2. 2
Références bibliographiques :
1- Michel CAPRON & Françoise QUAIREL-LANAOIZELEE, (2010), « La
responsabilité sociale d’entreprise », Paris, Editions La Découverte.
2- Manal EL ABBOUBI & Fatima EL KANDOUSSI, (2009), « Le virage de la
responsabilité sociale au Maroc. Le cas du secteur agroalimentaire », Reflets et
perspectives de la vie économique 2009/4 (Tome XLVIII), pp. 69-77.
3- Romain HÛET & Catherine LONEUX (2010), « Responsabilité sociale des
entreprises, éthique et communication », in La communication organisationnelle,
Approches et enjeux, Dir. S. Grosjean et L. Bonneville, pp. 280-310.
4- Mohamed M’HAMDI & Sabah TRID, « La responsabilité sociale de l’entreprise au
Maroc: une étude empirique auprès des petites et moyennes entreprises de la région de
Fes Boulemane », 11es Journées scientifiques du Réseau Entrepreneuriat, 27, 28 et 29
mai 2009, INRPME, Trois-Rivières, Canada.
5- Wikipédia
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3. 3
1- Romain HÛET & Catherine LONEUX (2010), « Responsabilité sociale des
entreprises, éthique et communication », in La communication organisationnelle,
Approches et enjeux, Dir. S. Grosjean et L. Bonneville, pp. 280-310.
Introduction
De plus en plus de discours des entreprises se réclament de l’éthique et de la
RSE, donnant lieu à une importante production de recherche professionnelle et
scientifique. Toutefois, il est difficile de s’accorder sur la signification de ces
concepts. Présentés par les uns comme un nouveau contrat social, un nouveau
credo, voire une révolution philosophique et managériale. Et présentés par
d’autres comme un simple effet de mode ou de la poudre aux yeux. Formulé en
ces termes, le débat reste étriqué et n’offre pas la possibilité de bien comprendre
ces notions. Les discours des entreprises qui ont trait à leur « responsabilité
sociale » ou à leur « éthique » sont notamment marqués par leur forte
hétérogéniété, ce qui est peu souvent évoqué. Celle-ci a d’ailleurs conduit de
nombreux observateurs de ces discours à les assimiler à un simple jeu de
langage. Les entreprises sont alors accusées de donner l’illusion du changement
et leurs politiques de RSE ne seraient en réalité que des stratégies de marketing
et de communication sans effet direct.
Pour bien appréhender ces notions, il convient d’aller au-delà du phénomène de
mode que révèle l’explosion de ces discours, tant dans le fonctionnement des
organisations que dans leur rapport au reste de la société.
I- Quelques clarifications terminologiques autour de l’éthique de
l’entreprise
Dans les années récentes, les termes liés aux RSE se sont multipliés dans les
discours des entreprises. On observant ce phénomène dans une perspective
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4. 4
historique, autrement dit, de l’apparition de la notion de « développement
durable » jusqu’à son actualité la plus proche, nous constatons que les
entreprises ne se sont jamais contentées de jouer un rôle strictement
économique. Elles se sont trouvées au centre des mécanismes de régulation
économique lors de l’émergence de l’Etat providence et de l’émancipation
sociale progressive de la classe ouvrière. En effet, après la grande dépression des
années 1920, la pensée keynésienne est progressivement perçue comme une
solution de sortir de la crise. Apparaissent alors d’importants programmes de
relance (New deal, Front populaire, etc.) qui attribuent à l’Etat un rôle majeur,
notamment en matière de redistribution de la richesse collective. Cette pensée
est ensuite généralisée et devient un mode de régulation économique, et non plus
strictement un outil limité aux périodes de crise.
Dans les années 1970, le modèle keynésien s’essouffle devant l’incapacité de
l’Etat à répondre à l’explosion du chômage, à endiguer les déficits publics et
l’inflation, à lutter contre la pauvreté, etc. c’est durant cette période que le
libéralisme économique s’impose de nouveau. Assez logiquement, les
entreprises se trouvent une fois de plus au centre des mécanismes de régulation
et de cohésion sociale.
En effet, les crises de l’interventionnisme étatique ouvrent le champ aux acteurs
économiques, qui peuvent revendiquer la possibilité d’intervenir dans des
domaines qui relèvent du droit public et de l’intérêt général. La popularisation
de la notion d’entreprise « citoyenne » dans les années 1980-1990 est
symptomatique de cette tendance à lier solidairement l’entreprise à la société.
1. Le développement durable comme origine
Les termes RSE, éthique et DD sont souvent utilisés indifféremment par les
entreprises. Historiquement, c’est le DD qui s’impose, le premier, dans les
5. 5
programmes politiques et médiatiques. Dans les années 1960 émerge
progressivement une « conscience écologique ». Celle-ci est porteuse d’une
interrogation sur les relations qu’entretiennent les hommes avec le milieu naturel
et est marquée par la capacité de ceux-ci de le détruire par leurs activités (armes
de destruction massive, attaques biochimiques, réchauffement climatique,
épuisement des ressources naturelles, effet de serre, etc.). Dès lors, le DD est
envisagé comme un devoir nouveau : il s’agit d’anticper les conséquences des
activités humaines sur le milieu naturel et social. Sous l’effet notamment de
quelques catastrophes notoires (marrées noires, accidents nucléaires et
catastrophes chimiques), les instances politiques internationales se saisissent
progressivement de ces questions. Dans les pays occidentaux, les
gouvernements se dotent de nouvelles institutions, mettent en place des
politiques de l’environnement et forgent de nouveaux concepts comme ceux de
« développement durable » ou de « responsabilité sociale des entreprises ».
En ocobre 1987, une première définition du DD est donnée dans le rapport
Brundtland : « Le développement durable est un développement qui satisfait
aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de
satisfaire les leurs ». Progressivement, cette définition politique du DD est
raffinée et discutée lors d’autres sommets internationaux (Rio de Janiero,
Johanesburg, etc.). Par exemple, le Sommet de la Terre de Rio, en 1992, donne
lieu pour la première fois à un accord sur deux conventions juridiquement
contraignantes : la convention sur la diversité biologique et la convention cadre
des Nations Unies sur les changements climatiques, dont le prolongement est le
protocole de Kyoto.
Le monde scientifique et les chercheurs tentent de donner une définition du
phénomène qui s’inscrit au-delà son acception politique, issue du rapport
Brundtland. La plupart d’entre eux se donnent pour tâche essentielle de
démystifier cette notion. Cette tendance correspond à la recherche d’autres types
6. 6
de réalités que ceux donnés dans les interprétations officielles de la société. En
effet, au premier abord, la perspective d’une réconciliation entre les dimensions
économique, sociale et environnementale est séduisante. En pratique, il faut bien
admettre la complexité d’un développement harmonieux qui conjugue trois
objectifs : prospérité économique, justice sociale et qualité environnementale.
Capron et Quairel-Lanoizelée (2004) utilisent la métaphore des « plaques
tectoniques » pour illustrer la conflictualité de ces objectifs : on peut imaginer
qu’elles peuvent bouger dans différentes directions. Une plaque qui s’éloigne
des autres rend difficile l’atteinte simultanée des différents objectifs, et à
l’inverse, une plaque qui se dirige vers les autres augmente la tendance à la
subduction et génère des risques de chocs frontaux. Certaines politiques peuvent
ne s’intéresser qu’à quelques objectifs et ne pas chercher à réaliser
simultanément tous les objectifs.
Une véritable approche holiste suppose de mêler étroitement les trois
dimensions dans une perspective globale et intégrée du développement. Prenons
l’exemple de la mise en marché d’automobiles à bas prix. Les effets d’une telle
pratique soulèvent plusieurs questions. D’un côté, ces nouveaux véhicules
apportent la mobilité à une catégorie de la population qui en était autrefois
exclue. En outre, leur fabrication crée de nouveaux emplois dans des régions du
monde réputée en difficulté. Mais, d’un autre côté, l’augmentation du parc
automobile a des conséquences néfastes sur l’environnement, surtout lorsqu’on
sait que les gaz à effet de serre sont principalement provoqués par le transport
routier. Enfin, il est possible de se demander dans quelle mesure ces voitures à
bas prix sont innovantes sur le plan environnemental alors que les technologies
en la matière sont onéreuses.
La communauté scientifique s’accorde pour souligner la conflictualité des
dimensions économique, sociale et environnementale. Les chercheurs tentent
alors de penser les conditions de leur articulation : vers un équilibre entre le
7. 7
capital économique, naturel et social, une croissance soutenable permettant
d’assurer une meilleure répartition de la richesse, et enfin, une solidarité
intragénérationnelle et intergénérationnelle qui implique de préserver le capital
naturel, d’investir dans la recherche et l’éducation de sorte que la croissance ne
compromette pas les générations futures.
2. Du développement durable à la responsabilité sociale des entreprises
Les enjeux du DD concernent directement les entreprises. Les activités
économiques sont à la fois productrices et consommatrices de richesses
humaines et naturelles, la question de l’attitude que devraient avoir les
entreprises à l’égard des objectifs du DD se pose assez naturellement. Les
finalités et la légitimité des activités économiques, la conciliation et la
satisfaction des besoins humains et de la préservation des ressources naturelles,
le degré d’acceptabilité des risques, l’équilibre entre le développement
économique et l’équité sociale1
sont autant de problématiques qui alimentent la
réflexion sur la RSE.
Comme le DD, plusieurs initiatives nationales et supranationales ont contribué à
promouvoir la RSE. Plusieurs normes en matière de responsabilité sociale, pour
la plupart non contraignante, ont été édictées sous l’égide des Nations Unies et
de l’OCDE (Organisation pour la Coopération et le Développement
Economique).
En 2000, lors du sommet de Lisbonne, l’Europe affiche sa volonté d’être la
région la plus compétitive et dynamique du monde grâce à une économie basée
sur les savoirs. Et la RSE figure comme un terme fondateur du « modèle social
européen ». Le conseil européen lance un appel au sens de la RSE en ce qui
1
La justice sociale est une construction morale et politique qui vise à l’égalité des droits et conçoit la
nécessité d'une solidarité collective entre les personnes d'une société donnée.
8. 8
concerne les pratiques à suivre en termes de formation continue, d’organisation
du travail, d’égalité des chances, d’intégration sociale et de DD.
La RSE est ainsi présentée comme la pierre angulaire du modèle social
européen. Les acteurs du sommet de Lisbonne y incluent des principes
fondamentaux communs qui régissent les relations du travail tels que le respect
de la liberté syndicale et du droit d’organisation de la négociation collective,
celui du rôle joué par les organisations d’employeurs et de salariés, le fait
d’accorder de l’importance au rôle joué par la législation du travail et les
relations contractuelles dans le fonctionnement des systèmes nationaux des
relations professionnelles, le développement du dialogue social, la
représentation des salariés et leur participation à certaines décisions liées à
l’emploi, etc.
En 2001, la commission des communautés européenne définit la RSE comme
suit : « La RSE est ….l’intégration volontaire des préoccupation sociales et
écologiques des entreprises à leurs activités commerciales et à leurs relations
avec toutes les parties prenantes internes et externes (actionnaires, personnels,
clients, fournisseurs et partenaires, collectivités humaines…), et ce, afin de
satisfaire pleinement aux obligations juridiques applicables et d’investir dans le
capital humain et l’environnement ».
La RSE désigne alors une représentation de l’entreprise qui renvoie au rôle que
joue celle-ci dans la structuration et le développement de la société. L’entreprise
n’est plus seulement considérée comme un lieu de production de biens et
services, créatrice de richesse, mais comme disposant d’un rôle social majeur
d’intégration, de lutte contre les discriminations, de développement local,
économique et social, de préservation du milieu naturel, etc.
9. 9
3. De la RSE à l’éthique
En Amérique du Nord, les acteurs d’entreprises et les chercheurs délaissent la
notion de RSE pour lui préférer une réflexion sur « l’éthique des affaires »
(Business ethics). Pour l’essentiel, il s’agit de réfléchir à la moralité des faits et
des gestes des individus entretenant des relations d’affaires. Aux Etats Unis, à
partir des années 1950, les organisations religieuses commencent à parler de
Business ethics pour désigner la tentative d’entreprendre une réflexion d’ordre
moral dans le milieu des affaires. Les argumentations sont fondées sur des
éléments juridiques, philosophiques et positifs, les discours veulent donner sens
à l’idée selon laquelle l’entreprise peut être considérée comme un sujet moral,
ayant droit d’accéder, en tant qu’entité individuelle et morale, au domaine des
droits et des devoirs. Parallèlement, les pressions sociétales se font de plus en
plus fortes concernant les problèmes de pollution, de consommation et de
respect des droits humains.
Dans les années 2000 éclatent des scandales financiers qui ont un retentissement
sans précédant dans l’espace public (Enron et Parmalat, par exemple).
A- Enron est une des plus grandes entreprises américaines par sa capitalisation boursière.
Outre ses activités propres dans le gaz naturel, cette société texane avait monté un
système de courtage par lequel elle achetait et revendait de l'électricité, notamment au
réseau des distributeurs de courant de l'État de Californie. En décembre 2001, elle fit
faillite en raison des pertes occasionnées par ses opérations spéculatives sur le marché
de l'électricité, qui avaient été maquillées en bénéfices via des manipulations
comptables. Cette faillite entraîna dans son sillage celle d'Arthur Andersen, qui
auditait ses comptes.
En interne, Enron créa plus de 3 000 sociétés offshores. Le but premier de ces sociétés était de
permettre à des investisseurs de cofinancer des infrastructures longues à rentabiliser grâce à la
titrisation. Ces sociétés permettaient aussi d'externaliser certains risques importants de la
société mère pour éviter de la mettre en péril.
Enron utilisait largement ce type de sociétés non consolidées dans ces buts et par la suite pour
sortir des actifs ou des passifs du bilan. Ces sociétés, dont les sièges sociaux étaient installés
dans les îles caïmans, les Bermudes ou les Bahamas, rendaient ainsi le bilan plus
10. 10
"présentable". Toutefois, de succinctes informations sur ces filiales étaient indiquées dans des
notes en bas de page des documents d'information financière.
L'objectif est de permettre à Enron d'emprunter de l'argent sans que cela apparaisse dans ses
comptes. L'opération implique trois acteurs : Enron, une filiale offshore d'Enron (comme Jedi,
LJM ou Mahonia) et une banque (appelons-la banque A). Tous sont complices du montage.
L'opération est ici largement simplifiée.
D'abord la filiale vend pour un million de dollars de gaz à la banque A. La filiale, contrôlée
par Enron, reçoit alors un million de dollars de la part de la banque A (un contrat de livraison
de gaz est signé mais cette livraison n'a pas lieu ; seul son paiement est effectué). Enron vend
ensuite pour un million de dollars de gaz à sa filiale. Enron reçoit donc un million de dollars
de cette dernière. Enfin Enron achète à la banque A pour un million cinquante mille dollars de
gaz, et paie en plusieurs fois. La banque A recevra, au terme du processus, un million
cinquante mille dollars (les cinquante mille dollars sont, en réalité, des intérêts).
Quel est le résultat ? L'opération équivaut pour Enron à contracter un prêt d'un million de
dollars auprès de la banque A et le rembourser progressivement avec des intérêts. Mais cela
apparaît dans les comptes comme une opération commerciale, et permet à Enron de se
surendetter sans éveiller les soupçons.
B- Parmalat est une petite firme familiale de distribution de lait pasteurisé établie dans les
environs de Parme dans les années 1960. Elle donnait l’exemple d’une réussite
impulsée par la dynamique de la mondialisation libérale.
Parmalat a été secouée par un scandale financier fin 2003 qui l'a obligée à déclarer
banqueroute. L'affaire Parmalat est une affaire financière italienne qui porte sur un trou de 14
milliards d'euros dans les comptes de l'entreprise. Il s'agit du plus grand scandale financier
connu en Europe.
Environ 135 000 épargnants italiens ont vu leurs économies englouties dans le krach de
Parmalat, en décembre 2003. Avant sa faillite, Parmalat employait plus de 36 000 personnes
dans 30 pays.
(Source : Wikipédia)
L’image des entreprises se trouve donc gravement détériorée, si bien que ces
dernières prennent une série d’initiatives pour réhabiliter et promouvoir leur
respectabilité. Pour l’essentiel, les communicateurs d’entreprises cherchent à
démontrer que celles-ci ont une vision d’affaires qui allie rentabilité et probité
(honnêteté, droiture). Les entreprises commencent alors à publier des codes de
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11. 11
conduite et des chartes éthiques pour mettre en lumière les efforts qu’elles font
pour limiter les problèmes éthiques de tout type : corruption, délits d’initiés2
, la
manipulation des comptes, respect des droits sociaux, lutte contre les
discriminations, etc.
En 1991, un texte de loi américain prévoit de réduire les peines des sociétés
jugées pénalement responsables si elles disposent d’un code de conduite et font
la preuve de leurs actions pour assurer le respect des programmes de conformité
aux normes. Il s’agit d’une obligation de moyen pour obtenir une réduction de la
sanction. Cette loi invite les entreprises à instaurer un code éthique, car ce texte
sert de preuve dans le cadre d’une action en justice qui serait prise contre elles.
Les codes américains possèdent une valeur juridique dont le non-respect
constitue une faute grave pour le salarié, non-respect susceptible d’entraîner son
licenciement.
Le modèle américain des chartes est subordonné à l’existence de dispositifs
juridiques les reconnaissant. C’est une logique qui vise à mettre en conformité
les comportements et les règles de l’entreprise, selon le corpus juridique en
vigueur. Dans ce sens, l’éthique devient un moyen en vue d’une fin donnée. Elle
relève d’une logique utilitariste, la valeur d’une action est fondée sur le principe
d’utilité et non sur des principes posés à priori. Cette doctrine fondée par
Bentham (1768-1832) stipule que les hommes sont régis par la logique égoïste
du calcul des plaisirs et des peines ou par leurs seuls intérêts privés. Dans toute
action les individus cherchent à optimiser leur plaisir, à minimiser leurs
souffrances et à « faire le bien » pour le plus grand nombre. Le critère
d’évaluation de la moralité est l’utilité de l’acte, déterminée par l’ensemble de
2
Un délit d'initié est un délit de marché que commet délibérément un investisseur en valeurs
mobilières en utilisant des informations sensibles, qui lui sont extérieures, qui sont de nature
confidentielles et dont ne disposent pas les autres investisseurs. La communication ou l'utilisation
d'informations privilégiées susceptibles d'avoir un impact sur la tenue du cours de bourse peut
permettre des gains illicites lors de transactions boursières. La dissémination à des fins
d'enrichissement (ou non) de ces informations est interdite par les autorités de contrôle des marchés
financiers, moralement répréhensible.
12. 12
ses conséquences (Stuart Mill, 1838-1873). Cette approche utilitariste est
différente de la conception d’éthique issue de la philosophie morale3
, c'est-à-dire
l’éthique comme démarche stricte de réflexion.
Le courant de la philosophie morale s’oppose à cette approche strictement
utilitariste de l’éthique. Celle-ci n’est ni un devoir, ni une loi, mais un processus
de réflexion, de critique et de justification : raisonner, délibérer et justifier sont
autant d’actions qui font partie de la démarche éthique. Si l’éthique est une
démarche de réflexion, toutes les activités humaines peuvent être interrogées, y
compris les activités économiques, quand bien même celles-ci tendraient à
devenir autonomes et à se prétendre en dehors de la réflexion morale. Parler
d’éthique économique ne vise pas à moraliser l’économie, mais plutôt à en faire
un champ d’investigation intellectuelle dont les ressources théoriques sont
principalement issues de la philosophie morale.
L’éthique conçue par les acteurs d’entreprises est donc très différente de celle
portée par l’approche de la philosophie critique. Elle est employée par les
dirigeants d’entreprises pour affirmer leur caractère vertueux et démontrer qu’ils
agissent de façon rationnelle pour le bien des entreprises, et plus globalement
celui de la collectivité. Dans les entreprises, les communicateurs cherchent à
produire des justifications de leurs « bonnes pratiques », à prouver leur
contribution positive au développement de la société, dans une perspective
instrumentale de ces notions. La RSE devient une affaire de conscience
personnelle des dirigeants et des cadres.
3
La philosophie morale est une branche de la philosophie pratique contemporaine qui a pour objet
l’étude des questions éthiques. On la distingue de l’éthique qui n'est pas une discipline spécifiquement
philosophique mais relève également de l’éthique appliquée et théologique. Alors que la morale se
définit par le caractère obligatoire, marqué par des normes, des obligations, des interdictions
caractérisées à la fois par une exigence d’universalité et par un effet de contrainte.
13. 13
Les interrogations des firmes d’un point de vue strictement moraliste sont
problématiques, puisque les acteurs d’entreprises peuvent être tentés d’ériger en
modèle leurs propres réflexions. Ces prises de position sont susceptibles de
verser dans le paternalisme ou dans une vision de la société que les lois du
marché suffiraient à réguler.
Cette distinction des termes DD, d’éthique et de RSE, n’est généralement pas
faite par les acteurs d’entreprise. Il convient d’aborder la conception qu’en ont
les chercheurs.
II- L’approche gestionnaire de la RSE
Les sciences de gestion investissent progressivement ces notions, mais leurs
approches comportent des limites et méritent un éclairage complémentaire.
1- La théorie des parties prenantes
La théorie des parties prenantes est la plus utilisée pour étudier et comprendre la
RSE ou l’éthique des entreprises. Pour Freeman fondateur de cette théorie, « une
partie prenante est un individu ou un groupe d’individus qui peut affecter ou être
affecté par la réalisation des objectifs organisationnels » (1984, p.46).
Du point de vue microéconomique, cette définition interroge directement la
gouvernance des entreprises. Elle porte sur les objectifs des entreprises et pose
la question des acteurs que celles-ci doivent servir. Cette approche s’est
présentée comme une solution de rechange aux modèles de gestion classique
(Jensen et Meckling pour la théorie de l’agence), lesquels ne considérent que les
relations conflictuelles qu’entretiennent cadres et actionnaires. Les études
classiques se penchent surtout sur les divergences d’intérêts de ceux qui
possèdent la firme (les actionnaires) et de ceux qui la gèrent (les cadres). Selon
cette perspective, le gouvernement de l’entreprise n’est appréhendé que sous le
prisme de cette relation contractuelle bilatérale. La frontière organisationnelle
14. 14
de l’entreprise est alors limitée à une intégration stratégique d’un seul groupe
d’agents (les actionnaires) et se réduit à la définition de dispositifs censés
contraindre les cadres à agir dans l’intérêt des actionnaires, à les rassurer, à
maintenir une relation de confiance par la production et la diffusion de discours
accompagnant les « dispositifs de rassurance ». ces dispositifs sont des supports
de légitimation du pouvoir au sein de l’entreprise et visent à rassurer les
actionnaires au sujet d’éventuels conflits d’objectifs entre ces deux groupes
d’acteurs. L’enjeu consiste à démontrer que le comportement des cadres ne
portera pas atteinte aux objectifs de maximisation de la rentabilité de
l’entreprise.
La théorie des parties prenantes conteste cette représentation classique de
l’entreprise. Elle souligne le fait que bien d’autres partenaires ont une légitimité
à exercer le pouvoir dans l’organisation : les parties prenantes internes (salariés
et syndicats), les partenaires opérationnels (clients, fournisseurs, sous-traitants,
banques et compagnies d’assurance) ou la communauté sociale (pouvoirs
publics, syndicats professionnels ou interprofessionels, ONG et société civile).
1.1 L’intérêt de la théorie des parties prenantes
Le premier intérêt de cette théorie est qu’elle dépasse les questions relatives aux
décisions strictement comptables et financières. Elle prend en compte l’entité
collective, productrice d’externalités positives (création d’emploi, etc.) et
négatives (pollution, impacts sociaux, etc.). De plus, elle laisse penser que
l’entreprise ne peut s’exonérer de certaines pratiques : exploiter les fournisseurs
et les sous-traitants, pénaliser certaines collectivités territoriales en licenciant
des salariés ou en délocalisant des unités de production, etc. Cette intégration
des parties prenantes est intéressante parce qu’elle met en lumière la nécessité,
pour l’entreprise, de rendre des comptes à un public élargi quant à ses activités
ayant un impact social, économique ou environnemental.
15. 15
Son second intérêt est qu’elle aide à identifier les acteurs (sociaux et
entrepreneuriaux) qui gravitent autour de l’entreprise. Ceux-ci produisent les
discours liés à la responsabilité de l’entreprise et visent à rendre des comptes, à
justifier des actes et décisions, à produire des normes morales et à conserver les
valeurs dominantes de la société. La formalisation et la production de codes de
conduite, de chartes et de discours sur l’engagement en matière de RSE
constituent pour l’entreprise l’occasion de montrer son attachement à certaines
règles que respectent les parties prenantes. Ces documents ne visent pas la
société dans son intégralité, mais différents groupes d’acteurs aux intérêts et
logiques divers.
1.2 Les critiques formulées à l’encontre de la théorie des parties prenantes
Premièrement, la définition initiale des « parties prenantes » donnée par
Freeman, « tout groupe d’individus qui peut affecter ou être affecté par la
réalisation des objectifs de l’entreprise », est jugée trop imrécise. A partir de
considérations éthiques, on serait tenté d’affirmer que le monde entier est une
partie prenante. Il reste alors à préciser les critères utilisés pour sélectionner les
parties prenantes et exclure les acteurs qui n’ont rien à prendre ni rien à perdre.
Dès lors, qui sélectionne ? Qui a la légitimité de juger de la nécessité de prendre
en considération telle ou telle catégorie d’acteurs plutôt qu’une autre ? quels
sont les critères retenus pour définir ces catégories d’acteurs ? Les réponses à
ces questions sont complexes et les fondements théoriques disponibles sont
embryonnaires. Cette confusion conceptuelle se manifeste concrètement dans le
fait que l’expression « partie prenante » revêt parfois un sens managérial. Dans
d’autres cas, elle constitue un outil d’analyse de l’environnement
organisationnel ou une théorie descriptive du fonctionnement de l’entreprise.
Enfin, dans un dernier cas, elle est présentée comme une théorie de rechange de
la firme souhaitant se donner des objectifs organisationnels pour y intégrer une
dimension éthique.
16. 16
Deuxièment, cette approche reste dominée par une conception financière et
économique de l’entreprise. D’une part, l’intégration des parties prenantes est
partielle, d’autre part, elle n’est envisagée que sous l’angle économique.
D’ailleurs, l’intégration des parties prenantes est dite « stratégique » parce que
celles-ci affectent la performance des entreprises ou peuvent nuire à
l’organisation. D’ailleurs, les salariés prennent rarement part à la gouvernance
des entreprises. Si leurs intérêts sont reconnus comme légitimes, il ne leur est
pourtant pas accordé de « droit à la gouvernance ».
Troisièmement, cette théorie est fortement influencée par la recherche
managériale américaine qui insiste sur l’idée selon laquelle l’efficacité
économique serait liée à l’intégration stratégique d’un public plus large, c'est-à-
dire l’ensemble des parties prenantes qui gravitent autour de l’entreprise, et pas
seulement les actionnaires. En outre, il est reproché à Freeman de trahir son
point d’appui théorique. En effet, il défend une vision réformiste de l’entreprise
au sens où il souhaite amener de nouveaux représentants de la société civile aux
conseils d’administration des grandes entreprises américaines de façon à faire
évoluer la vision actionariale des firmes en vision partenariale. Il justifie sa
proposition en s’appuyant sur la théorie de la justice de Rawls (1993, 1971). Or,
cette théorie politique est conçue à l’échelle de la société, puisqu’elle cherche à
faire émerger les principes sur lesquels les institutions fondamentales peuvent se
baser pour garantir une société juste. La théorie de Freeman est donc remise en
cause : la transposition d’une théorie politique sur la société au champ
économique, plus précisémment à celui de l’entreprise, pose problème. On ne
peut transposer une théorie de la justice idéaliste conçue à l’échelle de la société
à l’entreprise, dont les finalités sont différentes.
Un dernier problème que pose la théorie des parties prenantes tient à ce qu’elle
laisse penser que les intérêts économiques sont conformes à ceux des différentes
parties prenantes. Cela légitime implicitement l’influence et l’aspect central de
17. 17
l’entreprise dans la société. Dans ce sens la théorie des parties prenantes prend la
forme d’un habillage qui masque les rapports de force présents et difficiles à
assumer publiquement.
En désignant les salariés, les fournisseurs ou les clients comme parties
prenantes, on glisse d’une vision conflictuelle des relations de l’entreprise avec
son environnement à une vision partenariale.
Ces diverses critiques de la théorie des parties prenantes n’empêchent pas le fait
que celle-ci comporte un réel intérêt pour les études portant sur la RSE.
28. La responsabilité sociale de l’entreprise au Maroc:
une étude empirique auprès des petites et moyennes
entreprises de la région de Fes Boulemane
Mohamed M’HAMDI
Professeur
Université Sidi Mohamed Ben Abdellah, Fès, Maroc
mham_moha@yahoo.fr
Sabah TRID
Docteure en économie et professeure
Lycée technique, Fès, Maroc
RÉSUMÉ
Au Maroc, le débat sur la responsabilité sociale des entreprises est aujourd’hui omniprésent,
tant dans les discours du milieu des affaires que dans celui des chercheurs académiques.
L’intérêt qui s’attache à ce sujet relève du fait que le Maroc joue pleinement la carte
d’ouverture et de modernité et des avantages que les PME y trouvent pour l’amélioration de
leur compétitivité et du développement durable de leur milieu. La vague de RSE qui emporte
les grandes entreprises et particulièrement les entreprises mondialisées, a déjà commencé à
déferler le long de leur chaîne de valeur. Intégrées dans ces chaînes de valeur, les PME
devront non seulement être en mesure d’intégrer les principes de la RSE, mais aussi d’en
rendre compte de façon assez crédible. Au Maroc, généralement et, dans la région de Fès-
Boulemane, en particulier, les secteurs d’agroalimentaire, du textile-habillement et de
l’artisanat constituent les piliers de l’économie et sont quasi-totalement organisés dans des
PME. L’objectif de notre recherche est d’appréhender la manière avec laquelle les dirigeants
de ces entreprises sont prédisposés à assumer un rôle responsable.
MOTS CLÉS
Éthique et responsabilité sociale des entreprises − Écologie et développement durable
29. « La vulnérabilit é des TPE et des PME dans un environnement mondialisé », 11es
Journées
scient ifiques du Réseau Ent repreneuriat , 27, 28 et 29 mai 2009, INRPME, Trois-Rivières, Canada
La responsabilité sociale de l’ entreprise au Maroc : une étude empirique auprès des petites et
moyennes entreprises de la région de Fes Boulemane
2
INTRODUCTION
L’intérêt pour le concept de responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) s’est accru au cours
des dernières années, tant d’un point de vue théorique, pour expliquer ce constat,
qu’opérationnel, dans les efforts soutenus des différentes parties prenantes dans l’entreprise,
pour se doter d’indicateurs de performance à long terme (Tchankam et Estay, 2004). Chaque
entreprise, au regard de sa direction stratégique spécifique, possède un ensemble unique de
parties prenantes. La théorie des parties prenantes permet de décrire et parfois même
d’expliquer les comportements ou les décisions spécifiques d’une entreprise vis-à-vis de cet
ensemble unique. D’après Ackermann et Eden (2003), prêter attention aux parties prenantes
pourrait avoir un effet prépondérant sur la probabilité et la faisabilité des stratégies de
l’entreprise, mais la gestion des parties prenantes ne sera pas la même en fonction du type
d’entreprise. Malgré la spécificité de la gestion des parties prenantes, les travaux en RSE
n’apportent jusqu’à présent que peu d’éclairage sur la responsabilité sociale des PME. En
effet, la notion a été conçue pour les grandes entreprises (GE) et la recherche s’est
principalement focalisée sur le comportement des grandes firmes multinationales, négligeant
ainsi la population des PME.
Malgré leur importance en termes d’impact global et bien qu’il y ait un intérêt croissant pour
l’étude de la RSE, les PME n’ont reçu que peu d’attention comme objet de recherche en RSE.
On peut donner comme principale raison l’impact individuel insignifiant des petites
entreprises. En effet, quand elles sont considérées individuellement, les PME ont un impact
bien moins spectaculaire que celui des grandes entreprises dont les conséquences d’une seule
décision peuvent être dévastatrices. Les PME ont jusqu’alors plutôt été encouragées à être
spectatrices de l’activisme social et à se concentrer sur le fait d’éviter un comportement
socialement irresponsable. Les PME marocaines sont confrontées à un nouveau contexte pour
le développement de leurs activités. La mondialisation de l’économie pose un ordre marqué
par un marché ouvert dans lequel la permanence et la compétitivité des entreprises passe par
l’innovation technologique et organisationnelle comme facteur de différenciation face à
d’autres économies caractérisées par des coûts inférieurs de la main d’œuvre. Dans ce cadre,
les opportunités et les contraintes pour une intégration de la responsabilité sociale des
entreprises au Maroc sont nombreuses. L’objectif de cette recherche va au delà de la seule
reconnaissance de la pertinence de l’étude de la responsabilité sociale des PME et consiste à
explorer les représentations de dirigeants de PME sur leur connaissance en matière de RSE.
Cette recherche est dans ce sens un premier pas pour voir le concept RSE sous l’angle PME et
mieux comprendre comment les parties prenantes sont intégrées dans ce concept.
La question centrale de notre recherche porte sur la manière dont les dirigeants de PME
perçoivent le concept de RSE. Le choix des dirigeants se justifie par plusieurs raisons.
L’acteur le plus prisé pour la recherche en PME est incontestablement le dirigeant, souvent
dirigeant-propriétaire voire entrepreneur. L’importance du dirigeant dans le cadre de la
recherche en PME a été régulièrement relevée dans la littérature (Julien et Marchesnay, 1992).
Cette approche paraît d’autant plus légitime si l’on considère la place de choix des dirigeants
de PME dans le fonctionnement de leur entreprise. Le dirigeant de PME est un acteur central
dans la firme. Il est à la source des croyances dominantes de l’entreprise ce qui le distingue
fondamentalement de tous les autres acteurs. La première partie est consacrée à un état de
l’art autour de la RSE. Cette partie vise à mettre en revue l’émergence et les définitions du
concept, ainsi que le cadre de la RSE au Maroc. La seconde partie empirique présente et
30. « La vulnérabilit é des TPE et des PME dans un environnement mondialisé », 11es
Journées
scient ifiques du Réseau Ent repreneuriat , 27, 28 et 29 mai 2009, INRPME, Trois-Rivières, Canada
La responsabilité sociale de l’ entreprise au Maroc : une étude empirique auprès des petites et
moyennes entreprises de la région de Fes Boulemane
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discute les résultats de l’enquête empirique sur le comportement envers la responsabilité
sociale des dirigeants des PME marocaines.
1. CADRE CONCEPTUEL DE LA RECHERCHE
1.1. Émergence du concept
Étymologiquement, le terme « responsabilité » trouve son origine dans le droit. Du latin
spontio, lui-même décalqué du grec spondé, signifie promesse solennelle génératrice
d’engagement (Tchankam et Estay, 2004). Aujourd’hui, toutes les confusions que l’on
rencontre, y compris dans l’entreprise, sont liées au malentendu entre la conception juridique
et l’acception morale du concept. En droit, la responsabilité présente un contenu négatif. Il y
a, par ailleurs, opposition entre la responsabilité juridique et morale ou managériale. Dans le
dernier cas, être responsable signifie répondre de ses actes, de ses décisions et de leurs
conséquences devant autrui. On ne répond plus parce qu’on est contraint, mais parce qu’on
décide de le faire. L’idée de responsabilité sous-entend la présence de l’autre et signifie une
volonté de répondre de ses actes. En RSE, le terme de responsabilité est à comprendre dans le
sens de responsabilité subjective qui est un jugement moral plutôt qu’une obligation. C’est le
sentiment d’obligation qu’a le dirigeant d’agir d’une certaine façon. On tient compte ici de
l’intentionnalité exprimée par le dirigeant d’avoir un comportement social. Être responsable
c’est assumer les conséquences de ses actes et accepter d’en rendre compte. Le terme de
responsabilité a pris un sens plus philosophique et est devenu synonyme d’engagement. Agir
de manière responsable signifie alors réfléchir aux conséquences des actions sur soi-même et
autrui (Delphine, 2008).
La notion de responsabilité a passé par trois phases essentielles. Dans la première phase,
l’accent a été mis sur la responsabilité face à l’acte, ce qui induit l’idée d’une réparation dans
le cas où l’acte est dommageable. Dans la seconde phase, la responsabilité est située face au
risque, ce qui entraîne l’idée de prévention des accidents, des mesures et des dangers. Enfin,
une troisième qui place la responsabilité face à l’exigence de sécurité traduisant une défiance
face aux dangers d’un monde dont l’évolution échappe à la maîtrise de l’humanité et qui
conduit à la mise en place du principe de précaution (Ewald, 1997). Le mot « social »
recouvre plusieurs sens qui rendent ambiguë la notion de « responsabilité sociale ». Puisque
cela s’applique à l’entreprise, le concept de RSE a été restreint au champ des relations
employeurs-salariés, excluant les autres dimensions qui ont trait au développement durable.
C’est ainsi que le concept »sociétal » est utilisé dans le but de différencier ce qui est lié à la
société au sens large de ce qui est lié aux relations employeurs-salariés. En effet, le terme
sociétal semble être un consensus qui satisfait aux différentes significations du terme anglais
social. Le terme sociétal reflète l’ensemble de la société y compris l’environnement, alors que
le terme français social peut, en plus des relations sociales, omettre le plan environnemental et
renvoyer à un système de politique social (Cazal et Dietrich, 2005). Selon Capron et Quairel-
Lanoizelée, l’usage courant tend de plus en plus à comprendre le terme « social » (dans le
contexte de RSE) dans son sens original tiré de l’anglo-américain qui englobe les aspects
sociétaux.
1.2. Définitions de la RSE
En dépit des importantes contributions des dernières décennies, il n’existe toujours pas de
définition stricte de la RSE. Depuis déjà plus de 50 ans, les praticiens et la recherche
31. « La vulnérabilit é des TPE et des PME dans un environnement mondialisé », 11es
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académique cherchent à comprendre et à analyser la responsabilité sociale des entreprises.
Des auteurs comme Bowen (1953) et Carroll (1979) se sont penchés sur la thématique et ont
gagné en reconnaissance grâce à leurs recherches relatives à la RSE. Même si son
développement n’est pas nouveau, la RSE n’a jamais été aussi populaire. Le phénomène a pris
de l’importance au fil des années et occupe aujourd’hui sa place au cœur de la stratégie
d’entreprise (Capron et Quairel-Lanoizelée, 2007). Bowen part du constat que les entreprises
sont des centres vitaux de décision et de pouvoir, et que leurs actions touchent la vie des
citoyens dans de nombreux domaines. Il en conclut que les entreprises sont responsables de
leurs actions dans une sphère plus large que la simple sphère économique. Son ouvrage vise à
sensibiliser les hommes d’affaires aux valeurs « considérées comme désirables dans notre
société ». Le concept de RSE s’est construit progressivement, passant d’une phase à une
autre. Il passe par une catégorisation des responsabilités puis par une interrogation sur la
manière d’agir. Dans ce sens, si pour les uns, la responsabilité n’est qu’économique, pour les
autres, elle va au-delà de la loi. En revanche, la troisième partie du tableau s’intéresse
davantage à ce que Bauer et Ackerman (1976, cité par Carrol, 1979) appellent la « stratégie de
réponse » puisque l’interrogation ne porte plus sur les domaines d’application du concept,
mais sur les réponses que les entreprises sont capables d’apporter aux pressions sociales.
Carrol a défini le concept de RSE comme un ensemble d’obligations vis-à vis de la société.
L’auteur distingue quatre types d’obligations : économiques (être profitable, fabriquer des
produits respectant des normes da qualité,..), légales respecter les lois et réglementations),
éthiques (agir conformément à des principes moraux partagés au sein de la société) et
philanthropiques (agir avec bienfaisance et charité). La définition de Carrol est considérée
comme fondatrice des approches théoriques (Attarca et Jacquot, 2005).
Une autre voie de réflexion va se développer au moment de l’émergence de la notion de CSP,
dans le prolongement du débat sur la pertinence respective des notions de responsabilité et de
sensibilité sociale. Cette nouvelle approche va se focaliser sur le concept de « rectitude ».
Cette troisième « phase » recouvre la notion de justesse, de droiture des actions menées et des
décisions prises. Il est, en effet, question pour l’entreprise de se référer à la culture éthique en
reconnaissant, d’une part, sa place – centrale – au sein du management et en essayant
constamment, d’autre part, d’aligner ses actions en cours et à venir sur les valeurs fondatrices
de celle-ci. Le concept passe ainsi d’une réflexion sur les moyens d’action à une réflexion sur
la nécessité de se référer à l’éthique. La RSE couvre les questions sociales et
environnementales. C’est une vision élargie du référentiel classique de responsabilité de
l’entreprise qui intègre des contraintes de protection de l’environnement et le respect de règles
d’équilibre de la société civile en plus des responsabilités concernant la gestion des ressources
humaines (Allouche et al., 2004). La responsabilité sociale fait l’objet d’une attention accrue
de la part de nombreuses organisations internationales de nature très diverse. A défaut d’un
consensus sur la notion de responsabilité sociale, nous proposons de partir des documents
officiels, émanant de ces organisations.
La plupart des définitions de la responsabilité sociale des entreprises décrivent ce concept
comme l’intégration volontaire des préoccupations sociales et écologiques des entreprises à
leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes. Être socialement
responsable signifie non seulement satisfaire pleinement aux obligations juridiques
applicables, mais aussi aller au-delà et investir «davantage» dans le capital humain,
l’environnement et les relations avec les parties prenantes (Commission Européenne, 2001).
La commission européenne définit le concept de RSE comme « l'intégration volontaire par les
entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et
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leurs relations avec leurs parties prenantes ». Dans le même ordre d'idées, le WBCSD (World
Business Council for Sustainable Development) parle de « contribution des entreprises au
développement économique durable, travaillant avec les employés, leurs familles, la
communauté locale et la société au sens large pour améliorer leur qualité de vie ». La plupart
de ces définitions accordent une place à la notion d’engagement de l’entreprise, et spécifient
que cet engagement doit aller au-delà des obligations et des attentes légales. Cependant, ces
approches divergent quant à leur approche de la structure de la RSE, et les axes privilégiés par
les organismes ne sont pas toujours les mêmes. Ainsi, les institutions à caractère plus
international auront tendance à privilégier les relations avec la communauté locale et les
familles des employés (WBCSD), renvoyant à des problèmes plus spécifiques tels que le
travail des enfants. L’impression d’ensemble qui se dégage de ces définitions est le caractère
en partie contingent du contenu de la RSE en fonction du niveau où se situe l’organisation
(secteur / niveau national ou international) et de ses problématiques propres.
2. LES LEVIERS DE LA RSE AU MAROC
2.1. Le contexte économique
L’un des défis générés par la mondialisation consiste à préparer les meilleures conditions
d’accueil de l’investissement direct étranger sans céder à une concurrence au détriment des
droits fondamentaux. A l’instar de nombreux pays, le Maroc a engagé des réformes destinées
à mettre à niveau ses services publics et les conditions d’accueil de l’investissement. En
particulier, la législation du travail a fait l’objet d’une actualisation et d’une codification dans
le cadre d’un dialogue social qui a profondément modifié l’environnement global des rapports
collectifs du travail. Les partenaires sociaux y sont parvenus à un consensus qui consolide les
droits fondamentaux et admet une certaine souplesse dans les relations individuelles de
travail. La promotion de la RSE renforce ces aspirations partagées et appuie les efforts
déployés pour attirer l’investissement direct étranger. Elle vise en particulier les capitaux
soucieux, non seulement de rentabilité, mais également de l’impact de leurs activités sur le
milieu d’implantation. Elle est aussi de nature à promouvoir les potentialités d’exportation et
de partenariats entre les entreprises marocaines et leurs homologues étrangères.
Les accords d’association et de libre échange conclus par le Maroc sont d’ailleurs très
sensibles à ces options. Se limitant généralement à prévoir le respect des droits humains
notamment au travail pour éviter toute analogie avec la « clause sociale », ils invoquent
néanmoins « le rapprochement des législations », comme c’est le cas de l’accord d’association
avec l’Union Européenne, ou le respect de bonnes conditions de travail et de rémunération,
dans le cas de l’accord de libre échange avec les États-Unis, lequel prévoit d’ailleurs des
procédures de consultation bilatérale pour traiter les problèmes en matière de travail. Au sujet
des principaux thèmes couverts par la RSE, de manière générale et par les dix principes
retenus par le Pacte Mondial, en particulier, l’environnement juridique et institutionnel
marocain enregistre une évolution très nette, qui s’appuie largement sur la persuasion, le
dialogue et des mesures institutionnelles de promotion.
2.2. Le code du travail
Mis en vigueur depuis juin 2004, le code du travail (Bulletin officiel n°5210, 2004) se
caractérise par sa conformité avec les principes de bases fixés par la Constitution marocaine et
avec les normes internationales telles que prévues dans les conventions des Nations unies et
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ses organisations spécialisées en relation avec le domaine du travail. Les entreprises attachées
à la RSE trouvent dans ce code d’abord les normes obligatoires dont le respect s’impose à
tous et en tête desquelles on trouve les droits et les principes fondamentaux au travail ainsi
que les mesures relatives à la santé au travail, au licenciement, à la durée du travail et aux
salaires; mais aussi, les instruments destinés à adapter ces dispositions à leurs propres
pratiques et à les promouvoir dans des secteurs voisins, tels que celui de l’environnement, des
droits humains et de la transparence: règlement intérieur, comité d’entreprise, comité
d’hygiène et de sécurité, accord d’entreprise, convention collective de branche… etc.
Cependant, le nouveau code du travail est incomplet et certaines catégories de travailleurs
restent en dehors de toute protection juridique : les bonnes travaillant à domicile, les salariés
de l’artisanat traditionnel. D’autres catégories de travailleurs continuent d’être régis par une
législation autonome du code : les fonctionnaires et agents des administrations publiques, les
employés des entreprises et établissements publics, les journalistes... En outre, le nouveau
code du travail n’englobe pas la formation professionnelle, la sécurité sociale, la protection
sanitaire ni les maladies professionnelles. Dans le domaine syndical, la principale défaillance
est que le nouveau code du travail n’intègre nullement les stipulations de la convention 135 de
l’OIT concernant la protection des représentants des travailleurs et cela malgré l’engagement
formel du gouvernement à ratifier cette convention.
2.3. Le droit de l’environnement
Il constitue de son côté, un levier pour le développement durable de nature à soutenir la
responsabilité sociale de l’entreprise et à faire bénéficier le milieu de ses activités (dahir n°1-
03-59, 2003). En effet, la loi 11-03 relative à la protection et à la mise en valeur de
l’environnement définit les fondements de la politique nationale en la matière qui rencontrent
parfaitement les préoccupations universelles visant à :
− Protéger l’environnement contre toutes formes de pollution et de dégradation, quelle
qu’en soit l’origine;
− Améliorer le cadre et les conditions de vie de l’homme;
− Définir les orientations principales du cadre législatif, technique et financier, concernant la
protection et la gestion de l’environnement.
La politique qu’elle sous tend conçoit la protection et la mise en valeur de l’environnement
comme une utilité et une responsabilité publiques et collectives à la fois, intégrées à la
politique de développement économique, social et culturel. C’est pourquoi, sa mise en œuvre
et son développement sont basés sur la participation, l’information et la détermination des
responsabilités. Ses dispositions relatives notamment aux documents d’aménagement, aux
établissements classés, à la protection de la nature et des ressources naturelles ainsi qu’aux
pollutions et nuisances s’adressent autant aux autorités législatives et réglementaires dans leur
production normative, qu’aux différents opérateurs et acteurs qui agissent directement sur le
milieu pour le mettre en valeur et le développer. L’entreprise est ainsi désignée, non
seulement pour conformer sa conduite au droit en vigueur et aux principes « usager payeur »
et « pollueur payeur » qui sont expressément inscrits dans la loi, mais aussi pour adapter
volontairement ses activités et celles de ses partenaires aux finalités poursuivies par cette loi.
En particulier, lorsque son milieu d’implantation manque d’infrastructures appropriées et que
les moyens institutionnels de surveillance, d’alerte et de formation sont insuffisants, elle est
appelée à suppléer aux carences constatées, à introduire les meilleures pratiques et à
promouvoir la protection de son environnement. De tels engagements volontaires qui
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s’inscrivent à la fois dans l’esprit de cette loi et dans les mécanismes d’accompagnement,
notamment financiers (Fond de dépollution : FODEP) constituent des atouts essentiels pour
l’accompagnement de la RSE. Cette législation trouve son prolongement dans la loi 13-03
relative à la pollution de l’air ainsi que dans la loi 12.03 relative aux études d’impact sur
l’environnement qui sont animées toutes deux du même esprit de participation et d’ouverture
aux meilleures pratiques environnementales.
3. CADRE METHODOLOGIQUE ET RÉSULTAS
3.1. Méthodologie
Le questionnaire a été le moyen retenu pour obtenir les informations voulues auprès des
entreprises dans la région de Fès-Boulemane. Il permet de rejoindre un nombre important
d’entreprises. Le questionnaire comporte cinq grandes thématiques. La première sert à
identifier les caractéristiques de l’entreprise. La seconde a pour objet de mettre le point sur la
perception et la connaissance de la RSE pour l’entreprise marocaine, les moteurs et les freins.
La troisième thématique met l’accent sur les aspects liés à la dimension interne de la RSE
(Recrutement, formation, conditions de travail, …). Quant à la quatrième, elle a pour objectif
d’identifier es aspects liés aux relations avec les partenaires extérieures, notamment les
clients, les fournisseurs et la communauté locale. La dernière partie du questionnaire permet
de mettre le point sur l’aspect environnemental de la RSE. La région de Fès-Boulemane est
l'une des seize régions du Maroc. Elle se situe dans le nord du pays, et inclut une partie du
Moyen Atlas. Sa superficie est de 20 318 km² soit 2,85% de la superficie totale du Royaume.
La population est de 1 573 055 habitants soit 5,26% de la population totale du pays. La
population est au deux tiers urbaine, la capitale est la ville de Fès et environ 1 million est
concentré au niveau de cette ville.
Les secteurs primaires, secondaires et tertiaires représentent respectivement 26,1%, 33,4% et
38,7% des emplois. Le taux d'activité est de 55,6% et le taux de chômage de 7,2%. Le taux
d'activité urbain est assez important par rapport au niveau national et se classe deuxième
derrière Casablanca qui est à 47,6%. A L’échelle nationale, le tissu industriel est composé de
nombreuses petites filières dominées par trois principales : l’agroalimentaire, le textile et
l’artisanat. Celles-ci représentent, 70% du produit intérieur brut industriel, 90% des emplois et
plus de 80% des exportations. Le tissu industriel de la région de Fès-Boulemane compte 619
établissements ouvrant dans des secteurs diversifiés couvrant l’ensemble de la chaîne de
production.
Ces trois secteurs confèrent à la région une place importante dans le tissu industriel au Maroc.
Elle est la troisième après les régions du Grand Casablanca et de Rabat-Zemmour- Zaeir.
En ce qui concerne le déroulement de l’étude, au départ, nous avons pu contacter 60
entreprises par appels téléphoniques, ceci nous a permis d’éviter des déplacements inutiles et
de nous assurer des réponses. Nous avons retenu l’accord de 47 entreprises. Il s’agit de 20
entreprises agroalimentaires, 15 du textile habilement et 12 du secteur d’artisanat. A la suite
de ces appels téléphoniques, les questionnaires ont été déposés auprès des entreprises ayant
accepté notre demande. Au total 41 questionnaires ont été retournés, dont 35 étaient valides.
(15 du secteur agroalimentaire, 13 du Textile-habillement et 7 de l’artisanat). Le taux de
réponse de 58 % nous apparaît très satisfaisant, compte tenu de la longueur du questionnaire,
de la réticence et de la non implication des répondants.
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3.2. Les résultats de l’étude
3.2.1. Connaissance et perception de la RSE
Nous avons demandé aux dirigeants des entreprises s’ils connaissent ou non la RSE. A cet
effet, 62,9% des dirigeants déclarent connaître la RSE. Selon le secteur d’activité, ce sont
presque tous les propriétaires des entreprises artisanales qui ne connaissent pas la RSE; un
seul réclame reconnaître le terme. C’est un jeune dirigeant qui a suivi es études supérieures
dans le domaine.
Les taux de réponses sont beaucoup moins élevés lorsqu’il s’agit de la connaissance des
institutions qui aident à mettre en place des démarches RSE (70,4 % des entreprises déclarent
ne pas en connaître). Il en va de même pour la connaissance des référentiels qui permettent
d’implanter des démarches RSE (près de 77 % des entreprises ne les connaissent pas). Toutes
les entreprises ont affirmé percevoir la RSE comme un atout. Un petit nombre la considère
comme une contrainte. S’agissant des avantages ou des bénéfices retirés des actions de type
RSE, les phénomènes les plus cités sont: la fidélisation des consommateurs et clients ( 85,7
%), meilleures relations avec les fournisseurs et les donneurs d’ordre ( 80% ). Viennent
ensuite, dans l’ordre, les bonnes relations avec l’environnement local (cité par 57,1 % des
répondants), l’amélioration des relations avec les partenaires sociaux (51,4 %), les
performances économiques améliorées (42,9 %). Pour ce qui est des freins à la mise en œuvre
de la démarche de RSE, le taux de réponse le plus élevé (62,9 % des répondants) a trait à
l’idée que les entreprises manquent de moyens financiers. Viennent ensuite « le manque de
temps » (54,9 % des répondants) et l’idée que les entreprises « se concentrent sur la pérennité
économique de l’entreprise » (45,7%). Peu d’entreprises voient dans la RSE comme un levier
d’amélioration direct des performances économiques de l’entreprise et beaucoup de managers
sont sans doute pris par le management au quotidien. Ils ne semblent pas capables de libérer
du « temps » pour intégrer pleinement les activités RSE à leur vision du développement de
l’entreprise.
3.2.2. Aspects liés à la gestion des ressources humaines
En ce qui concerne la politique de recrutement, l’enquête montre que 65,7 % des dirigeants
affirme avoir une démarche de recrutement. Néanmoins, ils réclament ne pas disposer d’une
politique de recrutement des jeunes sans expérience ou des handicapés. Pour le recrutement
externe, les entreprises, quelque soit leur taille et quelque soit leur secteur, recourent aux
demandes d’emploi présentées directement par les postulants ou recommandées par des
intermédiaires (proches, amis,…). En outre, la majorité des entreprises ont une préférence
pour le recrutement des femmes dans la chaîne de production. Seules les entreprises
artisanales recourent au recrutement des hommes. Ceci s’explique par le manque
d’établissements de formation dans l’artisanat. Ces entreprises recrutent généralement les
enfants qui quittent l’école. En matière de formation, la quasi-totalité des entreprises soit 88,6
%, déclare accorder le droit à la formation de leur personnel. Ces entreprises établissent un
plan de formation qu’elles réalisent en collaboration avec l’OFPPT ou avec d’autres
organismes de formation publics et privés. Toutes les entreprises artisanales affirment assurer
une formation sur le tas ou dans la branche d’activité. Par ailleurs, la quasi-totalité, des
dirigeants, soit 86,7%, déclare disposer de normes de sécurité et d’hygiène formalisées.
Depuis l’entrée en vigueur de l’AMO (assurance maladie obligatoire) en 2005, davantage de
PME disposent de cette couverture. Ainsi, sur les 35 entreprises de l’échantillon, les 30
entreprises qui disposent uniquement de l’assurance maladie auprès de la CNSS ne
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recourraient probablement pas auparavant aux services des assureurs privés, alors que 6
entreprises ont ajouté l’AMO à leur ancienne assurance privée. En ce qui concerne la
catégorie de personnel bénéficiant de l’assurance, seulement 65,7% de l’échantillon assure
une couverture maladie à l’ensemble de leur personnel. Les cadres bénéficient d’ailleurs de
l’assurance. Vue le caractère saisonnier des activités, les entreprises déclarent ne pas faire
bénéficier tous leurs employés. De même, beaucoup d’entreprises (94,3%) ne déclarent pas la
totalité de leurs effectifs. Avant de passer à l’étape de la responsabilité sociale, c’est là où
l’effort devrait se focaliser : respecter le salaire minimal, payer les impôts et les assurances
sociales. Au Maroc, les salariés peuvent être représentés soit par les délégués du personnel
soit par les syndicats. Les premiers sont obligatoires dans les établissements employant au
moins dix salariés permanents. Sur les 35 entreprises étudiées, 31, soit 88,6 % ne connaissent
aucune présence syndicale déclarée. La raison s’explique par l’importance du sexe féminin
qui, selon les dirigeants sont « rigoureuses » et ne s’intéressent pas au syndicalisme et par
l’ignorance des employés surtout dans l’artisanat.
3.2.3. Relations avec les parties prenantes
Les parties prenantes qui sont concernés par notre enquête sont surtout les clients, les
fournisseurs et la communauté locale vu leur influence. L’étude montre que toutes les
entreprises du textile-habillement exportent la totalité de leur production. Un taux de 85% des
entreprises agroalimentaires s’oriente vers l’export, et 90% d’entre elles exportent la totalité
de leur production. Viennent en troisième position, les entreprises artisanales dont 40%
seulement exporte entre 50% et 60%. Les échanges commerciaux sont principalement réalisés
avec les pays de l’Union Européenne (près de 65% du commerce extérieur marocaine). La
France demeure le premier client pour 68,6% des entreprises, suivie de l’Espagne. Dans le but
de pouvoir répondre aux besoins et aux exigences de ces clients, 80% des entreprises, selon
l’enquête, déclarent disposer d’un service commercial (marketing). Les dirigeants sont à
l’unanimité d’accord sur l’effet positif de leur échange avec leur clientèle. Les fournisseurs
des entreprises enquêtées sont régionaux, nationaux et internationaux. Par secteur, l’enquête
montre que les fournisseurs sont internationaux et sont exclusivement des donneurs d’ordre.
La France occupe la première place pour 60% des entreprises, suivie de l’Espagne avec 35%.
Les fournisseurs des entreprises agroalimentaires et artisanales sont régionaux (91%),
nationaux (54,5%) et internationaux (45,5%). La France est le premier fournisseur étranger
avec 86,7 % pour l’agroalimentaire et 71,4 % pour l’artisanat. Au niveau de la relation avec la
communauté locale, l’enquête révèle que 20% seulement entretiennent des relations avec la
communauté locale, ce sont surtout des firmes agroalimentaires. Ces relations prennent la
forme d’aides aux associations, de financement de certaines manifestations culturelles et
sportives. Les entreprises impliquées notamment dans manifestations scientifiques sont celles
dont les propriétaires sont des membres des instances universitaires (Conseils des facultés,
conseil de l’université). Il est important de souligner que cet esprit ne s’inscrit pas dans une
stratégie volontaire de RSE, mais plutôt dans les convictions personnelles des dirigeants qui
désirent le bien faire pour le monde qui les entoure. Cependant, et généralement, ces
dirigeants se manifestent lorsqu’on frappe à leur porte. Les entreprises artisanales
n’entretiennent aucune relation avec leur milieu externe. Elles ne disposent pas de moyens
financiers leur permettant de s’engager dans ces actions.