Pratiquer la cancérologie en période COVID-19. Bibliographie du 27 mars 2020. Quels objectifs, quels moyens pour limiter les conséquences de la pandémie dans la prise en charge des patients en oncologie.
2. Le cancer reste une maladie mortelle
• Le cancer, c’est quelque 382.000 nouveaux cas et 157.000
décès par an en France (Source INCa 2018)
• Plus de 1000 patients par jour qui doivent continuer d’être
diagnostiqués et traités
• Le recul de la mortalité est lié aux diagnostics précoces et à la
qualité des traitements
• Tant que et par tous les moyens possibles nous devons
continuer à prendre en charge nos patients pour éviter une
surmortalité par cancer après la fin de la pandémie
3. Les enjeux de continuité et de qualité des soins
• Des injonctions possiblement contradictoires
• Maintenir la continuité des soins pour limiter la mortalité du cancer
• Traiter le cancer qui est une maladie pour laquelle l’absence ou le retard au traitement est mortelle
• Protéger les patients d’une infection sévère potentiellement mortelle
• Convaincre de l’importance du maintien de la prise en charge du cancer dans des établissements
focalisés à court terme sur la prise en charge d’urgence et la mobilisation nationale face au COVID-19
• Maintenir la qualité des soins malgré les obstacles
• Difficulté dans la mobilisation des plateaux techniques et des professionnels en chirurgie (chirurgiens,
anesthésistes, panseuses, réanimateur, etc…)
• Difficulté dans la réalisation des radiothérapies (mobilisation des patients pour les transports pour
traitements quotidien, disponibilité et protection des équipes (manipulateurs, physiciens,
radiothérapeutes, etc…)
• Difficulté dans la réalisation des chimiothérapies et autres traitements médicaux du cancer
(disponibilité et protection des équipes, risques d’aplasie, estimation du bénéfice risque, etc…)
• Une durée indéterminée risquant de faire reporter ou dégrader temporairement
certains traitements, ceci ayant potentiellement la conséquence collatérale
d’augmenter les besoins et les soins en fin de pandémie
4. COVID-19 n’est pas une infection comme les autres
• La gestion des patients ayant une infection grave (virale, bactérienne et
mycosique) est bien connue des cancérologues et fait partie depuis toujours de
la prise en charge des cancers, cependant :
• Les particularités de l’infection au COVID-19 sont:
• La contagiosité du virus et le risque associé de forme grave plus fréquente dans la
population de patients ayant (ou ayant eu) un cancer nécessitant de renforcer les mesures
de protection des patients par rapport à la population générale
• Le risque de contamination des soignants nécessitant des mesures strictes de prévention
de la contamination par les patients
• La restructuration des établissements de santé pour concentrer leurs efforts
pour l’accueil et le traitement des patients infectés par le COVID-19 pendant
une période indéterminée d’au moins 2 mois rendant la prise en charge
thérapeutique des cancers (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie,
immunothérapie, …) plus difficile durant cette période possiblement longue
6. Suivi des patients d’oncologie COVID+
• Mise en place d’une cellule de recensement de tous les patients
cliniquement suspects, PCR positifs (ou non), scanner positif (ou non)
• Recensement systématique des patients suivi par consultation ou en hospitalisation
(dans le service ou un service COVID+ de l’hôpital)
• Annotation des données cliniques et biologiques, de leur PCR (si faite) et de leur
scanner (si fait); date de début des symptômes, évolution etc…
• Appel tous les patients tous les jours (Weekends compris) pour un suivi
longitudinale jusqu’à disparition de tous les symptômes
• Prise en charge hospitalière en zone COVID+ si identification de signes
d’aggravation
7. Patients COVID-19+ ayant un cancer
• Il existe peu de données mais celles-ci suggèrent :
• Que ceci correspond à 1% des patients seulement (données Chinoises sous réserve que tous
les patients aient été identifiés dans les bases de données)
• Qu’il existe un risque majoré de gravité lié au cancer et aux autres comorbidités
fréquemment associées au cancer (pathologie pulmonaire préexistante, tabac, pathologie
cardiovasculaire, obésité, immunodépression, etc…)
• Le cancer est guéri ou en rémission :
• Le cancer n’est qu’un facteur de gravité parmi d’autres et la prise en charge ne diffère pas
des autres patients dans la prise en charge de l’infection au COVID-19
• Le cancer est en phase active :
• La prise en charge de l’infection au COVID-19 prime sur la prise en charge du cancer qui doit
être reportée jusqu’à guérison de l’infection
• En cas de décision de passage en réanimation, la place du cancérologue est de définir
rapidement avec les réanimateurs (concertation) l’indication de ventilation artificielle
• Après la guérison de l’infection au COVID-19, la prise en charge thérapeutique du cancer doit
reprendre dès que possible pour limiter le risque de décès lié au cancer
9. Patients sans signes de COVID-19 ayant (ou ayant eu) un cancer
• Protéger les patients et les soignants est une priorité à renforcer par tous les moyens
possibles indispensables à la continuité des soins
• Des principes de bon sens :
• Eviter de déplacer les patients vers l’hôpital lorsque cela n’est pas strictement
indispensable
• Mettre en place en cancérologie des plateaux diagnostiques et thérapeutiques non-
COVID-19
• Informer et rassurer les patients que nous ne les mettrons pas à risque d’infection et
que nous continuerons à soigner leurs cancers
• Ne pas dégrader les soins par des choix irrationnels – se passer de la chirurgie et/ou de
la radiothérapie quand ils ont montré leurs effets curatifs, supprimer ou décaler des
traitements adjuvants à but curatif, se passer de traitement efficaces comme
l’immunothérapie, les thérapies ciblées et certaines chimiothérapies sans effets
immunosuppresseurs importants, substituer des traitements intraveineux par des
traitements oraux n’ayant pas montré d’efficacité similaire ou ne changeant pas la
fréquences des visites à l’hôpital, …
10. Quelques pistes pour les patients sans signes de COVID-19 ayant
actuellement un cancer
• Limiter les bilans d’imagerie au strict nécessaire
• Opérer les patients tant que les places de réanimation ne sont pas
saturées et lorsqu’elles le seront peut être faire opérer ou référer les
patients dans d’autres structures (privées par exemple) si elle disposent
de possibilités
• Proposer une radiothérapie hypo-fractionnée si l’efficacité est
identique
• Proposer des chimiothérapies dont la fréquence d’injection est réduite
si cela ne majore pas le risque de neutropénie ou d’autres toxicités
11. La recherche clinique en période COVID-19
• La mobilisation des équipes nécessite de réduire (ou de suspendre
selon les cas) les inclusions dans les essais en cours mais doit
maintenir la sécurité des patients en cours par un suivi renforcé
• Les patients COVID-19+ ayant un cancer peuvent participer aux
projets de recherche clinique en cours de développement contre
l’infection COVID-19
• Compte-tenu du peu de données provenant de l’épidémie en Chine
(18 patients), un registre COVID-19+ et cancer semble
indispensable pour adapter nos pratiques basées sur des preuves
12. En résumé :
Recherche Clinique
Interventionnelle
Maintien de la recherche des
patients actifs sur site &
dispensation pharmacie
Eviter nouvelles inclusions sauf études
COVID
Rémission et
Surveillance
Télé-Suivi
Déplacer les examens complémentaires
si possible
CR détaillé incluant prochain et assurer
le suivi des prochains rendez-vous
Phase active de soins
Maintien des soins sur site
pour les traitements
intraveineux
(per os Téléconsultations)
Grouper consultation et séjours
= 1 seule venue
13. Imageries prioritaires à
maintenir
1) Bilan d’extension avant traitement
2) Evaluation sous anticancéreux
3) Forte suspicion récidive ou
évolutivité sur clinique/biologie
Traitements à maintenir en phase avancée
& adjuvante
§ Chimiothérapie cytotoxiques -> HdJ (attention aux substitution formes orales
si absence de preuve scientifique + regroupement schéma fractionnés si risque
toxicité)
§ Thérapies ciblées orales -> téléconsultations et envoi prescriptions mail
scannés + originaux voie postale
§ Anticorps monoclonaux (Immunothérapies, thérapies ciblées) -> discuter
espacement si entretien & réponse majeure
En pratique