Avis de l'o b f g sur la proposition de loi du 28 04 2011 modifiant le cj règlement collectif de dettes
1. ORDRE DES BARREAUX FRANCOPHONES ET GERMANOPHONE DE BELGIQUE
L’avocat conseille. L’avocat concilie. L’avocat défend.
Avis de l’Ordre des barreaux francophones et germanophone
relatif à la proposition de loi du 28 avril 2011 modifiant le code judiciaire
en ce qui concerne le règlement collectif de dettes
en vue de l’audition du 28 septembre 2011
1. Garantie d’un pécule minimal et instauration d’un compte spécifique de
médiation (article 2)
Garantir un pécule minimal est déjà prévu par la législation actuelle (article 1675/9 § 4
du Code judiciaire).
Les prestations familiales étant insaisissables, elles ne peuvent dans l’état actuel de la
législation être retenues qu’avec l’accord du débiteur dans le cadre de la phase amiable
(article 1675/9 § 4 du code judiciaire) et que par décision spécialement motivée dans le
cadre de la phase judiciaire (articles 1675/12 §4 et 1675/13 §5 du Code judiciaire).
La proposition de loi ne vise étonnement que de déroger à la première hypothèse. Il
serait interdit au débiteur d’accepter de consacrer une partie des prestations familiales
dans la première phase alors que le tribunal pourrait le lui imposer (par décision
spécialement motivée) dans le cadre de la seconde phase.
La garantie actuellement en vigueur tient compte des spécificités de la composition
familiale du débiteur et lui enlever le droit d’accepter formellement de puiser dans ce
type de ressources risque d’avoir un certain nombre d’effets probablement non pris en
considération :
D’une part, certains débiteurs préfèrent volontairement accepter un effort plus
important en vue de réduire la durée du plan de remboursement ou afin de
sauvegarder un élément essentiel de leur patrimoine (par exemple un immeuble).
D’autre part, la jurisprudence considère majoritairement que le débiteur ne dispose
pas d’un « droit à un plan de règlement judiciaire ou à une remise totale de dettes ».1
Hors l’hypothèse de la révocation, le tribunal peut considérer qu’il n’y a pas lieu à
1 DENIS, BOONEN, DUQUESNOY, Le règlement collectif de dettes, Kluwer, 2010, p. 98 à99.
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Médiation de dettes – 281 / Avis de l’Ordre des barreaux francophones et germanophone relatif à la proposition
de loi du 28 avril 2011 modifiant le code judiciaire en ce qui concerne le règlement collectif de dettes
2. ordonner un plan ou une remise totale, remettant le débiteur dans sa situation de
surendettement initial. Interdire strictement une appréciation par rapport au
disponible résultant des prestations familiales risque d’augmenter le nombre de
décisions de rejet.
2. Mise en place d’un compte partiellement bloqué au nom du débiteur
L’O.B.F.G. considère que la mise en place pratique et technique de ce type de compte est
très difficilement réalisable. Une cogestion d’un compte risque très rapidement
d’entraîner des difficultés de cohérence insurmontables. Le statut juridique des sommes
présentes sur le compte de médiation doit d’ailleurs être pris en considération (actif
partiellement à destination de la masse).
Il convient d’analyser la motivation de cette proposition.
En ce qui concerne la transparence, il paraît évident que les médiateurs ont l’obligation
de communiquer au débiteur toutes les informations relatives au compte, aux
mouvements effectués et au solde. Cela doit être assuré annuellement avec la
communication du rapport et chaque fois que le débiteur le demande (en évitant
néanmoins les multiplications de frais inutiles). Les médiateurs qui ne respectent pas
cette obligation doivent être sanctionnés par leur organe déontologique ou par le tribunal
du travail.
En ce qui concerne la cogestion, il nous semble que les motifs de la proposition de loi,
s’ils sont louables, trahissent une difficulté d’interprétation du rôle de médiateur de
dettes dans le cadre du règlement collectif de dettes.
La question est controversée.
Sur base des termes de la loi, il convient de considérer qu’il s’agit d’une entité distincte,
qui ne représente que lui-même, auxiliaire de justice chargé du contrôle de la gestion du
patrimoine et des revenus du débiteur, en vue de rétablir sa situation financière. 2
Plusieurs décisions judiciaires ont d’ailleurs reproché au médiateur de dettes de se
charger de la gestion courante, estimant qu’il outrepassait son rôle. 3
Si on peut accepter le paiement par le médiateur du loyer ou de la contribution
alimentaire dans l’intérêt du débiteur, il nous semble qu’il n’appartient pas au médiateur
de dettes judiciaire de se charger de la gestion budgétaire quotidienne.
Le règlement collectif de dettes n’entraîne en effet aucune incapacité juridique et le
débiteur doit effectuer ses paiements au moyen du pécule qui lui est alloué. Si le
médiateur constate une incapacité évidente à cet égard, il doit prévoir l’accompagnement
2 DENIS, BOONEN, DUQUESNOY, Le règlement collectif de dettes, Kluwer, 2010, p. 134
3 Ibidem.
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3. dans le cadre d’une guidance ou d’une gestion budgétaire, voire une administration
provisoire, dans le respect bien compris du rôle de chaque intervenant.
Il est bien entendu que pour fixer le pécule, le médiateur doit collaborer avec le débiteur
et ces intervenants, et disposer d’une expérience ou d’une formation spécifiques quant à
la fixation des charges (énergie, aide sociale, problématique du logement, etc.). Il en
sera question au point 5.
L’O.B.F.G. est d’avis qu’il conviendrait de préciser le rôle du médiateur et que les écueils
relevés dans les motifs de la proposition de loi seraient ainsi levés. L’élaboration d’une
fiche d’information commune sur le fonctionnement du règlement collectif de dettes
(comme elle existe dans certains arrondissements 4) pourrait également s’avérer une
initiative opportune.
3. Limitation de la durée du plan de règlement amiable (article 3)
La proposition vise limiter la durée du plan de règlement amiable à sept ans.
A nouveau, on limite la liberté du débiteur dans le cadre de la mise en place d’un plan de
remboursement. Rappelons que la durée d’un plan de règlement amiable nécessite
l’accord du débiteur.
L’O.B.F.G. estime que si une durée maximale est fixée (ce qui peut s’avérer opportun),
elle devrait pouvoir être prolongée « en vue de sauvegarder certains éléments de son
patrimoine et afin d'assurer le respect de la dignité humaine du débiteur », comme le
précise l’article 1675/12 § 2 du Code judiciaire en ce qui concerne le plan de règlement
judiciaire.
En effet, le débiteur sollicite de manière relativement fréquente de prolonger la durée du
plan en vue de sauvegarder un élément essentiel de son patrimoine (essentiellement un
immeuble). Lui enlever cette faculté ne semble pas être dans l’esprit de la proposition de
loi.
A nouveau, en cas d’impossibilité d’établir un plan de règlement amiable obligatoirement
inférieur à un certain délai, cette limitation pourrait avoir un effet pervers quant aux
décisions de rejet dans le cadre de la phase judiciaire qui suit l’échec d’un plan de
règlement amiable (cfr point 1in fine).
4. Limitation de la durée de la phase amiable (article 4)
La proposition envisage de limiter la première phase à maximum deux fois six mois.
4Annexe 1, fiche d’information des avocats médiateurs de dettes de l’arrondissement de
Nivelles
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4. Il est évident que cette phase doit être la plus courte possible. Néanmoins de nombreux
aléas justifient malheureusement souvent la prolongation de cette phase.
Les plus fréquents sont :
la découverte tardive d’un créancier non mentionné dans la requête qui doit être
associé à la procédure
le changement dans la situation professionnelle ou familiale
la vente d’un immeuble
la liquidation d’une succession ou d’un régime matrimonial
Par ailleurs, imposer de renoncer à la phase amiable dans un délai trop court risque
d’encombrer les tribunaux de manière encore plus importante, voire de multiplier les
décisions de rejets.
Enfin, rappelons que les tribunaux assurent le contrôle de la durée de la phase amiable.
5. Agrément des médiateurs de dettes (article 5,1°)
La proposition de loi vise à soumettre la médiation de dettes assurées par des avocats,
des officiers ministériels ou des mandataires de justice à une condition d’agrément.
En ce qui concerne les avocats, ils disposent de par leur fonction de compétences
juridiques (diplôme, formation CAPA, formation permanente). Elles sont par ailleurs
contrôlées de manière continue par les organes déontologiques. Les contacts quotidiens
avec les clients et la société civile leur assurent également une compétence relationnelle.
L’O.B.F.G. n’est pas favorable au caractère obligatoire d’une formation organisée par les
pouvoirs publics mais considère qu’il serait sans doute nécessaire que le législateur
définisse de manière plus précise le rôle du médiateur de dettes, afin d’éviter la
confusion des rôles (cfr supra, point 2 in fine).
Conscients des spécificités du rôle de médiateur de dettes concernant notamment les
aspects non juridiques de leur travail, des formations particulières sont déjà organisées
par différents arrondissements, en collaboration avec la société civile (CPAS, ASBL
actives en médiation de dettes, organismes de formations à destination de la société
civile, etc.). Plusieurs barreaux organisent des réunions de médiateurs à échéances
régulières.
L’O.B.F.G. étudie la mise en place d’une formation particulière harmonisée des avocats
médiateurs de dettes mais considère que cette formation doit être organisée sous le
contrôle des Ordres d’avocats, ceux-ci faisant appel à l’expertise d’autres acteurs
œuvrant dans le domaine du règlement collectif de dettes. Cette formation devrait
nécessairement se poursuivre dans le cadre de l’obligation de formation permanente
propre aux avocats.
L’O.B.F.G., dans son souci d’ouverture de la société civile, est au surplus toujours disposé
à participer à des réunions qui seront organisées avec les acteurs du secteur, comme le
font déjà de nombreux Ordres.
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5. 6. Obligation de communication du rapport annuel (article 5)
Il paraît évident que les médiateurs ont l’obligation de communiquer le rapport annuel
au débiteur.
Les médiateurs qui ne respectent pas cette obligation doivent être sanctionnés par leur
organe déontologique ou par le tribunal du travail.
7. Amendements de Madame LAMBERT du 6 juillet 2011, fixation du disponible
pour le plan d’apurement plutôt que d’un pécule de médiation
Les indexations et évolutions de charges doivent en effet être prises en considération par
le médiateur ou le juge.
Cela se pratique d’ailleurs couramment, soit par l’instauration d’un pécule adapté aux
évolutions ou à l’indexation, soit par la fixation d’un disponible fixe à consacrer au plan
de remboursement.
Le règlement collectif de dettes vise des situations diversifiées et la législation autorise
une grande créativité dans le cadre des plans de règlement amiable et judiciaires.
L’O.B.F.G. estime qu’il convient de la préserver afin de s’adapter à la spécificité de
chaque dossier.
8. Amendements de Madame LAMBERT du 6 juillet 2011, prise en
considération des charges qui mettent en péril le respect de la dignité
humaine (article 3).
La nécessité d’un budget détaillé et exact permettant de répondre à la nécessité
d’assurer le respect de la dignité humaine apparaît effectivement comme la base d’un
règlement collectif de dettes efficace.
En ce qui concerne le pécule relatifs aux charges postérieures à l’ordonnance
d’admissibilité, la priorité données aux charges citées (loyer, énergie, soins de santé,
frais de scolarités, alimentation) apparaît comme évidente.
Quant au paiement prioritaire dans le cadre du concours existant entre les créances
antérieures à l’ordonnance d’admissibilité, cela paraît d’autant moins justifiable qu’il n’y a
pas nécessairement d’incidence sur la dignité du débiteur (à l’exception du logement le
cas échéant). Autre chose serait d’instaurer de nouveaux privilèges.
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6. 9. Amendements de Madame LAMBERT du 6 juillet 2011, agrément, contenu du
rapport annuel
Il est renvoyé aux points 5 et 6.
L’O.B.F.G. est d’accord quant aux précisions relatives au contenu du rapport annuel.
Reste à déterminer si une modification législative est nécessaire à cet égard.
Quant aux frais de transmission, il ne semble pas adéquat de modifier les règles de
fixations des frais et émoluments des médiateurs de dettes, sauf à revoir l’ensemble du
système.
10.Amendements de Madame LAMBERT du 6 juillet 2011, point de départ du
plan
L’O.B.F.G. n’a pas de commentaire particulier, si ce n’est le renvoi à la nécessité de
préserver une certaine créativité, propre à répondre aux spécificités de chaque dossier
(cfr point 7). Un disponible pour les créanciers n’est pas nécessairement dégagé dès
l’ordonnance d’admissibilité.
Jean-Luc DENIS
Syndic des médiateurs de dettes avocats de l’arrondissement de Nivelles
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