La TVA sur les prestations médicales, paramédicales et esthétiques a déjà fait couler beaucoup d’encre depuis son entrée en vigueur en 2016. Cette législation qui soumettait à diverses prestations esthétiques et d’autres soins la TVA, a été revue l’année dernière et est entrée en vigueur au début de cette année, ce qui nous offre l’occasion d’en dresser les contours dans ces lignes.
Nouveautés en matière de TVA pour les prestations esthétiques
1. parlepassé,niauremboursement,puisque
c’estcequiavaitétésanctionnéparlaCour
constitutionnelle.Seullebutthérapeutique
est donc désormais pris en compte. La
nomenclatureInamiestcependanttoujours
utile puisque la circulaire précise que «le
fait que l’intervention ou le traitement figure
danslanomenclaturedesprestationsdesanté
en matière d’assurance obligatoire contre la
maladie et l’invalidité, ou dans la nomencla-
turedesprestationsderééducation,ouréponde
aux conditions pour bénéficier d’une inter-
vention conformément à la réglementation
relative à l’assurance obligatoire soins de
santé et indemnités, constitue une présomp-
tion d’une pratique de soins médicaux/inter-
vention ou traitement à but thérapeutique.
Il s’agit d’une présomption réfragable, dont
la preuve contraire peut toujours être appor-
tée». La circulaire détaille également que
« lefaitqu’uneinterventionouuntraitement
soit effectué sur prescription médicale est
également une présomption réfragable de
l’existence d’un but thérapeutique» et que
«le fait que le traitement ne figure pas dans
la nomenclature (Inami) ou ne réponde pas
aux conditions pour bénéficier d’une inter-
vention (remboursement) conformément à
la réglementation relative à l’assurance obli-
gatoiresoinsdesantéetindemnités,neconsti-
tue pas en soi une raison pour exclure le trai-
tementdel’exemption.Danscecas,lacharge
delapreuveincombeàlapersonnequisouhaite
bénéficier de l’exemption».
La nomenclature Inami vient donc au
secours du praticien qui ne doit pas justi-
fier l’exemption de la TVA pour une pres-
tation lorsqu’elle figure dans la nomencla-
ture. En revanche, l’administration
pourrait toujours remettre en cause l’exo-
nération de la TVA et tenter de démontrer
qu’unactemédicaln’apasétéeffectuédans
un but thérapeutique.
Des répercussions touchent également
les «livraisons de biens et prestations de
services étroitement liés» de sorte que cer-
tains services fournis par les hôpitaux, tels
que les repas, parkings, médicaments,
télévisionenchambre,etc.,sontégalement
soumis à la TVA sous certaines conditions
qu’il nous serait trop long d’analyser dans
cet article.
Qualité du professionnel
Lelégislateuraidentifiédeuxcatégories
de praticiens qui peuvent bénéficier de
l’exemptiondelaTVAsurleursprestations:
1. Médicaux et paramédicaux:
Lepremiergroupedespersonnespouvant
se prévaloir de l’exemption regroupe les
professions médicales et paramédicales
reconnues par la loi coordonnée du 10 mai
2015. Il s’agit des médecins, des dentistes,
des pharmaciens, des kinésithérapeutes,
des infirmiers, des aides-soignants, des
sages-femmes,dessecouristes-ambulanciers,
Jusqu’au 31 décembre 2015, une
exemptiondeTVAétaitapplicable
de manière générale, aux presta-
tions de services exécutées par les
professions médicales «dans l’exercice de
leur activité habituelle».
Cette exemption de taxe a connu une
première brèche lorsque l’ensemble des
prestations esthétiques réalisées sans but
thérapeutique et certaines prestations réa-
lisées par des praticiens de professions
médicales non conventionnelles ont été
soumises à la taxe de 21%.
Cette législation a été censurée par notre
Cour constitutionnelle qui en a annulé la
majeure partie en 2019, en maintenant
néanmoins ses effets jusqu’au 1er
octobre
2019.
Ons’attendaitalorsàunerapideréaction
du législateur pour adapter la législation
aux inconstitutionnalités constatées par la
Cour et ne pas perdre trop longtemps cette
sourcederecettesfiscales.Cen’estpourtant
que l’année dernière que la nouvelle légis-
lation a été remaniée avec effet au premier
janvier 2022. Le fisc vient de publier une
circulairepourdétaillerlesmodalitésd’exé-
cution de ces dispositions.
Finalité thérapeutique
Pour déterminer si une prestation médi-
cale est bien un service exempté de TVA,
il est désormais important de déterminer
sa finalité puisque la circulaire précise que
«lesprestationsdesoinsmédicauxexemptées
ont donc un but thérapeutique» et que «les
autres prestations qui ne poursuivent pas de
butthérapeutiquesontexcluesdel’exemption.
C’est la finalité d’une prestation médicale
qui détermine si celle-ci doit être exemptée.
Ni le contenu de l’activité médicale, ni sa
place dans l’éventail des tâches du praticien
de soins ne sont déterminants. Ainsi, si une
prestation médicale est fournie dans un
contexte dans lequel il peut être établi que
le but premier du service consiste en le dia-
gnostic, le traitement ou la guérison de
maladies ou d’anomalies de santé, ou encore
laprotection,lemaintienoulerétablissement
de la santé des personnes, ledit service béné-
ficie de l’exemption».
La circulaire précise toutefois que «c’est
le professionnel de la santé qui effectue la
prestation principale qui détermine en son
âme et conscience, si un traitement médical
poursuit un but thérapeutique». Elle ajoute
que «cet examen ne vaut pas que pour les
prestations de nature esthétique. Pour les
autres prestations médicales qui ne sont pas
de nature esthétique, le professionnel de la
santé doit également déterminer si la pres-
tationmédicalepoursuitunbutthérapeutique».
Le texte ne fait donc plus référence à la
nomenclature Inami comme c’était le cas
Gestion
26 Le journal du Médecin | 17 mars 2022 | N° 2706
FISCALITÉ La TVA sur les prestations médicales, paramédicales et
esthétiques a déjà fait couler beaucoup d’encre depuis son en-
trée en vigueur en 2016, notamment en raison d’une censure im-
portante par la Cour constitutionnelle dont nous vous avions déjà
parlé il y a quelques semaines (lire jdM n°2689). Cette législation
qui soumettait à diverses prestations esthétiques et d’autres soins
la TVA, a été revue l’année dernière et est entrée en vigueur au
débutdecetteannée,cequinousoffrel’occasiond’endresserles
contoursdansceslignes.
Le nouveau régime de la
TVA applicable aux
professions médicales,
introduit une révolution
majeure dans la fiscalité
des professionnels de ce
secteur.
Nouveautés en matière de TVA
pour les prestations médicales,
paramédicales et esthétiques
Exemples
Certains professionnels doivent donc
appliquer la TVA sur les traitements non
thérapeutiques figurant dans la liste dont
nous reproduisons ici quelques
exemples:
• les entraînements en groupe dispensés
par un kinésithérapeute consistant en
un enseignement de gymnastique ou
de fitness tel que le fait d’agir en tant
que coach sportif dans une école de
sport;
• le service de suivi nutritionnel global
fourni par un professionnel certifié et
compétent/autorisé qui vise
uniquement à améliorer le bien-être
général ou l’apparence et non à
prévenir ou traiter thérapeutiquement
certaines maladies;
2. des psychologues cliniques, des orthopé-
dagoguescliniques,maisaussidespraticiens
desprofessionsparamédicalesviséesàl’AR
du 2 juillet 2009: audiologie, diététique,
podologie, etc.
Lacirculaireprécisequepourl’ensemble
de ces catégories de praticiens, «il existe
en quelque sorte, sur la base de cet encadre-
ment réglementaire strict, une présomption
légale selon laquelle ces personnes sont répu-
tées disposer des qualifications nécessaires
pour rendre des prestations de soins à la
personne d’une qualité suffisante».
2. Pratiques non-conventionnelles
Lespraticiensquinebénéficientpasd’un
cadrelégalouréglementaireaussiclairement
établi peuvent également bénéficier de
l’exemption de la TVA sur les prestations
desoins,maisilsnedisposerontpasdubéné-
fice de la présomption de compétence des
professionsréglementéesetdoiventdèslors
répondre à deux conditions cumulatives:
• Ils doivent être titulaires d’une certifica-
tiondélivréeparunétablissementreconnu
par une autorité compétente du pays où
est situé cet établissement (art. 44, § 1, al.
1, 2°, a du Code). La circulaire précise qu’il
s’agit de diplômés d’établissement d’en-
seignement agréés. En Belgique, ces pro-
fessions sont actuellement les suivantes:
psychomotricien, pédicure médical ou
spécialisé et assistant en psychologie.
• La certification doit conférer les quali-
fications nécessaires pour fournir des
prestations de soins à la personne «dont
le niveau de qualité est suffisamment élevé
pour être semblables à celles qui sont pro-
posées par les praticiens de professions
(para)médicales réglementées». La circu-
laire précise pour les praticiens ayant
obtenu leur certification au sein d’un
établissement belge reconnu que « ces
praticiens sont présumés, sauf preuve
contraire, détenir une certification qui leur
confère les qualifications nécessaires pour
fournir des prestations de soin à la personne
dont le niveau de qualité est suffisamment
élevé pour être semblables à celles qui sont
proposées par les praticiens de professions
de la première catégorie».
Lespraticiensdiplômésàl’étrangerdevront
démontrer que leur certification est équi-
valenteàlacertificationbelge.Lacirculaire
déterminelesmodalitésdecetexamensans
qu’il nous semble utile d’en détailler ici les
modalités.
Enfin,lespraticiens«non-conventionnels»
doivent notifier à l’administration fiscale
leur volonté de bénéficier de l’exemption
delaTVAetprouverqu’ilsrépondentbien
aux deux conditions exposées ci-avant.
Formalités
Les médecins ou autres professionnels
de la santé qui effectuent ce type d’opé-
rationsdoivents’assujettiràlaTVAdepuis
le premier janvier 2022. Un régime tran-
sitoire leur permet cependant d’être dis-
pensés de la première déclaration trimes-
trielle, sous réserve de régulariser le
premier trimestre dans la déclaration de
juin 2022. Le régime transitoire permet
également de ne pas soumettre les traite-
ments et interventions planifiés avant le
31 décembre 2021 à la taxe.
Conclusion
Le nouveau régime de la TVA appli-
cable aux professions médicales, intro-
duit une révolution majeure dans la
fiscalité des professionnels de ce secteur.
En effet, la qualité du professionnel qui
était jadis déterminante, s’efface désor-
mais au profit du but des prestations
qu’il accomplit.
La réforme qui est souvent présentée
comme uniquement applicable aux pres-
tations esthétiques est en réalité plus
large puisqu’elle assujettit à la TVA de
très nombreuses autres prestations régu-
lièrement accomplies par les professions
médicales. Il s’ensuit qu’une grande pru-
dence s’impose à celles et ceux qui veulent
s’y conformer.
Les formalités d’assujettissement à la
TVA ne sont pas anodines et si les nou-
veaux venus au sein de la famille des
assujettis pourront probablement comp-
ter sur la bienveillance de l’administration
fiscale dans les premières phases de la
mise en place de cette nouvelle législation,
il ne faudra certainement pas abuser de
sa clémence, les amendes en cas d’erreur
oud’oublisétantparticulièrementélevées.
Nous ne saurions jamais trop recomman-
der aux personnes visées par cette réforme
de faire appel à leur comptable pour qu’il
les conseille à propos de ces nouvelles
obligations fiscales.
Jérôme Havet,
avocat spécialiste en droit fiscal
Gestion
27
Le journal du Médecin | 17 mars 2022 | N° 2706
La réalisation
d’échographies
souvenirs est désormais
soumise à la TVA.
• le blanchiment des dents ou la pose de
facettes motivé(e) par un objectif purement
esthétique, à savoir de belles dents
blanches et régulières;
• les prestations de soins à domicile
effectuées par les infirmiers chez un patient
après une hospitalisation pour une
intervention ou un traitement non
thérapeutique soumis à la TVA (sauf si les
soins sont effectués dans le cadre du
traitement de complications qui sont
survenues à la suite d’interventions ou de
traitements à but non thérapeutique);
• la réalisation d’échographies souvenirs,
c’est-à-dire d’échographies non médicales
visant principalement à photographier
l’enfant à naître;
• l’examen médical en vue de l’obtention
d’un certificat d’aptitude à la conduite ou
d’un certificat médical pour les pilotes;
• l’évaluation médicale des personnes
handicapées par un médecin indépendant
en vue de l’obtention d’allocations et de
cartes de stationnement;
• l’autopsie par un médecin légiste;
• la délivrance de certificats médicaux, la
réalisation d’examens médicaux et
l’établissement de rapports d’expertise
médicale, concernant des questions de
responsabilité, d’évaluation d’un dommage
ou des fautes professionnelles à la demande
de personnes envisageant d’introduire une
action en justice ou en vue de l’octroi d’une
pension de guerre ou d’invalidité;
• l’exécution d’examens médicaux et le
prélèvement de sang ou d’autres
substances corporelles en vue du dépistage
de virus, d’infections ou d’autres maladies,
à la demande de tiers, dans le cadre de la
conclusion d’une assurance vie ou d’un
crédit hypothécaire lorsque ces opérations
sont destinées à informer l’assureur;
• la réalisation d’examens médicaux sur des
personnes par un conseiller en prévention
–médecin du travail;
• les opérations effectuées par des
psychologues cliniciens agréés dans le
cadre de l’exploitation d’agences
matrimoniales;
• les opérations effectuées par des
psychologues du travail en matière de
psychologie du travail et concernant le
recrutement (évaluation, sélection,
intégration,...), de performance au travail,
de maladies professionnelles, de groupes
de travail (règles, conflits,...), de gestion du
personnel (motivation, management,...),
d’insertion professionnelle et de
réinsertion,... (voir toutefois les services
fournis dans les conditions requises pour
l’application de l’article 44, § 2, 2 °, du
Code de la TVA);
• la recherche générale relative à la qualité
des soins de santé (y compris si elle est
imposée par les autorités);
• les activités de médecine de contrôle
effectuées par des médecins dans le but de
vérifier l’incapacité de travail des
travailleurs à la demande des employeurs;
• les conférences et/ou ateliers donnés
par les praticiens (para)médicaux, ainsi
que les autres opérations qu’ils
effectuent dans le cadre de
l’enseignement scolaire ou universitaire
ou dans le cadre de la formation
professionnelle (le cas échéant,
l’exemption visée à l’article 44, § 2, 4°
ou 8°, du Code de la TVA s’applique
dans la mesure où il soit satisfait aux
conditions fixées par cet article).