009

  • 1. PREMIER MINISTRE SECRÉTARIAT D’ÉTAT CHARGÉ DE LA PROSPECTIVE, DE L’ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DU DÉVELOPPEMENT DE L ’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE ÉRIC BESSON JANVIER 2009 >>> Dix défis pour la France
  • 2. Sommaire Préambule....................................................................................................................... 3 I. Introduction ................................................................................................................. 5 Pour sortir de la crise : regarder loin........................................................................................................................................... 5 France 2025 : analyser les possibles, éclairer les choix........................................................................................................ 6 La France de 2025 face à ses défis .............................................................................................................................................. 6 II. Dix défis pour la France ........................................................................................................................................................... 7 1. Le défi de la stabilité dans le monde .................................................................................................................................. 7 2. Le défi de l’influence ................................................................................................................................................................. 9 3. Le défi du développement durable....................................................................................................................................... 11 4. Le défi de l’accomplissement personnel au travail ........................................................................................................ 13 5. Le défi de la compétitivité et de l’attractivité ................................................................................................................. 15 6. Le défi de l’innovation et de la “classe créative” ............................................................................................................ 18 7. Le défi de la solidarité............................................................................................................................................................... 21 8. Le défi de la démocratie et de la liberté individuelle.................................................................................................... 23 9. Le défi de l’insertion active dans la société...................................................................................................................... 25 10. Le défi du service public........................................................................................................................................................... 26 11. Derrière les dix défis : retrouver confiance dans l’avenir............................................................................................. 28 III. Conclusion ......................................................................................................................................................................................... 29 IV. Remerciements .............................................................................................................................................................................. 31 1
  • 3.
  • 5.
  • 6. Introduction l’actualité. Ce serait une erreur, au moins pour deux Pour sortir de la crise : raisons. regarder loin La première raison tient au fait que, le monde conti- nue d’évoluer sur des tendances de long terme que la crise affectera, mais sans les remettre en cause. Pour À partir de l’été 2007, le système financier mondial a ne citer que quelques exemples, la Chine passe connu une crise inédite dans l’histoire économique, imperceptiblement de la position “d’usine du monde” avec des pertes chiffrées en milliers de milliards de à celle de pôle d’excellence dans certains domaines de dollars pour l’ensemble des établissements financiers, recherche. Le réchauffement climatique progresse, et, des faillites bancaires évitées par une intervention dans le même temps, apparaissent les innovations qui publique vigoureuse, des révisions à la baisse massives nous permettront d’y répondre tout en améliorant de la croissance des principaux pays développés ou en notre vie quotidienne. La révolution numérique développement, ou encore des fluctuations sans continue d’offrir de nouvelles façons d’accéder à une précédent des prix des matières premières, le prix du masse croissante de connaissances et d’expertises, pétrole passant de 150 dollars à moins de 40 dollars d’échanger avec le monde entier, de travailler, ou de le baril en quelques mois. se distraire. Ces changements sont autant d’oppor- tunités, à condition toutefois que nous sachions les Au moment où cette crise commençait à produire ses anticiper. effets, en avril 2008, débutaient en France les travaux du diagnostic stratégique France 2025. Cet exercice a Deuxièmement, la crise que nous connaissons provient mobilisé plusieurs centaines de personnalités (parle- précisément de décisions de régulation prises il y a une mentaires, partenaires sociaux, experts, représentants vingtaine d’années. Elles n’ont eu aucune conséquence de la société civile…) rassemblées dans huit groupes de immédiate, mais leur impact vingt ans plus tard se travail et au sein d’une commission plénière, afin de chiffre en milliers de milliards d’euros. Cette crise nous tracer une “cartographie du futur”. Plus d’une centaine rappelle que les décisions publiques ne montrent de réunions de travail ou en commission plénière ont souvent leur plein effet que sur des temps longs. Qu’il eu lieu, un site internet dédié au débat a été créé afin s’agisse de recherche, d’éducation, de cohésion sociale d’accueillir des centaines de contributions d’inter- ou d’esprit d’entreprise, il sera impossible à tout nautes et des dizaines de messages vidéo de cher- gouvernement, quel qu’il soit, d’infléchir fortement et cheurs, de sociologues, d’économistes, de partenaires durablement le cours des choses sans se placer dans sociaux ou de responsables d’entreprise. une perspective de long terme. Il serait facile d’opposer la crise, qui appelle à des Il est, enfin, toujours difficile de choisir le moment actions immédiates, et la réflexion sur la France de pour regarder le long terme. Il peut sembler vain de 2025, qui vise au contraire à prendre du recul sur faire de la prospective en période de croissance forte 5
  • 7. D I X D É F I S P O U R L A F R A N C E lorsque la prolongation des tendances suffit à donner ter dans le futur pour distinguer, dès maintenant, un horizon sans nuage, aussi bien qu’en situation de comment la France peut se donner les moyens de crise, lorsque les besoins immédiats dominent rester influente dans un monde plus instable, de l’agenda public. Mais la vérité, c’est que la gestion protéger toujours plus efficacement ses citoyens publique impose à tout moment de gérer l’immédiat contre les accidents de la vie ou de concilier compéti- tout en anticipant l’avenir. Cette vérité n’est pas tivité internationale et épanouissement personnel nouvelle, et l’attention croissante donnée au dévelop- dans le travail. France 2025 n’a pas la prétention pement durable est là pour nous rappeler une d’être un itinéraire fléché des réformes. Mais en “impérieuse nécessité” : gérer les problèmes d’aujour- établissant la cartographie des futurs, il a l’ambition d’hui sans perdre de vue ceux des générations qui de constituer une sorte de “GPS de l’action publique”, nous succéderont. qui éclairera les choix possibles. France 2025 : analyser La France de 2025 les possibles, éclairer les choix face à ses défis C’est dans cette perspective que les travaux de France Sur la base des travaux conduits par les huit groupes 2025 ont poursuivi deux objectifs. D’une part, de travail et la commission plénière, je veux, dans ce anticiper les différents chemins d’évolution possibles rapport, tirer ce qui me paraît constituer les princi- que pourraient connaître l’écosystème planétaire, pales leçons de cet exercice de prospective. Au risque l’environnement international de la France, notre de me répéter, il ne s’agit pas de faire une liste de société, nos attentes individuelles ou les technologies réformes à décider dans les six mois, ni de prétendre dont nous disposerons. D’autre part, identifier les redécouvrir la nécessité (réelle) d’investir dans l’éco- principales bifurcations, les principales décisions qu’il nomie de la connaissance et d’être plus réactif dans la faudra prendre pour rester à la fois compétitifs et mondialisation. Il convient d’avoir une vision plus glo- solidaires. bale, à l’image de la diversité des domaines couverts par France 2025. Les travaux des groupes se sont déclinés sous forme de scénarios, construits sous l’entière responsabilité Mes réflexions sont structurées autour de dix défis. Il du président de chaque groupe : certains sont s’agit de défis, non de contraintes, ni même d’évolu- séduisants, d’autres peuvent étonner, d’autres enfin tions inéluctables, comme celle du vieillissement démo- pourront être jugés plus discutables. Ils doivent être graphique. Ces défis sont posés en termes d’objectifs. lus en gardant à l’esprit l’objectif des groupes : non Ce sont des objectifs que nous pouvons atteindre, ou pas produire un plan d’action à mettre en œuvre à côté desquels nous pouvons passer ; en fonction de demain par le gouvernement, mais susciter des débats notre réussite ou non face à chacun de ces défis, la utiles qui pourront éclairer des décisions futures. France que nous laisserons à nos enfants en 2025 sera très différente. Car c’est ainsi que France 2025 sera utile à la décision politique : non pas en livrant un “paquet” de mesures déjà ficelées, mais en nous permettant de nous proje- 6
  • 8. Dix défis pour la France Le même type de vision caractérise le rapport Une Le défi de la stabilité stratégie européenne pour la mondialisation2. Ce rapport souligne la “géopolitisation de la mondialisa- dans le monde tion”, qu’il illustre notamment par la question énergétique : “La localisation de la majeure partie des ressources énergétiques sur un arc de crise Par construction, l’exercice France 2025 s’est davan- géopolitique (Golfe persique, Asie centrale, Afrique du tage centré sur les questions économiques, sociales, Nord, Caucase, Afrique musulmane…) favorise les technologiques et environnementales que sur les gran- stratégies de puissance des pays producteurs qui des questions géostratégiques, ces dernières ayant été l’utilisent comme arme politique (Russie, Golfe, Iran, traitées dans le cadre du Livre blanc sur la défense et Venezuela, etc.), et le déploiement d’une intense la sécurité nationale1. Pourtant, il est rapidement “diplomatie énergétique” de la part des pays apparu que ces questions ne pouvaient être séparées consommateurs (Chine, États-Unis…) pesant sur les de celles traitées par les groupes de travail. cours mondiaux. Cette dramatisation des enjeux énergétiques constitue un signe avant-coureur de la La donne qu’il faut anticiper politisation croissante des stratégies économiques au niveau mondial…” Des logiques de puissance potentiellement en conflit Un système international plus complexe Certes, la mondialisation accroît les interdépendances Dans les scénarios élaborés par les groupes de travail, entre les États et les zones économiques du monde. notamment le groupe “Europe-Mondialisation”, en Elle est donc favorable à des dynamiques d’ouvertures 2025, les États-Unis auront perdu leur statut “d’hyper- et d’échanges. puissance”. En outre, du fait de la montée en puissance Cependant, quels que soient les scénarios étudiés par de nouveaux acteurs de la mondialisation (comme les groupes de travail de France 2025, il faut s’atten- l’Indonésie ou la Corée), le monde sera partagé entre dre à ce que les attributs traditionnels de puissance davantage de pôles d’influence autonomes (États ou continuent à jouer un rôle important. En clair, la groupes d’États) que ce n’est le cas en 2009. Il pour- mondialisation, même si elle met en concurrence les rait même être “non polaire”, c’est-à-dire “caractérisé États ou les zones économiques, ne les dissoudra pas. par des centres de pouvoir diffus, plus nombreux que Au contraire, il faut vraisemblablement anticiper un dans un système multipolaire classique et non exclu- développement de la “logique de puissance” de la sivement constitué d’États-Nations”. part de certaines zones, qui n’hésiteront pas à utiliser, quand elles le pourront, l’économie comme une arme. 1 Disponible sur http://www.livreblancdefenseetsecurite.gouv.fr. 2 Rapport issu du groupe présidé par Laurent Cohen-Tanugi. 7
  • 9. D I X D É F I S P O U R L A F R A N C E En effet, les acteurs non étatiques sont certainement gresser la paix et le dialogue entre les peuples partout appelés à prendre une importance croissante dans la où c’est nécessaire. C’est par exemple le sens de notre mondialisation. France 2025 distingue quelques types action au Proche-Orient. d’acteurs dont l’influence sera certainement grandis- sante : les ONG (organisations non gouvernementales) Ainsi, la France ne doit se désintéresser d’aucune des dont notamment les mouvements de consommateurs zones de la planète, même de celles où elle ne semble ou les organisations syndicales internationales, ainsi avoir aucun intérêt d’un strict point de vue écono- que des acteurs privés dont le poids financier dépasse mique. Elle doit se comporter en émissaire du dialo- celui de certains États. gue entre les peuples et entre les cultures. Mais les groupes appelés à se développer ne seront La prise de conscience de la nécessité pas tous armés des meilleures intentions. Certains (à d’une régulation au niveau mondial visée terroriste, par exemple) risquent de contribuer à rendre la mondialisation plus conflictuelle. Il est pos- Certes, un monde plus éclaté risque d’être plus ins- sible également que l’on assiste à la poursuite de la table. Mais, précisément, dans la mesure où toutes les mondialisation du crime organisé. grandes nations prennent conscience de ce risque, elles pourraient mieux mesurer l’importance de la L’enjeu des migrations coopération. La proximité géographique restera le déterminant Ainsi, l’idée d’une nécessaire régulation mondiale majeur des flux migratoires, plus encore que les liens progresse. Les responsables politiques et économiques historiques et culturels. En Europe, on devrait observer autour de la planète réalisent que, sans régulation, le un accroissement des flux migratoires en provenance monde n’est pas à l’abri des crises et de leur contagion d’Europe de l’Est. Il s’accompagnera d’une montée en mondiale. Dans l’onde de choc de la crise des sub- puissance de la migration asiatique, moins importante primes, tout le monde a compris que le secteur ban- numériquement en France et en Europe, mais dont le caire ne peut, seul, s’autoréguler efficacement. Tout le poids mondial continuera de s’accroître dans les 20 monde a constaté que, sans régulation, la finance prochaines années. Il faudra compter avec le double pouvait bâtir des châteaux de cartes qui, lorsqu’ils effet des migrations sur les pays d’accueil et les pays s’écroulent, amènent au bord de la banqueroute des de départ : elles peuvent avoir, sous certaines pays dont la réussite faisait envie. conditions, un impact positif sur la croissance, mais Le monde semble prendre aujourd’hui conscience du elles posent aussi d’importants défis au regard de la fait que la capacité à mettre au point une gestion plus cohésion sociale. Il est clair que les mouvements efficace des facteurs de crise systémique (qu’ils soient migratoires, dont le changement climatique et les financiers ou environnementaux) déterminera demain inégalités Nord-Sud pourraient renforcer l’ampleur, notre niveau de croissance. Si nous relevons correcte- seront un enjeu majeur dans les années à venir. Elles ment ce défi, non seulement l’activité sera plus exigeront une politique coordonnée au niveau soutenue, mais le monde pourra également réduire les européen. phases de contraction que nous traversons régulière- ment. Un des chiffrages réalisés dans le cadre de Ce dont nous aurons besoin pour affronter ces défis France 2025 l’illustre parfaitement : si la mondialisa- tion est régulée, la croissance annuelle sera supérieure à 3 % sur la période 2008-2025 ; si elle ne l’est pas, Une politique étrangère qui fasse mentir la croissance sera à peine supérieure à 2 %. Année la prophétie du “choc des civilisations” après année, ces rythmes différents créent des divergences considérables : en une génération, l’écart Selon Samuel Huntington, les grandes zones du de niveau de vie entre ces deux scénarios serait de monde sont appelées à se heurter dans ce qu’il appelle plus d’un tiers. le “choc des civilisations”. C’est ce scénario noir que la Ce n’est donc pas la “main invisible” du marché qui, France doit contribuer à faire mentir. seule, pourra nous conduire vers un futur souhaitable. Certes, le monde présente le risque, d’ici à 2025, de se Le monde a besoin de la décision politique et de complexifier et de se radicaliser. Pour autant, la politi- l’action des États. La position traditionnelle de la que étrangère d’un pays comme la France et l’action France est de militer, au niveau international, pour de l’Union européenne doivent s’intéresser à faire pro- l’amélioration de la gouvernance mondiale. Elle l’a fait 8
  • 10. D I X D É F I S P O U R L A F R A N C E en amont du G20 qui s’est tenu le 15 novembre 2008 ; La crise que nous traversons pourrait également ac- elle devra encore le faire d’ici à 2025. centuer le déplacement vers l’Est du centre de gravité du monde. Par exemple, aux États-Unis comme en La régulation sera d’autant mieux admise par tous Europe, il faut s’attendre, ces prochaines années, à qu’elle ne sera pas la production exclusive des puis- une importante hausse de la dette publique pour sances dominantes de la fin de la Seconde Guerre juguler les effets dépressifs de la crise. Il faudra donc mondiale. Pour assurer la stabilité économique du que les pays qui disposent de fortes réserves en monde, et donc sa stabilité politique, il faut que les devises (comme la Chine) continuent de financer les forums de négociation reflètent la nouvelle réparti- déficits publics américains. Certes, d’ici à 2025, ce tion mondiale de la puissance économique. La France déséquilibre peut s’atténuer ; il n’en reste pas moins doit continuer à militer pour que toutes les grandes que, d’un point de vue financier, l’Occident pourrait être instances du monde fassent l’objet d’un rééquilibrage, à court terme plus dépendant financièrement qu’il ne à l’instar de son action en amont de la réunion du G20 l’est aujourd’hui. Cette dépendance pourrait égale- de novembre 2008. ment s’accompagner d’une présence croissante de fonds souverains au capital des entreprises euro- péennes et américaines. Le défi de l’influence Une structuration du monde autour de grandes régions La France doit non seulement contribuer, par son action, à la stabilité du monde, mais elle doit aussi Dans ce monde plus éclaté, les travaux de France garder une influence forte au niveau international, 2025 tablent aussi sur un approfondissement du pro- influence qui épaulera la compétitivité de ses entre- cessus de régionalisation3, voire sur une possible prises. autonomisation des zones de croissance. Comme le souligne le rapport France 2025, “l’intégration régio- La donne qu’il faut anticiper nale ne s’oppose pas à la mondialisation, mais cons- titue soit une étape vers la mondialisation qui offre un cadre mieux adapté à l’exploitation des avantages L’évolution de la position relative de l’Europe comparatifs et à l’insertion ultérieure dans l’économie mondiale, soit une occasion de renforcer la compé- Même si l’Europe reste, d’après les scénarios des titivité nationale grâce à des économies d’échelle, à la groupes de travail, la première zone du monde en ter- mise en place d’infrastructures régionales et de moyens mes de PIB, elle verra son importance relative décliner. institutionnels et humains…” L’Union représente actuellement 30 % du PIB mon- dial. En 2025, dans le scénario de mondialisation ré- gulée, elle en représenterait 26 %. Dans le scénario de Le rôle des organisations non gouvernementales déséquilibre, elle en représenterait 28 %. Les organisations non gouvernementales jouent un rôle croissant, que ce soit sur les questions d’environ- La modification de la hiérarchie des nations nement ou en matière de défense des droits fonda- mentaux – la création en 2006 de la Confédération La montée en puissance de nouveaux acteurs de la syndicale internationale constituant une étape mondialisation se poursuivra, notamment en ce qui importante de cette évolution. D’autres champs concerne la place des grands émergents, Brésil, Russie, pourraient connaître une mondialisation de leur ac- Inde et Chine qui représenteront 40 % de la popu- tion, notamment les organisations qui œuvrent pour lation mondiale en 2025 et 17 % du PIB mondial. la défense des consommateurs : leur mondialisation À côté de ces territoires-continents, de nouveaux suivra logiquement celle des risques qu’elles visent à émergents, en particulier le Mexique, la Turquie et le contrôler. Vietnam, constitueront des locomotives plus régio- nales. Le destin de l’Afrique paraît aujourd’hui moins clairement tracé, mais il pourrait surprendre. 3 C’est-à-dire de construction de zones d’échanges privilégiés entre pays proches. 9
  • 11. D I X D É F I S P O U R L A F R A N C E Ce dont nous aurons besoin pour affronter ces défis de celle dont nous disposons déjà, ce qui serait d’ail- leurs incompréhensible pour les citoyens. Ceci n’empê- Comment, dans ce monde plus multipolaire, conserver che évidemment pas, comme le souligne le rapport une influence à l’échelle de la planète ? “Vivre ensemble”, de faire en sorte que l’Union euro- péenne soit davantage capable de définir des poli- tiques économiques. C’est dans ce cadre, que je Miser sur l’euro, l’Union européenne et l’Union comprends l’idée, proposée par le groupe “Vivre pour la Méditerranée ensemble” de “Communauté européenne de l’environ- nement, de l’énergie et de la recherche”. L’euro constitue une force. Les problèmes qu’a récemment rencontrés le Danemark, obligé d’aug- Par ailleurs, la France doit tenir un rôle moteur dans la menter ses taux pour défendre sa monnaie, au constitution de nouvelles zones de stabilité, comme moment où les conséquences de la crise des l’Union pour la Méditerranée. Tout milite en faveur subprimes plaidaient plutôt pour une détente d’une grande zone Europe-Méditerranée. Non seu- monétaire, nous rappellent à quel point la monnaie lement une histoire et une culture communes nous unique constitue un atout dans les périodes de forte poussent à resserrer nos liens, mais aussi il va de notre turbulence monétaire. La BCE, plus forte et disposant intérêt mutuel d’intensifier notre collaboration éco- d’une plus grande marge de manœuvre qu’une nomique – surtout si la polarisation régionale du banque centrale nationale, est en effet mieux armée monde s’accroît, du fait de la hausse du prix de pour gérer les crises. l’énergie, donc du coût des transports. À cet égard, le projet que promeut le président de la République est S’agissant de l’euro, je veux être plus optimiste que les aussi visionnaire que l’était le projet de Communauté experts de France 2025. Ceux-ci, dans le rapport européenne au sortir de la Deuxième Guerre mondiale. Europe-Mondialisation, évoquent trois scénarios pour Il nous occupera nécessairement dans les décennies l’euro. J’en écarte deux : d’une part la contraction de qui viennent. la zone euro autour d’un nombre restreint de pays, d’autre part l’éclatement. Je retiendrai plutôt le scé- nario d’élargissement aux nouveaux États membres, Agir grâce aux normes au Danemark et à la Suède. J’irai même plus loin en avançant que, d’ici à 2025, la Grande-Bretagne Quoi de plus aride et abstrait que les normes, qui pourrait avoir renoncé, elle aussi, à sa clause d’opt-out. définissent à la fois les protocoles de communication entre équipements électroniques, les procédures L’Union européenne constitue une force. Nous l’avons comptables, le niveau de solvabilité des banques ou vu pendant la crise : non seulement les États euro- encore les conditions à remplir pour mettre un véhi- péens ont été capables de trouver une réponse cule sur les routes européennes ? Et pourtant, si l’impor- européenne coordonnée, mais ils ont également su tance de l’euro et de l’Europe est souvent soulignée, influencer la décision mondiale, en plaidant pour la celle des normes ne l’est pas assez. Or l’Europe ne peut réunion d’un G20 en novembre, suivie par une nou- pas exercer son influence comme une puissance velle réunion au premier trimestre 2009. Par ailleurs, traditionnelle, car elle constitue une sorte de “soft malgré les soubresauts qui l’agitent parfois, il faut se power” qui ne dispose pas de tous les attributs de la souvenir que l’Europe constitue la bonne échelle pour puissance. Elle doit donc exercer son influence par la mener certaines politiques, telles que la recherche. À persuasion, par l’exemple, par la raison et par les cet égard, je pense que, d’ici à 2025, une “bifurcation” normes applicables au marché intérieur. essentielle résidera dans notre capacité à augmenter le budget communautaire dans des proportions signi- Dans tous les scénarios élaborés par les groupes de ficatives en faveur des dépenses d’investissement travail de France 2025, l’Europe restera, comme dans l’avenir. aujourd’hui, la première zone du monde en termes de débouchés commerciaux. De fait, elle dispose des L’Union européenne me semble préférable à un moyens d’exercer une influence forte, si elle sait tirer concept plus vague d’Europe. Malgré des difficultés à parti de la dimension stratégique de tout ce qui a trait réformer les institutions, le dispositif décisionnel de à la norme. l’Union fonctionne ; il se caractérise d’ailleurs par un rôle grandissant du Parlement européen. Nous ne Déjà aujourd’hui, l’influence de l’Europe s’exerce par gagnerions rien à doublonner l’Union d’une autre son pouvoir normatif. L’UE s’impose même des structure au lieu de chercher à tirer le meilleur parti normes plus contraignantes que ses compétiteurs 10
  • 12. D I X D É F I S P O U R L A F R A N C E dans un certain nombre de domaines. Par exemple, qui s’implantent en Asie “utilisent leur capacité de elle se fixe des objectifs draconiens en matière d’émis- lobbying auprès du gouvernement américain, des sion de gaz à effet de serre ou en matière de part des institutions internationales et des gouvernements énergies renouvelables dans le bouquet énergétique. locaux pour (…) imposer des normes ou des standards En première analyse, il est tentant de dire que l’Europe qui leur sont favorables”. s’impose des handicaps dans la course vis-à-vis du reste du monde. Et pourtant, n’est-elle pas en train de fixer des normes réglementaires que les autres pays devront reprendre Le défi du développement à leur compte à plus ou moins brève échéance ? Ne contribue-t-elle pas à faire évoluer les préférences durable collectives à l’échelle de la planète ? Pour prendre un exemple, la réglementation dite “Reach”, en matière “Le temps du monde fini commence”, avertissait Paul d’enregistrement des substances chimiques dange- Valéry. Cette prophétie semble devoir se vérifier en ce reuses pour la santé humaine, constitue certes une qui concerne le climat et notre accès aux ressources contrainte pour l’industrie chimique européenne. Mais énergétiques. Pour que la croissance ne bute pas, elle se répercute aussi sur l’ensemble de nos four- d’une part sur les effets possibles du réchauffement nisseurs. Elle aboutit donc à incorporer davantage les climatique, d’autre part sur une pénurie d’énergie, il préoccupations de santé humaine dans le commerce nous faut dès aujourd’hui nous fixer un cap clair au international et dans la production mondiale. Il faut niveau national et peser les décisions au niveau donc le constater : la norme européenne se diffuse. mondial. L’Europe doit également influencer la production de normes réglementaires au niveau international, qu’il La donne qu’il faut anticiper s’agisse des normes commerciales ou environnemen- tales. Elle doit participer aux enceintes multilatérales, Sans surprise, les deux principaux défis qui devront non pas avec une vision abstraite et désincarnée de être relevés sont celui de la maîtrise du changement l’économie, mais en ayant des visées stratégiques, à climatique et celui de l’approvisionnement en énergie. l’instar des pays qui émergent sur l’échiquier mondial. Dans ces conditions, elle ne doit pas hésiter, par Le changement climatique exemple, à donner corps au principe de réciprocité. Il n’y a pas que par l’intermédiaire de l’Union que la Certes, à l’heure actuelle, notre connaissance des France peut espérer une influence normative utile. effets du réchauffement climatique continue de Elle doit aussi participer sans relâche, et de façon progresser. Mais certains faits sont clairement établis : coordonnée, aux enceintes internationales (colloques d’après la plupart des experts, une élévation de la ou organisations internationales comme l’OCDE) où température, de 3 ou 4 degrés, pourrait avoir des s’élabore, lentement mais sûrement, le paysage qui conséquences lourdes. Au-delà d’un certain seuil, influencera la production ultérieure de normes. l’écosystème émettra du CO2 au lieu d’en absorber. La quantification de ces effets, et de leur impact sur la La norme réglementaire n’est pas la seule à compter. croissance, est malaisée. Elle a néanmoins été tentée Il faut également être en mesure d’influencer la par le rapport Stern, qui en tire la conclusion qu’il faut norme technique, lorsqu’elle est stratégique. L’Europe agir sans tarder : il faut faire en sorte, dès maintenant, compte à son actif quelques belles réalisations en la d’éviter le réchauffement. matière, comme celle de la norme GSM dont le déve- loppement précoce a permis aux industriels européens La transformation (redoutée) du climat ferait naître de de télécommunications de prendre un peu d’avance nouveaux risques. Les travaux de France 2025 mettent dans la compétition mondiale. Cet effort doit être ainsi en avant la recrudescence de maladies infec- amplifié, car nos concurrents ont réalisé l’importance tieuses, ou la possibilité de devoir faire face à des de la normalisation technique. Ainsi, comme le cons- phénomènes migratoires de grande ampleur (appari- tate un ouvrage récent4, les entreprises américaines tion de véritables “réfugiés climatiques”5). Au total, le 4 La Présence économique européenne en Asie du Sud-Est, Guy Faure et David Hoyrup, éditions Les Indes savantes, 2008. 5 Il s’agit des populations forcées d’émigrer en raison des effets du changement climatique, tels que l’élévation du niveau des eaux ou de la température. 11
  • 13. D I X D É F I S P O U R L A F R A N C E groupe “Risques et protection” estime que, dans les D’abord, à court terme, elle peut pousser certains pays OCDE à hauts revenus, jusqu’à 5 % des coûts de importateurs à accroître leur production d’électricité santé pourraient être attribués à l’environnement (hors pour remplacer le pétrole par d’autres sources d’éner- milieu professionnel et comportements individuels)... gie. Or de nombreux pays, comme la Chine, font un important usage du charbon dans leur production d’électricité, procédé très fortement émetteur de CO2. Un accès probablement plus difficile aux énergies fossiles Ensuite, la hausse du prix du pétrole entraîne de gra- ves répercussions sociales, plus sensibles pour les L’inégale répartition des gisements pétroliers, détenus ménages à faible revenu (elle peut, par exemple, en majorité par l’Opep, l’instrumentalisation par les affecter leur pouvoir d’achat ou leur mobilité pays producteurs de la tension entre la demande et les géographique). Ceci complique la tâche des pays capacités de production, les risques de conflits géopo- développés qui souhaiteraient remettre à plat leur litiques, ainsi que la volatilité des cours entravent fiscalité environnementale dans le sens d’une plus l’exercice de prévision. Lorsque nous avons commencé grande efficacité, par exemple en introduisant une l’exercice de prospective, le prix du baril était à taxe carbone. 150 dollars ; quelques mois après, il était descendu à 40 dollars. Par l’action de l’Europe, tenter d’influencer les décisions mondiales Cependant, je retiens des travaux du groupe “Res- sources rares” que les tendances lourdes sont à la L’initiative du marché communautaire d’échange de hausse des cours. Faire reposer tous nos espoirs sur quotas d’émissions de CO2 a permis à l’Europe de l’abondance des énergies fossiles potentiellement devenir un acteur exemplaire de la lutte contre le disponibles ou la possibilité de prix durablement bas réchauffement climatique, avec l’ambition affichée de serait un leurre. Dans l’absolu, ces ressources poten- tenir le rôle de médiateur dans la négociation mon- tielles satisferaient les besoins mondiaux en pétrole et diale. Un accord sur la réduction des gaz à effet de en gaz pour plusieurs générations, et en charbon pour serre (GES), qui comprenne la Chine et les États-Unis, des centaines d’années. Dans les faits, elles ne nous conditionne la possibilité de passer de cette initiative protégeront pas du risque de pénurie, si les investis- locale à une lutte efficace car globale contre le sements pétroliers et gaziers restent insuffisants du changement climatique. fait de prix trop bas. Seule région du monde où le Protocole de Kyoto a véritablement été mis en œuvre, l’UE met aujourd’hui Ce dont nous aurons besoin pour affronter ces défis en avant la tenue de ses engagements à horizon 2012, et n’hésite pas à afficher des objectifs audacieux afin d’inciter les pays développés à la suivre sur cette voie : Ne pas considérer que le renchérissement en 2007, elle a résolu de réduire de 20 % ses tendanciel du pétrole et du gaz résout le problème émissions de GES de 1990 à 2020 et elle a offert du changement climatique d’aller jusque 30 % en cas d’accord international. Cette stratégie semble payante, comme l’a prouvé son La tentation existe de s’en remettre aux tendances rôle décisif dans l’adoption par le G8 d’une réduction lourdes de l’offre et de la demande pour lutter contre de moitié des émissions mondiales de GES à l’horizon le risque de réchauffement global. Faut-il espérer que 2050. Elle doit être poursuivie. l’élévation probable du pétrole et du gaz suffise à modifier nos comportements et à inciter la recherche- Au niveau national, miser sur une utilisation développement, avec pour résultat de rendre la plus rationnelle de l’énergie et sur le progrès planète moins vorace en énergie ? technologique Malheureusement non. L’élévation du prix de l’énergie sur les marchés ne doit pas être perçue comme une En France, la lutte contre le changement climatique et recette miracle pour répondre aux préoccupations la transition vers des énergies “décarbonées” repose- environnementales : si elle est susceptible de rendre le ront sur quatre axes tracés par le Grenelle de l’Environ- consommateur plus économe, elle pose au moins nement : autant de problèmes qu’elle n’en résout. Q l’utilisation de plus en plus rationnelle de l’énergie ; 12
  • 14. D I X D É F I S P O U R L A F R A N C E Q un développement raisonné des énergies renou- velables ; Le défi de l’accomplissement Q la poursuite à un rythme adapté de la politique électronucléaire ; personnel au travail Q le renforcement des actions de recherche et de formation aux métiers de l’énergie. La France de 2025 sera insérée dans la mondialisation, Quel que soit le contexte mondial (accord interna- quels que soient les traits que celle-ci aura pris d’ici là : tional sur la limitation des gaz à effet de serre obtenu mondialisation régulée ou instable, régionalisation ou non), la France devra progresser selon ces quatre plus ou moins marquée. Nous ne pourrons la mettre axes. Les objectifs devront se décliner différemment en ordre de marche pour conquérir des marchés que si selon les secteurs, les gisements de réduction les plus les citoyens ne sont pas sacrifiés sur l’autel de la importants résidant dans le transport et dans le bâti- compétitivité. C’est pourquoi il faut concilier perfor- ment. mance des entreprises et accomplissement individuel. Dans le secteur des transports, les axes les plus porteurs apparaissent être le développement des La donne qu’il faut anticiper modes alternatifs à la route, la diffusion des véhicules électriques, mais aussi les améliorations des moteurs Un besoin plus grand de flexibilité et de réactivité thermiques classiques. Dans le bâtiment, des progrès technologiques dans le chauffage et l’isolation seront Il faut s’attendre à ce que la production française soit nécessaires. davantage “pilotée par l’aval”, c’est-à-dire tirée par À l’horizon 2020 et au-delà, le bouquet énergétique les besoins des consommateurs, les distributeurs de- national devra être réorienté en faveur du dévelop- venant une interface clé entre les attentes des pement des énergies renouvelables, de la poursuite du ménages et les produits qui leur sont proposés, jouant nucléaire et de la réduction au minimum de la pro- ainsi un rôle toujours plus central d’intégrateurs. duction d’électricité à partir de fioul, de gaz ou de La chaîne de production devra donc, pour être charbon – sauf à inventer des procédés nouveaux de compétitive, être plus souple et plus réactive. Elle capture du CO2 émis par les énergies fossiles. devra s’adapter aux besoins de consommateurs qui La filière nucléaire s’est en effet imposée au fil des feront une place croissante à la santé et au bien-être années comme un levier indispensable afin de conci- rechercheront des “solutions” de consommation, lier indépendance énergétique, satisfaction de la davantage que de simples produits. Par exemple, les demande et moindres émissions. La production nu- consommateurs ne demanderont pas simplement une cléaire mondiale pourrait ainsi augmenter de plus de voiture, mais ils souhaiteront que l’on mette à leur 70 % dans les 20 ans à venir. Pionnière dans ce disposition un “package” qui comprenne, selon les cas, domaine, la France doit accentuer ses efforts de re- un véhicule, loué ou acheté, son assurance, des cherche pour mettre au point les réacteurs de 4e géné- prestations d’entretien et de réparation, voire pour les ration ainsi que la gestion des déchets radioactifs de véhicules électriques, le changement rapide des haute activité à vie longue. batteries. Des gains de productivité majeurs sont par ailleurs Repenser nos villes envisageables dans les services aux particuliers, la santé, le commerce ou les transports. Ils seront Pour consommer moins d’énergie et émettre moins de alimentés par une plus grande utilisation de la gaz à effet de serre, il sera également nécessaire de technologie : tous les services deviendront de plus en repenser un cadre de vie urbain trop souvent conçu plus utilisateurs de technologies de l’information et de autour du véhicule individuel. Il est possible que cette la communication, notamment l’éducation et la santé. nouvelle donne conduise à la création de “nouvelles L’utilisation de ces technologies s’intensifiera, et villes nouvelles”. Il est également probable que la permettra de créer de nouveaux modes de fourniture “décarbonation” de notre économie induise un besoin des services à distance. de renouvellement des villes existantes. Enfin, les consommateurs s’habituent à une économie du “sur mesure”, qui leur permettra d’adapter à leur mode de consommation certains produits ou services. 13
  • 15. D I X D É F I S P O U R L A F R A N C E Un besoin d’accomplissement par le travail Le développement du cumul emploi-études peut permettre à la fois d’augmenter le taux d’emploi des Ces nouveaux besoins de productivité et de souplesse jeunes et d’améliorer leur insertion sur le marché du peuvent devenir une source de pression considérable travail. Concernant les seniors, leur maintien dans si nous n’y prenons pas garde. Le pire scénario serait l’emploi pourrait être favorisé par une politique active en effet celui dans lequel les besoins de réactivité et de l’emploi (accompagnement ciblé, lutte contre la de souplesse des entreprises se réaliseraient au seul discrimination, formation…), la disparition des clauses détriment de la qualité d’emploi des salariés. Pour “couperet” en matière d’âge de départ à la retraite et éviter ce “scénario noir”, il faudra inventer de nou- une plus grande flexibilité du cumul emploi/retraite. velles organisations, et de nouvelles relations sociales, Des jeunes jusqu’aux seniors, le groupe “Vivre et suivre l’exemple des pays qui ont su atteindre cette ensemble” avance l’idée d’une “déchronologisation” réactivité autrement qu’en précarisant leurs salariés. régulée des parcours de vie, c’est-à-dire, le fait de La France est-elle organisée actuellement d’une façon rendre possibles le cumul emploi-formation à tout qui lui permette d’inventer ces nouveaux modes âge et la formation tout au long de la vie. Outre sa d’organisation ? Rien n’est moins sûr : les analyses capacité d’adaptation, cette solution aurait pour contenues dans le rapport “Production et emploi” avantage de réduire le coût des accidents ou ruptures montrent que, pour ce qui concerne le marché du dans la trajectoire de vie (perte d’emploi, période travail, la France se caractérise par une faible coopé- d’inactivité), qui deviendraient à la fois des périodes ration entre dirigeants et employés et, au total, par de formation et de recherche active d’emploi. des relations marquées par la défiance. À moins que Pour aller vers cet objectif, force est de constater que nous ne sachions l’inverser d’ici à 2025, cette les différentes organisations contribuant à la forma- situation ne va pas favoriser l’innovation sociale et tion des individus restent bien trop cloisonnées. L’une l’identification des solutions destinées à concilier des façons d’organiser ce décloisonnement pourrait qualité du travail et productivité. être d’agir en unifiant les fonctions “transverses” que Le scénario le plus pessimiste serait alors celui d’un sont les fonctions de prospective sur les métiers, cercle vicieux dans lequel cette défiance empire les d’orientation et d’évaluation des résultats des forma- difficultés sociales, qui viendront à leur tour alimenter tions en termes d’employabilité. la défiance et distendre le lien employeur-salarié. Le scénario rose est celui d’une plus grande participation Mobiliser les technologies de l’information des salariés à la résolution du difficile équilibre entre et de la communication contraintes économiques (répondre à la demande) et désir légitime des salariés en matière de qualité et de Le principal moteur de productivité des dernières stabilité de leur emploi. années est lié à l’introduction des nouvelles techno- logies dans l’organisation des entreprises. Or nous Ce dont nous aurons besoin pour affronter ces défis sommes loin d’en avoir exploité tous les bénéfices possibles dans tous les secteurs économiques. Ce L’investissement dans le capital humain et la mobi- développement doit être global pour être efficace : les lisation des technologies de l’information constituent entreprises ne peuvent développer leurs outils que si les moyens de concilier l’objectif de performance et les réseaux à haut débit sont disponibles sur tout le celui d’accomplissement. territoire, et si le plus grand nombre de nos conci- toyens est familier avec ces outils. Investir dans le capital humain tout au long C’est tout le sens des orientations du plan France de la vie Numérique 2012 pour le développement des réseaux, des contenus et des usages du numérique en France. Des progrès ont été accomplis ces dernières années Outre les gains qui peuvent en être attendus en ma- tant dans la formation initiale (pour la tourner davan- tière de productivité, on peut en attendre un effet sur tage vers la vie professionnelle) que dans la formation l’organisation des relations au travail, les nouvelles continue (pour l’ouvrir à davantage de travailleurs, technologies favorisant une gestion plus décentra- notamment par la validation des acquis de l’expé- lisée, qui repose sur l’autonomisation des employés et rience). Mais les parcours restent souvent bien trop sur une participation active des salariés d’exécution à segmentés pour constituer un parcours de formation l’amélioration des performances. tout au long de la vie. 14
  • 16. D I X D É F I S P O U R L A F R A N C E Donner plus de place à l’orientation et à l’évaluation de la formation Le défi de la compétitivité Une économie qui évolue offre à chacun plus d’oppor- tunité qu’une société organisée en “castes” immobiles, et de l’attractivité mais son bon fonctionnement suppose un système d’orientation d’excellente qualité – qui permette pré- Nos ambitions sociales doivent être fortes pour 2025. cisément d’aider chacun à trouver sa place, compte Mais elles ne pourront être compatibles avec une tenu des nombreuses évolutions que peut connaître hausse de notre pouvoir d’achat que si nous savons l’économie. rester suffisamment compétitifs. Cela impliquera des politiques déterminées quant à l’insertion de notre Le rôle de l’orientation sera d’autant plus important que économie dans les échanges internationaux. nous devrons nous adapter à des évolutions rapides, et les analyses de France 2025 confirment une nécessité : engager une réflexion afin de définir les contours du La donne qu’il faut anticiper système d’orientation qui nous permettra demain de répondre à ce besoin. Plus que la question de la Des débouchés nouveaux à saisir à l’exportation sélection, c’est en effet la question de l’orientation qui sera le grand défi de notre système de formation. Les scénarios de France 2025 anticipent tous un L’une des façons d’aborder la question pourrait être rattrapage des pays émergents en termes de richesse une étude sur l’opportunité d’une agence chargée de nationale. En 2025, l’ensemble composé par le Brésil, l’orientation professionnelle, et de l’évaluation des per- la Russie, l’Inde et la Chine sera passé devant le Japon. formances des formations en termes d’accès à l’emploi, Par ailleurs, de nouveaux émergents vont apparaître, dont le champ de compétence couvrirait la formation comme le Mexique, la Turquie, l’Indonésie et le Vietnam. initiale comme la formation continue. La croissance de la richesse des citoyens de ces pays suivra une tendance similaire. Dans ces conditions, la Réussir le défi de la diversité taille de la “classe moyenne” (entendue comme la classe de population bénéficiant d’un revenu annuel Malgré les efforts réalisés récemment, des progrès situé entre 6 000 et 30 000 dollars et qui a accès à la restent nécessaires pour donner à chacun les mêmes majorité des biens de grande consommation) va chances dans la vie politique, dans l’entreprise ou croître formidablement. Ainsi, d’après la Banque dans la société civile – hommes, femmes, minorités mondiale, la classe moyenne globale triplerait dans les visibles ou invisibles, handicapés... En plus d’être un pays émergents d’ici à 2030, et atteindrait alors 30 % impératif moral, cet effort d’intégration sera de la population pour l’ensemble des pays du monde. nécessaire pour répondre au défi du vieillissement et de la réduction de la population active. Cette perspective pose, dès aujourd’hui, la question de l’adaptation de notre système productif. Comment Pour traiter et prévenir les phénomènes de profiter de cette opportunité en termes de débouchés ? ségrégation sociale et territoriale des populations La France manque en effet de grosses PME (entre immigrées, il faudra de plus en plus combiner une 100 et 250 salariés) et d’entreprises de tailles inter- politique d’immigration choisie, fondée sur une médiaires (entre 250 et 500 salariés). Cela affecte estimation réaliste de nos besoins et nos capacités notre performance globale à l’exportation. Les PME, d’accueil, et une action volontariste de désen- qui sont relativement petites en France, représentent clavement et d’intégration positive des populations en 80 % des entreprises exportatrices, mais seulement difficultés (elle passe par l’ouverture du marché du 15 % du montant des exportations. Or le nombre de travail, la promotion de l’identité nationale à travers PME qui exportent est en France insuffisant. la langue française et l’assimilation des principes républicains). 15
  • 17. D I X D É F I S P O U R L A F R A N C E Une plus grande difficulté à attirer les capitaux Certes, la localisation des sièges et des centres de recherche n’est pas neutre : il sera toujours préférable À l’heure actuelle, notre pays est parmi ceux qui pour une entreprise de disposer, à prix équivalent, d’un attirent le plus d’investissements directs étrangers site de production à proximité de son siège. De la (IDE). Depuis dix ans, sa place oscille entre le 3e et le même façon, il restera utile de pouvoir disposer de 5e rang mondial en termes de flux entrants d’inves- sites de production proches du marché visé, pour tissements directs. Certes, cette performance est à gagner en réactivité ou adapter les produits aux relativiser par les sorties nettes de capitaux, mais ces besoins locaux. Mais cette “préférence pour la dernières s’expliquent notamment par des politiques proximité” ne joue que jusqu’à un certain écart de de conquête de nos entreprises. coût : au-delà, il sera plus rentable de délocaliser la production. En fonction de l’évolution des coûts du Or, dans les années à venir, la France pourrait, comme transport, certains produits réalisés à l’étranger la plupart des pays de l’OCDE, éprouver de plus pourraient être “relocalisés”. À l’inverse, dans certaines grandes difficultés pour attirer les capitaux. Comme le activités (produits légers, peu encombrants et remarque le groupe “Europe-Mondialisation”, les flux pouvant être transportés sans dégâts coûteux) la de capitaux devraient s’orienter davantage vers les “préférence pour la proximité” pourrait évoluer à la pays émergents. Non seulement ces derniers offriront baisse. Si nous voulons viser une place en tête de la de meilleures perspectives qu’aujourd’hui en termes compétition mondiale, nous devrons tenir compte de de rentabilité, mais ils auront également développé ces deux possibilités. leur système financier et leur autonomie financière. Cette réflexion est également susceptible de toucher Au total, nous courrons le risque de voir se réduire notre au moins en partie le service public. En effet, les pays capacité à accompagner des projets adressés au sont de plus en plus fréquemment mis en concurrence marché français, dès lors que ces derniers seront en par les entreprises qui souhaitent s’implanter en Europe, concurrence pour leur financement avec des projets des et ce choix prend en compte le rapport qualité/prix pays émergents, offrant à la fois plus de perspectives et des services publics, par exemple celui des infras- plus de proximité avec les pays qui disposent d’une tructures, de la couverture sociale et la qualité de la démographie qui leur permettra de générer une épargne formation des salariés au regard des prélèvements qui abondante. la financent. Une nécessaire insertion dans la “chaîne de valeur Ce dont nous aurons besoin pour affronter ces défis mondiale” Au sein des pays développés, la compétitivité des Favoriser la croissance des PME entreprises provient de moins en moins de la capacité à disposer d’un avantage “absolu” (par exemple, un coût Le nouveau tissu productif devrait comporter davan- du travail plus bas ou l’accès à des matières pre- tage de grosses PME (autour de 250 salariés) indé- mières) que de la capacité à imaginer un produit pendantes. La carence actuelle de cette catégorie répondant à un besoin nouveau ou mal servi par la d’entreprises semble en effet liée au retard français en concurrence, et à le produire en identifiant les parte- matière d’innovation et d’exportation. Mais pour leur naires mondiaux capables d’en réaliser les différentes permettre de se développer en dehors des groupes composantes dans les meilleures conditions. En bref, existants, il est prioritaire d’agir, en mobilisant les pour bien exporter, il faut savoir bien importer. Ignorer leviers6 qui ont déjà été soulignés dans les nombreux cette logique, c’est se condamner à avoir de bonnes rapports consacrés à cette question. La création récente idées, mais à les voir exploitées par des concurrents du Fonds d’investissement stratégique devrait égale- plus compétitifs. ment contribuer à l’émergence de ces grosses PME. 6 Il s’agit notamment des questions de délais de paiement, d’accès au financement (et indirectement du droit des créanciers), de l’accès aux différentes formes de fonds propres ainsi qu’aux marchés financiers adaptés aux valeurs de croissance. Une autre piste réside dans notre système de prélèvement, qui donne une place relative plus forte aux prélèvements “avant chiffre d’affaires” (cotisations sociales notamment) qu’aux prélèvements sur la consommation ou sur le résultat des entreprises. 16
  • 18. D I X D É F I S P O U R L A F R A N C E Veiller à l’attractivité de la France Cette caractéristique a des conséquences à la fois injustes et inefficaces. Injustes, car ceux qui sont Certaines mesures fiscales, sans remettre en cause le frappés par le chômage pour des raisons qui relèvent souci d’équité, peuvent améliorer l’attractivité de la de causes collectives (modification de la compétitivité France. Ainsi, en matière d’impôt sur les sociétés, nationale, évolution de la demande, progrès tech- l’idéal serait d’aboutir, au niveau européen, à une har- nique) en payeront fortement et durablement le prix. monisation des bases, voire à une certaine conver- Inefficaces, car les entreprises les plus compétitives à gence des taux. Cela éviterait que les États membres l’échelle mondiale sont celles qui peuvent organiser de l’Union ne se livrent au dumping fiscal et social. leur “chaîne de valeur”, en répartissant les différentes productions dans les pays les plus productifs. Or la À supposer que ce dossier n’avance pas, la France caractéristique de notre système social nous entraîne pourrait trouver avantage à modifier certains traits de dans un cercle vicieux : se résigner à perdre en sa fiscalité. Toujours en matière d’impôt sur les socié- compétitivité pour éviter des pertes d’emploi, cette tés, elle affiche en effet des taux élevés… mais qui perte de compétitivité détruisant à son tour d’autres s’appliquent sur une base plus étroite que dans bien emplois, ou évitant leur création ailleurs, et rendant à d’autres pays ! Si bien que les taux effectifs de la terme insoutenable notre système social. France ne sont souvent pas significativement supé- rieurs à la moyenne, malgré l’affichage de taux appa- Faut-il nous résigner à choisir entre ignorer la détresse rents élevés. de ceux qui perdent leur emploi par suite de cette recherche de compétitivité, ou renoncer à ce que la La France doit également se montrer capable de France soit compétitive dans les secteurs ouverts à la convaincre les investisseurs potentiels qu’elle pré- concurrence ? La réponse est négative : il a été sente un haut degré de sécurité juridique. Alors que le démontré8 qu’un modèle social très protecteur pour régime des investissements étrangers en France est les personnes et ne laissant personne de côté peut l’un des plus sûrs du monde, nous pâtissons parfois constituer un avantage compétitif dans la concur- d’une mauvaise image. rence mondiale, dès lors que sa générosité est dyna- mique, c’est-à-dire qu’elle vise à aider chacun à iden- Plus généralement, la question de la compétitivité tifier l’emploi qui lui est le plus adapté compte tenu mériterait d’être abordée dans le cadre d’une réflexion du contexte économique. globale. En effet, y contribuent notamment les prélè- vements (fiscaux et sociaux), les prestations (services Autrement dit, nous mettons des moyens considé- publics, ou assurances sociales qu’une entreprise rables pour lutter contre le chômage ou pour la devra prendre en compte dans un pays qui ne dispose formation mais, bien que des évolutions considérables pas de système obligatoire), les infrastructures (phy- aient été engagées, nous ne les mettons pas encore siques ou numériques), le taux d’intérêt ou la taille du tout à fait au bon endroit. Dans le contexte social marché local. Nous gagnerions à nous doter de difficile que connaît la France début 2009, il est plus mesures de compétitivité “globale7”, permettant que jamais nécessaire d’accompagner l’évolution de d’estimer le rapport coûts/bénéfices total d’implan- notre système de protection contre le risque de tation et d’exploitation de sites en France, en compa- chômage vers un système dynamique centré sur le raison de celui de pays similaires. réemploi (c’est-à-dire donnant plus de place à l’orien- tation, à la formation, et à l’anticipation des besoins en emplois) dans les meilleures conditions possibles. Augmenter fortement notre “taux de réemploi” Les évolutions qui sont actuellement engagées au La principale raison qui empêche la France de se posi- travers de la création du Pôle Emploi doivent y contri- tionner aussi bien que ses partenaires du nord de buer. Un pas important serait également de pouvoir l’Europe dans la “chaîne de valeur mondiale” tient à la mesurer nos progrès dans ce domaine, en disposant question du réemploi : une personne qui perd son d’une statistique régulière en matière de réemploi, emploi dans notre pays connaît généralement de plus mesurant à la fois la vitesse à laquelle un salarié qui grandes difficultés à sortir du chômage que chez la perd son emploi en retrouve un, et la qualité de cet plupart de nos partenaires économiques. emploi. 7 Un exemple de méthodologie pourrait être celui retenu dans l’étude “Choix concurrentiels” (www.choixconcurrentiels.com). 8 “Globalisation, a european perspective” (John Sutton, “Global Europe, Social Europe”, publié par Polity, 2006) “Réduction du chômage : des réussites en Europe” (Jean-Paul Fitoussi, Olivier Passet et Jacques Freyssinet, Conseil d’analyse économique). 17
  • 19. D I X D É F I S P O U R L A F R A N C E bonation” de l’économie, au vieillissement ou au Le défi de l’innovation développement d’une classe moyenne mondiale avide de produits de grande consommation à prix acces- et de la “classe créative” sibles – et une accélération de la capacité d’inno- vation liée à la poursuite du développement des nouvelles technologies (internet des objets, mise en La diffusion de la connaissance et de la technologie réseau des connaissances) ou au développement de la sera le principal moteur de la croissance de la “classe créative mondiale” (la poursuite de l’effort de productivité. Encore faut-il que la France ne soit pas recherche des pays développés s’ajoutant au dévelop- seulement un lieu où l’on “consomme” de la connais- pement de la recherche des pays émergents, dans un sance, mais qu’elle reste un pays où l’on investisse contexte d’échange croissant entre chercheurs). En dans la recherche, l’innovation ou encore l’industrie. d’autres termes, plus de besoins d’innovation vont coïncider avec plus de capacité à innover. La donne qu’il faut anticiper Le développement de la logique de “chaîne de valeur mondiale” facilitera également la capacité des innovateurs à développer des produits de grande consom- Un net déplacement du centre de gravité mondial mation, en leur permettant de recourir à des entre- prises extérieures pour fabriquer ou vendre les Le centre de gravité du monde en termes de produits qu’ils ont conçus. Il y a quelques décennies, recherche-développement se déplacera fortement seuls de grands groupes auraient pu développer ce d’ici à 2025. La Chine et l’Inde pourraient alors repré- type de produits. senter environ 20 % de la recherche mondiale, soit plus du double du niveau actuel. Non seulement les Enfin, quatre grands domaines scientifiques seront le émergents consacreront davantage de moyens finan- socle de l’essentiel des activités d’innovation techno- ciers à la recherche, mais les entreprises multina- logique : environnement et énergie, nanotechnologies tionales y implanteront également de plus en plus de et nouveaux matériaux, sciences du vivant et biotech- centres de recherche, au détriment des “vieux pays”. nologies, technologies de l’information. De plus, des L’internationalisation des activités de recherche champs d’innovation particulièrement fertiles devraient pourra franchir de nouvelles étapes avec notamment apparaître aux points de rencontre entre ces diffé- le développement de la localisation des centres de rentes disciplines. recherche dans certains pays émergents, y compris dans les domaines les plus innovants. Le potentiel exceptionnel de l’économie numérique Il nous faut donc anticiper le déplacement du centre de gravité en matière de recherche, ainsi qu’une Les technologies de l’information et de la commu- polarisation au niveau mondial autour de certains nication, avec le développement de la téléphonie “clusters”, qui regrouperont dans une même zone mobile et de l’internet, en France, à la fin des années géographique les chercheurs et les industriels les 1990, ont profondément bouleversé l’économie et la plus en pointe dans un même domaine. Nous ne société. Les mutations induites par cette révolution pourrons pas être passifs par rapport à ces évolutions : numérique se poursuivront et s’accéléreront dans les si nous n’y prenons garde, ces tendances lourdes vingt prochaines années. risqueraient de marginaliser une France qui n’occupe- À l’horizon 2025, la disponibilité d’infrastructures très rait alors qu’une place moyenne en matière d’éco- haut débit9 de qualité sera la norme dans les pays nomie de la connaissance. développés. La fibre optique sera largement déployée, permettant à une majorité de foyers et d’entreprises De nouvelles innovations d’être raccordés aux réseaux à très haut débit. Le développement de ces infrastructures décuplera le Les décennies à venir vont voir la rencontre entre une débit disponible et révolutionnera les services et les évolution des besoins – notamment liée à la “décar- usages. 9 Les réseaux mobiles de 4G (WiMax mobile et LTE) seront massivement déployés, ceux de 5e génération permettront d’atteindre 1 Gigabit par seconde contre aujourd’hui 384 kbit/s pour l’actuelle 3G. 18
  • 20. D I X D É F I S P O U R L A F R A N C E Tout notre quotidien sera impacté : santé, éducation, Dans ce contexte, l’enjeu pour la collectivité sera préci- travail, loisirs... Au domicile, la plupart des contenus sément de réussir à apprécier les risques pour choisir seront diffusés en haute définition et en trois ceux qui doivent être assumés et ceux qu’il faut rejeter, dimensions pour la TV. Ils seront également stockés et plutôt que de rechercher un illusoire “risque zéro”. accessibles à la demande instantanément. La visio- phonie en haute définition se généralisera, et permet- L’importance croissante de la “classe créative10” tra par exemple au télétravail et à la télémédecine (suivi des maladies chroniques, télédiagnostic, etc.) de Dans les décennies qui viennent, il est probable que connaître un développement spectaculaire. Grâce aux nous connaîtrons à la fois une période d’innovation technologies de radio identification (RFID) et à l’adop- sans précédent, de fortes évolutions de la demande tion du protocole IPv6, les objets deviendront “intel- mondiale, ainsi que la nécessité de modifier nos ligents” et pourront communiquer entre eux : un pro- modes de consommation d’énergie, d’intégrer une duit surgelé pourra ainsi signaler sa composition (afin hausse du coût du transport, ou celle de répondre aux d’améliorer l’équilibre alimentaire d’un repas ou de défis du vieillissement. lutter contre les risques d’allergie), ou sa date de péremption. Dans ce cadre, l’avantage compétitif des nations tiendra de plus en plus à sa “classe créative”, c’est-à- De même, chaque individu possédera sa propre “iden- dire tous ceux qui imaginent et réalisent les évolu- tité numérique”, lui permettant aussi bien de voter, de tions de notre tissu économique et, plus largement, de payer ses achats ou de gérer l’accès à son univers de notre société – chercheurs, créateurs d’entreprise, données ou de services personnalisés. Cet accès chefs de projets publics ou privés. passera de plus en plus via des serveurs informatiques interconnectés (“cloud computing”), et non plus à Cette “classe créative” comprend également les partir du seul ordinateur en local. Chaque infor- personnes en “recherche active d’emploi” c’est-à-dire mation, chaque service pourra être accessible de celles qui, passant d’un emploi à un autre, accompa- n’importe où, sans distinction entre réseaux fixes et gnent également l’évolution économique de notre réseaux mobiles. pays. En effet, cent ouvriers peu qualifiés qui choi- sissent ou qui sont contraints de se former pour Ainsi, après avoir transformé les échanges, puis les passer d’un secteur en déclin à un secteur d’avenir contenus et les médias, les technologies numériques contribuent, collectivement, autant à la richesse de la permettront l’émergence d’une multitude de services, France que le créateur d’une entreprise de même d’usages, de modèles économiques, qui transforme- taille, ou que l’expert qui publie l’étude sur laquelle se ront durablement notre appareil de production. fonde le précédent pour construire son projet. Certains peuvent être imaginés aujourd’hui. La plupart seront à inventer dans les décennies à venir. La “classe créative” traverse les nomenclatures qui séparent agriculture, industrie et services d’une part, Un risque de “désenchantement du progrès” et le secteur public du secteur privé d’autre part : quel que soit le secteur, quel que soit le métier, il est Les études réalisées dans le cadre de France 2025 ont possible d’innover ou de faire mieux avec autant. Elle mis en évidence une tendance prononcée au “désen- ne se limite pas au secteur des services, mais chantement du progrès” : face aux innovations, nos comprend également tous ceux qui accompagnent les concitoyens ont tendance à en surestimer les risques, évolutions de l’industrie, notamment s’agissant de la et à en sous-estimer les bénéfices. Alors que l’histoire réduction des émissions de carbone, l’évolution des montre que l’innovation est le premier facteur de produits ou le développement du véhicule du futur. croissance sur le long terme, et qu’elle permet de venir Cette “classe” est rarement reconnue en tant que à bout des prédictions les plus pessimistes, la France telle, cette “activité” étant généralement cachée par donne parfois l’impression de considérer l’innovation les statistiques : une personne en recherche active scientifique comme une source de risques plus que d’emploi sera considérée comme un “chômeur”, celle comme une source de progrès. qui prépare un projet de création d’entreprise sera selon les cas salariée, étudiante ou sans emploi. 10 Cette classe est comprise dans une définition différente, et plus large que la “creative class” évoquée par R. Florida. 19
  • 21. D I X D É F I S P O U R L A F R A N C E Ce dont nous aurons besoin pour affronter ces défis Mieux valoriser la recherche Il s’agit d’abord de tirer parti de l’effort national de Une stratégie nationale de recherche recherche en lui donnant davantage de débouchés et d’innovation commerciaux. Pour ce faire, il convient de faciliter le passage entre la recherche fondamentale et ses appli- D’ici à 2025, nous connaîtrons une croissance de la cations pratiques, notamment en intensifiant les demande de produits à forte intensité en nouvelles efforts pour accompagner les chercheurs qui souhai- technologies dans des domaines très variés : la santé, tent s’orienter vers l’entreprise. l’alimentation, l’habitat... Cette évolution de la Un autre moyen serait de valoriser la recherche dans demande appellera à des évolutions de la recherche – la formation. Il existe actuellement un clivage trop dans des limites qui respectent évidemment le temps grand entre les grandes écoles formant des ingénieurs de la recherche, nécessairement long, et les contrain- et les universités formant des docteurs. Quelles qu’en tes liées à son pilotage, qui ne saurait être totalement soient les modalités précises – le rapprochement entre “mécaniste” : les plus grandes innovations se déve- grandes écoles, universités et classes préparatoires loppent en dehors des chemins tracés à l’avance, à étant une voie, pas nécessairement unique –, il convient l’instar du langage HTML qui a permis le développe- en effet de généraliser la “formation par la recherche”, ment du web, issu du Cern, organisation européenne afin d’augmenter sensiblement le nombre des cadres pour la recherche nucléaire, qui n’a jamais eu pour dont la formation aura, à un moment ou un autre, mission de développer un tel langage ! compris une phase de recherche, voire une thèse. À cet égard, il serait utile de pérenniser la démarche de Enfin, la valorisation de la recherche passe également stratégie nationale de recherche et d’innovation enga- par une plus grande démocratisation des enjeux de gée par le ministère de la Recherche et de l’Ensei- recherche, de technologie et d’innovation. À cet gnement supérieur, en veillant à concilier la réactivité égard, les efforts en faveur de l’acquisition d’un socle nécessaire aux besoins de l’industrie, et l’anticipation et de connaissances sur les enjeux scientitiques pour la stabilité nécessaires aux projets de recherche. l’ensemble de la population française doivent être maintenus. Réussir la “France Numérique” Concentrer les efforts sur quelques pôles De la diffusion et de l’appropriation de ces techno- logies dépendra la compétitivité et la croissance Le groupe “Création, recherche et innovation”, partant future de notre pays. Cet avenir n’est cependant pas du constat que la recherche se polarise au niveau acquis. Il dépendra de notre capacité à nous engager mondial, suggère que les efforts au niveau national dès à présent, résolument, dans le développement de soient plus concentrés. Dans la mesure où la compé- l’économie numérique. Il nous faut en particulier titivité de l’économie française reposera, en 2025, sur répondre à plusieurs enjeux critiques. En premier lieu, une collaboration forte entre les acteurs de la il s’agit bien sûr de construire les réseaux de nouvelle recherche et de l’innovation et la constitution de génération et de mobiliser à cette fin tous les “masses critiques”, il faudra probablement procéder à investissements nécessaires. une recomposition du paysage français de la recher- Dans le même temps, l’accès de tous aux réseaux doit che et de l’innovation, en donnant une place centrale s’accompagner d’un effort particulièrement important à un nombre limité de clusters dont le rayonnement de lutte contre les fractures numériques, notamment international permettra d’attirer talents, savoirs et en termes d’équipement et d’accompagnement des investissements. populations fragiles. Enfin, il s’agit de constituer des Il conviendra sans doute alors de mieux hiérarchiser “écosystèmes” favorables à la production et à l’offre l’effort public selon que les clusters ont, ou non, de contenus numériques, ainsi qu’à la multiplication vocation à exercer une attraction internationale. des usages et des services numériques. Ces enjeux, au cœur du plan France numérique 2012, témoignent de la volonté du gouvernement de s’engager dans la révolution numérique et de placer, dès 2012, la France parmi les grandes nations dans ce domaine. 20