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RDSS
RDSS 2015 p.579
Le régime des retraites de l'État ou l'ambivalence d'une intégration budgétaire (1)
Luc Pierron, Conseiller au cabinet du Président, MGEN
Lorsque l'on évoque l'existence de régimes spéciaux de retraite, celui des fonctionnaires de l'État est le premier à venir à
l'esprit. Différentes raisons expliquent ce conditionnement pavlovien. L'argument politique d'abord : des voix s'élèvent
régulièrement pour dénoncer la supposée iniquité des travailleurs publics et privés devant la protection sociale, et plus
particulièrement la couverture vieillesse. L'argument économique ensuite : en 2013, le régime des retraites de l'État
versait 51,2 Md € de prestations à près de 2,3 millions de pensionnés (2), ce qui, par ordre d'importance, la classe au
deuxième rang au sein de la branche vieillesse, juste derrière le régime général. L'argument technique enfin : les retraites
dans la fonction publique de l'État servent d'étalon aux autres régimes spéciaux de retraite, pour qui elles constituent
une des principales sources d'inspiration (3).
Pour le juriste, l'appréhension de ce régime spécial paraît également chose aisée, tant celui-ci semble cultiver ses
différences avec le régime général. Le pilotage et la gestion des pensions civiles et militaires de retraite relèvent de la
compétence, non d'une caisse de sécurité sociale ou d'un organisme paritaire, mais de l'administration centrale elle-
même, par l'intermédiaire du service des retraites de l'État (4). Le calcul des prestations est quant à lui fonction du
traitement indiciaire brut des six derniers mois d'activité (5), alors qu'il repose, pour le régime général, sur l'ensemble
des rémunérations ayant donné lieu à cotisation au cours des vingt-cinq meilleures années de carrière (6). Le « doyen »
(7) des régimes de retraite se démarque aussi par son organisation financière, étant donné qu'il est le seul entièrement
porté par le budget de l'État.
Élément constitutif du régime en 1853, l'intégration budgétaire a fait figure de véritable innovation pour l'époque, en
rendant possible l'octroi de pensions de retraite à l'ensemble des fonctionnaires. Toujours d'actualité aujourd'hui, la mise
en gage des finances publiques pour payer les pensions est sans doute l'élément qui illustre le mieux la spécificité du
régime des retraites de la fonction publique de l'État. Or, c'est aussi à travers le prisme budgétaire que cette spécificité
paraît la plus niée, eu égard à l'émergence de mécanismes de péréquation financière et à la globalisation des finances
publiques. Cette intégration budgétaire révèle ainsi une ambivalence, en étant à la fois facteur de différenciation et
d'assimilation avec les autres régimes de retraite.
Différenciation
Le régime des retraites de l'État s'est historiquement construit en prenant appui sur les finances publiques. Alliance de
circonstance à l'origine, l'intégration budgétaire du régime est parue la seule solution viable pour garantir le bénéfice
d'une pension à un maximum d'agents. Récemment sacralisée par le législateur, cette intégration apparaît désormais
comme une alliance de raison.
Une alliance de circonstance
Le droit à pension ne s'est pas toujours imposé comme une évidence pour les fonctionnaires. Sous l'Ancien Régime, la
pension n'était que faculté pour l'État (8). Expression de la générosité royale (9), elle était soumise à révision chaque
fois que la situation du Trésor le rendait nécessaire (10). Les ministères disposaient en outre de toute latitude pour
refuser de la concéder. Après la Révolution de 1789, le principe d'une pension sur faveur royale ne pouvait plus prévaloir.
L'heure était à l'éradication des privilèges. Les pensions devaient désormais être attribuées au mérite. Tel était le sens
de la loi du 22 août 1790 (11). Mais ce texte allait plus loin, puisqu'il laissait à l'État le soin d'assumer seul, sur son
propre budget, le service des pensions. Le financement était assuré par un fonds annuel auquel les agents ne
contribuaient pas. La pension versée se présentait alors comme le moyen d'une retraite gratuite (12). De telles
modalités de service paraissaient seules susceptibles de garantir les bénéficiaires contre la partialité du pouvoir. Elles
installaient également l'idée que l'État, à travers ses capacités budgétaires, pouvait se trouver aux avant-postes dans la
consécration d'un droit à pension.
Toute la bonne volonté du législateur fut malgré tout insuffisante à éradiquer l'arbitraire étatique. En ne récompensant
que les « services rendus au corps social, méritants de par leur importance et leur durée » (13), la loi du 22 août 1790
obligeait à apprécier la valeur des services accomplis. Et si seuls les services méritants pouvaient donner droit à pension,
encore fallait-il que ces derniers fussent suffisamment importants pour justifier ce versement. L'État continuait donc de
disposer d'un pouvoir discrétionnaire (14). Pour faire face à ce problème, de nombreuses caisses de retraite
ministérielles se formèrent indépendamment du pouvoir en place. Les gouvernements de l'époque n'en réprouvèrent pas
la création. À l'inverse, ils cherchèrent même à les soutenir. Ces caisses apparaissaient comme une aubaine : elles
permettaient d'assurer une couverture à une large partie de fonctionnaires qui seraient, sinon, devenus des candidats
aux pensions du Trésor. En conséquence, deux types de pensions coexistaient : celles servies par l'État, sur le fonds
annuel, et celles payées sur fonds de retenues, financées par l'épargne des agents et les contributions de leur
administration de rattachement.
Toutefois, les caisses ministérielles furent rapidement confrontées à des problèmes financiers, aucun calcul n'ayant
précédé leur création (15). L'octroi de subventions devint de plus en plus nécessaire. Pour ne pas grever
l'indépendance des administrations, ces renflouements se firent le plus souvent de façon occulte. Annoncés comme
éphémères, ces versements persistèrent, jusqu'à atteindre en 1852 un montant supérieur à celui versé au fonds annuel
institué par la loi de 1790 (16). A mesure que se dissipaient les illusions entretenues par les caisses ministérielles, la
nécessité d'une nouvelle loi se faisait plus vivement sentir. Les débats autour de cette réforme durèrent plusieurs
décennies. Trois préoccupations en dessinaient les traits principaux (17) : d'abord, le législateur faisait le constat de
l'insuffisance de l'épargne comme garantie de la pension ; ensuite, il souhaitait mettre fin à la diversité des caisses de
retraite ; enfin, il lui paraissait nécessaire d'établir des bases uniformes pour la liquidation des pensions. Pour ces raisons,
la centralisation de la gestion auprès de l'État avait ses faveurs. Des projets rivaux, proposant la création de nouvelles
caisses de retraite, furent aussi présentés. Tous furent cependant abandonnés à la suite d'un rapport du Corps législatif
démontrant que les charges imposées à ces caisses auraient dépassé leurs ressources (18). Si ces projets étaient
validés, des subsides se seraient toujours avérés indispensables.
Les intérêts convergeaient : l'inscription des pensions au grand-livre de la Dette publique, en tant que dettes viagères de
l'État, était considérée comme la modalité la plus réaliste. Elle était également la mieux acceptée par le corps social.
Plébiscitée, l'intégration budgétaire du régime des retraites de l'État constituait une avancée normale et souhaitable. La
loi du 9 juin 1853 sur les pensions civiles entérinait ainsi une évolution symptomatique de la période durant laquelle elle
était discutée. Surtout, elle érigeait les finances publiques en fondement et pierre angulaire de la couverture vieillesse
des fonctionnaires de l'État.
Loin d'avoir été remise en cause depuis, cette intégration budgétaire a vu ses principes réaffirmés dans le prolongement
de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) (19).
Une alliance de raison
Si l'idée de créer une caisse de retraite spécifique aux fonctionnaires de l'État avait ses partisans (20), une telle
proposition ne vit jamais le jour. L'étroite symbiose entre les pensions civiles et militaires de retraite et le budget général
traversa les siècles. Les opérations relatives aux retraites de l'État étaient initialement votées et exécutées selon les
règles budgétaires de droit commun. Or, en vertu du principe d'universalité budgétaire (21), les rémunérations d'activité
et les pensions devaient apparaître dans les comptes des ministères sur une même ligne comptable. Séduisante d'un
point de vue théorique (22), l'absence d'individualisation comptable posait difficulté en pratique (23). Elle ne rendait
pas visible l'effort contributif réellement supporté par l'État et par chacune des administrations d'emploi (24). Elle ne
permettait pas non plus de comprendre la façon dont l'équilibre du régime était atteint. Structuré ainsi, le régime des
retraites de l'État se caractérisait par son défaut de transparence et a fortiori de pilotage. Faute de connaître les coûts
engendrés par le recrutement d'un fonctionnaire, y compris après sa période d'activité, l'État employeur n'était par
exemple pas en mesure de suivre sa masse salariale de façon rigoureuse, donc de prévenir d'éventuels dérapages
budgétaires.
À la fin du XXe siècle, la lutte contre cette « obscurité totale » (25) devint une priorité. La première initiative en ce sens
fut la création d'un rapport bisannuel, annexé à la loi de finances, sur les rémunérations et les pensions de retraite
versées aux fonctionnaires (26). Mais simple source d'informations, quoique précieuses car détaillées, ce « jaune
budgétaire » n'accordait pas de nouveau pouvoir au Parlement. Celui-ci ne pouvait toujours pas se prononcer sur les
crédits se rapportant aux pensions indépendamment de ceux afférents à la rémunération des personnels. Pire, le
fractionnement du vote entre les fascicules ministériels l'empêchait d'avoir une gestion d'ensemble des retraites de l'État.
Les parlementaires ne purent se résoudre indéfiniment à un tel émiettement. C'est pourquoi, profitant des débats sur la
proposition de loi organique relative aux lois de finances, la commission des Finances du Sénat suggéra, contre l'avis du
Gouvernement, de rassembler les dépenses de pensions et les recettes concourant à leur financement au sein d'un
instrument budgétaire unique. Ainsi naissait le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » (27).
Ce choix n'avait rien d'anodin. Les CAS visent à clarifier les conditions de gestion de certaines recettes et dépenses de
l'État en leur appliquant une comptabilisation distincte du budget général, c'est-à-dire en les isolant de la masse
budgétaire (28). L'une de leurs caractéristiques essentielles tient en outre à leur fonctionnement à l'équilibre. De cette
exigence procède une autre spécificité du régime des retraites de l'État. Bien que le CAS « Pensions » soit financé
conjointement par les agents (29) et leurs employeurs (30), les retenues opérées sur le traitement ont pour unique
justification d'être une économie pour l'État (31). À l'inverse du régime général, elles ne donnent aucune vocation à des
droits à retraite. Dans ces conditions, les contributions des employeurs publics servent uniquement de variables
d'ajustement pour garantir à tout moment le financement du compte. Elles s'analysent en autant de subventions
d'équilibre, dont le calibrage initial et l'ajustement en exécution doivent couvrir les dépenses mises à la charge du régime.
Avec le CAS « Pensions », la lisibilité du régime des retraites de l'État est désormais assurée. L'innovation introduite par la
LOLF ne fait cependant que prolonger l'existant. Le CAS « Pensions » constitue seulement un sous-ensemble du budget
de l'État. Contrairement à une caisse de retraite, il ne dispose pas de la personnalité morale. Son pilotage est
directement assuré par le Parlement dans le cadre des lois de finances. Quant à sa gestion opérationnelle, elle a
récemment été centralisée auprès du ministre chargé du Budget. Si le régime des retraites de l'État a été
considérablement modernisé, ses fondements n'ont en revanche pas été altérés. Rendu plus transparent et performant, il
conserve, et voit même réaffirmer, la spécificité de son organisation financière. Déjà essentielles dans la construction du
régime, les finances publiques se sont progressivement muées en un véritable instrument de gouvernance, pour ainsi
devenir le symbole de sa longévité.
Mais une telle filiation n'est pas sans risque. Alors que l'intégration budgétaire apparaît comme la spécificité la plus
marquée du régime des retraites de l'État, elle constitue aussi le principal vecteur d'assimilation aux autres régimes de
sécurité sociale.
Assimilation
Le processus d'assimilation que nous attribuons aux finances publiques repose sur deux types de solidarité (32) : une
première, mécanique, qui lie les différents régimes de retraite entre eux par des systèmes de péréquation financière ; une
seconde, organique, qui veut que les dépenses collectives financées par prélèvements obligatoires forment un ensemble
consolidé, dont chaque composante est interdépendante.
Une solidarité mécanique
Du fait de sa structure socioprofessionnelle, la Sécurité sociale a subi les transformations du système productif, et
notamment le phénomène de « déversement sectoriel » théorisé par Alfred Sauvy (33). Tous les régimes ne sont
toutefois pas placés à égalité devant de tels bouleversements. Certains en ont tiré le plein bénéfice. D'autres, comme
prisonniers de leur indépendance, y ont progressivement perdu leur capacité à s'autofinancer. Tel est plus
particulièrement le cas en matière de retraite, où le ratio de dépendance démographique (ou ratio actifs/retraités), base
économique des systèmes par répartition, peut varier du simple au centuple selon le régime observé. Prenant conscience
de ces disparités, les pouvoirs publics ont tenu à les atténuer en établissant une péréquation financière entre les
différents régimes. Cette solution présente un double intérêt. Elle évite à l'État d'avoir à placer les régimes menacés sous
sa tutelle ou à assumer intégralement la responsabilité de leurs défaillances. Elle réactive dans le même temps les liens
de solidarité interprofessionnelle sur lesquels la Sécurité sociale était censée reposer depuis l'origine.
Si plusieurs formes de péréquation peuvent être distinguées (34), seule la compensation retiendra ici notre attention
(35). Celle-ci ne vise pas à réduire ou à nier les traits caractéristiques des régimes de couverture. Elle est, au contraire, le
seul mécanisme de péréquation à les prendre en considération en agissant sur des variables qui leur sont exogènes.
Comme en dispose l'article L. 134-1 du code de la sécurité sociale, la compensation « tend à remédier aux inégalités
provenant des déséquilibres démographiques et des disparités de capacités contributives entre les différents régimes ».
Sur le plan technique, cette solidarité se traduit par l'octroi de subventions aux régimes disposant des moins bons ratios
de dépendance démographique et des cotisants aux revenus les plus réduits. Cette manne est financée par les régimes
les mieux pourvus.
En matière de retraite, un seul dispositif de compensation fonctionne encore aujourd'hui : la compensation généralisée
vieillesse (CGV). Cette dernière fait se superposer deux formules de péréquation, chacune reposant sur des paramètres
distinctifs. La première englobe les seuls régimes de salariés alors que la seconde regroupe, d'un côté, un bloc constitué
des régimes de salariés, de l'autre, les régimes de non-salariés pris individuellement (36). Pour gommer les différences
propres à chaque mode de couverture, la CGV repose sur un régime fictif qui unit tous les ressortissants des régimes
solidaires, sert une prestation dite de référence et reçoit une cotisation moyenne par actif lui permettant de s'équilibrer
(37). Les régimes excédentaires, dans ces conditions de fonctionnement, sont débiteurs à la compensation, et les
régimes déficitaires, créanciers. La fiction devient alors « une autre façon de réaliser le régime unique en se plaçant sur le
plan financier à défaut de l'être sur le plan structurel » (38). En tant que régime de retraite de plus de 20 000 affiliés
(39), celui de la fonction publique de l'État est lui aussi ancré dans cet imaginaire. Chaque année, c'est ainsi près de 500
M € qui sont prélevés sur les recettes du régime pour corriger les inégalités démographiques et contributives de la
branche vieillesse (40).
Vue à travers ce prisme, la spécificité du régime des retraites de l'État apparaît largement illusoire. La CGV revient à lier
juridiquement et financièrement des systèmes de couverture qui n'ont ni la même nature, ni la même organisation. Il
néglige le cheminement historique qui a mené la Sécurité sociale à son éclatement. Il rejette les conceptions sur
lesquelles chaque régime s'est construit. Il nie les différences entre les circuits de financement existants jusqu'alors,
l'équilibre des régimes les plus fragiles pouvant indifféremment reposer sur les contribuables, les usagers des services
publics ou les ressortissants des autres régimes. Mais cette conception socioprofessionnelle de la Sécurité sociale semble
progressivement disparaître. La recherche du périmètre de mutualisation le plus large possible ébranle les fondements
des différentes couvertures, tous les régimes étant placés sur un même pied d'égalité lorsqu'il s'agit d'assurer leur
pérennité financière. Selon le point de vue adopté, les finances publiques peuvent ainsi servir d'argument de poids en
faveur de la convergence des régimes de sécurité sociale.
Bien qu'elle révèle la porosité du système de protection sociale, la péréquation ne porte pas atteinte à l'autonomie des
régimes de retraite, contrairement au lien de solidarité organique qui unifie les finances publiques.
Une solidarité organique
Malgré la compensation, le régime des retraites de l'État conserve certaines spécificités. Les finances publiques semblent
une nouvelle fois servir d'élément différenciant, en opérant une séparation matérielle, a priori étanche, entre ce qui relève
de l'État et des administrations de sécurité sociale. Alors que l'immense majorité des régimes de retraite est retracée en
loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) (41), celui des fonctionnaires de l'État est intégré au Budget, donc piloté
en loi de finances (LF). De plus, les déficits accumulés par les différents régimes recouvrent des réalités bien distinctes
selon qu'ils grèvent les comptes de la Sécurité sociale ou ceux de l'État : les premiers sont répartis entre la Caisse
d'amortissement de la dette sociale (Cades) (42) et l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) (43)
pendant que les seconds sont centralisés auprès de la Caisse de la dette publique et gérés par l'Agence France Trésor
(AFT) (44). Néanmoins, ces différences de structure ne résistent pas à l'analyse.
En premier lieu, la coexistence de plusieurs lois financières n'induit pas leur opposition, mais bien plutôt leur étroit
parallélisme. Depuis leur création, les LFSS ont été largement inspirées par la mécanique des lois budgétaires.
L'articulation de ces textes n'en est parue que plus naturelle. Concordance des temps d'abord : « dépôt décalé,
discussion intercalée, adoption quasi simultanée » (45), ces trois principes dépeignent la synchronie des lois
financières. Coordination des politiques ensuite : grâce au monopole d'initiative et à l'encadrement du droit
d'amendement parlementaire, l'exécutif assure une maîtrise pleine et entière des discussions financières,
indépendamment du texte débattu (46). Convergence de vues enfin : l'introduction d'impératifs de performance dans
les lois et annexes financières conduit à définir des objectifs similaires aux dépenses publiques, quelle que soit leur forme,
afin d'en assurer un pilotage unifié (47). La création d'outils couvrant l'ensemble des finances publiques a aussi renforcé
la cohérence du système (48). Cette gémellité donne aux lois financières l'apparence d'un « Janus », tout entier tourné
vers la réalisation d'un but unique : la gouvernance globale des finances publiques. Elle perpétue ainsi l'idée portée par
l'Union européenne d'une interpénétration des différents sous-secteurs composant les administrations publiques (49).
En second lieu, la diversité des institutions chargées du remboursement de la dette publique ne s'oppose pas à une
unification des stratégies de financement des déficits (50). Le recours à l'emprunt et aux facilités de trésorerie oblige à
faire appel à d'éventuels investisseurs, donc à s'adapter à leurs exigences. Il impose de se soumettre aux critères et aux
fluctuations des marchés afin d'asseoir la crédibilité de sa signature et y accéder aux meilleures conditions. Or, devenus le
dénominateur commun de l'ensemble des gestionnaires de dette, les marchés favorisent inévitablement une
harmonisation des modes de suivi, de pilotage et de financement de la dette publique. C'est par exemple pour
promouvoir une gestion consolidée des émissions obligataires que de multiples synergies ont été développées entre la
Cades, l'Acoss et l'AFT (51). De nouveau, l'apparente dispersion des finances publiques doit céder face à la nécessité
d'optimiser le système financier public.
Autrement dit, l'obligation d'une meilleure gestion des comptes publics et la recherche de l'équilibre financier conduisent à
appréhender les encaissements et décaissements, la dette et les déficits comme un tout indivisible. Cette approche
systémique rejaillit mécaniquement sur la branche vieillesse. Sous l'angle des finances publiques, l'intérêt n'est plus de
savoir qui est la personne couverte, mais comment le régime de couverture doit être organisé pour parvenir à une gestion
plus efficiente. Il est donc fait abstraction des spécificités propres à chaque régime pour toujours mieux répondre aux
impératifs de performance et de maîtrise de la dépense publique. Parce qu'il est porté par le budget de l'État, le régime
des retraites de l'État ne saurait être épargné par un phénomène aussi global.
***
Si les finances publiques sont largement impliquées dans la genèse et la pérennité du régime des retraites de l'État, elles
figurent également parmi les principaux instruments de sa dénaturation. Un même processus d'intégration budgétaire
participe ainsi à l'affirmation et à la négation du régime dans ce qu'il a de spécifique. Empruntant à Arendt, « le progrès et
la catastrophe sont l'avers et le revers d'une même médaille ».
Mots clés :
RETRAITE * Régimes spéciaux * Fonction publique * Fonctionnaires de l'Etat * Caractéristiques du régime
(1) Cet article fait partie d'un dossier ayant pour titre « Retraites et régimes spéciaux » qui a été publié, outre la
présente contribution, dans le n° 4/2015 de la RDSS de la façon suivante :
- Le régime de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) ou la relative normalisation d'un régime spécial, par
Clémence Zacharie, p. 588
- Le régime de retraite des marins, par Francis Kessler, p. 597
- Vers la normalisation du régime des retraites de la SNCF ?, par Frédéric Buffin, p. 612
- Le régime de retraite des agents des industries électriques et gazières (IEG) : des évolutions majeures, mais en
douceur..., par Thierry Tauran, p. 622
- L'évolution récente du régime spécial de retraite des clercs et employés de notaires (2005-2015), par Julien Bordron, p.
631
(2) Rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique, Annexe au PLF 2015, Doc. parl., p. 9.
(3) Nous en voulons pour preuve les multiples modifications réglementaires connues par plusieurs régimes spéciaux
(SNCF, IEG, etc.) et directement inspirées de la réforme des retraites de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 (JORF 22
août).
(4) D. n° 2009-1052, 26 août 2009.
(5) C. pens. retr., art. L. 15.
(6) CSS, art. R. 351-29.
(7) L'histoire des retraites des fonctionnaires remonte à 1768 avec la création de la Caisse de retraite de la Ferme
générale. F. Kessler et C. Moniolle, Le droit des retraites dans la fonction publique, ENSP, 2001, p. 26 ; T. Tauran (coord.),
La sécurité sociale. Son histoire à travers les textes, T. VII, Les régimes spéciaux de sécurité sociale, Association d'étude
pour l'histoire de la sécurité sociale, 2015.
(8) J.-M. Thiveaud, Les retraites des fonctionnaires, in M. Laroque (dir.), Contribution à l'histoire financière de la sécurité
sociale, La Doc. française, 1999, p. 88.
(9) Notice « Pensions », in D. Diderot et J. d'Alembert, Encyclopédie méthodique, 1791.
(10) F. Netter, Les retraites en France avant le XXe siècle, Dr. soc. 1963. 358.
(11) J.-M. Thiveaud, Le régime de retraite des fonctionnaires civils avant la loi de "budgétisation" du 8 juin 1853, Rev.
écon. financ. 1995. 273.
(12) J.-M. Thiveaud (dir.), La CNRACL. Une histoire des retraites des agents des fonctions publiques territoriale et
hospitalière, P.A.U., 1994, p. 35.
(13) L. du 22 août 1790, art. 1er.
(14) G. Thuillier, Les pensions des retraites des fonctionnaires au XIX e siècle, Comité d'histoire de la sécurité sociale,
1994, p. 16.
(15) R. Dareste, Code des pensions civiles avec commentaires, Imprimerie et librairie administrative de P. Dupont, 1876,
p. 7.
(16) L. du 22 août 1790, art. 19.
(17) F. Kessler et C. Moniolle, Le droit des retraites dans la fonction publique, ENSP, 2001, p. 26.
(18) R. Dareste, ibid., p. 10.
(19) LO n° 2001-692, 1er août 2001.
(20) V. not. A. Juppé, in Dr. soc. 1996. 221 ; F. Kessler, Quel avenir pour le régime des retraites des fonctionnaires de
l'État ? Une contribution au débat sur la réforme des régimes spéciaux, RDSS 1998. 423 ; R. Pellet, Réformer la
Constitution financière : pour de nouveaux principes budgétaires, RD publ. 2002. 312.
(21) Le principe d'universalité budgétaire, selon lequel l'ensemble des recettes couvre l'ensemble des dépenses, se
décompose en deux règles : la règle de non-compensation, qui interdit la compensation des recettes et des dépenses, et
la règle de non-affectation, qui interdit l'affectation d'une recette à une dépense déterminée.
(22) Une telle présentation prolongeait l'idée d'une pension envisagée comme un traitement continué pour l'agent, donc
comme une récompense plutôt qu'une épargne ou un avantage contributif. Sur ce point, v. A. Fould, ministre des
Finances, Projet de loi sur les pensions civiles, Moniteur universel, suppl. n° 36, 24 août 1851 : « les services publics en
France reçoivent une rémunération d'une double nature : le traitement et la pension. La pension n'est qu'une juste
récompense acquise et due au même titre que le traitement. Comme le traitement, elle a été l'une des clauses du contrat
qui s'est formé, lors de l'acception des fonctions publiques, entre l'administration et son agent ; comme lui, elle est
l'exécution d'un engagement avec le prix d'un service rendu ».
(23) J.-P. Camby, La réforme du budget de l'État. La loi organique relative aux lois de finances, 3 e éd., LGDJ, 2011, spéc.
p. 158 s.
(24) P. Marini, Rapport général sur le projet de loi de finances pour 2006, Doc. parl. Sénat n° 99 (2005-2006).
(25) G. Carrez, JOAN, 1e séance du 30 juin 2003, p. 6324.
(26) L. n° 98-1266, 30 déc. 1998, art. 117. La loi de finances rectificative pour 2007 (L. n° 2007-1824, 25 déc. 2007, art.
102) a renforcé cette obligation en exigeant le dépôt annuel d'un rapport sur les pensions de retraite de la fonction
publique, rédigé indépendamment de celui sur l'état de la fonction publique.
(27) Entériné dans son principe par la LOLF, le CAS « Pensions » a réellement pris corps avec la loi de finances pour 2006
(L. n° 2005-1719, 30 déc. 2005).
(28) LO n° 2001-692, 1er août 2001, art. 19 à 21.
(29) Le principe d'une retenue opérée sur le traitement des agents a été réintroduit dès 1853.
(30) Avec le CAS « Pensions », les dépenses liées aux retraites de l'État ne sont plus directement mises à la charge des
ministères. Si le budget général continue de supporter financièrement la majeure partie de la charge des pensions, il le
fait au travers des contributions des employeurs publics, inscrites sur les programmes ministériels du budget général et
imputées au titre 2 des dépenses de personnel en tant que cotisations sociales.
(31) G. Thuillier, Les pensions de retraite des fonctionnaires... (op. cit.), p. 108.
(32) La distinction entre la solidarité mécanique, fondée sur les similitudes, et la solidarité organique, fondée sur la
complémentarité, est reprise du sociologue E. Durkheim (De la division du travail social, PUF, 2004).
(33) A. Sauvy, La machine et le chômage, Dunod, 1980.
(34) L'adossement et l'intégration peuvent aussi être cités parmi les mécanismes de péréquation. Le premier vise à
garantir les engagements financiers d'un régime, non plus grâce à des recettes inscrites dans son bilan, mais par
l'intervention d'un autre régime qui en supporte pour partie la charge définitive. Le second revient à fusionner les circuits
de financement de différents régimes, tout en préservant leur organisation administrative respective.
(35) V. not. P.-E. du Cray, La compensation entre régimes de sécurité sociale : l'exemple de la branche vieillesse, T. 58,
Bibl. finances publiques et fiscalité, LGDJ, 2014.
(36) Entre les régimes de salariés, la compensation s'opère en tenant compte à la fois de la situation démographique et
des capacités contributives des actifs cotisants. En revanche, la solidarité financière qui lie les régimes de salariés et de
non-salariés repose uniquement sur leurs effectifs respectifs. Le calcul de la compensation ne prend pas en considération
le poids financier des non-salariés dans le financement de la branche retraite.
(37) CSS., art. D. 134-9.
(38) F. Normand et L.-P. Pelé, Rapport d'audit sur les mécanismes de compensation entre régimes de base obligatoires
légaux de sécurité sociale, La Doc. française, 2004, p. 98.
(39) CSS, art. D. 134-9.
(40) Les comptes de la sécurité sociale. Résultats 2013. Prévisions 2014 et 2015, 2014.
(41) CSS, LO 111-3 : les LFSS englobent les régimes obligatoires de base, le régime général et les organismes
concourant au financement de ces régimes.
(42) P. Ract Madoux et G. Gauthey, Mission et fonctionnement de la CADES, Regards EN3S, n° 42, 2012. 30.
(43) A. Gubian, 50 milliards d'euros financés par l'ACOSS en 2010, RFFP, n° 115, 2011. 27.
(44) R. Fernandez, La gestion de la dette française au coeur de l'expertise de l'Agence France Trésor, RFFP, n° 123,
2013. 21.
(45) J. Toubon cité in P. Frasseix, Le Parlement et la sécurité sociale : la consolidation de ce couple par la révision
constitutionnelle du 22 février 1996, RD publ. 1998. 774.
(46) M. Lascombe, Le Parlement et la loi de finances, in Mélanges Hertzog, Economica, 2010, p. 313.
(47) M. Simonny, La démarche de performance dans le cadre des finances publiques, RFFP, n° 98, 2007. 25.
(48) On peut citer en exemples le rapport sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances
publiques, celui sur la situation et les perspectives économiques, sociales et financières de la Nation ainsi que le vote de
la loi de programmation sur les finances publiques.
(49) Protocole annexé n° 12 sur la procédure concernant les déficits excessifs, JOUE n° C 83/279, art. 2.
(50) G. Lewkowicz, Gouverner les États par les indicateurs : le cas des agences de notation de crédit, in B. Frydman et A.
Van Waeyenberge, Gouverner par les standards et les indicateurs. De Hume aux rankings, Bruylant, 2014, p. 151.
(51) A. Gubian et E. Laurent, Modernisation de la gestion de trésorerie de l'ACOSS et portage de la dette sociale,
Regards EN3S, n° 42, 2012. 85.
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Le régime des retraites de l'etat ou l'ambivalence d'une intégration budgétaire

  • 1. RDSS RDSS 2015 p.579 Le régime des retraites de l'État ou l'ambivalence d'une intégration budgétaire (1) Luc Pierron, Conseiller au cabinet du Président, MGEN Lorsque l'on évoque l'existence de régimes spéciaux de retraite, celui des fonctionnaires de l'État est le premier à venir à l'esprit. Différentes raisons expliquent ce conditionnement pavlovien. L'argument politique d'abord : des voix s'élèvent régulièrement pour dénoncer la supposée iniquité des travailleurs publics et privés devant la protection sociale, et plus particulièrement la couverture vieillesse. L'argument économique ensuite : en 2013, le régime des retraites de l'État versait 51,2 Md € de prestations à près de 2,3 millions de pensionnés (2), ce qui, par ordre d'importance, la classe au deuxième rang au sein de la branche vieillesse, juste derrière le régime général. L'argument technique enfin : les retraites dans la fonction publique de l'État servent d'étalon aux autres régimes spéciaux de retraite, pour qui elles constituent une des principales sources d'inspiration (3). Pour le juriste, l'appréhension de ce régime spécial paraît également chose aisée, tant celui-ci semble cultiver ses différences avec le régime général. Le pilotage et la gestion des pensions civiles et militaires de retraite relèvent de la compétence, non d'une caisse de sécurité sociale ou d'un organisme paritaire, mais de l'administration centrale elle- même, par l'intermédiaire du service des retraites de l'État (4). Le calcul des prestations est quant à lui fonction du traitement indiciaire brut des six derniers mois d'activité (5), alors qu'il repose, pour le régime général, sur l'ensemble des rémunérations ayant donné lieu à cotisation au cours des vingt-cinq meilleures années de carrière (6). Le « doyen » (7) des régimes de retraite se démarque aussi par son organisation financière, étant donné qu'il est le seul entièrement porté par le budget de l'État. Élément constitutif du régime en 1853, l'intégration budgétaire a fait figure de véritable innovation pour l'époque, en rendant possible l'octroi de pensions de retraite à l'ensemble des fonctionnaires. Toujours d'actualité aujourd'hui, la mise en gage des finances publiques pour payer les pensions est sans doute l'élément qui illustre le mieux la spécificité du régime des retraites de la fonction publique de l'État. Or, c'est aussi à travers le prisme budgétaire que cette spécificité paraît la plus niée, eu égard à l'émergence de mécanismes de péréquation financière et à la globalisation des finances publiques. Cette intégration budgétaire révèle ainsi une ambivalence, en étant à la fois facteur de différenciation et d'assimilation avec les autres régimes de retraite. Différenciation Le régime des retraites de l'État s'est historiquement construit en prenant appui sur les finances publiques. Alliance de circonstance à l'origine, l'intégration budgétaire du régime est parue la seule solution viable pour garantir le bénéfice d'une pension à un maximum d'agents. Récemment sacralisée par le législateur, cette intégration apparaît désormais comme une alliance de raison. Une alliance de circonstance Le droit à pension ne s'est pas toujours imposé comme une évidence pour les fonctionnaires. Sous l'Ancien Régime, la pension n'était que faculté pour l'État (8). Expression de la générosité royale (9), elle était soumise à révision chaque fois que la situation du Trésor le rendait nécessaire (10). Les ministères disposaient en outre de toute latitude pour refuser de la concéder. Après la Révolution de 1789, le principe d'une pension sur faveur royale ne pouvait plus prévaloir. L'heure était à l'éradication des privilèges. Les pensions devaient désormais être attribuées au mérite. Tel était le sens de la loi du 22 août 1790 (11). Mais ce texte allait plus loin, puisqu'il laissait à l'État le soin d'assumer seul, sur son propre budget, le service des pensions. Le financement était assuré par un fonds annuel auquel les agents ne contribuaient pas. La pension versée se présentait alors comme le moyen d'une retraite gratuite (12). De telles modalités de service paraissaient seules susceptibles de garantir les bénéficiaires contre la partialité du pouvoir. Elles installaient également l'idée que l'État, à travers ses capacités budgétaires, pouvait se trouver aux avant-postes dans la consécration d'un droit à pension. Toute la bonne volonté du législateur fut malgré tout insuffisante à éradiquer l'arbitraire étatique. En ne récompensant que les « services rendus au corps social, méritants de par leur importance et leur durée » (13), la loi du 22 août 1790 obligeait à apprécier la valeur des services accomplis. Et si seuls les services méritants pouvaient donner droit à pension, encore fallait-il que ces derniers fussent suffisamment importants pour justifier ce versement. L'État continuait donc de disposer d'un pouvoir discrétionnaire (14). Pour faire face à ce problème, de nombreuses caisses de retraite ministérielles se formèrent indépendamment du pouvoir en place. Les gouvernements de l'époque n'en réprouvèrent pas la création. À l'inverse, ils cherchèrent même à les soutenir. Ces caisses apparaissaient comme une aubaine : elles permettaient d'assurer une couverture à une large partie de fonctionnaires qui seraient, sinon, devenus des candidats aux pensions du Trésor. En conséquence, deux types de pensions coexistaient : celles servies par l'État, sur le fonds annuel, et celles payées sur fonds de retenues, financées par l'épargne des agents et les contributions de leur administration de rattachement. Toutefois, les caisses ministérielles furent rapidement confrontées à des problèmes financiers, aucun calcul n'ayant précédé leur création (15). L'octroi de subventions devint de plus en plus nécessaire. Pour ne pas grever l'indépendance des administrations, ces renflouements se firent le plus souvent de façon occulte. Annoncés comme éphémères, ces versements persistèrent, jusqu'à atteindre en 1852 un montant supérieur à celui versé au fonds annuel institué par la loi de 1790 (16). A mesure que se dissipaient les illusions entretenues par les caisses ministérielles, la nécessité d'une nouvelle loi se faisait plus vivement sentir. Les débats autour de cette réforme durèrent plusieurs décennies. Trois préoccupations en dessinaient les traits principaux (17) : d'abord, le législateur faisait le constat de l'insuffisance de l'épargne comme garantie de la pension ; ensuite, il souhaitait mettre fin à la diversité des caisses de retraite ; enfin, il lui paraissait nécessaire d'établir des bases uniformes pour la liquidation des pensions. Pour ces raisons, la centralisation de la gestion auprès de l'État avait ses faveurs. Des projets rivaux, proposant la création de nouvelles caisses de retraite, furent aussi présentés. Tous furent cependant abandonnés à la suite d'un rapport du Corps législatif démontrant que les charges imposées à ces caisses auraient dépassé leurs ressources (18). Si ces projets étaient validés, des subsides se seraient toujours avérés indispensables. Les intérêts convergeaient : l'inscription des pensions au grand-livre de la Dette publique, en tant que dettes viagères de l'État, était considérée comme la modalité la plus réaliste. Elle était également la mieux acceptée par le corps social. Plébiscitée, l'intégration budgétaire du régime des retraites de l'État constituait une avancée normale et souhaitable. La loi du 9 juin 1853 sur les pensions civiles entérinait ainsi une évolution symptomatique de la période durant laquelle elle
  • 2. était discutée. Surtout, elle érigeait les finances publiques en fondement et pierre angulaire de la couverture vieillesse des fonctionnaires de l'État. Loin d'avoir été remise en cause depuis, cette intégration budgétaire a vu ses principes réaffirmés dans le prolongement de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) (19). Une alliance de raison Si l'idée de créer une caisse de retraite spécifique aux fonctionnaires de l'État avait ses partisans (20), une telle proposition ne vit jamais le jour. L'étroite symbiose entre les pensions civiles et militaires de retraite et le budget général traversa les siècles. Les opérations relatives aux retraites de l'État étaient initialement votées et exécutées selon les règles budgétaires de droit commun. Or, en vertu du principe d'universalité budgétaire (21), les rémunérations d'activité et les pensions devaient apparaître dans les comptes des ministères sur une même ligne comptable. Séduisante d'un point de vue théorique (22), l'absence d'individualisation comptable posait difficulté en pratique (23). Elle ne rendait pas visible l'effort contributif réellement supporté par l'État et par chacune des administrations d'emploi (24). Elle ne permettait pas non plus de comprendre la façon dont l'équilibre du régime était atteint. Structuré ainsi, le régime des retraites de l'État se caractérisait par son défaut de transparence et a fortiori de pilotage. Faute de connaître les coûts engendrés par le recrutement d'un fonctionnaire, y compris après sa période d'activité, l'État employeur n'était par exemple pas en mesure de suivre sa masse salariale de façon rigoureuse, donc de prévenir d'éventuels dérapages budgétaires. À la fin du XXe siècle, la lutte contre cette « obscurité totale » (25) devint une priorité. La première initiative en ce sens fut la création d'un rapport bisannuel, annexé à la loi de finances, sur les rémunérations et les pensions de retraite versées aux fonctionnaires (26). Mais simple source d'informations, quoique précieuses car détaillées, ce « jaune budgétaire » n'accordait pas de nouveau pouvoir au Parlement. Celui-ci ne pouvait toujours pas se prononcer sur les crédits se rapportant aux pensions indépendamment de ceux afférents à la rémunération des personnels. Pire, le fractionnement du vote entre les fascicules ministériels l'empêchait d'avoir une gestion d'ensemble des retraites de l'État. Les parlementaires ne purent se résoudre indéfiniment à un tel émiettement. C'est pourquoi, profitant des débats sur la proposition de loi organique relative aux lois de finances, la commission des Finances du Sénat suggéra, contre l'avis du Gouvernement, de rassembler les dépenses de pensions et les recettes concourant à leur financement au sein d'un instrument budgétaire unique. Ainsi naissait le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » (27). Ce choix n'avait rien d'anodin. Les CAS visent à clarifier les conditions de gestion de certaines recettes et dépenses de l'État en leur appliquant une comptabilisation distincte du budget général, c'est-à-dire en les isolant de la masse budgétaire (28). L'une de leurs caractéristiques essentielles tient en outre à leur fonctionnement à l'équilibre. De cette exigence procède une autre spécificité du régime des retraites de l'État. Bien que le CAS « Pensions » soit financé conjointement par les agents (29) et leurs employeurs (30), les retenues opérées sur le traitement ont pour unique justification d'être une économie pour l'État (31). À l'inverse du régime général, elles ne donnent aucune vocation à des droits à retraite. Dans ces conditions, les contributions des employeurs publics servent uniquement de variables d'ajustement pour garantir à tout moment le financement du compte. Elles s'analysent en autant de subventions d'équilibre, dont le calibrage initial et l'ajustement en exécution doivent couvrir les dépenses mises à la charge du régime. Avec le CAS « Pensions », la lisibilité du régime des retraites de l'État est désormais assurée. L'innovation introduite par la LOLF ne fait cependant que prolonger l'existant. Le CAS « Pensions » constitue seulement un sous-ensemble du budget de l'État. Contrairement à une caisse de retraite, il ne dispose pas de la personnalité morale. Son pilotage est directement assuré par le Parlement dans le cadre des lois de finances. Quant à sa gestion opérationnelle, elle a récemment été centralisée auprès du ministre chargé du Budget. Si le régime des retraites de l'État a été considérablement modernisé, ses fondements n'ont en revanche pas été altérés. Rendu plus transparent et performant, il conserve, et voit même réaffirmer, la spécificité de son organisation financière. Déjà essentielles dans la construction du régime, les finances publiques se sont progressivement muées en un véritable instrument de gouvernance, pour ainsi devenir le symbole de sa longévité. Mais une telle filiation n'est pas sans risque. Alors que l'intégration budgétaire apparaît comme la spécificité la plus marquée du régime des retraites de l'État, elle constitue aussi le principal vecteur d'assimilation aux autres régimes de sécurité sociale. Assimilation Le processus d'assimilation que nous attribuons aux finances publiques repose sur deux types de solidarité (32) : une première, mécanique, qui lie les différents régimes de retraite entre eux par des systèmes de péréquation financière ; une seconde, organique, qui veut que les dépenses collectives financées par prélèvements obligatoires forment un ensemble consolidé, dont chaque composante est interdépendante. Une solidarité mécanique Du fait de sa structure socioprofessionnelle, la Sécurité sociale a subi les transformations du système productif, et notamment le phénomène de « déversement sectoriel » théorisé par Alfred Sauvy (33). Tous les régimes ne sont toutefois pas placés à égalité devant de tels bouleversements. Certains en ont tiré le plein bénéfice. D'autres, comme prisonniers de leur indépendance, y ont progressivement perdu leur capacité à s'autofinancer. Tel est plus particulièrement le cas en matière de retraite, où le ratio de dépendance démographique (ou ratio actifs/retraités), base économique des systèmes par répartition, peut varier du simple au centuple selon le régime observé. Prenant conscience de ces disparités, les pouvoirs publics ont tenu à les atténuer en établissant une péréquation financière entre les différents régimes. Cette solution présente un double intérêt. Elle évite à l'État d'avoir à placer les régimes menacés sous sa tutelle ou à assumer intégralement la responsabilité de leurs défaillances. Elle réactive dans le même temps les liens de solidarité interprofessionnelle sur lesquels la Sécurité sociale était censée reposer depuis l'origine. Si plusieurs formes de péréquation peuvent être distinguées (34), seule la compensation retiendra ici notre attention (35). Celle-ci ne vise pas à réduire ou à nier les traits caractéristiques des régimes de couverture. Elle est, au contraire, le seul mécanisme de péréquation à les prendre en considération en agissant sur des variables qui leur sont exogènes. Comme en dispose l'article L. 134-1 du code de la sécurité sociale, la compensation « tend à remédier aux inégalités provenant des déséquilibres démographiques et des disparités de capacités contributives entre les différents régimes ». Sur le plan technique, cette solidarité se traduit par l'octroi de subventions aux régimes disposant des moins bons ratios de dépendance démographique et des cotisants aux revenus les plus réduits. Cette manne est financée par les régimes les mieux pourvus. En matière de retraite, un seul dispositif de compensation fonctionne encore aujourd'hui : la compensation généralisée vieillesse (CGV). Cette dernière fait se superposer deux formules de péréquation, chacune reposant sur des paramètres distinctifs. La première englobe les seuls régimes de salariés alors que la seconde regroupe, d'un côté, un bloc constitué des régimes de salariés, de l'autre, les régimes de non-salariés pris individuellement (36). Pour gommer les différences propres à chaque mode de couverture, la CGV repose sur un régime fictif qui unit tous les ressortissants des régimes
  • 3. solidaires, sert une prestation dite de référence et reçoit une cotisation moyenne par actif lui permettant de s'équilibrer (37). Les régimes excédentaires, dans ces conditions de fonctionnement, sont débiteurs à la compensation, et les régimes déficitaires, créanciers. La fiction devient alors « une autre façon de réaliser le régime unique en se plaçant sur le plan financier à défaut de l'être sur le plan structurel » (38). En tant que régime de retraite de plus de 20 000 affiliés (39), celui de la fonction publique de l'État est lui aussi ancré dans cet imaginaire. Chaque année, c'est ainsi près de 500 M € qui sont prélevés sur les recettes du régime pour corriger les inégalités démographiques et contributives de la branche vieillesse (40). Vue à travers ce prisme, la spécificité du régime des retraites de l'État apparaît largement illusoire. La CGV revient à lier juridiquement et financièrement des systèmes de couverture qui n'ont ni la même nature, ni la même organisation. Il néglige le cheminement historique qui a mené la Sécurité sociale à son éclatement. Il rejette les conceptions sur lesquelles chaque régime s'est construit. Il nie les différences entre les circuits de financement existants jusqu'alors, l'équilibre des régimes les plus fragiles pouvant indifféremment reposer sur les contribuables, les usagers des services publics ou les ressortissants des autres régimes. Mais cette conception socioprofessionnelle de la Sécurité sociale semble progressivement disparaître. La recherche du périmètre de mutualisation le plus large possible ébranle les fondements des différentes couvertures, tous les régimes étant placés sur un même pied d'égalité lorsqu'il s'agit d'assurer leur pérennité financière. Selon le point de vue adopté, les finances publiques peuvent ainsi servir d'argument de poids en faveur de la convergence des régimes de sécurité sociale. Bien qu'elle révèle la porosité du système de protection sociale, la péréquation ne porte pas atteinte à l'autonomie des régimes de retraite, contrairement au lien de solidarité organique qui unifie les finances publiques. Une solidarité organique Malgré la compensation, le régime des retraites de l'État conserve certaines spécificités. Les finances publiques semblent une nouvelle fois servir d'élément différenciant, en opérant une séparation matérielle, a priori étanche, entre ce qui relève de l'État et des administrations de sécurité sociale. Alors que l'immense majorité des régimes de retraite est retracée en loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) (41), celui des fonctionnaires de l'État est intégré au Budget, donc piloté en loi de finances (LF). De plus, les déficits accumulés par les différents régimes recouvrent des réalités bien distinctes selon qu'ils grèvent les comptes de la Sécurité sociale ou ceux de l'État : les premiers sont répartis entre la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) (42) et l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) (43) pendant que les seconds sont centralisés auprès de la Caisse de la dette publique et gérés par l'Agence France Trésor (AFT) (44). Néanmoins, ces différences de structure ne résistent pas à l'analyse. En premier lieu, la coexistence de plusieurs lois financières n'induit pas leur opposition, mais bien plutôt leur étroit parallélisme. Depuis leur création, les LFSS ont été largement inspirées par la mécanique des lois budgétaires. L'articulation de ces textes n'en est parue que plus naturelle. Concordance des temps d'abord : « dépôt décalé, discussion intercalée, adoption quasi simultanée » (45), ces trois principes dépeignent la synchronie des lois financières. Coordination des politiques ensuite : grâce au monopole d'initiative et à l'encadrement du droit d'amendement parlementaire, l'exécutif assure une maîtrise pleine et entière des discussions financières, indépendamment du texte débattu (46). Convergence de vues enfin : l'introduction d'impératifs de performance dans les lois et annexes financières conduit à définir des objectifs similaires aux dépenses publiques, quelle que soit leur forme, afin d'en assurer un pilotage unifié (47). La création d'outils couvrant l'ensemble des finances publiques a aussi renforcé la cohérence du système (48). Cette gémellité donne aux lois financières l'apparence d'un « Janus », tout entier tourné vers la réalisation d'un but unique : la gouvernance globale des finances publiques. Elle perpétue ainsi l'idée portée par l'Union européenne d'une interpénétration des différents sous-secteurs composant les administrations publiques (49). En second lieu, la diversité des institutions chargées du remboursement de la dette publique ne s'oppose pas à une unification des stratégies de financement des déficits (50). Le recours à l'emprunt et aux facilités de trésorerie oblige à faire appel à d'éventuels investisseurs, donc à s'adapter à leurs exigences. Il impose de se soumettre aux critères et aux fluctuations des marchés afin d'asseoir la crédibilité de sa signature et y accéder aux meilleures conditions. Or, devenus le dénominateur commun de l'ensemble des gestionnaires de dette, les marchés favorisent inévitablement une harmonisation des modes de suivi, de pilotage et de financement de la dette publique. C'est par exemple pour promouvoir une gestion consolidée des émissions obligataires que de multiples synergies ont été développées entre la Cades, l'Acoss et l'AFT (51). De nouveau, l'apparente dispersion des finances publiques doit céder face à la nécessité d'optimiser le système financier public. Autrement dit, l'obligation d'une meilleure gestion des comptes publics et la recherche de l'équilibre financier conduisent à appréhender les encaissements et décaissements, la dette et les déficits comme un tout indivisible. Cette approche systémique rejaillit mécaniquement sur la branche vieillesse. Sous l'angle des finances publiques, l'intérêt n'est plus de savoir qui est la personne couverte, mais comment le régime de couverture doit être organisé pour parvenir à une gestion plus efficiente. Il est donc fait abstraction des spécificités propres à chaque régime pour toujours mieux répondre aux impératifs de performance et de maîtrise de la dépense publique. Parce qu'il est porté par le budget de l'État, le régime des retraites de l'État ne saurait être épargné par un phénomène aussi global. *** Si les finances publiques sont largement impliquées dans la genèse et la pérennité du régime des retraites de l'État, elles figurent également parmi les principaux instruments de sa dénaturation. Un même processus d'intégration budgétaire participe ainsi à l'affirmation et à la négation du régime dans ce qu'il a de spécifique. Empruntant à Arendt, « le progrès et la catastrophe sont l'avers et le revers d'une même médaille ». Mots clés : RETRAITE * Régimes spéciaux * Fonction publique * Fonctionnaires de l'Etat * Caractéristiques du régime (1) Cet article fait partie d'un dossier ayant pour titre « Retraites et régimes spéciaux » qui a été publié, outre la présente contribution, dans le n° 4/2015 de la RDSS de la façon suivante : - Le régime de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) ou la relative normalisation d'un régime spécial, par Clémence Zacharie, p. 588 - Le régime de retraite des marins, par Francis Kessler, p. 597 - Vers la normalisation du régime des retraites de la SNCF ?, par Frédéric Buffin, p. 612 - Le régime de retraite des agents des industries électriques et gazières (IEG) : des évolutions majeures, mais en douceur..., par Thierry Tauran, p. 622
  • 4. - L'évolution récente du régime spécial de retraite des clercs et employés de notaires (2005-2015), par Julien Bordron, p. 631 (2) Rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique, Annexe au PLF 2015, Doc. parl., p. 9. (3) Nous en voulons pour preuve les multiples modifications réglementaires connues par plusieurs régimes spéciaux (SNCF, IEG, etc.) et directement inspirées de la réforme des retraites de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 (JORF 22 août). (4) D. n° 2009-1052, 26 août 2009. (5) C. pens. retr., art. L. 15. (6) CSS, art. R. 351-29. (7) L'histoire des retraites des fonctionnaires remonte à 1768 avec la création de la Caisse de retraite de la Ferme générale. F. Kessler et C. Moniolle, Le droit des retraites dans la fonction publique, ENSP, 2001, p. 26 ; T. Tauran (coord.), La sécurité sociale. Son histoire à travers les textes, T. VII, Les régimes spéciaux de sécurité sociale, Association d'étude pour l'histoire de la sécurité sociale, 2015. (8) J.-M. Thiveaud, Les retraites des fonctionnaires, in M. Laroque (dir.), Contribution à l'histoire financière de la sécurité sociale, La Doc. française, 1999, p. 88. (9) Notice « Pensions », in D. Diderot et J. d'Alembert, Encyclopédie méthodique, 1791. (10) F. Netter, Les retraites en France avant le XXe siècle, Dr. soc. 1963. 358. (11) J.-M. Thiveaud, Le régime de retraite des fonctionnaires civils avant la loi de "budgétisation" du 8 juin 1853, Rev. écon. financ. 1995. 273. (12) J.-M. Thiveaud (dir.), La CNRACL. Une histoire des retraites des agents des fonctions publiques territoriale et hospitalière, P.A.U., 1994, p. 35. (13) L. du 22 août 1790, art. 1er. (14) G. Thuillier, Les pensions des retraites des fonctionnaires au XIX e siècle, Comité d'histoire de la sécurité sociale, 1994, p. 16. (15) R. Dareste, Code des pensions civiles avec commentaires, Imprimerie et librairie administrative de P. Dupont, 1876, p. 7. (16) L. du 22 août 1790, art. 19. (17) F. Kessler et C. Moniolle, Le droit des retraites dans la fonction publique, ENSP, 2001, p. 26. (18) R. Dareste, ibid., p. 10. (19) LO n° 2001-692, 1er août 2001. (20) V. not. A. Juppé, in Dr. soc. 1996. 221 ; F. Kessler, Quel avenir pour le régime des retraites des fonctionnaires de l'État ? Une contribution au débat sur la réforme des régimes spéciaux, RDSS 1998. 423 ; R. Pellet, Réformer la Constitution financière : pour de nouveaux principes budgétaires, RD publ. 2002. 312. (21) Le principe d'universalité budgétaire, selon lequel l'ensemble des recettes couvre l'ensemble des dépenses, se décompose en deux règles : la règle de non-compensation, qui interdit la compensation des recettes et des dépenses, et la règle de non-affectation, qui interdit l'affectation d'une recette à une dépense déterminée. (22) Une telle présentation prolongeait l'idée d'une pension envisagée comme un traitement continué pour l'agent, donc comme une récompense plutôt qu'une épargne ou un avantage contributif. Sur ce point, v. A. Fould, ministre des Finances, Projet de loi sur les pensions civiles, Moniteur universel, suppl. n° 36, 24 août 1851 : « les services publics en France reçoivent une rémunération d'une double nature : le traitement et la pension. La pension n'est qu'une juste récompense acquise et due au même titre que le traitement. Comme le traitement, elle a été l'une des clauses du contrat qui s'est formé, lors de l'acception des fonctions publiques, entre l'administration et son agent ; comme lui, elle est l'exécution d'un engagement avec le prix d'un service rendu ». (23) J.-P. Camby, La réforme du budget de l'État. La loi organique relative aux lois de finances, 3 e éd., LGDJ, 2011, spéc.
  • 5. p. 158 s. (24) P. Marini, Rapport général sur le projet de loi de finances pour 2006, Doc. parl. Sénat n° 99 (2005-2006). (25) G. Carrez, JOAN, 1e séance du 30 juin 2003, p. 6324. (26) L. n° 98-1266, 30 déc. 1998, art. 117. La loi de finances rectificative pour 2007 (L. n° 2007-1824, 25 déc. 2007, art. 102) a renforcé cette obligation en exigeant le dépôt annuel d'un rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique, rédigé indépendamment de celui sur l'état de la fonction publique. (27) Entériné dans son principe par la LOLF, le CAS « Pensions » a réellement pris corps avec la loi de finances pour 2006 (L. n° 2005-1719, 30 déc. 2005). (28) LO n° 2001-692, 1er août 2001, art. 19 à 21. (29) Le principe d'une retenue opérée sur le traitement des agents a été réintroduit dès 1853. (30) Avec le CAS « Pensions », les dépenses liées aux retraites de l'État ne sont plus directement mises à la charge des ministères. Si le budget général continue de supporter financièrement la majeure partie de la charge des pensions, il le fait au travers des contributions des employeurs publics, inscrites sur les programmes ministériels du budget général et imputées au titre 2 des dépenses de personnel en tant que cotisations sociales. (31) G. Thuillier, Les pensions de retraite des fonctionnaires... (op. cit.), p. 108. (32) La distinction entre la solidarité mécanique, fondée sur les similitudes, et la solidarité organique, fondée sur la complémentarité, est reprise du sociologue E. Durkheim (De la division du travail social, PUF, 2004). (33) A. Sauvy, La machine et le chômage, Dunod, 1980. (34) L'adossement et l'intégration peuvent aussi être cités parmi les mécanismes de péréquation. Le premier vise à garantir les engagements financiers d'un régime, non plus grâce à des recettes inscrites dans son bilan, mais par l'intervention d'un autre régime qui en supporte pour partie la charge définitive. Le second revient à fusionner les circuits de financement de différents régimes, tout en préservant leur organisation administrative respective. (35) V. not. P.-E. du Cray, La compensation entre régimes de sécurité sociale : l'exemple de la branche vieillesse, T. 58, Bibl. finances publiques et fiscalité, LGDJ, 2014. (36) Entre les régimes de salariés, la compensation s'opère en tenant compte à la fois de la situation démographique et des capacités contributives des actifs cotisants. En revanche, la solidarité financière qui lie les régimes de salariés et de non-salariés repose uniquement sur leurs effectifs respectifs. Le calcul de la compensation ne prend pas en considération le poids financier des non-salariés dans le financement de la branche retraite. (37) CSS., art. D. 134-9. (38) F. Normand et L.-P. Pelé, Rapport d'audit sur les mécanismes de compensation entre régimes de base obligatoires légaux de sécurité sociale, La Doc. française, 2004, p. 98. (39) CSS, art. D. 134-9. (40) Les comptes de la sécurité sociale. Résultats 2013. Prévisions 2014 et 2015, 2014. (41) CSS, LO 111-3 : les LFSS englobent les régimes obligatoires de base, le régime général et les organismes concourant au financement de ces régimes. (42) P. Ract Madoux et G. Gauthey, Mission et fonctionnement de la CADES, Regards EN3S, n° 42, 2012. 30. (43) A. Gubian, 50 milliards d'euros financés par l'ACOSS en 2010, RFFP, n° 115, 2011. 27. (44) R. Fernandez, La gestion de la dette française au coeur de l'expertise de l'Agence France Trésor, RFFP, n° 123, 2013. 21. (45) J. Toubon cité in P. Frasseix, Le Parlement et la sécurité sociale : la consolidation de ce couple par la révision constitutionnelle du 22 février 1996, RD publ. 1998. 774. (46) M. Lascombe, Le Parlement et la loi de finances, in Mélanges Hertzog, Economica, 2010, p. 313.
  • 6. (47) M. Simonny, La démarche de performance dans le cadre des finances publiques, RFFP, n° 98, 2007. 25. (48) On peut citer en exemples le rapport sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques, celui sur la situation et les perspectives économiques, sociales et financières de la Nation ainsi que le vote de la loi de programmation sur les finances publiques. (49) Protocole annexé n° 12 sur la procédure concernant les déficits excessifs, JOUE n° C 83/279, art. 2. (50) G. Lewkowicz, Gouverner les États par les indicateurs : le cas des agences de notation de crédit, in B. Frydman et A. Van Waeyenberge, Gouverner par les standards et les indicateurs. De Hume aux rankings, Bruylant, 2014, p. 151. (51) A. Gubian et E. Laurent, Modernisation de la gestion de trésorerie de l'ACOSS et portage de la dette sociale, Regards EN3S, n° 42, 2012. 85. Copyright 2015 - Dalloz – Tous droits réservés