Le Figaro analyse les conclusions de mon livre "L'entreprise familiale, un modèle pour l'avenir et pour tous", dans un article intitulé "Un capitalisme socialement responsable".
Fondations l'essor d'une philanthropie familiale et professionnalisee
VTM citée par le Figaro "Un capitalisme responsable" 24 novembre 2014
1. lundi 24 novembre 2014 LE FIGARO
A
28 CHRONIQUES
Un capitalisme
responsable
En 1777, Frédéric Japy
crée une fabrique de
mouvements d’horlogerie
à Beaucourt, en Franche- Comté.
237 ans plus tard, l’entreprise
est devenue le groupe Lisi,
présent dans l’aéronautique,
l’automobile et le médical.
Le groupe Daher a des activités
dans l’aéronautique, le nucléaire
et les biens d’équipement.
En 1863, date de sa création, il
était spécialisé dans le transport
maritime et le commerce
de produits en fonderie.
En 1968, Pierre-Richard Dick,
vétérinaire, fonde Virbac.
La société est devenue le
huitième groupe pharmaceutique
vétérinaire mondial.
Ces trois entreprises ont
un point commun. Elles sont
des entreprises familiales dirigées
et contrôlées par
les descendants des fondateurs.
Car en ce début du XXIe siècle,
le monde des entrepreneurs
ne se réduit pas aux créateurs
zappeurs de sociétés high-tech
ou de commerce électronique.
« Les entreprises familiales
représentent 60 % des entreprises
européennes, toutes tailles
confondues. Elles réalisent 14 %
du PIB de l’Union européenne.
En France, elles emploient près de
la moitié des salariés », constate
Valérie Tandeau de Marsac qui
publie L’entreprise familiale, un
modèle pour l’avenir et pour tous,
aux éditions Lignes de Repères.
L’auteur, qui est aussi membre
du centre d’expertise Jeantet
Family et professeur associé
à l’Edhec, passe au crible les cinq
éléments clés dans la réussite
d’une entreprise familiale.
Cela va de la gestion des conflits
au contrôle du capital, en passant
par la capacité d’investir sur
le long terme, l’enracinement
local et le devoir de transmission.
Car le capitalisme familial
doit surmonter des obstacles
et affronter des turbulences
sous peine de disparaître
comme n’importe quelle autre
entreprise. « Aucune famille
ne peut exister à la 6e génération
sans être un minimum
organisée », résume Patrick
Daher, président de la compagnie
Valérie Tandeau de Marsac,
avocate, fondatrice du cabinet
VTM FamilyBusinessLaw. DR
Daher. Nommé
aux commandes de l’entreprise
à 40 ans, sa mission est
de vendre la société. Il fait
le contraire. Il la redresse et la
développe. « Les conflits qui
peuvent tuer une entreprise sont le
népotisme, le manque de dialogue,
l’incompréhension, le manque de
clarté ou l’impression de manque
de clarté », observe-t-il.
L’une des grandes forces
des entreprises familiales
est également de privilégier
l’autofinancement et d’investir
pour préparer l’avenir.
« Elles ne sont pas victimes
de “myopie managériale”,
qui consiste à privilégier une
rentabilité immédiate respectant
la vision “court-termiste”
des marchés », souligne Valérie
Tandeau de Marsac. Sysley,
qui s’est imposé sur le marché de
la cosmétique, a investi plusieurs
dizaines de millions d’euros
et augmenté de 5 % ses effectifs
en France en 2009,
en pleine crise économique.
Cette prudence patrimoniale
s’accompagne d’une volonté
d’innovation qui passe
par des sacrifices. Cette stratégie
explique que ces groupes
se spécialisent et soient souvent
leaders sur des marchés de niche.
Mais la France a beaucoup de mal
à reconnaitre la valeur
de ces champions cachés.
Elle préfère privilégier l’impôt
à la volonté de bâtir. Elle risque
de le payer très cher.
Libres
ÉCHANGES
Jean-Pierre Robin
P R OSPECTIVE
www.lefigaro.fr/bourse BOURSE PROSPECTIVE PAR Roland Laskine rlaskine@lefigaro.fr
» NOUVEAU Le site Bourse du Figaro
Le crowdfunding, littéralement « finance-ment
par la foule », connaît un succès
grandissant. Les plateformes de prêt ou
d’investissement sous forme d’actions se
multiplient : une quinzaine d’entre elles
sont aujourd’hui opérationnelles sur le
marché français. Depuis le 1er octobre, les
acteurs dédiés à cette activité disposent
d’un statut de conseiller en investissement
participatif (CIP), ce qui leur permet de le-ver
jusqu’à 1 million d’euros sans avoir à
obtenir l’accord de l’AMF. La profession se
structure, mais les risques de dérapage sont
importants : le projet de reprise d’une partie
du capital de l’aéroport de Toulouse-Blagnac
par des capitaux de proximité sans introduc-tion
en Bourse pose de sérieuses questions
liées à la protection de l’épargne publique.
uLe « crowdfunding » a mieux réussi
que la Bourse auprès du grand public
La finance participative a réussi là où la
Bourse a échoué : elle est parvenue à récon-cilier
les Français avec l’entreprise en don-nant
du sens à leur projet d’épargne. Elle a su
ressusciter la notion « d’affectio societatis »
qui doit exister entre l’investisseur et la so-ciété
à laquelle il apporte des fonds propres.
La finance traditionnelle a aujourd’hui mau-vaise
presse : elle est perçue comme un
monde réservé aux traders ou à quelques ini-tiés
de la spéculation qui utilisent des algo-rithmes
et délèguent les prises de décisions à
des ordinateurs. Un monde hypervolatile
dans lequel l’investisseur individuel n’a plus
sa place. Le crowdfunding a, au contraire,
une image éthique et solidaire : il se rappro-che
de l’investissement socialement respon-sable
et de l’épargne de proximité. Son suc-cès
est porté par l’essor des réseaux sociaux
et d’Internet. L’idée de faire participer le plus
grand nombre à un projet n’est pas nouvelle.
Elle se justifie lorsqu’il s’agit de financer des
start-up à la recherche d’argent frais : le ris-que
est connu, mais les perspectives de plus-values
sont importantes. Ce type d’investis-sement
s’apparente aux fonds d’amorçage, il
bénéficie du régime fiscal très avantageux du
soutien aux PME innovantes.
uDe sérieuses questions liées
à la protection de l’épargne publique
L’appel national à souscriptions lancé par le
site de financement participatif WiSEED ré-pond
à une autre logique. L’objectif est de
demander aux Français de participer au ra-chat
de 10 % du capital de l’aéroport de Tou-louse-
Blagnac à la suite du désengagement
de l’État. Le but est de réunir 10 à 15 millions
d’euros, afin de barrer la route à des investis-seurs
institutionnels, chinois notamment,
intéressés par le dossier. L’approche est ci-toyenne,
le site WiSEED invite les souscrip-teurs
à « ne pas laisser d’autres s’emparer de
cette poule aux oeufs d’or ». Ce type d’argu-ment
est dangereux : il omet de souligner les
risques attachés à cet investissement. L’évo-lution
des résultats d’Aéroports de Paris, in-troduit
en Bourse en 2006, montre que la
gestion d’un aéroport n’est pas un long fleu-ve
tranquille. Le titre introduit à 45 euros a
connu une belle carrière boursière, mais rien
ne garantit qu’une plateforme régionale - si
dynamique soit-elle - fasse aussi bien que
celles de Roissy et Orly réunies. La question
de l’absence de liquidité du placement au
moment de la revente n’est pas abordée, ni
celle de l’information financière réduite au
minimum par rapport aux sociétés cotées. La
Bourse offre de ce point de vue la meilleure
protection qui soit aux épargnants.
La vocation du crowdfunding est de financer
des projets auxquels le marché financier tra-ditionnel
ne peut pas répondre. Les épar-gnants
n’ont pas vocation à palier le manque
de moyens de l’État. Le projet de finance-ment
de l’aéroport de Toulouse, tel qu’il se
présente aujourd’hui, ressemble plus à un
Téléthon de la finance qu’à un placement
classique. Les quelque 2 millions d’euros de
promesses de participations au projet qui
auraient été collectés risquent fort de se
transformer en promesses de dons sans
perspectives de retour pour l’actionnaire.
Les actionnaires d’ADP ont réalisé 98,9 €
une bonne opération
COURS DE L'ACTION ADP, EN EUROS
90
80
70
60
50
40
16/06/2006 21/11/2014
Source : Bloomberg
Infographie
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Le « crowdfunding » séduit mais reste risqué 1,19 % Évolution de l’indice
CAC 40
depuis le 1er janvier
« L’épargne
populaire n’a
pas vocation
à pallier
le manque
de moyens
de l’État»
POUR DEMAIN IDÉES
PAR Yann Le Galès
La France est gérée comme un comité
d’entreprise, et c’est peu roboratif
L’État-providence, financièrement fragile, sujet d’inquiétude des Français.
La réalité dépasse souvent la
fiction. Même au cinéma
Michel Audiard n’aurait
écrit dialogue plus savou-reux
: « Mais cela coûte
cher », fait observer le journaliste.
« Non, c’est l’État qui paye », ré-pond
le président de la République,
lors de l’émission télévisée spectacle
de TF1 censée célébrer le mitan de
son quinquennat. C’était le 6 no-vembre
dernier, le mois le plus dé-pressif
de l’année, en raison de sa
luminosité minimale.
François Hollande a-t-il voulu
accréditer l’idée que l’argent public
serait une manne sans fond et qu’il
suffit de lever l’impôt ? Il donne à
tout le moins l’impression que le
pays est géré comme un comité
d’entreprise (CE), dont la fonction
est de redistribuer de l’argent et des
prestations, sociales ou culturelles,
sans avoir à se soucier de produire
ses propres ressources. Celles d’un
CE sont, par la loi, assises sur la
masse salariale de l’entreprise, et
lorsque cette dernière s’anémie il est
lui-même condamné à péricliter.
L’État se trouve dans une situation
similaire par rapport à l’ensemble
de l’économie, si ce n’est que son
budget est (relativement) cinquante
fois supérieur à celui d’un CE.
Il serait pourtant faux de croire
que les Français sont vraiment du-pes
de la gratuité qu’on leur propose
(« cela ne coûte rien »). Au contraire
ils s’en inquiètent fortement, com-me
le montre à l’envi un récent son-dage
de la Banque de France sur
« les Français et l’économie ». Ainsi
80 % d’entre eux se disent-ils « in-quiets
» de « la hausse du déficit des
finances publiques et de la dette pu-blique
de la France ». De même, « la
situation de l’État et des finances pu-bliques
» constitue pour 56 % de nos
compatriotes le premier motif d’in-quiétude,
loin devant toute autre
préoccupation. Qu’il s’agisse de
l’inflation, de la vie des entreprises,
de l’épargne et même du fonction-nement
de la protection sociale. Tels
sont les autres thèmes mis en avant
par le sondage TNS Sofres, réalisé fin
octobre auprès de 956 personnes, à
la demande de la Banque de France.
Ces résultats n’ont rien de sur-prenant.
Ils découlent mécanique-ment
du fait que les dépenses publi-ques
accaparent 57 % du PIB, de la
richesse produite annuellement par
le pays. Autrement dit les ressources
des Français dépendent majoritai-rement
de procédures collectives
d’attribution, et ils ont peur d’être
sevrés.
À cet égard, il faut regretter la dé-nomination,
bien trop globale, de
« dépenses publiques », lesquelles
recouvrent en réalité deux domai-nes
bien distincts. D’un côté, les
fonctions régaliennes de l’État qui
l’amènent à effectuer des dépenses
pour son armée et la justice, ou à as-surer
des services publics, tel l’en-seignement.
Le second volet est
d’un tout autre ordre. Ce sont des
prestations sociales, qui elles-mê-mes
englobent deux chapitres diffé-rents
: des prestations en nature, les
dépenses de santé principalement,
et en second lieu des versements en
argent, allocations familiales ou re-traites,
entre autres.
Cette brève typologie montre
qu’il est tendancieux de mettre sur
le même plan des choses aussi hété-rogènes.
Les retraites correspon-dent
à des cotisations individuelles
prélevées antérieurement. Cela n’a
évidemment rien à voir, par exem-ple,
avec les allocations familiales
résultant de droits liés à la situation
familiale de chacun.
Le mélange, délibéré de la part
des pouvoirs publics, de ces diffé-rentes
problématiques constitue un
facteur d’opacité des débats. Les
sempiternels problèmes de finance-ment
des comptes publics s’en trou-vent
exacerbés inutilement. Les in-quiétudes
sont d’autant plus vives
que les personnes concernées,
c’est-à-dire nous tous, n’ont indi-viduellement
aucune latitude, leur
seul rôle étant celui de contribuables
et de cotisants passifs.
Du côté des bénéficiaires, poten-tiellement
nous tous, le sentiment
d’angoisse est tout aussi grand. C’est
d’ailleurs le drame inhérent à n’im-porte
quel État-providence. Le re-traité,
notamment, sait pertinem-ment
qu’il n’a aucune possibilité
d’action sur ses revenus, sauf à des-cendre
dans la rue, ce qui reste mal-gré
tout un acte plus symbolique que
réel. « Il est fait comme un rat »,
pour reprendre l’expression chère
au philosophe Jean-Paul Sartre : le
retraité est totalement dépendant
des gens en activité.
Il ne s’agit certes pas de remettre
en cause les mécanismes de redis-tribution
et leur légitimité, mais de
pointer le climat anxiogène dans le-quel
ils s’opèrent. Dans ces condi-tions
il est évidemment très difficile
pour François Hollande d’envoyer
un message roboratif. Les téléspec-tateurs
du 6 novembre n’ont
d’ailleurs guère été rassérénés, et il
ne pouvait en être autrement.
La tâche était-elle plus facile pour
Margaret Thatcher, aux antipodes
idéologiques du président français ?
« L’État n’a aucune autre source
d’argent que l’argent que les gens
gagnent eux-mêmes. Si l’État sou-haite
dépenser plus, il ne peut le faire
qu’en empruntant votre épargne ou
en vous taxant davantage… L’argent
public n’existe pas, il n’y a que l’ar-gent
des contribuables », avait lancé
le 14 octobre 1983 la Dame de fer de-vant
les militants du Parti conserva-teur.
Elle était alors premier minis-tre
du Royaume-Uni depuis quatre
ans et allait le rester encore sept an-nées.
Thatcher, Hollande, on ne saurait
imaginer conceptions plus oppo-sées.
L’une considère qu’il convient
de gérer son pays comme une en-treprise
et l’autre comme un comité
d’entreprise. On peut discuter à
l’infini des deux thèses. Mais indé-pendamment
du problème de fond,
demeure une question qu’aucun
chef d’État ne peut éluder : il faut
savoir susciter de l’espoir.
François Hollande,
le 6 novembre dernier,
sur le plateau de TF1.
TF1
« Il ne s’agit pas
de remettre en cause
les mécanismes
de redistribution,
mais de pointer les
conditions anxiogènes
dans lesquelles
ils s’opèrent »