Blog Panorhama La place de l’homme face aux technologies digitales et aux futurs nouveaux points de contact connectés
1. Interview Régine Vanheems,
Auteur de « Réussir sa stratégie cross et omni-canal, pour des marques et des
entreprises connectées,
Co-fondatrice d’O4C – Observatoire du Cross-Canal et du Commerce Connecté –
Pourquoi dites vous que les technologies digitales transforment les relations
entre les hommes, mais pas forcément dans le sens où on s’y attend ?
Les technologies digitales transforment les relations entre les hommes, ce n’est pas
nouveau. En 20 ans, les technologies digitales ont été à l’origine de profondes mutations
chez l’individu dans son quotidien que ce soit dans son travail, son accès à la sphère
marchande et sa relation avec les autres. Sa manière de travailler, d’acheter, d’être
« avec les autres » a davantage changé en 20 ans qu’en 20 siècles !
L’augmentation du temps passé devant les écrans et la multiplication du nombre de
devices utilisés pour accéder à la sphère virtuelle (ordinateur, tablette, smartphone,
outils digitaux multiples …) révèlent combien l’être humain ne peut se passer, voir est
dépendant des technologies digitales.
Ainsi le couple humain/technologie est devenu indissociable à tel point que Carlos
Moreno1
parle de « prolongement du corps » en parlant du smartphone tandis que Russel
Clayton2
utilise le terme de « nomophobie » (contraction de « no mobile » et de
« phobie ») pour qualifier la peur panique de certaines personnes d’être privées de leur
smartphone.
Ainsi au sein du couple humain/technologie, la technologie semble être devenu le cœur.
Pourtant, les choses ne se passent finalement pas tout à fait comme cela… Lors de mes
conférences, j’aime bien dire qu’à « force de passer des heures devant des écrans froids et
sans âme, c’est bien l’humain, la relation en « vrai » (« vrai » dans tous les sens du terme)
avec l’autre qui devient rare. Et en se raréfiant, comme toute ressource rare, elle devient
précieuse, très précieuse, remettant progressivement la technologie à sa place, être au
service de l’humain.
Quelles sont les conséquences de cette évolution pour les entreprises ?
Je m’intéresse notamment au client, au shopper et les études et recherches que je mène
sur ce sujet indiquent que lorsqu’une personne quitte son ordinateur pour se rendre
dans un point de vente ou qu’elle appelle une plateforme téléphonique, c’est avant tout
la relation qu’elle va avoir avec la personne avec laquelle elle entre en contact (front-
office) qui est différenciante et qui va lui donner envie de revenir (ou non) vers
l’enseigne ou la marque.
1
Moreno C. (2013), Objets connectés, corps augmenté, usages sociaux : les enjeux de l’hybridation, 9 avril,
http://www.moreno-web.net
2
Russell Clayton, La Nomophobie ou la peur panique de se retrouver sans téléphone portable, Le
Monde, janvier 2015
2. Ainsi lorsque le client quitte la machine, il vient rechercher de l’humain. Aujourd’hui les
entreprises, accaparées par leur digitalisation et leur transformation numérique sont
avant tout orientées vers les technologies. Si ce passage vers la technologie constitue un
passage obligé pour les entreprises, (un étude révèle que parmi les sociétés qui ont fait
faillite, 81 % d’entre elles n’étaient présentes ni sur Internet, ni sur les réseaux sociaux3
…),
les enjeux pour les années qui viennent seront ailleurs. Car s’il paraît aujourd’hui naturel
(et indispensable !) pour les clients de pouvoir accéder à l’offre commerciale d’une
entreprise à la fois en « off-line » et en « on-line », ils recherchent aussi autre chose…
Aujourd’hui, leurs attentes sont ailleurs… et les entreprises n’y répondent pas vraiment.
L’enjeu dans les prochaines années sera d’intégrer l’humain dans un dispositif qui est
pour l’instant surtout orienté technologie. L’enjeu est notamment de réinventer les
métiers de personnel en contact.
En termes de relations avec les clients, comment voyiez vous les choses ?
Le personnel au contact, et de manière générale, de front office devient l’élément central
quel que soit l’endroit où il entre en relation avec le client (en magasin, par des
plateformes téléphoniques, par les services de réclamations…).
J’interviens beaucoup sur la problématique des vendeurs et des commerciaux, parce que
je pense que les vendeurs ont été les grands oubliés, il y a 10 ans de la que l’on appelait
alors la « multi-canalisation » des entreprises. Ainsi par exemple lorsqu’une entreprise
implantait un site Internet en plus de son magasin, elle ne se rendait pas compte que
cela allait transformer radicalement le métier de ses vendeurs en magasin. Le vendeur
en magasin ou le commercial en B to B a vu son métier bouleverser face à un client de
plus en plus connecté. Sa relation avec le client, son environnement, ses tâches et ses
missions ont été progressivement transformés sans que personne ne s’en rende
vraiment compte. Mis dans une situation inconfortable, le vendeur que je qualifie dans
mon ouvrage de « vendeur myope » doit gérer une relation pas facile avec un « client
éclairé ». Pas facile de créer de la valeur lorsque l’on manque de lunette et que le
personne en face est dotée de jumelles…
3
http://lentreprise.lexpress.fr/actualites/france-81-des-entreprises-ayant-fait-faillite-en-2013-n-etaient-
pas-sur-internet_1539690.html