De la peur des comportements millenials à la «rationalisation du conseil» : les banques françaises dans une impasse stratégique ?
La segmentation millenial a peu de fondement réel, mais elle marque la stratégie bancaire : les acteurs en place craignent les nouveaux concurrents et produits de substitution. Les banques ont peur, se cherchent et veulent trouver les solutions en copiant la nouvelle concurrence. Elles devraient plutôt se recentrer sur ce qui a toujours fait leur force : la confiance dans l’expertise de son banquier à gérer son patrimoine dans le long terme. Alors la recherche de rationalisation des coûts n’aura plus lieu d’être.
Extrait benchmark Objets connectés: Panorama international des initiatives Ba...
De la peur des comportements millenials à l'erreur stratégique bancaire
1. Les banques françaises dans une
impasse stratégique ?
Par Laurence Dupré
Le samedi 18 février 2017
2.
3. La banque est, par nature et depuis longtemps, une industrie de
l’information : elle concentre et certifie le contenu de
l’information financière, de sa propriété et de flux de
transactions.
Elle s’est très tôt appropriée les technologies pour simplifier,
automatiser son travail, et réduire les erreurs en termes de
risques opérationnels. L’industrie s’est équipée des premiers
ordinateurs, ceci à grande échelle.
Par ailleurs, les technologies de l’information lui permettaient de
produire de la connaissance et du savoir pour prendre ses
décisions, notamment dans son métier Banque de financement et
d’investissement du modèle universel.
Les métiers de bancassurance et de gestion d’actifs ont suivi,
avec notamment une montée en puissance de la gestion
algorithmique plus ou moins automatisée.
Par contre, elle n’a pas réussi à comprendre et à intégrer
stratégiquement le tournant des réseaux internet au sens large.
Utiliser un réseau privatif de l’industrie financière ou des réseaux
de type intranet allait de soi : l’industrie a justement toujours eu
cette particularité de s’approprier, de privatiser à son bénéfice,
et de sécuriser en interne l’information.
4. Dans son modèle économique de banque de détail, il lui était
inutile de penser les réseaux ouverts vers les clients, puisqu’au
contraire, sa valeur ajoutée provenait de cette opacité pour le
client, voire de l’herméticité de son accès à la connaissance du
système.
Il était donc, surtout pour la banque de détail, non seulement
inutile mais dangereux d’ouvrir le système informationnel au
client, du moins dans le modèle économique qui avait fait la
spécificité de la banque pendant des décennies, voire des
siècles.
C’est ainsi que la banque de détail a globalement manqué le
virage internet, du moins en Europe.
Sûre de ses pratiques, sûre de sa clientèle captive et de la rente
de situation que cela engendrait, à peine consciente que la
technologie du web pouvait apporter de nouvelles opportunités
d’affaires lorsqu’elle a pensé à intégrer les start-ups de courtage
boursier en ligne, voire de différenciation en offrant la
consultation de ses comptes en ligne, elle ne voyait certainement
pas l’intérêt d’investir dans les nouvelles technologies au service
de la banque de détail tournée vers le client.
D’ailleurs, les résultats systématiquement déficitaires des
banques exclusivement en ligne les confortaient dans le peu
d’intérêt d’un modèle économique tourné vers le web, même si
elles pensaient toutes intégrer au groupe leur propre banque en
ligne comme laboratoire pour tester sur les techno-addicts les
fonctionnalités les plus universelles pour les transposer à une
clientèle plus traditionnelle.
5. La révolution n’est donc pas venue de l’intérieur,
mais de l’extérieur : de la Fintech.
Car parallèlement à un monde de la Banque de
détail plutôt figé, la société de l’information et
des transactions ouvertes se développaient. Nous
pouvons certainement estimer que les premiers
échanges monétaires par téléphone portable
remontent à la fin des années 90 quand il fut
possible d’acheter du crédit-temps depuis son
portable, puis de recharger le crédit d’un tiers.
Par ailleurs, sur le média Internet se
développaient les premières interfaces
permettant de consulter à distances l’état de ses
comptes bancaires et de faire des virements de
compte à compte, les premiers sites de gestion
boursière directe en ligne, tandis que Paypal
naissait pour accompagner les paiements des
sites d’achat et vente entre particuliers.
Plus tard émergeait la technologie des
blockchains avec le bitcoin.
6. Au cours des années 2000, alors que la banque croyait son segment
protégé, la concurrence s’est fortement développée sur la banque de
détail.
Elle est venue à la fois d’autres secteurs et de la technologie. Ainsi, les
distributeurs, spécialisés ou généralistes, développaient des partenariats
ou finissaient par internaliser des sociétés spécialisées dans le crédit à la
consommation pour tenter de se positionner en tant que banques à la
manière de Carrefour ou Casino, voire de Boulanger avec son partenaire
Banque Accor ; parallèlement, toutes ces enseignes développaient les
analyses de données KYC – know your customer – en ayant la volonté
d’avoir une offre couvrant l’ensemble des besoins au quotidien, des
courses aux voyages, à la téléphonie ou à l’équipement de la maison, de
leur financement à leur assurance...
Si la stratégie des enseignes de la grande distribution n’ont pas
fonctionnées, c’est parce que l’image de sérieux, de confiance et surtout
de confidentialité des données de la banque était incompatible avec une
stratégie marketing push de plus en plus envahissante développées par
ces groupes de distributeurs.
Par contre, l’équipement large en termes de services avait quelque chose
de séduisant au point que l’ensemble des banques s’y met d’une façon ou
d’une autre (d’ailleurs, en cela, elles peuvent se distinguer d’une offre
Fintech segmentée). on bénéfice, et de sécuriser en interne
l’information.
7. Quant aux technologies d’analyses basées de
plus en plus sur le big data, et permettant la
stratégie KYC, elle a été reprise par les groupes
bancaires qui s’inspire d’ailleurs de plus en plus
fortement des codes et techniques marketing
développés par la distribution (techniques
promotionnelles, programmes de fidélisation,
packages, gestion événementielle :
anniversaires, échéance des produits, etc.), à l’image
de ces ventes privées faites par certaines agences sur
des livrets bancaires, voire des ventes flash sur
Internet avec un taux de crédit d’appel pour un
financement immobilier comme l’a fit le Crédit
Agricole de Grenoble.
La menace concurrentielle a été écartée du fait
d’un avantage compétitif de taille, celui de
l’image de confiance nécessaire à la gestion d’un
bien si particulier qu’est celui de l’argent et de
son patrimoine, rôle ne pouvant être tenu que
par des spécialistes, ce qui en faisait une
importante barrière à l’entrée.
8. Une autre concurrence s’est également développée, celle de
l’assurbanque qui n’avait justement pas ce problème de barrière, car
gérant par nature tant le risque que l’argent, voire le patrimoine à
travers les produits d’assurance-vie.
La concurrence y est venue de l’étranger (Swiss Life, ou Generali et
Allianz dans les années 90) par une offre de souscription d’assurances « à
distance » (d’abord par correspondance, puis par téléconseillers, puis sur
internet) qui s’est affirmée low cost mais s’appuyant sur l’historique
rassurant du périmètre fort des pays européens d’origine, et utilisant au
plus tôt l’apport des nouvelles technologies pour proposer des offres plus
larges en commençant par des livrets bancaires aux taux attractifs
comme l’a fait ING, les autres assurbanquiers français suivant ce pionnier
de l’assurbanque.
Cette offre à distance web et low cost a marqué son emprunte en tant
que modèle, au point de voir apparaître d’autres acteurs en ligne ou
multicanal sans agence.
Mais l’image de spécialiste de l’assurance, non de la banque, a aussi
manqué à l’assurbanque qui très vite s’est inscrite dans l’esprit des
clients comme une opportunité de diversification des placements plutôt
que comme une réelle banque, l’ouverture de compte imposée poussant
à la multibancarisation.
Cette concurrence a par contre fait réagir les banques dans
l’élargissement de leur offre d’assurances et dans l’attrait du multicanal.
Ainsi, ces nouvelles concurrences n’ont pas été une menace en elles-
mêmes.
Par contre, elles ont fait comprendre aux clients l’opportunité de la
multibancarisation, ouvrant la voie à l’idée du changement de banque et
une remontée de la force de négociation du client dans sa capacité à
faire jouer la concurrence.
9. L’offre Fintech vient s’insérer dans ce contexte : de nouveaux
modèles économiques émergents, portés par les nouvelles
technologies, font tomber les barrières à l’entrée et modifient
les équilibres financiers sur diverses activités bancaires dans neuf
directions :
les moyens de paiement, le transfert d’argent, les échanges de
devises, la gestion de budget, les crédits et le financement des
créances, le conseil en gestion portefeuille y compris en termes
d’assurances, l’épargne, et la gestion du compte bancaire.
Un autre pan existe, celui de la sécurisation des transferts et des
monnaies virtuelles.
Ainsi, diverses applications mobiles et plateformes permettent de
gérer ses activités bancaires.
Outre la gestion de ses comptes, il est possible de comparer et choisir
ses investissements, de recourir à des courtiers virtuels ou des
comparateurs, d’optimiser ses dépenses, voire de partager
l’information sur ses propres investissements dans une optique
collaborative.
Il peut s’agir de produits d’assurance sous toutes ses formes,
d’épargne, d’investissements boursiers ou de financements à optique
collaborative ou non.
La dématérialisation de la documentation, la diminution des
coûts de gestion, facilités par un assouplissement des
réglementations permettant l’ouverture à de nouveaux acteurs,
l’optimisation de la gestion du risque (grâce au Big Data
notamment), les nouveaux canaux d’acquisitions, l’amélioration
de la relation client permettent l’émergence de nombreux
acteurs et de nombreuses offres, plus ou moins innovantes.
10. Au-delà du produit d’épargne, l’apport de fond à travers la
FinTech se concentre sur le financement participatif : le
crowdfunding.
Il se subdivise essentiellement en 5 axes : le don simple, le
don avec contrepartie matérielle, la participation aux
fonds propres de la société (crowd equity), la participation
à un prêt aux PME/TPE (crowdlending), et le prêt de
particulier à particulier (« P2P Lending »).
Les PME peuvent diversifier leurs sources de financement.
Le risque de contrepartie lié à l’activité est pris en compte
par d’autres FinTechs qui travaillent par exemple sur des
statistiques comportementales sur l’utilisation du
smartphone pour connaître le risque de l’emprunteur.
Concernant les risques des échanges monétaires
dématérialisés, ils sont divers : usurpation d’identité,
hameçonnage, captation et détournement des flux
financiers, fausses transactions.
Ainsi, des sociétés Fintech, de plus en plus nombreuses, se
sont développées autour de cette problématique, la
pionnière ayant sans doute été Paypal.
11. Quant au Bitcoin, monnaie totalement virtuelle,
il a surtout permis le développement de la
technologie Blockchain apparaissant comme une
alternative originale pour sécuriser les
transactions puisqu’elle supprime notamment le
besoin de contrepartie bancaire pour certifier de
la solvabilité de la transaction en rendant les
données sur les stocks, les propriétés et les
échanges totalement transparentes et partagées
collectivement.
La Blockchain qui le constitue est une
technologie vue comme révolutionnaire pour la
finance dans le sens où elle permet de
désintermédier la validité et la légitimité des
transactions en rendant l’information
redondante auprès de tout membre du réseau :
la technologie Blockchain pourrait sécuriser le
système du crédit ou les transferts d’argent,
supprimant une des principales raison d’être des
banques.
12. Une autre menace vient des Telcos, les grands acteurs des
télécomminications qui misent sur une on-linisation des
services bancaires qui a déjà eu lieu.
Orange et les autres Telcos européens espèrent séduire les
consommateurs ultra-mobiles et encore peu attachés aux
banques, notamment les jeunes et les populations à faibles
revenus qui n’ont pas besoin de réelle gestion de leur
patrimoine.
Orange Cash veut proposer une nouvelle offre de paiement
sans contact adaptée, et a investi dans Groupama Banque pour
dépasser la barrière réglementaire à l’entrée du secteur
bancaire dans la zone euro.
La diversification des Telcos dans le domaine bancaire est pour
elles une opportunité forte alors que leur cœur de marché, la
téléphonie, arrive à maturité.
Enfin, les législations veulent favoriser les opportunités
venues des nouvelles technologies et des Fintechs.
Ainsi, l’ordonnance sur la finance participative d’octobre 2014
permettait le doublement de création de plateformes de
crowdfunding en un an.
Le législateur sait qu’il doit trouver l’équilibre entre un cadre
juridique protecteur pour le consommateur, pour l’industrie
bancaire si importante en Europe, particulièrement en France,
mais un cadre non discriminatoire, adapté aux nouveaux
services digitalisés et libérant toutes les opportunités offertes
par les nouveaux acteurs.
13. Cependant, en l’état actuel des choses, la
circulation de données multicanal et multi-
acteur ne connaît pas de captation massive
par les acteurs non bancaires.
De plus, la Fintech a besoin des banques,
dans les pays du Nord du moins, car la
monnaie, elle, essentiellement scripturale
dématérialisée, y est l’exclusivité des
banques ; or c’est de cet approvisionnement
issu du réseau monétaire dont les FinTech
ont besoin :
elles s’allient donc avec les acteurs
bancaires dans divers types d’accords aux
intérêts mutuels (rachats, partenariats,
incubateurs financés par les banques…).
14. En soi, la Fintech ne représente donc pas une grande
menace en France et en Europe pour l’instant, mais elle
présente des éléments qui changent la vision des
établissements bancaires quant à leur environnement
concurrentiel.
D’une part, les banques se sentent menacées sur encore
davantage de fronts, avec un environnement changeant qui
évolue vite et nécessite une veille permanente voire une
anticipation en termes de stratégie, ce dont elles se
sentent incapables : une stratégie défensive, forcée,
subie, ressentie comme une urgence, ne donne jamais de
bons résultats, risquant de mener dans des voies
dangereuses ou sans issues, en se laissant distancer par
ceux qui anticipent réellement.
D’autre part, ces Fintechs, un peu comme la concurrence
de la grande distribution et de l’assurbanque avec l’offre
élargie de couverture des besoins, mais allant plus loin,
remet vraiment le client – et même l’expérience client –
au centre de la stratégie, la pression sur les prix allant de
paire.
15. Ce qu’a donc provoqué cette intrusion du numérique consiste
donc en la prise de conscience que la relation client est
désormais un enjeu vital, d’autant que le client, particuliers
ou entreprises, dispose maintenant de canaux multiples pour
comparer les offres de produits et de services, pour comparer
les tarifs, pour croiser ces informations avec ses réseaux
sociaux.
À l’ère du numérique, les clients se rendent de moins en
moins dans leur agence, mais demande à leurs banques d’être
plus facilement accessible aux outils de la banque à distance.
De plus, la multibancarisation ou la multiadhésion sont des
phénomènes croissants surtout dans les segments de clientèles
les plus aisées. Aussi bien pour les banques pour les
assurances, le recours à deux prestataires est aujourd’hui
assez fréquent.
Cela permet de pouvoir couvrir l’ensemble des besoins, de
diversifier ses avoirs au sein de plusieurs établissements,
d’aller vers la meilleure offre plus facilement avec des
prestataires déjà sélectionnés. Certes, le client reste présent
– voire actif – dans la banque, mais il réduit ses flux financiers
auprès de chaque fournisseur.
Cet environnement explique la focalisation actuelle des
stratégies Banque de détail sur le meilleur et plus large
service au client sur une base de réduction des coûts et de
multicanal.
16.
17. Ce sont les catégories socioprofessionnelles les plus aisées (CSP
supérieures), mais aussi les jeunes qui sont les catégories les plus
actives dans le multicanal et dans le multiprestataire. La
génération Y ou millenials – née avec la technologie numérique,
internet, les smartphones – ouvre un compte bancaire assez tôt,
à son premier emploi, ce qui est le cas d’une grande majorité dès
l’âge de 18 ans à l’opposé de la génération des parents qui
avaient beaucoup moins systématiquement de « boulots »
d’appoint pendant leurs études.
Par ailleurs, même sans avoir un compte, elle est familiarisée
très tôt avec les paiements sur smartphone ou à distance, relié
au compte parental : ces jeunes utilisateurs ont totalement
confiance dans la solidité et la force du réseau de Google,
Paypal, Amazon ou Apple Pay, et n’ont aucun frein à utiliser les
applications destinées à leur faciliter le paiement.
Utilisatrice des comparateurs, échangeant des « trucs » sur les
réseaux sociaux ou sur You Tube, constatant la multiplicité des
offres et la multibancarisation des parents, cette génération est
avide de solutions rapides et à distance quel que soit le domaine
de la vie quotidienne.
18. De plus, les millenials font circuler l’information et
utilisent volontiers les réseaux sociaux pour exprimer
leurs mauvaises expériences, voire leur dégoût de
certains phénomènes :
le dénigrement peut représenter alors un comportement
dangereux pour certains établissements qui ne savent pas à
quel point ils doivent investir pour scruter les réseaux
sociaux et repérer les promoteurs, les détracteurs et les
neutres, en essayant de s’appuyer sur les premiers et en
tentant de neutraliser les seconds par une réponse
marketing de réseau appropriée, mais chronophage.
Car cette génération « zappe » aussi très facilement :
les jeunes générations s’avèrent plus mobiles, avec un
taux d’attrition (par moyenne annuelle des clients qui
changent de banques principales) de 7 % chez les 26–35
ans contre 3 % chez les 46–55 ans.
La loi Macron concernant la facilitation du changement de
banque peut intéresser éventuellement cette jeunesse, bien
que les freins au changement de banque – le nombre de
prélèvements ou virements automatiques, l’équipement
important dans sa banque principale, le crédit notamment –
ne soient pas une réalité pour ces personnes encore
installées chez leur parents.
19. La loi Macron vise d’ailleurs plutôt un autre
segment qui se greffe à la génération Y en
termes de comportement et notamment
d’avidité à la relation digitale :
les CSP supérieures de 30-45 ans :
eux aussi scrutent internet à la recherche des
meilleures offres et de diversification, préfèrent la
relation à distance pour une question de gestion du
temps, se font confiance – presque davantage qu’à
leur conseiller – pour rechercher les meilleures
opportunités
(vague sur laquelle surfe le positionnement marketing de
BfotBank : « mon banquier, c’est moi »),
et partagent sur les réseaux sociaux, de façon tout
aussi active même si sur des réseaux souvent
différents de ceux de la génération suivante.
20. Par ailleurs, ces deux clientèles sont très sensibles à
l’investissement socialement responsable et aux
produits alternatifs, décidés sur la base de critères
sociaux, environnementaux, étiques qui ne sont pas
uniquement économiques et financiers : finance verte,
micro-crédit et microassurance, finance éthique, ou
crowdfunding, produits d’épargne solidaire, ou moyens
de paiement éthiques…).
Tout autant déçus du système conventionnel et de la
crise financière qu’il a provoquée et qu’ils sentent avoir
marqué leurs débuts dans la vie, ces segments millenials
ont besoin d’un sens donné à l’argent, l’investissement
socialement responsable (ISR).
Or, justement, la Fintech propose volontiers ce genre de
produits, dont les réseaux sociaux bien utilisés peuvent
être une source de distribution.
Dans ce contexte de besion d’ISR et de taux d’attrition
plus fort, certains groupes bancaires essaient avec
prudence les pratiques de récompense, soit pour le
client lui-même, soit pour une cause sociale via le
mécénat, le sponsoring ou des fondations, quand
d’autres banques affirment leur proximité affective et
leurs partenariats citoyens.
21. Pourtant, alors que la génération des jeunes cadres avides de
technologie et d’ISR a su être captée en partie par les
banques en ligne, la clientèle jeune est peu approchée par
les banques.
Les raisons en sont diverses.
En premier lieu, les banques n’avaient pas l’habitude d’aller
chercher les jeunes : eux venaient naturellement, souvent sur
prescription de leurs parents, lorsqu’ils s’installaient, et les
banques les reprenaient lors de la souscription du premier crédit
immobilier.
En second lieu, cette clientèle est difficile à appréhender en
termes de besoins et de comportements : la banque de détail voit
clairement le potentiel fort du multicanal et des réseaux sociaux,
mais ne sait absolument pas comment l’utiliser pour capter ces
jeunes.
C’est en ce sens que la banque de détail est un peu suiveuse de ce que
proposent les Fintech mettant l’expérience client au centre de leur
modèle, puisque cette génération est justement très clairement
sensible à cette expérience client.
Enfin, c’est une catégorie qui rapporte peu de PNB alors qu’elle
nécessite beaucoup d’efforts pour réussir à la faire venir en
agence, encore plus maintenant qu’elle fonctionne sur du
numérique et à distance : il s’agit certes d’un investissement sur
l’avenir, et même plutôt d’un pari sur l’avenir vu son
comportement « zappeur », mais à l’heure où l’on demande aux
conseillers de faire de plus en plus de chiffre, il est normal qu’ils
privilégie la clientèle plus immédiatement rentable de leurs
parents.
22. Cependant, la génération Y appréciant une offre
avec une relation digitale poussée qui pourrait être
un avantage concurrentiel déterminant va
commencer à accumuler du capital, et les banques
devront donc rapidement apporter des éléments
capteurs du potentiel si elles ne veulent pas les
voir se perdre vers d’autres acteurs non bancaires.
Car cette génération, qui a appris d’une façon ou
d’une autre à utiliser de l’argent à distance sans
son banquier et à chercher les produits et
applications qui pourront répondre à ses besoins,
peut continuer à se passer du banquier et
privilégier des acteurs comme Paypal, Google,
Facebook ou Amazon si demain ils proposent des
produits financiers, à la manière d’Ali Baba, le
géant chinois de l’e-commerce, qui a lancé un
fonds monétaire, récoltant l’épargne de quelque
100 millions de particuliers.
23. Ces géants d’internet, non bancaires mais aux
puissances financières énormes, peuvent réussir
à inspirer confiance à cette génération là où la
grande distribution ou l’assurbanque avait
échoué avec leurs parents.
Certains voient dans les millenials une
génération qui n’aura plus besoin ni d’agence
bancaire ni d’interlocuteur conseiller bancaire
personnel.
Cela conduirait à une segmentation
comportementale très claire entre ancienne et
nouvelle génération, qui conduirait à termes à
la fermeture de toutes les agences.
24. Pourtant faire des millenials une génération particulière car la
seule génération en besoin de contenu virtuel est faux.
Excepté la génération des retraités, toute la population a adopté
les canaux à distance et virtuel, et ne saurait s’en passer.
La banque multicanal utilise différents canaux de
communication ou de distribution, physiques et virtuels.
Les banques doivent répondre aux nouvelles exigences des
consommateurs, et de tous.
Les clients se déplacent de moins en moins en agence et
demandent à leur banque d’être accessible en permanence :
information, devis, conseil et souscription doivent pouvoir être
réalisés à distance, à des horaires très larges.
Le multicanal est devenu un élément fondamental de la
satisfaction client.
La mise en place de nouveaux outils doit se faire rationnellement
et concilier efficacité commerciale et économique.
25. Le multicanal allie
les canaux physiques
l’agence bancaire et la relation directe entre le conseiller et
son client lors d’entretiens en face-à-face
et les canaux technologiques virtuels avec
guichets automatiques,
centres de relations téléphoniques,
smartphones permettant les alertes par SMS ou transferts
d’argent,
les tablettes avec une approche encore plus ergonomique
des services de la banque à distance,
les sites Internet souvent plus complet que les applications
mobiles (en plus du classique accès sécurisé aux comptes et
services bancaires à distance - virements, ordres de bourse ,
messagerie, relevés en ligne - le portail de la banque
propose des devis, coffre-fort numérique, newsletter,
vidéoconférence….),
et les réseaux sociaux avec une communication
institutionnelle sur l’activité de l’entreprise et ses résultats,
et parfois une tentative de communication personnalisée
instantanée via le chat…
26. Ces canaux utilisant les nouvelles technologies
permettent de véhiculer une image de
modernisme, la banque digitale offrant une
meilleure visibilité de l’enseigne une plus
grande accessibilité aux services et aux
produits qui peuvent, pour la plupart, être
souscrit à distance.
La conception des outils vise d’ailleurs tout
autant l’accroissement des performances
commerciales, et la satisfaction client qu’une
rationalisation des coûts.
Au final, ce besoin de multicanal ne peut pas
être attaché à une génération particulière,
même si la proportion qu’occupe chaque
canaux va varier selon les générations.
27. Par ailleurs, les jeunes aussi ont des besoins communs à tous,
liés à la représentation de ce qu’est l’argent.
Car quelle que soit la génération, le comportement du
consommateur bancaire diffère de celui des clients de
produits classiques, cette caractéristique impactant la fidélité
à la banque.
Tout d’abord, le risque influence beaucoup la relation.
Plusieurs éléments augmentent le risque perçu lors du
processus d’achat des produits bancaires.
La nature intangible des services tend à accroître le sentiment
de risque : la prise en main du bien, son inspection pour
forger sa conviction n’est pas possible pour un service, qui
plus est un service bancaire.
Le client doit donc se référer à d’autres éléments pour limiter
le risque perçu.
D’autre part, la nature de la monnaie, et plus précisément
son caractère scriptural, génère une appréhension légitime.
En outre, les Français conservent une défiance naturelle à
l’égard de la monnaie, en partie liée à l’inconscient collectif
intergénérationnel ancré dans le rural opposé au bourg
commerçant et riche, de paysan épargnant par peur de la
pénurie, et de catholique voyant en l’argent une des sources
du vice.
28. Car en plus des risques liés à l’achat classique,
l’activité bancaire engendre d’autres risques :
risque financier (perte monétaire), risque de
performance (rendement inférieur à celui espéré),
risque social (perte de statut social du fait de la
disparition de ses actifs financiers).
Ce type de risque conduit le consommateur à
adopter un comportement particulier.
Lors du processus d’achat, le client procède à un
achat réfléchi : il met en œuvre un ensemble de
démarches parfois complexes, de l’évaluation à la
décision d’achat, mais en banque, confronté à un
manque de connaissance, l’acheteur s’en remet au
chargé de clientèle.
Même si le millenial peut aller chercher sur les
réseaux de réponses à ses questions, le besoin de la
parole de l’expert et d’un conseil adapté à son cas
demeure
29. De plus, attaché ou non à ses réseaux sociaux et
son smartphone, le millenial traversera les mêmes
phases que ses aînés au cours de la vie.
Ainsi, les 15–24 ans favorisent les placements ou les
prêts pour une dépense prévue dans l’année ; les
25–34 ans entendent préparer ou concrétiser
l’achat d’un logement ; les 35–49 ans optent pour
la prévoyance à l’égard de leur famille ou le
financement des études de leurs enfants ; enfin, les
50–64 ans souhaitent consacrer leur épargne à leur
retraite.
Suivant à peu près la théorie e Modigliani, le crédit
est employé par les moins de 65 ans, et avec l’âge,
l’épargne financière (notamment assurance-vie) est
préférée à l’immobilier.
Les catégories les plus modestes empruntent pour
des besoins de consommation courante alors que
les classes aisées privilégient les crédits des besoins
professionnels ou immobiliers.
30. En ce qui concerne l’épargne, les plus modestes
privilégient l’épargne de précaution (disponible)
alors que les plus aisées avantagent celle
d’investissement.
Au-delà des groupes sociaux, d’autres études
démontrent que les attentes bancaires sont sexuées
mais indifféremment selon l’âge : pour les femmes,
les priorités concernent la gestion des contraintes
du quotidien et le fait de pouvoir faire face aux
aléas, alors que les hommes privilégient les
placements à long terme et les rendements
financiers.
Enfin, y compris pour la génération millenial, tout
comme les groupes sociaux, la famille exerce une
influence réelle sur le comportement bancaire des
consommateurs, l’influence parentale étant forte,
notamment lorsque l’enfant est jeune et proche du
domicile familial.
31. Ainsi, la segmentation réelle millenials/générations plus
âgées n’est pas très forte.
Les différences générationnelles étant de faits mineurs,
les enquêtes montrent d’abord et avant tout la
prédominance commune d’attentes:
le consommateur a besoin d’information, de transparence
et d’une offre claire, l’intangibilité des produits renforçant
ce besoin ;
le banquier doit faire preuve de disponibilité, de proximité
et de réactivité ;
le client cherche une véritable relation avec son conseiller
qui doit être à l’écoute et proposer des produits adaptés ;
le consommateur demande des produits, des services une
tarification individualisée ;
les clients sont demandeurs de services en ligne et les
banques doivent développer leurs services numériques ;
les canaux de communication doivent être intégrés : pour
un meilleur service et une efficacité commerciale optimale,
le conseiller doit rester au centre de la relation client ;
et la clientèle attend une offre adaptée à ses besoins, les
outils marketing devant aider le conseiller à cibler les
besoins du client.
32. En fait, toutes générations confondues, même
si les millenials et jeunes cadres y sont plus
sensibles, les nouvelles tendances en matière
de consommation des produits financiers sont
partout l’essor de la consommation
responsable, intensifié par la crise, le besoin de
protection et de sécurité, et les besoins de
flexibilité, de rapidité de praticité.
Les banques ont tenté de s’en emparer, la
référence éthique devenant un argument clé de
la consommation française et une opportunité
de se créer une bonne image d’entreprise, afin
de déculpabiliser le client consommateur, de
donner du sens à l’acte d’achat, et de passer
d’une consommation de masse à une
consommation plus revendicatrice.
33. La crise économique a renforcé le sentiment de vulnérabilité
et la tentation de se replier sur soi, et son proche
environnement personnel et familial.
La population dans son ensemble ressent que l’argent ne
rapporte plus et qu’il vaut mieux ne pas perdre plutôt que
s’enrichir, de sorte qu’aux exigences de rendement fait place
une exigence de disponibilité et de flexibilité : les produits
doivent s’adapter aux conditions d’utilisation.
Il y a volonté croissante de disposer rapidement des produits
demandés, tendance liée à ce que permettent les nouvelles
technologies et que les clients veulent voir répliqué dans la
banque, quel que soit leur âge : le déblocage instantané de
fonds, le système de prêt à attribution automatisée, les
déclarations de sinistres à distance se développent pour faire
face à cette demande croissante, les acteurs devant s’engager
sur des délais.
Par contre, les clients sont prêts à prendre en charge par eux-
mêmes un certain nombre de tâches qui étaient assurées
auparavant par les prestataires.
Les applications mobiles visent à augmenter la simplicité la
praticité de l’accès à son établissement sans être contraint
par des heures d’ouverture, des temps d’attente ou un accueil
de plus ou moins bonne qualité.
34. L’autre conséquence de la crise est une certaine
incapacité à évaluer le risque, d’où l’attitude
dominante de besoin de sécurité avec de nombreux
produits délaissés, notamment les assurances-vie en
unités de compte remplacées par des produits à
rendement garanti avec une inversion de la tendance
risque actifs risquée/actifs non risqués autour de 1/3–
2/3.
Concernant les produits financiers d’investissement
socialement responsable, on constate certes une
demande croissante de la part des investisseurs
institutionnels qui doivent répondre aux pressions des
pouvoirs publics, notamment après la COP21 en France,
mais les investisseurs individuels ont du mal à adhérer et
n’y croient pas de la part de produits vendus par les
banques, la notion de crowdfunding leur semblant plus
concrète.
Les comportements d’achat extrêmement différenciés
nécessitent parfois des approches de type sur-mesure,
bien pris en compte par la qualité et la pertinence de la
segmentation des banques, la CSP d’appartenance, la
profession, le niveau des revenus n’étant plus des
indications suffisantes pour faire des offres.
35. Pourtant, globalement, l’évolution des besoins et
des comportements est aujourd’hui relativement
bien identifiée par les acteurs qui portent une
attention toute particulière à la qualité et la
pertinence de leur segmentation… avec une
problématique millenials qu’ils ressentent ne pas
maîtriser.
Avec les nouvelles technologies, les opérateurs
parient sur un changement assez profond des
pratiques de paiement de la population avec cette
montée en puissance de la nouvelle génération.
Or, à part pour quelques personnes naturellement
tournées vers des nouveautés, la diffusion à grande
échelle de telles innovations suppose des évolutions
sociologiques et psychologiques chez les clients,
sans doute surestimées.
Ceux-ci essaient de voir les gains d’efficacité, les
efforts demandés et les risques encourus.
36. L’adoption d’une innovation à forte connotation technologique
suppose qu’à la fois les utilisateurs, clients et commerçants,
le personnel des établissements financiers et le contexte
réglementaire soient aussi bien en phase avec le dispositif
proposé.
La banque tâtonne sans réelle stratégie de fond : trop
d’innovations dans le secteur bancaire sont encore lancés
pour des raisons principalement internes, d’économies de
coûts, ou parce que c’est la conviction ou l’envie d’un
dirigeant, sans pour autant regarder si elles répondent à une
attente fondamentale ou à une évolution marquée des
habitudes de consommation.
En outre, avec une population vieillissante au niveau
européen, les établissements devraient prendre des
précautions pour ne pas décourager les consommateurs les
plus âgés.
Dans ce contexte, la singularité de la génération millenial est
sans doute surestimée par des groupes bancaires qui ont en
fait du mal à appréhender les phénomènes Nouvelles
technologies et préfèrent penser qu’il s’agit d’une question
de génération pour tenter de ne traiter l’utilisation
potentielle qu’à la marge, en se concentrant plutôt sur la
question de rationalisation des coûts que ces technologies
permettent.
37. Dans la banque, avec l’euro, la mondialisation et le multicanal, les prix
se trouvent propulsés au centre des réflexions stratégiques qui agitent la
profession financière.
Pourtant, de façon contradictoire, le marketing-mix bancaire n’en est pas
moins trop souvent négligé dans le sens où il est fixé sans grande rigueur
par rapport à la concurrence, aux marchés et aux coûts.
La stratégie globale de packages pour la banque au quotidien rend les
comparaisons difficiles pour les consommateurs.
L’épargne réglementée, si importante en France, gomme la
différenciation prix, et les aléas des marchés sur les rendements de
l’assurance-vie ont appris aux banques à éviter de mettre en avant le
rendement, en supprimant la plupart des mécanismes de garantie des
rendements.
Pour ce qui est du crédit immobilier, il reste un produit d’appel pour les
banques, mais les montages techniques complexes et les enjeux pour les
clients diminuent l’utilisation du levier de mise en concurrence pour faire
baisser le coût global, cette stratégie ne venant que lors de la
renégociation des prêts, assez minoritaire.
Et pour les crédits à la consommation, lorsque l’argument prix est clé
pour le consommateur, il se tourne plutôt vers des spécialistes du crédit
de type Cetelem, la banque pouvant faire un taux plus élevé pour les
clients qui préfèrent la sécurité de leur agence.
38. Globalement, la stratégie de services additionnels et celle de
communication insistant sur la technicité du conseil, le
rendant spécifique et différentiateur, continuent à brouiller
les références comparatives.
Les banques négligent l’argument prix du fait de la forte
fidélité passive possible dans le secteur : changer de
fournisseur, et donc de banques, accroît le sentiment de
risque.
Partir pour un autre établissement induit des coûts et
beaucoup d’incertitudes (temps de recherche,
d’apprentissage de nouvelles procédures, perte des avantages
liés à la fidélité, des habitudes, du lien créé avec le
personnel).
C’est d’ailleurs sur ces points qu’insistent les banques pour
contrer la loi Macron de facilitation du changement de
banque.
Certains clients renoncent et demeurent en place, les autres
ont au mieux une stratégie de multibancarisation, les
recherches démontrant que les classes sociales les plus aisées,
plus enclines à recourir au risque, sont globalement celles qui
ont une plus grande stratégie de recherche de prix à travers le
recours au multiprestataire, et non pas à travers le
changement de banque.
39. La pression concurrentielle accrue, l’insistance des
prestataires en ligne sur l’aspect prix (banque en
ligne, comparateurs de crédits ou de placements
longs…), le ressenti de l’inconstance forte de
l’environnement lié aux nouvelles technologies en
termes de nouveaux entrants et de produits de
substitution, la pression législative pour davantage
de mise en concurrence, et les effets induits de la
crise qui ont fini par toucher la banque de détail
avec un peu de décalage, ont conduit cette banque
de détail à se concentrer sur la réduction des
coûts.
Comparant aux structures en ligne qui
communiquent justement sur le coût du service
bancaire pour le consommateur, elles ont toutes
focalisé sur la charge représentée par l’agence
physique et la masse salariale représentée par ces
agences, cherchant à maximiser l’indicateur
génération de PNB par conseiller.
40.
41. Ainsi, pour rationaliser les coûts, les banques
ont donc toutes mis en œuvre la même
stratégie de réduction, voire de suppression à
terme des guichets (non générateur de PNB) en
tentant d’obliger les clients à passer par les
guichets automatiques, les opérations en ligne
et les plateformes de renseignements et
d’accueil/prise de rendez-vous téléphoniques.
Ce phénomène s’auto-entretient dans le sens
où c’est une demande des clients qui se
rendent de moins en moins souvent dans les
agences puisque sur place également, on les
renvoie vers des systèmes automatisés. De ce
fait, les banques cherchent à fermer les
agences les moins rentables, et réduire
globalement la taille du réseau.
42. De plus, le modèle se transforme. Le plan de BNP
Paribas est précurseur de la tendance avec son projet
« préférence clients » dans lequel 5 à 10 % des agences
deviendront des agents express automatisées avec un ou
deux salariés mais sans conseil, 10 à 15 % des agences
projets avec des spécialistes dans le crédit immobilier
ou la prévoyance, et les 75 à 85 % restantes seront des
agences conseils où les clients n’auront plus de
conseillers dédiés tandis que le poste de chargé
d’accueil est appelé à disparaître, tous les conseillers
devant répondre aux clients par téléphone ou sur
Internet.
Ainsi, l’ensemble des banques suit la même tendance :
des généralistes qui renverront vers des spécialistes,
mais contrairement à ce qui se passe pour le monde
médical, ces généralistes ne seront pas dédiés.
Outre le fait qu’il faudra faire de plus en plus de
kilomètres pour trouver son agence, le conseiller ne sera
jamais le même.
43. Ainsi, ce schéma correspond à une gestion effectivement rationalisée du
conseil employant le multicanal pour répondre en permanence au client, et
apportant un conseil éclairé grâce à une meilleure compétence, et optimisé
en termes de besoin du client grâce à la segmentation améliorée par
l’analyse Big data.
Mais le conseil éclairé de spécialiste, l’approche personnalisée grâce au Big
data, renforcé par une expérience client travaillée par des sociétés
spécialisées qui travillent justement dessus, les clients peuvent les trouver
en ligne. Le multicanal est à peine amélioré par rapport à une offre
exclusivement à distance du fait de ce contact parfois en face-à-face.
Mais qu’est le contact en face-à-face si le conseiller change à chaque fois ?
Que vaut le relationnel si la confiance n’a pas le temps de s’établir ?
Le point fort des offres en ligne, c’est la rapidité, la disponibilité, et un
rapport qualité du conseil/coût tout à fait positif, mais le point faible
reconnu des plateformes et offres à distance, dans les autres services ou les
sites marchands, ce qui agace au plus haut les clients, c’est de ne jamais
avoir le même interlocuteur.
La compensation provient alors du prix du service. Une banque multicanal,
même avec peu d’agences, ne peut pas rivaliser de ce point de vue.
Mais si elle perd le relationnel, elle perd clairement son avantage compétitif
par rapport aux offres en ligne pour lesquelles les millenials auront de toute
façon de plus en plus d’appétence.
Si la banque multicanal est compétitive sur une offre, elle ne sera qu’une
opportunité de plus dans la stratégie multiprestataire du client « zappeur »
et opportuniste. La fidélisation sera toujours moindre. Cette stratégie est à
l’évidence une voie dangereuse.
44. La bonne stratégie se trouve à l’inverse non pas sur une stratégie
coûts, mais sur une stratégie conseil basé sur un relationnel fort.
Car nous l’avons dit, étant donné le bien particulier qu’est l’argent,
changer de fournisseur, de banque, mais aussi d’interlocuteur accroît
le sentiment de risque.
L’environnement changeant, les évolutions rapides, les crises
économiques, financières ou politiques ou sociales, accroissent le
sentiment d’insécurité.
La population aura donc de plus en plus besoin de repères forts, de
personnes de confiance, quel que soit son âge.
Face aux machines qui travaillent de plus en plus efficacement, face
à l’individualité montante, les clients demandent de plus en plus de
relationnel.
Certains clients ont fait l’expérience de la banque en ligne : au
départ, le client avait un interlocuteur dédié et même à distance, le
relationnel fort, de confiance était établi (reconnaissance de la voix,
historique connu par chacun, réelle confiance mutuelle), mais quand
la stratégie est devenue de faire partir le conseiller dédié et que
l’interlocuteur changeait deux fois par an, un certain nombre de
clients sont revenu vers l’agence, en besoin de ce relationnel.
Le modèle pouvant fonctionner est plutôt celui du notaire de
famille, ou du gestionnaire de patrimoine : dans ce cas, ce n’est plus
le prix qui est important, ni la rapidité, mais la confiance qui se
fonde dans le temps, voire entre générations, et qui est justement la
base de la banque : la confiance est primordiale, et c’est le premier
besoin exprimé par le client, comme nous l’avons dit.
45. L’avantage concurrentiel viendra alors de la
capacité à équiper l’ensemble de la famille avec un
panel de services important, accorder du temps à
la relation, d’autant que les études constatent
l’importance de l’influence des parents dans le
choix du conseil bancaire.
Tout comme le notaire de famille d’autrefois
connaissait l’ensemble des besoins de chacun et
toute l’histoire de la famille, un tel relationnel
permettrait de vendre et d’équiper facilement, et
fidéliserait totalement.
Evidemment, cela suppose de renoncer à cette
stratégie de généraliste renvoyant sur des
spécialistes : il faudrait une haute compétence du
conseiller bancaire dans tous les domaines.
Il faudrait aussi une vraie politique de fidélisation
et de sédentarisation de l’employé conseiller
bancaire, comme c’est le cas dans les cabinets de
gestion de patrimoine réellement sérieux et
reconnus dans des lieux comme le Bordelais…
46.
47. La segmentation millenial a peu de fondement
réel, mais elle marque la stratégie bancaire : le
développement de ces nouvelles technologies a
concrètement des effets qui concentrent toutes les
attentions stratégiques, les acteurs en place
craignant de voir émerger de nouveaux concurrents
menaçants, le cas des paiements étant sans doute
le plus symbolique pour les acteurs bancaires.
De plus, les acteurs classiques savent qu’ils doivent
faire évoluer leur mode de relation et
d’interactions avec la clientèle vers une meilleure
« expérience client », et faire évoluer les services
offerts en conséquence.
Les banques savent que le modèle d’une banque ou
assurance digitale est potentiellement source de
création de valeur s’il est complètement adopté
par la clientèle, mais elles ne savent pas à quel
point cette clientèle va adhérer au modèle,
pensant généralement que les millenials finiront
par y adhérer à 100%.
48. L’influence millenials est là, non pas dans les chiffres, mais
dans l’impact psychologique sur les dirigeants bancaires.
Avec 20 ans de retard, la banque vit la sensation de révolution
provoquée par la Novelle économie, qui avait engendré la
bulle internet du fait de cette incapacité à comprendre ce qui
allait se passer, persuadé que la nouvelle économie allait tout
modifier, et que l’ancienne économie ne pourrait survivre
qu’en devenant en grande partie nouvelle économie.
Les banques ont peur des nouveaux opérateurs et des produits
de substitutions permis par la technologie, peur de perdre
leur force, au point qu’elles deviennent schizophrènes entre
conseil personnalisé basé sur le développement du
relationnel, et dématérialisation pour rationaliser les coûts.
Elles se cherchent et veulent trouver les solutions en copiant
la nouvelle concurrence.
Elles devraient plutôt se recentrer sur ce qui a toujours fait
leur force : la confiance dans l’expertise de son banquier à
gérer son patrimoine dans le long terme.
Alors la recherche de rationalisation des coûts n’aura plus lieu
d’être quand la compétitivité qualité l’emporte sur la
compétitivité-prix auprès du client, qu’il soit millenial ou
non.