Méthodes d’étude des représentations sociales - Grégory Lo Monaco
Apres leplat analyse_activite
1. Quelques repères sur les débuts de
l’analyse de l’activité en ergonomie
Jacques Leplat
EPHE CRTD
2. Remarques préliminaires
• Beaucoup de textes sur ce thème, mais pas
toujours d’un accès facile.
• Textes sur le thème lui-même ou à propos des
historiques de la psychologie ergonomique.
• Recours à quelques documents
caractéristiques et à mon implication dans
certains de ces débuts.
• Mais il ne s’agira que de jalons
3. I- Analyse de l’activité et analyse du
travail
• Quels rapports entre les deux?
• Le travail n’est pas synonyme d’activité, mais peut se
caractériser par une certaine forme d’activité.
. Le travail, notion polysémique: activité pour le
psychologue, qualification pour le sociologue, emploi
pour l’économiste….
• L’analyse du travail, irréductible à la seule
psychologie.
4. • « N’importe quelle tâche concrètement observée
dans les ateliers, les bureaux, les chantiers,
l’agriculture moderne, se présente sous cinq
aspects ou attributs principaux: technique,
physiologique, psychologique, sociologique,
économique. » (Friedman,1961)
• Mais, en psychologie ergonomique, l’analyse de
l’activité peut être amenée à prendre en compte
les dimensions mentionnées par Friedman : c’est
le cas lorsqu’elle est située.
• On s’intéressera à l’analyse de l’activité telle
qu’elle est conçue en psychologie ergonomique
5. II - Les débuts de l’analyse de l’activité
en situation de travail en France
• On mentionnera ici deux courants principaux
qu’on identifiera par les noms auxquels ils
sont attachés:
• M. Lahy et S. Pacaud
• Ombredane et Faverge
6. II, 1- Les recherches de Lahy et Pacaud
• Recherches amorcées en 1910 par Lahy sur les
dactylographes et poursuivies par l’un et l’autre
dans des situations très diverses: mécaniciens et
chauffeurs de locomotive, agents de gare,
téléphonistes, aiguilleurs, radiotélégraphistes.
• Ces recherches sont marquées par une phase
d’analyse de la situation sur le terrain dans
laquelle l’analyste doit être étroitement impliqué.
7. • « Le psychologue ne doit donc pas se contenter de la
description du travail. Il doit apprendre lui-même le métier. La
phase d’apprentissage, d’assimilation, d’automatisation des
techniques professionnelles servira de base à toute analyse
psychologique du travail » (Pacaud, 1955, p. 163).
• Quatre méthodes sont mises en valeur pour ces analyses:
- L’analyse des gestes professionnels;
- L’analyse des opérations complexes par l’élaboration de
schémas provisoires;
- L’auto-observation et l’introspection critique;
- L’étude psychologique et statistique comparative des fautes
professionnelles imputables aux travailleurs qualifiés bons et
qualifiés moins bons au point de vue professionnel. (Pacaud,
1955, p. 163-4).
8. "L'analyse du travail est la chose la plus longue et la
plus difficile, car c'est elle qui pose avec précision le
problème scientifique. Prétendre pouvoir résoudre
un problème de cet ordre sans analyse préalable du
travail reviendrait à prescrire des médicaments à un
malade sans l'avoir examiné ou encore à vouloir
perfectionner une machine sans connaître ni sa
construction, ni son fonctionnement. (...) Celui qui
s'engage dans une étude de cette sorte sans savoir
où il va ne trouvera rien que par hasard, ce qui est la
négation même de la méthode scientifique." (Lahy et
Pacaud, 1948, p.2).
9. II, 2. L’analyse du travail
d’Ombredane et Faverge (1955)
Une distinction capitale va être introduite dans
l’analyse du travail, « celle du Quoi et celle du
Comment. Qu’est-ce qu’il y a à faire et
comment les travailleurs que l’on considère le
font-ils? D’une part, la perspective des
exigences de la tâche et d’autre part, les
attitudes et séquences opérationnelles par
lesquelles les individus observés répondent
réellement à ces exigences » (1955, p.2).
10. On traduira ultérieurement ainsi ces distinctions
Il y a entre les éléments du schéma des relations de
co-détermination qui font que les flèches qui
figurent devraient être doublées de flèches de
sens contraire. D’où le caractère dynamique du
système.
Une autre distinction importante introduite par les
auteurs et celle de tâche prescrite / tâche
effective.
11. Ombredane souligne les difficultés et écueils du
passage des exigences de la tâche à
l’exécution de celle-ci (p. 4).
La finalité théorique ou pratique de l’analyse du
travail.
Faverge (1955) assigne 4 objectifs pratiques
majeurs à l’analyse du travail:
- Sélection, orientation et promotion
professio…
- Formation professionnelle
- Qualification du travail
- Aménagement du travail
12. • En 1972, dans le traité de Psychologie
appliquée de Reuchlin (tome 3), Faverge
revient sur l’analyse du travail dans un long
chapitre. Il propose de « distinguer quatre
approches dans l’analyse du travail:
• L’analyse du travail en termes d’activités
gestuelles, d’information, de régulation, de
processus de pensée.
« Pour tout travail, les 4 analyses peuvent être
faites et se complètent mutuellement, mais
elles sont d’importance inégale suivant la
nature du travail et les objectifs de l’étude »
(p.9).
13. Dans les deux perspectives de recherche
mentionnées, le souci est exprimé de donner
un cadre théorique aux études entreprises
ainsi que de bonnes bases méthodologiques.
Chez L. et P., théorie des aptitudes.
Chez O. et F., la théorie de l’information associée
au langage des communications. Rôle majeur
donné aux conditions perceptives de l’activité,
en particulier aux signaux comme moments
préparatoires et anticipateurs de l’activité.
14. III - L’analyse de l’activité hors de France
III,1 - Les précurseurs américains.
Un livre pionnier: Chapanis, A., Garner, W.R. &
Morgan, C.T. (1949) Applied experimental
psychology. New York : J. Wiley. (434 p.)
Des synonymes de ce titre pour les auteurs:
engineering psychology, human engineering,
biomechanics, psychological problems in
equipment design, psychotechnology.
L’AEP vise à associer deux points de vue:
fondamental et appliqué.
Un exemple d’étude typique: la lisibilité des cadrans
du tableau de signalisation des pilotes d’avions.
15. • Autres exemples: aménagement d’ensembles
de cadrans, de documents d’aide, choix du
mode de présentation de l’information,
numérique ou imagée, etc.
Ce livre avait beaucoup inspiré le livre de
psychologie ergonomique (le mot d’ergonomie
n’existait pas encore!) « L’adaptation de la
machine à l’homme » de Faverge, Leplat et
Guiguet publié en 1958 aux PUF. (avec un
chapitre sur le diagnostic).
On trouvera recensés aussi beaucoup de
travaux américains de cette époque dans une
revue de questions de l’Année psychologique
de 1953.
16. III, 2 – Les travaux conduits à l’unité de
recherches psychologiques appliquées du
« Medical Research Council» de Cambridge
(G.B.). Les psychologues de cette unité ont
mené des recherches sur la mémoire, les
méthodes de formation, la fatigue, la
conception de dispositifs techniques,
recherches articulées avec des situations de
terrain. Ils ont joué un rôle important dans le
développement des études ergonomiques.
Influence en France.
- Quelques noms et thèmes comme repères
17. • Bartlett, 1922, le créateur de l’unité (mémoire)
• Mackworth, 1952, (vigilance)
• Broadbent , 1958, (perception et communication,
charge de travail, écoute sélective)
• Baddeley, 1974 (mémoire)
• Conrad : surveillance, contrôle, filatures,
télécommunications
• Poulton: Lisibilité des documents, tâches de
poursuite, travail de nuit
• Colquhoun: vigilance, variations circadiennes de
l’efficience
18. • Bainbridge : contrôle des processus
dynamiques
• Brown : Vigilance, conduite automobile
19. III, 3 – Recherches conduites initialement par
Annett et son groupe (G.B.)
Point de départ: un article avec Duncan (1967)
sur l’analyse de la tâche et la conception de la
formation. Dans la présentation de leur
article, les A. considèrent que leur démarche
s’inscrit dans la perspective des recherches de
Chapanis (1959, Craik (1947),Fitts, (1951) et
Flanagan (1954). Ces travaux n’étaient pas
ignorés de Faverge et de son groupe, comme
on peut le voir dans les bibliographies de leurs
travaux.
20. La méthode d’Annett fut très vite formalisée
sous le nom de Hierarchical Task Analysis
(HTA), décrite et exploitée ultérieurement
dans deux ouvrages, Annett et Stanton (2000)
et Shepherd (2001). Spécifiquement exploitée
par J. Patrick (1992) pour la formation.
Regret que ces livres soient si peu connus et
exploités en France.
Shepherd a discuté l’ambigüité de la notion de
tâche et apporté des remarques utiles pour
une bonne interprétation de cette notion dans
ses rapports avec celle d’activité.
21. « One may distinguish between cognitive task
elements, representing the problems with which
operators or users are required to cope, and
cognitive skills, concerned with operating upon
information gained from the environment in
order to guide subsequent physical actions. There
may be no single mapping of cognitive task
elements onto cognitive skills, yet it is essential
that task elements must be identified before
skills can be examined » (Shepherd, 2000, p. 18).
« Thus, HTA is justified as a general task analysis
strategy rather than as a method for modelling
behavior » (p. 23).
22. III,4. Les recherches en Russie
Le développement des recherches sur l’analyse
de l’activité est bien présenté dans le livre de
Nosulenko et Rabardel (2007).
Entrée dans le vocabulaire psychologique par
Basov (1931) qui en souligne le caractère
social. La notion d’activité devait être ensuite
largement exploitée par des psychologues
bien connus: Leontiev, Vygotski, Rubinstein,
Ochanine.
Dans un livre de 1959 (réédition en français en
1976), Leontiev proposait
23. Une structure du développement de l’activité à
trois niveaux:
• l’activité définie par son motif
• l’action définie par son but
• Les opérations comme moyens de réalisation
de l’action
• Le caractère dynamique des relations entre
ces trois notions. P. ex. la transformation des
actions en opérations dans l’acquisition des
habitudes.
• Exploitation du modèle dans beaucoup de
recherches françaises (ex.Savoyant)
24. • Conclusion
. Que peut apporter une meilleure connaissance
des premières analyses de l’activité (a.a.)?
- Meilleure connaissance et appréciation des
caractéristiques et possibilités de l’a.a.
- Pallier d’éventuelles lacunes dans les
connaissances théoriques et méthodologiques
relatives à l’a.a.
- Eviter d’éventuelles dérives des pratiques
d’a.a.: types de dérives en psychotechnique et
en ergonomie.
25. • Bibliographie pour « Éléments d’histoire »
• Annett, J. & Duncan, K.D. (1967). Task analysis and training design.
Occupational Psychology, 41, 211-221.
• Annett, J. & Stanton, N.A. (Eds.). (2000). Task analysis. London :
Taylor & Francis.
• Chapanis, A. Garner, W.R. & Morgan, C.T. (1949) Applied
experimental psychology. New York : J. Wiley.
• Clot, Y. (Ed.) (1996). Les histoires de la psychologie du travail.
Toulouse : Octares.
• Faverge, J.-M. (1972). L’analyse du travail. In M. Reuchlin (Ed.) Traité
de Psychologie appliquée, tome 3 (pp. 5-60). Paris : PUF.
• Faverge, J.-M., Leplat, J. & Guiguet, B. (1958). L’adaptation de la
machine à l’homme. Paris : PUF. Coll. Le Psychologue.
• Lahy, J.-M. (1930). Etude graphique de la frappe du dactylographe.
Revue de la science du travail . 2, 2 , 171-173.
• Lahy, J.-M. (1948). Analyse psychologique du travail des
mécaniciens et des chauffeurs de locomotive. Paris:
Publications du Travail Humain, P.U.F.
26. • Leplat, J. (1953). Travaux récents de « technologie humaine » (Human
Engineering). L’Année Psychologique, 53, 2, 517-537.
Leplat, J. (1963). Les liaisons sensori-motrices. In P. Fraisse et J. Piaget
(Eds.). Traité de Psychologie expérimentale, t.II. pp.113-159. Paris : PUF,
• Leplat, J. (1993). L’analyse psychologique du travail : quelques jalons
historiques. Le Travail Humain, 56, 2-3. 115-131.
• Montmollin, M de (Ed.).(1997). Vocabulaire de l’ergonomie (2° ed.).
Toulouse : Octares.
• Ombredane, A., & Faverge, J.-M. (1955). L'analyse du travail. Paris: PUF.
• Pacaud, S. (1955). Méthode normative et méthode expérimentale en
psychologie du travail. Journal de Psychologie normale et pathologique.
52, 1, 156-167.
• Pacaud, S. (1971). Le diagnostic du potentiel individuel. In M. Reuchlin
(Ed.), Traité de Psychologie Appliquée, tome 4 (pp. 1-66). Paris : PUF.
• Patrick, J. (1992). Training. Research and practice. London : Academic
Press.
• Shepherd, A. (2001). Hierarchical Task Analysis. London : Taylor & Francis.