1. KC Schmitz
FREN3631
Dr. Schreier
La lutte pour la reconnaissance: Le graffiti dans le monde d’art et sa correspondance avec la
culture française-nord-africaine dans la société française
Le graffiti est une forme d’expression polémique, et son rôle dans la société est bien
discuté sans qu’on soit parvenu à un accord. Les jeunes nord-africains en France n’ont pas de
mode d’expression accepté par la société française. Le graffiti est une forme d’art pratiquée pour
la plupart par les populations contre-culture dans les espaces publics urbains. Refuser d’admettre
la légitimité et l’importance du graffiti comme forme d’art est ainsi une forme de discrimination
qui réduit au silence la voix d’une population qui en a le plus besoin.
La question principale est la suivante : est-ce que le graffiti est une forme d’art ? Et si le
graffiti est une forme d’art, est-ce qu’il a la même valeur que les formes traditionnelles : la
peinture, la littérature, la poésie ? Cette question est parallèle à la question du rôle de la culture
nord-africaine dans la société française. Est-ce que cette culture fait partie de la définition de la
culture française ? Ce projet va discuter comment les populations minoritaires utilisent le graffiti
pour s’exprimer dans une société qui continue à les réduire au silence, et comment l’insistance
des graffeurs d’être accepté dans le monde d’artiste et un produit du refus d’accepter les nord-
africains dans la société française. La lutte pour montrer que le graffiti est une forme
d’expression artistique légitime et un élément méritant du respect sur la scène intellectuelle
correspond à l’épreuve endurée par les français ethniquement nord-africains afin d’être acceptés
comme légitimes et méritant du respect de la culture française dans l’opinion majoritaire.
2. Je voudrais explorer trois aspects qui caractérisent le graffiti et comment ces aspects sont
des reflets des expériences du jeune nord-africain de la banlieue en France.
En premier, la culture française est définie et se considère « immortelle ». Sa définition
de « l’art » n’inclut pas de graffiti et sa définition du « français » n’inclut pas de nord-africain.
Les graffeurs sont des artistes qui ont rejeté les paramètres de ce qui est accepté socialement et
artistiquement, de même que les nord-africains se révoltent contre la notion d’une intégration
fondée sur l’assimilation dans une culture qui ne les accepte pas. La fugacité du graffiti montre
une capacité pour une institution à changer de manière positive.
Dans un second temps, l’illégalité du graffiti pose un problème d’acceptation pour le
monde de l’art et la culture française, de la même manière que la prévalence du crime dans les
banlieues prédispose la société française à dédaigner les populations qui y habitent.
Finalement, l’utilisation d’une identité communale ou la manque de cela peut poser des
grands problèmes pour la notion d’individualité. L’anonymat risque d’affaiblir la voix d’artiste
tandis que le contexte de son identité peut mener aux suppositions et stéréotypes, ce qui élimine
effectivement l’individualité de cette voix.
L’institution de culture en France est extrêmement rigide, statique, et délibérée. Il existe
les définitions traditionnelles qui expliquent comment la culture française doit être étudiée,
pratiquée, et préservée. Cela se manifeste dans les régulations sociales et légales de la définition
de la culture. Par exemple, l’Académie française est une organisation régulée par le
gouvernement français qui essaie de préserver la pureté de la langue française. Comme une
culture qui s’enorgueillit de sa langue et comment ses citoyens l’utilisent, on peut voir le
problème avec l’exclusivité de la définition de l’Académie de ce qui constitue la langue
française, surtout en ce qui concerne la manque de diversité ethnique dans l’Académie. En plus,
3. le ministre de la culture, une employée du gouvernement, a le pouvoir et la responsabilité de
protéger et de promouvoir l’institution d’art en France, ce qui lui donne le pouvoir de définir ce
qu’est l’art. Il convient de mentionner qu’il n’y a jamais eu un ministre de la culture nord-
africain. Avec une définition si limitée de ce qu’est la culture et de qui elle appartient, la France
exclut activement la diversité, le changement, et le progrès. L’intellectuel culturel en France base
ses jugements de la légitimité sur l’éducation, l’âge, et l’expérience. Par contre, la définition de
graffiti est très fluide. Le terme « graffiti » ne signifie pas quelque chose en particulier, mais
plutôt la nature de la production : publique et sur un mur. Cela peut être des « tags » (de
seulement le nom d’une personne ou un groupe), des pochoirs, des stickers, ou bien des peintures
murales immenses et compliquées. La culture du graffiti et des artistes est inclusive. « Graffiti is
a design exercise that encourages, whether or not it is actively participate in, stewardship with
the urban landscape by finding liminal spaces as opportunities for communication, probing a
reaction from the community” (Cudmore, 2012). Tout le monde peut le faire. Ce n’est pas
permanent ou défini, et n’exige pas d’éducation scolaire. Contrairement à l’opinion majoritaire,
le graffiti est ainsi une amélioration de l’espace urbain, intensifiant les liens entre la ville et le
graffeur en engageant une communauté. Cudmore (2012) examine les conclusions des autres
chercheurs et réaffirme que « this active participation is more than a personal conversation with
urban landscape ; it is also a community dialogue that is a sign of political citizenry ».
Les graffeurs acceptent aussi la nature transitoire de leurs œuvres. Ces œuvres peuvent
être effacées par les autorités ou recouvertes par les autres graffeurs aussi rapidement qu’elles
ont été créés. Par conséquent, en reconnaissant la mortalité de l’existence de leurs œuvres, ils
reconnaissent le besoin de continuellement affirmer et réaffirmer leurs messages. De même, un
jeune homme franco-arabe dans la banlieue utilise cette approche pour déclarer à la fois son
4. individualité et sa propre place dans la société française. Sans insister d’être vu encore et encore,
en public, dans la majoritaire, sous des perspectives différentes, il est en danger d’être “effacé”,
son identité décapée et blêmi à un ton déterminé suffisamment convenable pour la société
française. Il risque aussi être peint avec une vaste brosse des généralisations et des préjugés.
Même s’il appartient à une certaine communauté et partage plusieurs expériences avec eux, il
n’est pas seulement un stéréotype sans nom. « Graffiti function[s] as resistance by allowing
individuals to contest the dominant relations of power and the disciplining devices that are meant
to sanction only certain kinds of discourses and actions » (Rodriguez & Clair, 1999). Ceci
affirme également l’idée que l’art et la culture doivent être dynamiques, malgré le fait qu’en
France la notion de la culture est statique et raffinée. Les artistes nord-africains insistent pour
avoir une voix dans ces échanges qui ont attraits à la définition de la culture française.
Le graffiti est intrinsèquement criminel et créé dans des espaces interdits. Au cœur du
débat de légitimité du graffiti est la question : est-ce que le graffiti est une force de la destruction
ou une force de la création ? On peut poser la même question sur les banlieues. Bien sûr on ne
veut pas encourager la perpétuation de la pauvreté, de la ségrégation ethnique, et de la violence
pour influencer la créativité. Or, plutôt que de seulement critiquer les effets négatifs de la
banlieue sur ses citoyens, on doit reconnaitre que cet environnement est exceptionnellement
productif, artistiquement. Le graffiti et l’art de la rue est l’un de ces produits. Le graffiti est
donc une forme d’expression qui fonctionne contre l’état oppressif. Cependant, le but n’est pas
de détruire sans raison; le but est d’exprimer qu’ils n’acceptent pas la société imposée par l’Etat.
Par exemples, dans son film Indigènes, le cinéaste maghrébin Rachid Bouchareb encourage les
jeunes citoyens des banlieues à utiliser leurs expériences pour exiger une place dans la société
française : « instead of regarding the injustices…as pretexts for destructive behavior, [they]
5. should see in the actions of their ancestors proof that they had a rightful place in French society,
to be secured in a conciliatory rather than a recriminatory fashion. » (Hargreaves, 2007).
L’Etat lutte pour effacer, empêcher, et éliminer le graffiti de peur de permettre une
désobéissance dans la structure qu’il a créée, mais cette réaction souligne souvent la thèse du
graffeur, renforçant alors la solidité du mouvement. “In this connection, stencils of riot
police...perfectly capture the flimsy, two dimensional, ghostlike avatars of the state father
haunting the walls erected to honor his sovereignty.” (Fieni, 2012). L’effacement de graffitis est
le plus rapide quand l’image est sur un espace dans les quartiers immaculés au centre-ville, ou
sur un bâtiment public, comme une cour ou un monument. Quel que soit le message de l’œuvre,
il doit être enlevé de la vue du public majoritaire aussitôt que possible. La raison pour laquelle le
graffiti pose une telle menace à l’Etat français est parce qu’il dommage la semblance d’ordre et
de perfection. « Graffiti authors write in ways that rupture orthodox sense of urbanity – of order,
cleanliness, purity, integrity and so forth » (Halsey & Young, 2006). Pour ça, la société française
majoritaire n’est pas en mesure d’accepter le graffiti comme forme d’expression légitime et
importante. Ce sentiment est relié aux obstacles dans le chemin des jeunes nord-africains de
banlieue qui veulent s’exprimer. Ces communautés sont perçues comme violentes, incultes, et
dangereuses : comme des menaces à l’ordre de l’Etat français. Pour cela, le public ne veut pas
accepter ces opinions et ces messages comme légitimes. Ses idées sont cataloguées. Cela se
présente surtout dans la communauté artistique des nord-africains en France. Les acteurs
maghrébins, par exemples, sont choisis seulement pour jouer le rôle du rappeur, du dealer de
drogue, ou du terroriste. L’intégrité des écrivains est remise en cause (comme celle de Rachid
Djaïdani quand il a été accusé du plagiat du Boumkoeur). La règle sociétale est la suivante : si le
message émerge d’un contexte de crime, il ne peut pas être légitime.
6. Le résultat du rejet du désordre de graffiti est une
purification destructive. Une image de purification ethnique a été
évoquée par Nicolas Sarkozy en 2005 lorsqu’il s’est adressé aux
citoyens de la banlieue de La Courneuve alors qu’il était ministre
de l’intérieur, et a déclaré qu’il fallait nettoyer la racaille au
Karcher, ce qui veut dire il faut effacer violemment tout ce qui
n’est pas blanc. L’image est frappante parce que le Karcher est
souvent la méthode utilisée pour enlever du graffiti des murs
publics. Le graffiti est traité comme une saleté et pas comme une
partie du monde artistique. David Ireland explique franchement le
problème avec ce choix de mots: "Karcher is...a system of cleaning surfaces by super-high-
pressure sand-blasting or water-blasting that very violently peels away the outer skin of
encrusted dirt -- like pigeon shit -- even at the risk of damaging what's underneath.” Pire,
l’utilisation du mot « racaille » assimile la population des jeunes de banlieue à une crasse sous-
humaine, niant qu’ils sont aussi des humains et des produits d’un système violemment imposé
sur eux. David Fieni (2012) réfléchit sur comment cette dégradation systématique perpétue une
système qui ignore cette population: “The rhetorical dehumanization of young people from
“troubled neighborhoods,” combined with hostility to graffiti, reveals the neo-logocentrism
operative in the penal republican state that reiterates colonialism’s pseudo-scientific rationale for
depriving supposedly illiterate peoples of history, reason, and even the very capacity for thought,
a rationale that ultimately justifies their exclusion from the entire chain of civilizational benefits
and rights attendant upon literacy and reason.” L’idée de “Karcheriser la racaille” est non
Figure 1. Une dépiction de Sarkozy
à Brest, 2005
7. simplement de réprimer la voix du français-nord-africain dans la banlieue, mais d’effacer toute
preuve qu’il a jamais existé, ou même qu’il a jamais eu le droit d’exister.
Comme le graffiti et souvent créé illégalement, les artistes doivent masquer leur identité
pour continuer à produire des œuvres. Cacher l’identité pose un problème pour la communauté
de graffeurs : est-ce une bonne forme d’expression d’identité si on ne peut pas s’identifier?
D’une part, l’anonymat peut protéger le graffeur et lui permettre partager ses idées les plus
provocatrices. La présupposition d’anonymat crée un refuge. « The absence of both social
punishment and retribution allows graffiti to serve as text that is attractive to individuals who
want to transgress and upset organizational and societal norms. » (Rodriguez & Clair, 1999)
Cependant, l’anonymat laisse le public juger les œuvres sans une explication claire de la part du
créateur. Par exemple, on peut examiner le travail de Princess Hijab, une artiste de rue qui
“bombe” les publicités de mode dans les espaces extrêmement public en ajoutant des hijabs aux
modèles. Avant qu’elle ait répondu, plusieurs personnes ont décidé qu’elle était une activiste
féministe activiste qui proteste la commercialisation de la nudité féminine. D’autres déclaraient
qu’elle était une islamiste militante qui s’insurgeait contre la culture Occidental, ou qui défendait
le droit de porter un hijab après l’interdiction. « It’s all very interesting—but at the end of the
day, I am above all an artist,” elle réagit en rappelant qu’elle a le droit de choisir son identité et
qu’elle mérite du respect. Princess Hijab est réticente à révéler la signifiance entière de ses
œuvres. Elle parle de la “terrorisme visuelle” de la part du media et les images qu’ils imposent
sur le public, mais elle ne réduit pas son travail à une seule thèse (Moors). Elle refuse de
s’identifier spécifiquement avec une groupe de pression ou idéologie en particulier, et elle
constate que ce n’est pas sa responsabilité: “If veiled women want to make a point, they’d do it
themselves.” C’est le droit d’artiste, de laisser ses œuvres ouvertes à l’interprétation et la
8. discussion. Mais, comme son identité est cachée et comme son sujet est le d’hijab, les questions
ne concernent pas son message mais son intention cachée. Est-elle musulmane? (On sait
maintenant que non). Est-elle vraiment une femme? Quelle est sa position politique? Ses
réponses à ces questions montrent le problème de s’identifier comme étranger: si on révèle un
personnage qui n’est pas français de souche, le public va utiliser cette information pour expliquer
tous les messages. Elle dit dans une interview au Guardian, “We can’t keep closing off and
putting groups in boxes, always reducing them to the same old questions about religion or urban
violence.” Ce sentiment est réfléchi dans les œuvres des artistes français-nord-africains qui
comprennent qu’il faut maintenir un équilibre délicat entre se distinguer comme individuel, libre-
penseur, et artiste indépendant tout en transmettant un message venant de ces expériences
communes.
Les Français-nord-africains luttent à ce jour pour leur place dans la société française,
celle-ci ayant peur des conséquences de leur présence. Il est alors nécessaire qu’une forme d’art
et d’expression qui est pratiquée souvent par un groupe de jeunes nord-africains créatifs suive
presque la même chemin et lutte contre les même obstacles. C’est une pénurie de l’ouverture
d’esprit qui bloque leur entrée dans l’opinion majoritaire. Une contre-attaque de la part du
gouvernement tente de les réduire au silence, mais plus ils ont effacé, plus ils sont encouragés à
crier. Et c’est l’anonymat qui laisse les idées controversées couler sans sanction et qui crée à la
fois les nouvelles questions sur l’identité. Afin que la France modernise sa vision de l’altérité, il
faut non seulement qu’elle accepte le graffiti dans sa définition d’art, mais aussi qu’elle
commence à penser comme la communauté des graffeurs.
9. Citations Universitaires
Cudmore, Jaimie. "Considering Graffiti As Active Ambiance Creation In Public Space."
Ambiances en actes – International Congress on Ambiances, Montreal 2012. pp 633-638.
Fieni, David. "What a Wall Wants, or How Graffiti Thinks: Nomad Grammatology in the
French Banlieue. Diacritics 40.2 (2012): 72-93. Project MUSE. Web. 24 Nov. 2014.
Halsey, M., and A. Young. "'Our Desires Are Ungovernable': Writing Graffiti In Urban
Space." Theoretical Criminology 10.3 (2006): 275-306. Scopus®. Web. 7 Dec. 2014.
Hargreaves, Alec G. "Indigènes: A Sign Of The Times." Research In African Literatures 4
(2007): 204. Project MUSE. Web. 8 Dec. 2014.
Moors, A. "NiqaBitch and Princess Hijab: Niqab Activism, Satire and Street Art. Feminist
Review 2011.98 (2011): 128-35. Web.
Rodriguez, A. & Clair, R.P. (1999), Graffiti as communication: Exploring the discursive tensions
of anonymous texts, Southern Communication Journal,65(1), pp. 5
Citations non-Universitaires
Aburawa, Arwa. "Veiled Threat." Bitch Media. N.p., 19 Nov. 2009. Web. 06 Dec. 2014.
Chrisafis, Angelique. "Cornered- Princess Hijab, Paris' Elusive Graffiti Artist." Editorial. The
Guardian. N.p., 10 Nov. 2010. Web.
Ireland, David. "WHY IS FRANCE BURNING? The Rebellion of a Lost Generation."
DIRELAND. N.p., 06 Nov. 2005. Web. 06 Dec. 2014.