Camille Morel (PACTE, Université Grenoble-Alpes et chargée de recherche) et Sebastien Poulain (Mica, Université Bordeaux Montaigne)
, « Le bénévolat d’entreprise sociale : une nouvelle forme d'engagement des citoyens et ses limites », sous la responsabilité de Dan Ferrand Bechmann et Damiano de Facci (Réseau thématique-RT 35 « Sociologie des mondes associatifs » de l’Association française de sociologie-AFS), séminaire « (R)évolutions des formes de l'engagement, sociologie du bénévolat », groupe de travail (GT) 32, Association Internationale des Sociologues de Langue Française (AISLF), 22 mars 2022, 14h00-17h30, https://www.aislf.org/revolutions-des-formes-de-lengagement
Amélie Deschenaux et Sandrine Cortessis, Potentielles nouvelles modalités d’engagement et résistances au sein d’une forme traditionnelle d’engagement bénévole de visite à l’hôpital (Suisse)Sebastien Poulain et Camille Morel, Le bénévolat d’entreprise sociale : une nouvelle forme d'engagement des citoyens et ses limites Marie-Anne Dujarier, présentation de Trouble dans le travail : sociologie d'une catégorie de pensée
Damiano De Facci, La solidarité par le bas, comment répondre à la crise sanitaire (France)
Eric Gagnon, Les impacts de la pandémie, du confinement et des mesures sanitaires sur les organisations où œuvrent les bénévoles ainés et sur les bénévoles eux-mêmes. stratégies organisationnelles et stratégies individuelles visant à maintenir cet engagement.
Yves Raibaud, Travail gratuit et bénévolat dans une perspective féministe "Qui encaisse le travail gratuit“ et ”trouble dans le bénévolat": ces deux énoncés, posés côte à côte, sont stimulants. Le travail gratuit est historiquement et universellement le travail des femmes, ce qui fait penser aux care studies. Trouble fait inévitablement penser à Gender Trouble. Y-a-t-il du trouble dans le bénévolat lorsque certains hommes, certaines femmes, certains autres, ne sont pas à la place où on les attend ?Dan Ferrand-Bechmann, Nouvelles formes de bénévolat, l'écoute à distance : les incontournables deviennent contournables, conclusion sur la valeur du bénévolat.
De la place accordee aujourd’hui au silence à la radio
Le bénévolat d’entreprise sociale : une nouvelle forme d'engagement des citoyens et ses limites
1. « Le bénévolat d’entreprise sociale : une nouvelle forme
d'engagement des citoyens et ses limites »
Camille Morel (PACTE, Université Grenoble-Alpes et chargée de recherche) et Sebastien Poulain (Mica, Université Bordeaux Montaigne)
Séminaire AISLF « (R)évolutions des formes de l'engagement, sociologie du bénévolat »
22 mars 2022
Association française de sociologie (AFS)
59/61 rue Pouchet
75017 Paris
2. Le programme :
Amélie Deschenaux et Sandrine Cortessis, Potentielles nouvelles modalités d’engagement et résistances au sein
d’une forme traditionnelle d’engagement bénévole de visite à l’hôpital (Suisse)
Sebastien Poulain et Camille Morel, Le bénévolat d’entreprise sociale : une nouvelle forme d'engagement des
citoyens et ses limites
Marie-Anne Dujarier, présentation de Trouble dans le travail : sociologie d'une catégorie de pensée
Damiano De Facci, La solidarité par le bas, comment répondre à la crise sanitaire (France)
Eric Gagnon, Les impacts de la pandémie, du confinement et des mesures sanitaires sur les organisations où
œuvrent les bénévoles ainés et sur les bénévoles eux-mêmes. stratégies organisationnelles et stratégies individuelles
visant à maintenir cet engagement.
Yves Raibaud, Travail gratuit et bénévolat dans une perspective féministe "Qui encaisse le travail gratuit“ et ”trouble
dans le bénévolat": ces deux énoncés, posés côte à côte, sont stimulants. Le travail gratuit est historiquement et
universellement le travail des femmes, ce qui fait penser aux care studies. Trouble fait inévitablement penser à Gender
Trouble. Y-a-t-il du trouble dans le bénévolat lorsque certains hommes, certaines femmes, certains autres, ne sont pas
à la place où on les attend ?
Dan Ferrand-Bechmann, Nouvelles formes de bénévolat, l'écoute à distance : les incontournables deviennent
contournables, conclusion sur la valeur du bénévolat.
6. Contexte
1er confinement de 2020 : les services rendus par les supermarchés ont été considérés comme « essentiels »
témoigne d’une frontière de plus en plus poreuse entre les entreprises classiques et les acteurs considérés comme
au service de l’intérêt général,
phénomène qui s’accompagne d’une évolution des règlementations :
- Loi ESS en 2014 : des acteurs exerçant une activité lucrative mais ayant « un but poursuivi autre que le seul partage
des bénéfices » peuvent être reconnus comme « entreprises sociales »
- Contrat à impact en 2016 : « partenariat entre le public et le privé destiné à favoriser l’émergence de projets sociaux
et environnementaux innovants. Ces contrats permettent le changement d’échelle de solutions identifiées sur le
terrain et efficaces. L’investisseur privé et/ou public préfinance le projet et prend le risque de l’échec en échange
d’une rémunération prévue d’avance en cas de succès. L’État ne rembourse qu’en fonction des résultats
effectivement obtenus et constatés objectivement par un évaluateur indépendant. »
- Loi PACTE en 2019 : incite toutes les formes d’organisation, y compris les entreprises commerciales, à intégrer à leur
« mission » une dimension non lucrative
8. Questionnements
Dès lors, l’arrivée de sociétés commerciales au service de l’intérêt général et l’entrée de « bénévoles » dans
l’économie de marché posent forcément des questions :
1. Des entreprises sociales mais néanmoins commerciales peuvent-elles intégrer dans leur modèle économique des
bénévoles, et surtout des bénévoles migrants? Redistribution ou concurrence entre l’action associative et le «
social business » ?
2. Comment ce nouveau modèle est-il perçu par les bénévoles ?
3. Enfin, est-ce que la constitution d’une nouvelle forme d’échanges, basée sur autre chose que le revenu ou la
monnaie, peut permettre d’articuler autrement les besoins et les dons des différents bénévoles ?
9. Méthodologie
Observation participante
Entretiens
Cas d’étude
L’application d’un modèle économique basé sur un système d’échange Local (SEL) au
sein d’une Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC) située dans une petite ville des
Vosges.
Définition des termes
bénévoles d’association ≠ « bénévoles d’entreprise »
10. LVE : une association en évolution
1. Un modèle de « bénévolat » intégré
1990 : aide aux devoirs
2010 : apprentissage du français
d’adultes d’origine étrangère
2020 : aide au logement et
accompagnement personnalisé à
l’insertion
Plusieurs types d’activités
- Des ateliers de français pour acquérir ou renforcer des compétences
- Des ateliers de jardinage sur les 11 parcelles familiales
- Un accompagnement personnalisé à l’insertion (logement, administration,
…)
- Des événements sociaux, culturels et festifs
11. Location de 2
appartements
Achat de la Maison
de l’hospitalité
Fondation
+
collectivités locales ?
+
SCIC qui investit via un SEL
2020 2022
12. Une SCIC pour développer des projets communs entre acteurs du territoire
Structures membres de la SCIC et les 5
collèges
Citoyens
Café participatif
20% 20%
20%
20%
20%
Acteurs
économiques
AAI & SAS
Santé
Globale
Institut
médico-
social
Institutionnels
Mairie
Education
Populaire
LVE
13. Contributions réciproques de chaque membre de la SCIC
SCIC SAS
AIE
Café
participatif
(association)
LVE
(association)
Institut
médico-social
(IME+ESAT)
Ville
(collectivité)
Temps de bénévolat
Investissement pour l’achat
de la « Maison de
l’hospitalité »
Territoire
d’expérimentation +
honoraires
Conseils et
méthodologies
14. Un système d’échange est un
système de contribution basé sur
autre chose que l’argent pour
échanger des services, des biens,
des compétences, du temps, entre
acteurs locaux. Il peut être utilisé
par les adhérents pour avoir accès
à des services moins chers en
rendant service à leur tour.
Wassim emprunte le
vélo de Léna Léna apprend la
cuisine à Élisa
Jean repeint la barrière de
jardin de Wassim
Salima apprend la guitare
à Jean
Florian aide Salima à
déménager
Élisa garde le chien
de Florian
Un Système d’Echanges Local pour articuler les
contributions de chacun
15. Les « apprenants »
2 types de population assistent
actuellement aux ateliers de français :
des personnes issues de vagues de
migrations plus anciennes : du
Maghreb et de Turquie
essentiellement, femmes, dans la
cinquantaine voire plus,
les « migrants » : des personnes issues
de vague de migrations plus récente :
Europe de l’est : hommes et femmes,
de toute génération, seuls ou en couple
(avec enfants parfois), demandeurs
d’asile
2. Des profils d’engagement
variés
16. Les « sur-bénévoles »
nés en France, pour la plupart
retraités ou « inactifs », capital
culturel élevé, déficit de liens sociaux
Sur-bénévolat :
le « contrat »
d’engagement
initial doit être
renégocié pour
éviter une
rupture
SCIC
LVE
bénévolat
structure sur-structure
sur-bénévolat
sur-investissement
Conséquence
17. Une mixité des bénévoles liée à des attentes variées
L’objectif du SEL : remise en cause des logiques de domination
instaurer une forme d’équilibre entre les membres
Nouveau modèle de contribution = « bénévolat d’entreprise » ?
des membres d’une association mettent à disposition leur temps de
bénévolat au service d’une SCIC pour des projets d’intérêt collectif
18. Les limites juridiques et économiques
Le SEL ≈ travail « dissimulé » La SCIC pourrait être attaquée travail dissimulé
- Formes de tolérance au niveau national et local
- Concurrence aux entreprises locales ?
- Ou au contraire profit de cette situation ?
déclarer le SEL comme « expérimentation » à l’URSAF pour mettre en lumière cette ambiguïté et redéfinir
un cadre
3. Limites du BDE pour la constitution du SEL
19. Les limites liées à l’innovation sociale
« Bénévole d’association » « bénévole d’entreprise »
Évolution du rôle de « bénévoles » : management, recherche de financements, de
l’accompagnement à la recherche de logement et d’emploi
quelles compétences échanger : pose la question de l’identification et du développement de ses
capacités
différences interculturelles qui ne pourront que s’accentuer dans la contractualisation du SEL car
celui-ci va instituer des rapports interpersonnels
20. Les limites morales
Urgence + l’entrée des migrants dans les logements a précédé le SEL
Certains craignent de perdre des avantages avec le SEL Met en lumière une supposée vision
consumériste
Pas (encore) de co-décision sur le « contrat » ou « charte : nature et intensité des activités en
échange de l’occupation du logement
Comment mesurer la valeur des activités et leur valeur d’échange
H. : « Je ne veux pas qu’on ne demande pas [aux migrants] de faire des choses supérieures aux
bénéfices qu’ils reçoivent parce que là ça ferait un peu du profit sur leur dos et ça je n’aimerais pas »
J-L : « Dans l’ensemble, [les migrants] sont assez généreux de leurs efforts. Je ne voudrais pas qu’on les
mette dans une situation où ils sont redevables de tout ».
21. Conclusion : Faire des migrants des « bénévoles » comme les
autres : un retournement du statut pour l’encapacitation ?
Renverser la relation verticale entre l’organisation « active » et les bénéficiaires « passifs » : l’usager est partie-
prenante d’un projet, un acteur dans sa recherche de réponses à ses besoins. porosité revendiquée pour
permettre aux acteurs de développer leur empowerment + lien social
Injonction à l’encapacitation ne renvoie-t-elle pas finalement à l’objectif de faire des bénévoles des
« entrepreneurs » de leur propre vie, et des travailleurs comme les autres ?
Esprit de solidarité ou pragmatisme qui les oblige à inventer un nouveau modèle économique pour leur
territoire (un territoire de consom’acteurs qui « s’auto-consomment » grâce à plus d’autonomie) ?
La dimension morale > enjeux financiers et juridiques ?
Aujourd’hui, la SCIC est en dépôt de bilan par manque d’accord entre elles sur leur projet commun.