1. L’Université des Entreprises
Séminaire 6
Quelles organisations
pour réussir ?
L’organisation d’une entreprise
désigne les composantes
internes et externes dont elle
dispose pour atteindre les
objectifs fixés par ses dirigeants.
Mais les mutations économiques
et sociologiques actuelles
mettent à l’épreuve nos modèles
traditionnels. Que doit-on
changer pour être efficace et
performant ? Des stratégies
originales et « audacieuses »
ont-elles déjà fait leur preuve ?
Chez SOGETI, filiale du groupe CAP
GEMINI, et parrain du séminaire, on
sait inventer de nouvelles manières de
fonctionner. Olivier Tarrit en témoigne, lui
qui, en qualité de Market Unit Manager
notamment sur le périmètre aquitain, a
su mener une transformation radicale de
son organisation « à la vitesse de l’éclair »,
passant de 45 à 600 personnes sur un
même territoire, en un peu plus de 10 ans.
Intervenants :
• Parrain : Olivier Tarrit, Senior Vice President et Market Unit Manager
Aquitaine, SOGETI France
• Frédéric Lippi, Gérant, LIPPI
• Yannick Roudaut, Conférencier, Auteur, co-dirigeant, CABINET ALTERNITÉ
• Michel Rouvellat, Président, CIS VALLEY
Modératrice :
Camille Syren Schoepfer, Consultante et psychologue systémique et
intégrative, spécialiste de la croissance des dirigeants, des processus de
groupes et de l’animation d’événements, Créatrice et Animatrice, CLUB APM
lieu : chacun d’entre nous fait du mieux qu’il
peut. Dès lors, on peut s’engager dans la
présomption de confiance au lieu de diriger
des systèmes de contrôle permanents
qui tuent la confiance et l’initiative. » Dès
2008-2009, un système de réseaux sociaux
internes a été mis en place alors que l’on
n’en était qu’aux prémices. C’est un outil
d’une « puissance énorme pour partager
et faire comprendre instantanément ce que
j’ai dans la tête : plus la vision est claire,
plus les gens sont autonomes. » C’est aussi
un moyen de remontée permanente des
problèmes de terrain.
Quel contexte
pour ces nouveaux modèles ?
Oivier Tarrit
Autre exemple, celui de l’accompagnement
de l’évolution des caisses d’épargne
passant de 485 à 17 entités, et de ses
systèmes d’information (de 22 à 1 seul),
sur 20 ans et « sans levée de bouclier »,
précise Michel Rouvellat, Président de CIS
VALLEY. Chez LIPPI, entreprise familiale de
250 salariés à Angoulême (fabricant de
clôtures et grillages), un nouveau modèle
d’organisation est né lors de la reprise
de la société par les deux frères. Frédéric
Lippi : « nous nous sommes lancés dans
une transformation radicale basée sur des
constats et des convictions. En premier
Pour Yannick Roudaut, spécialiste de ces
questions : le constat est sans appel.
« On est en pleine mutation, on vit une
nouvelle renaissance : nos certitudes
vont voler en éclats. Nos organisations
de style pyramidal aussi sous la poussée
des réseaux sociaux et des attentes
collaboratives. C’est dominant. Inutile de
le nier. » Alors pourquoi cette économie
du partage et collaborative émerge-telle ? Au cœur de cette mutation : les
réseaux sociaux, « formidable accélérateur
de collaboration », qui créent du lien en
remettant du sens (le pourquoi on est
ensemble), avec une vraie dimension
écologique (le collaboratif c’est l’économie
de la fonctionnalité : on prête des
objets, on ne les achète plus). Nous
vivons l’avènement d’un autre modèle
économique avec des conséquences
colossales pour toutes les organisations.
Quelles sont les clés
de la réussite ?
Olivier Tarrit avance trois axes. La dynamique entrepreneuriale : « Chez SOGETI,
l’esprit d’entreprendre est chez tous les
salariés. C’est ça qui nous fait réussir des
choses ensemble, et ensuite grandir. »
Deuxième clé : savoir s’entourer des meilleurs, tel un quatuor de musiciens qui
jouent ensemble et trouvent l’harmonie. Il
s’agit de « donner du sens à chaque action
et faire que la complémentarité de chaque
individu dans l’organisation donne du sens
à la cible. » Enfin, l’agilité organisationnelle
(la capacité à faire évoluer en permanence
les organisations) qui permet de « satisfaire
les clients, adapter nos modèles aux productions et digérer le fruit de la croissance. »
Quid des nouvelles attentes
de chacun ?
« Quand on se lève le matin, pourquoi
vient-on bosser ? Pourquoi passe-t-on plus
de temps dans l’entreprise qu’avec notre
famille ? Pour passer un bon moment
dans l’entreprise, être heureux ensemble,
basiquement. » Pour Yannick Roudaut,
il faut prendre en compte les évolutions
de la société et arrêter de penser en
silo : le collaborateur, le consommateur
et le citoyen. C’est une seule et même
personne ! « Nous sommes les nouveaux
pays pauvres, et le paradoxe occidental
est que l’appauvrissement économique
nous ouvre le questionnement, celui du
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2. L’Université des Entreprises
Séminaire 6
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charte des bonnes pratiques, des valeurs
et des comportements) et l’autre sur la
culture projet. Une démarche générant
une grande adhésion. « Pour donner
davantage de sens, nous avons travaillé
collectivement sur le plan d’orientation
stratégique. » Résultats : élection au
palmarès de l’Express des Entreprises où
il fait bon travailler, un chiffre d’affaires de
+11%, un résultat doublé pour 2011/2012
(idem prévu pour 2013) et une satisfaction
clients à +6 points.
sens : pourquoi j’achète ça, pourquoi je
travaille avec lui, et donc : qu’est-ce que
l’on me propose ? » Le consommateur
devient responsable et engagé, intègre
l’entreprise avec les mêmes attentes de
plus en plus prégnantes de sens. Reste à
l’entreprise de lui donner des réponses.
L’exemple donné de LEA NATURE (secteur
agroalimentaire, cosmétiques, produits de
nettoyage en Charente-Maritime), illustre
la structuration autour de valeurs. Son
dirigeant, Charles Kloboukoff, estime qu’il
a deux missions : préserver la biodiversité,
réduire l’empreinte carbone. Mais aussi
apporter du produit intérieur brut aux
collaborateurs : « s’ils sont heureux, je vais
les fidéliser. » Tout en étant rentable : une
contrainte avec laquelle il faut composer,
mais en aucun cas un objectif.
Yannick Roudaut
Frédéric Lippi, qui a basé son organisation
sur la présomption de confiance, n’exclut
cependant pas le contrôle : « ça n’est
pas l’anarchie ! » Il s’agit d’un système
évolué de management. Des repères
sont posés par petits ateliers autonomes
(qualité, coût, délais, management et
sécurité - QCDMS) qui correspondent à
des pratiques. Des relevés quotidiens sont
effectués par les ouvriers dont les résultats
sont confrontés par l’encadrement de
premier niveau. La clé repose sur des
processus connus et simples, mais surtout
construits et améliorés par les ouvriers
eux-mêmes. Autre facteur essentiel :
la taille des organisations. « Pour être
relativement autonome, il faut compter 40
à 50 personnes maximum. » Frédéric Lippi
explique son modèle d’organisation par
l’analogie du banc de poissons où tout le
monde doit contribuer au business modèle,
par opposition à la tortue romaine (les
ordres viennent de l’extérieur sans aucune
contribution de l’interne). Yannick Roudaut
renchérit : « on va vers des écosystèmes
de type banc de poissons ! La très grosse
entreprise pyramidale doit se restructurer
avec des unités de fonctionnement
autonomes et interdépendantes. » En
bref : des organisations plus autonomes
travaillant en réseau, modèles parfaitement
en adéquation avec les attentes de la
génération Y.
La question du sens
Pour Michel Renouvellat, qui intègre
une entreprise qui vient de fusionner,
il faut d’abord apprendre à connaître
les gens « avec une volonté déclarée.
Je vais construire l’entreprise avec les
forces en présence ». Les groupes de
travail mis en place ont débouché sur
une nouvelle organisation et deux
formations ont vu le jour : l’une sur le
management (travail collectif sur une
Michel Rouvellat
Dans ces modèles d’organisation peu
traditionnels, reste la question des emplois.
Pour Olivier Tarrit, l’objectif est « d’en créer
et de les rendre durables », embaucher
des jeunes qui vont « grandir dans
l’organisation ». Une posture qui s’oppose
au modèle des écoles d’ingénieurs qui
prônent un passage de 2 ans dans une
entreprise afin de « rebondir » dans une
autre et d’augmenter son salaire. Michel
Rouvellat le rejoint : « ce qui est important,
c’est la fidélisation. » D’où des plans de
formation très importants et une réflexion
sur la gestion prévisionnelle de l’emploi et
des carrières créant une perspective sur 4 à
8 ans pour chaque nouveau collaborateur.
Frédéric Lippi
Comment anticiper
cette rupture ?
Pour Yannick Roudaut, l’entreprise doit
faire un choix entre le « just enough » (le
juste prix : « j’achète un objet qui remplit
sa fonction ») et le sens/l’engagement :
« quoi vendre de plus que les autres,
c’est-à-dire engager le consommateur
et le collaborateur. » Pour Frédéric Lippi,
deux questions se posent. « Est-ce
que l’actionnaire accepte une moindre
rentabilité, le temps de la réflexion
nécessaire à la mise en place de mon
organisation [et] est-ce que j’accepte de ne
pas être celui qui donne toute la direction,
et qui fait confiance aux émergences. »
Et Michel Rouvellat de souligner la place
laissée à la valeur de l’audace au sein
des entreprises, source de beaucoup
de réussite. Olivier Tarrit penche, lui,
davantage pour l’état d’esprit véhiculé aux
équipes - « venez me voir, proposez-moi
des choses, on va travailler ensemble » que pour les outils collaboratifs et insiste
sur l’importance de ne pas perdre le sens
que l’on s’est fixé, même si le chemin est
« long, complexe et chaotique ».
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