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Juin 2020 Décryptage N°11
Soutenir autant que possible, sauver autant que nécessaire !
De menace sanitaire en Chine en début d’année, la maladie à coronavirus 2019 s’est depuis
transformée en crise sanitaire, économique et sociale mondiale. Au Luxembourg, deux plans de
stabilisation et de renouveau – pouvant mobiliser jusqu’à 11 milliards d’euros - ont été mis en place
afin de préserver l’emploi et le tissu productif. Mais malgré ces interventions, le Grand-Duché
pourrait connaître sa plus sévère récession depuis 1975, une perspective de nature à éroder la
confiance des agents économiques et à peser sur leurs comportements d’arbitrage entre
consommation, investissements, et épargne. Dans ce contexte, l’orientation prospective de la
politique budgétaire devient un élément important à même de réduire les incertitudes sur le
potentiel de la reprise et de briser l’éventuel cercle vicieux qui pourrait s’installer entre pessimisme
et récession.
Le « grand confinement » - nom officiel donné
par le Fonds monétaire international à la
récession mondiale actuelle - est une crise
économique inédite. Elle est provoquée par un
élément extérieur à la sphère économique et
financière (en l’occurrence la pandémie de
coronavirus), a été, à certains égards,
« décrétée » par les gouvernements qui ont,
pour des raisons de santé publique, limité la
production, empêché la consommation, interdit
les activités non essentielles, et est sans
précédent récent dans sa dynamique, son
caractère soudain, et son ampleur1
.
S’il n’est pas vraiment possible de savoir quelle
sera l’étendue exacte du recul de l’activité du
fait de la crise sanitaire - puisque cela dépendra
de l’évolution de la pandémie, de l’efficacité
des mesures de soutien décidées par les
autorités budgétaires et monétaires, et de
l’impact que cette crise sanitaro-économique
aura sur le comportement - de consommation,
d’épargne, d’investissement - et la solvabilité
des agents économiques (entreprises, ménages,
institutions financières, Etats) -,le FMI prévoit
cependant comme « scénario de référence »
pour 2020 une récession mondiale de 3% et
1
L’OMS a déclaré que la maladie à coronavirus était une pandémie le
11 mars et le PIB de l’UE aurait reculé de 3,3% au premier trimestre
2020. A titre de comparaison, Lehman Brothers a fait faillite le 15
indique que 90% des pays verront leur PIB par
habitant reculer cette année.
Source : FMI
Puisque « scénario de référence » veut
généralement dire que la réalité sera
probablement différente de ce qui est exposé et
qu’il s’avère que les services du FMI ne semblent
pas particulièrement « doués » pour faire des
prévisions, notamment en période de crise2
, ces
chiffres - qui reposent sur une batterie
d’hypothèses techniques à la fois économiques
et sanitaires – pourraient connaître des révisions
substantielles.
Mais en dépit de l’incertitude concernant
l’ampleur de la récession, ce n’est pas prendre
trop de risques que d’affirmer que l’on devrait
septembre 2008, et le PIB de l’UE ne reculait « que » de 0,5% au
troisième trimestre 2008.
2
Voir: Independent Evaluation Office (2014), IMF forecast: Process,
quality and country perspectives.
2
assister à une contraction record du PIB mondial
en 2020, sachant qu’il y a eu une réduction
importante du temps de travail au 1er
trimestre
(de l’ordre de 4,5%, soit l’équivalent de 130
millions d’emplois à plein temps), qu’environ
94% des travailleurs dans le monde vivaient
encore au 17 mai dans des pays où il existait des
mesures de fermeture de lieux de travail sous
une forme ou sous une autre, et (donc) que la
baisse du temps de travail au deuxième
trimestre devrait être encore plus prononcée
qu’au premier3
.
D.ieu, toujours Luxembourgeois !
Petite économie ouverte dont près de la moitié
des salariés sont des frontaliers en provenance
de trois pays différents, le Luxembourg est
apparu particulièrement vulnérable à cette
crise.
Le repli de l’activité durant la période aiguë de
confinement (23 mars-17 avril) y a été de l’ordre
de 25% par rapport à une situation sans mesures
de restriction4
, jusqu’à un tiers des salariés se
sont retrouvés au chômage partiel en mars et
avril, le nombre de personnes en emploi est
revenu à son niveau d’août 2019, et le taux de
chômage a augmenté de 5,5% à 6,9% entre
février et avril5
.
Malgré la mise en place par le gouvernement
d’un programme de stabilisation de l’économie
(régulièrement revisité) 6
- constitué de
subventions (principalement aux PME),
d’indemnités de chômage partiel, d’avances
3
Selon l’Organisation internationale du travail, la baisse des heures
de travail au deuxième trimestre serait équivalente à 305 millions
d’emplois à plein temps.
4
Voir : https://statistiques.public.lu/catalogue-
publications/conjoncture-flash/2020/PDF-Flash-04-2020.pdf
remboursables, de reports de paiements
d’impôts et de cotisations sociales, de congés
pour soutien familial, de garanties pour prêts
bancaires, etc. - de l’ordre de 11 milliards
d’euros, le Grand-Duché ne devrait pas échapper
à la récession et pourrait voir son PIB se
contracter de 5,5% pour revenir en 2020 au
niveau qui était le sien … en 2017.
Le pays connaîtrait ainsi sa pire récession depuis
1975.
Cette année-là, le PIB du Grand-Duché accusa
une baisse de 6,6%, due essentiellement au recul
du commerce mondial - notamment dans le
domaine des biens intermédiaires et plus
spécifiquement de l’acier en proie à une crise
structurelle qui allait précipiter la
transformation postindustrielle du tissu
productif luxembourgeois et conduire l’ARBED,
la principale entreprise sidérurgique du pays, à
réduire ses effectifs de deux tiers entre 1975 et
1990.
Mais alors qu’en 1975 la récession au
Luxembourg fut la plus profonde parmi les pays
européens, le Grand-Duché devrait « s’en
sortir » - en dépit d’une durée de confinement
(54 jours) dans la moyenne des pays de l’UE et
de la mise entre parenthèses des accords de
Schengen 7
- avec le décrochage le moins
prononcé au sein de l’UE en 2020 d’après les
prévisions – certes à prendre avec des pincettes
- de la Commission européenne.
Evolutions passée et projetée du PIB
1975 2020 Durée de
confinement
(2020)
Luxembourg -6,6% -5,5% 54 jours
Belgique -1,3% -7,2% 54 jours
France -1% -8,2% 55 jours
Allemagne -0,9% -6,5% 44 jours
Pays-Bas 0% -6,8% 77 jours
Italie -2,1% -9,5% 56 jours
Portugal -4,3% -6,8% 46 jours
5
Voir : Fondation IDEA (2020), Tableau de bord économique et social
du 5 juin 2020.
6
Et augmenté depuis d’un plan pour un nouveau départ (Neistart
Lëtzebuerg).
7
Voir : Costica Dumbrava, Gilio Sabbati (2020), The impact of
coronavirus on Schengen borders.
3
La relative « moins mauvaise » performance de
l’économie luxembourgeoise en 2020
s’expliquerait, au-delà de la (bonne) gestion du
volet sanitaire de la crise par les autorités du
pays8
, par un niveau plus faible de contrats à
durée déterminée et de travail au noir, un poids
plus réduit de la consommation des ménages
dans le PIB, le soutien public de grande ampleur
à la demande effective, et une spécialisation
productive avantageuse dans les présentes
circonstances du fait notamment d’un
pourcentage élevé d’activités (services
financiers, TIC, activités spécialisées
scientifiques et techniques) « télétravaillables »
comparé à d’autres pays.
Source : Becker Friedman Institute
Enseignements du passé pour la récession
actuelle
Depuis les années 70, le Luxembourg a connu 5
années (1975, 1981, 2008, 2009, 2012) durant
lesquelles son PIB a reculé. Ces années ont
toujours coïncidé avec des récessions
synchronisées – c’est-à-dire touchant
simultanément plusieurs pays de l’OCDE.
Lors des crises sidérurgique (75) et financière
(2008), la phase de récession a duré 5 trimestres
et l’activité n’a retrouvé son pic que 12 et 7
trimestres après le creux, alors que durant les
crises du début des années 80 et de la zone euro
(2012), l’activité n’a reculé que durant trois
trimestres en moyenne et retrouvait son point
8
Ce à quoi il conviendrait d’ajouter le civisme de la population et la
chance.
9
Dans le secteur de la restauration il est ainsi actuellement imposé
d’avoir une distance de 1,5 mètre entre les tables et interdit d’avoir
des tables avec plus de quatre personnes.
10
Existence d’un vaccin, « disparition » de la maladie, etc.
11
Brexit sans douleur ou reporté, adoption d’un « Act. » et d’actes
aux Etats-Unis à même de relancer l’American dream, baisse des
culminant antérieur moins de quatre trimestres
après le creux.
Source : OCDE
Chaque crise est ainsi différente et le « grand
confinement », dont de nombreux aspects sont
nouveaux et inattendus, ne déroge pas à la
règle.
Puisque certaines activités, qui supposent de
l’interaction physique, pourraient demeurer
longtemps interdites, structurellement moins
fréquentées, ou contraintes par un choc de
productivité négatif9
, que des interrogations sur
le « monde d’après », alors que l’économie
mondiale est encore en crise et qu’il n’y a pas
de certitude absolue sur le devenir de la
pandémie, sont de nature à rendre frileuses
certaines entreprises qui risquent dès lors
d’« attendre pour voir » avant de lancer des
investissements qui pourraient ne pas
correspondre aux aspirations de cet éventuel
« monde d’après », et qu’une crise sanitaro-
politico-économique inscrite dans la durée aux
Etats-Unis, importateurs en dernier ressort, est
une alternative à considérer, le « grand
confinement » pourrait être une récession
inhabituellement grave et prolongée… à moins
que de « rassurantes et positives » nouvelles
sanitaires10
, politiques11
, et économiques12
ne
succèdent à la levée des contraintes qui pesaient
jusque-là sur la demande et l’offre13
et qu’une
tensions commerciales permettant une nouvelle période de « grande
modération », etc.
12
Boom de la consommation des ménages et d’investissements des
entreprises alimenté par l’orientation accommodante des politiques
monétaire et budgétaire, etc.
13
Parmi les (nombreuses) autres alternatives il y a le double-dip et la
reprise molle.
4
reprise économique vigoureuse ne s’installe à
partir du troisième trimestre14
.
(Au cas où) Garder ouvertes les vannes
budgétaires pour soutenir autant que possible
et sauver autant que nécessaire
Compte tenu de la grande incertitude sur la
vigueur de la reprise (au Luxembourg et
ailleurs), il convient de garder à l’esprit - comme
étant une vérité constante - que les récessions
couplées à des crises financières ou des
politiques d’austérité ont tendance à être plus
graves et suivies de reprises plus lentes15
. Par
conséquent, après avoir « confiné » pour
« aplatir la courbe des infections » puis pris des
mesures visant à empêcher l’explosion du
chômage et « compenser » une partie des pertes
de chiffres d’affaires des PME, la politique
économique du Luxembourg devra(it) conserver
au centre de sa fonction objective, tant que
l’économie n’aura pas « réellement »
redémarré, le principe de « soutenir autant que
possible et sauver autant que nécessaire » les
entreprises… afin de préserver les emplois.
Cette approche « maximaliste » viserait à éviter
des faillites en cascade qui pourraient
transformer le « grand confinement » en une
crise financière via le canal des prêts non-
performants16
, à empêcher que les ménages (qui
le peuvent) ne se mettent pas à se constituer une
épargne de précaution - après l’épargne forcée
engrangée durant la période de confinement -,
et serait de nature à faire que les entreprises
« osent » envisager de recommencer à investir et
embaucher puisqu’elles auraient l’assurance que
« tout sera fait » pour que l’économie renoue
avec le plein-emploi.
A ces fins - et parce qu’il est difficile, voire
impossible, de savoir l’impact réel que la
période de confinement aura eu sur le bilan des
entreprises -, il peut s’avérer utile, pertinent, et
optimal - malgré de potentiels effets d’aubaine
14
Un entre-deux, penchant du côté de la récession longue ou de la
reprise vigoureuse, est également possible.
15
Voir : FMI (2009), De la récession à la reprise : Dans quels délais et
Avec quelle vigueur ?
16
Voir: Malik Kerkour (2020), The leveraged network-based financial
accelerator and the real economy: an empirical investigation for
Luxembourg – STATEC.
17
Par analogie, une telle décision pourrait être rapprochée d’une
situation où ne sachant pas s’il y a des feux qui couvent à l’intérieur
de certaines maisons, des pompiers décideraient d’arroser toutes les
maisons, et pas seulement celles qui brûlent au grand jour.
– de devoir compléter le plan de renouveau
(Neistart Lëtzebuerg) et d’aller jusqu’à décider
d’aider les entreprises (sans distinction de taille
ni de secteur) à restaurer leur bilan 17
et
préserver leur solvabilité18
.
Source : ADEM, STATEC
Une manière de procéder pourrait être de
« transformer » certaines aides destinées à
soutenir la trésorerie des entreprises mises en
place dans le cadre du programme de
stabilisation de l’économie. Les avances
remboursables, le financement spécial anti-
crise, les crédits bancaires garantis par l’Etat,
l’annulation des avances fiscales des deux
premiers trimestres, ou la flexibilité pour le
paiement des cotisations sociales, sont des
dettes contractées dans un contexte de pertes
d’activités et de maintien des coûts fixes qui
vont ronger les capitaux propres. Par
conséquent, dans l’optique de « soutenir autant
que possible et de sauver autant que
nécessaire », la conversion en capitaux propres
des avances remboursables ou la part SNCI du
financement spécial anti-crise pourrait être
envisagée.
De manière plus incisive, il pourrait être décidé
de réduire de 50% les taux de cotisations
patronales, salariales et des indépendants
18
Une des différences de cette crise avec les crises financières et de
la zone euro entre 2008-2012 est qu’alors la baisse des heures
travaillées absorbée par le dispositif de chômage partiel était de
moindre ampleur (avec 100 fois moins d’entreprises concernées en
2009 qu’aux mois de mars et avril 2020) et très concentrée (l’industrie
et les services aux entreprises employaient près de 80% des salariés
en chômage partiel durant la précédente crise). Voir à ce sujet :
« Recours massif au chômage partiel en 2009 » dans la Note de
Conjoncture 2-09 du STATEC.
5
durant 3 mois19
. Cela coûterait à l’Etat moins de
1,5% de PIB et participerait à améliorer la
solvabilité de toutes les entreprises20 21
.
Avec une dette publique de 22% du PIB en 2019,
les éventuelles politiques de soutien/sauvetage
susmentionnées devraient – au besoin – être
guidées essentiellement par le triple objectif
d’assurer le plein-emploi, de préserver le tissu
productif, et d’alimenter la confiance des
ménages et des entreprises. S’affranchir dans la
poursuite de ces objectifs de manière
responsable de certains engagements érigés en
règles budgétaires (comme la cible de dette
publique à 30% du PIB) ne devrait donc pas être
interdit22
, d’autant plus que près de 30% de la
dette publique du Luxembourg est détenue par
la Banque centrale 23
et que la monétisation,
voire l’annulation, des déficits budgétaires (en
lien avec la pandémie) n’est plus un sujet tabou
au sein de la zone euro.
Source : OCDE
Michel-Edouard Ruben
michel-edouard.ruben@fondation-idea.lu
19
Les taux de cotisations passeraient ainsi d’environ 27% à 13,5%
durant 3 mois.
20
Il pourrait éventuellement être annoncé, expliqué et accepté la
mise en place d’un système de sur-taxation des bénéfices « hors du
commun » de 2020 ou la hausse de l’imposition des bénéfices une fois
l’économie installée dans un cycle d’expansion. En plus de minimiser
les effets d’aubaine, cela permettrait à l’Etat de récupérer sous
formes de rentrées fiscales, comparables à des dividendes,
« l’investissement » qu’il aura fait dans les entreprises en
« abandonnant » 50% des cotisations sociales. Une alternative
pourrait être « d’exiger » que cet « abandon » de créances aille
renforcer les fonds propres et soit transformé en réserve non
distribuable.
21
Sans que ce ne soit un objectif, cette mesure pourrait faire que les
retraités soient concernés par le choc de productivité que subit
l’économie. Normalement, les pensions en cours au Luxembourg sont
relativement peu sensibles aux chocs négatifs de productivité qui
touchent principalement les actifs sous forme de perte d’emploi. Mais
avec la réduction de 50% des cotisations pour trois mois, les dépenses
courantes de pensions pourraient être supérieures aux cotisations, et
il est prévu qu’il doit y avoir une sous-indexation des pensions versées
aux salaires dans une telle situation.
22
Voir: Olivier Blanchard (2020), « Whatever it takes. Getting into the
specifics of fiscal policy to fight COVID-19 ».
23
Voir : OCDE (2018), Perspectives économiques de l'OCDE, Volume
2018 numéro 2.

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Idea decryptage n11

  • 1. 1 Juin 2020 Décryptage N°11 Soutenir autant que possible, sauver autant que nécessaire ! De menace sanitaire en Chine en début d’année, la maladie à coronavirus 2019 s’est depuis transformée en crise sanitaire, économique et sociale mondiale. Au Luxembourg, deux plans de stabilisation et de renouveau – pouvant mobiliser jusqu’à 11 milliards d’euros - ont été mis en place afin de préserver l’emploi et le tissu productif. Mais malgré ces interventions, le Grand-Duché pourrait connaître sa plus sévère récession depuis 1975, une perspective de nature à éroder la confiance des agents économiques et à peser sur leurs comportements d’arbitrage entre consommation, investissements, et épargne. Dans ce contexte, l’orientation prospective de la politique budgétaire devient un élément important à même de réduire les incertitudes sur le potentiel de la reprise et de briser l’éventuel cercle vicieux qui pourrait s’installer entre pessimisme et récession. Le « grand confinement » - nom officiel donné par le Fonds monétaire international à la récession mondiale actuelle - est une crise économique inédite. Elle est provoquée par un élément extérieur à la sphère économique et financière (en l’occurrence la pandémie de coronavirus), a été, à certains égards, « décrétée » par les gouvernements qui ont, pour des raisons de santé publique, limité la production, empêché la consommation, interdit les activités non essentielles, et est sans précédent récent dans sa dynamique, son caractère soudain, et son ampleur1 . S’il n’est pas vraiment possible de savoir quelle sera l’étendue exacte du recul de l’activité du fait de la crise sanitaire - puisque cela dépendra de l’évolution de la pandémie, de l’efficacité des mesures de soutien décidées par les autorités budgétaires et monétaires, et de l’impact que cette crise sanitaro-économique aura sur le comportement - de consommation, d’épargne, d’investissement - et la solvabilité des agents économiques (entreprises, ménages, institutions financières, Etats) -,le FMI prévoit cependant comme « scénario de référence » pour 2020 une récession mondiale de 3% et 1 L’OMS a déclaré que la maladie à coronavirus était une pandémie le 11 mars et le PIB de l’UE aurait reculé de 3,3% au premier trimestre 2020. A titre de comparaison, Lehman Brothers a fait faillite le 15 indique que 90% des pays verront leur PIB par habitant reculer cette année. Source : FMI Puisque « scénario de référence » veut généralement dire que la réalité sera probablement différente de ce qui est exposé et qu’il s’avère que les services du FMI ne semblent pas particulièrement « doués » pour faire des prévisions, notamment en période de crise2 , ces chiffres - qui reposent sur une batterie d’hypothèses techniques à la fois économiques et sanitaires – pourraient connaître des révisions substantielles. Mais en dépit de l’incertitude concernant l’ampleur de la récession, ce n’est pas prendre trop de risques que d’affirmer que l’on devrait septembre 2008, et le PIB de l’UE ne reculait « que » de 0,5% au troisième trimestre 2008. 2 Voir: Independent Evaluation Office (2014), IMF forecast: Process, quality and country perspectives.
  • 2. 2 assister à une contraction record du PIB mondial en 2020, sachant qu’il y a eu une réduction importante du temps de travail au 1er trimestre (de l’ordre de 4,5%, soit l’équivalent de 130 millions d’emplois à plein temps), qu’environ 94% des travailleurs dans le monde vivaient encore au 17 mai dans des pays où il existait des mesures de fermeture de lieux de travail sous une forme ou sous une autre, et (donc) que la baisse du temps de travail au deuxième trimestre devrait être encore plus prononcée qu’au premier3 . D.ieu, toujours Luxembourgeois ! Petite économie ouverte dont près de la moitié des salariés sont des frontaliers en provenance de trois pays différents, le Luxembourg est apparu particulièrement vulnérable à cette crise. Le repli de l’activité durant la période aiguë de confinement (23 mars-17 avril) y a été de l’ordre de 25% par rapport à une situation sans mesures de restriction4 , jusqu’à un tiers des salariés se sont retrouvés au chômage partiel en mars et avril, le nombre de personnes en emploi est revenu à son niveau d’août 2019, et le taux de chômage a augmenté de 5,5% à 6,9% entre février et avril5 . Malgré la mise en place par le gouvernement d’un programme de stabilisation de l’économie (régulièrement revisité) 6 - constitué de subventions (principalement aux PME), d’indemnités de chômage partiel, d’avances 3 Selon l’Organisation internationale du travail, la baisse des heures de travail au deuxième trimestre serait équivalente à 305 millions d’emplois à plein temps. 4 Voir : https://statistiques.public.lu/catalogue- publications/conjoncture-flash/2020/PDF-Flash-04-2020.pdf remboursables, de reports de paiements d’impôts et de cotisations sociales, de congés pour soutien familial, de garanties pour prêts bancaires, etc. - de l’ordre de 11 milliards d’euros, le Grand-Duché ne devrait pas échapper à la récession et pourrait voir son PIB se contracter de 5,5% pour revenir en 2020 au niveau qui était le sien … en 2017. Le pays connaîtrait ainsi sa pire récession depuis 1975. Cette année-là, le PIB du Grand-Duché accusa une baisse de 6,6%, due essentiellement au recul du commerce mondial - notamment dans le domaine des biens intermédiaires et plus spécifiquement de l’acier en proie à une crise structurelle qui allait précipiter la transformation postindustrielle du tissu productif luxembourgeois et conduire l’ARBED, la principale entreprise sidérurgique du pays, à réduire ses effectifs de deux tiers entre 1975 et 1990. Mais alors qu’en 1975 la récession au Luxembourg fut la plus profonde parmi les pays européens, le Grand-Duché devrait « s’en sortir » - en dépit d’une durée de confinement (54 jours) dans la moyenne des pays de l’UE et de la mise entre parenthèses des accords de Schengen 7 - avec le décrochage le moins prononcé au sein de l’UE en 2020 d’après les prévisions – certes à prendre avec des pincettes - de la Commission européenne. Evolutions passée et projetée du PIB 1975 2020 Durée de confinement (2020) Luxembourg -6,6% -5,5% 54 jours Belgique -1,3% -7,2% 54 jours France -1% -8,2% 55 jours Allemagne -0,9% -6,5% 44 jours Pays-Bas 0% -6,8% 77 jours Italie -2,1% -9,5% 56 jours Portugal -4,3% -6,8% 46 jours 5 Voir : Fondation IDEA (2020), Tableau de bord économique et social du 5 juin 2020. 6 Et augmenté depuis d’un plan pour un nouveau départ (Neistart Lëtzebuerg). 7 Voir : Costica Dumbrava, Gilio Sabbati (2020), The impact of coronavirus on Schengen borders.
  • 3. 3 La relative « moins mauvaise » performance de l’économie luxembourgeoise en 2020 s’expliquerait, au-delà de la (bonne) gestion du volet sanitaire de la crise par les autorités du pays8 , par un niveau plus faible de contrats à durée déterminée et de travail au noir, un poids plus réduit de la consommation des ménages dans le PIB, le soutien public de grande ampleur à la demande effective, et une spécialisation productive avantageuse dans les présentes circonstances du fait notamment d’un pourcentage élevé d’activités (services financiers, TIC, activités spécialisées scientifiques et techniques) « télétravaillables » comparé à d’autres pays. Source : Becker Friedman Institute Enseignements du passé pour la récession actuelle Depuis les années 70, le Luxembourg a connu 5 années (1975, 1981, 2008, 2009, 2012) durant lesquelles son PIB a reculé. Ces années ont toujours coïncidé avec des récessions synchronisées – c’est-à-dire touchant simultanément plusieurs pays de l’OCDE. Lors des crises sidérurgique (75) et financière (2008), la phase de récession a duré 5 trimestres et l’activité n’a retrouvé son pic que 12 et 7 trimestres après le creux, alors que durant les crises du début des années 80 et de la zone euro (2012), l’activité n’a reculé que durant trois trimestres en moyenne et retrouvait son point 8 Ce à quoi il conviendrait d’ajouter le civisme de la population et la chance. 9 Dans le secteur de la restauration il est ainsi actuellement imposé d’avoir une distance de 1,5 mètre entre les tables et interdit d’avoir des tables avec plus de quatre personnes. 10 Existence d’un vaccin, « disparition » de la maladie, etc. 11 Brexit sans douleur ou reporté, adoption d’un « Act. » et d’actes aux Etats-Unis à même de relancer l’American dream, baisse des culminant antérieur moins de quatre trimestres après le creux. Source : OCDE Chaque crise est ainsi différente et le « grand confinement », dont de nombreux aspects sont nouveaux et inattendus, ne déroge pas à la règle. Puisque certaines activités, qui supposent de l’interaction physique, pourraient demeurer longtemps interdites, structurellement moins fréquentées, ou contraintes par un choc de productivité négatif9 , que des interrogations sur le « monde d’après », alors que l’économie mondiale est encore en crise et qu’il n’y a pas de certitude absolue sur le devenir de la pandémie, sont de nature à rendre frileuses certaines entreprises qui risquent dès lors d’« attendre pour voir » avant de lancer des investissements qui pourraient ne pas correspondre aux aspirations de cet éventuel « monde d’après », et qu’une crise sanitaro- politico-économique inscrite dans la durée aux Etats-Unis, importateurs en dernier ressort, est une alternative à considérer, le « grand confinement » pourrait être une récession inhabituellement grave et prolongée… à moins que de « rassurantes et positives » nouvelles sanitaires10 , politiques11 , et économiques12 ne succèdent à la levée des contraintes qui pesaient jusque-là sur la demande et l’offre13 et qu’une tensions commerciales permettant une nouvelle période de « grande modération », etc. 12 Boom de la consommation des ménages et d’investissements des entreprises alimenté par l’orientation accommodante des politiques monétaire et budgétaire, etc. 13 Parmi les (nombreuses) autres alternatives il y a le double-dip et la reprise molle.
  • 4. 4 reprise économique vigoureuse ne s’installe à partir du troisième trimestre14 . (Au cas où) Garder ouvertes les vannes budgétaires pour soutenir autant que possible et sauver autant que nécessaire Compte tenu de la grande incertitude sur la vigueur de la reprise (au Luxembourg et ailleurs), il convient de garder à l’esprit - comme étant une vérité constante - que les récessions couplées à des crises financières ou des politiques d’austérité ont tendance à être plus graves et suivies de reprises plus lentes15 . Par conséquent, après avoir « confiné » pour « aplatir la courbe des infections » puis pris des mesures visant à empêcher l’explosion du chômage et « compenser » une partie des pertes de chiffres d’affaires des PME, la politique économique du Luxembourg devra(it) conserver au centre de sa fonction objective, tant que l’économie n’aura pas « réellement » redémarré, le principe de « soutenir autant que possible et sauver autant que nécessaire » les entreprises… afin de préserver les emplois. Cette approche « maximaliste » viserait à éviter des faillites en cascade qui pourraient transformer le « grand confinement » en une crise financière via le canal des prêts non- performants16 , à empêcher que les ménages (qui le peuvent) ne se mettent pas à se constituer une épargne de précaution - après l’épargne forcée engrangée durant la période de confinement -, et serait de nature à faire que les entreprises « osent » envisager de recommencer à investir et embaucher puisqu’elles auraient l’assurance que « tout sera fait » pour que l’économie renoue avec le plein-emploi. A ces fins - et parce qu’il est difficile, voire impossible, de savoir l’impact réel que la période de confinement aura eu sur le bilan des entreprises -, il peut s’avérer utile, pertinent, et optimal - malgré de potentiels effets d’aubaine 14 Un entre-deux, penchant du côté de la récession longue ou de la reprise vigoureuse, est également possible. 15 Voir : FMI (2009), De la récession à la reprise : Dans quels délais et Avec quelle vigueur ? 16 Voir: Malik Kerkour (2020), The leveraged network-based financial accelerator and the real economy: an empirical investigation for Luxembourg – STATEC. 17 Par analogie, une telle décision pourrait être rapprochée d’une situation où ne sachant pas s’il y a des feux qui couvent à l’intérieur de certaines maisons, des pompiers décideraient d’arroser toutes les maisons, et pas seulement celles qui brûlent au grand jour. – de devoir compléter le plan de renouveau (Neistart Lëtzebuerg) et d’aller jusqu’à décider d’aider les entreprises (sans distinction de taille ni de secteur) à restaurer leur bilan 17 et préserver leur solvabilité18 . Source : ADEM, STATEC Une manière de procéder pourrait être de « transformer » certaines aides destinées à soutenir la trésorerie des entreprises mises en place dans le cadre du programme de stabilisation de l’économie. Les avances remboursables, le financement spécial anti- crise, les crédits bancaires garantis par l’Etat, l’annulation des avances fiscales des deux premiers trimestres, ou la flexibilité pour le paiement des cotisations sociales, sont des dettes contractées dans un contexte de pertes d’activités et de maintien des coûts fixes qui vont ronger les capitaux propres. Par conséquent, dans l’optique de « soutenir autant que possible et de sauver autant que nécessaire », la conversion en capitaux propres des avances remboursables ou la part SNCI du financement spécial anti-crise pourrait être envisagée. De manière plus incisive, il pourrait être décidé de réduire de 50% les taux de cotisations patronales, salariales et des indépendants 18 Une des différences de cette crise avec les crises financières et de la zone euro entre 2008-2012 est qu’alors la baisse des heures travaillées absorbée par le dispositif de chômage partiel était de moindre ampleur (avec 100 fois moins d’entreprises concernées en 2009 qu’aux mois de mars et avril 2020) et très concentrée (l’industrie et les services aux entreprises employaient près de 80% des salariés en chômage partiel durant la précédente crise). Voir à ce sujet : « Recours massif au chômage partiel en 2009 » dans la Note de Conjoncture 2-09 du STATEC.
  • 5. 5 durant 3 mois19 . Cela coûterait à l’Etat moins de 1,5% de PIB et participerait à améliorer la solvabilité de toutes les entreprises20 21 . Avec une dette publique de 22% du PIB en 2019, les éventuelles politiques de soutien/sauvetage susmentionnées devraient – au besoin – être guidées essentiellement par le triple objectif d’assurer le plein-emploi, de préserver le tissu productif, et d’alimenter la confiance des ménages et des entreprises. S’affranchir dans la poursuite de ces objectifs de manière responsable de certains engagements érigés en règles budgétaires (comme la cible de dette publique à 30% du PIB) ne devrait donc pas être interdit22 , d’autant plus que près de 30% de la dette publique du Luxembourg est détenue par la Banque centrale 23 et que la monétisation, voire l’annulation, des déficits budgétaires (en lien avec la pandémie) n’est plus un sujet tabou au sein de la zone euro. Source : OCDE Michel-Edouard Ruben michel-edouard.ruben@fondation-idea.lu 19 Les taux de cotisations passeraient ainsi d’environ 27% à 13,5% durant 3 mois. 20 Il pourrait éventuellement être annoncé, expliqué et accepté la mise en place d’un système de sur-taxation des bénéfices « hors du commun » de 2020 ou la hausse de l’imposition des bénéfices une fois l’économie installée dans un cycle d’expansion. En plus de minimiser les effets d’aubaine, cela permettrait à l’Etat de récupérer sous formes de rentrées fiscales, comparables à des dividendes, « l’investissement » qu’il aura fait dans les entreprises en « abandonnant » 50% des cotisations sociales. Une alternative pourrait être « d’exiger » que cet « abandon » de créances aille renforcer les fonds propres et soit transformé en réserve non distribuable. 21 Sans que ce ne soit un objectif, cette mesure pourrait faire que les retraités soient concernés par le choc de productivité que subit l’économie. Normalement, les pensions en cours au Luxembourg sont relativement peu sensibles aux chocs négatifs de productivité qui touchent principalement les actifs sous forme de perte d’emploi. Mais avec la réduction de 50% des cotisations pour trois mois, les dépenses courantes de pensions pourraient être supérieures aux cotisations, et il est prévu qu’il doit y avoir une sous-indexation des pensions versées aux salaires dans une telle situation. 22 Voir: Olivier Blanchard (2020), « Whatever it takes. Getting into the specifics of fiscal policy to fight COVID-19 ». 23 Voir : OCDE (2018), Perspectives économiques de l'OCDE, Volume 2018 numéro 2.