#DARK #KITCHEN #FOODTECH
️ Depuis 2️⃣ ans les "dark kitchens" émergent partout dans le monde. Liées au succès des plateformes de livraison de repas, elles prennent de multiples formes de services.
⏩ Entre de la gestion partagée de cuisine, la fourniture d'ingrédients, la création de recettes, la préparation de repas ou, surtout, la livraison de repas chez le particulier.
裂 Avec la crise pandémique, les restaurateurs "classiques" se sont engouffrés par défaut dans ce modèle pour continuer à survivre.
Mais ce sont les entrepreneur.e.s de la foodtech qui croquent ce business technologique où la data est l'ingrédient clé. Car, quel que soit le format choisi, "il faut être agressif dans la croissance, car d'ici six mois le marché sera probablement saturé".
THIBAULT HERVE David Elena SYLVIE Sabine Séverine Rebecca Pascale Dominique Laurence Daphné Cassandra MagaliHind Julie Daniel Pierre-Guillaume Francis emmanuelle Sandrine Anne-Sylvie Zerhouni Pierre Christelle Alexandra Annabelle Caroline Céline Albertina Anne-Claire Christine Sandrine Géraldine Vanessa Emilie Aline Pierre-Yves Aurélie Kathia
1. Jean Valfort, restaurateur, est
l’un des précurseurs sur ce marché
des « dark kitchens », nom qu’il a
d’ailleurs donné à son groupe. Avec
5 marques présentes sur Uber Eats
et Deliveroo, et 2 en préparation
pour début 2021, il voit cet engoue-
ment d’un bon œil : « Beaucoup
d’acteursontdébarquésurcemarché
dans la foulée de la crise sanitaire, et
de nombreux consommateurs ont
découvert la livraison. Mais je reste
persuadé que le taux de pénétration
reste faible. » Dès le premier samedi
du confinement de mars dernier,
Dark Kitchen enregistre 2.500 cou-
verts. Après s’être mobilisé pour
créerdesrepasàdestinationduper-
sonnel soignant dans les hôpitaux,
le groupe se projette avec un mixte
d’ouvertures de cuisines aveugles et
de restaurants physiques, détaille
son fondateur : « En juillet, nous
avons ouvert Bocca Nissa, à Nice, sur
Propos recueillis
par Adrien Lelièvre
@Lelievre_Adrien
L’ancien PDG de WeCook
et fondateur de DigitalFood-
Lab, Matthieu Vincent,
revientsurlephénomènedes«dark
kitchens », en plein boom depuis le
débutdelacrisesanitaire.
Qu’est-ce qu’une
« dark kitchen » ?
Il est difficile de donner une défini-
tion précise au terme « dark kit-
chen », car il recouvre en réalité
cinqsous-métiersdifférents :lages-
tiondecuisineséquipées,lesquelles
sont ensuite louées en morceaux à
des marques ou à des restaurants
virtuels ; la fourniture d’ingré-
dients ; la création et le marketing
de nouvelles recettes ; la prépara-
tion des repas et des marques de
chens,quiestundesleadersdusec-
teur.Deliverooest,parexemple,pré-
sent dans la gestion de cuisines,
mais s’occupe principalement de la
dernière étape, c’est-à-dire la livrai-
sonderepas.Enrevanche,unacteur
comme FoodChéri est présent sur
toutelachaînedevaleur.
A quand remonte le phéno-
mène des « dark kitchens » ?
Les « dark kitchens » ont surtout
émergé depuis deux ans et sont
intrinsèquementliéesausuccèsdes
plateformes de livraison de repas.
Au-delà des grands noms, il est
importantderappelerqu’ilyabeau-
coup d’acteurs beaucoup moins
connus et qui ne cherchent pas à
lever des fonds, car le business
model ne le nécessite pas forcé-
ment.Vouspouvezêtreunrestaura-
teur installé à Lyon et avoir, en plus,
six « dark kitchens » implantées en
banlieue. Ce pan du marché est
assez difficile àquantifier.
La crise sanitaire va-t-elle
accélérer cette tendance ?
J’en suis convaincu. Le Covid-19 a
mis en perspective l’intérêt d’inves-
tir dans des « dark kitchens ». A
cause des confinements, beaucoup
de restaurateurs ont été obligés de
se lancer dans la livraison de repas.
« Les “dark
kitchens” sont
intrinsèquement
liées au succès
des plateformes
de livraison
de repas. »
trèsréduit.Ilfautêtreagressifdansla
croissance, car je pense que, d’ici à
six mois, le marché sera probable-
ment saturé. Il faut donc que nous
soyonsrapidesdansnotredéveloppe-
mentpouren devenir leleader. »
Importance des données
L’ambition se nourrit d’une levée de
fonds qui devrait être bouclée dans
lestoutprochainsmoisetdevenirla
plus importante du secteur. Cette
opération vise à nourrir un plan de
croissance très important dès 2021
(12 cuisines à Londres, 4 à Madrid,
1 à Barcelone et 1 à Bruxelles) et qui
s’explique par la nature même de
sonmodèle :« C’estunbusinesstech-
nologique, affirme Clément Benoit.
La donnée est au centre de notre
métier, depuis l’organisation jusqu’à
lalivraison,çasepiloteavecdesdash-
boards avant tout ! » Mais tous ces
acteurs ne partagent pas le même
600 mètres carrés car je reste per-
suadé qu’après cette crise les gens
auront très envie de retourner dans
nos établissements. Mais, en paral-
lèle, nous travaillons à l’ouverture de
nouvelles “dark kitchens” dans le
nordet lesud-ouest de la France. »
Mais ce modèle n’attire pas que
les professionnels de la restaura-
tion. Quelques entrepreneurs de la
tech s’y intéressent de très près,
comme Clément Benoit, fondateur
de Not So Dark et ancien cofon-
dateur de Resto-In et de Stuart
(revendu à La Poste). Sur les
onze derniers mois, il s’est bâti un
petit empire avec 8 marques, un
chiffre d’affaires mensuel qui
devrait tutoyer le million d’euros en
décembre,etilnecomptepass’arrê-
ter là. « Nous avons trouvé un mode
opératoire très rentable et nous som-
mes capables de traiter plusieurs
marques au sein d’un même espace
Napoli Gang est la marque dédiée à la livraison lancée par le groupe Big Mamma durant la crise sanitaire. Photo DR
Guillaume Bregeras
@gbregeras
Ilsnesontpasdugenreàbaisserles
bras. Les restaurateurs, confrontés
àl’arrêtbrutaldeleuractivitédepuis
le début du premier confinement,
puis à une reprise en pointillé, ont
d’abord mis en place un service
minimal pour assurer des livrai-
sons à leurs clients. Mais, durant la
mise au vert forcée, certains d’entre
euxsesontlancésouréfléchissentà
développer des « dark kitchens ».
Derrière cette expression anglaise
plus anxiogène qu’appétissante se
cache l’un des secteurs les plus en
vogue du moment et qui attire des
professionnels de la restauration,
mais aussi des entrepreneurs et des
investisseurs de latech.
« Nous n’avons pas eu d’autre
choixquedenousréinventer,soupire
Sarah Princen-Cousin, directrice
générale de Big Mamma Group.
Nous avons donc créé Napoli Gang,
une marque distribuée sur les plate-
formes de livraison et mis en place
5 cuisines à Paris et 3 à Londres. »
Quatre mois après leur installation,
le bilan est de 133.000 pizzas déli-
vrées, contre 15.000 en moyenne
par mois pour un restaurant
accueillant du public. « Nous nous
étions interdit de livrer jusqu’à pré-
sent,carnouspensionsqu’ilétaittrop
compliquédepréserverlafraîcheuret
la qualité de nos aliments, détaille
Sarah Princen-Cousin. Mais après
avoir longtemps travaillé sur la
recette et les emballages, nous avons
trouvéunesolutionquinousconvient
et plaîtà nos clients. »
Vers une saturation
de l’offre ?
Le bilan est tellement positif que le
restaurateur prévoit désormais
d’ouvrir d’autres « cuisines aveu-
gles », notamment dans les villes de
province où il possède déjà des éta-
blissements classiques, mais pas
seulement, prévient la dirigeante :
« Nous irons à Madrid également, et
réfléchissons à d’autres localisations.
Mais, comme nous continuons à
ouvrir des restaurants où l’on peut
accueillirdesclients,ilfauttrouverun
juste équilibre. »
l L’essor de ces « cuisines aveugles » dédiées à la livraison s’appuie sur l’explosion de la demande
sur les plateformes Uber Eats et Deliveroo.
l Le concept attire des restaurateurs traditionnels, mais aussi des entrepreneurs de la tech.
« Darkkitchen »,leconcept
quiaffolelafoodtech
«Lebusinessmodelnenécessitepasforcément
deleverdesfonds»
Mais ils ont vite compris que trans-
former du jour au lendemain un tel
restaurant n’était pas si facile. Faire
du volume pour la livraison est un
métier à part entière. Cela nécessite
une autre gestion de l’espace et
d’investir dans des logiciels spécifi-
ques.Enoutre,lesrestaurantstradi-
tionnelsnesontpasforcémentbien
placés, car ils sont en général
implantésdansleszonesoùilyadu
flux. Or cela peut poser des problè-
mes entre les clients à l’intérieur du
restaurant et les livreurs qui atten-
dent devant la porte. L’intérêt de la
« dark kitchen » réside dans le fait
qu’elle permet de concentrer toute
l’attention et l’énergie à la concep-
tionetàlaréalisationdeplatsadap-
tés pour la livraison. Grâce à l’effet
volumeetàlaconstructiondebelles
marques, ces modèles peuvent à la
fin avoir une rentabilité supérieure
à bien des restaurants de ville. n
pointdevuesurlamanièredegran-
dir. Big Mamma s’appuie sur de la
dette et une seule marque, tandis
que Dark Kitchen bâtit un modèle
d’abordrentableavantdecroître.En
revanche, tous s’accordent sur la
placecentraledelatechpourmaxi-
miser les coûts opérationnels, plus
importants que dans une start-up
du logiciel.
4À NOTER
Pour s’installer en Espagne,
Not So Dark étudie la
possibilité de louer des espaces
dans CloudKitchens, créé par
Travis Kalanick. Le fondateur
d’Uber a investi cette branche
du marché qui consiste
à acheter des locaux pour les
louer ensuite à des opérateurs
de cuisines aveugles.
restaurant ; et, enfin, la livraison de
repas chezles particuliers.
Les start-up ne sont pas toutes
positionnées au même endroit
sur la chaîne de valeur ?
Absolument. Une start-up comme
Karma Kitchen ne s’occupe par
exemple que de la gestion de cuisi-
nes. C’est davantage un acteur de
l’immobilierqu’unefoodtechetc’est
d’ailleurs pourquoi elle a réussi à
lever 252 millions de livres sterling
cetétéauprèsd’investisseursspécia-
lisésdansl’immobilier.
L’ancien patron d’Uber, Travis
Kalanick,estaussipositionnésurce
créneau avec la société CloudKit-
MATTHIEU VINCENT
Fondateur
de DigitalFoddLab
Lundi 14 décembre 2020 Les Echos