Interview avec Guillaume Echelard pour l'article « Radio: le virage éditorial de Bolloré à Europe 1 n'enraye pas la chute des audiences », challenges.fr, 14 janvier 2022 à 18h22, https://www.challenges.fr/media/radio-le-virage-editorial-de-bollore-a-europe-1-nenraye-pas-la-chute-des-audiences_796648
Le benevolat d entreprises sociales une nouvelle forme de benevolat condition...
Challenges Radio : Bolloré n'enraye pas la chute des audiences à Europe 1
1. 15/01/2022 10:34 Radio: Bolloré n'enraye pas la chute des audiences à Europe 1 - Challenges
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Médias
Radio: le virage éditorial de Bolloré à Europe 1 n'enraye
pas la chute des audiences
ABONNÉS
Par
Guillaume Echelard
le 14.01.2022 à 18h22
Lecture 7 min.
Malgré une nouvelle grille des programmes, les audiences d'Europe 1, radio désormais
contrôlée par Vincent Bolloré, continuent de baisser, selon la dernière enquête
Médiamétrie. Alors, le milliardaire français peut-il réussir à inverser la tendance?
AFP/ARCHIVES - ERIC PIERMONT
Europe 1 a perdu 141.000 auditeurs entre la vague d'audiences septembre-octobre et la vague
novembre-décembre.
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448.000 auditeurs de moins en an (-0,8% d'audience cumulée), et 141.000 en deux mois.
La nouvelle grille d'Europe 1, station contrôlée depuis le 30 juin 2021 par Vincent Bolloré,
n'a pas amélioré les audiences de la célèbre radio. Les nouvelles émissions à l'antenne
depuis le 23 août dernier rapprochent Europe 1 de CNews, média également détenu par la
quatorzième fortune de France du classement de Challenges. Dimitri Pavlenko, Romain
Desarbes, Laurence Ferrari, Thomas Lequertier: une série de transfuges de la chaîne de
télévision a rejoint la station cet été, et des émissions sont désormais codiffusées sur les
deux antennes. Cette volonté de "synergie" avait provoqué une grève et le départ de bon
nombre d'employés d'Europe 1 à l'été 2021. A l'érosion de journalistes s'ajoute celle des
auditeurs: les chiffres d'audiences allant de novembre à décembre, publiés par Médiamétrie
le 13 janvier, montrent que le nombre d'auditeurs ne finit pas de chuter.
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grandissant de Vincent Bolloré
"Quand vous changez de grille, sur une radio qui a une marque, une notoriété, comme
Europe 1, c’est très difficile, analyse Albino Pedroia, directeur associé du cabinet Lab Radio.
A la rentrée, Europe 1 a changé 80% de sa grille, donc c’est normal qu’une partie de ses
auditeurs habituels s’en aille. La radio, on l’écoute pour s’informer, se divertir, mais aussi par
habitude, pour se rassurer". A titre de comparaison, souligne-t-il, "sur RTL, chaque année il y
a des changements, mais ils sont à la marge; Yves Calvi présente la matinale depuis 2014.
La radio, c’est un travail d’orfèvre". Frédéric Antoine, chercheur émérite à l'université de
Louvain (Belgique) et spécialiste de la radio, ajoute deux facteurs: Europe 1 est aujourd'hui
très podcastée - 162 millions d'écoutes en 2021 - mais mise moins sur les ondes; et,
probablement par souci d'économie, la grille des programmes d'Europe 1 est désormais
divisée en tranche de deux heures "alors qu'historiquement, les tranches d'Europe 1 sont
plus courtes, parfois trente minutes ou une heure".
2 millions d'auditeurs perdus entre 2015 et 2019
Les audiences plongent, et l'économie avec, résume donc Albino Pedroia: "Europe 1 fait
presque la même audience que la station musicale RTL 2. Mais RTL 2 ne coûte presque rien,
alors qu'Europe 1 coûte très très cher." Et les chiffres sont déjà mauvais pour Europe 1: la
station aurait été en déficit de 30 millions d'euros en 2019, et son chiffre d'affaires aurait
été divisé par deux en cinq ans, à 29 millions d'euros, selon Les Echos.
"Il ne faut pas imputer à Bolloré toutes les difficultés d'Europe 1", nuance Jean-Jacques
Cheval, professeur à l'Université Bordeaux 3 et fondateur du Groupe de recherche et
d'études sur la radio. La perte d'audience s'inscrit en effet dans la continuité d'un
phénomène de longue date. Entre 2015 et juillet 2019, la station a perdu 2 millions
d'auditeurs, soit une moyenne de plus de 400.000 auditeurs par an: la nouvelle
décrue s'inscrit donc dans ce prolongement.
"La station généraliste de trop"
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Aux changements incessants de grille des programmes, qui perturbent l'auditeur, s'ajoutent
des causes structurelles, selon Sébastien Poulain, docteur en science de l’information et de
la communication à l'université Bordeaux Montaigne et cofondateur de la
revue Radiomorphoses: "Dans les années 1980, l'ouverture à la concurrence de la radio a
attaqué l'audience des radios historiques. Avec l'arrivée de la TNT à la télévision et Internet,
les médias se sont multipliés. Europe 1 est une radio généraliste, un peu similaire à RTL, et
c'est le problème fondamental. Aujourd'hui, France Inter et RTL résistent, mais c’est vrai
qu’Europe 1, c’était peut-être la station généraliste de trop".
La matinale - nerf de la guerre des audiences radio -, présentée par Dimitri Pavlenko, reste le
point faible des audiences. Elle ne compte que 470.000 auditeurs; pas de sursaut par
rapport à la rentrée de septembre, où elle en comptait 533.000. "Il y a un manque de
personnalités, tranche Albino Pedroia. Dimitri Pavlenko est très sérieux et compétent, mais il
n'est pas assez entouré. Une matinale, dans une radio, c’est 60% de son audience. Sur RTL,
le matin, vous avez Laurent Gerra". En revanche, sur Europe 1, depuis la rentrée, il n'y a plus
l'imitateur Nicolas Canteloup, remercié cet été, "et ça, ils le payent très cher". Seuls les
tranches de l'après-midi, portées par des personnalités (Stéphane Bern, Christophe
Hondelatte) confirment une forme de "solidité", progressant par rapport aux audiences du
mois de septembre, selon le communiqué d'Europe 1.
Pour pallier ce manque, Vincent Bolloré a bien dégoté quelques grands noms, mais "il y a
une difficulté à se renouveler", selon Jean-Jacques Cheval, faisant référence à l'âge des
nouveaux arrivants: Jacques Vendroux (73 ans), Jean-Pierre Elkabbach (84 ans), William
Leymergie (74 ans), et peut-être bientôt Patrick Sabatier (70 ans). Une stratégie payante?
Pour Sébastien Poulain, il est possible que Vincent Bolloré parvienne à tirer son épingle du
jeu. "Il pense sur du long terme, et il a beaucoup d’argent. Il pourrait même décider de
changer le nom de la radio". Sébastien Poulain rappelle ainsi l'exemple de C8, lancée sous
le nom de Direct 8 en 2005 par l'homme d'affaires, et qui n'a trouvé un succès progressif
qu'à partir du succès de Cyril Hanouna, en 2012. Il cite aussi l'exemple de la chaîne CNews
(anciennement I-télé), dont l'audience a été multipliée par 2,3 entre 2019 et 2021.
Europe 1, "l'anti-France Inter"?
Et justement, la synergie entre les différents médias de l'homme d'affaires serait au centre
de son projet pour Sébastien Poulain: "Europe 1 est un moyen pour Vincent Bolloré de garder
un contact avec son audience, même dans la voiture, en complément de ses autres médias."
Une "alliance transmédiatique" qui pourrait bien fonctionner: "CNews - et sa presse - font de
la publicité pour Europe 1. Bolloré a une vision écosystémique des médias, avec une
cohérence idéologique. Les deux médias peuvent se pousser vers le haut." Frédéric Antoine
nuance: faire venir un nouveau public sur une radio est un pari hautement incertain, et cela
d'autant plus que l'image et le public d'Europe 1 ("média généraliste") et de CNews ("chaîne
de news") ne sont pas les mêmes, à l'inverse de ceux de RTL et M6, aujourd'hui alliées.