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MEMOIRE DE
RECHERCHE
LES RECOURS ABUSIFS CONTRE LES PERMIS DE
CONSTUIRE
DISCIPLINE : DROIT DE L’URBANISME
THIBAULT LOUARD
2019
1
TABLE DES ABREVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES
ABV. Table des abréviations, sigles et acronymes
Art. Article
Ass. Assemblée
C. Code
C. urba Code de l’urbanisme
CA Cour d’appel
CAA Cour administrative d’appel
Cass. Cassation
CE Conseil d’Etat
CJA Code de justice administrative
Crim. Criminelle
DDHC Déclaration des droits de l’homme et du citoyen
ELAN Evolution du logement, de l’aménagement et du numérique
EPCI Etablissement public de coopération intercommunale
FPI Fédération des promoteurs immobiliers
JORF Journal Officiel de la République Française
LPA Les petites affiches
PLU Plan local d’urbanisme
REP Recours en excès de pouvoir
TA Tribunal administratif
2
SOMMAIRE
SECTION I : UN DROIT NE GARANTISSANT PAS SUFFISAMMENT LA
SECURITE DU BENEFICIAIRE DE L’AUTORISATION DE CONSTRUIRE............. 5
SOUS-SECTION I – LE DROIT AU RECOURS : UN DROIT FONDAMENTAL..................................... 5
I- Le recours en annulation ........................................................................................... 6
II- Le référé-suspension ................................................................................................ 13
SOUS-SECTION II – LA CARACTERISATION DU RECOURS ABUSIF ........................................... 15
I- L’interprétation des tribunaux................................................................................. 15
II- L’indemnisation pour recours abusif....................................................................... 16
SECTION II : UN DROIT A REFORMER POUR PROTEGER LE BENEFICIAIRE
DE L’AUTORISATION DE CONSTRUIRE ..................................................................... 18
SOUS-SECTION I : LES ANCIENNES REFORMES....................................................................... 18
I- La réformes de 2005 et la loi ENL........................................................................... 18
II- La réformes de 2013 ................................................................................................ 22
SOUS-SECTION II- LES PISTES A EXPLORER ........................................................................... 27
I- La loi ELAN ............................................................................................................. 27
II- En matière de droit comparé ................................................................................... 30
1
La situation actuelle du logement en France est préoccupante. On assiste depuis quelques
années à une désertification des zones rurales au profit des grandes villes, et ce pour des raisons
principalement économiques. La France connaissant depuis la crise de 2008 un taux de
chômage important, de plus en plus de français quittent les zones rurales au profit des grandes
métropoles, sources d’emplois plus important. En parallèle, dans ces grandes agglomérations
les français ont de plus en plus de difficultés à se loger, si bien dans le parc privé que dans le
parc social. En effet, la direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du
logement d’Île-de-France estime qu’il faut attendre en moyenne entre 3 et 10 ans pour obtenir
satisfaction de la demande de logement social, ce qui s’explique par une faible rotation des
locataires mais également par un manque de logements et donc de constructions.
Dans le parc locatif privé, toujours en Ile-de-France, on estime que le prix moyen au mètre carré
est de 23 €, il faut donc compter 690 €/mois et hors charges pour un appartement de 30 m2
, la
norme étant qu’il faille gagner trois fois le montant du loyer, l’accession au marché locatif privé
est compliquée pour nombre de personnes.
Concernant l’accession à la propriété incitée par les taux d’intérêts bas, force est de constater
qu’il est compliqué pour de nombreux ménages d’obtenir un prêt immobilier de la part des
différents organismes de crédit et d’acquérir un bien immobilier vu les prix élevés des
appartements dans la région1
, s’expliquant par le fait qu’il y a peu de biens à vendre et que les
vendeurs profitent de cette conjoncture pour vendre leur bien au prix le plus haut. Pour pallier
ces difficultés, il est nécessaire de construire mais dans la pratique, de nombreux obstacles
empêchent la réalisation de constructions neuves. Manque de foncier dans les zones tendues,
approche des élections municipales de 2020 qui a pour conséquence de freiner la délivrance de
permis de construire, les élus ne voulant pas mécontenter leurs électeurs avec des chantiers qui
sont souvent la cause de troubles pour les riverains, sans oublier un phénomène inhérent au
secteur de la construction, celui des recours2
.
En effet les principales fédérations professionnelles de la promotion immobilière estiment à
33.000 le nombre de logements bloqués à cause des recours « abusifs3
» et qu’il y aurait chaque
1
Selon l’immobilier des notaires, entre octobre et décembre 2018, sur 19 492 ventes enregistrées le prix médian
en Ile-de-France est de 5.390 €/m2
, le premier quartile se situant à 3.210 €/m2
et le troisième quartile à 8 740 €/m2
.
2
G. CORNU, Vocabulaire juridique : Du latin, recursus, en un sens vague et général, désigne tout droit de critique
contre un acte, quelles que soient la nature de cet acte (décision administrative ou juridictionnelle, etc.) et la qualité
de l’autorité de recours (juridiction ou autorité administrative, etc.).
3
G. CORNU, Vocabulaire juridique : du latin : abusivus, se dit de l’exercice d’un droit, lorsque celui qui l’exerce
le sait manifestement mal fondée
2
année entre 12.000 et 16.000 autorisations de construire attaquées, ce qui n’est pas sans
conséquences pour les différents acteurs puisque ces procédures longues devant les tribunaux
administratifs retardent la livraison des programmes, engorgent les tribunaux, nuisent aux
objectifs en matière de construction de logements neufs et peuvent aboutir à engager la
responsabilité de l’Etat au motif que ses objectifs en matière de création de logements sociaux
n’ont pas été atteints, malheureusement beaucoup de ces recours portent sur des autorisations
de construire délivrées pour la construction de logements sociaux, les associations de riverains
de peur de voir leur cadre de vie altérés n’hésitent pas à s’organiser pour que ces programmes
ne voient jamais le jour. Ces recours ont également des conséquences sur l’emploi, le
gouvernement estimait en 2013 que les recours abusifs menaçaient 15.000 emplois.4
Le problème est que les délais de traitement des recours devant les juridictions compétentes
sont longs et qu’ils ne tendent pas à baisser.
Délai moyen de jugement des affaires ordinaires, de leur enregistrement à leur notification, à
l’exclusion des ordonnances, des référés-procédures d’urgence et des affaires dont le jugement
est enserré dans des délais particuliers 5
.
4
Note de présentation, 2 oct. 2013, relative à l’ordonnance n°2103-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux
de l’urbanisme : lutter contre les recours malveillants et fluidifier le traitement des contentieux.
5
CE Rapport public 2018, Activité juridictionnelle et consultative des juridictions administratives en 2017, p. 33.
2013 2014 2015 2016 2017
TA 1 an,
10 mois,
2 jours
1 an,
9 mois,
7 jours
1 an,
9 mois,
7 jours
1 an,
8 mois,
22 jours
1 an,
9 mois,
21 jours
CAA 1 an,
2 mois,
11 jours
1 an,
2 mois,
1 jour
1 an,
1 mois,
15 jours
1 an,
1 mois,
26 jours
1 an,
2 mois,
13 jours
CE 1 an,
3 mois,
9 jours
1 an,
1 mois,
26 jours
1 an,
2 mois,
2 jours
1 an,
12 jours
1 an,
1 jour
3
Un projet de construction peut avoir jusqu’à 5 ans de retard jusqu’à ce que toutes les voies de
recours soient épuisées6
.
Pour éviter ces longues procédures et les conséquences qu’elles engendrent, depuis plusieurs
années les professionnels bénéficiaires de l’autorisation de construire se voient contraint
d’indemniser directement les requérants, sans que la justice n’ait eue connaissance de l’affaire.
Cette pratique est source de dérives, en effet des de associations de riverains se constituent, et
ce de manière quasi-systématique, dès qu’un projet de construction est sur le point de voir le
jour, afin de menacer le bénéficiaire de l’autorisation de construire d’un recours pour excès de
pouvoir (REP), et ce dans l’unique but d’obtenir une compensation financière. Ce racket
déguisé, ce green mail, a un coût pour l’entrepreneur qui répercute ces sommes d’argents versés
sur le coût de la construction, et donc bien souvent c’est l’acquéreur de l’immeuble ou d’un lot
qui est en paie les frais.
Le droit au recours est un principe général du droit, c’est le 17 février 1950 que le Conseil
d’Etat l’entérine7
, il est aujourd’hui protégé par l’article 16 de la Déclaration des Droits de
l’Homme et du Citoyen. La question n’est donc pas, bien entendu, de le remettre en cause
puisque toute personne a droit à un procès équitable comme le souligne l’article 6 de la
Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) mais de faire cesser ces dérives qui
mettent en péril le secteur de la construction. En effet le contentieux de l’urbanisme représente
une part importante du contentieux administratif comme l’illustre le tableau ci-dessous8
, et le
nombre de décisions rendues par les tribunaux administratifs insuffisant.
6
Hélène Cloëz, avocate associée chez LPA-CGR / MRICS écrit que la moyenne nationale est de deux ans
pour les tribunaux administratifs, entre 16 et 18 mois pour les cours administratives d'appel, et 14 mois pour
le Conseil d'Etat.
7
Cf : Ministre de l’Agriculture contre Dame Lamotte (CE, Ass., 17 février 1950, p. 110, GAJA, 19e
éd., n°
60)
8
Conseil d’Etat, Rapport public 2018, activité juridictionnelle et consultative des juridictions administratives
en 2017, pages 33-34
4
TA CAA Conseil d’Etat9
Affaires totales
Affaires enregistrées
En % du total
197 243
11 766
5,9%
31 283
1 932
6,2%
9 864
684
6,9%
Affaires totales
Décisions rendues
En % du total
201 460
10 854
5,4%
31 283
1 910
6,1%
10 139
763
7,5%
Affaires enregistrées et décisions rendues relatives au contentieux de l’urbanisme et à
l’aménagement en 2017.
Il convient donc de trouver le juste équilibre juridique entre l’encadrement du droit au recours
des tiers et la sécurisation des autorisations d’urbanisme. Dans la première section sera abordé
le fait que notre droit ne garantit pas suffisamment la sécurité de bénéficiaire de l’autorisation
de construire, dès lors, il conviendra d’étudier les manières dont le recours des tiers s’exerce et
dans quelles circonstances le recours est caractérisé d’abusif. Dans la seconde section, sera
analysé les dernières réformes qui ont tenté de réduire le nombre de recours abusifs et les idées
à approfondir pour tenter de les enrayer notamment en analysant la manière dont nos voisins
européens traitent ce sujet.
9
Affaires réglées pour le Conseil d’Etat
5
SECTION I : UN DROIT NE GARANTISSANT PAS SUFFISAMMENT LA
SECURITE DU BENEFICIAIRE DE L’AUTORISATION DE CONSTRUIRE
Sous-section I – le droit au recours : un droit fondamental
Plusieurs actions sont possibles pour les personnes qui souhaitent contester les autorisations
d’urbanisme, devant les juridictions judiciaires et devant les juridictions administratives. Les
juges judiciaires compétents sont :
- Le juge pénal, dans les cas où des travaux auraient été exécutés en méconnaissance des
règles d’urbanisme, c’est à dire des travaux qui n’auraient pas été autorisés ou encore
de travaux entrepris en violation d’une suspension (L.480-4) ou d’une interruption de
travaux (L480-3 C. urba.).
- Le juge civil, dans les cas où la construction aurait été édifié sans permis de construire
ou sans respecter les modalités de ce dernier, il peut être saisi par un tiers, sur le
fondement de la responsabilité pour faute de l’article 1240 du Code civil, il peut
également être saisi ce qui arrive dans les cas les plus fréquent, lorsque la construction
va lui causer un préjudice, notamment lorsque la construction autorisée ne permet plus
au voisin d’avoir une vue dégagée et se voyant victime d’un vis-à-vis important et d’un
bien déprécié, il demande réparation du préjudice subi. Le demandeur devra en revanche
démontrer qu’il existe un lien de causalité entre la faute du maître de l’ouvrage,
bénéficiaire ou non de l’autorisation d’urbanisme et son préjudice. La victime à dix ans
pour agir. Si la construction a été édifié avec un permis de construire le juge
administratif aura dû au préalable avoir déclaré le permis de construire illégal.
Il ne paraît pas opportun de développer d’avantage le sujet des recours devant les juridictions
civiles ou pénales puisque dans ces cas-là, le demandeur est victime d’un préjudice en lien avec
la construction et le juge judiciaire demandera d’apporter des preuves. Les actions abusives
contre les permis de construire sont la conséquence le plus souvent des recours devant les
juridictions administratives, puisque les requérants malintentionnés tentent de monnayer
l’annulation de l’autorisation de construire.
Deux procédures sont possibles parallèlement devant les juridictions administratives : le
recours en annulation ou « recours en excès de pouvoir » et la procédure du « référé
suspension ».
6
I- Le recours en annulation
Dans le contentieux dont à connaissance le juge administratif, le recours arguant
l’annulation d’une autorisation d’urbanisme s’appelle recours pour excès de pouvoir. Ce
recours est régi par le Code de l’urbanisme et par le Code de justice administrative pour les
règles de procédure. Nous verrons que le droit au recours même s’il est fondamental doit
répondre à un formalisme et que la procédure devant le juge administratif qui s’ensuit est
encadrée.
A) Les conditions de recevabilité du recours
Le juge administratif de première instance va examiner trois conditions pour savoir si le recours
a été formulé dans les conditions légales : la nature de l’acte, si le requérant à la capacité et
l’intérêt pour agir et s’il n’est pas forclos.
1) La nature de l’acte
L’acte contre lequel le recours est formé doit être un acte administratif unilatéral faisant
grief. Il doit donc émaner de l’autorité administrative, avoir une portée unilatérale, sont donc
exclus les contrats, et faire grief, c’est à dire qu’il présente un caractère exécutoire, soit toutes
les caractéristiques du permis de construire, du permis d’aménager, du permis de démolir et de
la déclaration préalable.
2) Le requérant
Il doit justifier de la capacité générale d’agir en justice mais aussi d’un intérêt à agir dont il
convient de distinguer celui des personnes de celui des associations.
Une personne peut former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire que
« si la construction, l’aménagement ou les travaux sont de nature à affecter les conditions
d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement
ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail ou d’un contrat préliminaire à
une vente10
». La jurisprudence est venue approfondir l’article L600-1-2 dans le sens que le
requérant doit préciser l’atteinte qu’il invoque en apportant des éléments suffisamment précis
qui puissent démontrer que l’atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions
d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien.
10
C. urba. L600-1-2
7
Concernant le voisin du projet de construction qui justifie d’un intérêt à agir, le juge
combine la distance par rapport à la construction autorisée, sa nature et son importance. Avant,
cet intérêt à agir s’appréciait en tenant compte de la proximité géographique du requérant par
rapport au projet de construction, maintenant ces critères ne suffisent plus et le voisin du projet
de construction doit également justifier des nuisances qui porteraient atteinte à l’utilisation,
l’occupation et la jouissance de son bien11
.
Depuis le 1er
octobre 2018, à peine d’irrecevabilité, les demandes dirigées contre des décisions
relatives à l’occupation du sol doivent être accompagnée de la preuve attestant l’intérêt à agir
(titre de propriété, promesse de vente, etc.).12
L’intérêt à agir des associations est à différencier de l’intérêt à agir des personnes
puisqu’il se définit suivant deux critères : le secteur géographique d’intervention de
l’association et les intérêts que défendent cette dernière.
L’objet de l’association doit être en lien avec la protection de l’environnement, la protection du
cadre de vie et être suffisamment précis dans ses statuts pour permettre au juge de faire le lien
entre le but de l’association et son intérêt réel à agir et de vérifier que l’association n’a pas été
créée dans l’unique but de faire échouer le projet de construction. Ainsi, une association dont
l’objet statutaire était « d'aider les citoyens de la communauté de communes Saône et Vienne à
se protéger de préjudices de quelque nature que ce soit » s’est vue rejetée sa requête devant le
Conseil d’Etat car le caractère trop général de son objet ne lui permettait pas de justifier d’un
intérêt à agir suffisant13
.
3) Les délais
L’article L600-1-3 du Code de l’urbanisme dispose que l’intérêt à agir s’apprécie à la date
de l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire.
Concernant les associations, l’article L600-1-1 du Code de l’urbanisme précise que les
statuts de l’association doivent avoir été déposé antérieurement à l’affichage en mairie de la
demande du pétitionnaire, la loi ELAN est venue renforcée cette condition en son article L600-
1, puisque dorénavant l’association devra avoir déposé ses statuts 1 an au moins avant le dépôt
de la demande en mairie de la part du pétitionnaire. Cela devrait éviter les contentieux mis en
11
CE, 13 Avril 2016, n° 386121
12
C. urba. R.600-4
13
CE, 15 Février 2005, n° 273398, Association des citoyens et contribuables de la communauté de commune
Saône et Vienne
8
place par des associations créées dans le seul but de faire échouer les projets de constructions
neuves.
Le délai de recours contre l’autorisation d’urbanisme court à compter du premier jour
d’affichage sur le terrain de cette dernière et ce, pour une durée de deux mois. Le panneau doit
être affiché pendant toute la durée des travaux et comporter un certain nombre
d’informations telles que : le nom du pétitionnaire, la date de délivrance du permis de construire
et son numéro d’enregistrement, la nature du projet et la superficie du terrain, l’adresse de la
mairie où le dossier peut être consulté, le nom de l’architecte auteur du projet architectural, la
surface de plancher et la hauteur de la construction et les droits de recours des tiers. Si les
mentions des voies et délais de recours ne sont pas inscrites sur le panneau d’affichage le délai
de recours devient inopposable et l’autorisation d’urbanisme peut dès lors être contestée à tout
moment. L’absence de panneau d’affichage visible depuis la rue ne rend, malgré tout, pas la
construction illégale. Le Code de l’urbanisme en revanche prévoit qu’aucun recours en
annulation, en cas d’irrégularité d’affichage, n’est recevable dans un délai d’un an à compter
de l’achèvement de la construction. La date d’achèvement étant celle de la réception de la
déclaration d’achèvement (art. R.426-1 C. urba.). La loi ELAN vient approfondir cette règle en
abaissant ce délai à six mois.
4) La notification des recours
L’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme dispose que l’auteur du recours est tenu, à peine
d’irrecevabilité, de notifier son recours à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation
et que la notification doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception dans un
délai de quinze jours francs à compter du recours. La date de certificat de dépôt de la lettre
recommandée auprès des services postaux faisant foi.
B) La procédure devant le juge administratif
Ce sont les juridictions administratives qui sont compétentes dans le contentieux des
autorisations d’urbanisme. En première instance la juridiction compétente est le tribunal
administratif du lieu de situation de l’immeuble (CJA art. R. 312-7).
1) Les moyens de légalité
Le tiers qui souhaite faire annuler une autorisation d’urbanisme doit faire une requête
motivée devant le tribunal administratif. Il doit exposer des arguments de fait et de droit, des
moyens, qui justifient son recours en annulation, s’il ne soulève aucun moyen il ne pourra en
9
invoquer de nouveaux en cours de procédure14
. Le juge du fond va alors analyser les moyens
exposés. Le juge administratif distingue deux catégories de moyens : les moyens de légalité
externe et les moyens de légalité interne. Il existe quatre cas d’ouverture au recours pour excès
de pouvoir. Deux moyens dits de « légalité externe » qui concernent la procédure d’élaboration
de l’acte et deux moyens de « légalité interne » qui concernent le contenu même de l’acte.
a) Les moyens de la légalité externe
Généralement, ce sont les moyens que les juges administratifs examinent en premier
puisque leur caractère d’illégalité est facilement décelable.
- L’incompétence
Sont à distinguer les compétences matérielles, territoriales et temporelles.
L’incompétence matérielle est celle dans laquelle une autorité administrative agit dans des
matières pour lesquelles elle n’a pas reçu compétence. Dans le cadre d’autorisation
d’urbanisme, ce serait le cas où une personne autre que le maire ou le président de l’EPCI, dans
le cadre d’intercommunalité, délivrerait un permis de construire.
L’incompétence territoriale est celle dans laquelle une autorité administrative a agi en dehors
de son territoire de compétence (cas où un maire délivrerait un permis de construire pour un
terrain ne se situant pas sur sa commune par exemple).
L’incompétence temporelle est celle dans laquelle une autorité prend une décision alors qu’elle
n’en a pas encore ou plus le droit (cas où un maire délivrerait un permis de construire alors que
son mandat est échu).
- Les vices de forme et de procédure
Le vice de forme concerne la présentation extérieure de l’acte qui doit être signé par son
auteur, respect du contreseing des actes (une seconde signature vient authentifier la première).
Les vices de procédure concernent quant à eux, le processus d’élaboration de l’acte. Le
Conseil d’Etat distingue les formalités substantielles qui protègent particulièrement les
administrés, puisque dans les cas où ces dernières ne sont pas respectées l’acte sera annulé, des
formalités non substantielles qui ne sont quant à elles pas prescrites à peine de nullité. C’est
dans un arrêt du 23 décembre 201115
que le Conseil d’Etat va finir par définir la formalité
substantielle. Une formalité est donc dite substantielle lorsqu’elle est susceptible d’influencer
14
CJA art. R. 411-1
15
CE, ass., 23. déc 2011, Danthony et autres ;
10
le contenu de la décision administrative. La doctrine s’accorde à dire que cette distinction
permet de ne pas rendre l’action de l’administration trop encadrée mais les formalités sont
édictées par le législateur ou par l’autorité règlementaire et il est très rare qu’ils décident que
telle formalité est substantielle et que telle autre ne l’est pas. C’est donc le juge, sous prétexte
de favoriser l’administration, qui fait le tri.
b) Les moyens de la légalité interne
Ce sont les moyens relatifs au contenu de la décision attaquée. La légalité interne comprend :
le détournement de pouvoir et la violation de la loi.
- Le détournement de pouvoir
Le détournement de pouvoir est constitué lorsque l’autorité administrative agit dans un but autre
que celui pour lequel l’acte pouvait légalement être accompli. Il sanctionne les objectifs, les
motivations de l’auteur de l’acte attaqué, les décisions personnelles de l’administrateur. Selon
Maurice Hauriou, un des pères du droit administratif, « le détournement de pouvoir sanctionne
un comportement moral de l’administration », en effet le juge administratif ne l’utilise que
rarement puisqu’il est compliqué pour ce dernier de rechercher la réelle intention de l’auteur de
l’acte. C’est un moyen compliqué à contrôler pour le juge qui implique donc de la part du
requérant d’apporter des preuves sérieuses. Concernant les autorisations d’urbanisme, ce serait
la situation où le maire déciderait de délivrer un permis de construire à l’une de ses
connaissances, dans un but autre que d’intérêt général, alors qu’il ne l’aurait pas délivré à un
autre administré. On peut également citer l’exemple où une commune modifie les règles
d’urbanisme pour faire diminuer la valeur du terrain qu’elle souhaite acheter16
.
- La violation de la loi
Au sens large, c’est lorsqu’un administrateur n’a pas tenu compte des dispositions légales (texte
de loi, arrêtés, règlements). Ce serait le cas d’un maire qui autoriserait un permis de construire
contrevenant aux dispositions des règles d’urbanisme, soit volontairement sans prendre en
considérations les prérogatives d’urbanisme ou soit parce qu’il aurait mal interprété les
documents d’urbanisme.
Aussi, il est nécessaire de se poser la question du cas où une autorisation d’urbanisme respectant
les dispositions d’un PLU aurait été accordé alors que ce dernier était illégal, parce que non
16
CE, 12 janvier 1994, Esvin
11
conforme aux règles d’urbanisme supérieures par exemple. Pour cela la jurisprudence est assez
précise, un plan local d’urbanisme entaché d’illégalité n’empêche pas forcément la
construction, le requérant doit en en effet démontrer que l’autorisation d’urbanisme contestée
avait été octroyée en méconnaissance des règles d’urbanisme remises en cause, le permis de
construire n’étant pas considéré comme un acte d’application du plan local d’urbanisme,
autrement dit une conséquence de ce dernier mais simplement une autorisation de construire17
.
Après avoir étudié les cas d’ouverture de la requête pour excès de pouvoir, il convient de
s’intéresser au pouvoir du juge administratif en étudiant comment une autorisation d’urbanisme
entachée d’illégalité peut être régularisée et les conséquences que va avoir la décision de justice.
2) Les pouvoirs du juge administratif
La procédure est à différencier de la procédure accusatoire qui se base sur le principe du
contradictoire, dans le contentieux administratif de l’urbanisme la procédure des inquisitoire,
c’est à dire que le juge peut prendre des mesures dites d’instruction pour garantir l’intérêt
général. Le juge est donc doté de moyens importants puisqu’il peut demander au requérant et
au pétitionnaire des documents dont il voudrait avoir connaissance ou encore désigner un
expert. Il décide également de la date à laquelle l’instruction est close, date à partir de laquelle
les parties ne pourront plus apporter de nouveaux éléments.
a) Le sursis à statuer et la cristallisation des moyens
L’article L600-5-1 du code de l’urbanisme, récemment modifié par la loi du 23 novembre
2018, précise que le juge administratif peut sursoir à statuer s’il estime que l’autorisation de
construire est seulement entachée d’une illégalité mineure et qu’un simple permis modificatif
peut permettre de régulariser le permis de construire. Dans ce cas, en cours d’instance, le
pétitionnaire peut être invité à présenter un permis modificatif dans un délai fixé. Si un permis
modificatif est apporté par le pétitionnaire, le juge statue de nouveau est régularise
l’autorisation d’urbanisme si le permis modificatif corrige l’illégalité. En conséquence, le
permis est purgé de l’illégalité et un nouveau recours en annulation ne pourra plus être porté
contre le permis initial aux motifs des anciennes irrégularités.
« La cristallisation des moyens » est retenue par le CJA en son article R611-7-1,
récemment modifié par le décret du 2019-82 du 7 février 2019 modifiant la partie réglementaire
17
CE 7 février 2008, n°297227, commune de Courbevoie ;
12
du CJA, et repris dans la partie règlementaire du Code de l’urbanisme en son article 600-5. Pour
pallier le fait que des requérants dans le but de retarder les projets de constructions avaient
fâcheuse tendance à faire durer les procédures en invoquant de nouveaux moyens jusqu’à la
clôture de l’instruction. Le législateur, dans une optique de protection du pétitionnaire, a élargi
les pouvoirs du juge en l’autorisant à fixer une date, sans fermer l’instruction, à partir de laquelle
il ne sera plus possible pour les parties d’invoquer de nouveaux moyens. Dans la pratique, le
juge ne cristallise par les moyens de lui-même et c’est le défendeur qui doit en faire la demande,
en l’espèce le pétitionnaire.
b) Le jugement
Concernant les recours pour excès de pouvoir, le juge ne peut modifier la décision litigieuse, il
doit se prononcer. Dans le domaine du contentieux de l’urbanisme, soit il décide d’annuler
pleinement l’autorisation, auquel cas l’autorisation est réputée n’avoir jamais été délivrée, soit
il invite le titulaire à la régulariser en cours d’instance, comme vu précédemment, soit il juge
l’autorisation légale et renvoie les parties dans leur état d’origine. Il peut également annuler
partiellement une autorisation lorsque « un vice n’affectant qu’une partie du projet peut être
régularisé18
». C’est par exemple le cas où c’est un élément annexe à une maison individuelle
qui objet du litige, comme une piscine, un garage19
ou une dépendance.
De plus, lorsqu’un permis de construire assorti de prescriptions illégales a été délivré,
l’autorisation n’est pas remise en cause mais les prescriptions imposées par l’autorisation sont
annulées par le juge administratif. Généralement ces prescriptions illégales sont de nature
financière (délivrance d’une autorisation de construire sans la nécessité construire des places
de parking en échange d’une contrepartie financière de la part du pétitionnaire).
Le juge administratif ayant rendu sa décision, la procédure en appel devant la Cour
administrative d’appel est possible. Pour cela l’appelant doit interjeter appel dans un délai de
deux mois à compter de la notification de la décision. Contrairement à l’appel devant les
juridictions de l’ordre judiciaire, l’appelant ne doit pas agir sur la base des même moyens
invoqués en première instance mais doit véritablement contester la décision de première
instance. La procédure devant le tribunal administratif dispense les parties du ministère
d’avocat, mais en appel, comme en cassation le recours à un avocat est obligatoire.
18 C.urba. L600-5
19 CAA Marseille, 21 décembre 2007, n°07MA03145
13
Pendant toute la procédure, le bénéficiaire d’un permis de construire, même s’il fait l’objet d’un
recours, peut continuer les travaux. Le législateur a donc créé une procédure « d’urgence » dans
le but de faire cesser les travaux de construction, il s’agit de la procédure du référé suspension.
II- Le référé-suspension
Le recours devant les juridictions administratives n’ayant pas d’effet suspensif, le requérant
peut parallèlement à son recours en annulation saisir le juge des référés mais la saisine du juge
des référés doit obéir à certaines conditions et le jugement rendu n’a pas la même portée que le
jugement rendu par le juge administratif.
A) Les conditions
Plusieurs conditions doivent être réunies pour saisir le juge des référés : les conditions de
« fond » et les conditions de « forme ». En matière d’urbanisme, c’est le Code de justice
administrative qui encadre la saisine du juge des référés.
1) Les conditions de forme
Le recours devant le juge des référés ne peut être exercé sans avoir préalablement exercé
un recours en excès de pouvoir devant le juge administratif contre l’autorisation d’urbanisme
que l’on souhaite voir suspendue. La juridiction compétente pour prononcer la suspension de
l’autorisation dans le cadre de la procédure de référé-suspension n’est autre que la même
juridiction qui a connaissance du recours pour excès de pouvoir, c’est à dire le tribunal
administratif ou la Cour administrative d’appel si la demande de référé-suspension intervient
au moment de l’interjection en appel.
2) Les conditions de fond
D’abord, comme dans tout domaine de contentieux, la saisine du juge des référés oblige le
requérant à justifier d’un préjudice qui demande une intervention d’urgence de la part de
l’autorité administrative (CJA, art. L521-1). C’est au requérant de prouver le caractère
d’urgence de sa demande mais en droit de l’urbanisme et surtout pour les autorisations de
construire, le caractère de l’urgence est toujours retenu par les juges administratifs puisqu’à
moins d’ordonner la démolition de l’ouvrage, la construction revêt « un caractère irréversible »
et l’urgence est retenue dès que les travaux de construction ont commencés sans être terminés.
Ainsi une construction presque achevée peut se voir suspendue par une décision du juge des
14
référés alors qu’il n’y a plus de réel caractère d’urgence. Il n’y a pas de gradation selon le fait
que la construction est presque achevée ou à commencer, l’interprétation reste à la liberté du
juge administratif.
Le juge administratif peut également être saisi en référé si le requérant parvient à démontrer
qu’un moyen de légalité peut entacher la régularité de l’autorisation de construire. Si le juge
retient un moyen et suspend l’autorisation de construire, le juge administratif saisi en recours
en annulation n’annulera pas pour autant l’autorisation de construire puisque la procédure étant
inquisitoire il pourra obliger les parties à lui fournir des documents pour étayer sa décision.
B) La décision
Le juge des référés statue dans un court délai, généralement entre 3 à 6 semaines et rend une
ordonnance de rejet ou de suspension de l’autorisation de construire. L’ordonnance est rendue
en première et dernière instance et n’est donc pas susceptible d’appel, sauf pourvoi en cassation
devant le Conseil d’Etat.
1) La suspension de l’autorisation de construire
La suspension de l’autorisation d’urbanisme est provisoire, elle vaut jusqu’à ce que le juge
administratif saisie en recours en excès de pouvoir ne rende sa décision. La décision de
suspension est une décision de justice et le constructeur est tenu de la respecter, faute de quoi
la reprise des travaux est constitutive d’une infraction pénale (C. urba. art. L480-4).
Il est important de noter que l’ordonnance de suspension du juge des référés suspend le délai
de l’autorisation de construire (C. urba. art. R.424-17).
2) Le rejet de la demande
Si la demande est rejetée faute de moyens suffisant pour définir le caractère d’urgence, ce
qui est rare dans le contentieux des autorisations de construire, comme expliqué précédemment,
les travaux de construction peuvent continuer jusqu’à ce que le juge administratif ne se
prononce ou que le requérant ne saisisse à nouveau le juge de référé si la situation a évolué.
Après avoir étudié les particularités du contentieux des autorisation de construire devant les
tribunaux administratifs, force est de constater que le requérant et le titulaire de l’autorisation
de construire sont protégés en droit mais dans les faits la situation est différente et de nombreux
recours sont fait pour empêcher les constructions qui déplaisent aux riverains mais ne leur
donnent pas toujours le droit d’agir alors pourquoi les recours abusifs persistent-ils toujours
15
autant ? Dans cette sous-section sera abordé la caractérisation du recours-abusif et que cette
définition est souvent libre de l’interprétation des tribunaux, donc par conséquence ils ne sont
que peu sanctionnés…
Sous-section II – La caractérisation du recours abusif
Caractériser le recours abusif, l’abus de droit n’est pas évident. En effet, même s’il est aisé de
juger que lorsque c’est un concurrent du promoteur qui vient contester l’autorisation de
construire qui lui a été délivré ou un tiers qui a déjà contesté plusieurs permis de construire,
l’abus de recours se révèle, mais qu’en est-il lorsqu’il s’agit d’une association de défense de
l’environnement ou encore d’une personne physique qui se dit qu’elle a peut-être quelque chose
d’autre à gagner que le simple retrait du permis de construire ?
I- L’interprétation des tribunaux
Les recours étant devenu au fil des années quasiment une coutume, une norme, de sorte
qu’aujourd’hui on ne puisse plus parler des recours contre les permis de construire sans penser
aux abus et aux retards de construction. Pour pallier ce phénomène devenu monnaie courante,
le législateur a depuis plusieurs années, donner aux juges des moyens pour les sanctionner mais
les tribunaux sont plutôt réticents à les utiliser.
La maxime, « Le droit cesse où l’abus commence » de Marcel Ferdinand Planiol dans le « traité
élémentaire de droit civil » est exacte mais encore faut-il déterminer où commence l’abus et où
cesse le droit20
. Là, est la difficulté du juge à qui sera soumis la demande d’indemnisation pour
recours abusif.
Il faut comprendre que la décision de rejet d’un recours en annulation n’est pas la caractéristique
d’un recours abusif, en effet ce n’est pas parce que le requérant à échouer dans son recours en
excès de pouvoir que son recours doit être qualifié d’abusif puisqu’un requérant, d’autant plus
néophyte et non juriste a droit à l’erreur notamment sur l’étendue de ses droits au recours. Le
risque de voir son projet immobilier victime d’un recours est un risque de la construction. Il
existe de nombreuses jurisprudences sur le sujet, de cas où l’abus de droit n’a pas été retenu,
on peut citer l’exemple d’un couple contre la société « Bouygues immobilier », qui s’était vu
condamner en première instance à verser à l’entreprise la somme de 10.000 € mais la Cour
20
DUGUIT (L.), La règle de droit, Le problème de l’État, Traité de droit constitutionnel, T. I, Paris 1927, p. 267,
cité dans le mémoire de madame Boussemart (D.) p.63
16
d’appel avait dans un arrêt contradictoire annulé dans toutes ses dispositions le jugement aux
motifs que « les époux n’avaient pas pour intention de nuire à la société Bouygues
immobilier »21
. Pour qualifier le recours d’abusif il faut donc que le requérant ait
volontairement agi pour porter atteinte au droit de construire du bénéficiaire et qu’il y ait une
réelle atteinte aux droits de ce dernier. On considère donc le recours abusif dans les cas où, le
requérant fait preuve de mauvaise foi ou encore dans des cas où il agirait en invoquant des
motifs autres que l’irrespect des règles d’urbanisme, ou de la procédure d’élaboration de l’acte.
En revanche si le requérant à un intérêt commercial son recours ne sera pas considéré comme
abusif à conditions qu’il invoque en plus des motifs liés aux règles d’urbanisme22
.
Pour une association, caractériser l’abus est plus aisé puisqu’elle est censée agir dans « la limite
de la défense de ses intérêts légitimes ».
Vu le nombre d’arrêts contradictoires rendues par les Cours d’appel, force est de constater que
la qualification du recours comme étant abusif n’est pas aisée et qu’elle laisse un champ assez
large aux juges qui généralement ne retiennent pas la qualification abusive du recours sauf dans
des cas extrêmes où le requérant maintient son recours devant le juge administratif alors qu’il
sait qu’il n’est en l’état pas recevable, n’ayant pas respecté les délais ou encore, pas notifié son
recours au pétitionnaire et à l’auteur de la décision.
Pour voir un requérant, mal intentionné sanctionné pour recours abusif, encore faut-il savoir
devant quelle juridiction agir.
II- L’indemnisation pour recours abusif
Le pétitionnaire peut agir devant trois juridictions pour voir le requérant sanctionné, devant
le tribunal, administratif, civil ou correctionnel s’il s’agit d’une infraction ou d’un délit.
Le CJA en son article L761-1 dispose « dans toutes les instances, le juge condamne la
partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et
non compris dans les dépens » mais en matière d’autorisations d’urbanisme l’octroi de cette
indemnité est très rare puisque la procédure est dispensée du ministère d’avocat, de plus elle
n’est pas toujours octroyée par la partie perdante au procès car l’acte administratif fait grief et
l’article L761-1 complète par : « le juge tient compte de l’équité et de la situation économique
de la partie condamnée ». C’est à dire que, lorsqu’un requérant croyait agir dans son bon droit
21
CA, Versailles, 22 septembre 2017, n° 15/06092
22
CE 22 février 2002, n°2016088
17
le juge ne condamnera pas la partie perdante aux dépens et ne condamnera pas un requérant
mal intentionné si sa situation économique est trop « déséquilibrée » par rapport à celle du
bénéficiaire de l’autorisation de construire.
La victime d’un recours abusif peut parallèlement à la procédure, déposer une demande devant
le tribunal administratif, par mémoire distinct, pour se voir allouer des dommages et intérêts.23
Le juge peut également infliger à l’auteur d’une requête qu’il estime abusive une amende dont
le montant ne peut excéder 10 000 €24
, cette amende n’est pas une indemnité pour le
pétitionnaire mais une somme versée au Trésor Public.
Peut aussi être engagée la responsabilité du requérant sur la base de la responsabilité
pour faute de droit commun et donc de l’article 1240 du Code civil, disposant « Tout fait
quelconque de l’Homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est
arrivé à le réparer ». Dans le sens stricto sensu de ce texte, le pétitionnaire victime de retard
dans son projet de construction et des conséquences qu’elles peuvent avoir peut saisir le juge
judiciaire pour demander des dommages et intérêts correspondant au préjudice moral et
financier que les retards de travaux ont pu avoir pour lui et/ou son entreprise. De plus on pourrait
imaginer, le cas où les acquéreurs de lots qu’auraient construits le promoteur, mais qui auraient
été livrés en retard à cause du recours du requérant, se retourner également contre ce dernier
pour être dédommagés.
Lorsque le recours relève d’une faute pénale, il s’agit le plus souvent d’escroquerie ou
du moins de tentatives d’escroquerie. L’escroquerie est définie par l’article 313-1 du Code
pénal. La tentative d’escroque est sanctionnée par la même peine que l’escroquerie caractérisée,
soit une peine maximale de cinq ans d’emprisonnement et 375.000 € d’amende. Ont été ainsi
condamnés au délit d’escroquerie par la chambre criminelle de la Cour de cassation, un groupe
de requérants ayant engagés des recours contre plusieurs permis de construire portant sur
d’importants centres commerciaux dans un délai bref et déposés la veille ou l’avant-veille de la
fin des délais de recours et ayant mis en place des manœuvres frauduleuses dans le but de
recevoir d’importantes sommes d’argent25
.
23
C.urba. art. L600-7
24
CJA. Art. R741-12
25
Cass. Crim. 22 janvier 2014, n°12-8042
18
SECTION II : UN DROIT A REFORMER POUR PROTEGER LE
BENEFICIAIRE DE L’AUTORISATION DE CONSTRUIRE
Sous-section I : Les anciennes réformes
Vu le nombre de recours dont ont pu être victime les bénéficiaires d’autorisations de
construire, notamment lorsqu’elles concernent des projets de grandes ampleurs, le législateur
n’a pas cessé depuis 1994 de mettre en place des réformes afin de sécuriser au mieux les
autorisations d’urbanisme tout en préservant le droit fondamental au recours. Depuis des années
les professionnels de la construction se plaignent du « chantage » dont leur autorisation
d’urbanisme fait l’objet. Dès lors qu’un projet important de construction s’apprête à voir le jour,
ces derniers se voient souvent contraint de verser une somme d’argent aux requérants
malintentionnés, en échange de quoi ils verraient le recours levé. Cette pratique ne représente
certainement pas l’idée de justice, ainsi il est nécessaire d’étudier les dernières réformes et de
voir si elles suffisent à endiguer totalement ces recours-abusif qui engorgent les tribunaux et
portent atteinte à l’intérêt général. Prenant peu à peu conscience de l’ampleur du phénomène et
de l’inefficacité du droit de l’urbanisme dans ses sanctions et des manières dont le contentieux
était traité, les gouvernements qui se sont succédés, et ceux depuis un peu plus de vingt-cinq
ans, ont tenté de le réformer. Ce sont les réformes de 2005 portant sur la loi ENL, la loi de 2013
et enfin tout récemment la loi ELAN qui ont attachées le plus d’importance au traitement des
recours abusifs.
I- La réformes de 2005 et la loi ENL
L’étude commence en 2005, quand M. Philippe PELLETIER avocat au bureau de Paris et
président de l’ANAH de 1998 à 2008, est chargé le 29 juin 2004 par le Gouvernement de M.
Raffarin de faire des propositions pour « améliorer la gestion des contentieux, faciliter la
régularisation des vices de procédures mineurs ainsi que la lisibilité des délais de recours ».
Le Gouvernement souhaitait disposer du rapport à l’automne 2004 mais vu l’ampleur des
travaux le rapport leur sera rendu le 25 janvier 2005. Il est nécessaire de souligner que
parallèlement à l’idée d’une réforme très prochaine du droit de l’urbanisme, intervient un an
plus tôt, le 9 décembre 2004, la loi de simplification du droit qui autorise le Gouvernement à
légiférer par voie d’ordonnance sur la réforme des autorisations d’urbanisme26
.
26
Loi n° 2004-1343
19
Le rapport intitulé « Propositions pour une meilleure sécurité juridique des autorisations
d’urbanisme » est scindé en 2 chapitres en ce qui concerne le contentieux des autorisations, « la
remise en cause des autorisations » et « l’amélioration du traitement des recours
juridictionnels ». Le groupe de travail a réuni tous les professionnels du secteur, si bien des
juristes (avocats, notaires, magistrats) que des opérationnels (responsables d’urbanisme,
promoteurs) et des professeurs en droit de l’urbanisme. Les préconisations de ce rapport sont
donc créées en prenant en compte les considérations de chacun en fonction de ce qu’ils peuvent
observer dans leur milieu professionnel et ce dans « l’esprit du droit », c’est à dire dans le
respect de l’intérêt général et des autres règles de droit. Les conséquences de ce rapport ont été
importantes puisque de nombreuses propositions ont été adoptées, soit par l’ordonnance du 8
décembre 2005 soit par la loi ENL. Il convient donc d’observer à quel point le bénéficiaire était
enfermé dans un système d’insécurité juridique avant les modifications législatives qu’ont
entrainées l’ordonnance de 2005 et la loi ENL et les bénéfices qu’elles ont apportées au
bénéficiaire dès leur entrée en vigueur
A) La situation antérieure source d’insécurité juridique pour le bénéficiaire
1) Les modalités de remise en cause des autorisations d’urbanisme avant la réforme
A propos des délais et concernant l’affichage de l’autorisation d’urbanisme, le délai de
recours des tiers courait à partir de la date la plus tardive de l’affichage continue de
l’autorisation d’urbanisme pendant deux mois soit en mairie soit sur le terrain. Le bénéficiaire
était placé dans un système d’insécurité juridique puisqu’il n’avait aucun pouvoir sur la date à
laquelle était affichée l’autorisation en mairie. De plus, lorsque l’affichage de l’autorisation
faisait preuve d’irrégularités, le tiers était dispensé de délai pour contester le permis et pouvait
agir à tout moment. Etant compliqué, d’apporter la preuve d’un affichage régulier sur un terrain
dès lors que la construction était achevée, un bénéficiaire pouvait voir son permis contesté
plusieurs années après l’achèvement. La loi distinguait également les recours, suivant que le
permis avait été délivré de manière tacite ou exprès, l’administration ayant délivré le permis
pouvait le retirer pour illégalité dans un délai de deux mois s’il était tacite et quatre mois s’il
était explicite. En plus, un permis tacite, acquis de droit en l’absence de réponse de
l’administration pouvait être annulé à tout moment par cette dernière en cas de recours d’un
tiers.
20
Sur le sujet, de la mise en œuvre des autorisations de construire, il n’existait pas
anciennement, de permis modificatif, lorsqu’un bénéficiaire voulait faire modifier son permis
de construire, suite à l’avis d’un tiers, il devait faire une nouvelle demande de permis de
construire qui emportait annulation de son ancien permis. Le permis de construire était
également périmé, dès lors que le chantier était interrompu pendant plus d’un an, malgré le fait
que le permis était encore valable. Cette situation poussait donc les constructeurs à indemniser
directement les requérants dans le but qu’ils retirent leur recours et qu’ils puissent reprendre la
construction.
2) Le traitement des recours devant les juridictions avant la réforme
A propos de la procédure, anciennement le requérant pouvait invoquer n’importe quels
moyens nouveaux en cas d’appel, ce qui avait pour effet de permettre au demandeur en appel
de trouver de nouveaux moyens entre les deux procédures en espérant que la décision aille,
cette foi si en son avantage.
L’ancien Code de l’urbanisme en son article R. 421-32, ne prévoyait que deux cas dans
lesquels le délai de validité de deux ans du permis de construire pouvait être suspendue. Il
l’admettait lorsque la décision ayant accordée le permis était suspendue et dans les cas où une
annulation de permis par le tribunal administratif était frappée d’appel et ce jusqu’au rendu
d’arrêt de la Cour appel administrative. Dans les autres situations, la durée de validité de
l’autorisation de construire continuait à courir, notamment en cas de recours des tiers ce qui
pouvait causer une expiration du permis, à cause de la durée de traitement du recours et
contraindre les bénéficiaires à monnayer le retrait du recours.
Le juge administratif disposait de moins de pouvoir qu’à l’heure actuelle, puisque seulement
deux possibilités s’offraient à lui. En effet, soit il déclarait l’autorisation d’urbanisme conforme
et rejetait le recours en annulation, soit il la déclarait non-conforme et ce même pour des
irrégularités mineures.
Il est important d’ajouter que le défendeur en instance ne pouvait pas soulever l’abus de
droit et le juge administratif ne pouvait pas le prononcer. La bénéficiaire victime d’un recours
abusif devait donc agir devant le juge judiciaire pour tenter de voir condamner le requérant
malintentionné.
Après avoir constaté à quel point le bénéficiaire était placé dans une situation d’insécurité
juridique il convient de voir quels éléments ont été adoptés par l’ordonnance et par la loi ENL,
en vue de protéger les constructeurs.
21
B) Les bénéfices de ces deux réformes pour le bénéficiaire de l’autorisation
Cette réforme d’urbanisme a été faite en deux temps, des dispositions ont été prises par voie
d’ordonnance comme en disposait l’article 20 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004, et
d’autres par la voie législative ordinaire.
1) L’ordonnance du 8 décembre 2005
Dans la continuité de la loi de simplification du droit, l’idée générale de cette réforme est
de simplifier le droit de l’urbanisme qui paraissait trop complexe. C’est cette réforme qui
notamment, réduit le nombre de catégories d’autorisations d’urbanisme à celles que nous
connaissons aujourd’hui.
L’ordonnance n°2005-1527 du 8 décembre 2005 apporte une modification majeure
concernant la durée de validité du permis dans le but que ce dernier ne soit pas suspendu en cas
de recours des tiers, dans ce sens l’ordonnance créée une suspension lorsque l’autorisation est
frappée d’annulation par le tribunal administratif et que le jugement est contesté en appel ou
bien, lorsque la décision est suspendue par le juge des référés dans le cadre d’un référé-
suspension. De plus elle rend effective la déclaration d’achèvement des travaux, déclaration par
laquelle le bénéficiaire s’engage sur la conformité du projet à l’égard de son autorisation
d’urbanisme afin de permettre de juger d’une date certaine de l’achèvement des travaux.
2) La loi ENL
La loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement est une
loi qui avait pour principale objectif d’inciter les propriétaires à louer leur logement mais elle a
« touché » plusieurs parties du droit de l’immobilier dans un sens large afin de remettre en
adéquation la loi et la jurisprudence. Concernant le droit de l’urbanisme, en plus de ratifié
l’ordonnance du 8 décembre 2003, elle consacre son chapitre III à « la sécurisation des
autorisations d’urbanisme et des constructions existantes ».
Ainsi, son article 11 attribue au juge administratif la faculté de moduler sa décision
d’annulation en en lui permettant de pouvoir décider d’une annulation partielle de l’autorisation
d’urbanisme « lorsqu’il constate qu’une seule partie du projet est illégale ».
Concernant le recours des associations, en son article 14, elle dispose : « Une association
n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que
si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu antérieurement à l'affichage
22
en mairie de la demande du pétitionnaire27
». Cette mesure est importante puisqu’elle oblige
les associations à avoir déposer leur statut avant l’affichage de l’autorisation d’urbanisme en
maire et donc d’éviter que des associations se créent seulement dans l’objectif de contester un
permis de construire existant.
Cette réforme marque « un pas en avant » dans domaine du contentieux des autorisations
d’urbanisme, on peut ainsi constater que le législateur avait commencé à prendre conscience du
phénomène d’insécurité juridique dans lequel le bénéficiaire était enfermé, il a tenté d’y
remédier mais après plusieurs années d’analyse des décisions rendues par les tribunaux et des
pratiques en la matière, force a été de constater que les recours ne cessaient pas pour autant et
qu’il fallait une nouvelle réforme. Sept ans plus tard une nouvelle loi a donc été publiée au
Journal Officiel.
II- La réforme de 2013
Cette réforme a été construite dans la continuité de la loi de 2006, dans le sens qu’elle a été
instituée dans des formes similaires. Un groupe de travail a de nouveau été missionné, cette
fois-ci par la Madame Cécile DUFLOT, ministre de l’égalité du territoire et du logement, à
l’époque, à rédiger un rapport pour permettre au gouvernement la construction d’une nouvelle
loi. Ainsi le rapport intitulé « Construction et droit au recours : pour un meilleur équilibre » a
été rédigé sous la présidence de M. Daniel LABETOULLE, ainsi président de la section du
contentieux au Conseil d’Etat. Ce rapport traite uniquement du contentieux de l’urbanisme et
définit ainsi des mesures permettant de lutter contre les recours abusifs et d’accélérer le
traitement de leur contentieux devant les juridictions compétentes. Il est important de souligner
que ce rapport propose pour la première fois une définition de l’abus de recours en y donnant
une première définition : « celui qui, manifestement, dérange inutilement le juge au regard de
la faiblesse de son argumentation ou des enjeux qui sous-tendent le recours, ou encore de la
fréquence de ses saisines28
»
Ainsi, il se divise en cinq parties en ce qui concerne les mesures pour éviter les recours :
« clarifier les règles de l’intérêt pour agir, introduire une procédure de cristallisation des
moyens, organiser un mécanisme de régularisation en cours d’instance à l’initiative du juge,
27
C. urba. L600-1-1
28
Rapport LABETOULLE, p.4 ;
23
permettre au défendeur à l’instance de présenter des conclusions reconventionnelles à
caractère indemnitaire et encadrer le régime des transactions par lesquels il mit fin à
l’instance ». Comme la précédente, cette réforme intervient après que le Gouvernement ait été
habilité à légiférer par voie d’ordonnance en la matière29
. C’est donc par l’ordonnance n°2013-
638 du 18 juillet 2013 que des modifications légales vont être publiées et entrer en vigueur un
mois plus tard, soit le 19 Août 201330
. L’idée générale de cette ordonnance et de restreindre
l’intérêt à agir des tiers, essayer de régulariser l’autorisation d’urbanisme en cours d’instance
et de moraliser les transactions financières.
A) Limiter les contentieux et régulariser l’autorisation
1) Encadrer l’intérêt à agir
Le législateur a souhaité revoir les conditions de recevabilité du recours en excès de
pourvoir en apportant une restriction à l’intérêt à agir dans le but de limiter les abus. Le premier
article dispose ainsi :
« Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une
association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de
construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont
de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du
bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de
vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la
construction et de l' habitation.31
»
Obligation est donc faite au requérant d’apporter une preuve quant à son « réel intérêt à agir »
en fournissant au juge un document qui, en plus d’exposer les arguments qui font que
l’opération projeté lui cause un préjudice, lui permet de justifier de sa qualité de voisin de
l’opération soit parce qu’il est locataire, propriétaire-occupant ou futur propriétaire. Cette
mesure vise à limiter les abus de personnes se portant acquéreur d’un logement ou locataire
dans le seul but de contester l’autorisation. Pour les associations, elle introduit l’article L141-1
du Code de l’environnement et elles sont donc présumées « agir dans la limite de la défense de
leurs intérêts légitimes », ce pour éviter que le seul fait d’avoir des statuts associatifs ne
permette l’exercice d’un droit au recours illimité.
29
Loi n°2013-569 du 1er
juillet 2013
30
Ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013, art.5
31
C. urba. L600-1-2
24
Elle clarifie également la date à partir de laquelle l’intérêt à agir est à prendre en compte en
puisque dorénavant l'intérêt pour agir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager
s'apprécie à la date d'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire32
.
2) Donner plus de pouvoirs au juge administratif
Le juge administratif pourra, en vertu d’un nouvel article L600-5-1 inséré au Code de
l’urbanisme, sursoir à statuer, comme nous l’avons vu précédemment, dans les cas où les vices
liés au projet sont régularisables par un permis modificatif, dans les délais qu’il fixe. Une fois
le permis modificatif, accordé dans ce délai, présenté au juge, ce dernier statuera de nouveau
en invitant les parties à présenter leurs observations. Ce permis modificatif permet au
bénéficiaire de l’autorisation de voir celle-ci régularisée plus rapidement que dans le cas, où
suite à l’annulation de son permis, il aurait déposé une nouvelle demande de permis, qui aurait
pu être encore une fois contesté. Cette mesure vise également à réduire le nombre de saisines
des tribunaux administratifs en la matière et surtout d’apporter plus de sécurité au bénéficiaire
de l’autorisation qui ne verra plus désormais son autorisation annulée systématiquement en cas
d’irrégularité.
L’ordonnance de 2013 a également mise en place la cristallisation des moyens, procédure
qui permet au juge de fixer une date sur demande d’une des parties au procès, à partir de laquelle
il ne sera plus possible d’invoquer de moyens nouveaux.
Un décret d’application33
de cette ordonnance est paru, et vient restreindre les droits à
l’appel du requérant contre un permis de construire délivré dans les zones tendues, zones dans
lesquels le manque de logement « fait le terreau fertile » des chantages urbanistiques, puisqu’il
prévoit, en l’espèce, que lorsque plus de la moitié des surfaces de plancher d’un bâtiment est
destiné à l’habitation, l’appel n’est plus possible. Cette mesure donne plus de crédibilité au
jugement de première l’instance, qui rend un jugement insusceptible d’appel et qui ne sera donc
plus jugé une seconde fois sur le fond mais pourra toutefois l’être sur la forme, si pourvoi en
cassation. Cette mesure prise à titre expérimentale, en visant à limiter la multiplication des voies
de recours est la bienvenue pour pallier le manque cruel de logement dans les zones tendues.
32
C. urba. L600-1-3
33
Décret n° 2013-879 du 1er octobre 2013
25
B) Lutter contre les recours abusifs
C’est une première pour une loi liée aux autorisations d’urbanisme puisque cette dernière
prête une attention toute particulière à l’abus de droit lié au recours contre les autorisations
d’urbanisme. Prenant conscience du phénomène suite aux auditions et demandes des
professionnels de l’immobilier et de la FPI auditionnés dans le cadre du rapport, le législateur
a pris des mesures de dissuasion contre les requérants malintentionnés tout d’abord en
permettant au juge administratif dans certaines conditions de permettre au bénéficiaire de se
voir attribuer des dommages et intérêts, et aussi en tentant d’endiguer le phénomène consistant
à engager un recours dans le seul but de percevoir des fonds.
1) Sanctionner les requérant malintentionnés
L’article L.600-7 de cette loi est en demi-teinte, ce dernier prévoit effectivement au juge
administratif, la capacité de contraindre le requérant à allouer des dommages et intérêts au
bénéficiaire abusé mais c’est seulement sous certaines conditions qui sont peu factuelles et
relèvent pour beaucoup de la libre interprétation du juge. Cet article pose deux conditions.
Le recours pour excès de pouvoir doit avoir été mis en œuvre « dans des conditions qui
excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant ». Cette condition, déjà exigée pour les
associations, est donc étendue aux personnes, or il a déjà été compliqué pour le législateur et
les juges de délimiter le champ d’intérêts légitimes des associations, il l’est encore plus
concernant les personnes physiques. Le juge administratif réticent de base à octroyer des
dommages et intérêts, compétence relevant d’ordinaire des pouvoirs du juge judiciaire sur la
base de la responsabilité pour faute qui condamne l’auteur d’un dommage à le réparer à hauteur
du préjudice subi34
. Cette règle spéciale du Code de l’urbanisme l’emporte sur la règle générale
du Code civil mais le texte émet cependant une deuxième condition. Le requérant doit avoir
« subi un préjudice excessif ». La notion de préjudice excessif est très subjective est compliquée
à définir et à faire exécuter par les tribunaux. Depuis la mise en place de cet article, aucun
tribunal administratif n’a retenu les demandes consistant à allouer des dommages et intérêts,
sauf le tribunal administratif de Lyon qui avait condamné un requérant a versé 82.700 euros en
200535
, mais cette décision avait été cassée par la Cour administrative d’appel36
en 2018, c’est
pourquoi de manière générale, les victimes de recours abusifs ont préféré engager des actions
34
C. civ. Art. 1240
35
TA Lyon, 17 novembre 2015, n°1303301
36
CAA, Lyon, 18 janvier 2018, n°16LY00172
26
devant les tribunaux civils, ces derniers ne tenant pas compte de cette notion pour verser des
dommages et intérêts37
. La notion de préjudice excessif rend compliquée l’application de cette
mesure.
2) Enregistrer les transactions financières
Après un objectif de sanction, le législateur à pensé à mettre en place une voie de dissuasion
pour faire cesser « les pratiques mafieuses » consistant de la part du requérant de retirer son
recours moyennant rémunération.
Pour cela, l’ordonnance, suivant les conseils du rapport, introduit un article L.600-8 du Code
de l’urbanisme afin de « faire réfléchir les quelques requérants qui font profession des
désistements contre rémunération et préserver pour le reste, les espaces de négociation qui
sont nécessaires dans des opérations complexes, tels que les projets de construction38
».
La loi fait obligation au requérant qui s’engage à retirer son recours, en échange d’une somme
d’argent, à s’enregistrer auprès du Trésor Public. La loi prévoit même une sanction assez
dissuasive puisque s’il ne le fait pas, l’opération financière est réputée sans cause et les sommes
sont sujettes à une action en répétition de l’indu. C’est à dire que le bénéficiaire-créancier,
pourrait engager une procédure à l’encontre du requérant-débiteur devant le tribunal d’instance
ou de grande instance, en fonction du montant de la somme d’argent versé, pour se voir
rembourser sa créance. Cette action en répétition de l’indu, se prescrit par 5 ans comme en
dispose les règles civiles. L’article va plus loin en énonçant que « les acquéreurs successifs de
biens ayant fait l'objet du permis mentionné au premier alinéa peuvent également exercer
l'action en répétition prévue à l'alinéa précédent à raison du préjudice qu'ils ont subi ».
La loi fait preuve de fermeté mais encore faut-il qu’une action soit déjà engagée devant le
tribunal administratif pour que cet article s’applique, et ce n’est pas toujours le cas car trop
souvent c’est la menace d’un recours qui pousse les constructeurs, dans un sens large, à
indemniser directement ces personnes peu scrupuleuses.
Après plusieurs années d’inactions, les règles ont commencé à changer, les constructeurs ont
commencé à percevoir la sortie d’un système peu encourageant à construire et insécuritaire,
mais ces règles n’ont pas eues l’effet escompté, les délais de traitement des recours sont toujours
37
Cass. Civ. 1, 16 Novembre 2016, n°16-14152
38
Rapport. Labetoulle, p.19
27
très longs, ils ont peu évolué depuis 2013, et le nombre de recours ne diminue pas, au contraire,
c’est inquiétant et il est urgent de trouver de solutions pour le bien de l’intérêt commun qui est
de construire plus, mieux, plus vite et en respectant les droits de chacun.
Sous-section II- Les pistes à explorer
Même si les réformes précédentes sont encourageantes, elles ne pallient pas tous les litiges du
contentieux de l’urbanisme.
Des pistes sont à explorer, la Loi ELAN est entrée en vigueur et à apporter de nouvelles
dispositions concernant le contentieux lié aux autorisations d’urbanisme. Il sera intéressant
d’étudier si la situation est la même chez nos voisins britanniques et allemands, lesquels ont
tous deux un système judiciaire et constitutionnel très différents du nôtre.
I- La loi ELAN
Une nouvelle loi vient à nouveau, et ce, cinq ans après la précédente loi tentant d’endiguer
le contentieux lié aux autorisations de construire, apporter des modifications législatives afin
cette fois-ci d’endiguer définitivement les difficultés qui pèsent sur le contentieux de
l’urbanisme. Publiée au JORF, le 24 novembre 2018, la loi n°2018-1021 fait suite à la
présentation du rapport, présidé par Madame Christine Mauguë, conseillère d’Etat, au ministère
de la cohésion des territoires. Ce dossier émet plusieurs propositions « pour un contentieux des
autorisations d’urbanisme plus rapide et efficace ». Le titre de ce rapport en dit long, il faut
réduire les délais de jugement et améliorer les sanctions contre ceux qui font abus de leur droit
au recours. La loi ELAN, en l’espèce, réforme plusieurs parties du Code de l’urbanisme mais
exactement les mêmes que la réforme de 2013, l’intérêt à agir, les pouvoirs du juge administratif
et les transactions financières, cela nous force-t-il à voir la réforme de 2013 comme un échec ?
A) Les pouvoirs du juge administratif
La loi ELAN modifie de manière substantielle les pouvoirs du juge. Comme vu
précédemment, depuis la réforme de 2013, le juge, lorsqu’une seule partie du projet était
irrégulière au regard des règles d’urbanisme, pouvait accorder au bénéficiaire un délai dans
lequel il pouvait présenter un permis modificatif au lieu d’annuler l’autorisation. Cette fois-ci
le législateur va plus loin puisque dans le cadre d’un refus d’annulation partielle, ce dernier doit
28
motiver sa décision39
, l’annulation partielle devient donc la norme et plus l’exception. Il rajoute
un article L600-5-2 au Code de l’urbanisme qui précise : « cette décision modificative ou cette
mesure de régularisation ont été communiqués aux parties à cette instance, la légalité de cet
acte ne peut être contestée par les parties que dans le cadre de cette même instance ».
Avec la loi ELAN la cristallisation des moyens devient automatique à partir d’un délai de
deux mois, ce n’est plus comme précédemment au juge de fixer les délais de cristallisation des
moyens, la cristallisation des moyens devient donc d’ordre public40
.
On a également légiféré sur la question du référé-suspension, le juge des référés devra
maintenant être saisi avant la fin du délai de deux mois de cristallisation prononcé par le juge
saisi en recours en excès de pouvoir41
, le juge des référés devra, dans un souci d’accélération
des procédures de la part du législateur, « statuer sur la demande dans un délai de deux mois ».
De plus le législateur conscient qu’il est compliqué d’engager une action en démolition, préfère
dans des cas d’urgence faire cesser rapidement les travaux de construction.
La loi ELAN restreint donc les pouvoirs du juge en instaurant une cristallisation des moyens de
droit, période à la fin de laquelle la saisine du juge des référés n’est plus possible et en faisant
de la norme le fait de régulariser les autorisations d’urbanisme en cours d’instance plutôt que
de les annuler, ce dans le but de développer les projets de construction sur un marché en manque
perpétuel de logements.
La liberté d’appréciation du juge s’est vue restreinte mais qu’en est-il concernant les parties à
l’instance ?
B) Les pouvoirs des parties
L’intérêt à agir des parties se voit encore une fois limiter, aussi bien sur celui des
associations que celui des personnes. En effet, aux termes de l’article L600-1-1, les
associations, pour pouvoir agir en annulation, doivent avoir déposé leurs statuts en préfecture,
au moins un an avant l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire afin d’avoir encore
plus de certitude quant à la défense des intérêts légitimes de l’association et dans la pratique
cela risque surement de limiter les recours d’associations de riverains, ces derniers n’ayant que
rarement connaissance du projet un an avant la demande du pétitionnaire.
39
C. urba. L600-5-1
40
C. urba. R600-5
41
C. urba. L600-3
29
De plus, il est précisé que l’article L. 600-8 ne s’applique pas aux associations, il précise
même : « Les transactions conclues avec des associations ne peuvent pas avoir pour
contrepartie le versement d'une somme d'argent, sauf lorsque les associations agissent pour la
défense de leurs intérêts matériels propres ». Autrement dit, les associations étant réputées agir
dans la limite de leurs intérêts légitimes, il est en effet difficilement compréhensible qu’une
association engage un recours en excès de pouvoir dans un but financier car dans l’exemple où
le projet porterait atteinte à l’environnement par exemple, et que cette association décide de se
retirer en l’échange d’une somme d’argent. Cela laisserait présupposer effectivement, que les
statuts de l’association sont simplement un moyen de lui permettre de bénéficier d’un intérêt à
agir, alors que son réel intérêt est de gagner de l’argent, ce qui va à l’encontre des principes
même du droit associatif.
Concernant les personnes, elles doivent dorénavant démontrer en quoi le projet va affecter
les conditions du bien qu’elles occupent ou détiennent42
, toujours dans un souci de désengorger
les tribunaux et de ne plus voir des personnes sans réel intérêt matériel agir en justice.
Le délai de forclusion pour agir contre un permis de construire passe d’un an à 6 mois,
toujours à partir de la déclaration d’achèvement des travaux, cette mesure est bien sûr, bien
accueillie par les professionnels de la promotion immobilière et plus généralement de
l’immobilier.43
La loi ELAN apporte beaucoup de modifications à la réforme de 2013 en essayant de trouver
le juste équilibre entre la restriction de l’intérêt à agir et la garantie du droit au recours. Il est
trop tôt encore pour prendre pleinement connaissance des effets de cette loi sur les autorisations
d’urbanisme et si elle va réussir à endiguer définitivement les recours mais elle semble
relativement prendre en compte les attentes des professionnels du secteur de la promotion
immobilière en la matière, et ce même si elle n’apporte pas de réelle sanction financière contre
ceux qui en abusent et vient surtout réformer les dispositions de la loi de 2013. Peut-être que si
les tribunaux judiciaires octroyaient des dommages et intérêts lorsque le recours est abusif ou
encore, lorsque l’opération du constructeur cause un réel trouble de jouissance au voisin la
situation pourrait se calmer, la délivrance de somme d’argent directement de la part des
constructeurs sans décision de justice laisse trop à penser que ces professionnels sont prêt à tout
42
C. urba L600-1-2
43
C. urba R600-3
30
pour voir leur opération se réaliser et ils deviennent donc des « proies faciles », peut-être que
l’origine du litige est à régler en amont aussi, pourquoi tout simplement, ne pas mettre en place
des réunions d’information entre les constructeurs et les voisins, afin de donner des explications
sur la nature de l’opération envisagé et de lever les inquiétudes qui trop souvent se transforment
en peur…
Chez nos deux voisins européens la situation est toute autre.
II- En matière de droit comparé
Les deux systèmes, britannique et allemand sont très différent du nôtre. A la différence des
systèmes juridiques latins, tels qu’ils existent chez nos autres voisins italiens ou espagnols par
exemple, ces deux systèmes sont constitutionnellement très différents. Le premier est un droit
de tradition oral, ce sont les décisions des tribunaux qui font lois, plus exactement la
jurisprudence, les tribunaux prennent ainsi des décisions en accord avec les jugements
précédents. En Allemagne, système fédéral, deux droits s’appliquent : le droit fédéral, de l’Etat
et le droit de régions, des Länder.
A) En droit britannique
Au Royaume-Uni, il n’existe pas une telle séparation de l’ordre juridictionnel comme dans
notre système. Le contentieux lié à l’urbanisme relève du contentieux civil, il est malgré cela
possible pour un tiers d’engager une action contre une autorisation d’urbanisme lui portant
préjudice. Il faut savoir que c’est au secrétariat d’Etat à l’Environnement d’observer si une
demande d’autorisation d’urbanisme est conforme au droit, les juges ont simplement qualité
pour juger si la procédure d’élaboration et de de délivrance a été faite dans les règles. Pour
intenter une action contre une autorisation d’urbanisme, la procédure est donc assez similaire à
notre système français et comparable au recours en excès de pouvoir. Le requérant doit
également justifier d’un intérêt à agir, il doit en revanche simplement expliquer pourquoi la
construction lui serait préjudiciable il n’a pas à en justifier comme dans notre système qui essaie
de le restreindre au maximum dans la limite de la préservation du droit fondamental au recours.
Ce qui est très intéressant en la matière dans ce système anglo-saxon, c’est que c’est la partie
perdante au procès qui participe aux frais et dépens « who lost pays ».
Vu cette obligation de participation aux frais et dépens, la part de contentieux réglée à l’amiable,
à l’initiative des parties est importante. Les tribunaux anglais connaissent peu de litiges en
matière d’urbanisme et en Allemagne, encore moins.
31
B) En droit allemand
Le droit allemand est basé sur un système fédéral, comparable au droit français dans le sens
où l’ordre juridictionnel comprend également trois instances (première instance, appel et la
révision), il s’en différencie en ayant également des tribunaux régionaux. Les litiges relevant
du droit de l’urbanisme sont traités par les tribunaux nationaux de la même façon qu’en France
et le tiers doit également avoir un intérêt à agir, même s’il est moins encadré il doit, tout même,
prouver que « l’autorisation porte atteinte à ses droits personnels ». Il ne s’agit donc pas pour
lui de démontrer que l’ouvrage porte atteinte au droit de l’environnement mais bien qu’il
l’atteigne dans ses droits subjectifs.
Concernant le recours des associations, elles sont habilitées à exercer un recours de la même
façon que dans notre système juridique : si elles défendent l’environnement ou qu’elles
représentent l’intérêt de voisins ».
Le système préfère favoriser les résolutions de litige préalablement à la saisine du juge, il
leur impose avant toute action devant le juge un recours préalable, recours dans lequel les
parties tentent de trouver un accord, le recours est en l’espèce, systématiquement rejeté dès lors
que les droits subjectifs du requérant ne sont pas atteints, de fait il n’y pas de « chantage au
recours » comme en France.
Il est trop tôt pour mesurer les réels effets que va avoir la ELAN, mais sûrement tentons
nous trop de traiter le problème des recours abusifs en réformant le « procès administratif »,
peut-être serait-il bon d’engager une réforme plus profonde de la justice administrative en
rendant obligatoire en matière de recours en annulation la médiation, préalablement à toute
saisine de juge administratif, quitte pourquoi pas à recourir à l’arbitrage comme dans le domaine
commercial, afin de désengorger les tribunaux et de permettre aux juges de traiter les litiges qui
relèvent d’un réel contentieux.
32
Bibliographie :
Amende pour recours abusif : constrôle du juge de cassation, Gaz. Pal. 9 cot. 2018, n°332w6,
p.46.
n°PA201312306, p.4.
Droit Administratif, Yves GAUDEMET, LGDJ, Camille MIALOT et Fanny EHRENFELD,
Berger Levrault.
En finir avec les recours d’urbanisme abusifs, Hélène Cloëz, Olivier ORTEGA et Philippe
PELLETIER, Editions PC.
L’amende pour recours abusif et les frais et dépens, Gaz. Pal. 9 oct. 2018, n°332j8, p.38
La nécessité de lutter contre les recours abusifs en matière d’urbanisme, LPA 20 juin 2013,
L’essentiel du Droit administratif général, Marie-Christine ROUAULT, Gualin.
Le projet de loi ELAN et le renforcement de la lutte contre les recours abusifs, Droit et
patrimoine, N°285, 1er
Novembre 2018.
Les recours abusifs contre les autorisations d’urbanisme – Etat des lieux et perspectives, Le
Coustumer (JC), LPA 11 mai 2018, n°135t4, p.68.
Les recours abusifs contre les permis de construire, Defrénois 4 mai 2018, n°136b8, p.39.
Logement et urbanisme, Projet de loi ELAN : simplifier l’acte de construire, Pouliquen (E.), 14
mars 2018/
Propositions pour un contentieux des autorisations d’urbanisme plus rapide et plus efficace,
Rapport au ministre de la cohésion des territoires présenté par le groupe de travail
présidé par Christine Maugüé, conseillère d’Etat.
Propositions pour une meilleure sécurité juridique des autorisations d’urbanisme, Rapport au
gouvernement présenté par le groupe de travail sous la présidence de Philippe Pelletier, avocat
et président de l’ANAH.
Recours abusif : le défaut de qualité pour agit ne démontre pas le caractère abusif du recours
(CE, 19 oct. 2017), Cabinet Gossement Avocats.
33
Table des matières
SECTION I : UN DROIT NE GARANTISSANT PAS SUFFISAMMENT LA SECURITE DU
BENEFICIAIRE DE L’AUTORISATION DE CONSTRUIRE _______________________________5
SOUS-SECTION I – LE DROIT AU RECOURS : UN DROIT FONDAMENTAL____________________________5
I- Le recours en annulation _______________________________________________________6
A) Les conditions de recevabilité du recours ________________________________________6
1) La nature de l’acte ________________________________________________________6
2) Le requérant_____________________________________________________________6
3) Les délais_______________________________________________________________7
4) La notification des recours _________________________________________________8
B) La procédure devant le juge administratif ________________________________________8
1) Les moyens de légalité ____________________________________________________8
a) Les moyens de la légalité externe__________________________________________9
b) Les moyens de la légalité interne _________________________________________10
2) Les pouvoirs du juge administratif __________________________________________11
a) Le sursis à statuer et la cristallisation des moyens ____________________________11
b) Le jugement _________________________________________________________12
II- Le référé-suspension__________________________________________________________13
A) Les conditions ____________________________________________________________13
1) Les conditions de forme __________________________________________________13
2) Les conditions de fond____________________________________________________13
B) La décision _______________________________________________________________14
1) La suspension de l’autorisation de construire __________________________________14
2) Le rejet de la demande____________________________________________________14
SOUS-SECTION II – LA CARACTERISATION DU RECOURS ABUSIF _______________________________15
I- L’interprétation des tribunaux __________________________________________________15
II- L’indemnisation pour recours abusif _____________________________________________16
SECTION II : UN DROIT A REFORMER POUR PROTEGER LE BENEFICIAIRE DE
L’AUTORISATION DE CONSTRUIRE_________________________________________________18
SOUS-SECTION I : LES ANCIENNES REFORMES _____________________________________________18
I- La réformes de 2005 et la loi ENL _______________________________________________18
A) La situation antérieure source d’insécurité juridique pour le bénéficiaire_______________19
1) Les modalités de remise en cause des autorisations d’urbanisme avant la réforme _____19
2) Le traitement des recours devant les juridictions avant la réforme__________________20
B) Les bénéfices de ces deux réformes pour le bénéficiaire de l’autorisation ______________21
1) L’ordonnance du 8 décembre 2005 __________________________________________21
34
2) La loi ENL_____________________________________________________________21
II- La réforme de 2013___________________________________________________________22
A) Limiter les contentieux et régulariser l’autorisation _______________________________23
1) Encadrer l’intérêt à agir___________________________________________________23
2) Donner plus de pouvoirs au juge administratif _________________________________24
B) Lutter contre les recours abusifs ______________________________________________25
1) Sanctionner les requérant malintentionnés ____________________________________25
2) Enregistrer les transactions financières _______________________________________26
SOUS-SECTION II- LES PISTES A EXPLORER _______________________________________________27
I- La loi ELAN ________________________________________________________________27
A) Les pouvoirs du juge administratif_____________________________________________27
B) Les pouvoirs des parties_____________________________________________________28
II- En matière de droit comparé ___________________________________________________30
A) Le droit britannique ________________________________________________________30
B) Le droit allemand __________________________________________________________31

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Memoire recherche- Les recours abusifs contre les permis de construire

  • 1. MEMOIRE DE RECHERCHE LES RECOURS ABUSIFS CONTRE LES PERMIS DE CONSTUIRE DISCIPLINE : DROIT DE L’URBANISME THIBAULT LOUARD 2019
  • 2. 1 TABLE DES ABREVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES ABV. Table des abréviations, sigles et acronymes Art. Article Ass. Assemblée C. Code C. urba Code de l’urbanisme CA Cour d’appel CAA Cour administrative d’appel Cass. Cassation CE Conseil d’Etat CJA Code de justice administrative Crim. Criminelle DDHC Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ELAN Evolution du logement, de l’aménagement et du numérique EPCI Etablissement public de coopération intercommunale FPI Fédération des promoteurs immobiliers JORF Journal Officiel de la République Française LPA Les petites affiches PLU Plan local d’urbanisme REP Recours en excès de pouvoir TA Tribunal administratif
  • 3. 2 SOMMAIRE SECTION I : UN DROIT NE GARANTISSANT PAS SUFFISAMMENT LA SECURITE DU BENEFICIAIRE DE L’AUTORISATION DE CONSTRUIRE............. 5 SOUS-SECTION I – LE DROIT AU RECOURS : UN DROIT FONDAMENTAL..................................... 5 I- Le recours en annulation ........................................................................................... 6 II- Le référé-suspension ................................................................................................ 13 SOUS-SECTION II – LA CARACTERISATION DU RECOURS ABUSIF ........................................... 15 I- L’interprétation des tribunaux................................................................................. 15 II- L’indemnisation pour recours abusif....................................................................... 16 SECTION II : UN DROIT A REFORMER POUR PROTEGER LE BENEFICIAIRE DE L’AUTORISATION DE CONSTRUIRE ..................................................................... 18 SOUS-SECTION I : LES ANCIENNES REFORMES....................................................................... 18 I- La réformes de 2005 et la loi ENL........................................................................... 18 II- La réformes de 2013 ................................................................................................ 22 SOUS-SECTION II- LES PISTES A EXPLORER ........................................................................... 27 I- La loi ELAN ............................................................................................................. 27 II- En matière de droit comparé ................................................................................... 30
  • 4. 1 La situation actuelle du logement en France est préoccupante. On assiste depuis quelques années à une désertification des zones rurales au profit des grandes villes, et ce pour des raisons principalement économiques. La France connaissant depuis la crise de 2008 un taux de chômage important, de plus en plus de français quittent les zones rurales au profit des grandes métropoles, sources d’emplois plus important. En parallèle, dans ces grandes agglomérations les français ont de plus en plus de difficultés à se loger, si bien dans le parc privé que dans le parc social. En effet, la direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement d’Île-de-France estime qu’il faut attendre en moyenne entre 3 et 10 ans pour obtenir satisfaction de la demande de logement social, ce qui s’explique par une faible rotation des locataires mais également par un manque de logements et donc de constructions. Dans le parc locatif privé, toujours en Ile-de-France, on estime que le prix moyen au mètre carré est de 23 €, il faut donc compter 690 €/mois et hors charges pour un appartement de 30 m2 , la norme étant qu’il faille gagner trois fois le montant du loyer, l’accession au marché locatif privé est compliquée pour nombre de personnes. Concernant l’accession à la propriété incitée par les taux d’intérêts bas, force est de constater qu’il est compliqué pour de nombreux ménages d’obtenir un prêt immobilier de la part des différents organismes de crédit et d’acquérir un bien immobilier vu les prix élevés des appartements dans la région1 , s’expliquant par le fait qu’il y a peu de biens à vendre et que les vendeurs profitent de cette conjoncture pour vendre leur bien au prix le plus haut. Pour pallier ces difficultés, il est nécessaire de construire mais dans la pratique, de nombreux obstacles empêchent la réalisation de constructions neuves. Manque de foncier dans les zones tendues, approche des élections municipales de 2020 qui a pour conséquence de freiner la délivrance de permis de construire, les élus ne voulant pas mécontenter leurs électeurs avec des chantiers qui sont souvent la cause de troubles pour les riverains, sans oublier un phénomène inhérent au secteur de la construction, celui des recours2 . En effet les principales fédérations professionnelles de la promotion immobilière estiment à 33.000 le nombre de logements bloqués à cause des recours « abusifs3 » et qu’il y aurait chaque 1 Selon l’immobilier des notaires, entre octobre et décembre 2018, sur 19 492 ventes enregistrées le prix médian en Ile-de-France est de 5.390 €/m2 , le premier quartile se situant à 3.210 €/m2 et le troisième quartile à 8 740 €/m2 . 2 G. CORNU, Vocabulaire juridique : Du latin, recursus, en un sens vague et général, désigne tout droit de critique contre un acte, quelles que soient la nature de cet acte (décision administrative ou juridictionnelle, etc.) et la qualité de l’autorité de recours (juridiction ou autorité administrative, etc.). 3 G. CORNU, Vocabulaire juridique : du latin : abusivus, se dit de l’exercice d’un droit, lorsque celui qui l’exerce le sait manifestement mal fondée
  • 5. 2 année entre 12.000 et 16.000 autorisations de construire attaquées, ce qui n’est pas sans conséquences pour les différents acteurs puisque ces procédures longues devant les tribunaux administratifs retardent la livraison des programmes, engorgent les tribunaux, nuisent aux objectifs en matière de construction de logements neufs et peuvent aboutir à engager la responsabilité de l’Etat au motif que ses objectifs en matière de création de logements sociaux n’ont pas été atteints, malheureusement beaucoup de ces recours portent sur des autorisations de construire délivrées pour la construction de logements sociaux, les associations de riverains de peur de voir leur cadre de vie altérés n’hésitent pas à s’organiser pour que ces programmes ne voient jamais le jour. Ces recours ont également des conséquences sur l’emploi, le gouvernement estimait en 2013 que les recours abusifs menaçaient 15.000 emplois.4 Le problème est que les délais de traitement des recours devant les juridictions compétentes sont longs et qu’ils ne tendent pas à baisser. Délai moyen de jugement des affaires ordinaires, de leur enregistrement à leur notification, à l’exclusion des ordonnances, des référés-procédures d’urgence et des affaires dont le jugement est enserré dans des délais particuliers 5 . 4 Note de présentation, 2 oct. 2013, relative à l’ordonnance n°2103-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme : lutter contre les recours malveillants et fluidifier le traitement des contentieux. 5 CE Rapport public 2018, Activité juridictionnelle et consultative des juridictions administratives en 2017, p. 33. 2013 2014 2015 2016 2017 TA 1 an, 10 mois, 2 jours 1 an, 9 mois, 7 jours 1 an, 9 mois, 7 jours 1 an, 8 mois, 22 jours 1 an, 9 mois, 21 jours CAA 1 an, 2 mois, 11 jours 1 an, 2 mois, 1 jour 1 an, 1 mois, 15 jours 1 an, 1 mois, 26 jours 1 an, 2 mois, 13 jours CE 1 an, 3 mois, 9 jours 1 an, 1 mois, 26 jours 1 an, 2 mois, 2 jours 1 an, 12 jours 1 an, 1 jour
  • 6. 3 Un projet de construction peut avoir jusqu’à 5 ans de retard jusqu’à ce que toutes les voies de recours soient épuisées6 . Pour éviter ces longues procédures et les conséquences qu’elles engendrent, depuis plusieurs années les professionnels bénéficiaires de l’autorisation de construire se voient contraint d’indemniser directement les requérants, sans que la justice n’ait eue connaissance de l’affaire. Cette pratique est source de dérives, en effet des de associations de riverains se constituent, et ce de manière quasi-systématique, dès qu’un projet de construction est sur le point de voir le jour, afin de menacer le bénéficiaire de l’autorisation de construire d’un recours pour excès de pouvoir (REP), et ce dans l’unique but d’obtenir une compensation financière. Ce racket déguisé, ce green mail, a un coût pour l’entrepreneur qui répercute ces sommes d’argents versés sur le coût de la construction, et donc bien souvent c’est l’acquéreur de l’immeuble ou d’un lot qui est en paie les frais. Le droit au recours est un principe général du droit, c’est le 17 février 1950 que le Conseil d’Etat l’entérine7 , il est aujourd’hui protégé par l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. La question n’est donc pas, bien entendu, de le remettre en cause puisque toute personne a droit à un procès équitable comme le souligne l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) mais de faire cesser ces dérives qui mettent en péril le secteur de la construction. En effet le contentieux de l’urbanisme représente une part importante du contentieux administratif comme l’illustre le tableau ci-dessous8 , et le nombre de décisions rendues par les tribunaux administratifs insuffisant. 6 Hélène Cloëz, avocate associée chez LPA-CGR / MRICS écrit que la moyenne nationale est de deux ans pour les tribunaux administratifs, entre 16 et 18 mois pour les cours administratives d'appel, et 14 mois pour le Conseil d'Etat. 7 Cf : Ministre de l’Agriculture contre Dame Lamotte (CE, Ass., 17 février 1950, p. 110, GAJA, 19e éd., n° 60) 8 Conseil d’Etat, Rapport public 2018, activité juridictionnelle et consultative des juridictions administratives en 2017, pages 33-34
  • 7. 4 TA CAA Conseil d’Etat9 Affaires totales Affaires enregistrées En % du total 197 243 11 766 5,9% 31 283 1 932 6,2% 9 864 684 6,9% Affaires totales Décisions rendues En % du total 201 460 10 854 5,4% 31 283 1 910 6,1% 10 139 763 7,5% Affaires enregistrées et décisions rendues relatives au contentieux de l’urbanisme et à l’aménagement en 2017. Il convient donc de trouver le juste équilibre juridique entre l’encadrement du droit au recours des tiers et la sécurisation des autorisations d’urbanisme. Dans la première section sera abordé le fait que notre droit ne garantit pas suffisamment la sécurité de bénéficiaire de l’autorisation de construire, dès lors, il conviendra d’étudier les manières dont le recours des tiers s’exerce et dans quelles circonstances le recours est caractérisé d’abusif. Dans la seconde section, sera analysé les dernières réformes qui ont tenté de réduire le nombre de recours abusifs et les idées à approfondir pour tenter de les enrayer notamment en analysant la manière dont nos voisins européens traitent ce sujet. 9 Affaires réglées pour le Conseil d’Etat
  • 8. 5 SECTION I : UN DROIT NE GARANTISSANT PAS SUFFISAMMENT LA SECURITE DU BENEFICIAIRE DE L’AUTORISATION DE CONSTRUIRE Sous-section I – le droit au recours : un droit fondamental Plusieurs actions sont possibles pour les personnes qui souhaitent contester les autorisations d’urbanisme, devant les juridictions judiciaires et devant les juridictions administratives. Les juges judiciaires compétents sont : - Le juge pénal, dans les cas où des travaux auraient été exécutés en méconnaissance des règles d’urbanisme, c’est à dire des travaux qui n’auraient pas été autorisés ou encore de travaux entrepris en violation d’une suspension (L.480-4) ou d’une interruption de travaux (L480-3 C. urba.). - Le juge civil, dans les cas où la construction aurait été édifié sans permis de construire ou sans respecter les modalités de ce dernier, il peut être saisi par un tiers, sur le fondement de la responsabilité pour faute de l’article 1240 du Code civil, il peut également être saisi ce qui arrive dans les cas les plus fréquent, lorsque la construction va lui causer un préjudice, notamment lorsque la construction autorisée ne permet plus au voisin d’avoir une vue dégagée et se voyant victime d’un vis-à-vis important et d’un bien déprécié, il demande réparation du préjudice subi. Le demandeur devra en revanche démontrer qu’il existe un lien de causalité entre la faute du maître de l’ouvrage, bénéficiaire ou non de l’autorisation d’urbanisme et son préjudice. La victime à dix ans pour agir. Si la construction a été édifié avec un permis de construire le juge administratif aura dû au préalable avoir déclaré le permis de construire illégal. Il ne paraît pas opportun de développer d’avantage le sujet des recours devant les juridictions civiles ou pénales puisque dans ces cas-là, le demandeur est victime d’un préjudice en lien avec la construction et le juge judiciaire demandera d’apporter des preuves. Les actions abusives contre les permis de construire sont la conséquence le plus souvent des recours devant les juridictions administratives, puisque les requérants malintentionnés tentent de monnayer l’annulation de l’autorisation de construire. Deux procédures sont possibles parallèlement devant les juridictions administratives : le recours en annulation ou « recours en excès de pouvoir » et la procédure du « référé suspension ».
  • 9. 6 I- Le recours en annulation Dans le contentieux dont à connaissance le juge administratif, le recours arguant l’annulation d’une autorisation d’urbanisme s’appelle recours pour excès de pouvoir. Ce recours est régi par le Code de l’urbanisme et par le Code de justice administrative pour les règles de procédure. Nous verrons que le droit au recours même s’il est fondamental doit répondre à un formalisme et que la procédure devant le juge administratif qui s’ensuit est encadrée. A) Les conditions de recevabilité du recours Le juge administratif de première instance va examiner trois conditions pour savoir si le recours a été formulé dans les conditions légales : la nature de l’acte, si le requérant à la capacité et l’intérêt pour agir et s’il n’est pas forclos. 1) La nature de l’acte L’acte contre lequel le recours est formé doit être un acte administratif unilatéral faisant grief. Il doit donc émaner de l’autorité administrative, avoir une portée unilatérale, sont donc exclus les contrats, et faire grief, c’est à dire qu’il présente un caractère exécutoire, soit toutes les caractéristiques du permis de construire, du permis d’aménager, du permis de démolir et de la déclaration préalable. 2) Le requérant Il doit justifier de la capacité générale d’agir en justice mais aussi d’un intérêt à agir dont il convient de distinguer celui des personnes de celui des associations. Une personne peut former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire que « si la construction, l’aménagement ou les travaux sont de nature à affecter les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail ou d’un contrat préliminaire à une vente10 ». La jurisprudence est venue approfondir l’article L600-1-2 dans le sens que le requérant doit préciser l’atteinte qu’il invoque en apportant des éléments suffisamment précis qui puissent démontrer que l’atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien. 10 C. urba. L600-1-2
  • 10. 7 Concernant le voisin du projet de construction qui justifie d’un intérêt à agir, le juge combine la distance par rapport à la construction autorisée, sa nature et son importance. Avant, cet intérêt à agir s’appréciait en tenant compte de la proximité géographique du requérant par rapport au projet de construction, maintenant ces critères ne suffisent plus et le voisin du projet de construction doit également justifier des nuisances qui porteraient atteinte à l’utilisation, l’occupation et la jouissance de son bien11 . Depuis le 1er octobre 2018, à peine d’irrecevabilité, les demandes dirigées contre des décisions relatives à l’occupation du sol doivent être accompagnée de la preuve attestant l’intérêt à agir (titre de propriété, promesse de vente, etc.).12 L’intérêt à agir des associations est à différencier de l’intérêt à agir des personnes puisqu’il se définit suivant deux critères : le secteur géographique d’intervention de l’association et les intérêts que défendent cette dernière. L’objet de l’association doit être en lien avec la protection de l’environnement, la protection du cadre de vie et être suffisamment précis dans ses statuts pour permettre au juge de faire le lien entre le but de l’association et son intérêt réel à agir et de vérifier que l’association n’a pas été créée dans l’unique but de faire échouer le projet de construction. Ainsi, une association dont l’objet statutaire était « d'aider les citoyens de la communauté de communes Saône et Vienne à se protéger de préjudices de quelque nature que ce soit » s’est vue rejetée sa requête devant le Conseil d’Etat car le caractère trop général de son objet ne lui permettait pas de justifier d’un intérêt à agir suffisant13 . 3) Les délais L’article L600-1-3 du Code de l’urbanisme dispose que l’intérêt à agir s’apprécie à la date de l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. Concernant les associations, l’article L600-1-1 du Code de l’urbanisme précise que les statuts de l’association doivent avoir été déposé antérieurement à l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire, la loi ELAN est venue renforcée cette condition en son article L600- 1, puisque dorénavant l’association devra avoir déposé ses statuts 1 an au moins avant le dépôt de la demande en mairie de la part du pétitionnaire. Cela devrait éviter les contentieux mis en 11 CE, 13 Avril 2016, n° 386121 12 C. urba. R.600-4 13 CE, 15 Février 2005, n° 273398, Association des citoyens et contribuables de la communauté de commune Saône et Vienne
  • 11. 8 place par des associations créées dans le seul but de faire échouer les projets de constructions neuves. Le délai de recours contre l’autorisation d’urbanisme court à compter du premier jour d’affichage sur le terrain de cette dernière et ce, pour une durée de deux mois. Le panneau doit être affiché pendant toute la durée des travaux et comporter un certain nombre d’informations telles que : le nom du pétitionnaire, la date de délivrance du permis de construire et son numéro d’enregistrement, la nature du projet et la superficie du terrain, l’adresse de la mairie où le dossier peut être consulté, le nom de l’architecte auteur du projet architectural, la surface de plancher et la hauteur de la construction et les droits de recours des tiers. Si les mentions des voies et délais de recours ne sont pas inscrites sur le panneau d’affichage le délai de recours devient inopposable et l’autorisation d’urbanisme peut dès lors être contestée à tout moment. L’absence de panneau d’affichage visible depuis la rue ne rend, malgré tout, pas la construction illégale. Le Code de l’urbanisme en revanche prévoit qu’aucun recours en annulation, en cas d’irrégularité d’affichage, n’est recevable dans un délai d’un an à compter de l’achèvement de la construction. La date d’achèvement étant celle de la réception de la déclaration d’achèvement (art. R.426-1 C. urba.). La loi ELAN vient approfondir cette règle en abaissant ce délai à six mois. 4) La notification des recours L’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme dispose que l’auteur du recours est tenu, à peine d’irrecevabilité, de notifier son recours à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation et que la notification doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception dans un délai de quinze jours francs à compter du recours. La date de certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux faisant foi. B) La procédure devant le juge administratif Ce sont les juridictions administratives qui sont compétentes dans le contentieux des autorisations d’urbanisme. En première instance la juridiction compétente est le tribunal administratif du lieu de situation de l’immeuble (CJA art. R. 312-7). 1) Les moyens de légalité Le tiers qui souhaite faire annuler une autorisation d’urbanisme doit faire une requête motivée devant le tribunal administratif. Il doit exposer des arguments de fait et de droit, des moyens, qui justifient son recours en annulation, s’il ne soulève aucun moyen il ne pourra en
  • 12. 9 invoquer de nouveaux en cours de procédure14 . Le juge du fond va alors analyser les moyens exposés. Le juge administratif distingue deux catégories de moyens : les moyens de légalité externe et les moyens de légalité interne. Il existe quatre cas d’ouverture au recours pour excès de pouvoir. Deux moyens dits de « légalité externe » qui concernent la procédure d’élaboration de l’acte et deux moyens de « légalité interne » qui concernent le contenu même de l’acte. a) Les moyens de la légalité externe Généralement, ce sont les moyens que les juges administratifs examinent en premier puisque leur caractère d’illégalité est facilement décelable. - L’incompétence Sont à distinguer les compétences matérielles, territoriales et temporelles. L’incompétence matérielle est celle dans laquelle une autorité administrative agit dans des matières pour lesquelles elle n’a pas reçu compétence. Dans le cadre d’autorisation d’urbanisme, ce serait le cas où une personne autre que le maire ou le président de l’EPCI, dans le cadre d’intercommunalité, délivrerait un permis de construire. L’incompétence territoriale est celle dans laquelle une autorité administrative a agi en dehors de son territoire de compétence (cas où un maire délivrerait un permis de construire pour un terrain ne se situant pas sur sa commune par exemple). L’incompétence temporelle est celle dans laquelle une autorité prend une décision alors qu’elle n’en a pas encore ou plus le droit (cas où un maire délivrerait un permis de construire alors que son mandat est échu). - Les vices de forme et de procédure Le vice de forme concerne la présentation extérieure de l’acte qui doit être signé par son auteur, respect du contreseing des actes (une seconde signature vient authentifier la première). Les vices de procédure concernent quant à eux, le processus d’élaboration de l’acte. Le Conseil d’Etat distingue les formalités substantielles qui protègent particulièrement les administrés, puisque dans les cas où ces dernières ne sont pas respectées l’acte sera annulé, des formalités non substantielles qui ne sont quant à elles pas prescrites à peine de nullité. C’est dans un arrêt du 23 décembre 201115 que le Conseil d’Etat va finir par définir la formalité substantielle. Une formalité est donc dite substantielle lorsqu’elle est susceptible d’influencer 14 CJA art. R. 411-1 15 CE, ass., 23. déc 2011, Danthony et autres ;
  • 13. 10 le contenu de la décision administrative. La doctrine s’accorde à dire que cette distinction permet de ne pas rendre l’action de l’administration trop encadrée mais les formalités sont édictées par le législateur ou par l’autorité règlementaire et il est très rare qu’ils décident que telle formalité est substantielle et que telle autre ne l’est pas. C’est donc le juge, sous prétexte de favoriser l’administration, qui fait le tri. b) Les moyens de la légalité interne Ce sont les moyens relatifs au contenu de la décision attaquée. La légalité interne comprend : le détournement de pouvoir et la violation de la loi. - Le détournement de pouvoir Le détournement de pouvoir est constitué lorsque l’autorité administrative agit dans un but autre que celui pour lequel l’acte pouvait légalement être accompli. Il sanctionne les objectifs, les motivations de l’auteur de l’acte attaqué, les décisions personnelles de l’administrateur. Selon Maurice Hauriou, un des pères du droit administratif, « le détournement de pouvoir sanctionne un comportement moral de l’administration », en effet le juge administratif ne l’utilise que rarement puisqu’il est compliqué pour ce dernier de rechercher la réelle intention de l’auteur de l’acte. C’est un moyen compliqué à contrôler pour le juge qui implique donc de la part du requérant d’apporter des preuves sérieuses. Concernant les autorisations d’urbanisme, ce serait la situation où le maire déciderait de délivrer un permis de construire à l’une de ses connaissances, dans un but autre que d’intérêt général, alors qu’il ne l’aurait pas délivré à un autre administré. On peut également citer l’exemple où une commune modifie les règles d’urbanisme pour faire diminuer la valeur du terrain qu’elle souhaite acheter16 . - La violation de la loi Au sens large, c’est lorsqu’un administrateur n’a pas tenu compte des dispositions légales (texte de loi, arrêtés, règlements). Ce serait le cas d’un maire qui autoriserait un permis de construire contrevenant aux dispositions des règles d’urbanisme, soit volontairement sans prendre en considérations les prérogatives d’urbanisme ou soit parce qu’il aurait mal interprété les documents d’urbanisme. Aussi, il est nécessaire de se poser la question du cas où une autorisation d’urbanisme respectant les dispositions d’un PLU aurait été accordé alors que ce dernier était illégal, parce que non 16 CE, 12 janvier 1994, Esvin
  • 14. 11 conforme aux règles d’urbanisme supérieures par exemple. Pour cela la jurisprudence est assez précise, un plan local d’urbanisme entaché d’illégalité n’empêche pas forcément la construction, le requérant doit en en effet démontrer que l’autorisation d’urbanisme contestée avait été octroyée en méconnaissance des règles d’urbanisme remises en cause, le permis de construire n’étant pas considéré comme un acte d’application du plan local d’urbanisme, autrement dit une conséquence de ce dernier mais simplement une autorisation de construire17 . Après avoir étudié les cas d’ouverture de la requête pour excès de pouvoir, il convient de s’intéresser au pouvoir du juge administratif en étudiant comment une autorisation d’urbanisme entachée d’illégalité peut être régularisée et les conséquences que va avoir la décision de justice. 2) Les pouvoirs du juge administratif La procédure est à différencier de la procédure accusatoire qui se base sur le principe du contradictoire, dans le contentieux administratif de l’urbanisme la procédure des inquisitoire, c’est à dire que le juge peut prendre des mesures dites d’instruction pour garantir l’intérêt général. Le juge est donc doté de moyens importants puisqu’il peut demander au requérant et au pétitionnaire des documents dont il voudrait avoir connaissance ou encore désigner un expert. Il décide également de la date à laquelle l’instruction est close, date à partir de laquelle les parties ne pourront plus apporter de nouveaux éléments. a) Le sursis à statuer et la cristallisation des moyens L’article L600-5-1 du code de l’urbanisme, récemment modifié par la loi du 23 novembre 2018, précise que le juge administratif peut sursoir à statuer s’il estime que l’autorisation de construire est seulement entachée d’une illégalité mineure et qu’un simple permis modificatif peut permettre de régulariser le permis de construire. Dans ce cas, en cours d’instance, le pétitionnaire peut être invité à présenter un permis modificatif dans un délai fixé. Si un permis modificatif est apporté par le pétitionnaire, le juge statue de nouveau est régularise l’autorisation d’urbanisme si le permis modificatif corrige l’illégalité. En conséquence, le permis est purgé de l’illégalité et un nouveau recours en annulation ne pourra plus être porté contre le permis initial aux motifs des anciennes irrégularités. « La cristallisation des moyens » est retenue par le CJA en son article R611-7-1, récemment modifié par le décret du 2019-82 du 7 février 2019 modifiant la partie réglementaire 17 CE 7 février 2008, n°297227, commune de Courbevoie ;
  • 15. 12 du CJA, et repris dans la partie règlementaire du Code de l’urbanisme en son article 600-5. Pour pallier le fait que des requérants dans le but de retarder les projets de constructions avaient fâcheuse tendance à faire durer les procédures en invoquant de nouveaux moyens jusqu’à la clôture de l’instruction. Le législateur, dans une optique de protection du pétitionnaire, a élargi les pouvoirs du juge en l’autorisant à fixer une date, sans fermer l’instruction, à partir de laquelle il ne sera plus possible pour les parties d’invoquer de nouveaux moyens. Dans la pratique, le juge ne cristallise par les moyens de lui-même et c’est le défendeur qui doit en faire la demande, en l’espèce le pétitionnaire. b) Le jugement Concernant les recours pour excès de pouvoir, le juge ne peut modifier la décision litigieuse, il doit se prononcer. Dans le domaine du contentieux de l’urbanisme, soit il décide d’annuler pleinement l’autorisation, auquel cas l’autorisation est réputée n’avoir jamais été délivrée, soit il invite le titulaire à la régulariser en cours d’instance, comme vu précédemment, soit il juge l’autorisation légale et renvoie les parties dans leur état d’origine. Il peut également annuler partiellement une autorisation lorsque « un vice n’affectant qu’une partie du projet peut être régularisé18 ». C’est par exemple le cas où c’est un élément annexe à une maison individuelle qui objet du litige, comme une piscine, un garage19 ou une dépendance. De plus, lorsqu’un permis de construire assorti de prescriptions illégales a été délivré, l’autorisation n’est pas remise en cause mais les prescriptions imposées par l’autorisation sont annulées par le juge administratif. Généralement ces prescriptions illégales sont de nature financière (délivrance d’une autorisation de construire sans la nécessité construire des places de parking en échange d’une contrepartie financière de la part du pétitionnaire). Le juge administratif ayant rendu sa décision, la procédure en appel devant la Cour administrative d’appel est possible. Pour cela l’appelant doit interjeter appel dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision. Contrairement à l’appel devant les juridictions de l’ordre judiciaire, l’appelant ne doit pas agir sur la base des même moyens invoqués en première instance mais doit véritablement contester la décision de première instance. La procédure devant le tribunal administratif dispense les parties du ministère d’avocat, mais en appel, comme en cassation le recours à un avocat est obligatoire. 18 C.urba. L600-5 19 CAA Marseille, 21 décembre 2007, n°07MA03145
  • 16. 13 Pendant toute la procédure, le bénéficiaire d’un permis de construire, même s’il fait l’objet d’un recours, peut continuer les travaux. Le législateur a donc créé une procédure « d’urgence » dans le but de faire cesser les travaux de construction, il s’agit de la procédure du référé suspension. II- Le référé-suspension Le recours devant les juridictions administratives n’ayant pas d’effet suspensif, le requérant peut parallèlement à son recours en annulation saisir le juge des référés mais la saisine du juge des référés doit obéir à certaines conditions et le jugement rendu n’a pas la même portée que le jugement rendu par le juge administratif. A) Les conditions Plusieurs conditions doivent être réunies pour saisir le juge des référés : les conditions de « fond » et les conditions de « forme ». En matière d’urbanisme, c’est le Code de justice administrative qui encadre la saisine du juge des référés. 1) Les conditions de forme Le recours devant le juge des référés ne peut être exercé sans avoir préalablement exercé un recours en excès de pouvoir devant le juge administratif contre l’autorisation d’urbanisme que l’on souhaite voir suspendue. La juridiction compétente pour prononcer la suspension de l’autorisation dans le cadre de la procédure de référé-suspension n’est autre que la même juridiction qui a connaissance du recours pour excès de pouvoir, c’est à dire le tribunal administratif ou la Cour administrative d’appel si la demande de référé-suspension intervient au moment de l’interjection en appel. 2) Les conditions de fond D’abord, comme dans tout domaine de contentieux, la saisine du juge des référés oblige le requérant à justifier d’un préjudice qui demande une intervention d’urgence de la part de l’autorité administrative (CJA, art. L521-1). C’est au requérant de prouver le caractère d’urgence de sa demande mais en droit de l’urbanisme et surtout pour les autorisations de construire, le caractère de l’urgence est toujours retenu par les juges administratifs puisqu’à moins d’ordonner la démolition de l’ouvrage, la construction revêt « un caractère irréversible » et l’urgence est retenue dès que les travaux de construction ont commencés sans être terminés. Ainsi une construction presque achevée peut se voir suspendue par une décision du juge des
  • 17. 14 référés alors qu’il n’y a plus de réel caractère d’urgence. Il n’y a pas de gradation selon le fait que la construction est presque achevée ou à commencer, l’interprétation reste à la liberté du juge administratif. Le juge administratif peut également être saisi en référé si le requérant parvient à démontrer qu’un moyen de légalité peut entacher la régularité de l’autorisation de construire. Si le juge retient un moyen et suspend l’autorisation de construire, le juge administratif saisi en recours en annulation n’annulera pas pour autant l’autorisation de construire puisque la procédure étant inquisitoire il pourra obliger les parties à lui fournir des documents pour étayer sa décision. B) La décision Le juge des référés statue dans un court délai, généralement entre 3 à 6 semaines et rend une ordonnance de rejet ou de suspension de l’autorisation de construire. L’ordonnance est rendue en première et dernière instance et n’est donc pas susceptible d’appel, sauf pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat. 1) La suspension de l’autorisation de construire La suspension de l’autorisation d’urbanisme est provisoire, elle vaut jusqu’à ce que le juge administratif saisie en recours en excès de pouvoir ne rende sa décision. La décision de suspension est une décision de justice et le constructeur est tenu de la respecter, faute de quoi la reprise des travaux est constitutive d’une infraction pénale (C. urba. art. L480-4). Il est important de noter que l’ordonnance de suspension du juge des référés suspend le délai de l’autorisation de construire (C. urba. art. R.424-17). 2) Le rejet de la demande Si la demande est rejetée faute de moyens suffisant pour définir le caractère d’urgence, ce qui est rare dans le contentieux des autorisations de construire, comme expliqué précédemment, les travaux de construction peuvent continuer jusqu’à ce que le juge administratif ne se prononce ou que le requérant ne saisisse à nouveau le juge de référé si la situation a évolué. Après avoir étudié les particularités du contentieux des autorisation de construire devant les tribunaux administratifs, force est de constater que le requérant et le titulaire de l’autorisation de construire sont protégés en droit mais dans les faits la situation est différente et de nombreux recours sont fait pour empêcher les constructions qui déplaisent aux riverains mais ne leur donnent pas toujours le droit d’agir alors pourquoi les recours abusifs persistent-ils toujours
  • 18. 15 autant ? Dans cette sous-section sera abordé la caractérisation du recours-abusif et que cette définition est souvent libre de l’interprétation des tribunaux, donc par conséquence ils ne sont que peu sanctionnés… Sous-section II – La caractérisation du recours abusif Caractériser le recours abusif, l’abus de droit n’est pas évident. En effet, même s’il est aisé de juger que lorsque c’est un concurrent du promoteur qui vient contester l’autorisation de construire qui lui a été délivré ou un tiers qui a déjà contesté plusieurs permis de construire, l’abus de recours se révèle, mais qu’en est-il lorsqu’il s’agit d’une association de défense de l’environnement ou encore d’une personne physique qui se dit qu’elle a peut-être quelque chose d’autre à gagner que le simple retrait du permis de construire ? I- L’interprétation des tribunaux Les recours étant devenu au fil des années quasiment une coutume, une norme, de sorte qu’aujourd’hui on ne puisse plus parler des recours contre les permis de construire sans penser aux abus et aux retards de construction. Pour pallier ce phénomène devenu monnaie courante, le législateur a depuis plusieurs années, donner aux juges des moyens pour les sanctionner mais les tribunaux sont plutôt réticents à les utiliser. La maxime, « Le droit cesse où l’abus commence » de Marcel Ferdinand Planiol dans le « traité élémentaire de droit civil » est exacte mais encore faut-il déterminer où commence l’abus et où cesse le droit20 . Là, est la difficulté du juge à qui sera soumis la demande d’indemnisation pour recours abusif. Il faut comprendre que la décision de rejet d’un recours en annulation n’est pas la caractéristique d’un recours abusif, en effet ce n’est pas parce que le requérant à échouer dans son recours en excès de pouvoir que son recours doit être qualifié d’abusif puisqu’un requérant, d’autant plus néophyte et non juriste a droit à l’erreur notamment sur l’étendue de ses droits au recours. Le risque de voir son projet immobilier victime d’un recours est un risque de la construction. Il existe de nombreuses jurisprudences sur le sujet, de cas où l’abus de droit n’a pas été retenu, on peut citer l’exemple d’un couple contre la société « Bouygues immobilier », qui s’était vu condamner en première instance à verser à l’entreprise la somme de 10.000 € mais la Cour 20 DUGUIT (L.), La règle de droit, Le problème de l’État, Traité de droit constitutionnel, T. I, Paris 1927, p. 267, cité dans le mémoire de madame Boussemart (D.) p.63
  • 19. 16 d’appel avait dans un arrêt contradictoire annulé dans toutes ses dispositions le jugement aux motifs que « les époux n’avaient pas pour intention de nuire à la société Bouygues immobilier »21 . Pour qualifier le recours d’abusif il faut donc que le requérant ait volontairement agi pour porter atteinte au droit de construire du bénéficiaire et qu’il y ait une réelle atteinte aux droits de ce dernier. On considère donc le recours abusif dans les cas où, le requérant fait preuve de mauvaise foi ou encore dans des cas où il agirait en invoquant des motifs autres que l’irrespect des règles d’urbanisme, ou de la procédure d’élaboration de l’acte. En revanche si le requérant à un intérêt commercial son recours ne sera pas considéré comme abusif à conditions qu’il invoque en plus des motifs liés aux règles d’urbanisme22 . Pour une association, caractériser l’abus est plus aisé puisqu’elle est censée agir dans « la limite de la défense de ses intérêts légitimes ». Vu le nombre d’arrêts contradictoires rendues par les Cours d’appel, force est de constater que la qualification du recours comme étant abusif n’est pas aisée et qu’elle laisse un champ assez large aux juges qui généralement ne retiennent pas la qualification abusive du recours sauf dans des cas extrêmes où le requérant maintient son recours devant le juge administratif alors qu’il sait qu’il n’est en l’état pas recevable, n’ayant pas respecté les délais ou encore, pas notifié son recours au pétitionnaire et à l’auteur de la décision. Pour voir un requérant, mal intentionné sanctionné pour recours abusif, encore faut-il savoir devant quelle juridiction agir. II- L’indemnisation pour recours abusif Le pétitionnaire peut agir devant trois juridictions pour voir le requérant sanctionné, devant le tribunal, administratif, civil ou correctionnel s’il s’agit d’une infraction ou d’un délit. Le CJA en son article L761-1 dispose « dans toutes les instances, le juge condamne la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens » mais en matière d’autorisations d’urbanisme l’octroi de cette indemnité est très rare puisque la procédure est dispensée du ministère d’avocat, de plus elle n’est pas toujours octroyée par la partie perdante au procès car l’acte administratif fait grief et l’article L761-1 complète par : « le juge tient compte de l’équité et de la situation économique de la partie condamnée ». C’est à dire que, lorsqu’un requérant croyait agir dans son bon droit 21 CA, Versailles, 22 septembre 2017, n° 15/06092 22 CE 22 février 2002, n°2016088
  • 20. 17 le juge ne condamnera pas la partie perdante aux dépens et ne condamnera pas un requérant mal intentionné si sa situation économique est trop « déséquilibrée » par rapport à celle du bénéficiaire de l’autorisation de construire. La victime d’un recours abusif peut parallèlement à la procédure, déposer une demande devant le tribunal administratif, par mémoire distinct, pour se voir allouer des dommages et intérêts.23 Le juge peut également infliger à l’auteur d’une requête qu’il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 €24 , cette amende n’est pas une indemnité pour le pétitionnaire mais une somme versée au Trésor Public. Peut aussi être engagée la responsabilité du requérant sur la base de la responsabilité pour faute de droit commun et donc de l’article 1240 du Code civil, disposant « Tout fait quelconque de l’Homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Dans le sens stricto sensu de ce texte, le pétitionnaire victime de retard dans son projet de construction et des conséquences qu’elles peuvent avoir peut saisir le juge judiciaire pour demander des dommages et intérêts correspondant au préjudice moral et financier que les retards de travaux ont pu avoir pour lui et/ou son entreprise. De plus on pourrait imaginer, le cas où les acquéreurs de lots qu’auraient construits le promoteur, mais qui auraient été livrés en retard à cause du recours du requérant, se retourner également contre ce dernier pour être dédommagés. Lorsque le recours relève d’une faute pénale, il s’agit le plus souvent d’escroquerie ou du moins de tentatives d’escroquerie. L’escroquerie est définie par l’article 313-1 du Code pénal. La tentative d’escroque est sanctionnée par la même peine que l’escroquerie caractérisée, soit une peine maximale de cinq ans d’emprisonnement et 375.000 € d’amende. Ont été ainsi condamnés au délit d’escroquerie par la chambre criminelle de la Cour de cassation, un groupe de requérants ayant engagés des recours contre plusieurs permis de construire portant sur d’importants centres commerciaux dans un délai bref et déposés la veille ou l’avant-veille de la fin des délais de recours et ayant mis en place des manœuvres frauduleuses dans le but de recevoir d’importantes sommes d’argent25 . 23 C.urba. art. L600-7 24 CJA. Art. R741-12 25 Cass. Crim. 22 janvier 2014, n°12-8042
  • 21. 18 SECTION II : UN DROIT A REFORMER POUR PROTEGER LE BENEFICIAIRE DE L’AUTORISATION DE CONSTRUIRE Sous-section I : Les anciennes réformes Vu le nombre de recours dont ont pu être victime les bénéficiaires d’autorisations de construire, notamment lorsqu’elles concernent des projets de grandes ampleurs, le législateur n’a pas cessé depuis 1994 de mettre en place des réformes afin de sécuriser au mieux les autorisations d’urbanisme tout en préservant le droit fondamental au recours. Depuis des années les professionnels de la construction se plaignent du « chantage » dont leur autorisation d’urbanisme fait l’objet. Dès lors qu’un projet important de construction s’apprête à voir le jour, ces derniers se voient souvent contraint de verser une somme d’argent aux requérants malintentionnés, en échange de quoi ils verraient le recours levé. Cette pratique ne représente certainement pas l’idée de justice, ainsi il est nécessaire d’étudier les dernières réformes et de voir si elles suffisent à endiguer totalement ces recours-abusif qui engorgent les tribunaux et portent atteinte à l’intérêt général. Prenant peu à peu conscience de l’ampleur du phénomène et de l’inefficacité du droit de l’urbanisme dans ses sanctions et des manières dont le contentieux était traité, les gouvernements qui se sont succédés, et ceux depuis un peu plus de vingt-cinq ans, ont tenté de le réformer. Ce sont les réformes de 2005 portant sur la loi ENL, la loi de 2013 et enfin tout récemment la loi ELAN qui ont attachées le plus d’importance au traitement des recours abusifs. I- La réformes de 2005 et la loi ENL L’étude commence en 2005, quand M. Philippe PELLETIER avocat au bureau de Paris et président de l’ANAH de 1998 à 2008, est chargé le 29 juin 2004 par le Gouvernement de M. Raffarin de faire des propositions pour « améliorer la gestion des contentieux, faciliter la régularisation des vices de procédures mineurs ainsi que la lisibilité des délais de recours ». Le Gouvernement souhaitait disposer du rapport à l’automne 2004 mais vu l’ampleur des travaux le rapport leur sera rendu le 25 janvier 2005. Il est nécessaire de souligner que parallèlement à l’idée d’une réforme très prochaine du droit de l’urbanisme, intervient un an plus tôt, le 9 décembre 2004, la loi de simplification du droit qui autorise le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance sur la réforme des autorisations d’urbanisme26 . 26 Loi n° 2004-1343
  • 22. 19 Le rapport intitulé « Propositions pour une meilleure sécurité juridique des autorisations d’urbanisme » est scindé en 2 chapitres en ce qui concerne le contentieux des autorisations, « la remise en cause des autorisations » et « l’amélioration du traitement des recours juridictionnels ». Le groupe de travail a réuni tous les professionnels du secteur, si bien des juristes (avocats, notaires, magistrats) que des opérationnels (responsables d’urbanisme, promoteurs) et des professeurs en droit de l’urbanisme. Les préconisations de ce rapport sont donc créées en prenant en compte les considérations de chacun en fonction de ce qu’ils peuvent observer dans leur milieu professionnel et ce dans « l’esprit du droit », c’est à dire dans le respect de l’intérêt général et des autres règles de droit. Les conséquences de ce rapport ont été importantes puisque de nombreuses propositions ont été adoptées, soit par l’ordonnance du 8 décembre 2005 soit par la loi ENL. Il convient donc d’observer à quel point le bénéficiaire était enfermé dans un système d’insécurité juridique avant les modifications législatives qu’ont entrainées l’ordonnance de 2005 et la loi ENL et les bénéfices qu’elles ont apportées au bénéficiaire dès leur entrée en vigueur A) La situation antérieure source d’insécurité juridique pour le bénéficiaire 1) Les modalités de remise en cause des autorisations d’urbanisme avant la réforme A propos des délais et concernant l’affichage de l’autorisation d’urbanisme, le délai de recours des tiers courait à partir de la date la plus tardive de l’affichage continue de l’autorisation d’urbanisme pendant deux mois soit en mairie soit sur le terrain. Le bénéficiaire était placé dans un système d’insécurité juridique puisqu’il n’avait aucun pouvoir sur la date à laquelle était affichée l’autorisation en mairie. De plus, lorsque l’affichage de l’autorisation faisait preuve d’irrégularités, le tiers était dispensé de délai pour contester le permis et pouvait agir à tout moment. Etant compliqué, d’apporter la preuve d’un affichage régulier sur un terrain dès lors que la construction était achevée, un bénéficiaire pouvait voir son permis contesté plusieurs années après l’achèvement. La loi distinguait également les recours, suivant que le permis avait été délivré de manière tacite ou exprès, l’administration ayant délivré le permis pouvait le retirer pour illégalité dans un délai de deux mois s’il était tacite et quatre mois s’il était explicite. En plus, un permis tacite, acquis de droit en l’absence de réponse de l’administration pouvait être annulé à tout moment par cette dernière en cas de recours d’un tiers.
  • 23. 20 Sur le sujet, de la mise en œuvre des autorisations de construire, il n’existait pas anciennement, de permis modificatif, lorsqu’un bénéficiaire voulait faire modifier son permis de construire, suite à l’avis d’un tiers, il devait faire une nouvelle demande de permis de construire qui emportait annulation de son ancien permis. Le permis de construire était également périmé, dès lors que le chantier était interrompu pendant plus d’un an, malgré le fait que le permis était encore valable. Cette situation poussait donc les constructeurs à indemniser directement les requérants dans le but qu’ils retirent leur recours et qu’ils puissent reprendre la construction. 2) Le traitement des recours devant les juridictions avant la réforme A propos de la procédure, anciennement le requérant pouvait invoquer n’importe quels moyens nouveaux en cas d’appel, ce qui avait pour effet de permettre au demandeur en appel de trouver de nouveaux moyens entre les deux procédures en espérant que la décision aille, cette foi si en son avantage. L’ancien Code de l’urbanisme en son article R. 421-32, ne prévoyait que deux cas dans lesquels le délai de validité de deux ans du permis de construire pouvait être suspendue. Il l’admettait lorsque la décision ayant accordée le permis était suspendue et dans les cas où une annulation de permis par le tribunal administratif était frappée d’appel et ce jusqu’au rendu d’arrêt de la Cour appel administrative. Dans les autres situations, la durée de validité de l’autorisation de construire continuait à courir, notamment en cas de recours des tiers ce qui pouvait causer une expiration du permis, à cause de la durée de traitement du recours et contraindre les bénéficiaires à monnayer le retrait du recours. Le juge administratif disposait de moins de pouvoir qu’à l’heure actuelle, puisque seulement deux possibilités s’offraient à lui. En effet, soit il déclarait l’autorisation d’urbanisme conforme et rejetait le recours en annulation, soit il la déclarait non-conforme et ce même pour des irrégularités mineures. Il est important d’ajouter que le défendeur en instance ne pouvait pas soulever l’abus de droit et le juge administratif ne pouvait pas le prononcer. La bénéficiaire victime d’un recours abusif devait donc agir devant le juge judiciaire pour tenter de voir condamner le requérant malintentionné. Après avoir constaté à quel point le bénéficiaire était placé dans une situation d’insécurité juridique il convient de voir quels éléments ont été adoptés par l’ordonnance et par la loi ENL, en vue de protéger les constructeurs.
  • 24. 21 B) Les bénéfices de ces deux réformes pour le bénéficiaire de l’autorisation Cette réforme d’urbanisme a été faite en deux temps, des dispositions ont été prises par voie d’ordonnance comme en disposait l’article 20 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004, et d’autres par la voie législative ordinaire. 1) L’ordonnance du 8 décembre 2005 Dans la continuité de la loi de simplification du droit, l’idée générale de cette réforme est de simplifier le droit de l’urbanisme qui paraissait trop complexe. C’est cette réforme qui notamment, réduit le nombre de catégories d’autorisations d’urbanisme à celles que nous connaissons aujourd’hui. L’ordonnance n°2005-1527 du 8 décembre 2005 apporte une modification majeure concernant la durée de validité du permis dans le but que ce dernier ne soit pas suspendu en cas de recours des tiers, dans ce sens l’ordonnance créée une suspension lorsque l’autorisation est frappée d’annulation par le tribunal administratif et que le jugement est contesté en appel ou bien, lorsque la décision est suspendue par le juge des référés dans le cadre d’un référé- suspension. De plus elle rend effective la déclaration d’achèvement des travaux, déclaration par laquelle le bénéficiaire s’engage sur la conformité du projet à l’égard de son autorisation d’urbanisme afin de permettre de juger d’une date certaine de l’achèvement des travaux. 2) La loi ENL La loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement est une loi qui avait pour principale objectif d’inciter les propriétaires à louer leur logement mais elle a « touché » plusieurs parties du droit de l’immobilier dans un sens large afin de remettre en adéquation la loi et la jurisprudence. Concernant le droit de l’urbanisme, en plus de ratifié l’ordonnance du 8 décembre 2003, elle consacre son chapitre III à « la sécurisation des autorisations d’urbanisme et des constructions existantes ». Ainsi, son article 11 attribue au juge administratif la faculté de moduler sa décision d’annulation en en lui permettant de pouvoir décider d’une annulation partielle de l’autorisation d’urbanisme « lorsqu’il constate qu’une seule partie du projet est illégale ». Concernant le recours des associations, en son article 14, elle dispose : « Une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu antérieurement à l'affichage
  • 25. 22 en mairie de la demande du pétitionnaire27 ». Cette mesure est importante puisqu’elle oblige les associations à avoir déposer leur statut avant l’affichage de l’autorisation d’urbanisme en maire et donc d’éviter que des associations se créent seulement dans l’objectif de contester un permis de construire existant. Cette réforme marque « un pas en avant » dans domaine du contentieux des autorisations d’urbanisme, on peut ainsi constater que le législateur avait commencé à prendre conscience du phénomène d’insécurité juridique dans lequel le bénéficiaire était enfermé, il a tenté d’y remédier mais après plusieurs années d’analyse des décisions rendues par les tribunaux et des pratiques en la matière, force a été de constater que les recours ne cessaient pas pour autant et qu’il fallait une nouvelle réforme. Sept ans plus tard une nouvelle loi a donc été publiée au Journal Officiel. II- La réforme de 2013 Cette réforme a été construite dans la continuité de la loi de 2006, dans le sens qu’elle a été instituée dans des formes similaires. Un groupe de travail a de nouveau été missionné, cette fois-ci par la Madame Cécile DUFLOT, ministre de l’égalité du territoire et du logement, à l’époque, à rédiger un rapport pour permettre au gouvernement la construction d’une nouvelle loi. Ainsi le rapport intitulé « Construction et droit au recours : pour un meilleur équilibre » a été rédigé sous la présidence de M. Daniel LABETOULLE, ainsi président de la section du contentieux au Conseil d’Etat. Ce rapport traite uniquement du contentieux de l’urbanisme et définit ainsi des mesures permettant de lutter contre les recours abusifs et d’accélérer le traitement de leur contentieux devant les juridictions compétentes. Il est important de souligner que ce rapport propose pour la première fois une définition de l’abus de recours en y donnant une première définition : « celui qui, manifestement, dérange inutilement le juge au regard de la faiblesse de son argumentation ou des enjeux qui sous-tendent le recours, ou encore de la fréquence de ses saisines28 » Ainsi, il se divise en cinq parties en ce qui concerne les mesures pour éviter les recours : « clarifier les règles de l’intérêt pour agir, introduire une procédure de cristallisation des moyens, organiser un mécanisme de régularisation en cours d’instance à l’initiative du juge, 27 C. urba. L600-1-1 28 Rapport LABETOULLE, p.4 ;
  • 26. 23 permettre au défendeur à l’instance de présenter des conclusions reconventionnelles à caractère indemnitaire et encadrer le régime des transactions par lesquels il mit fin à l’instance ». Comme la précédente, cette réforme intervient après que le Gouvernement ait été habilité à légiférer par voie d’ordonnance en la matière29 . C’est donc par l’ordonnance n°2013- 638 du 18 juillet 2013 que des modifications légales vont être publiées et entrer en vigueur un mois plus tard, soit le 19 Août 201330 . L’idée générale de cette ordonnance et de restreindre l’intérêt à agir des tiers, essayer de régulariser l’autorisation d’urbanisme en cours d’instance et de moraliser les transactions financières. A) Limiter les contentieux et régulariser l’autorisation 1) Encadrer l’intérêt à agir Le législateur a souhaité revoir les conditions de recevabilité du recours en excès de pourvoir en apportant une restriction à l’intérêt à agir dans le but de limiter les abus. Le premier article dispose ainsi : « Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l' habitation.31 » Obligation est donc faite au requérant d’apporter une preuve quant à son « réel intérêt à agir » en fournissant au juge un document qui, en plus d’exposer les arguments qui font que l’opération projeté lui cause un préjudice, lui permet de justifier de sa qualité de voisin de l’opération soit parce qu’il est locataire, propriétaire-occupant ou futur propriétaire. Cette mesure vise à limiter les abus de personnes se portant acquéreur d’un logement ou locataire dans le seul but de contester l’autorisation. Pour les associations, elle introduit l’article L141-1 du Code de l’environnement et elles sont donc présumées « agir dans la limite de la défense de leurs intérêts légitimes », ce pour éviter que le seul fait d’avoir des statuts associatifs ne permette l’exercice d’un droit au recours illimité. 29 Loi n°2013-569 du 1er juillet 2013 30 Ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013, art.5 31 C. urba. L600-1-2
  • 27. 24 Elle clarifie également la date à partir de laquelle l’intérêt à agir est à prendre en compte en puisque dorénavant l'intérêt pour agir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager s'apprécie à la date d'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire32 . 2) Donner plus de pouvoirs au juge administratif Le juge administratif pourra, en vertu d’un nouvel article L600-5-1 inséré au Code de l’urbanisme, sursoir à statuer, comme nous l’avons vu précédemment, dans les cas où les vices liés au projet sont régularisables par un permis modificatif, dans les délais qu’il fixe. Une fois le permis modificatif, accordé dans ce délai, présenté au juge, ce dernier statuera de nouveau en invitant les parties à présenter leurs observations. Ce permis modificatif permet au bénéficiaire de l’autorisation de voir celle-ci régularisée plus rapidement que dans le cas, où suite à l’annulation de son permis, il aurait déposé une nouvelle demande de permis, qui aurait pu être encore une fois contesté. Cette mesure vise également à réduire le nombre de saisines des tribunaux administratifs en la matière et surtout d’apporter plus de sécurité au bénéficiaire de l’autorisation qui ne verra plus désormais son autorisation annulée systématiquement en cas d’irrégularité. L’ordonnance de 2013 a également mise en place la cristallisation des moyens, procédure qui permet au juge de fixer une date sur demande d’une des parties au procès, à partir de laquelle il ne sera plus possible d’invoquer de moyens nouveaux. Un décret d’application33 de cette ordonnance est paru, et vient restreindre les droits à l’appel du requérant contre un permis de construire délivré dans les zones tendues, zones dans lesquels le manque de logement « fait le terreau fertile » des chantages urbanistiques, puisqu’il prévoit, en l’espèce, que lorsque plus de la moitié des surfaces de plancher d’un bâtiment est destiné à l’habitation, l’appel n’est plus possible. Cette mesure donne plus de crédibilité au jugement de première l’instance, qui rend un jugement insusceptible d’appel et qui ne sera donc plus jugé une seconde fois sur le fond mais pourra toutefois l’être sur la forme, si pourvoi en cassation. Cette mesure prise à titre expérimentale, en visant à limiter la multiplication des voies de recours est la bienvenue pour pallier le manque cruel de logement dans les zones tendues. 32 C. urba. L600-1-3 33 Décret n° 2013-879 du 1er octobre 2013
  • 28. 25 B) Lutter contre les recours abusifs C’est une première pour une loi liée aux autorisations d’urbanisme puisque cette dernière prête une attention toute particulière à l’abus de droit lié au recours contre les autorisations d’urbanisme. Prenant conscience du phénomène suite aux auditions et demandes des professionnels de l’immobilier et de la FPI auditionnés dans le cadre du rapport, le législateur a pris des mesures de dissuasion contre les requérants malintentionnés tout d’abord en permettant au juge administratif dans certaines conditions de permettre au bénéficiaire de se voir attribuer des dommages et intérêts, et aussi en tentant d’endiguer le phénomène consistant à engager un recours dans le seul but de percevoir des fonds. 1) Sanctionner les requérant malintentionnés L’article L.600-7 de cette loi est en demi-teinte, ce dernier prévoit effectivement au juge administratif, la capacité de contraindre le requérant à allouer des dommages et intérêts au bénéficiaire abusé mais c’est seulement sous certaines conditions qui sont peu factuelles et relèvent pour beaucoup de la libre interprétation du juge. Cet article pose deux conditions. Le recours pour excès de pouvoir doit avoir été mis en œuvre « dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant ». Cette condition, déjà exigée pour les associations, est donc étendue aux personnes, or il a déjà été compliqué pour le législateur et les juges de délimiter le champ d’intérêts légitimes des associations, il l’est encore plus concernant les personnes physiques. Le juge administratif réticent de base à octroyer des dommages et intérêts, compétence relevant d’ordinaire des pouvoirs du juge judiciaire sur la base de la responsabilité pour faute qui condamne l’auteur d’un dommage à le réparer à hauteur du préjudice subi34 . Cette règle spéciale du Code de l’urbanisme l’emporte sur la règle générale du Code civil mais le texte émet cependant une deuxième condition. Le requérant doit avoir « subi un préjudice excessif ». La notion de préjudice excessif est très subjective est compliquée à définir et à faire exécuter par les tribunaux. Depuis la mise en place de cet article, aucun tribunal administratif n’a retenu les demandes consistant à allouer des dommages et intérêts, sauf le tribunal administratif de Lyon qui avait condamné un requérant a versé 82.700 euros en 200535 , mais cette décision avait été cassée par la Cour administrative d’appel36 en 2018, c’est pourquoi de manière générale, les victimes de recours abusifs ont préféré engager des actions 34 C. civ. Art. 1240 35 TA Lyon, 17 novembre 2015, n°1303301 36 CAA, Lyon, 18 janvier 2018, n°16LY00172
  • 29. 26 devant les tribunaux civils, ces derniers ne tenant pas compte de cette notion pour verser des dommages et intérêts37 . La notion de préjudice excessif rend compliquée l’application de cette mesure. 2) Enregistrer les transactions financières Après un objectif de sanction, le législateur à pensé à mettre en place une voie de dissuasion pour faire cesser « les pratiques mafieuses » consistant de la part du requérant de retirer son recours moyennant rémunération. Pour cela, l’ordonnance, suivant les conseils du rapport, introduit un article L.600-8 du Code de l’urbanisme afin de « faire réfléchir les quelques requérants qui font profession des désistements contre rémunération et préserver pour le reste, les espaces de négociation qui sont nécessaires dans des opérations complexes, tels que les projets de construction38 ». La loi fait obligation au requérant qui s’engage à retirer son recours, en échange d’une somme d’argent, à s’enregistrer auprès du Trésor Public. La loi prévoit même une sanction assez dissuasive puisque s’il ne le fait pas, l’opération financière est réputée sans cause et les sommes sont sujettes à une action en répétition de l’indu. C’est à dire que le bénéficiaire-créancier, pourrait engager une procédure à l’encontre du requérant-débiteur devant le tribunal d’instance ou de grande instance, en fonction du montant de la somme d’argent versé, pour se voir rembourser sa créance. Cette action en répétition de l’indu, se prescrit par 5 ans comme en dispose les règles civiles. L’article va plus loin en énonçant que « les acquéreurs successifs de biens ayant fait l'objet du permis mentionné au premier alinéa peuvent également exercer l'action en répétition prévue à l'alinéa précédent à raison du préjudice qu'ils ont subi ». La loi fait preuve de fermeté mais encore faut-il qu’une action soit déjà engagée devant le tribunal administratif pour que cet article s’applique, et ce n’est pas toujours le cas car trop souvent c’est la menace d’un recours qui pousse les constructeurs, dans un sens large, à indemniser directement ces personnes peu scrupuleuses. Après plusieurs années d’inactions, les règles ont commencé à changer, les constructeurs ont commencé à percevoir la sortie d’un système peu encourageant à construire et insécuritaire, mais ces règles n’ont pas eues l’effet escompté, les délais de traitement des recours sont toujours 37 Cass. Civ. 1, 16 Novembre 2016, n°16-14152 38 Rapport. Labetoulle, p.19
  • 30. 27 très longs, ils ont peu évolué depuis 2013, et le nombre de recours ne diminue pas, au contraire, c’est inquiétant et il est urgent de trouver de solutions pour le bien de l’intérêt commun qui est de construire plus, mieux, plus vite et en respectant les droits de chacun. Sous-section II- Les pistes à explorer Même si les réformes précédentes sont encourageantes, elles ne pallient pas tous les litiges du contentieux de l’urbanisme. Des pistes sont à explorer, la Loi ELAN est entrée en vigueur et à apporter de nouvelles dispositions concernant le contentieux lié aux autorisations d’urbanisme. Il sera intéressant d’étudier si la situation est la même chez nos voisins britanniques et allemands, lesquels ont tous deux un système judiciaire et constitutionnel très différents du nôtre. I- La loi ELAN Une nouvelle loi vient à nouveau, et ce, cinq ans après la précédente loi tentant d’endiguer le contentieux lié aux autorisations de construire, apporter des modifications législatives afin cette fois-ci d’endiguer définitivement les difficultés qui pèsent sur le contentieux de l’urbanisme. Publiée au JORF, le 24 novembre 2018, la loi n°2018-1021 fait suite à la présentation du rapport, présidé par Madame Christine Mauguë, conseillère d’Etat, au ministère de la cohésion des territoires. Ce dossier émet plusieurs propositions « pour un contentieux des autorisations d’urbanisme plus rapide et efficace ». Le titre de ce rapport en dit long, il faut réduire les délais de jugement et améliorer les sanctions contre ceux qui font abus de leur droit au recours. La loi ELAN, en l’espèce, réforme plusieurs parties du Code de l’urbanisme mais exactement les mêmes que la réforme de 2013, l’intérêt à agir, les pouvoirs du juge administratif et les transactions financières, cela nous force-t-il à voir la réforme de 2013 comme un échec ? A) Les pouvoirs du juge administratif La loi ELAN modifie de manière substantielle les pouvoirs du juge. Comme vu précédemment, depuis la réforme de 2013, le juge, lorsqu’une seule partie du projet était irrégulière au regard des règles d’urbanisme, pouvait accorder au bénéficiaire un délai dans lequel il pouvait présenter un permis modificatif au lieu d’annuler l’autorisation. Cette fois-ci le législateur va plus loin puisque dans le cadre d’un refus d’annulation partielle, ce dernier doit
  • 31. 28 motiver sa décision39 , l’annulation partielle devient donc la norme et plus l’exception. Il rajoute un article L600-5-2 au Code de l’urbanisme qui précise : « cette décision modificative ou cette mesure de régularisation ont été communiqués aux parties à cette instance, la légalité de cet acte ne peut être contestée par les parties que dans le cadre de cette même instance ». Avec la loi ELAN la cristallisation des moyens devient automatique à partir d’un délai de deux mois, ce n’est plus comme précédemment au juge de fixer les délais de cristallisation des moyens, la cristallisation des moyens devient donc d’ordre public40 . On a également légiféré sur la question du référé-suspension, le juge des référés devra maintenant être saisi avant la fin du délai de deux mois de cristallisation prononcé par le juge saisi en recours en excès de pouvoir41 , le juge des référés devra, dans un souci d’accélération des procédures de la part du législateur, « statuer sur la demande dans un délai de deux mois ». De plus le législateur conscient qu’il est compliqué d’engager une action en démolition, préfère dans des cas d’urgence faire cesser rapidement les travaux de construction. La loi ELAN restreint donc les pouvoirs du juge en instaurant une cristallisation des moyens de droit, période à la fin de laquelle la saisine du juge des référés n’est plus possible et en faisant de la norme le fait de régulariser les autorisations d’urbanisme en cours d’instance plutôt que de les annuler, ce dans le but de développer les projets de construction sur un marché en manque perpétuel de logements. La liberté d’appréciation du juge s’est vue restreinte mais qu’en est-il concernant les parties à l’instance ? B) Les pouvoirs des parties L’intérêt à agir des parties se voit encore une fois limiter, aussi bien sur celui des associations que celui des personnes. En effet, aux termes de l’article L600-1-1, les associations, pour pouvoir agir en annulation, doivent avoir déposé leurs statuts en préfecture, au moins un an avant l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire afin d’avoir encore plus de certitude quant à la défense des intérêts légitimes de l’association et dans la pratique cela risque surement de limiter les recours d’associations de riverains, ces derniers n’ayant que rarement connaissance du projet un an avant la demande du pétitionnaire. 39 C. urba. L600-5-1 40 C. urba. R600-5 41 C. urba. L600-3
  • 32. 29 De plus, il est précisé que l’article L. 600-8 ne s’applique pas aux associations, il précise même : « Les transactions conclues avec des associations ne peuvent pas avoir pour contrepartie le versement d'une somme d'argent, sauf lorsque les associations agissent pour la défense de leurs intérêts matériels propres ». Autrement dit, les associations étant réputées agir dans la limite de leurs intérêts légitimes, il est en effet difficilement compréhensible qu’une association engage un recours en excès de pouvoir dans un but financier car dans l’exemple où le projet porterait atteinte à l’environnement par exemple, et que cette association décide de se retirer en l’échange d’une somme d’argent. Cela laisserait présupposer effectivement, que les statuts de l’association sont simplement un moyen de lui permettre de bénéficier d’un intérêt à agir, alors que son réel intérêt est de gagner de l’argent, ce qui va à l’encontre des principes même du droit associatif. Concernant les personnes, elles doivent dorénavant démontrer en quoi le projet va affecter les conditions du bien qu’elles occupent ou détiennent42 , toujours dans un souci de désengorger les tribunaux et de ne plus voir des personnes sans réel intérêt matériel agir en justice. Le délai de forclusion pour agir contre un permis de construire passe d’un an à 6 mois, toujours à partir de la déclaration d’achèvement des travaux, cette mesure est bien sûr, bien accueillie par les professionnels de la promotion immobilière et plus généralement de l’immobilier.43 La loi ELAN apporte beaucoup de modifications à la réforme de 2013 en essayant de trouver le juste équilibre entre la restriction de l’intérêt à agir et la garantie du droit au recours. Il est trop tôt encore pour prendre pleinement connaissance des effets de cette loi sur les autorisations d’urbanisme et si elle va réussir à endiguer définitivement les recours mais elle semble relativement prendre en compte les attentes des professionnels du secteur de la promotion immobilière en la matière, et ce même si elle n’apporte pas de réelle sanction financière contre ceux qui en abusent et vient surtout réformer les dispositions de la loi de 2013. Peut-être que si les tribunaux judiciaires octroyaient des dommages et intérêts lorsque le recours est abusif ou encore, lorsque l’opération du constructeur cause un réel trouble de jouissance au voisin la situation pourrait se calmer, la délivrance de somme d’argent directement de la part des constructeurs sans décision de justice laisse trop à penser que ces professionnels sont prêt à tout 42 C. urba L600-1-2 43 C. urba R600-3
  • 33. 30 pour voir leur opération se réaliser et ils deviennent donc des « proies faciles », peut-être que l’origine du litige est à régler en amont aussi, pourquoi tout simplement, ne pas mettre en place des réunions d’information entre les constructeurs et les voisins, afin de donner des explications sur la nature de l’opération envisagé et de lever les inquiétudes qui trop souvent se transforment en peur… Chez nos deux voisins européens la situation est toute autre. II- En matière de droit comparé Les deux systèmes, britannique et allemand sont très différent du nôtre. A la différence des systèmes juridiques latins, tels qu’ils existent chez nos autres voisins italiens ou espagnols par exemple, ces deux systèmes sont constitutionnellement très différents. Le premier est un droit de tradition oral, ce sont les décisions des tribunaux qui font lois, plus exactement la jurisprudence, les tribunaux prennent ainsi des décisions en accord avec les jugements précédents. En Allemagne, système fédéral, deux droits s’appliquent : le droit fédéral, de l’Etat et le droit de régions, des Länder. A) En droit britannique Au Royaume-Uni, il n’existe pas une telle séparation de l’ordre juridictionnel comme dans notre système. Le contentieux lié à l’urbanisme relève du contentieux civil, il est malgré cela possible pour un tiers d’engager une action contre une autorisation d’urbanisme lui portant préjudice. Il faut savoir que c’est au secrétariat d’Etat à l’Environnement d’observer si une demande d’autorisation d’urbanisme est conforme au droit, les juges ont simplement qualité pour juger si la procédure d’élaboration et de de délivrance a été faite dans les règles. Pour intenter une action contre une autorisation d’urbanisme, la procédure est donc assez similaire à notre système français et comparable au recours en excès de pouvoir. Le requérant doit également justifier d’un intérêt à agir, il doit en revanche simplement expliquer pourquoi la construction lui serait préjudiciable il n’a pas à en justifier comme dans notre système qui essaie de le restreindre au maximum dans la limite de la préservation du droit fondamental au recours. Ce qui est très intéressant en la matière dans ce système anglo-saxon, c’est que c’est la partie perdante au procès qui participe aux frais et dépens « who lost pays ». Vu cette obligation de participation aux frais et dépens, la part de contentieux réglée à l’amiable, à l’initiative des parties est importante. Les tribunaux anglais connaissent peu de litiges en matière d’urbanisme et en Allemagne, encore moins.
  • 34. 31 B) En droit allemand Le droit allemand est basé sur un système fédéral, comparable au droit français dans le sens où l’ordre juridictionnel comprend également trois instances (première instance, appel et la révision), il s’en différencie en ayant également des tribunaux régionaux. Les litiges relevant du droit de l’urbanisme sont traités par les tribunaux nationaux de la même façon qu’en France et le tiers doit également avoir un intérêt à agir, même s’il est moins encadré il doit, tout même, prouver que « l’autorisation porte atteinte à ses droits personnels ». Il ne s’agit donc pas pour lui de démontrer que l’ouvrage porte atteinte au droit de l’environnement mais bien qu’il l’atteigne dans ses droits subjectifs. Concernant le recours des associations, elles sont habilitées à exercer un recours de la même façon que dans notre système juridique : si elles défendent l’environnement ou qu’elles représentent l’intérêt de voisins ». Le système préfère favoriser les résolutions de litige préalablement à la saisine du juge, il leur impose avant toute action devant le juge un recours préalable, recours dans lequel les parties tentent de trouver un accord, le recours est en l’espèce, systématiquement rejeté dès lors que les droits subjectifs du requérant ne sont pas atteints, de fait il n’y pas de « chantage au recours » comme en France. Il est trop tôt pour mesurer les réels effets que va avoir la ELAN, mais sûrement tentons nous trop de traiter le problème des recours abusifs en réformant le « procès administratif », peut-être serait-il bon d’engager une réforme plus profonde de la justice administrative en rendant obligatoire en matière de recours en annulation la médiation, préalablement à toute saisine de juge administratif, quitte pourquoi pas à recourir à l’arbitrage comme dans le domaine commercial, afin de désengorger les tribunaux et de permettre aux juges de traiter les litiges qui relèvent d’un réel contentieux.
  • 35. 32 Bibliographie : Amende pour recours abusif : constrôle du juge de cassation, Gaz. Pal. 9 cot. 2018, n°332w6, p.46. n°PA201312306, p.4. Droit Administratif, Yves GAUDEMET, LGDJ, Camille MIALOT et Fanny EHRENFELD, Berger Levrault. En finir avec les recours d’urbanisme abusifs, Hélène Cloëz, Olivier ORTEGA et Philippe PELLETIER, Editions PC. L’amende pour recours abusif et les frais et dépens, Gaz. Pal. 9 oct. 2018, n°332j8, p.38 La nécessité de lutter contre les recours abusifs en matière d’urbanisme, LPA 20 juin 2013, L’essentiel du Droit administratif général, Marie-Christine ROUAULT, Gualin. Le projet de loi ELAN et le renforcement de la lutte contre les recours abusifs, Droit et patrimoine, N°285, 1er Novembre 2018. Les recours abusifs contre les autorisations d’urbanisme – Etat des lieux et perspectives, Le Coustumer (JC), LPA 11 mai 2018, n°135t4, p.68. Les recours abusifs contre les permis de construire, Defrénois 4 mai 2018, n°136b8, p.39. Logement et urbanisme, Projet de loi ELAN : simplifier l’acte de construire, Pouliquen (E.), 14 mars 2018/ Propositions pour un contentieux des autorisations d’urbanisme plus rapide et plus efficace, Rapport au ministre de la cohésion des territoires présenté par le groupe de travail présidé par Christine Maugüé, conseillère d’Etat. Propositions pour une meilleure sécurité juridique des autorisations d’urbanisme, Rapport au gouvernement présenté par le groupe de travail sous la présidence de Philippe Pelletier, avocat et président de l’ANAH. Recours abusif : le défaut de qualité pour agit ne démontre pas le caractère abusif du recours (CE, 19 oct. 2017), Cabinet Gossement Avocats.
  • 36. 33 Table des matières SECTION I : UN DROIT NE GARANTISSANT PAS SUFFISAMMENT LA SECURITE DU BENEFICIAIRE DE L’AUTORISATION DE CONSTRUIRE _______________________________5 SOUS-SECTION I – LE DROIT AU RECOURS : UN DROIT FONDAMENTAL____________________________5 I- Le recours en annulation _______________________________________________________6 A) Les conditions de recevabilité du recours ________________________________________6 1) La nature de l’acte ________________________________________________________6 2) Le requérant_____________________________________________________________6 3) Les délais_______________________________________________________________7 4) La notification des recours _________________________________________________8 B) La procédure devant le juge administratif ________________________________________8 1) Les moyens de légalité ____________________________________________________8 a) Les moyens de la légalité externe__________________________________________9 b) Les moyens de la légalité interne _________________________________________10 2) Les pouvoirs du juge administratif __________________________________________11 a) Le sursis à statuer et la cristallisation des moyens ____________________________11 b) Le jugement _________________________________________________________12 II- Le référé-suspension__________________________________________________________13 A) Les conditions ____________________________________________________________13 1) Les conditions de forme __________________________________________________13 2) Les conditions de fond____________________________________________________13 B) La décision _______________________________________________________________14 1) La suspension de l’autorisation de construire __________________________________14 2) Le rejet de la demande____________________________________________________14 SOUS-SECTION II – LA CARACTERISATION DU RECOURS ABUSIF _______________________________15 I- L’interprétation des tribunaux __________________________________________________15 II- L’indemnisation pour recours abusif _____________________________________________16 SECTION II : UN DROIT A REFORMER POUR PROTEGER LE BENEFICIAIRE DE L’AUTORISATION DE CONSTRUIRE_________________________________________________18 SOUS-SECTION I : LES ANCIENNES REFORMES _____________________________________________18 I- La réformes de 2005 et la loi ENL _______________________________________________18 A) La situation antérieure source d’insécurité juridique pour le bénéficiaire_______________19 1) Les modalités de remise en cause des autorisations d’urbanisme avant la réforme _____19 2) Le traitement des recours devant les juridictions avant la réforme__________________20 B) Les bénéfices de ces deux réformes pour le bénéficiaire de l’autorisation ______________21 1) L’ordonnance du 8 décembre 2005 __________________________________________21
  • 37. 34 2) La loi ENL_____________________________________________________________21 II- La réforme de 2013___________________________________________________________22 A) Limiter les contentieux et régulariser l’autorisation _______________________________23 1) Encadrer l’intérêt à agir___________________________________________________23 2) Donner plus de pouvoirs au juge administratif _________________________________24 B) Lutter contre les recours abusifs ______________________________________________25 1) Sanctionner les requérant malintentionnés ____________________________________25 2) Enregistrer les transactions financières _______________________________________26 SOUS-SECTION II- LES PISTES A EXPLORER _______________________________________________27 I- La loi ELAN ________________________________________________________________27 A) Les pouvoirs du juge administratif_____________________________________________27 B) Les pouvoirs des parties_____________________________________________________28 II- En matière de droit comparé ___________________________________________________30 A) Le droit britannique ________________________________________________________30 B) Le droit allemand __________________________________________________________31