Billet d'humeur dans le magazine Start : Retour d’expérience d’un chef d’entreprise et de ses équipes; autres considérations oiseuses sur la résilience des organisations…
Article "Un an de télétravail et de COVID" dans le magazine Start
1. st a r t A im e
L E S O P I N I O N S
84 START MAGAZINE
de BFMTV et des spécialistes, Cassandre
auto-proclamés de la médecine (qu’ils
aillent, non pas au diable, mais aider les
formidables équipes de réanimation qui se
battent jours et nuits contre la pandémie au
lieu de courir les plateaux télé), où comment
assurer la résilience de nos organisations
dans un monde sans certitudes et à l’avenir
pour le moins flou !
Ilfautcomprendrequetouteslesentreprises
sont différentes ; avec des besoins, des
contraintes et des possibilités diverses, ne
serait-ce qu’au regard de leur taille ; et
même au sein d’un même secteur d’activité,
un code APE ne veut rien dire sur les
pratiques et le management de l’entreprise.
De l’éloge de la diversité !
Pour essayer de faire une rapide synthèse et
un retour d’expérience au regard de ces
douze mois écoulés, nous pouvons
grossièrement et arbitrairement définir
quatre catégories de protagonistes et
d’expériences :
Ceux qui sont ni pour, ni contre, bien au
contraire. Et qui au fur et à mesure de cette
année écoulée, les premières exaltations de
la nouveauté s’atténuant, commencent à
trouver le temps long et migrent vers l’une
des trois autres catégories suivantes.
Ceux qui s’épanouissent dans le
télétravail, qui ont du mal a travailler au
bureau, qui ont du mal à supporter leurs
collègues en « présentiel » mais qui les
adorent à distance. On les retrouve souvent
dans des pays lointains ou des régions
reculées vivant en mode bohème...Ils
donnent le meilleur d’eux mêmes et sont
hyper-productifs dans cette situation...Ils
existent depuis plusieurs années, n’ont pas
attendus le confinement généralisé pour
s’échapper d’un système qui ne leur
convient pas...
Ceux qui sont en grande souffrance en
télétravail, la majorité autour de nous, de
notre expérience les plus jeunes, les plus
impliqués dans l’organisation, ceux qui
aiment leurs collègues et s’épanouissent
dans le collectif, ceux qui ont besoin de « voir
du monde » et ceux qui pensent le contact
humain comme un enrichissement mutuel.
Ou bien ceux qui supportent leur famille à
petite dose, où pour paraphraser Jean-Paul
Sartre quand le « Huis Clos » se transforme
en « Nausée ». Ceux qui vivent dans de
petits espaces et qui n’aspirent qu’à s’en
échapper (et pour qui le confinement est
punition) Où quand on oublie que le travail
est aussi source d’émancipation et le
contact humain source de progression (et
de bonheur). L’entreprise est pour un grand
nombred’entrenousl’endroit où nousavons
trouvé l’âme sœur et nos amis les plus
fidèles, quitte à y passer un tiers de son
temps, autant que cela soit dans la joie et
la bonne humeur.
(pénalement) de la santé de ses salariés au
travail.
La souffrance psychologique de bon
nombre de salariés en télétravail (le chef
d’entreprise est toujours responsable pénal
de la santé de ses salarié(e)s au travail).
Etl’obligationdecontinueràproduirepour
assurer un avenir financier et une pérennité
à l’entreprise et à ses salariés dans une
période compliquée au niveau business.
Un patron de TPE est déjà directeur
financier, directeur commercial, directeur
des ressources humaines, Chief Hapiness
Officer, il doit devenir en sus spécialiste en
protocoles sanitaires à mettre en œuvre du
jour au lendemain et apprendre à décrypter
des décrets abscons et sans cesse
renouvelés, raisonnablement inapplicables
en TPE/PME.
Où quand le chef d’entreprise s’apparente (il
en a quand même l’habitude et souvent la
vocation) à Atlas «à la suite de sa défaite
dans la guerre des Titans contre les dieux de
l'Olympe et Zeus pour régner sur le monde,
ce dernier le condamne à porter le monde
pour l'éternité sur ses épaules » – Source :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Atlas_(mythol
ogie.
Ou comment garder le cap, donner une
vision positive journalière à long terme à ses
collaborateurs en passant après les délires
A
vant toute chose, nous sommes
une TPE agile (ou à minima le
revendiquons)… Et je dis « nous »
parce que l’entreprise, surtout la TPE/PME,
est un tout, une communauté de destin et
de destinée... Nous sommes une famille,
nous sommes unis (je sais cela fait un peu
paternaliste...). Et nous pratiquions déjà
largement le télé-travail avant la pandémie,
sans cadre légal ni injonction
gouvernementale. Nous l’avons un peu
amplifié au cours de ces derniers mois et
nous avons surtout avec amusement
regardé ce qui se passait autour de nous
dans notre écosystème. En particulier dans
quelques grands groupes, que nous ne
citerons pas par charité, qui il y a un an
n’envisageaient absolument pas le
télétravail, et nous expliquaient doctement
que c’était impossible, impensable et
inenvisageable chez eux !
Cet article est écrit au début du troisième
confinement, nous ne voyons pasleboutdu
tunnel (comme tout le monde), et nous
avons honnêtement énormément souffert
(et ce n’est pas fini...) des injonctions
contradictoires de cette période
compliquée :
Le gouvernement nous demande (sans
pouvoir l’imposer) d’être tous en télétravail,
le chef d’entreprise est responsable
Un an de télétravail
et de COVID
DE PASCAL FLAMAND
Retour d’expérience d’un chef d’entreprise et
de ses équipes; autres considérations oiseuses
sur la résilience des organisations…
L E B I L L E T D ’ H U M E U R D E
P A S C A L F L A M A N D
2. st ar t Ai me
L E S O P I N I O N S
START MAGAZINE 87
Ceux pour qui le travail a peu de valeur et
est purement alimentaire, sûrement parce
que leur employeur n’a pas su leur donner
un cadre intéressant et responsabilisant,
ceux pour qui l’étymologie du mot travail
vient du latin tripalium (instrument de
torture de la Rome antique) et qui se
trouvent très bien chez eux ; ceux qui n’ont
même plus besoin de faire semblant...Où
quand l’horrible mot « présentiel » prend
toute sa signification, celui de la« présence »
en entreprise ! C’est triste et les chefs
d’entreprise ont une grande responsabilité
dans cet état de fait. J’avoue humblement
ne pas avoir ce genre de sujet au sein de
mes organisations et m’en félicite !
Le télé-travail à haute dose
imposé produit aussi d’autres effets de
bords non négligeables, à moyen et
long terme :
La créativité à distance via Zoom™ ou
Teams™ est une chimère, toutes les
sociétés ont noté une baisse dramatique de
la créativité des équipes (et de leur
implication) au bout de quelques semaines
en isolement forcé.
Le télé-travail interdit tout lancement de
nouveau projet, il permet juste à un projet
en cours de se terminer le moins mal
possible, mais ne permet en aucun cas le
lancement de nouveaux challenges. Nos
sociétés (du moins les plus modernes et
agiles d’entre elles) travaillent en mode
projet avec des équipes qui se créent le
temps ad-hoc et se dissolvent après,
chaque acteur repartant sur de nouveaux
projets dans une équipe différente. Un
travail en mode projet étant basé sur la
confiance mutuelle et la connaissance fine
de ses collègues, de leurs compétences et
de leurs contraintes personnelles.
Et, sans doute le plus important, il est
éminemment compliqué d’embaucher et
de faire démarrer un nouveau collaborateur
en mode télé-travail sans le mettre en
grande difficulté. Toute intégration, toute
adhésion à la culture et à la mission de la
société paraît hautement illusoire à
distance viacaméra etje nevousparleparle
des apprentis et stagiaires qui en sus n’ont
pas eu de cours depuis plusieurs mois et se
languissent de la vie étudiante...Je plains
sincèrement les étudiants d’aujourd’hui et
l’image de l’entreprise et l’avenir que nous
leur proposons. En résumé, le télé-travail
imposé peut éventuellement marcher dans
les entreprises qui ne fonctionnent pas en
mode projet, qui ne sont pas en croissance
et qui évoluent peu dans leurs pratiques et
process et celles qui ont une taille
certaine...En étant un peuprovocateur, celles
donc qui sont vouées à mourir lentement en
épuisant psychologiquement leurs salariés.
Il nous faut collectivement, chefs
d’entreprises, salariés, partenaires éviter que
« les sociétés à mission » ne deviennent le
dernier « washing » à la mode (après le
Green-Washing, le « xxx-washing », etc..)
mais qu’au delà des mots cela devienne
réalité ancrée dans l’ADN de nos
organisations.
Écouter les souffrances de tous les
collaborateurs, les écouter tout simplement,
et individualiser les solutions au regard des
attentes et des compétences de chacun en
corrélation avec les possibilités des
entreprises.
Individualiser les modes de travail, les RH
des grandes entreprises doivent arrêter de
penser « populations, process et
programmes » mais parler avec des
personnes, avec des humains, des individus,
en prenant en compte toutes leurs
différences et leurs complexités, bref faire
leur vrai métier !
L’humain, avant tout, doit être la règle et
le maître mot ! Sans humain, point
d’humanité !
Toutcelanesedécrètepas, toutcelanedoit
pas être une phrase pompeuse glissée dans
un rapport annuel pour les actionnaires et
la bourse, pour faire « politiquement
correct » et se dédouaner de ses
responsabilités. C’est une tâche ardue, de
tous les jours ; une expérimentation en
mode itératif sur le long terme et c’est le
travail de toutes et tous, salariés comme
chefs d’entreprises, il en va de la survie de
nos entreprises et de notre société et du
vivre ensemble !
Il nous faut vivre et améliorer le système
aujourd’hui, il nous faut nous battre contre
cette pandémie, il nous faut rire et
pleurer....Et vive les restaurants, vive les bars
avec des amis, vive la vie sociale ; si
complexe et tellement enrichissante !
Et je ne résiste pas au plaisir de partager
deux citations avec vous : « Etre humain
c'est aimer les hommes. Etre sage c'est les
connaître. » Lao-Tseu et « Pendant que
nous sommes parmi les hommes,
pratiquons l'humanité. » Sénèque.
Et le monde de demain ?
Ce poncif éculé du « monde de demain »
nous fait au mieux sourire, au pire bondir.
Ce monde « de demain » nous l’inventons,
l’expérimentons, l’itérons et le mettons en
œuvre tous les jours depuis de nombreuses
années, nous tous, collectivement, salariés
et chefs d’entreprises de Startup, TPE et
PME. De temps à autres sans cadre légal,
contre l’administration, mais pour le bien de
tous !
Le « monde de demain » est un vœu pieux
pour celles et ceux qui ne veulent pas
s’impliquer aujourd’hui et prendre de
décisions par eux-mêmes; le « monde de
demain » c’est celui de celles et ceux qui
n’ont pas envie de se battre, de se remettre
en question au quotidien et attendent tout
d’un « Deus Ex Machina » providentiel ou
d’un miracle qui n’existe que dans le monde
du théâtre et de l’illusion ! Attendre
désespérément le monde de demain, c’est
vivre dans le passé et surtout dans la
paresse et la peur de se colleter avec le
présent.
Laissez nous vivre, laissez nous inventer,
laisser nous prendre le relai sur le terrain! Le
monde d’aujourd’hui est différent (je ne
parle même pas du monde de demain), il
est divers, pluriel ; il change rapidement ; il
est pluriculturel, inclusif et mondialisé et il
n’a que faire des systèmes de
management obsolètes et des rentes de
situations séculaires !
Nous sommes responsables, nous
avançons collectivement, nos salariés ne
sont pas des tires au flanc qui s’en fichent
et viennent pointer le matin, les chefs
d’entreprises ne sont pas des profiteurs
égoïstes qui ne pensent qu’à s’enrichir,
oubliez les poncifs éculés et la lutte des
classes, laissez-nous gérer nous même
notre présent et notre futur, parions sur
l’intelligence collective des entreprises, de
leurs responsables et de leurs salariés !
Le monde de demain c’est aujourd’hui et il
existe, n’attendez que d’autres décident à
votre place, laissez lui sa chance, laissez
nous notre chance !
En guise de conclusion provisoire
Les chefs d’entreprises doivent se remettre
(le rédacteur de ce post en premier lieu!) en
question, rapidement, honnêtement et
durablement en évitant les effets de mode
éphémères, le politiquement correct et les
buzzwords :
Il nous faut collectivement, chefs
d’entreprises, salariés, partenaires,
(re)donner du sens au travail, (re)donner une
mission à l’entreprise et œuvrer pour le bien
commun.
«L’HUMAIN,AVANT
TOUT,DOITÊTRELA
RÈGLEETLEMAÎTRE
MOT !SANSHUMAIN,
POINTD’HUMANITÉ !»