1. Benjamin Delessert
Industriel, militaire, banquier, collectionneur, homme politique, philanthrope…
Benjamin Delessert, dont la vie chevauche le Siècle des Lumières et le XIXe,
fut un insatiable curieux. Et le sucre dans tout ça ? C’est à cet homme altruiste
que l’on doit l’extraction industrielle du sucre de betterave.
Benjamin Delessert aurait pu se contenter de
suivre une carrière toute tracée dans la finance.
Quand il naît à Lyon le 14 février 1773, son père
est un financier habile, à la tête d’une florissante
fabrique de tissu de gaze, qui fonde, avant la
Révolution, la banque Delessert, première
caisse d’escompte siégeant à Paris. Si Benjamin
réussira dans la finance, prenant à 22 ans la
direction de la banque, sa curiosité et son
altruisme l’ont amené à s’aventurer dans bien
d’autres domaines.
Le Siècle des Lumières
Dès son enfance, Benjamin bénéficie d’une éducation poussée. Les amis de la
famille s’appellent Jean-Jacques Rousseau et Benjamin Franklin. En Angleterre où il
est envoyé à l’adolescence, il rencontre l’historien et philosophe David Hume,
l’économiste Adam Smith et le physicien James Watt.
La Révolution le rappelle en France. Il a alors 17 ans et s’engage comme volontaire
dans la garde nationale. Sa carrière militaire s’achève en 1795 lorsqu’il décide de
reprendre les affaires familiales. En 1802, il est nommé régent de la Banque de
France et il le restera jusqu’à sa mort en 1847. Entre-temps, il s’est engagé en
politique, assurant les fonctions de juge au Tribunal de commerce à partir de 1810, et
devenant en 1831 vice-président de la Chambre des députés.
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2. Un industriel doublé d’un inventeur
Mais Benjamin Delessert reste avant tout un touche-à-tout, un pionnier, un industriel
doublé d’un inventeur. S’il se penche sur l’introduction de la vapeur dans l’industrie
du coton et modernise l'usine des Delessert à Passy, ce sont les sucreries qui vont le
plus profiter de son talent. Ce qu’il a réussi pour ses filatures, il va le tenter pour
l’extraction du sucre contenu dans la betterave, avec les machines à vapeur.
L’enjeu est à l’époque de taille : au début du siècle, la France napoléonienne est
exclue du commerce maritime, son approvisionnement en canne à sucre et en coton
est impossible. Il faut trouver des procédés de substitution.
Machines à vapeur
L'extraction du sucre de la betterave avait déjà été envisagée auparavant. Dès 1575,
Olivier de Serres l'avait mentionné dans son "Théâtre de l'agriculture". En 1745, le
chimiste A. Marggraf avait présenté un rapport à l'Académie des sciences de Berlin
sur le sujet et F. Achard, un de ses élèves, avait construit en 1786 une fabrique
expérimentale. Les résultats n'avaient cependant pas semblé satisfaisants en termes
de rentabilité.
Parmentier s’essaye de son côté à extraire du sucre du raisin, sans plus de succès.
Après l'échec de son contemporain, Benjamin Delessert, qui connaissait par ailleurs
les travaux de Marggraf, monte en 1801 à Passy une raffinerie où il se lance, entouré
de chimistes et de savants tels que Deyeux et Queruel, dans l'exploitation du sucre
de betterave. A partir de 1806, il y introduit les machines à vapeur comme dans ses
filatures.
Le succès après six ans de recherches
La réussite arrive après six ans de recherches. Une réussite illustrée par la
désormais célèbre visite de l’Empereur. Le 2 janvier 1812, Napoléon se fait montrer
les ateliers de la sucrerie, bavarde avec les ouvriers, goûte le sucre… et saisi
d'enthousiasme, conscient d'une grande découverte, il enlève sa propre légion
d'honneur pour l'épingler sur la poitrine de Benjamin. Le soir même, il le fait Baron…
Dans la foulée, une vingtaine de manufactures s'ouvrent dans toute la France sur le
modèle de la sucrerie de Passy.
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3. Eternel philanthrope
Enfin, toute la vie de Benjamin Delessert est marquée par un souci constant de son
prochain. Afin de venir en aide aux plus démunis, il crée en 1800 les premières
soupes populaires. Avec son ami Candolle, il fonde la Société d'encouragement pour
l'Industrie, laquelle propose des fournitures aux jeunes manufactures, aide les
industriels en détresse en leur fournissant des avances et encourage les
perfectionnements de fabrication par des prix généreux.
Avec ce même ami, il lance la Société philanthropique regroupant les sociétés de
secours mutuel organisées par les ouvriers et les soupes populaires pour lesquelles
il fait venir et fabriquer à ses frais la machine de Rumford. Le nombre des rations
alimentaires passe alors de 20 000 à 1 500 000 en trois ans.
En 1818, il est membre de la Compagnie royale d'assurance et crée, à l’aide des
financiers, la Caisse d'épargne et de prévoyance, fondation dont il restera le plus fier.
Selon lui, « les Caisses d'épargne préviennent la détresse, la misère et la pauvreté
[…]. Un livret est un certificat de bonne conduite, c'est un passeport délivré au travail
et à l'économie. » En 1845, deux ans avant sa mort, il existe en France 350 Caisses
d'épargne. Il meurt le 1er mars 1847. Sur sa tombe est gravé à sa demande : « Ci-gît
l’un des co-fondateurs des Caisses d’épargne. »
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