Conférence "Les mondes virtuels : de la fin des utopies à la réalisation de ses propres rêves ?" donnée dans le cadre du colloque "Entre ombre et lumière: les addictions. Drogues - Religions - Mondes virtuels", 27-28 janvier 2017
2. Nous sommes passés des utopies, ou
des rêves collec=fs selon l’expression de
Walter Benjamin, qui ont accompagné
l’émergence des mondes virtuels, à la
possibilité de projeter, d’incarner ou de
réaliser ses propres rêves dans ces
univers.
3. 1 – Les mondes virtuels
• Défini=on
• Exemples
2 – Imaginaires et mondes virtuels
• Divers producteurs d’imaginaires
• Deux grandes utopies
• Premiers usages et premières désillusions
3 – Les 3 étapes de la diffusion d’une innova6on selon
Victor Scardigli
4 – Des rêves collec6fs aux rêves individuels
Mondes ouverts, démul=plica=on des possibles
5. 1.1 - Mondes virtuels : définition
Un « monde virtuel » est un environnement numérique
simulé par ordinateur, persistant, mul=-u=lisateur et
accessible grâce au réseau internet, dans lequel chacun
interagit avec l’environnement simulé et avec d'autres
individus par le truchement d'un avatar, sa
représenta=on à l’écran, et diverses op=ons de
communica=on (tchat textuel, voix, vidéo, etc.).
16. 2.1 - Imaginaires & MV : les producteurs
• Les concepteurs
• Les entreprises
• Les publicitaires et services de marke=ng
• organismes d’études, de sondages, de
tendances, etc.
• Les « libérateurs » (auteurs, journalistes,
vulgarisateurs)
• Les u=lisateurs (co-producteurs,
consommateurs)
• Les scien=fiques
• Les ar=stes, les designers,
les architectes (N.Nova)
17. 2.1 - Imaginaires & MV : les concepteurs
« un milieu naturel luxuriant »
« rencontrerez des animaux – peut-être
qu'ils essayeront de vous manger ou autre
chose – que personne n'a jamais vus »
Rosedale à propos de Second Life
21. 2.2 - Imaginaires & MV : 2 utopies majeures
Le cyberespace
« Une hallucina=on consensuelle vécue quo=diennement en toute
légalité par des millions d'opérateurs, dans tous les pays, par des
gosses auxquels on enseigne les concepts mathéma=ques...
Représenta=on graphique de données extraites des mémoires de
tous les ordinateurs du système humain. Une complexité
impensable. Des traits de lumière disposée dans le non-espace de
l'esprit, des amas et des constella=ons de données. Comme les
lumières de ville, dans le lointain... »
Gibson, Neuromancien, 1984, p.69.
22. 2.2 - Imaginaires & MV : circulation et
réappropriation
• Le cyberespace de Gibson n’a rien a voir avec les
représenta=ons que nous lui donnons.
• « il ne =rait pas forcément son inspira=on du Metavers
décrit par Stephenson [dans Snowcrash] »
Andrew Meadows
23. 2.2 - Imaginaires & MV : 2 utopies majeures
Le cyberespace serait « l'espace de communica=on ouvert par
l'interconnexion mondiale des ordinateurs et des mémoires informa=ques »
Pierre Lévy
Cyberculture. Rapport « Nouvelles technologies : coopéra=on culturelle et
communica=on », Edi=ons Odile Jacob, 1997, p.107
Le cyberespace « incarne le monde virtuel qui naît des informa=ons
échangées par les hommes dans les réseaux de communica=on. […] Le
monde d’Internet est un cyberspace. Il créé les condi=ons d’une nouvelle
citoyenneté électronique… Mais le cyberspace est encore une jungle,
bruissant de mille dangers, où l’on peut se perdre. Un Far West numérique
au sein duquel pirates et escrocs évoluent à leur guise. Le cyberspace est un
océan illimité, une terra incognita sur laquelle on s’aventure avec des cartes
rudimentaires »
Joël de Rosnay, 1995, p. 166-67
24. 2.2 - Imaginaires & MV : 2 utopies majeures
Pierre Musso, « Le cyberespace, figure de l’utopie technologique ré=culaire »,
Sociologie et sociétés, vol. 32, n° 2, 2000, p. 31-56.
Le cyberespace est le « réseau des
réseaux », la « figure de l’utopie
technologique ré6culaire ».
Il « réactualise une mythologie du XIXe
siècle, fondée par les saint-simoniens,
liée au « désenchantement » de la
religion chré=enne et à son déplacement
sur l’industrie et les réseaux techniques.
Le réenchantement de notre mode
industriel s’est opéré depuis grâce aux
technologies dont Internet semble
aujourd’hui le paradigme ». Cri=que des réseaux
25. 2.2 - Imaginaires & MV : 2 utopies majeures
Le cyborg
Dans le roman de Gibson :
- Individu connecté au « réseau » : immersion totale
par connexion neuronale, donc augmenté
techniquement.
- Le cerveau est branché sur la machine : le corps n’est
plus que de la chair, de la « viande » / hybride
machine-organisme
26. 2.2 - Imaginaires & MV : 2 utopies majeures
« La matérialité du cyborg étant
celle de son esprit »
Donna Haraway, Cyborg Manifesto, 1991
« Le cyborg est un organisme
cyberné=que, un hybride de
machine et d’organisme, une
créature de la réalité sociale aussi
bien qu’une créature imaginaire »
Haraway, Manifeste cyborg et autres essais :
Science – Fic=ons –Féminismes, 2007.
27. 2.2 - Imaginaires & MV : 2 utopies majeures
- La dilu=on du corps dans le réseau
- Le sublima=on du corps virtuel au détriment du corps physique (la
chair) dans le monde virtuel/ on délaisse
- Le double
29. 2.3 - Imaginaires & MV : premiers usages et
premières désillusions
Latour, Paris ville invisible, 1998
« Le virtuel ne désigne pas forcément un
monde d’esprits délivrés des contraintes de la
ma=ère. Pour l’instant, la vie sur le Web
ressemble plutôt au Néolithique par lequel
Lutèce a débuté. On recommence la vie sociale
de zéro : corps grossiers, sen=ments frustres,
langages balbu=ants, « né=quebe » à peine
dégrossie, technologies simplistes, monnaies
aléatoires. Ces atomes sociaux élémentaires qui
se cherchent dans la nuit ressemblent plutôt
aux êtres primi=fs dont Rousseau a peuplé le
début de son Discours sur les origines de
l’inégalité »
32. 3.1 – Le modèle de V. Scardigli
« Les trois temps de la diffusion d’une innova=on technique », d’après
Victor Scardigli
Crédits image : Fabriquer le futur 2, p.49
33. 3.1 – (1) Le temps des discours
« C’est le temps des prophé=es enthousiastes ou
terrifiantes, des fantasmes de miracles et de
catastrophes. Dans ce premier temps, les essais
prospec=fs ont en commun d'être excessifs.
L'imaginaire techno-logique, envahissant, nous
fait courir le risque de sur-es=mer l'ampleur des
changements préparés par les technologies
nouvelles »
Scardigli, 1992, p.33
34. 3.1 – La structuration des imaginaires
L’imaginaire a sa propre logique, il est « a-logique » - Gilbert Durant.
« l’imaginaire ne se développe pas autour d’images libres, mais il leur
impose une logique, une structura=on, qui fait de l’imaginaire un «
monde » de représenta=ons » (Wunenburger, 2011, 34).
L’imaginaire est ambivalent -> les 7 couples de miracles de Scardigli
35. 3.1 – (1) Le temps des discours
1. Le pouvoir : liberté, partage, égalité, autonomie (robot assistant) /
surveillance (Big Brother), centralisa=on, priva=sa=on, aliéna=on,
asservissement de l’homme à la machine.
2. Le savoir : l’intelligence collec=ve / l’abê=ssement.
3. La mémoire : les « traces » / l’oubli.
4. La jus6ce sociale : égalité des chances / « la fracture numérique » (fossé
entre les généra=ons).
5. Le lien social : favoriser les rapprochements / enfermement.
6. La prospérité économique : « nouvelle économie » / destruc=on d’emplois et
modifica=on des mé=ers.
7. L’espace/temps : meilleure expérience de mobilité des individus / immobilité
(service à domicile, à distance, etc.).
36. 3.1 – (1) Le temps des discours
Pour Moles, il y a des mythes récurrents dans l’inconscient collec=f qui
agissent de façon souterraine dans chaque innova=on (1972) :
- Gygès (voir et surveiller sans être vu : ex. la caméra cachée ou le
drone)
- Prométhée (l’énergie inépuisable)
- Babel (la bibliothèque universelle, ex. wikipédia ou Google)
- Icare (s’affranchir des contraintes)
- Le mythe d’ubiquité (être partout à la fois, slogan des opérateurs de
télécoms)
- Mythe de la recréa=on à l’iden=que (ex. le clonage, le double)
- Mythe du Golem (créa=on d’êtres ar=ficiels, ex. les robots et les
avatars)
- De l’androgyne (le choix de son iden=té, ex. avec les biotechnologies)
37. 3.1 – Les 3 temps : Le temps des usages
« des pra=ques sociales commencent à se mebre
en place autour d’une mul=tude d’objets liés à
l’innova=on (…) mais la révolu=on technologique
ne s'accompagne nullement d'une révolu=on
sociale. Dans bien des cas, la montagne semble
accoucher d'une souris (…) On entre alors dans
une phase de désillusions, qui nous fait courir un
risque inverse du précédent. Après le temps des
posi=vistes, vient le triomphe des scep=ques. Les
miracles se transforment en mirages, ils reculent
sans cesse avec l'horizon temporel »
Scardigli, 1992, p.33
3.1 – (2) Le temps des usages
38. Quand elles réussissent, « les inven=ons n'abeignent leur véritable
diffusion qu'au bout de trente à quarante années en moyenne. On entre
alors dans le troisième temps, qui est le ‘‘temps social ’’ (…) C’est donc le
temps où apparaîtront « les nouvelles formes de vie sociale, de culture,
d’ac=vité humaine, qui viendront peut-être demain inscrire dans la très
longue durée les tenta=ves d’appropria=on sociale de l’innova=on
apparues au cours du second temps ».
Scardigli, 1992, p.34.
3.1 – (3) Le temps de l’acculturation
44. 4. – Des mondes fermés aux mondes ouverts
Le virtuel tend à s'actualiser, sans être passé cependant à la
concré=sa=on effec=ve ou formelle. L'arbre est virtuellement
présent dans la graine. En toute rigueur philosophique, le
virtuel ne s'oppose pas au réel mais à l'actuel : virtualité et
actualité sont seulement deux manières d'être différentes
Lévy Pierre, Qu'est-ce que le virtuel ? , 1998, p.13
45. 4. – Des rêves collectifs du cyberespace qui se sont
étiolés aux rêves possibles à cristalliser
• Tendance des mondes virtuels = hausse du rapport entre ce qui
« instancié par la machine et ce qui est actualisable » (Mauco, 2013)
• Possibilité d’incarner, de projeter, de configurer ses propres rêves
dans les mondes virtuels
• Le rêve comme construc=on posi=ve (R. Liogier)
• Croire - Rêver : « Le virtuel comme nouveau mode de croire et de
rêve » (O. Servais)
à Comme mode de « faire le rêve » / « faire / être » ?
à Tendance du « do it »
à Faire / faire sien / s’approprier / s’abacher (avatar / territoire)
à Un partage de valeurs, de pra=ques, à par=r d’expérience
singularisés (une guilde est une guilde, peut importe le MV)