Présentation par Edmond Kaboré dans le cadre de l'atelier régional sur le thème « Mise en œuvre des recommandations de la CEDEAO sur les grandes infrastructures hydrauliques en Afrique de l’Ouest : aspects économiques » tenu les 25 et 26 mars 2015 à Ouagadougou (Burkina Faso).
AG TWEED-H2O : acteurs, projets et ecosystemes des secteurs de l'energie et d...
Etude comparative de la valeur actuelle du barrage de Bagré et de la situation du bilan financier pour l'Etat (Burkina Faso)
1. ETUDE COMPARATIVE DE LA VALEUR
ACTUELLE DU BARRAGE DE BAGRÉ ET DE
LA SITUATION DU BILAN FINANCIER POUR
L'ETAT
Edmond KABORE
Consultant
2. Plan
1. Objectifs
2. Le Projet Bagré
3. Méthodologie
4. Résultats
i. Coûts du projet
ii. Valeur Ajoutée Nette
iii. Prévisions de rendements
iv. Rentabilité du volet agricole
5. Conclusion
6. Recommandations
3. 1. Objectifs
Objectif global: Réaliser l'évaluation ex-post de la richesse
produite par le barrage de Bagré, de la comparer aux
hypothèses sur lesquelles s’est fondée la décision de construire
le barrage et l’aménagement des périmètres irrigués et de
faire un bilan financier pour l'Etat
Objectifs spécifiques:
Apprécier les avantages économiques et financiers des
composantes du projet pour les usagers et pour l’économie
locale et nationale
Apprécier le poids financier du projet dans l’économie
nationale
Comparer les résultats obtenus en termes de rentabilité
avec les prévisions de départ
Tirer des conclusions qui alimenteront les réflexions futures
4. 2. Le Projet Bagré
Barrage à vocation hydroélectrique et Hydro-agricole situé sur
le Nakanbé et mis en eau en 1992 avec comme objectifs:
Réservoir de 1, 7 Mds m3
Puissance installée: 16 MW (2X8)
Productible annuel: 44 GWH (contribution de 15% à la
production nationale)
Potentiel de 30 000 ha terres aménageables (2 100 ha, 7 400
ha et 23 600 ha à CML termes)
En 2013:
Productible annuel moyen pour la période 2007-2010: 70 GWH
Terres aménagées entre 1980 et 2009: 3 380 ha:
– 80 ha jusqu’en 1995
– 1 200 ha de 1995 à 2001
– 600 ha de 2001 à 2007
– 1 500 ha à partir de 2007
Création de Bagrépôle et Pôle de croissance
5. 3. Méthodologie
Deux phases distinctes: (i) collecte documentaire et (ii)
traitement des données et analyse
Fondements de la méthodologie:
Evaluation « avant/après » et non évaluation « avec/sans »
Appréciation des performance économiques et financières
du projet à travers 3 indicateurs: valeur ajoutée (VA), valeur
actuelle nette (VAN) et taux de rentabilité interne (TRI)
La VA mesure les richesses nouvelles qui ont été produites au
cours d'un cycle de production.
La VAN est la mesure la plus simple et la plus directe du cash
flow actualisé d’un projet. Il s’interprète comme la valeur
actualisée du flux de revenus produit par un investissement.
Le TRI est l’intérêt maximum qu’un projet puisse rapporter
compte tenu des ressources engagées, si le projet doit
permettre de récupérer l’investissement et les coûts
d’exploitation et rester en équilibre.
6. 3. Méthodologie (suite)
Portée des données:
La collecte des données a permis de réaliser une analyse
complète sur la composante hydro agricole, par contre les
analyses sont restées partielles au niveau de la composante
hydroélectrique, notamment la valeur de la production.
l’étude a pu reconstituer la chronique des prix réels bord
champs pratiqués depuis la mise en valeur des
aménagements en combinant les données collectées sur le
site, les données de la SONAGESS et de la FAO.
L’analyse sur la composante hydroélectrique reste partielle
et adossée uniquement sur quelques chiffres tirés de la
recherche documentaire, la collaboration avec la Sonabel
étant difficile à obtenir.
7. 4. Résultats
Ressources financières totales mobilisées pour le projet:
98,69 Mds FCFA au prix de 2008 (34,08% pour le barrage;
17.07% pour la centrale hydroélectrique; 30% pour la
composante agricole)
Initialement 83,07% du coût du barrage était affecté à la
composante agricole (c’était un projet agricole au départ)
Financement sur ressources extérieures auprès de plusieurs
bailleurs de fonds au taux moyen du crédit: 3,7% pour la
partie hydroélectrique et 2.1% pour la partie hydroagricole
Durée de remboursement variant entre 12 et 40 ans pour
chaque volet
Les autres composantes ont toutes été marginales au début
du projet, mais elles acquièrent progressivement du poids
en raison des investissements dans les secteurs de la pêche,
de l’élevage et du tourisme.
8. 4. Résultats – Coûts du projet
Composante Prix 2008 %
Etudes de faisabilité 4,00 4,1%
Barrage 34,08 34,5%
Centrale hydroéletrique 17,07 17,3%
Pont de Niogho 1,25 1,3%
Déboisement de la cuvette 3,60 3,6%
Surveillance travaux barrage hydroélectrique 4,27 4,3%
Périmètre pilote 1,22 1,2%
Première tranche de 600 ha 7,80 7,9%
dont canal 4,25
dont aménagement 3,55
Deuxième tranche de 1500 ha 10,19 10,3%
dont canal 6,08
dont aménagement 4,12
Périmètre de 1200 ha en rive droite 10,30 10,4%
Infrastructures sociales 4,90 5,0%
Total 98,68 100%
Source: Etude
9. 5. Résultats – Valeur Ajoutée agricole
Période 1997-2010: une VA brute de 13.367 millions de FCFA
au profit de l’économie nationale, soit une moyenne de 955
millions de FCFA par an et de 318 304 FCFA/ha à prix
courant. La VA Nette est évaluée à 12.386 millions de FCFA
soit 885 millions de FCFA par an (tenant compte des
amortissements des équipements).
En suivant l’évolution de la VA par an, on constate que la VA
générée par les périmètres à partir de 2008 atteint les 2
milliards de FCFA, alors qu’elle dépassait difficilement les
800 millions de FCFA avant cette date.
La prévision de performance des périmètres affichait en
1993 une VA par ha de 300 000 FCFA à 370 000 FCFA à prix
constant de 85 FCFA/kg.
A prix courant la prévisions de la VA est en hypothèse basse
à 561 000 FCFA. (voir figure suivante: Ecart import)
10. 4. Résultats – Valeur Ajoutée agricole
Valeur
ajoutée brute
par hectare
de la
riziculture
irriguée
(1997-2010)
comparé aux
hypothèses
de départ de
CIEH (1993)
11. 5. Résultats – Prévisions de rendements
Prévisions de rendements (1993) et évolution des
rendements du riz par campagne à Bagré (1997-2010)
2,5
3,0
3,5
4,0
4,5
5,0
5,5
6,0
1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010
Observés Moyenne 1997-2010 Hyp. moyenne Hyp. haute
Ligne de tendance
12. 4. Résultats – Prix du riz
Hypothèses de prix du riz (FCFA) dans les études de faisabilité,
comparées aux prix observés sur la période 1997-2011)
13. 4. Résultats – Rythme des aménagements
Evolution des surfaces exploitables selon le rythme
d’aménagement prévu sur la rive gauche (SOGREAH 1980) et
les surfaces réellement mises en valeur (1994-2010)
14. 4. Résultats – Simulations sur la VAN
Simulation Période
VAN
(milliards
FCFA)
TRI
Modèle 1: barrage + 3300 ha
aménagés
1989-2028 (40 ans) -7,8 2,9%
Modèle 2: 3300 ha aménagés
seuls
1996-2025 (30 ans) 4,9 7,8%
Modèle 3: modèle 2 + 2000 ha
aménagés en 2014-2019
1996-2025 (30 ans) 4,4 6,8%
Modèle 4: modèle 1 + 2000 ha
aménagés en 2014-2019
1989-2028 (40 ans) -8,1 1,1%
Le calcul économique réalisé dans le cadre de l’étude de faisabilité
(1980) a abouti à des résultats économiques satisfaisants pour
justifier la mise en œuvre du projet TRI variant [12% à 17%].
Pourtant nos quatre (4) scénarios aboutissent à TRI variant [1,1%
à 7,8%] et une VAN variant [-8,1 à 4,9] soit des valeurs nettement
au-dessous des prévisions.
15. Si on se place du point de vue de l’intérêt général, la
rentabilité du barrage et de l’aménagement hydro-agricole de
Bagré n’est pas prouvée. Il est possible que la production
électrique permette de rentabiliser à elle seule la construction
du barrage, mais cela ne peut être démontré faute de données.
En contrepartie, il semble peu probable que la production
irriguée permette à elle seule de justifier économiquement la
construction d’un barrage tel que celui-ci. Trois principales
raisons expliquent ce résultat : (i) la lenteur des aménagements
et de leur mise en valeur, (ii) la faible valeur ajoutée produite à
l’hectare, qui compense difficilement les coûts élevés des
investissements, (iii) le coût des investissements.
4. Résultats – Rentabilité du volet agricole
16. 4. Résultats – Rentabilité du volet agricole
Plusieurs raisons expliquent le résultat des simulations:
Le manque de données de production: La décision de financer
le barrage a été prise, selon l’étude Sogreah de 1980, sur la
base de l’irrigation de 5000 ha et de la production d’électricité,
qui n’a pu être estimée.
Le faible rythme des aménagements: Il aura donc fallu attendre
16 ans après la mise en eau du barrage pour arriver à un total
de 3300 ha irrigables, alors que 5000 ha devaient être réalisés
en 5 ans, selon l’étude de faisabilité. Cela veut dire que les
investissements (fixes) dans le barrage et les canaux alors
« surdimensionnés » n’étaient pas rentabilisés par
l’agriculture
17. 4. Résultats – Remboursement de la dette
La composante agricole ne participe pas au remboursement
de la dette. Cette contribution aurait pu représenter 240 000
FCFA/ha par an pendant 30 ans. Cette situation est
compensée par un effort budgétaire de l’Etat.
La composante hydroélectrique participe pleinement au
remboursement de la dette relative aux équipements du
barrage et de la centrale électrique rétrocédé par l’Etat à la
SONABEL.
Le prêt de 12 milliards FCFA, rétrocédé à la SONABEL à
travers une convention, est remboursable sur 30 ans à un
taux d’intérêt de 5%.
18. 5. Conclusion
L’étude n’avait pas la possibilité d’analyser la rentabilité des
investissements du point de vue des différentes parties
prenantes.
En ce qui concerne les producteurs, l’étude montre que la VA est
inférieure aux prévisions; le revenu des producteurs semble
moins élevé que prévu. Cela peut expliquer en partie pourquoi
le montant de la redevance collectée n’a jamais atteint les
sommes nécessaires à la maintenance des ouvrages.
Une dynamique très différente entre la composante électrique
(réalisée en même temps que le barrage) et les délais de mise
en valeur des périmètres irrigués. Les études sont souvent
exagérément optimistes sur le rythme d’aménagement (1000
ha/an de prévus contre 175 ha/an réalisés en moyenne) car les
aménagements différés affectent fortement la rentabilité
économique du barrage.
19. 5. Conclusion (suite)
L’étude montre que l’option d’un barrage mixte - production
d’électricité et agriculture – semble avoir été avantageuse dans la
mesure où l’utilisation de l’eau pour la production électrique a
permis de compenser la lenteur des périmètres irrigués.
La dynamique des financements progressifs des barrages et de
leurs aménagements semble doublement perverse : elle permet
de financer le barrage sur la base d’études exagérément
optimistes, (calendrier de mise en œuvre) ; et après la
construction du barrage elle permet de justifier les
aménagements à réaliser sur la base d’études économiques qui ne
prennent plus en compte le coût du barrage qui est déjà construit.
Cela pose la question de la capacité à analyser objectivement les
avantages et les inconvénients de la construction du barrage et de
les comparer à d’autres options avant de prendre une décision qui
engage l’Etat financièrement sur plusieurs décennies.
20. 6. Recommandations
La faisabilité économique des projets de grands barrages est
construite autour des facteurs déterminants suivants: le
rendement des périmètres, les prix des produits agricoles, le
rythme d’aménagement des périmètres et la disponibilité des
financements. A cet égard l’étude recommande de tenir compte
des aspects suivants dans la formulation des TDR des projets:
La contrainte de financement des aménagements
hydroagricoles pour mieux planifier les investissements
dans la durée de vie du projet.
La recherche conjointe des financements du barrages et
des aménagements agricoles
La maitrise de l’optimisme injustifié des prix des
produits agricoles en travaillant avec deux hypothèses
(chronique des prix nationaux, chronique des prix de la
FAO) .
21. 6. Recommandations (suite)
Au regard du fonds économique très fragile des aménagements
hydroagricoles des grands barrages, l’étude recommande de
prévoir en terme de budget une forte « composante
accompagnement »qui prendrait en compte les aspects liés aux
ressources humaines, au système de crédits, au marché….