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Charte nationale du
Front populaire pour la démocratie et la justice
(PFDJ)
Adoptée par le 3e Congrès du Front de libération du peuple érythréen –
Front populaire pour la démocratie et la justice (EPLF-PFDJ)
Nakfa, 10-16 février 1994
I.Introduction
1.Construction d’une nation et nationalisme en
Érythrée
2.Notre vision d’une Érythrée future
-Les six buts fondamentaux
-Les six principes directeurs
II.La base de nos programmes politiques
1.Construction d’un système politique démocratique
2.Mise en place d’une économie qui répond aux besoins de notre peuple
3.Développement d’une culture nationale
4.Distribution équitable des services sociaux
5.Respect de l’égalité des droits
6.Garantie de la sécurité et de la défense nationales
7.Instauration d’une coopération régionale et internationale
III.Principes organisationnels
1.Un mouvement à base large
2.Un mouvement participatif avec une démocratie interne dynamique
3.Une direction compétente, représentative et responsable, soumise à
des changements périodiques
4.Séparation d’avec le gouvernement du mouvement et de ses activités
5.Encouragement des associations populaires et coopération avec
celles-ci
6.Une structure organisationnelle dynamique bien implantée dans le
peuple
2
I. Introduction
Aujourd’hui, l’Érythrée se trouve au début d’un nouveau chapitre de son
histoire. Pendant cinquante ans, le pays et son peuple ont souffert de la
domination coloniale. La tâche colossale consistant à se débarrasser de ce
pouvoir colonial et à instaurer l’indépendance et la dignité nationales a été
accomplie. Pour la première fois, le peuple de l’Érythrée est devenu le maître
de son propre pays et il a son avenir sous sa propre emprise. Ce qui semblait
un rêve pour beaucoup s’est aujourd’hui mué en réalité. Nous avons combattu
des ennemis dotés d’une capacité supérieure, nous n’avons eu que peu de
soutien de l’extérieur et nous nous sommes appuyés sur notre peuple et notre
propre capacité, en consentant à de lourds sacrifices, de terribles efforts, en
faisant preuve d’une grande vigilance, de beaucoup de maturité politique et
d’ingéniosité. Notre combat ne s’est pas limité à lutter contre l’ennemi ; nous
avons posé les bases qui convenaient à un pays indépendant. Finalement, lors
d’un référendum auquel la population tout entière a participé avec conscience
et enthousiasme, pas moins de 99,8 pour 100 ont voté pour l’indépendance
nationale. Il ne serait nullement exagéré d’affirmer qu’un tel succès n’a que peu
d’équivalents dans l’histoire des mouvements de libération. C’est un
témoignage et une manifestation de la maturité politique du peuple de
l’Érythrée et de sa direction. Réaliser l’indépendance et la souveraineté
nationales est la conclusion d’un important chapitre de l’histoire du peuple de
l’Érythrée et, en même temps, le début d’un nouveau chapitre. Dès aujourd’hui,
le peuple de l’Érythrée va devoir bâtir une société pacifique, juste et prospère
et c’est une tâche qui sera plus malaisée et plus compliquée que la précédente,
qui consistait à réaliser l’indépendance. Si la paix, la justice et la prospérité ne
règnent pas en Érythrée, l’indépendance que nous avons conquise au prix de
lourds sacrifices n’aura aucun sens. Autrement dit, si nous ne sortons pas les
gens de la pauvreté et des privations, si nous ne protégeons pas leurs droits
humains et démocratiques et que nous n’améliorons pas leurs conditions
matérielles, culturelles et spirituelles, avoir obtenu l’indépendance ne
représentera rien du tout. Nous devons transmettre à nos enfants un pays
libéré de la guerre et de tout conflit, un pays dont ils pourront être fiers, un pays
dans lequel règneront l’indépendance, la paix et la prospérité.
La lutte en vue de construire un avenir meilleur pour le peuple de l’Érythrée est
enclenchée pour de bon, après l’indépendance. Nous, la génération qui a
amené l’indépendance, nous avons endossé la responsabilité historique de
transmettre aux générations futures les éléments fondamentaux en vue de la
mise sur pied d’une société moderne et juste. L’actuelle période de transition
nous propose en même temps une responsabilité historique et un défi. Les
actions que nous entreprenons et les choix que nous faisons en ce moment
historique représentent une rare opportunité, et sa mise à profit constitue une
énorme responsabilité et, partant, un important défi historique. La question
principale du moment même est donc celle-ci : la génération qui a mené avec
succès le combat pour l’indépendance est-elle à la hauteur de cette tâche
historique ?
3
La réponse est qu’elle doit l’être. Autrement, toutes les luttes et contributions
de notre génération à l’Érythrée et à son peuple auront été vaines. Cela
signifierait que la mission n’a été accomplie qu’à moitié. Cette mission doit être
menée à terme en bâtissant une Érythrée indépendante et moderne. Tel est le
mandat de notre pays, de notre peuple et de nos martyrs.
Qu’il est plus malaisé et plus compliqué de construire la paix et le
développement que de gagner une guerre a été prouvé à de multiples reprises.
Plusieurs pays africains et d’ailleurs qui avaient nourri de grands espoirs suite
à l’obtention de leur indépendance ou à la conclusion de révolutions
victorieuses peuvent illustrer nos propos. L’expérience de ces pays a consisté
à remplacer les anciens exploiteurs par de nouveaux, à dégrader leur
économie nationale et le niveau de vie du peuple : c’est chaque fois une
expérience d’échec.
Répéter des expériences aussi malheureuses équivaudrait à rendre sans
valeur tous nos coûts et sacrifices et à nous condamner, nous et les
générations à venir, à d’autres guerres et souffrances. Toutefois, nous ne
sommes pas condamnés à répéter de telles erreurs. Nous pouvons apporter
une paix, une justice et une prospérité durables à notre Érythrée. Nous le
devons à nous-mêmes, à nos martyrs et à nos enfants, nous devons faire de
l’Érythrée un pays dont il y a lieu d’être fier, un pays digne des terribles
sacrifices que nous avons consentis pour son indépendance.
Les bonnes intentions seules, toutefois, ne suffisent pas. D’autres pays ont
échoué, et non par manque de bonne volonté. Pour concrétiser
l’indépendance, nous avions besoin de programmes politiques, de stratégies
militaires et d’organisations fortes et matures. De même, pour bâtir une société
moderne et juste, nous avons besoin d’un programme politique durable
s’appuyant sur des principes clairs et sur des structures organisationnelles
efficaces, à base large, afin de permettre l’entière participation de chacun. Par
conséquent, le but du présent document, « Une Charte nationale pour
l’Érythrée », est tout d’abord de clarifier les directives de base nécessaires à
notre future trajectoire nationale et démocratique, ensuite, d’identifier un
programme politique qui pourra guider efficacement un Mouvement national et
démocratique à large base et, enfin, de développer les procédures
organisationnelles et principes de base qui s’appliqueront à ce programme
politique.
La « Charte nationale pour l’Érythrée » n’a pas été recopiée à partir de livres
ou de chartes d’autres pays. Elle tire son origine des réalités de notre pays et
de notre société, ainsi que de notre riche expérience. Elle n’emprunte pas d’un
seul tenant d’autres analyses ou formules figurant dans les chartes d’autres
pays. Elle part des réalités de notre pays, de notre société et de notre riche
expérience. Elle n’emprunte pas d’une seule pièce non plus des analyses ou
formules qui sont à la mode dans le monde actuel. Mais, en lieu et place, en
examinant de façon critique toutes les idées et en les comparant avec les
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réalités de notre société, de notre expérience, notre but est de dégager une
ligne indépendante susceptible de fonctionner.
Notre Charte n’est pas un document dogmatique, fermé et aride. Elle est
ouverte à de nouvelles idées et expériences ; c’est un document dynamique
qui se développe et s’enrichit par le biais de l’expérience pratique. Parce que
le document décrit notre vision et nos idéaux, il conviendrait de ne pas le
concevoir comme quelque chose qui sera réalisé dans un court laps de temps,
et même pas en quelques années. C’est quelque chose qui sera réalisé en
franchissant une étape après l’autre, sur une longue période. C’est un
document de principes généraux et de buts qui guidera notre trajectoire en
nous dirigeant vers notre destination et vers ce qu’il nous faudra faire pour
atteindre cette destination.
1.Construction d’une nation et nationalisme en Érythrée
Même si l’Érythrée, dans ses frontières actuelles, a été modelée par le
colonialisme italien, il importe de se rappeler que l’histoire de son peuple
n’a pas débuté avec la colonisation italienne. Le peuple de l’Érythrée
avait sa propre histoire, sa civilisation, ses lois et ses systèmes
administratifs bien avant la venue du colonialisme.
L’Érythrée avait une vie politique, économique, sociale et
culturelle bien à elle. Au fil des années, des dirigeants coloniaux
successifs ont influencé l’existence et les systèmes administratifs de
l’Érythrée, mais ne les ont pas détruits. Les colonisateurs ont laissé
derrière eux des traces de leurs héritages ; dans un même temps, la
tradition érythréenne, bien qu’ayant subi des changements et des
ajustements, a gardé ses caractéristiques fondamentales, qui se sont
transmises d’une génération à l’autre. Par conséquent, pour comprendre
pleinement l’actuelle situation de notre pays et élaborer des plans pour
l’avenir, il importe grandement de comprendre la dynamique interne de
la société érythréenne, en sus des héritages laissés par les divers
colonisateurs.
Le colonialisme italien a duré cinquante ans. Il n’a pas complètement
modifié la société érythréenne, pas plus que son influence n’a été
également répartie. Toutefois, son impact durable sur l’histoire de
l’Érythrée ne peut être nié. Le colonialisme italien – et c’était vrai pour
tous les colonialismes européens – a établi par la force les frontières de
l’Érythrée ; et, en plaçant sous une seule et même administration tous
les peuples vivant à l’intérieur de ces frontières, il a ouvert un nouveau
chapitre de l’histoire de l’Érythrée. En utilisant le savoir-faire italien, mais
surtout en s’appuyant sur les ressources humaines et matérielles de
l’Érythrée, le colonialisme italien a bâti des villes et des ports, des
grands-routes et des voies ferrées, des usines et des fermes modernes.
Il a introduit la conscription. En outre, il a créé une situation dans laquelle
les citoyens érythréens de toutes les régions du pays ont été mis en
présence les uns des autres et ont donc acquis des expériences
5
communes. L’ampleur de l’influence coloniale peut avoir varié d’un
endroit à l’autre (et certains endroits peuvent n’avoir pas été touchés),
mais l’interaction qui s’est étendue sans cesse parmi les Érythréens,
combinée à leur réaction à l’oppression et au racisme italiens croissants,
a semé les graines de la conscience nationale érythréenne. La création
de la première association politique érythréenne moderne, Mahber Fikri
Hager (L’amour de son pays), à la fin de l’époque coloniale italienne et
lors de la venue des Britanniques, constitue un témoignage clair de cette
conscience nationale.
L’Administration militaire britannique (BMA) en Érythrée fut temporaire
et brève de nature et, partant, l’héritage qu’elle laissa fut limité. Bien
qu’elle air élargi les opportunités sur le plan éducatif et qu’elle ait
autorisé des activités politiques ainsi que la liberté d’expression, elle
chercha, par le biais de la tactique du « diviser pour régner », à créer la
division parmi le peuple de l’Érythrée. En outre, elle posa les bases du
complot final américano-éthiopien afin de refuser au peuple érythréen
son droit à l’autodétermination. L’Administration britannique détruisit
également plusieurs établissements économiques et une partie des
infrastructures de l’Érythrée. Au cours de la domination britannique, le
mouvement nationaliste érythréen, encore dans sa prime enfance, ne
put ni s’opposer à la conspiration ourdie contre l’Érythrée ni se préserver
du divisionnisme. Par conséquent, il s’ensuivit une domination coloniale
éthiopienne dont la cruauté n’eut jamais d’égale dans toute l’histoire de
l’Érythrée.
Au commencement, le colonialisme éthiopien en Érythrée n’a été ni
direct ni ouvert. Ceci, du fait que les conditions tant intérieures
qu’extérieures en Érythrée n’étaient pas propices à une domination
éthiopienne directe. Ce fut sous le prétexte de la résolution des Nations
unies sur la fédération, initiée par les États-Unis, en 1952, que débuta la
domination éthiopienne. La période de fédération (1952-1962) assista à
l’érosion de l’indépendance interne de l’Érythrée, à l’expansionnisme
agressif de la domination éthiopienne et au développement de la
résistance érythréenne. L’une des réalisations significatives de cette
période fut l’expansion visible de notre combat national, qui avait débuté
dans les années 1940 : l’émergence de mouvements de travailleurs et
d’étudiants et, surtout, l’instauration et l’expansion du Mouvement
érythréen de libération (Mahber Showate).
L’Éthiopie coloniale, à tous les niveaux, était plus arriérée que l’Érythrée.
Par conséquent, l’Éthiopie ne construisit ni n’améliora rien du tout ; elle
ne fit que détruire. Via des mesures répressives grossières, elle détruisit
systématiquement la vie politique, économique, sociale et culturelle de
l’Érythrée. Elle déracina la démocratie politique alors en devenir en
Érythrée et inaugura une période de dictature cruelle. En détruisant
l’économie et l’infrastructure de l’Érythrée, l’Éthiopie ramena l’Érythrée
entre trente et quarante ans en arrière. Le pire héritage colonial, en
6
même temps le plus difficile et le plus ingérable que laissa l’Éthiopie,
toutefois, fut la culture arriérée et corrompue de sa classe dirigeante.
Certains traits de la culture érythréenne, dont nous étions fiers, tels la
discipline, l’honnêteté, une morale du travail forte, l’esprit d’initiative,
l’inventivité, l’autosuffisance et le mépris de la dépendance cédèrent la
place, durant la domination coloniale éthiopienne, à la corruption, la
tricherie, la paresse et la dépendance vis-à-vis des donations, plus
particulièrement dans les zones urbaines.
L’Éthiopie fut à même de garder le pays plus développé et plus avancé
qu’était l’Érythrée sous le joug de sa domination pendant quarante ans,
surtout du fait qu’elle était soutenue par les grandes puissances
mondiales, d’abord les États-Unis et, plus tard, l’Union soviétique.
L’énorme soutien que l’Éthiopie reçut prolongea la domination coloniale
éthiopienne et les souffrances du peuple de l’Érythrée et il augmenta
bien plus considérablement le coût de l’indépendance que ce n’aurait
été le cas dans d’autres circonstances. Ce soutien illimité à l’Éthiopie,
d’une part, et l’isolement de la révolution érythréenne, d’autre part, nous
ont aidés à regarder en nous-mêmes, à la recherche des ressources
de notre pays et de notre peuple et ont encouragé l’inventivité et
l’ingéniosité dans toutes sortes de domaines. Il n’est pas exagéré de dire
qu’il en résulta la mise sur pied de l’une des luttes de libération les plus
développées de la planète, laquelle contribua grandement à la
reconstruction nationale de l’Érythrée.
La lutte de libération de l’Érythrée ne connut pas le succès dès le début.
En 1961, quand le Front de libération de l’Érythrée (FLE) se lança dans
la lutte armée, il reflétait les aspirations du peuple érythréen. Toutefois,
le profil et l’approche du FLE n’étaient guère propices à l’unité du peuple
de l’Érythrée, ni ne furent très utiles dans la construction de la nation et
dans le succès de la lutte. L’erreur majeure du FLE consista à se
submerger dans les divisions de la société érythréenne selon des lignes
ethniques, religieuses et régionales et à fomenter ce genre de divisions
au lieu de s’employer à mobiliser tous les Érythréens. Depuis lors,
l’Érythrée a connu de terribles développements politiques, bien qu’une
certaine tendance à exploiter les différences parmi la population
érythréenne pour ne réaliser que de modestes gains politiques, et à
jouer sur les propensions à la mesquinerie n’ait pas tout à fait disparu
de la politique érythréenne.
Les dirigeants éthiopiens ont utilisé ce genre de politique de la division
au maximum. Comprenant qu’ils ne pourraient vaincre le peuple
érythréen par les balles et la force des armes, ils tentèrent jusqu’au
moment de leur chute de semer la discorde parmi le peuple érythréen,
dressant les sections de ce dernier les unes contre les autres. Dans les
années 1960, ils incendièrent les mosquées tout en épargnant les
églises. Plus tard, ils tentèrent de se faire passer pour les défenseurs
des gens des basses terres. Ils pratiquèrent inlassablement leur
7
politique de division, même au niveau social le plus bas, créant des
conflits entre villages, et même parmi les habitants d’un même village.
Le mouvement érythréen de libération et, en particulier le Front de
libération du peuple érythréen (EPLF), parvint à contrecarrer les
intrigues des Éthiopiens et de leurs collaborateurs érythréens en
cultivant le nationalisme et l’unité au sein du peuple érythréen. L’EPLF
créa un forum de lutte auquel tous les Érythréens qui s’opposaient à la
domination coloniale et désiraient l’indépendance pouvaient participer,
quelles que soient leurs religion, langue, ethnicité, classe sociale et
genre. L’EPLF est devenu un melting pot, un creuset pour des centaines
et des milliers d’Érythréens venus des zones rurales et urbaines, des
régions des hautes terres et des basses terres et des localités les plus
marginalisées. Il a favorisé le nationalisme érythréen et a préparé le
terrain en vue de l’unité nationale en prenant la priorité sur toutes les
attitudes divisives et mesquines. Il a enseigné et pratiqué l’égalité de
tous les citoyens. Dans toute sa politique, dans toutes ses actions,
l’EPLF a cultivé le nationalisme et l’unité du peuple de l’Érythrée.
À travers un siècle d’histoire d’expérience coloniale et, surtout, à partir
de ses propres activités historiques, le peuple de l’Érythrée est devenu
un seul peuple et un seul pays, composé de plusieurs groupes ethniques
et linguistiques, de plusieurs croyances et cultures. Le processus de
construction d’une nation est long et compliqué. Même si les bases du
nationalisme érythréen ont été fermement établies au travers de notre
longue lutte de libération, il y a toujours lieu de la conclure.
La population de l’Érythrée, dont l’unité est enracinée dans une longue
tradition de coexistence pacifique et harmonieuse, est l’une des
populations les plus unies parmi les sociétés aux structures sociales
similaires. En raison de cette unité, la victoire a pu être atteinte et la paix
et la stabilité prévalent aujourd’hui dans une Érythrée indépendante. Et
la mise sur pied du gouvernement de l’Érythrée reflète et renforce cette
unité à base large.
Nous venons d’explorer brièvement le siècle d’histoire du peuple de
l’Érythrée. Au cours de ce siècle, l’histoire naturelle du peuple de
l’Érythrée a été interrompue par le colonialisme. Les Érythréens ont vécu
l’oppression coloniale, y compris la pire espèce de racisme fasciste. Au
contraire d’autres peuples colonisés de la même façon, les Érythréens
se sont vu refuser leur droit à l’indépendance. De plus, alors des peuples
opprimés de la même manière et qui avaient mené des luttes de
libération en bénéficiant d’un large soutien international, le peuple de
l’Érythrée fut obligé de mener sa lutte en ne comptant que sur lui-même,
contre un ennemi qui, lui, était soutenu internationalement. Cette lutte
fut décriée par maints observateurs comme étant futile et téméraire.
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Le peuple de l’Érythrée sortit néanmoins victorieux de ce test
extrêmement difficile. La lourde puissance de feu ne l’affaiblit pas ; au
lieu, elle l’aguerrit et renforça sa détermination. Il conquit l’indépendance
et la souveraineté de l’Érythrée, les gardant intactes
inconditionnellement. Dans plusieurs pays où des luttes pour
l’indépendance nationale furent menées, des conflits et parfois même
des guerres civiles s’ensuivirent, dès l’indépendance. En Érythrée,
toutefois, grâce à la forte unité nationale construite au travers de la lutte,
et grâce à une action politique mature, la paix et la stabilité prévalurent.
Un gouvernement à base large, soutenu par le peuple, a été établi en
vue d’une période de transition. Habituellement, les transitions sont
difficiles mais, promptement, l’Érythrée a trouvé des solutions aux
problèmes auxquels elle était confrontée durant cette période. Avec de
grands espoirs, le pays est prêt dans la direction d’un défi historique plus
difficile et plus grand encore consistant à mettre sur pied une société
moderne et stable.
Dire que le Front de libération du peuple érythréen (EPLF) a été le
contributeur le plus important à la remarquable victoire du peuple de
l’Érythrée est simplement un fait historique. Comme nous l’avons déjà
mentionné, la lutte armée érythréenne a traversé un état de crise et elle
a donc été au bord de la défaite à la fin des années 1960 et au début
des années 1970. Ce qui a insufflé une nouvelle vie à la lutte, ç’a été la
création de l’EPLF. Ce fut l’EPLF qui maintint la révolution, en
s’opposant et en résistant aux campagnes militaires, soutenues par les
Soviétiques, de la plus forte armée de l’Afrique noire. Il a finalement
décroché une victoire militaire historique, a établi un large front national
et a fait de la participation populaire une réalité, il a organisé un
référendum, de sorte que l’indépendance a été le résultat du choix libre
et légitime du peuple de l’Érythrée et non pas uniquement celui d’une
victoire militaire, et il a établi les bases solides de l’indépendance de
l’Érythrée et de ses relations internationales.
L’EPLF a atteint avec succès les buts fondamentaux définis à ses
débuts, l’indépendance et la paix pour l’Érythrée. En tant que front de
libération, il a accompli sa mission avec un succès retentissant. L’EPLF,
toutefois, n’a jamais considéré l’indépendance comme une fin en soi,
mais plutôt comme une précondition à la construction d’une société
démocratique et moderne dans laquelle la justice et la prospérité
prévaudraient. Étant donné que l’EPLF est une organisation politique
couvrant toutes les sections de la population érythréenne et qu’il apporte
l’unité ainsi qu’une expérience riche, il a la capacité d’apporter une
importante contribution au développement de l’Érythrée. Cependant, ce
nouveau chapitre et les nouveaux défis qui attendent requièrent de
nouvelles structures organisationnelles, de nouveaux mécanismes, de
nouvelles directions.
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Ces nouvelles structures ne peuvent être séparées de la riche
expérience du passé. Elles doivent bâtir sur les bases solides déjà
établies par l’EPLF. Elles doivent hériter et améliorer les mesures
politiques et pratiques exemplaires gagnées à partir de l’expérience
passée et, par ailleurs, elles doivent éviter les faiblesses et erreurs du
passé et celles du présent. Elles doivent développer des programmes
politiques, des structures organisationnelles et des procédures de
fonctionnement appropriées aux nouvelles tâches de ce nouveau
chapitre. Les nouvelles structures doivent tenir compte de la nature de
notre société et de son stade de développement, et des leçons tirées de
notre expérience passée ainsi que des expériences du tiers-monde.
Pour que ces nouvelles structures soient constructives et qu’elles soient
à la hauteur des tâches de la nouvelle phase, il faut qu’elles constituent
un Mouvement à base large, rassemblant tous les Érythréens patriotes
et démocrates, et non un parti à base étroite. La plupart des membres
de l’EPLF nourrissent un engagement profond envers le progrès du
pays, pour l’indépendance duquel ils ont consenti de lourds sacrifices,
et envers l’amélioration des conditions de vie des secteurs opprimés de
la population de l’Érythrée. Par conséquent, il n’est que naturel qu’ils
deviennent des acteurs actifs au sein du Mouvement, comme le sont
d’autres qui aiment le pays et son peuple, mais ont été en dehors de
l’EPLF en raison de la manière dont s’est déroulée la lutte de libération,
ou pour d’autres raisons encore.
Au cours de cette nouvelle phase de construction de la nation – politique,
économique, sociale et culturelle -, quand nous nous embarquons dans
un mouvement politique à base large afin de guider efficacement notre
trajectoire future, il nous faut clarifier nos objectifs de base et les moyens
de pouvoir les atteindre. Nous avons été victorieux, en dépit de
toutes les difficultés, de tous les dangers, parce que, en tant que
mouvement de libération et peuple, nous disposions de clarté et d’une
vision commune des buts de l’indépendance et de la paix. Aujourd’hui
aussi, nous devons avoir une vision de la future Érythrée et de son
peuple ; et il est d’une importance primordiale qu’une telle vision entre
dans les cœurs et les esprits de tous les Érythréens, de sorte qu’ils
puissent s’organiser et tendre à sa réalisation.
2.Notre vision d’une Érythrée future
En tant que nation et peuple, que désirons-nous, à ce stade ? Du fait
que nous avons converti en réalité nos rêves d’hier de paix et
d’indépendance, quels sont les rêves d’aujourd’hui que nous désirons
convertir en réalité ? Bref, quelle est notre vision ?
Notre vision est que l’Érythrée devienne un pays où prévaudront la paix,
la justice, la démocratie et la prospérité. Notre vision prévoit d’éliminer
la faim, la pauvreté et l’analphabétisme de l’Érythrée. Notre vision est
que l’Érythrée préserve son identité et son caractère unique, qu’elle
développe son engagement envers l’attention à la famille et à la
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communauté et que, en progressant sur les plans économique, éducatif
et technologique, elle puisse rallier les pays développés. Notre vision est
que la société érythréenne soit connue pour l’harmonie entre ses divers
secteurs, pour son égalité des genres, son amour du pays, son
humanité, sa discipline, son dur labeur et son amour du savoir, son
respect de la loi et de l’ordre, son indépendance et son inventivité. Notre
vision est d’accomplir des miracles en construisant notre nation, comme
ce fut le cas durant notre guerre de libération.
Notre vision peut être résumée en six buts fondamentaux :
1. L’harmonie nationale
Pour que le peuple de l’Érythrée vive en harmonie, en paix et
dans la stabilité, sans distinction entre régions, ethnies,
langues, religions, genres et lignes de classe.
2. La démocratie politique
Pour que les Érythréens soient des participants actifs et se muent
en décideurs dans la gestion et la conduite de leurs existences et
de leur pays, avec leurs droits garantis par la législation et dans
la pratique.
3. Le développement social et économique
Pour que l’Érythrée progresse socialement et économiquement
dans les domaines de l’éducation, de la technologie et du niveau
de vie.
4. La justice sociale (démocratie économique et sociale)
Il convient de proposer une distribution équitable de la richesse,
des services et des opportunités, ainsi qu’une attention
particulière aux sections les plus défavorisées de la société.
5. Une renaissance culturelle
Puiser dans notre riche héritage culturel et dans les valeurs
progressistes que nous avons développées au cours de la lutte
de libération, afin de développer une culture érythréenne
caractérisée par l’amour du pays, le respect envers l’humanité, la
solidarité entre l’homme et la femme, l’amour de la vérité et de la
justice, le respect de la loi, le travail acharné, la confiance en soi,
la débrouillardise, l’ouverture d’esprit et l’inventivité.
6. La coopération régionale et internationale
Pour que l’Érythrée devienne un membre respecté de la
communauté internationale, en coexistant dans l’harmonie et la
collaboration avec ses voisins, et en contribuant selon ses
capacités à la paix, la sécurité et le développement régionaux et
mondiaux.
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Voici notre nouveau rêve et notre nouvelle vision. Ce n’est pas une tâche
aisée que l’on peut terminer demain ou après-demain. Il ne fait pas de
doute qu’elle requerra du temps, un solide engagement, un dur labeur
et une créativité de tous les instants. Mais il ne fait pas de doute non
plus que cette vision puisse devenir réalité.
En allant de l’avant afin d’accomplir notre nouvelle mission, nous
pouvons tirer bien des leçons de la riche expérience de notre lutte de
libération. Il est important de consulter notre expérience et d’en tirer les
leçons pertinentes de sorte que la trajectoire future de notre pays et de
notre peuple ne soit pas le jouet du hasard. Les principes et points de
vue fondamentaux qui ont servi à notre victoire peuvent toujours servir
aussi de bases pour construire la nation et favoriser la justice et la
prospérité.
Les six principes fondamentaux qui peuvent servir de directives pour nos
activités sont l’unité nationale, la participation publique active,
l’élément humain, le lien entre la lutte nationale et la lutte sociale,
le fait de pouvoir compter sur soi-même et, enfin, une relation forte
entre le peuple et les dirigeants. Examinons-les un par un,
séparément.
7.L’unité nationale
L’Érythrée n’aurait jamais arraché son indépendance si nous
n’avions mené notre lutte en rejetant toutes les attitudes et
activités sectaires et divisives, en croyant à l’unité de l’Érythrée
et de son peuple et dans l’unification de ce dernier vers un but.
Au début, dans les années 1960, notre lutte armée de libération
a connu un état de confusion et de déclin, et elle était arrivée au
bord de la défaite du fait qu’il lui manquait une direction et une
forme organisationnelle. Mais la lutte surmonta ce danger parce
qu’elle fut finalement guidée par une ligne politique nationale et
une direction nationale et qu’elle fut en mesure d’organiser des
centaines de milliers d’Érythréens venus de tous les recoins du
pays, quel que soit leur contexte ethnique ou social et qui, en fin
de compte, décrochèrent la victoire.
Maintenant aussi, l’unité, l’égalité et la participation de toutes les
sections de la société érythréenne devraient constituer les bases
de tous nos programmes. Si toutes les sections de notre société
ne participent pas activement à la vie politique, économique,
sociale et culturelle de leur pays et si le gouvernement est perçu
comme proche des uns mais éloignés des autres et s’il néglige
en plus de développer et de construire l’Érythrée, nous ne serons
pas en mesure de préserver la paix et la stabilité dont nous
disposons aujourd’hui.
12
Grâce à la longue expérience et aux sacrifices consentis,
l’Érythrée indépendante dispose aujourd’hui d’une unité nationale
qui lui permet de se lancer. Mais, comme toute chose, afin de ne
pas perdre cet élan, il est essentiel de préserver et d’encourager
cette unité. En temps de paix, au contraire de ce qui se passe en
temps de guerre, il est évident que certaines tendances et
opinions affaiblissant progressivement l’unité peuvent apparaître.
Nous devons prendre ces tendances au sérieux et les combattre.
De plus, du fait que l’établissement d’une nation est un
processus historique long et compliqué comportant des aspects
politiques, économiques, sociaux et culturels et que, comme
dans d’autres pays du tiers-monde, ce processus n’est pas
encore terminé, nous devrions considérer le développement et le
renforcement du nationalisme érythréen et l’unité de son peuple
comme les tâches majeures qu’il nous faut entreprendre.
Pour que l’unité nationale se développe, la chose requiert des
garanties institutionnelles. Par conséquent, il est avant tout
nécessaire de mettre sur pied un gouvernement national qui
assurera l’unité et l’égalité du peuple de l’Érythrée, rejettera
toutes les attitudes et activités divisives, placera l’intérêt national
au-dessus de tout et rendra possible la participation de tous les
secteurs de la société érythréenne. Toutes les constructions
politiques doivent se faire sur une base nationale et toutes les
tendances politiques sectaires doivent être catégoriquement
rejetées. Toutes formes de discrimination et de domination, y
compris régionales et ethniques, doivent également être rejetées.
Les diverses cultures de l’Érythrée devraient être une source de
pouvoir et d’unité. Le système national devrait être laïc, séparé
de la religion mais, néanmoins, respectueux de l’égalité des
religions. En bref, la nation doit constituer la base de toutes les
institutions et mesures politiques.
8. La participation active du peuple
Notre lutte de libération a été menée à bien parce qu’elle
s’appuyait sur le peuple. S’il n’y avait eu une forte connexion
entre le mouvement de libération et le peuple, la lutte n’aurait pas
survécu et encore moins réussi. Le soutien fut efficace parce qu’il
était venu sous une forme organisée. Le slogan utilisé par l’EPLF
dès le début, « Politisez, organisez et armez les masses », est
l’une des bases fondamentales de la victoire conquise par le
peuple de l’Érythrée.
Aujourd’hui aussi, la participation active et organisée du peuple
s’appuyant sur la conscience politique, est une condition de base
au succès de la trajectoire actuelle. Quand nous disons
« participation du peuple », nous ne voulons pas simplement dire
voter lors d’élections occasionnelles. Nous voulons plutôt dire
13
que les gens devraient participer à toutes les décisions qui
concernent leurs existences et leur pays, depuis la conception
jusqu’à la mise en pratique des idées. Sans participation
publique, il ne peut y avoir de développement ; il est vital pour le
peuple qu’il participe à tous les stades des projets de
développement – depuis la planification jusqu’à la réalisation et
l’évaluation. Cependant, la participation ne peut être efficace que
si le peuple est organisé. Par conséquent, non seulement le
peuple devrait avoir le droit de fonder des organisations, mais il
devrait également être encouragé et aidé à le faire.
9. Le rôle décisif du facteur humain
Le secret de notre victoire dans la lutte a été découvert dans le
combattant dévoué engagé vers un but. Ce fut cet individu
altruiste qui rendit tout cela possible, défaisant tous les ennemis
en vainquant le colonialisme éthiopien et ses puissants soutiens.
Dans l’expérience érythréenne de la lutte, il y a la confirmation
qu’un être humain conscient et bien décidé, engagé pour une
juste cause, est plus fort que l’acier et la force brutale.
Le caractère décisif du rôle de l’élément humain, toutefois, ne
s’est pas limité à la guerre. Quand on bâtit une économie aussi,
le facteur le plus décisif réside dans les ressources humaines, et
non dans les ressources naturelles ou capitales, ni non plus dans
l’aide et les investissements. Il existe des pays aux ressources
naturelles limitées qui ont néanmoins atteint de hauts niveaux de
développement. Par contre, il existe bon nombre de pays aux
ressources naturelles abondantes qui sont restés arriérés et que
ne sont toujours pas en mesure de nourrir leur peuple.
Ce que nous comprenons à partir de nos propres expériences,
de même que de celles des autres, c’est que dans tous nos
programmes et activités, nous devons bien nous imprégner du
rôle décisif du facteur humain. Même si nous avons besoin de
l’aide et des investissements étrangers, ce sont avant tout en
fonction des aspects humains que nous construirons l’Érythrée :
une forte volonté, de la discipline, des capacités, du savoir-faire
et de l’inventivité. De même que la libération de l’Érythrée n’aurait
pas été possible sans un peuple engagé, la prospérité et la
modernisation de l’Érythrée est également impensable sans le
peuple et son engagement.
Par conséquent, l’élément humain devrait se voir accorder une
position centrale dans nos stratégies de développement. Ces
stratégies doivent avant tout être orientées sur le peuple : elles
devraient tendre à répondre aux besoins matériels et spirituels du
peuple. Pour insister sur l’importance de l’élément humain, nous
devrions investir le plus possible de ressources dans le
14
développement humain (éducation, formation, santé, etc.). En
général, nous devons tendre à bâtir une société orientée sur le
peuple et dans laquelle chaque Érythréen(ne) pourra ses propres
capacités, libre de toute oppression, de la peur, de la pauvreté et
de l’ignorance.
10. La relation entre les luttes nationales et sociales (luttes pour
la justice sociale)
Notre expérience a prouvé que la lutte pour l’indépendance et la
lutte pour un avenir meilleur ne pouvaient être dissociées. Nous
rappelons que, dans les stades initiaux, quand notre lutte
manquait de programmes progressistes, sa poursuite était même
douteuse, et ses possibilités de progresser l’étaient encore
davantage. Si notre lutte n’avait pas été liée à la lutte sociale en
reflétant les intérêts du peuple, elle ne se serait pas soldée par
une victoire.
Que ce soit dans une lutte de libération ou dans un processus de
développement national, il est impossible de progresser sans la
participation du peuple. Pour que les gens acceptent de
participer, toutefois, il doit y avoir des programmes qui les aident
à provoquer de réels changements dans leurs existences. De
simples promesses de campagne politique ne suffisent pas ; ce
n’est que lorsque les gens voient réellement que le mouvement
politique ou le gouvernement travaille dans leur intérêt, que
lorsqu’ils voient que les promesses ont été tenues, qu’ils se
muent en participants enthousiastes aux programmes. Telle a été
l’expérience de notre révolution en ce qui concerne la
participation du peuple, parce que celui-ci a vu que des services
modernes d’éducation et de santé égaient proposés et que des
projets de développement étaient lancés et que tout cela
s’appuyait sur des matériaux disponibles localement et sur
l’implication du peuple même.
Des philosophies et programmes sociaux progressifs ont été une
autre caractéristique principale de notre lutte de libération. La
création d’assemblées et associations populaires, l’initiation de
projets de développement, l’expansion des services sociaux, les
changements dans la situation des femmes érythréennes en
général, l’éveil des populations rurales, toutes ces choses ont été
concernées par ce genre de mesures. En outre, la lutte de
libération était dotée d’une conscience sociale forte caractérisée
par l’amour de la vérité et de la justice, le soutien aux opprimés,
l’intolérance vis-à-vis de l’oppression, le respect des droits
humains et de l’égalité et la conscience des problèmes quotidiens
des gens. La philosophie qui a guidé ces programmes est la
philosophie de la justice sociale. Cette justice sociale est un
concept très large et flexible, ouvert à différentes interprétations.
15
Toutefois, pour nous qui nous appuyons sur notre expérience
réelle, la justice sociale signifie une réduction du fossé entre les
nantis et ceux qui n’ont rien, en s’assurant que tout le monde aura
sa part honnête de la richesse nationale et pourra participer à la
vie politique, sociale et culturelle du pays ; cela signifie aussi la
création d’un développement équilibré, le respect des droits
humains et la marche en avant de la démocratie. Pour avoir du
sens et des bases stables, la démocratie politique doit être
accompagnée d’une démocratie économique et sociale.
Comme dans le passé, les Érythréens sont convaincus qu’en
l’absence de justice, ni la stabilité ni la prospérité ne sont
envisageables. Par conséquent, afin de motiver le peuple de
l’Érythrée de lutter de toutes ses forces pour la justice sociale et
le développement, nous ne devrions pas nous limiter à discuter
et à pérorer sur la justice sociale. Le mouvement doit fournir aux
sections les plus opprimées de notre société les moyens de
participer à la planification d’un avenir meilleur, et il s’agit d’une
priorité.
11. Le fait de compter sur soi
C’est un autre des fondements de la victoire atteints par notre
lutte de libération. Si nous ne nous étions pas appuyés sur nos
propres capacités, aussi bien en développant nos principes que
dans la pratique, nous n’aurions certainement pas connu le
succès.
L’autosuffisance dans tous les domaines – politique, économique
et culturel – est un principe fondamental. Politiquement, cela
signifie qu’il faut suivre une ligne indépendante et donner la
priorité aux conditions internes ; économiquement, il faut
s’appuyer sur les possibilités internes et développer les capacités
internes ; et, culturellement, il faut avoir confiance en soi et
développer son propre héritage culturel. L’autosuffisance ne
signifie pas que l’on s’isole de la communauté internationale.
Cela signifie uniquement qu’il faut être un acteur aussi
indépendant et aussi sûr de soi qu’il soit possible de l’être au sein
de la communauté internationale.
L’histoire de notre lutte de libération est l’histoire d’une
autosuffisance. Nous avons connu le succès parce que nous
avons planifié en fonction de notre propre expérience et de nos
propres conditions, sans copier les modèles politiques, la
politique étrangère ou les stratégies militaires de qui que ce soit.
Nous avons traité les problèmes que nous avons rencontrés dans
notre existence et nos programmes de tous les jours, sans
attendre des solutions venant d’experts extérieurs.
16
Cette fière tradition, qui a été à la base de notre victoire, doit se
poursuivre. Dans les questions de démocratie et de
développement économique, nous devons élaborer nos propres
programmes susceptibles de fonctionner dans les conditions qui
nous sont propres. Courir le marché en quête d’idées en vogue
ne peut que faire de nous des victimes des caprices de la mode.
Bien que nous ayons besoin de l’expertise et de spécialistes de
l’extérieur, il nous faut nous appuyer sur nos propres capacités et
nos propres spécialistes et donner la priorité au développement
de nos propres possibilités et de notre propre expertise. Nous
devons nous opposer à la tendance à adorer tout ce qui vient de
l’étranger et éviter d’imiter les étrangers comme on a pu
l’observer dans certaines sections de notre société,
particulièrement parmi les jeunes.
12. Une relation forte entre le peuple et ses dirigeants
Une expérience amère et pénible nous a enseigné qu’une
direction honnête et mature constituait un autre des facteurs
décisifs en vue d’arriver à la victoire. Si nous n’avions pas eu une
direction qualifiée et efficace capable de mobiliser nos ressources
limitées et faibles, une direction capable de transformer des gens
résilients et engagés et des combattants en une force
indomptable par le biais d’une organisation et d’une guidance
adéquates, nous n’aurions en aucun cas pu être victorieux.
Ici, quand nous parlons de direction, il devrait être évident que
nous faisons référence non seulement au corps exécutif le plus
élevé mais, dans un sens plus large, à une force politique élargie
et organisée qui assure la direction. Selon notre expérience, en
sus des hauts dirigeants, des rôles directeurs décisifs ont
également été assumés par les chefs de peloton qui ont conduit
leurs camarades au combat et par les cadres intermédiaires et
inférieurs qui ont efficacement appliqué les directives et les
mesures de l’organisation, et qui ont été renforcés par le
feedback reçu du peuple et par l’expérience qu’ils ont acquise.
Notre propre expérience et celle des autres confirment qu’il est
impossible d’assurer une direction propre avec des dirigeants qui
séjournent dans des pays étrangers, voire qui résident dans le
pays même mais en étant isolés du peuple. C’est parce que nous
vivions parmi les masses populaires au cours de notre lutte, en
menant un même style de vie qu’elles, et parfois même plus
frugal encore, en comprenant leur façon de penser, en faisant
preuve d’intérêt envers leurs problèmes et en tentant de les
résoudre, en gagnant leurs cœurs et leurs esprits, que nous
avons été en mesure d’en faire des participantes actives à la lutte
et de les conduire à la victoire.
17
Aujourd’hui aussi, afin de susciter les efforts et la créativité de
notre peuple qui, dans le passé a accompli des miracles, et de le
guider dans la construction de l’Érythrée que nous désirons, nous
devons préserver et renforcer notre relation avec notre peuple,
non seulement en pensée et en esprit, mais aussi par le biais de
notre présence physique quotidienne en son sein. Nous
connaissons plusieurs mouvements révolutionnaires qui ont
débuté dans des zones rurales et qui ont acquis la victoire grâce
au soutien du secteur rural. Une fois qu’ils sont entrés dans les
villes, ils ont concentré toute leur attention sur la résolution des
problèmes urgents des villes, ignorant la situation précaire de la
majorité de la population rurale qui les avait soutenus ; autrement
dit, en appliquant l’adage « loin des yeux, loin du cœur ». En
analyse finale, ils ont perdu le soutien, et du secteur rural et des
secteurs urbains, et ils ont échoué. Pour éviter ce genre d’échec,
notre direction et nos cadres à tous les niveaux, et les activités
du gouvernement et du Mouvement politique doivent s’étendre à
tous les coins du pays, y compris ces régions éloignées qui, tout
récemment encore, nous ont servi de zones de base et de
quartiers généraux.
Afin de poursuivre la fière tradition de guidance de notre lutte de
libération et d’en empêcher la régression, les dirigeants doivent
être libres de toute forme de corruption, s’abstenir des abus de
pouvoir, être des enseignants et d’humbles serviteurs, devenir
des modèles de rôle positifs, d’apprendre et de mettre à jour leurs
compétences en permanence et de pouvoir assumer leurs
responsabilités à tout moment. Notre expérience est un
témoignage vivant en faveur de la nécessité d’une direction
collective, mais également de la nécessité de responsabilités et
procédures individuelles clairement définies, de respect des lois
et de l’adhésion à la légitimité des actions entreprises.
Finalement, notre propre expérience et celle d’autrui confirment
que le changement périodique de direction et l’injection de sang
neuf dans la direction importent pour assurer la fluidité des
transitions ainsi que la bonne santé de la vie politique. Par
conséquent, dans cette nouvelle phase, en clarifiant les devoirs
et obligations des dirigeants (dans un sens élargi), en introduisant
des procédures de responsabilisation clairement définies, en
garantissant le fonctionnement adéquat des institutions à tous les
niveaux, en définissant constitutionnellement la longueur des
mandats des postes de direction, nous devons assurer une
direction qualifiée, responsable et démocratique.
Les réflexions mises en exergue ci-dessus constituent notre vision et
nos objectifs fondamentaux. De plus, elles constituent les principes
fondamentaux pour nous guider et nous aider à atteindre nos cibles ;
18
elles décrivent nos pensées politiques et notre philosophie. Notre
philosophie est la philosophie du pragmatisme, de la justice sociale et
de l’humanisme. Elle s’appuie sur les réalités pratiques de la vie, sur les
réalités de la société érythréenne. Elle confère davantage de priorité au
savoir acquis dans les expériences d’autres sociétés que dans des
ouvrages théoriques. C’est une philosophie qui évalue la validité d’une
idée sur base de son application pratique.
Nous, en Érythrée, nous nous sommes engagés à construire une nation
et à renforcer l’unité de notre peuple. Nous sommes engagés dans la
croissance économique, mais en conjonction avec la justice sociale et
la protection de l’environnement naturel. Nous sommes partisans d’une
modernisation reposant sur la dignité nationale et la culture. Le but que
nous recherchons réside dans une Érythrée qui satisfasse les besoins
matériels et spirituels de son peuple, individuellement et collectivement,
le tout dans un climat de paix.
II. La base de nos programmes politiques
1. Construction d’un système politique démocratique
Pour la première fois de notre histoire, nous, Érythréens, nous nous
lançons dans la construction de notre propre État. C’est une grande
opportunité que nous avons conquise de haute lutte. Il est naturel que
nous désirions désormais bâtir le meilleur système possible, avoir le
meilleur gouvernement possible, comme le ferait n’importe quel peuple.
L’histoire a enregistré que l’espèce humaine a toujours désiré construire
le système politique idéal et que ses meilleurs philosophes ont étudié
ces systèmes politiques et leur ont consacré leurs écrits. Bien qu’il soit
impossible de réaliser le système politique idéal, il est d’une importance
vitale de chercher à établir le meilleur système politique possible. Par
conséquent, en Érythrée, en ce moment historique important, nous
devrions soulever les deux questions suivantes et tenter d’y répondre :
o Quel est le meilleur système politique possible qui
convienne à une Érythrée indépendante ? o Quel type
de gouvernement devrions-nous instaurer ?
En Érythrée indépendante, notre souhait fondamental est d’élaborer un
système politique stable qui respecte la loi et l’ordre, sauvegarde l’unité
et la paix, donne la possibilité à tous les Érythréens de mener une
existence heureuse et paisible, garantisse les droits humains
fondamentaux et soit libre de toute crainte et oppression. Parce que de
tels objectifs ne peuvent être garantis que par des lois et des institutions
légalement constituées, nous devons instaurer un système politique
constitutionnel en Érythrée.
19
Le système constitutionnel doit s’appuyer sur le développement
historique et les conditions spécifiques de la société érythréenne et il doit
également en être le reflet. Ce doit être un système constitutionnel
national qui garantisse l’unité et un développement équilibré du peuple
de l’Érythrée et garantisse également l’indépendance et la sécurité
nationales.
Ce doit être un système constitutionnel démocratique s’appuyant sur la
souveraineté du peuple, sur des principes et procédures démocratiques,
sur la responsabilité, la transparence, le pluralisme et la tolérance.
La seule existence d’une constitution, toutefois, ne suffit pas. Pour que
la constitution fonctionne activement et soit respectée, des institutions
constitutionnelles doivent exister. Pour maintenir la constitution dans la
société et dans tous les corps gouvernementaux, il doit y avoir une
conscience forte (c’est-à-dire une conscience constitutionnelle). La
constitution et les systèmes constitutionnels ne peuvent avoir des
garanties que lorsqu’une conscience et une culture constitutionnelles
sont développées, et quand des institutions constitutionnelles ont été
instaurées et consolidées.
Le nationalisme et la démocratie doivent être les principes
fondamentaux sur lesquels nous construirons le système politique
constitutionnel en Érythrée.
Le système politique érythréen doit être mis en place à partir du
nationalisme, c’est-à-dire en s’appuyant sur la sauvegarde de l’intérêt
national, le développement et la consolidation de l’unité de notre peuple
et la préservation de l’indépendance. Toutes les institutions politiques
devraient être établies sur une base nationale, libre de sentiments et
activités sous-nationaux et scissionnistes, en consolidant et développant
les efforts nationalement coordonnés de notre peuple. En d’autres
termes, le système politique doit avoir une base sociale large,
permettant la participation de la totalité du peuple tant dans les zones
rurales que dans les zones urbaines.
Le système politique doit reposer sur la démocratie. La démocratie,
toutefois, est un concept controversé. La démocratie est parfois perçue
de façon étriquée, en fonction du nombre de partis politiques et du fait
de savoir si des élections ont lieu régulièrement. Un tel point de vue, qui
limite le sens de la démocratie à sa forme, est superficiel et non
historique. Perçue dans une perspective plus large et plus profonde, la
démocratie signifie l’existence d’une société gouvernée par des principe
et procédures démocratiques, l’existence d’institutions démocratiques et
d’une culture démocratique, une large participation publique à la prise
de décision et un gouvernement qui soit responsable envers le peuple.
20
Nous pouvons comprendre correctement la démocratie quand nous la
rattachons au développement historique et aux conditions actuelles de
la société érythréenne. Notre compréhension de la démocratie devrait
mettre l’accent sur son contenu plutôt que sur ses manifestations
externes. Dans le contexte de notre société, la démocratie dépend non
pas du nombre de partis politiques ni de la régularité des élections, mais
de la participation réelle du peuple dans le processus décisionnel au
niveau de la communauté et au niveau national. Ce qui est mis en
question ici, ce ne sont pas les partis politiques en tant que manifestation
d’un pluralisme politique avec des droits à l’organisation et à la liberté
d’expression, et à des élections. C’est plutôt le fait d’assimiler la
démocratie au nombre de partis politiques et au fait que des élections
sont organisées. Ce genre d’interprétation est erroné et dangereux. Et
ce, parce qu’il a été établi à partir des expériences de plusieurs pays,
d’après lesquelles l’existence seule de plusieurs partis politiques et
d’élections organisées ne garantit pas l’existence d’un système
véritablement démocratique. Si nous examinons l’expérience de
certains pays africains, les partis politiques dominés par les intérêts
d’une élite sont imposés d’en haut.
Ceci ne favorise pas le développement démocratique au sein de l’État
ou de la société. De tels partis politiques, qui servent des intérêts
internes et externes étroits, sont devenus des instruments aux mains de
systèmes oppressifs. En ce qui concerne les élections aussi, la
corruption largement répandue que l’on observe dans le monde entier
lorsque se tiennent des élections est une indication de ce que tenir des
élections, en soi, ne garantit pas la démocratie.
Donc, pour que la démocratie soit réelle et garantie, il est essentiel de
planifier le processus par lequel elle peut se développer de façon
appropriée. Il est avant tout nécessaire de disposer d’institutions
s’appuyant sur le peuple – partis politiques, diverses associations de
masse, des mass media et des institutions gouvernementales
décentralisées. Des institutions gouvernementales et non
gouvernementales doivent exister afin de garantir une participation
publique de la masse à un niveau national. Le gouvernement national
doit obéir à une constitution, il doit rendre des comptes au peuple, il doit
coordonner et équilibrer ses corps législatifs, exécutifs et judiciaires et
avoir un pouvoir qui puisse s’exercer partout et qui soit en même temps
décentralisé. Le développement des associations publiques et des
mouvements syndicaux, en général, le développement des institutions
non gouvernementales, constituent des manifestations additionnelles du
développement de la démocratie. Des mass media indépendants, libres
et responsables constituent toutefois un autre ensemble important de
facteurs propices au développement de la démocratie. Bref, un
gouvernement démocratique, une société civile active et des mass
media indépendants et aux informations fiables sont les trois piliers de
la démocratie. Ce n’est que lorsque ces trois piliers sont présents et que
21
la culture démocratique prévaut dans la totalité de la société que la
démocratie peut exister et être garantie.
Ce processus démocratique, toutefois, n’est pas un projet que l’on peut
accomplir à la hâte, en quelques années. C’est nécessairement un long
processus historique. L’expérience de plusieurs pays développés au
cours des deux siècles écoulés montre que le développement
démocratique est un processus complexe. Particulièrement dans des
sociétés comme la nôtre, qui ont des structures diverses et sont à un
niveau de développement plus bas, comme c’est le cas d’autres pays
d’Afrique et du tiers-monde, il y a des conditions socioéconomiques qui
rendent le développement de la démocratie un peu plus compliqué et
difficile encore. De telles expériences confirment également que la
démocratie en tant que concept et culture, et en tant que processus et
pratique, nécessite pour exister et se développer qu’il y ait à sa base un
nationalisme fort en même temps qu’un développement social et
économique. Par conséquent, dans le contexte de notre société, et à
notre stade de développement, nous devons favoriser le développement
de la démocratie en conjonction avec le processus de construction d’une
nation et du développement socioéconomique. C’est quand ils
s’appuient sur une telle compréhension objective que nos espoirs de
démocratie en Érythrée seront concrétisés.
Par conséquent, nos objectifs sont les suivants :
° Établir un système constitutionnel dont la constitution sera rédigée et
ratifiée avec une large participation publique, qui respectera les droits
humains fondamentaux, dont les corps législatifs, exécutifs et judiciaires
se contrôleront et s’équilibreront l’un et l’autre, dans lequel le pouvoir de
la loi prévaudra partout en Érythrée et qui fixera l’unité et le
développement du peuple de l’Érythrée.
° Sur base d’une constitution, instaurer un gouvernement fort et une
société qui accélérera la construction de la nation, garantira l’unité
nationale, créera un climat propice au développement économique et
social, aura de larges fondations sociales à la fois dans les zones
urbaines et les zones rurales, sera ouverte et participative à tous les
secteurs de la société, garantira un développement équilibré, respectera
les droits des citoyens, sera libre de la corruption, donnera la priorité à
l’intérêt national, sauvegardera l’indépendance nationale et développera
le consensus national.
° Sur base d’une constitution, chercher à sauvegarder les droits humains
et politiques fondamentaux, parmi lesquels la liberté de culte et celle de
la presse, le droit à l’organisation politique, le droit de manifester
pacifiquement, le droit à l’information, au travail et à l’éducation, à la
liberté vis-à-vis de la crainte et de la répression et à l’égalité devant la
loi.
° Avoir un système politique qui favorise l’harmonie au sein du peuple
érythréen, rejette et affaiblit toutes les tendances scissionnistes,
22
développe les institutions nationales et garantit que le nationalisme et la
laïcité (sécularisme) constitueront la base de toutes les activités
politiques. Nous devons garantir que le système politique soit basé sur
le principe d’un nationalisme complet et favorable au développement.
° S’assurer que système politique s’appuie sur le peuple, qu’il garantisse
la participation du peuple aux décisions dans les affaires locales et
nationales, qu’il soit construit à partir de la base, qu’il opère selon les
principes de la décentralisation, de la pluralité politique, de l’ouverture,
de la tolérance, du sens des responsabilités, qu’il respecte les droits
fondamentaux de l’organisation politique et de la liberté d’expression et
qu’il soit un système démocratique, pluraliste et participatif.
° Faire du système politique un système multipartite auquel les partis
politiques participeront légalement et se feront mutuellement
concurrence de façon pacifique et démocratique.
° Tendre à établir et développer des institutions démocratiques telles
qu’un corps judiciaire libre et fort, divers mouvements et associations
(de femmes, de fermiers, de jeunes, d’étudiants), une société civile
consciente acceptant les syndicats et autres institutions non
gouvernementales, ainsi qu’une presse libre, digne de foi, critique et
responsable.
2.Mise en place d’une économie qui réponde aux besoins de notre peuple
Un système politique juste ne peut exister sans un système économique
développé et juste. Et une démocratie politique ne peut avoir de
fondation en l’absence d’une démocratie sociale et économique.
Le système économique est le fondement du type de système politique
que nous voulons construire. Le type de système politique que nous
voulons construire est déterminé, en analyse finale, par le type de
système économique que nous construisons. Que les deux deviennent
cohérents est une nécessité. Un système économique non équilibré et
injuste ne peut être la base d’un système politique démocratique et juste.
L’autre face de la médaille, c’est qu’un système politique dictatorial et
oppressif ne pourra pas mettre sur pied une économie juste et
équilibrée.
Quelles que soient la sincérité et les promesses de la politiques, même
avec les meilleures des intentions, s’il n’y a pas une économie forte qui
profite à tous, avec une répartition égalitaire de la richesse nationale,
autrement dit, une démocratie économique, toutes les meilleures
intentions et promesses ne seront jamais qu’une illusion.
Le but de notre révolution était non seulement de conquérir
l’indépendance, mais aussi de nous assurer un développement
économique s’appuyant sur la justice sociale. Le peuple de l’Érythrée a
payé le prix fort pour que cela se réalise.
23
Nous devons élaborer un système économique qui satisfera les
desiderata de la majorité et améliorera les conditions de vie de tous,
garantira un développement équitable, opérera par le biais d’une
économie de marché, encouragera les investissements privés, les
initiatives et la concurrence et garantira une croissance économique
équilibrée. Bref, le système économique que nous construisons doit
favoriser la justice sociale.
En termes d’économie, la justice sociale signifie :
o Réduire le fossé des opportunités économiques et de la richesse
entre les riches et les pauvres, entre les nantis et les démunis,
afin d’assurer une distribution équitable de la richesse nationale
entre tous les citoyens.
o Réduire le fossé du développement entre les zones rurales et les
zones urbaines, entre le centre et la périphérie et garantir une
distribution équilibrée et honnête du développement économique
dans l’ensemble du pays en fonction des besoins des citoyens.
o Créer des conditions qui mettront les gens en mesure de faire
mûrir les fruits de leur labeur, d’améliorer leur niveau de vie par
le biais du travail, et honorer le travail.
o Assurer la participation publique aux niveaux de la communauté
et de la nation dans les décisions relatives aux affaires
économiques et donner la possibilité aux opprimés et à la majorité
sans voix de faire réellement entendre leur voix.
o La démocratie économique signifie le développement du peuple,
par le peuple et pour le peuple.
Plusieurs questions ont défié les meilleurs esprits, au cours de l’histoire :
Comment allons-nous résoudre les conflits et contradictions émanant du
fossé historique entre les nantis et les démunis ? Est-il possible de créer
une société parfaitement juste et idéale ? On n’a toujours pas trouvé de
réponses à ces questions, même si, tout au long des siècles, l’espèce
humaine n’a jamais cessé de tenter d’y répondre. Par conséquent, il
n’est que naturel que nous nous posions de telles questions, dans notre
nouvelle Érythrée. Nous pouvons ne pas être capables d’instaurer la
société idéale, mais il est de notre responsabilité de tendre vers une
société juste au sein de laquelle notre peuple sera libre des conditions
d’oppression coloniale et d’ignorance d’autrefois. Nous devons tendre à
améliorer nos existences, en tant que peuple libéré, de réduire le fossé
et minimiser les conflits entre les nantis et les démunis et entre les zones
rurales et les zones urbaines. Et la justice sociale est la voie pratique et
réaliste qui mène à une société juste, caractérisée par une économie
avancée et une riche culture.
Mais la justice sociale ou la démocratie économique ne sont-elles pas
en conflit avec la croissance économique ? Est-il possible de mener à
bien, en même temps, une justice sociale et une croissance
24
économique ? C’est une erreur que de considérer les deux comme
incompatibles. Et ce, parce que, si la croissance économique consiste à
créer un véritable développement économique et social, elle doit profiter
à la société tout entière, améliorer les conditions de vie du peuple et
garantir une utilisation responsable des ressources naturelles.
Autrement, ce sera simplement une croissance quantitative et non un
développement : La justice sociale n’est pas une entrave à la croissance
économique. En assurant une participation effective du peuple, elle
accélère et convertit la croissance économique en un véritable
développement. Les expériences de plusieurs pays ont prouvé, par
ailleurs, que la stratégie de la croissance économique à n’importe quel
prix et par n’importe quel moyen menait à l’échec. En analyse finale, le
résultat est très néfaste, non seulement pour le peuple, mais aussi pour
le petit nombre de personnes ayant des intérêts particuliers. Par
conséquent, cela engendre instabilité et conflits.
Partant, en Érythrée, nous devons choisir la voie qui garantira la justice
sociale et un développement économique réel. Les principes
fondamentaux qui permettent d’envisager la chose sont les suivants :
Primo, le rôle du gouvernement. Le gouvernement a le devoir de
créer les conditions menant au développement économique,
d’élaborer des stratégies et des mesures adéquates pour stimuler
le développement des ressources humaines, pour assurer une
utilisation responsable des ressources naturelles et pour
introduire les réglementations du marché nécessaires qui
peuvent être progressivement atténuées à mesure que le marché
devient suffisamment fort et mature. L’économie de l’Érythrée
doit être une économie de marché. Les mesures de régulation qui
doivent être appliquées durant la période intérimaire ne devraient
pas être perçues comme un signe d‘une économie planifiée. En
général, dans cette période de transition et par après aussi, il est
essentiel que le gouvernement promulgue des lois et des
réglementations qui favoriseront le développement économique.
Le gouvernement doit être un catalyseur du développement
économique. Particulièrement au vu de l’actuel état de
dévastation de notre économie, les efforts pour reconstruire
l’économie érythréenne devraient nécessairement être menés
par le gouvernement. Il est essentiel que le gouvernement prenne
la direction en instaurant des programmes par lesquels les
principales victimes parmi les combattants de la guerre et leurs
familles, les handicapés, les orphelins, les réfugiés et les
personnes déplacées, puissent être réhabilitées et formées pour
devenir des participants productifs à la reconstruction
économique et au développement du pays.
25
Faire assumer un rôle significatif au gouvernement n’est pas la
même chose qu’avoir une économie dominée par le
gouvernement. L’économie de l’Érythrée doit être une économie
mixte dans laquelle existent à la fois le secteur public et le secteur
privé. Ce doit être une économie de marché et non une économie
planifiée. Pour que le secteur privé devienne fort et joue un rôle
prépondérant, le gouvernement a la responsabilité de créer un
climat propice. La relation entre le gouvernement et le secteur
privé doit être complémentaire, se dérouler dans un esprit de
coopération et non de rivalité.
o Secundo, l’encouragement du secteur privé. Le secteur privé
que nous avons hérité du colonialisme a été dévasté, comme l’a
été également le secteur public. Afin de jouer un rôle
prépondérant dans notre économie, d’être viable, libre et
compétitif, le secteur privé doit être relancé et développé à l’aide
d’un savoir économique et de compétences modernes. Du fait
que l’Érythrée ne peut reconstruire et développer son économie
à l’aide des seuls investissements nationaux, il est également
essentiel que le pays établisse des mesures économiques qui
encourageront et attireront les investissements étrangers.
o Tertio, l’autosuffisance (le fait de compter avant tout sur soi-
même) et la participation du peuple. Notre stratégie du
développement économique doit s’appuyer sur l’autosuffisance
et la pleine participation de notre peuple. Nous devons
développer nos propres ressources humaines et naturelles et en
faire la base du développement économique de notre pays et
nous devrions en tout premier lieu dépendre de ces ressources
et nous appuyer dessus. Que l’assistance et les investissements
de l’extérieur soient nécessaires est très compréhensible et
acceptable mais, pour tirer parti de l’assistance ou des
investissements de l’extérieur, nous devons disposer de
capacités internes. Et nous propres ressources ne peuvent se
développer que par le biais de l’autosuffisance (compter avant
tout sur soi-même) et la pleine participation du peuple. La plus
grande source de richesse de l’Érythrée est son peuple. Si notre
peuple est formé sur le plan des sciences et des technologies, il
pourra améliorer sa capacité productive et créer un
développement durable. Par conséquent, l’élément humain doit
être le facteur fondamental dans tous nos plans de
développement. Nous devrions également nous rappeler
l’importance des coopératives et des organisations de
développement communautaire quand il s’agit de favoriser la
participation publique et le développement d’une économie
s’appuyant sur le peuple.
o Quarto, le développement de l’agriculture, de l’industrie, du
commerce et des autres secteurs économiques. Par le biais
26
d’une stratégie qui coordonne les secteurs privé et public et
encourage la participation du peuple, nous pouvons améliorer
l’agriculture, l’industrie, le commerce et les services sociaux.
Aujourd’hui, notre économie est complètement détruite et il
faudra de terribles efforts et beaucoup de ressources pour la
relancer et la développer. Nous avons besoin de mesures
appropriées à chaque secteur de notre économie, des mesures
qui fonctionnent et qui sont orientées sur les résultats, des
mesures qui encouragent l’initiative privée, la concurrence et les
investissements, des mesures qui encouragent le peuple à
participer, et des mesures qui font la promotion de l’acquisition de
connaissances et de compétences et qui accroissent la
productivité.
Sans une économie développée, nous ne pourrons faire de l’Érythrée
une terre de justice et de prospérité. Par conséquent, nos objectifs sont
les suivants :
o Construire progressivement une forte économie nationale,
s’appuyant sur des services agricoles, industriels, commerciaux
et autres appropriés, une économie qui satisfasse les besoins de
notre peuple, développe nos propres ressources, rende possible
l’utilisation responsable de l’environnement naturel et des
ressources et soit orientée vers un libre marché.
o Tendre à appuyer la stratégie érythréenne du développement
économique sur la justice sociale et la démocratie économique.
o Élaborer et appliquer des plans afin de relancer et développer
notre économie qui a été détruite par une longue guerre, et
réhabiliter ces sections de notre population dont les existences
ont été perturbées par la guerre, en leur donnant la possibilité de
trouver la place qui leur revient au sein de l’économie.
o Assurer la mise en place d’un gouvernement qui jouera un rôle
significatif dans la création des conditions permettant la
construction d’une économie forte, donnera la priorité à l’intérêt
national, sera libre de la corruption et évitera le cercle vicieux de
l’endettement (deux problèmes chroniques qui prévalent dans de
nombreux pays).
o Encourager le développement d’un secteur privé dynamique,
compétitif et confiant en lui-même, guidé par des connaissances
et des compétences modernes, et qui pourra jouer un rôle décisif
dans l’économie de l’Érythrée.
o Développer une stratégie économique qui mettra l’accent sur la
pleine participation du peuple et sur le développement des
ressources internes.
o Encourager et consolider la coopération économique
internationale et les investissements internationaux, en
reconnaissant en même temps l’importance de l’autosuffisance
(le fait de compter avant tout sur soi-même).
27
3.Développement d’une culture nationale
Une culture nationale constitue le fondement d’une économie
développée et d’un système politique moderne. Aucune société n’est
devenue moderne sans développer sa culture.
La culture que nous avons développée durant la révolution a été d’une
grande contribution à l’indépendance et à la paix que connaît
actuellement l’Érythrée. En surmontant tous les sentiments sectaires et
toute dissension, nous avons développé une culture nationale plus riche
et plus unifiée en sélectionnant ce qu’il y avait de mieux dans les
diverses cultures du pays. Si nous ne nous étions pas lancés dans le
développement d’une culture nationale unifiée, notre lutte aurait perdu
la direction qu’elle avait choisie et elle se serait désintégrée. La culture
que nous avons développée durant la révolution était caractérise par
l’autosuffisance, la confiance en soi, la détermination, l’amour du pays
et du peuple, l’ingéniosité et l’inventivité, l’héroïsme et l’esprit de
sacrifice. Voilà toute une série de qualités qui ont défini le caractère de
chaque combattant et, sans elles, nous n’aurions jamais connu le
succès.
La nouvelle harmonisation de la culture, qui a débuté au cours de la
révolution, s’est développée via un processus d’adoption et de rejet. Du
riche héritage culturel du peuple de l’Érythrée, nous avons adopté et
favorisé les aspects positifs et utiles, tout en rejetant les aspects
mauvais et nuisibles. Via le même processus, nous avons également
repris de bons éléments d’autres cultures.
Le même processus doit se poursuivre, maintenant. Nous devons
comprendre pleinement et rechercher le riche héritage culturel de notre
peuple, et l’enrichir de façon sélective. En respectant et en préservant
notre propre héritage culturel, nous serons à même de participer au
développement de la culture internationale.
Une société qui ne respecte pas son propre patrimoine culturel est une
société en faillite. Dans tous ses exemples, le colonialisme a toujours
tenté de détruire l’identité des peuples précédemment colonisés en les
spoliant de leur culture. Même après la fin du colonialisme et
l’indépendance, au lieu de tendre à ressusciter l’héritage culturel
supprimé par le colonialisme, les nouvelles classes dirigeantes – et c’est
particulièrement vrai dans plusieurs pays africains – ont dénigré cet
héritage et ont choisi d’imiter servilement les cultures occidentales. Il en
est résulté que les pays de ces dirigeants sont devenus les victimes
d’une grande pauvreté et arriération sur le plan culturel. Ce genre de
choix nihiliste ne peut qu’aboutir à une impasse.
28
Par ailleurs, les pays est-asiatiques qui ont préservé et développé leur
héritage culturel et leur identité et qui ont fondamentalement adopté les
seuls aspects utiles et nécessaires de la culture occidentale, ont établi
avec succès des sociétés socioéconomiquement développées.
Par conséquent, nous, les Érythréens, devons préserver un équilibre
culturel. Nous observons depuis les expériences d’autres peuples que
perdre son propre équilibre culturel équivaut à trahir ses racines
culturelles et historiques et que c’est une voie sûre vers
l’appauvrissement culturel. Sans recourir à l’imitation servile et
l’adoration de la culture étrangère, en préservant notre identité culturelle,
nous devrions construire notre propre culture sur les fondements que
nous avons installés lors de notre lutte révolutionnaire.
Nous devons tendre infatigablement à faire de l’Érythrée un pays où la
culture peut s’épanouir. L’art, y compris la musique, la littérature et les
arts visuels, devrait se développer librement, assumer un caractère
national, mais tout en bénéficiant des riches expériences d’autres
peuples. Il faudrait se montrer prudent, de sorte que des aspects de
notre héritage, tels que l’amour de la famille et du peuple, le sens de la
communauté et de la coopération, ne soient pas érodés par
l’individualisme et l’égoïsme au nom de la modernisation. En outre, la
commémoration de nos martyrs en tant qu’expression de ce que nous
leur devons et expression du nationalisme, devrait être considérée
comme une partie intégrante de la culture et de l’identité érythréennes,
qu’il convient de transmettre d’une génération à l’autre. Toutefois, nous
devrions garder à l’esprit que tout cela devrait s’accomplir par le biais
d’une approche constructive, positive et créative, plutôt que via un
protectionnisme négatif et une préservation stérile.
Par conséquent, nos objectifs culturels sont les suivants :
o Développer une nouvelle culture érythréenne qui bâtira sur la
culture développée au cours de la lutte de libération en préservant
et favorisant l’héritage culturel de notre peuple, en cueillant les
fruits de la culture internationale, en nous appuyant sur l’histoire
et la diversité culturelle du peuple érythréen.
o Développer une culture démocratique qui rejettera toute
dissension, tous les sentiments arriérés et mesquins ainsi que le
chauvinisme et qui aboutira au développement de la technologie,
de la science et des arts.
o Faire de l’héritage culturel de notre peuple la base de notre
culture nationale en adoptant les aspects positifs et utiles, mais
en rejetant les aspects néfastes et régressifs.
o Adopter des cultures d’autres peuples ces aspects mêmes qui
sont agréables à nos conditions culturelles et qui peuvent aboutir
à notre développement culturel ; établir et renforcer la
29
coopération culturelle avec d’autres peuples en s’appuyant sur
l’égalité et le respect mutuel.
o S’assurer que l’héritage culturel, les coutumes et les langues de
l’Érythrée sont étudiées et développées de façon appropriée en
vue d’enrichir notre culture.
o Faire en sorte que les anciens artefacts historiques du peuple de
l’Érythrée soient et soigneusement préservés.
o Faire en sorte que la commémoration de nos martyrs, en tant que
manifestation de notre nationalisme et de notre héritage, soit
transmise aux futures générations avec un sentiment d’honneur
de de respect.
o Faire en sorte que les artefacts de notre lutte de libération, en tant
qu’héritage historique du peuple érythréen, soient préservés et
étudiés de façon à pouvoir être transmis aux générations futures.
o S’efforcer de préserver et développer la culture que nous avons
développée au cours de notre lutte de libération, et qui a
grandement contribué à notre succès : l’autosuffisance, le
patriotisme, l’amour du peuple et de la vérité, l’égalité des genres,
la détermination, le désir de justice, l’engagement au travail, etc.
o Tendre à créer une vie culturelle forte et progressiste afin
d’empêcher l’imitation aveugle de la culture étrangère au nom de
la modernité et éviter de souffler servilement avec le vent d’où
qu’il vienne.
o Donner la possibilité au nouvel Érythréen de présenter des
caractéristiques équilibrées sur le plan culturel.
4.Distribution équitable des services sociaux
En Érythrée, l’éducation, la santé et d’autres services ne sont pas encore
développés. La majeure partie de notre peuple ne bénéficie pas de
services sociaux. Quand ils sont disponibles, ces services sont limités
aux villes et aux zones qui les entourent. Par conséquent, en Érythrée,
le problème des faibles niveaux des services sociaux est encore
aggravé par l’inégalité de la distribution.
L’éducation est la base du développement. Assurer l’égalité dans les
opportunités d’enseignement signifie donc assurer l’égalité dans les
opportunités de développement. Nous devons propager largement
l’éducation de sorte que notre peuple puisse se libérer de l’ignorance,
acquérir des connaissances et des compétences par des moyens divers
et favoriser leur capacité de production de façon à pouvoir construire
leur pays. L’éducation est un droit fondamental pour tout Érythréen(ne).
Par conséquent, nous devons propager l’éducation dans les zones
rurales du pays où, jusqu’à présent, les possibilités éducatives ont été
rares. Nous devons bâtir un système éducatif avancé qui servira l’unité
nationale et le développement et dotera le peuple de connaissances et
30
de compétences. Sans le développement de l’éducation, nous ne
pourrons pas construire notre pays ni ne pourrons stimuler la démocratie
et la justice.
Notre atout le plus important, ce sont nos ressources humaines. Par
conséquent, nous devons accorder une grande priorité à leur
développement. L’éducation formelle est une manière de procéder. En
outre, toutes les institutions gouvernementales et non
gouvernementales doivent fournir un enseignement et des formations de
façon permanente. Il convient d’exercer des efforts continus afin de
développer les connaissances et compétences dans toutes les couches
de la société.
Les services de santé constituent un autre droit fondamental. Tous les
Érythréens, qu’ils habitent dans les zones rurales ou dans les villes, ont
droit à des services de soins de santé élémentaires. Nous devons
distribuer équitablement dans tout le pays les services de soins de
santé. Diffuser une éducation santé et donner la priorité à la prévention
sont des aspects importants du service.
Notre peuple devrait également recevoir une distribution équitable de
l’eau, de toits où se loger, d’équipements sanitaires et de services de
communication.
Fournir des services sociaux et les rendre fonctionnels peut coûter très
cher. Même si le gouvernement doit endosser la responsabilité première
de la distribution équitable des services sociaux dans chaque région du
pays, le peuple devrait y contribuer en apportant sa part via les
organisations communautaires et le secteur privé.
Par conséquent, voici nos objectifs :
o Faire en sorte que le peuple érythréen reçoive une distribution
équitable et appropriée des services sociaux.
o Développer les opportunités éducatives qui servent l’unité
nationale et le développement, guidées par un système éducatif
national efficace.
o Éradiquer l’analphabétisme en Érythrée.
o Encourager l’expansion de l’enseignement secondaire, supérieur
et professionnel et la poursuite de l’enseignement et des
formations fournis par les institutions gouvernementales et non
gouvernementales.
o Assurer une distribution équitable et appropriée des services de
soins de santé élémentaires.
o Faire en sorte que le peuple puisse disposer d’eau, de logements,
d’équipements sanitaires et de services de communication.
31
o Encourager la participation des communautés locales et du
secteur privé de sorte que les services sociaux puissent opérer
efficacement et être largement distribués.
5.Respect de l’égalité des droits
Nous tendons à faire de l’Érythrée un pays de justice et d’égalité où la
dignité et les droits humains fondamentaux sont respectés. En Érythrée,
les droits sociaux des femmes, des travailleurs, des enfants, des
réfugiés, des handicapés et autres personnes méritant de l’aide, doivent
être respectés.
La question des femmes est une question sociale majeure. Une société
qui ne respecte pas les droits et l’égalité des femmes ne peut être une
société véritablement libérée. Au cours des années de lutte, de grands
changements eurent lieu, pour les femmes érythréennes. Considérée
comme une créature faible et passive, de moindre valeur que l’homme,
la femme érythréenne se transforma en une formidable combattante au
moment où sa force jadis opprimée eut enfin la possibilité de s’exprimer.
Notre révolution n’aurait pu être menée à bien sans la participation des
femmes. Même si les changements dans les conditions des femmes
érythréennes jusqu’à présent constituent un pas de géant, ils ne
suffisent toujours pas. Les femmes érythréennes ne se sont pas encore
libérées de l’oppression patriarcale. Il leur faut encore progresser sur le
plan de l’enseignement et de la science et elles doivent prendre la place
qui leur revient dans la société.
Les femmes érythréennes doivent poursuivre la trajectoire qu’elles ont
entamée durant la révolution sous le slogan « Égalité via une
participation égale au travail », et ce, jusqu’à ce qu’elles y soient
arrivées. En s’organisant, elles doivent lutter pour les droits de toutes les
femmes, particulièrement pour les droits de la majorité pauvre tant dans
les zones rurales que dans les zones urbaines. Elles doivent acquérir de
l’éducation et c’est ainsi qu’elles pourront changer fondamentalement
leurs conditions de vie et devenir productives et autosuffisantes. En
Érythrée, il n’y aura aucun poste exclusivement réservé aux hommes et
tous pourront être occupés par des femmes. Le rôle des femmes dans
la société et dans la famille devrait bénéficier d’une plus grande
reconnaissance. L’Érythrée ne peut se moderniser sans la pleine
participation des femmes érythréennes, comme cela s’est vu durant la
lutte d’indépendance. La solidarité entre les femmes et les hommes, qui
a opéré des miracles pendant la lutte, devrait devenir la base de la
nouvelle Érythrée. L’Érythrée doit être un pays où les deux genres vivent
en égalité, en harmonie et dans la prospérité.
Notre lutte de libération s’est également appuyée sur le soutien des
travailleurs, des fermiers et des bergers. Le soutien de ces groupes
sociaux a été décisif. Pour se développer économiquement, l’Érythrée
doit être un pays où les travailleurs vivent et travaillent en paix avec des
32
droits garantis. En améliorant leurs connaissances et compétences et
en favorisant en permanence leur productivité, ils devraient être
confiants en leurs talents respectifs. Les travailleurs devraient être
habilités aux droits à l’emploi, à des congés, à l’éducation et à des
normes minimales. Ils doivent être encouragés à établir des associations
syndicales qui protégeraient leurs droits. Les fermiers et les bergers
devraient également se voir octroyer l’assistance nécessaire pour les
mettre en mesure d’acquérir des méthodes modernes d’agriculture et
d’élevage de bétail, et d’accroître leur productivité. Ils doivent être
encouragés à s’organiser en sociétés coopératives de façon à pouvoir
améliorer leur niveau de vie, protéger leurs droits et exprimer leurs
besoins.
L’Érythrée devrait tendre à réduire la mortalité infantile et à soigner
mieux ses enfants. Les enfants des martyrs, qui sont des dizaines de
milliers et qui ont été privés de l’amour de leurs parents, à l’instar
d’autres orphelins, doivent bénéficier d’une éducation et de soins
appropriés. En Érythrée, les droits des enfants à l’éducation, la santé,
l’amour, la sécurité, le jeu et la dignité humaine doivent être respectés.
Nous devons créer les conditions dans lesquelles les handicapés, les
vétérans de la lutte de libération, les familles des combattant et des
martyrs, de même que les réfugiés et les personnes déplacées, peuvent
être réhabilités, devenir autosuffisants et jouer leur rôle à part entière
dans le développement du pays.
Par conséquent, voici nos objectifs en vue de l’égalité des droits :
o Honorer les droits sociaux fondamentaux en Érythrée.
o Respecter l’égalité des femmes.
o Tendre à la participation égale des femmes dans tous les
domaines, et encourager les femmes à protéger leurs droits en
s’organisant.
o Respecter les droits des travailleurs et les encourager à
développer des associations syndicales qui protégeront leurs
droits.
o Soutenir les fermiers et les bergers pour qu’ils améliorent leurs
conditions de vie, protègent leurs droits et expriment leurs
problèmes via associations et coopératives.
o Garantir que les droits des enfants soient sauvegardés.
o Fournir une éducation et des soins appropriés aux enfants des
martyrs et autres orphelins.
o Créer les conditions dans lesquelles les vétérans et les
personnes handicapées, les familles des combattants et des
martyrs, ainsi que les réfugiés et les personnes déplacées
pourront être réhabilités, devenir autosuffisants et contribuer au
développement du pays.
33
6.Garantie de la sécurité et de la défense nationales
Nous avons été victorieux parce que nous avons mis sur pied une armée
populaire enracinée dans le peuple : une armée qui avait des liens
puissants avec le peuple, qui participait à sa vie quotidienne ; une armée
qui était politiquement consciente de ses objectifs ; une armée
productive dévouée à la cause. L’armée populaire était entièrement
composée de volontaires et n’était pas une arme de métier. Ici,
maintenant, nous devons instaurer une arme nationale avec l’armée
populaire comme noyau.
Il est essentiel d’établir une solide force de défense qui sauvegardera
l’indépendance et la souveraineté, et défendra le pays contre ses
ennemis. Il est également nécessaire d’établir des institutions de
sécurité et de police qui maintiendront la sécurité et préserveront la paix
et la stabilité.
Notre doctrine concernant la sécurité et la défense nationales doit être
orientée vers le peuple. Du fait que la sécurité que nous désirons n’est
pas tant la sécurité du pays que celle du peuple, ce dernier devrait
participer à l’effort. Par conséquent, nous devons instaurer une armée
nationale, des institutions de sécurité et de police qui fonctionneront en
étroite coopération avec le peuple.
Comme l’ont prouvé les expériences de plusieurs pays, quand les forces
de sécurité et de défense sont isolées du peuple et deviennent des
instruments de crainte et de terreur, il en résulte des dégâts
incommensurables. Ce genre d’armée et d’institutions sécuritaires
deviennent les instruments du petit nombre de personnes qui détiennent
la richesse et le pouvoir et elles servent des intérêts étrangers plutôt que
des intérêts domestiques. Finalement, de tels pays deviennent les
victimes de coups d’État et de juntes militaires et des maux qu’on leur
associe généralement.
Notre armée et nos institutions de sécurité doivent servir le peuple et
l’intérêt national, protéger la société, opérer en conformité avec la loi,
être responsables et ouvertes. L’armée, la sécurité et la police,
conformément à l’héritage positif de l’armée populaire, doivent servir le
peuple, être guidées par la constitution nationale, participer à la
production et à la résolution des problèmes sociaux, elles doivent être
conscientes et dévouées, doivent être hautement compétentes et
disposer de capacités organisationnelles.
Par conséquent, voici nos objectifs en matière de sécurité :
° Faire en sorte que notre doctrine concernant la sécurité et la défense
nationales soit orientée vers le peuple et ait une base nationale.
34
° Instaurer une armée et des institutions de sécurité et de police qui
soient appropriées et qui servent les intérêts publics et nationaux, qui,
en outre, puissent rendre des comptes et fonctionner ouvertement tout
en étant liées par une constitution nationale.
° Faire en sorte que l’armée et les institutions sécuritaires, poursuivant
la saine tradition de l’armée populaire, soient fortes, dévouées et
productives et guidées par l’amour envers le peuple et le pays, et
qu’elles respectent la loi et l’ordre.
° Faire en sorte que l’armée et les forces sécuritaires acquièrent les
compétences et les capacités organisationnelles nécessaires pour
accomplir correctement leurs tâches.
7.Instauration de la coopération régionale et internationale
Notre politique étrangère, en tant qu’extension de notre politique
intérieure, devrait s’appuyer sur la préservation de notre intérêt national,
œuvrer dans l’intérêt de la paix et de la stabilité dans notre région et
dans le monde et favoriser la coopération dans tous les domaines avec
tous les gouvernements et peuples. Bref, notre politique étrangère est
celle de la paix et du non-alignement.
Primo, nous devons instaurer des relations de bons voisinage et
pacifiques avec nos voisins et les pays de notre région, relations qui
s’appuieront sur l’intérêt mutuel et sur la coopération réciproque. Les
problèmes relatifs à la paix et à la stabilité ne peuvent être confinés à
l’intérieur de nos frontières. Afin de sauvegarder la paix et l’harmonie
que nous avons acquises à l’issue d’une longue lutte, il est essentiel que
nous tendions vers la paix et la stabilité au niveau régional comme au
niveau mondial, et ce, même si nos capacités sont limitées.
Le développement économique et culturel ne peut être réalisé si nous
restons isolés des pays qui nous entourent et de la communauté
internationale. Instaurer une coopération active et complète avec nos
voisins et dans le monde entier est important pour notre développement
économique et culturel. Par conséquent, notre politique étrangère doit
promouvoir la coopération économique et sociale entre l’Érythrée et tous
les autres pays.
L’Érythrée doit tendre à la paix et au progrès humain, à la coopération
internationale et à la bonne entente entre tous les peuples. Elle devrait
contribuer selon sa part à favoriser les bonnes relations de fraternité,
d’égalité et de coopération, pas simplement entre gouvernements, mais
aussi, et c’est plus important, entre peuples. En tant que membre
souverain et indépendant de la communauté internationale, l’Érythrée
est devenue membre d’organisations régionales et internationales.
L’Érythrée défendra les lois et les chartes internationales et jouera un
35
rôle actif au sein de la communauté internationale et de ses
organisations.
Par conséquent, voici quels sont nos objectifs régionaux et
internationaux :
o Suivre une politique étrangère de paix et de non-alignement,
s’appuyant sur l’indépendance et l’intérêt national.
o Initier avec nos voisins et les régions qui nous entourent
l’instauration de relations avec tous les pays, quels que soient
leurs systèmes politiques et économiques, relations qui
s’appuieront sur l’indépendance, le respect de l’intégrité
territoriale et de la dignité nationale, la non-agression, la non-
ingérence dans les affaires internes, l’égalité et l’intérêt mutuel.
o Bâtir une amitié avec tous les peuples, quelles que soient les
différences historiques et culturelles, une amitié qui s’appuie sur
la fraternité universelle, l’égalité, la paix et la bonne entente.
o Tendre à la paix et à la stabilité tant au niveau mondial qu’au
niveau régional.
o Développer une coopération économique et culturelle avec tous
les pays afin d’accélérer le développement économique et social
de notre pays.
o Nous conformer à toutes les lois internationales et à tous les
traités dont l’Érythrée est signataire.
III. Les principes organisationnels
Si nous voulons parvenir à atteindre nos objectifs, quel genre de structures
organisationnelles et de principes organisationnels le Front devrait-il avoir ? La
réponse détaillée à cette question devrait être laissée à la constitution, mais les
idées fondamentales sont les suivantes :
1.Un mouvement à base large
Étant donné les objectifs extensifs du Front et la structure de notre
société, étant donné l’absence de toute expérience positive d’un
système multipartite dans le pays, le Front, comme à l’époque de la
lutte de libération, devrait autant que possible avoir une base large,
représentant tous les Érythréens patriotes qui ont à cœur le bien-être
de l’Érythrée et de son peuple. Le Front ne devrait être représentatif
d’aucune classe sociale en particulier, ni ne devrait avoir une base
étroite ne représentant que ceux qui sont politiquement engagés. Le
Front devrait autoriser le droit de former des partis politiques nationaux
et, une fois qu’ils seront formés, il doit être préparé à s’engager dans
une concurrence pacifique. Dans un même temps, sur le plan de
l’organisation et de la procédure, le Front doit tendre à attirer et
recruter activement tous les citoyens qui sont intéressés par l’unité, la
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  • 1. 1 Charte nationale du Front populaire pour la démocratie et la justice (PFDJ) Adoptée par le 3e Congrès du Front de libération du peuple érythréen – Front populaire pour la démocratie et la justice (EPLF-PFDJ) Nakfa, 10-16 février 1994 I.Introduction 1.Construction d’une nation et nationalisme en Érythrée 2.Notre vision d’une Érythrée future -Les six buts fondamentaux -Les six principes directeurs II.La base de nos programmes politiques 1.Construction d’un système politique démocratique 2.Mise en place d’une économie qui répond aux besoins de notre peuple 3.Développement d’une culture nationale 4.Distribution équitable des services sociaux 5.Respect de l’égalité des droits 6.Garantie de la sécurité et de la défense nationales 7.Instauration d’une coopération régionale et internationale III.Principes organisationnels 1.Un mouvement à base large 2.Un mouvement participatif avec une démocratie interne dynamique 3.Une direction compétente, représentative et responsable, soumise à des changements périodiques 4.Séparation d’avec le gouvernement du mouvement et de ses activités 5.Encouragement des associations populaires et coopération avec celles-ci 6.Une structure organisationnelle dynamique bien implantée dans le peuple
  • 2. 2 I. Introduction Aujourd’hui, l’Érythrée se trouve au début d’un nouveau chapitre de son histoire. Pendant cinquante ans, le pays et son peuple ont souffert de la domination coloniale. La tâche colossale consistant à se débarrasser de ce pouvoir colonial et à instaurer l’indépendance et la dignité nationales a été accomplie. Pour la première fois, le peuple de l’Érythrée est devenu le maître de son propre pays et il a son avenir sous sa propre emprise. Ce qui semblait un rêve pour beaucoup s’est aujourd’hui mué en réalité. Nous avons combattu des ennemis dotés d’une capacité supérieure, nous n’avons eu que peu de soutien de l’extérieur et nous nous sommes appuyés sur notre peuple et notre propre capacité, en consentant à de lourds sacrifices, de terribles efforts, en faisant preuve d’une grande vigilance, de beaucoup de maturité politique et d’ingéniosité. Notre combat ne s’est pas limité à lutter contre l’ennemi ; nous avons posé les bases qui convenaient à un pays indépendant. Finalement, lors d’un référendum auquel la population tout entière a participé avec conscience et enthousiasme, pas moins de 99,8 pour 100 ont voté pour l’indépendance nationale. Il ne serait nullement exagéré d’affirmer qu’un tel succès n’a que peu d’équivalents dans l’histoire des mouvements de libération. C’est un témoignage et une manifestation de la maturité politique du peuple de l’Érythrée et de sa direction. Réaliser l’indépendance et la souveraineté nationales est la conclusion d’un important chapitre de l’histoire du peuple de l’Érythrée et, en même temps, le début d’un nouveau chapitre. Dès aujourd’hui, le peuple de l’Érythrée va devoir bâtir une société pacifique, juste et prospère et c’est une tâche qui sera plus malaisée et plus compliquée que la précédente, qui consistait à réaliser l’indépendance. Si la paix, la justice et la prospérité ne règnent pas en Érythrée, l’indépendance que nous avons conquise au prix de lourds sacrifices n’aura aucun sens. Autrement dit, si nous ne sortons pas les gens de la pauvreté et des privations, si nous ne protégeons pas leurs droits humains et démocratiques et que nous n’améliorons pas leurs conditions matérielles, culturelles et spirituelles, avoir obtenu l’indépendance ne représentera rien du tout. Nous devons transmettre à nos enfants un pays libéré de la guerre et de tout conflit, un pays dont ils pourront être fiers, un pays dans lequel règneront l’indépendance, la paix et la prospérité. La lutte en vue de construire un avenir meilleur pour le peuple de l’Érythrée est enclenchée pour de bon, après l’indépendance. Nous, la génération qui a amené l’indépendance, nous avons endossé la responsabilité historique de transmettre aux générations futures les éléments fondamentaux en vue de la mise sur pied d’une société moderne et juste. L’actuelle période de transition nous propose en même temps une responsabilité historique et un défi. Les actions que nous entreprenons et les choix que nous faisons en ce moment historique représentent une rare opportunité, et sa mise à profit constitue une énorme responsabilité et, partant, un important défi historique. La question principale du moment même est donc celle-ci : la génération qui a mené avec succès le combat pour l’indépendance est-elle à la hauteur de cette tâche historique ?
  • 3. 3 La réponse est qu’elle doit l’être. Autrement, toutes les luttes et contributions de notre génération à l’Érythrée et à son peuple auront été vaines. Cela signifierait que la mission n’a été accomplie qu’à moitié. Cette mission doit être menée à terme en bâtissant une Érythrée indépendante et moderne. Tel est le mandat de notre pays, de notre peuple et de nos martyrs. Qu’il est plus malaisé et plus compliqué de construire la paix et le développement que de gagner une guerre a été prouvé à de multiples reprises. Plusieurs pays africains et d’ailleurs qui avaient nourri de grands espoirs suite à l’obtention de leur indépendance ou à la conclusion de révolutions victorieuses peuvent illustrer nos propos. L’expérience de ces pays a consisté à remplacer les anciens exploiteurs par de nouveaux, à dégrader leur économie nationale et le niveau de vie du peuple : c’est chaque fois une expérience d’échec. Répéter des expériences aussi malheureuses équivaudrait à rendre sans valeur tous nos coûts et sacrifices et à nous condamner, nous et les générations à venir, à d’autres guerres et souffrances. Toutefois, nous ne sommes pas condamnés à répéter de telles erreurs. Nous pouvons apporter une paix, une justice et une prospérité durables à notre Érythrée. Nous le devons à nous-mêmes, à nos martyrs et à nos enfants, nous devons faire de l’Érythrée un pays dont il y a lieu d’être fier, un pays digne des terribles sacrifices que nous avons consentis pour son indépendance. Les bonnes intentions seules, toutefois, ne suffisent pas. D’autres pays ont échoué, et non par manque de bonne volonté. Pour concrétiser l’indépendance, nous avions besoin de programmes politiques, de stratégies militaires et d’organisations fortes et matures. De même, pour bâtir une société moderne et juste, nous avons besoin d’un programme politique durable s’appuyant sur des principes clairs et sur des structures organisationnelles efficaces, à base large, afin de permettre l’entière participation de chacun. Par conséquent, le but du présent document, « Une Charte nationale pour l’Érythrée », est tout d’abord de clarifier les directives de base nécessaires à notre future trajectoire nationale et démocratique, ensuite, d’identifier un programme politique qui pourra guider efficacement un Mouvement national et démocratique à large base et, enfin, de développer les procédures organisationnelles et principes de base qui s’appliqueront à ce programme politique. La « Charte nationale pour l’Érythrée » n’a pas été recopiée à partir de livres ou de chartes d’autres pays. Elle tire son origine des réalités de notre pays et de notre société, ainsi que de notre riche expérience. Elle n’emprunte pas d’un seul tenant d’autres analyses ou formules figurant dans les chartes d’autres pays. Elle part des réalités de notre pays, de notre société et de notre riche expérience. Elle n’emprunte pas d’une seule pièce non plus des analyses ou formules qui sont à la mode dans le monde actuel. Mais, en lieu et place, en examinant de façon critique toutes les idées et en les comparant avec les
  • 4. 4 réalités de notre société, de notre expérience, notre but est de dégager une ligne indépendante susceptible de fonctionner. Notre Charte n’est pas un document dogmatique, fermé et aride. Elle est ouverte à de nouvelles idées et expériences ; c’est un document dynamique qui se développe et s’enrichit par le biais de l’expérience pratique. Parce que le document décrit notre vision et nos idéaux, il conviendrait de ne pas le concevoir comme quelque chose qui sera réalisé dans un court laps de temps, et même pas en quelques années. C’est quelque chose qui sera réalisé en franchissant une étape après l’autre, sur une longue période. C’est un document de principes généraux et de buts qui guidera notre trajectoire en nous dirigeant vers notre destination et vers ce qu’il nous faudra faire pour atteindre cette destination. 1.Construction d’une nation et nationalisme en Érythrée Même si l’Érythrée, dans ses frontières actuelles, a été modelée par le colonialisme italien, il importe de se rappeler que l’histoire de son peuple n’a pas débuté avec la colonisation italienne. Le peuple de l’Érythrée avait sa propre histoire, sa civilisation, ses lois et ses systèmes administratifs bien avant la venue du colonialisme. L’Érythrée avait une vie politique, économique, sociale et culturelle bien à elle. Au fil des années, des dirigeants coloniaux successifs ont influencé l’existence et les systèmes administratifs de l’Érythrée, mais ne les ont pas détruits. Les colonisateurs ont laissé derrière eux des traces de leurs héritages ; dans un même temps, la tradition érythréenne, bien qu’ayant subi des changements et des ajustements, a gardé ses caractéristiques fondamentales, qui se sont transmises d’une génération à l’autre. Par conséquent, pour comprendre pleinement l’actuelle situation de notre pays et élaborer des plans pour l’avenir, il importe grandement de comprendre la dynamique interne de la société érythréenne, en sus des héritages laissés par les divers colonisateurs. Le colonialisme italien a duré cinquante ans. Il n’a pas complètement modifié la société érythréenne, pas plus que son influence n’a été également répartie. Toutefois, son impact durable sur l’histoire de l’Érythrée ne peut être nié. Le colonialisme italien – et c’était vrai pour tous les colonialismes européens – a établi par la force les frontières de l’Érythrée ; et, en plaçant sous une seule et même administration tous les peuples vivant à l’intérieur de ces frontières, il a ouvert un nouveau chapitre de l’histoire de l’Érythrée. En utilisant le savoir-faire italien, mais surtout en s’appuyant sur les ressources humaines et matérielles de l’Érythrée, le colonialisme italien a bâti des villes et des ports, des grands-routes et des voies ferrées, des usines et des fermes modernes. Il a introduit la conscription. En outre, il a créé une situation dans laquelle les citoyens érythréens de toutes les régions du pays ont été mis en présence les uns des autres et ont donc acquis des expériences
  • 5. 5 communes. L’ampleur de l’influence coloniale peut avoir varié d’un endroit à l’autre (et certains endroits peuvent n’avoir pas été touchés), mais l’interaction qui s’est étendue sans cesse parmi les Érythréens, combinée à leur réaction à l’oppression et au racisme italiens croissants, a semé les graines de la conscience nationale érythréenne. La création de la première association politique érythréenne moderne, Mahber Fikri Hager (L’amour de son pays), à la fin de l’époque coloniale italienne et lors de la venue des Britanniques, constitue un témoignage clair de cette conscience nationale. L’Administration militaire britannique (BMA) en Érythrée fut temporaire et brève de nature et, partant, l’héritage qu’elle laissa fut limité. Bien qu’elle air élargi les opportunités sur le plan éducatif et qu’elle ait autorisé des activités politiques ainsi que la liberté d’expression, elle chercha, par le biais de la tactique du « diviser pour régner », à créer la division parmi le peuple de l’Érythrée. En outre, elle posa les bases du complot final américano-éthiopien afin de refuser au peuple érythréen son droit à l’autodétermination. L’Administration britannique détruisit également plusieurs établissements économiques et une partie des infrastructures de l’Érythrée. Au cours de la domination britannique, le mouvement nationaliste érythréen, encore dans sa prime enfance, ne put ni s’opposer à la conspiration ourdie contre l’Érythrée ni se préserver du divisionnisme. Par conséquent, il s’ensuivit une domination coloniale éthiopienne dont la cruauté n’eut jamais d’égale dans toute l’histoire de l’Érythrée. Au commencement, le colonialisme éthiopien en Érythrée n’a été ni direct ni ouvert. Ceci, du fait que les conditions tant intérieures qu’extérieures en Érythrée n’étaient pas propices à une domination éthiopienne directe. Ce fut sous le prétexte de la résolution des Nations unies sur la fédération, initiée par les États-Unis, en 1952, que débuta la domination éthiopienne. La période de fédération (1952-1962) assista à l’érosion de l’indépendance interne de l’Érythrée, à l’expansionnisme agressif de la domination éthiopienne et au développement de la résistance érythréenne. L’une des réalisations significatives de cette période fut l’expansion visible de notre combat national, qui avait débuté dans les années 1940 : l’émergence de mouvements de travailleurs et d’étudiants et, surtout, l’instauration et l’expansion du Mouvement érythréen de libération (Mahber Showate). L’Éthiopie coloniale, à tous les niveaux, était plus arriérée que l’Érythrée. Par conséquent, l’Éthiopie ne construisit ni n’améliora rien du tout ; elle ne fit que détruire. Via des mesures répressives grossières, elle détruisit systématiquement la vie politique, économique, sociale et culturelle de l’Érythrée. Elle déracina la démocratie politique alors en devenir en Érythrée et inaugura une période de dictature cruelle. En détruisant l’économie et l’infrastructure de l’Érythrée, l’Éthiopie ramena l’Érythrée entre trente et quarante ans en arrière. Le pire héritage colonial, en
  • 6. 6 même temps le plus difficile et le plus ingérable que laissa l’Éthiopie, toutefois, fut la culture arriérée et corrompue de sa classe dirigeante. Certains traits de la culture érythréenne, dont nous étions fiers, tels la discipline, l’honnêteté, une morale du travail forte, l’esprit d’initiative, l’inventivité, l’autosuffisance et le mépris de la dépendance cédèrent la place, durant la domination coloniale éthiopienne, à la corruption, la tricherie, la paresse et la dépendance vis-à-vis des donations, plus particulièrement dans les zones urbaines. L’Éthiopie fut à même de garder le pays plus développé et plus avancé qu’était l’Érythrée sous le joug de sa domination pendant quarante ans, surtout du fait qu’elle était soutenue par les grandes puissances mondiales, d’abord les États-Unis et, plus tard, l’Union soviétique. L’énorme soutien que l’Éthiopie reçut prolongea la domination coloniale éthiopienne et les souffrances du peuple de l’Érythrée et il augmenta bien plus considérablement le coût de l’indépendance que ce n’aurait été le cas dans d’autres circonstances. Ce soutien illimité à l’Éthiopie, d’une part, et l’isolement de la révolution érythréenne, d’autre part, nous ont aidés à regarder en nous-mêmes, à la recherche des ressources de notre pays et de notre peuple et ont encouragé l’inventivité et l’ingéniosité dans toutes sortes de domaines. Il n’est pas exagéré de dire qu’il en résulta la mise sur pied de l’une des luttes de libération les plus développées de la planète, laquelle contribua grandement à la reconstruction nationale de l’Érythrée. La lutte de libération de l’Érythrée ne connut pas le succès dès le début. En 1961, quand le Front de libération de l’Érythrée (FLE) se lança dans la lutte armée, il reflétait les aspirations du peuple érythréen. Toutefois, le profil et l’approche du FLE n’étaient guère propices à l’unité du peuple de l’Érythrée, ni ne furent très utiles dans la construction de la nation et dans le succès de la lutte. L’erreur majeure du FLE consista à se submerger dans les divisions de la société érythréenne selon des lignes ethniques, religieuses et régionales et à fomenter ce genre de divisions au lieu de s’employer à mobiliser tous les Érythréens. Depuis lors, l’Érythrée a connu de terribles développements politiques, bien qu’une certaine tendance à exploiter les différences parmi la population érythréenne pour ne réaliser que de modestes gains politiques, et à jouer sur les propensions à la mesquinerie n’ait pas tout à fait disparu de la politique érythréenne. Les dirigeants éthiopiens ont utilisé ce genre de politique de la division au maximum. Comprenant qu’ils ne pourraient vaincre le peuple érythréen par les balles et la force des armes, ils tentèrent jusqu’au moment de leur chute de semer la discorde parmi le peuple érythréen, dressant les sections de ce dernier les unes contre les autres. Dans les années 1960, ils incendièrent les mosquées tout en épargnant les églises. Plus tard, ils tentèrent de se faire passer pour les défenseurs des gens des basses terres. Ils pratiquèrent inlassablement leur
  • 7. 7 politique de division, même au niveau social le plus bas, créant des conflits entre villages, et même parmi les habitants d’un même village. Le mouvement érythréen de libération et, en particulier le Front de libération du peuple érythréen (EPLF), parvint à contrecarrer les intrigues des Éthiopiens et de leurs collaborateurs érythréens en cultivant le nationalisme et l’unité au sein du peuple érythréen. L’EPLF créa un forum de lutte auquel tous les Érythréens qui s’opposaient à la domination coloniale et désiraient l’indépendance pouvaient participer, quelles que soient leurs religion, langue, ethnicité, classe sociale et genre. L’EPLF est devenu un melting pot, un creuset pour des centaines et des milliers d’Érythréens venus des zones rurales et urbaines, des régions des hautes terres et des basses terres et des localités les plus marginalisées. Il a favorisé le nationalisme érythréen et a préparé le terrain en vue de l’unité nationale en prenant la priorité sur toutes les attitudes divisives et mesquines. Il a enseigné et pratiqué l’égalité de tous les citoyens. Dans toute sa politique, dans toutes ses actions, l’EPLF a cultivé le nationalisme et l’unité du peuple de l’Érythrée. À travers un siècle d’histoire d’expérience coloniale et, surtout, à partir de ses propres activités historiques, le peuple de l’Érythrée est devenu un seul peuple et un seul pays, composé de plusieurs groupes ethniques et linguistiques, de plusieurs croyances et cultures. Le processus de construction d’une nation est long et compliqué. Même si les bases du nationalisme érythréen ont été fermement établies au travers de notre longue lutte de libération, il y a toujours lieu de la conclure. La population de l’Érythrée, dont l’unité est enracinée dans une longue tradition de coexistence pacifique et harmonieuse, est l’une des populations les plus unies parmi les sociétés aux structures sociales similaires. En raison de cette unité, la victoire a pu être atteinte et la paix et la stabilité prévalent aujourd’hui dans une Érythrée indépendante. Et la mise sur pied du gouvernement de l’Érythrée reflète et renforce cette unité à base large. Nous venons d’explorer brièvement le siècle d’histoire du peuple de l’Érythrée. Au cours de ce siècle, l’histoire naturelle du peuple de l’Érythrée a été interrompue par le colonialisme. Les Érythréens ont vécu l’oppression coloniale, y compris la pire espèce de racisme fasciste. Au contraire d’autres peuples colonisés de la même façon, les Érythréens se sont vu refuser leur droit à l’indépendance. De plus, alors des peuples opprimés de la même manière et qui avaient mené des luttes de libération en bénéficiant d’un large soutien international, le peuple de l’Érythrée fut obligé de mener sa lutte en ne comptant que sur lui-même, contre un ennemi qui, lui, était soutenu internationalement. Cette lutte fut décriée par maints observateurs comme étant futile et téméraire.
  • 8. 8 Le peuple de l’Érythrée sortit néanmoins victorieux de ce test extrêmement difficile. La lourde puissance de feu ne l’affaiblit pas ; au lieu, elle l’aguerrit et renforça sa détermination. Il conquit l’indépendance et la souveraineté de l’Érythrée, les gardant intactes inconditionnellement. Dans plusieurs pays où des luttes pour l’indépendance nationale furent menées, des conflits et parfois même des guerres civiles s’ensuivirent, dès l’indépendance. En Érythrée, toutefois, grâce à la forte unité nationale construite au travers de la lutte, et grâce à une action politique mature, la paix et la stabilité prévalurent. Un gouvernement à base large, soutenu par le peuple, a été établi en vue d’une période de transition. Habituellement, les transitions sont difficiles mais, promptement, l’Érythrée a trouvé des solutions aux problèmes auxquels elle était confrontée durant cette période. Avec de grands espoirs, le pays est prêt dans la direction d’un défi historique plus difficile et plus grand encore consistant à mettre sur pied une société moderne et stable. Dire que le Front de libération du peuple érythréen (EPLF) a été le contributeur le plus important à la remarquable victoire du peuple de l’Érythrée est simplement un fait historique. Comme nous l’avons déjà mentionné, la lutte armée érythréenne a traversé un état de crise et elle a donc été au bord de la défaite à la fin des années 1960 et au début des années 1970. Ce qui a insufflé une nouvelle vie à la lutte, ç’a été la création de l’EPLF. Ce fut l’EPLF qui maintint la révolution, en s’opposant et en résistant aux campagnes militaires, soutenues par les Soviétiques, de la plus forte armée de l’Afrique noire. Il a finalement décroché une victoire militaire historique, a établi un large front national et a fait de la participation populaire une réalité, il a organisé un référendum, de sorte que l’indépendance a été le résultat du choix libre et légitime du peuple de l’Érythrée et non pas uniquement celui d’une victoire militaire, et il a établi les bases solides de l’indépendance de l’Érythrée et de ses relations internationales. L’EPLF a atteint avec succès les buts fondamentaux définis à ses débuts, l’indépendance et la paix pour l’Érythrée. En tant que front de libération, il a accompli sa mission avec un succès retentissant. L’EPLF, toutefois, n’a jamais considéré l’indépendance comme une fin en soi, mais plutôt comme une précondition à la construction d’une société démocratique et moderne dans laquelle la justice et la prospérité prévaudraient. Étant donné que l’EPLF est une organisation politique couvrant toutes les sections de la population érythréenne et qu’il apporte l’unité ainsi qu’une expérience riche, il a la capacité d’apporter une importante contribution au développement de l’Érythrée. Cependant, ce nouveau chapitre et les nouveaux défis qui attendent requièrent de nouvelles structures organisationnelles, de nouveaux mécanismes, de nouvelles directions.
  • 9. 9 Ces nouvelles structures ne peuvent être séparées de la riche expérience du passé. Elles doivent bâtir sur les bases solides déjà établies par l’EPLF. Elles doivent hériter et améliorer les mesures politiques et pratiques exemplaires gagnées à partir de l’expérience passée et, par ailleurs, elles doivent éviter les faiblesses et erreurs du passé et celles du présent. Elles doivent développer des programmes politiques, des structures organisationnelles et des procédures de fonctionnement appropriées aux nouvelles tâches de ce nouveau chapitre. Les nouvelles structures doivent tenir compte de la nature de notre société et de son stade de développement, et des leçons tirées de notre expérience passée ainsi que des expériences du tiers-monde. Pour que ces nouvelles structures soient constructives et qu’elles soient à la hauteur des tâches de la nouvelle phase, il faut qu’elles constituent un Mouvement à base large, rassemblant tous les Érythréens patriotes et démocrates, et non un parti à base étroite. La plupart des membres de l’EPLF nourrissent un engagement profond envers le progrès du pays, pour l’indépendance duquel ils ont consenti de lourds sacrifices, et envers l’amélioration des conditions de vie des secteurs opprimés de la population de l’Érythrée. Par conséquent, il n’est que naturel qu’ils deviennent des acteurs actifs au sein du Mouvement, comme le sont d’autres qui aiment le pays et son peuple, mais ont été en dehors de l’EPLF en raison de la manière dont s’est déroulée la lutte de libération, ou pour d’autres raisons encore. Au cours de cette nouvelle phase de construction de la nation – politique, économique, sociale et culturelle -, quand nous nous embarquons dans un mouvement politique à base large afin de guider efficacement notre trajectoire future, il nous faut clarifier nos objectifs de base et les moyens de pouvoir les atteindre. Nous avons été victorieux, en dépit de toutes les difficultés, de tous les dangers, parce que, en tant que mouvement de libération et peuple, nous disposions de clarté et d’une vision commune des buts de l’indépendance et de la paix. Aujourd’hui aussi, nous devons avoir une vision de la future Érythrée et de son peuple ; et il est d’une importance primordiale qu’une telle vision entre dans les cœurs et les esprits de tous les Érythréens, de sorte qu’ils puissent s’organiser et tendre à sa réalisation. 2.Notre vision d’une Érythrée future En tant que nation et peuple, que désirons-nous, à ce stade ? Du fait que nous avons converti en réalité nos rêves d’hier de paix et d’indépendance, quels sont les rêves d’aujourd’hui que nous désirons convertir en réalité ? Bref, quelle est notre vision ? Notre vision est que l’Érythrée devienne un pays où prévaudront la paix, la justice, la démocratie et la prospérité. Notre vision prévoit d’éliminer la faim, la pauvreté et l’analphabétisme de l’Érythrée. Notre vision est que l’Érythrée préserve son identité et son caractère unique, qu’elle développe son engagement envers l’attention à la famille et à la
  • 10. 10 communauté et que, en progressant sur les plans économique, éducatif et technologique, elle puisse rallier les pays développés. Notre vision est que la société érythréenne soit connue pour l’harmonie entre ses divers secteurs, pour son égalité des genres, son amour du pays, son humanité, sa discipline, son dur labeur et son amour du savoir, son respect de la loi et de l’ordre, son indépendance et son inventivité. Notre vision est d’accomplir des miracles en construisant notre nation, comme ce fut le cas durant notre guerre de libération. Notre vision peut être résumée en six buts fondamentaux : 1. L’harmonie nationale Pour que le peuple de l’Érythrée vive en harmonie, en paix et dans la stabilité, sans distinction entre régions, ethnies, langues, religions, genres et lignes de classe. 2. La démocratie politique Pour que les Érythréens soient des participants actifs et se muent en décideurs dans la gestion et la conduite de leurs existences et de leur pays, avec leurs droits garantis par la législation et dans la pratique. 3. Le développement social et économique Pour que l’Érythrée progresse socialement et économiquement dans les domaines de l’éducation, de la technologie et du niveau de vie. 4. La justice sociale (démocratie économique et sociale) Il convient de proposer une distribution équitable de la richesse, des services et des opportunités, ainsi qu’une attention particulière aux sections les plus défavorisées de la société. 5. Une renaissance culturelle Puiser dans notre riche héritage culturel et dans les valeurs progressistes que nous avons développées au cours de la lutte de libération, afin de développer une culture érythréenne caractérisée par l’amour du pays, le respect envers l’humanité, la solidarité entre l’homme et la femme, l’amour de la vérité et de la justice, le respect de la loi, le travail acharné, la confiance en soi, la débrouillardise, l’ouverture d’esprit et l’inventivité. 6. La coopération régionale et internationale Pour que l’Érythrée devienne un membre respecté de la communauté internationale, en coexistant dans l’harmonie et la collaboration avec ses voisins, et en contribuant selon ses capacités à la paix, la sécurité et le développement régionaux et mondiaux.
  • 11. 11 Voici notre nouveau rêve et notre nouvelle vision. Ce n’est pas une tâche aisée que l’on peut terminer demain ou après-demain. Il ne fait pas de doute qu’elle requerra du temps, un solide engagement, un dur labeur et une créativité de tous les instants. Mais il ne fait pas de doute non plus que cette vision puisse devenir réalité. En allant de l’avant afin d’accomplir notre nouvelle mission, nous pouvons tirer bien des leçons de la riche expérience de notre lutte de libération. Il est important de consulter notre expérience et d’en tirer les leçons pertinentes de sorte que la trajectoire future de notre pays et de notre peuple ne soit pas le jouet du hasard. Les principes et points de vue fondamentaux qui ont servi à notre victoire peuvent toujours servir aussi de bases pour construire la nation et favoriser la justice et la prospérité. Les six principes fondamentaux qui peuvent servir de directives pour nos activités sont l’unité nationale, la participation publique active, l’élément humain, le lien entre la lutte nationale et la lutte sociale, le fait de pouvoir compter sur soi-même et, enfin, une relation forte entre le peuple et les dirigeants. Examinons-les un par un, séparément. 7.L’unité nationale L’Érythrée n’aurait jamais arraché son indépendance si nous n’avions mené notre lutte en rejetant toutes les attitudes et activités sectaires et divisives, en croyant à l’unité de l’Érythrée et de son peuple et dans l’unification de ce dernier vers un but. Au début, dans les années 1960, notre lutte armée de libération a connu un état de confusion et de déclin, et elle était arrivée au bord de la défaite du fait qu’il lui manquait une direction et une forme organisationnelle. Mais la lutte surmonta ce danger parce qu’elle fut finalement guidée par une ligne politique nationale et une direction nationale et qu’elle fut en mesure d’organiser des centaines de milliers d’Érythréens venus de tous les recoins du pays, quel que soit leur contexte ethnique ou social et qui, en fin de compte, décrochèrent la victoire. Maintenant aussi, l’unité, l’égalité et la participation de toutes les sections de la société érythréenne devraient constituer les bases de tous nos programmes. Si toutes les sections de notre société ne participent pas activement à la vie politique, économique, sociale et culturelle de leur pays et si le gouvernement est perçu comme proche des uns mais éloignés des autres et s’il néglige en plus de développer et de construire l’Érythrée, nous ne serons pas en mesure de préserver la paix et la stabilité dont nous disposons aujourd’hui.
  • 12. 12 Grâce à la longue expérience et aux sacrifices consentis, l’Érythrée indépendante dispose aujourd’hui d’une unité nationale qui lui permet de se lancer. Mais, comme toute chose, afin de ne pas perdre cet élan, il est essentiel de préserver et d’encourager cette unité. En temps de paix, au contraire de ce qui se passe en temps de guerre, il est évident que certaines tendances et opinions affaiblissant progressivement l’unité peuvent apparaître. Nous devons prendre ces tendances au sérieux et les combattre. De plus, du fait que l’établissement d’une nation est un processus historique long et compliqué comportant des aspects politiques, économiques, sociaux et culturels et que, comme dans d’autres pays du tiers-monde, ce processus n’est pas encore terminé, nous devrions considérer le développement et le renforcement du nationalisme érythréen et l’unité de son peuple comme les tâches majeures qu’il nous faut entreprendre. Pour que l’unité nationale se développe, la chose requiert des garanties institutionnelles. Par conséquent, il est avant tout nécessaire de mettre sur pied un gouvernement national qui assurera l’unité et l’égalité du peuple de l’Érythrée, rejettera toutes les attitudes et activités divisives, placera l’intérêt national au-dessus de tout et rendra possible la participation de tous les secteurs de la société érythréenne. Toutes les constructions politiques doivent se faire sur une base nationale et toutes les tendances politiques sectaires doivent être catégoriquement rejetées. Toutes formes de discrimination et de domination, y compris régionales et ethniques, doivent également être rejetées. Les diverses cultures de l’Érythrée devraient être une source de pouvoir et d’unité. Le système national devrait être laïc, séparé de la religion mais, néanmoins, respectueux de l’égalité des religions. En bref, la nation doit constituer la base de toutes les institutions et mesures politiques. 8. La participation active du peuple Notre lutte de libération a été menée à bien parce qu’elle s’appuyait sur le peuple. S’il n’y avait eu une forte connexion entre le mouvement de libération et le peuple, la lutte n’aurait pas survécu et encore moins réussi. Le soutien fut efficace parce qu’il était venu sous une forme organisée. Le slogan utilisé par l’EPLF dès le début, « Politisez, organisez et armez les masses », est l’une des bases fondamentales de la victoire conquise par le peuple de l’Érythrée. Aujourd’hui aussi, la participation active et organisée du peuple s’appuyant sur la conscience politique, est une condition de base au succès de la trajectoire actuelle. Quand nous disons « participation du peuple », nous ne voulons pas simplement dire voter lors d’élections occasionnelles. Nous voulons plutôt dire
  • 13. 13 que les gens devraient participer à toutes les décisions qui concernent leurs existences et leur pays, depuis la conception jusqu’à la mise en pratique des idées. Sans participation publique, il ne peut y avoir de développement ; il est vital pour le peuple qu’il participe à tous les stades des projets de développement – depuis la planification jusqu’à la réalisation et l’évaluation. Cependant, la participation ne peut être efficace que si le peuple est organisé. Par conséquent, non seulement le peuple devrait avoir le droit de fonder des organisations, mais il devrait également être encouragé et aidé à le faire. 9. Le rôle décisif du facteur humain Le secret de notre victoire dans la lutte a été découvert dans le combattant dévoué engagé vers un but. Ce fut cet individu altruiste qui rendit tout cela possible, défaisant tous les ennemis en vainquant le colonialisme éthiopien et ses puissants soutiens. Dans l’expérience érythréenne de la lutte, il y a la confirmation qu’un être humain conscient et bien décidé, engagé pour une juste cause, est plus fort que l’acier et la force brutale. Le caractère décisif du rôle de l’élément humain, toutefois, ne s’est pas limité à la guerre. Quand on bâtit une économie aussi, le facteur le plus décisif réside dans les ressources humaines, et non dans les ressources naturelles ou capitales, ni non plus dans l’aide et les investissements. Il existe des pays aux ressources naturelles limitées qui ont néanmoins atteint de hauts niveaux de développement. Par contre, il existe bon nombre de pays aux ressources naturelles abondantes qui sont restés arriérés et que ne sont toujours pas en mesure de nourrir leur peuple. Ce que nous comprenons à partir de nos propres expériences, de même que de celles des autres, c’est que dans tous nos programmes et activités, nous devons bien nous imprégner du rôle décisif du facteur humain. Même si nous avons besoin de l’aide et des investissements étrangers, ce sont avant tout en fonction des aspects humains que nous construirons l’Érythrée : une forte volonté, de la discipline, des capacités, du savoir-faire et de l’inventivité. De même que la libération de l’Érythrée n’aurait pas été possible sans un peuple engagé, la prospérité et la modernisation de l’Érythrée est également impensable sans le peuple et son engagement. Par conséquent, l’élément humain devrait se voir accorder une position centrale dans nos stratégies de développement. Ces stratégies doivent avant tout être orientées sur le peuple : elles devraient tendre à répondre aux besoins matériels et spirituels du peuple. Pour insister sur l’importance de l’élément humain, nous devrions investir le plus possible de ressources dans le
  • 14. 14 développement humain (éducation, formation, santé, etc.). En général, nous devons tendre à bâtir une société orientée sur le peuple et dans laquelle chaque Érythréen(ne) pourra ses propres capacités, libre de toute oppression, de la peur, de la pauvreté et de l’ignorance. 10. La relation entre les luttes nationales et sociales (luttes pour la justice sociale) Notre expérience a prouvé que la lutte pour l’indépendance et la lutte pour un avenir meilleur ne pouvaient être dissociées. Nous rappelons que, dans les stades initiaux, quand notre lutte manquait de programmes progressistes, sa poursuite était même douteuse, et ses possibilités de progresser l’étaient encore davantage. Si notre lutte n’avait pas été liée à la lutte sociale en reflétant les intérêts du peuple, elle ne se serait pas soldée par une victoire. Que ce soit dans une lutte de libération ou dans un processus de développement national, il est impossible de progresser sans la participation du peuple. Pour que les gens acceptent de participer, toutefois, il doit y avoir des programmes qui les aident à provoquer de réels changements dans leurs existences. De simples promesses de campagne politique ne suffisent pas ; ce n’est que lorsque les gens voient réellement que le mouvement politique ou le gouvernement travaille dans leur intérêt, que lorsqu’ils voient que les promesses ont été tenues, qu’ils se muent en participants enthousiastes aux programmes. Telle a été l’expérience de notre révolution en ce qui concerne la participation du peuple, parce que celui-ci a vu que des services modernes d’éducation et de santé égaient proposés et que des projets de développement étaient lancés et que tout cela s’appuyait sur des matériaux disponibles localement et sur l’implication du peuple même. Des philosophies et programmes sociaux progressifs ont été une autre caractéristique principale de notre lutte de libération. La création d’assemblées et associations populaires, l’initiation de projets de développement, l’expansion des services sociaux, les changements dans la situation des femmes érythréennes en général, l’éveil des populations rurales, toutes ces choses ont été concernées par ce genre de mesures. En outre, la lutte de libération était dotée d’une conscience sociale forte caractérisée par l’amour de la vérité et de la justice, le soutien aux opprimés, l’intolérance vis-à-vis de l’oppression, le respect des droits humains et de l’égalité et la conscience des problèmes quotidiens des gens. La philosophie qui a guidé ces programmes est la philosophie de la justice sociale. Cette justice sociale est un concept très large et flexible, ouvert à différentes interprétations.
  • 15. 15 Toutefois, pour nous qui nous appuyons sur notre expérience réelle, la justice sociale signifie une réduction du fossé entre les nantis et ceux qui n’ont rien, en s’assurant que tout le monde aura sa part honnête de la richesse nationale et pourra participer à la vie politique, sociale et culturelle du pays ; cela signifie aussi la création d’un développement équilibré, le respect des droits humains et la marche en avant de la démocratie. Pour avoir du sens et des bases stables, la démocratie politique doit être accompagnée d’une démocratie économique et sociale. Comme dans le passé, les Érythréens sont convaincus qu’en l’absence de justice, ni la stabilité ni la prospérité ne sont envisageables. Par conséquent, afin de motiver le peuple de l’Érythrée de lutter de toutes ses forces pour la justice sociale et le développement, nous ne devrions pas nous limiter à discuter et à pérorer sur la justice sociale. Le mouvement doit fournir aux sections les plus opprimées de notre société les moyens de participer à la planification d’un avenir meilleur, et il s’agit d’une priorité. 11. Le fait de compter sur soi C’est un autre des fondements de la victoire atteints par notre lutte de libération. Si nous ne nous étions pas appuyés sur nos propres capacités, aussi bien en développant nos principes que dans la pratique, nous n’aurions certainement pas connu le succès. L’autosuffisance dans tous les domaines – politique, économique et culturel – est un principe fondamental. Politiquement, cela signifie qu’il faut suivre une ligne indépendante et donner la priorité aux conditions internes ; économiquement, il faut s’appuyer sur les possibilités internes et développer les capacités internes ; et, culturellement, il faut avoir confiance en soi et développer son propre héritage culturel. L’autosuffisance ne signifie pas que l’on s’isole de la communauté internationale. Cela signifie uniquement qu’il faut être un acteur aussi indépendant et aussi sûr de soi qu’il soit possible de l’être au sein de la communauté internationale. L’histoire de notre lutte de libération est l’histoire d’une autosuffisance. Nous avons connu le succès parce que nous avons planifié en fonction de notre propre expérience et de nos propres conditions, sans copier les modèles politiques, la politique étrangère ou les stratégies militaires de qui que ce soit. Nous avons traité les problèmes que nous avons rencontrés dans notre existence et nos programmes de tous les jours, sans attendre des solutions venant d’experts extérieurs.
  • 16. 16 Cette fière tradition, qui a été à la base de notre victoire, doit se poursuivre. Dans les questions de démocratie et de développement économique, nous devons élaborer nos propres programmes susceptibles de fonctionner dans les conditions qui nous sont propres. Courir le marché en quête d’idées en vogue ne peut que faire de nous des victimes des caprices de la mode. Bien que nous ayons besoin de l’expertise et de spécialistes de l’extérieur, il nous faut nous appuyer sur nos propres capacités et nos propres spécialistes et donner la priorité au développement de nos propres possibilités et de notre propre expertise. Nous devons nous opposer à la tendance à adorer tout ce qui vient de l’étranger et éviter d’imiter les étrangers comme on a pu l’observer dans certaines sections de notre société, particulièrement parmi les jeunes. 12. Une relation forte entre le peuple et ses dirigeants Une expérience amère et pénible nous a enseigné qu’une direction honnête et mature constituait un autre des facteurs décisifs en vue d’arriver à la victoire. Si nous n’avions pas eu une direction qualifiée et efficace capable de mobiliser nos ressources limitées et faibles, une direction capable de transformer des gens résilients et engagés et des combattants en une force indomptable par le biais d’une organisation et d’une guidance adéquates, nous n’aurions en aucun cas pu être victorieux. Ici, quand nous parlons de direction, il devrait être évident que nous faisons référence non seulement au corps exécutif le plus élevé mais, dans un sens plus large, à une force politique élargie et organisée qui assure la direction. Selon notre expérience, en sus des hauts dirigeants, des rôles directeurs décisifs ont également été assumés par les chefs de peloton qui ont conduit leurs camarades au combat et par les cadres intermédiaires et inférieurs qui ont efficacement appliqué les directives et les mesures de l’organisation, et qui ont été renforcés par le feedback reçu du peuple et par l’expérience qu’ils ont acquise. Notre propre expérience et celle des autres confirment qu’il est impossible d’assurer une direction propre avec des dirigeants qui séjournent dans des pays étrangers, voire qui résident dans le pays même mais en étant isolés du peuple. C’est parce que nous vivions parmi les masses populaires au cours de notre lutte, en menant un même style de vie qu’elles, et parfois même plus frugal encore, en comprenant leur façon de penser, en faisant preuve d’intérêt envers leurs problèmes et en tentant de les résoudre, en gagnant leurs cœurs et leurs esprits, que nous avons été en mesure d’en faire des participantes actives à la lutte et de les conduire à la victoire.
  • 17. 17 Aujourd’hui aussi, afin de susciter les efforts et la créativité de notre peuple qui, dans le passé a accompli des miracles, et de le guider dans la construction de l’Érythrée que nous désirons, nous devons préserver et renforcer notre relation avec notre peuple, non seulement en pensée et en esprit, mais aussi par le biais de notre présence physique quotidienne en son sein. Nous connaissons plusieurs mouvements révolutionnaires qui ont débuté dans des zones rurales et qui ont acquis la victoire grâce au soutien du secteur rural. Une fois qu’ils sont entrés dans les villes, ils ont concentré toute leur attention sur la résolution des problèmes urgents des villes, ignorant la situation précaire de la majorité de la population rurale qui les avait soutenus ; autrement dit, en appliquant l’adage « loin des yeux, loin du cœur ». En analyse finale, ils ont perdu le soutien, et du secteur rural et des secteurs urbains, et ils ont échoué. Pour éviter ce genre d’échec, notre direction et nos cadres à tous les niveaux, et les activités du gouvernement et du Mouvement politique doivent s’étendre à tous les coins du pays, y compris ces régions éloignées qui, tout récemment encore, nous ont servi de zones de base et de quartiers généraux. Afin de poursuivre la fière tradition de guidance de notre lutte de libération et d’en empêcher la régression, les dirigeants doivent être libres de toute forme de corruption, s’abstenir des abus de pouvoir, être des enseignants et d’humbles serviteurs, devenir des modèles de rôle positifs, d’apprendre et de mettre à jour leurs compétences en permanence et de pouvoir assumer leurs responsabilités à tout moment. Notre expérience est un témoignage vivant en faveur de la nécessité d’une direction collective, mais également de la nécessité de responsabilités et procédures individuelles clairement définies, de respect des lois et de l’adhésion à la légitimité des actions entreprises. Finalement, notre propre expérience et celle d’autrui confirment que le changement périodique de direction et l’injection de sang neuf dans la direction importent pour assurer la fluidité des transitions ainsi que la bonne santé de la vie politique. Par conséquent, dans cette nouvelle phase, en clarifiant les devoirs et obligations des dirigeants (dans un sens élargi), en introduisant des procédures de responsabilisation clairement définies, en garantissant le fonctionnement adéquat des institutions à tous les niveaux, en définissant constitutionnellement la longueur des mandats des postes de direction, nous devons assurer une direction qualifiée, responsable et démocratique. Les réflexions mises en exergue ci-dessus constituent notre vision et nos objectifs fondamentaux. De plus, elles constituent les principes fondamentaux pour nous guider et nous aider à atteindre nos cibles ;
  • 18. 18 elles décrivent nos pensées politiques et notre philosophie. Notre philosophie est la philosophie du pragmatisme, de la justice sociale et de l’humanisme. Elle s’appuie sur les réalités pratiques de la vie, sur les réalités de la société érythréenne. Elle confère davantage de priorité au savoir acquis dans les expériences d’autres sociétés que dans des ouvrages théoriques. C’est une philosophie qui évalue la validité d’une idée sur base de son application pratique. Nous, en Érythrée, nous nous sommes engagés à construire une nation et à renforcer l’unité de notre peuple. Nous sommes engagés dans la croissance économique, mais en conjonction avec la justice sociale et la protection de l’environnement naturel. Nous sommes partisans d’une modernisation reposant sur la dignité nationale et la culture. Le but que nous recherchons réside dans une Érythrée qui satisfasse les besoins matériels et spirituels de son peuple, individuellement et collectivement, le tout dans un climat de paix. II. La base de nos programmes politiques 1. Construction d’un système politique démocratique Pour la première fois de notre histoire, nous, Érythréens, nous nous lançons dans la construction de notre propre État. C’est une grande opportunité que nous avons conquise de haute lutte. Il est naturel que nous désirions désormais bâtir le meilleur système possible, avoir le meilleur gouvernement possible, comme le ferait n’importe quel peuple. L’histoire a enregistré que l’espèce humaine a toujours désiré construire le système politique idéal et que ses meilleurs philosophes ont étudié ces systèmes politiques et leur ont consacré leurs écrits. Bien qu’il soit impossible de réaliser le système politique idéal, il est d’une importance vitale de chercher à établir le meilleur système politique possible. Par conséquent, en Érythrée, en ce moment historique important, nous devrions soulever les deux questions suivantes et tenter d’y répondre : o Quel est le meilleur système politique possible qui convienne à une Érythrée indépendante ? o Quel type de gouvernement devrions-nous instaurer ? En Érythrée indépendante, notre souhait fondamental est d’élaborer un système politique stable qui respecte la loi et l’ordre, sauvegarde l’unité et la paix, donne la possibilité à tous les Érythréens de mener une existence heureuse et paisible, garantisse les droits humains fondamentaux et soit libre de toute crainte et oppression. Parce que de tels objectifs ne peuvent être garantis que par des lois et des institutions légalement constituées, nous devons instaurer un système politique constitutionnel en Érythrée.
  • 19. 19 Le système constitutionnel doit s’appuyer sur le développement historique et les conditions spécifiques de la société érythréenne et il doit également en être le reflet. Ce doit être un système constitutionnel national qui garantisse l’unité et un développement équilibré du peuple de l’Érythrée et garantisse également l’indépendance et la sécurité nationales. Ce doit être un système constitutionnel démocratique s’appuyant sur la souveraineté du peuple, sur des principes et procédures démocratiques, sur la responsabilité, la transparence, le pluralisme et la tolérance. La seule existence d’une constitution, toutefois, ne suffit pas. Pour que la constitution fonctionne activement et soit respectée, des institutions constitutionnelles doivent exister. Pour maintenir la constitution dans la société et dans tous les corps gouvernementaux, il doit y avoir une conscience forte (c’est-à-dire une conscience constitutionnelle). La constitution et les systèmes constitutionnels ne peuvent avoir des garanties que lorsqu’une conscience et une culture constitutionnelles sont développées, et quand des institutions constitutionnelles ont été instaurées et consolidées. Le nationalisme et la démocratie doivent être les principes fondamentaux sur lesquels nous construirons le système politique constitutionnel en Érythrée. Le système politique érythréen doit être mis en place à partir du nationalisme, c’est-à-dire en s’appuyant sur la sauvegarde de l’intérêt national, le développement et la consolidation de l’unité de notre peuple et la préservation de l’indépendance. Toutes les institutions politiques devraient être établies sur une base nationale, libre de sentiments et activités sous-nationaux et scissionnistes, en consolidant et développant les efforts nationalement coordonnés de notre peuple. En d’autres termes, le système politique doit avoir une base sociale large, permettant la participation de la totalité du peuple tant dans les zones rurales que dans les zones urbaines. Le système politique doit reposer sur la démocratie. La démocratie, toutefois, est un concept controversé. La démocratie est parfois perçue de façon étriquée, en fonction du nombre de partis politiques et du fait de savoir si des élections ont lieu régulièrement. Un tel point de vue, qui limite le sens de la démocratie à sa forme, est superficiel et non historique. Perçue dans une perspective plus large et plus profonde, la démocratie signifie l’existence d’une société gouvernée par des principe et procédures démocratiques, l’existence d’institutions démocratiques et d’une culture démocratique, une large participation publique à la prise de décision et un gouvernement qui soit responsable envers le peuple.
  • 20. 20 Nous pouvons comprendre correctement la démocratie quand nous la rattachons au développement historique et aux conditions actuelles de la société érythréenne. Notre compréhension de la démocratie devrait mettre l’accent sur son contenu plutôt que sur ses manifestations externes. Dans le contexte de notre société, la démocratie dépend non pas du nombre de partis politiques ni de la régularité des élections, mais de la participation réelle du peuple dans le processus décisionnel au niveau de la communauté et au niveau national. Ce qui est mis en question ici, ce ne sont pas les partis politiques en tant que manifestation d’un pluralisme politique avec des droits à l’organisation et à la liberté d’expression, et à des élections. C’est plutôt le fait d’assimiler la démocratie au nombre de partis politiques et au fait que des élections sont organisées. Ce genre d’interprétation est erroné et dangereux. Et ce, parce qu’il a été établi à partir des expériences de plusieurs pays, d’après lesquelles l’existence seule de plusieurs partis politiques et d’élections organisées ne garantit pas l’existence d’un système véritablement démocratique. Si nous examinons l’expérience de certains pays africains, les partis politiques dominés par les intérêts d’une élite sont imposés d’en haut. Ceci ne favorise pas le développement démocratique au sein de l’État ou de la société. De tels partis politiques, qui servent des intérêts internes et externes étroits, sont devenus des instruments aux mains de systèmes oppressifs. En ce qui concerne les élections aussi, la corruption largement répandue que l’on observe dans le monde entier lorsque se tiennent des élections est une indication de ce que tenir des élections, en soi, ne garantit pas la démocratie. Donc, pour que la démocratie soit réelle et garantie, il est essentiel de planifier le processus par lequel elle peut se développer de façon appropriée. Il est avant tout nécessaire de disposer d’institutions s’appuyant sur le peuple – partis politiques, diverses associations de masse, des mass media et des institutions gouvernementales décentralisées. Des institutions gouvernementales et non gouvernementales doivent exister afin de garantir une participation publique de la masse à un niveau national. Le gouvernement national doit obéir à une constitution, il doit rendre des comptes au peuple, il doit coordonner et équilibrer ses corps législatifs, exécutifs et judiciaires et avoir un pouvoir qui puisse s’exercer partout et qui soit en même temps décentralisé. Le développement des associations publiques et des mouvements syndicaux, en général, le développement des institutions non gouvernementales, constituent des manifestations additionnelles du développement de la démocratie. Des mass media indépendants, libres et responsables constituent toutefois un autre ensemble important de facteurs propices au développement de la démocratie. Bref, un gouvernement démocratique, une société civile active et des mass media indépendants et aux informations fiables sont les trois piliers de la démocratie. Ce n’est que lorsque ces trois piliers sont présents et que
  • 21. 21 la culture démocratique prévaut dans la totalité de la société que la démocratie peut exister et être garantie. Ce processus démocratique, toutefois, n’est pas un projet que l’on peut accomplir à la hâte, en quelques années. C’est nécessairement un long processus historique. L’expérience de plusieurs pays développés au cours des deux siècles écoulés montre que le développement démocratique est un processus complexe. Particulièrement dans des sociétés comme la nôtre, qui ont des structures diverses et sont à un niveau de développement plus bas, comme c’est le cas d’autres pays d’Afrique et du tiers-monde, il y a des conditions socioéconomiques qui rendent le développement de la démocratie un peu plus compliqué et difficile encore. De telles expériences confirment également que la démocratie en tant que concept et culture, et en tant que processus et pratique, nécessite pour exister et se développer qu’il y ait à sa base un nationalisme fort en même temps qu’un développement social et économique. Par conséquent, dans le contexte de notre société, et à notre stade de développement, nous devons favoriser le développement de la démocratie en conjonction avec le processus de construction d’une nation et du développement socioéconomique. C’est quand ils s’appuient sur une telle compréhension objective que nos espoirs de démocratie en Érythrée seront concrétisés. Par conséquent, nos objectifs sont les suivants : ° Établir un système constitutionnel dont la constitution sera rédigée et ratifiée avec une large participation publique, qui respectera les droits humains fondamentaux, dont les corps législatifs, exécutifs et judiciaires se contrôleront et s’équilibreront l’un et l’autre, dans lequel le pouvoir de la loi prévaudra partout en Érythrée et qui fixera l’unité et le développement du peuple de l’Érythrée. ° Sur base d’une constitution, instaurer un gouvernement fort et une société qui accélérera la construction de la nation, garantira l’unité nationale, créera un climat propice au développement économique et social, aura de larges fondations sociales à la fois dans les zones urbaines et les zones rurales, sera ouverte et participative à tous les secteurs de la société, garantira un développement équilibré, respectera les droits des citoyens, sera libre de la corruption, donnera la priorité à l’intérêt national, sauvegardera l’indépendance nationale et développera le consensus national. ° Sur base d’une constitution, chercher à sauvegarder les droits humains et politiques fondamentaux, parmi lesquels la liberté de culte et celle de la presse, le droit à l’organisation politique, le droit de manifester pacifiquement, le droit à l’information, au travail et à l’éducation, à la liberté vis-à-vis de la crainte et de la répression et à l’égalité devant la loi. ° Avoir un système politique qui favorise l’harmonie au sein du peuple érythréen, rejette et affaiblit toutes les tendances scissionnistes,
  • 22. 22 développe les institutions nationales et garantit que le nationalisme et la laïcité (sécularisme) constitueront la base de toutes les activités politiques. Nous devons garantir que le système politique soit basé sur le principe d’un nationalisme complet et favorable au développement. ° S’assurer que système politique s’appuie sur le peuple, qu’il garantisse la participation du peuple aux décisions dans les affaires locales et nationales, qu’il soit construit à partir de la base, qu’il opère selon les principes de la décentralisation, de la pluralité politique, de l’ouverture, de la tolérance, du sens des responsabilités, qu’il respecte les droits fondamentaux de l’organisation politique et de la liberté d’expression et qu’il soit un système démocratique, pluraliste et participatif. ° Faire du système politique un système multipartite auquel les partis politiques participeront légalement et se feront mutuellement concurrence de façon pacifique et démocratique. ° Tendre à établir et développer des institutions démocratiques telles qu’un corps judiciaire libre et fort, divers mouvements et associations (de femmes, de fermiers, de jeunes, d’étudiants), une société civile consciente acceptant les syndicats et autres institutions non gouvernementales, ainsi qu’une presse libre, digne de foi, critique et responsable. 2.Mise en place d’une économie qui réponde aux besoins de notre peuple Un système politique juste ne peut exister sans un système économique développé et juste. Et une démocratie politique ne peut avoir de fondation en l’absence d’une démocratie sociale et économique. Le système économique est le fondement du type de système politique que nous voulons construire. Le type de système politique que nous voulons construire est déterminé, en analyse finale, par le type de système économique que nous construisons. Que les deux deviennent cohérents est une nécessité. Un système économique non équilibré et injuste ne peut être la base d’un système politique démocratique et juste. L’autre face de la médaille, c’est qu’un système politique dictatorial et oppressif ne pourra pas mettre sur pied une économie juste et équilibrée. Quelles que soient la sincérité et les promesses de la politiques, même avec les meilleures des intentions, s’il n’y a pas une économie forte qui profite à tous, avec une répartition égalitaire de la richesse nationale, autrement dit, une démocratie économique, toutes les meilleures intentions et promesses ne seront jamais qu’une illusion. Le but de notre révolution était non seulement de conquérir l’indépendance, mais aussi de nous assurer un développement économique s’appuyant sur la justice sociale. Le peuple de l’Érythrée a payé le prix fort pour que cela se réalise.
  • 23. 23 Nous devons élaborer un système économique qui satisfera les desiderata de la majorité et améliorera les conditions de vie de tous, garantira un développement équitable, opérera par le biais d’une économie de marché, encouragera les investissements privés, les initiatives et la concurrence et garantira une croissance économique équilibrée. Bref, le système économique que nous construisons doit favoriser la justice sociale. En termes d’économie, la justice sociale signifie : o Réduire le fossé des opportunités économiques et de la richesse entre les riches et les pauvres, entre les nantis et les démunis, afin d’assurer une distribution équitable de la richesse nationale entre tous les citoyens. o Réduire le fossé du développement entre les zones rurales et les zones urbaines, entre le centre et la périphérie et garantir une distribution équilibrée et honnête du développement économique dans l’ensemble du pays en fonction des besoins des citoyens. o Créer des conditions qui mettront les gens en mesure de faire mûrir les fruits de leur labeur, d’améliorer leur niveau de vie par le biais du travail, et honorer le travail. o Assurer la participation publique aux niveaux de la communauté et de la nation dans les décisions relatives aux affaires économiques et donner la possibilité aux opprimés et à la majorité sans voix de faire réellement entendre leur voix. o La démocratie économique signifie le développement du peuple, par le peuple et pour le peuple. Plusieurs questions ont défié les meilleurs esprits, au cours de l’histoire : Comment allons-nous résoudre les conflits et contradictions émanant du fossé historique entre les nantis et les démunis ? Est-il possible de créer une société parfaitement juste et idéale ? On n’a toujours pas trouvé de réponses à ces questions, même si, tout au long des siècles, l’espèce humaine n’a jamais cessé de tenter d’y répondre. Par conséquent, il n’est que naturel que nous nous posions de telles questions, dans notre nouvelle Érythrée. Nous pouvons ne pas être capables d’instaurer la société idéale, mais il est de notre responsabilité de tendre vers une société juste au sein de laquelle notre peuple sera libre des conditions d’oppression coloniale et d’ignorance d’autrefois. Nous devons tendre à améliorer nos existences, en tant que peuple libéré, de réduire le fossé et minimiser les conflits entre les nantis et les démunis et entre les zones rurales et les zones urbaines. Et la justice sociale est la voie pratique et réaliste qui mène à une société juste, caractérisée par une économie avancée et une riche culture. Mais la justice sociale ou la démocratie économique ne sont-elles pas en conflit avec la croissance économique ? Est-il possible de mener à bien, en même temps, une justice sociale et une croissance
  • 24. 24 économique ? C’est une erreur que de considérer les deux comme incompatibles. Et ce, parce que, si la croissance économique consiste à créer un véritable développement économique et social, elle doit profiter à la société tout entière, améliorer les conditions de vie du peuple et garantir une utilisation responsable des ressources naturelles. Autrement, ce sera simplement une croissance quantitative et non un développement : La justice sociale n’est pas une entrave à la croissance économique. En assurant une participation effective du peuple, elle accélère et convertit la croissance économique en un véritable développement. Les expériences de plusieurs pays ont prouvé, par ailleurs, que la stratégie de la croissance économique à n’importe quel prix et par n’importe quel moyen menait à l’échec. En analyse finale, le résultat est très néfaste, non seulement pour le peuple, mais aussi pour le petit nombre de personnes ayant des intérêts particuliers. Par conséquent, cela engendre instabilité et conflits. Partant, en Érythrée, nous devons choisir la voie qui garantira la justice sociale et un développement économique réel. Les principes fondamentaux qui permettent d’envisager la chose sont les suivants : Primo, le rôle du gouvernement. Le gouvernement a le devoir de créer les conditions menant au développement économique, d’élaborer des stratégies et des mesures adéquates pour stimuler le développement des ressources humaines, pour assurer une utilisation responsable des ressources naturelles et pour introduire les réglementations du marché nécessaires qui peuvent être progressivement atténuées à mesure que le marché devient suffisamment fort et mature. L’économie de l’Érythrée doit être une économie de marché. Les mesures de régulation qui doivent être appliquées durant la période intérimaire ne devraient pas être perçues comme un signe d‘une économie planifiée. En général, dans cette période de transition et par après aussi, il est essentiel que le gouvernement promulgue des lois et des réglementations qui favoriseront le développement économique. Le gouvernement doit être un catalyseur du développement économique. Particulièrement au vu de l’actuel état de dévastation de notre économie, les efforts pour reconstruire l’économie érythréenne devraient nécessairement être menés par le gouvernement. Il est essentiel que le gouvernement prenne la direction en instaurant des programmes par lesquels les principales victimes parmi les combattants de la guerre et leurs familles, les handicapés, les orphelins, les réfugiés et les personnes déplacées, puissent être réhabilitées et formées pour devenir des participants productifs à la reconstruction économique et au développement du pays.
  • 25. 25 Faire assumer un rôle significatif au gouvernement n’est pas la même chose qu’avoir une économie dominée par le gouvernement. L’économie de l’Érythrée doit être une économie mixte dans laquelle existent à la fois le secteur public et le secteur privé. Ce doit être une économie de marché et non une économie planifiée. Pour que le secteur privé devienne fort et joue un rôle prépondérant, le gouvernement a la responsabilité de créer un climat propice. La relation entre le gouvernement et le secteur privé doit être complémentaire, se dérouler dans un esprit de coopération et non de rivalité. o Secundo, l’encouragement du secteur privé. Le secteur privé que nous avons hérité du colonialisme a été dévasté, comme l’a été également le secteur public. Afin de jouer un rôle prépondérant dans notre économie, d’être viable, libre et compétitif, le secteur privé doit être relancé et développé à l’aide d’un savoir économique et de compétences modernes. Du fait que l’Érythrée ne peut reconstruire et développer son économie à l’aide des seuls investissements nationaux, il est également essentiel que le pays établisse des mesures économiques qui encourageront et attireront les investissements étrangers. o Tertio, l’autosuffisance (le fait de compter avant tout sur soi- même) et la participation du peuple. Notre stratégie du développement économique doit s’appuyer sur l’autosuffisance et la pleine participation de notre peuple. Nous devons développer nos propres ressources humaines et naturelles et en faire la base du développement économique de notre pays et nous devrions en tout premier lieu dépendre de ces ressources et nous appuyer dessus. Que l’assistance et les investissements de l’extérieur soient nécessaires est très compréhensible et acceptable mais, pour tirer parti de l’assistance ou des investissements de l’extérieur, nous devons disposer de capacités internes. Et nous propres ressources ne peuvent se développer que par le biais de l’autosuffisance (compter avant tout sur soi-même) et la pleine participation du peuple. La plus grande source de richesse de l’Érythrée est son peuple. Si notre peuple est formé sur le plan des sciences et des technologies, il pourra améliorer sa capacité productive et créer un développement durable. Par conséquent, l’élément humain doit être le facteur fondamental dans tous nos plans de développement. Nous devrions également nous rappeler l’importance des coopératives et des organisations de développement communautaire quand il s’agit de favoriser la participation publique et le développement d’une économie s’appuyant sur le peuple. o Quarto, le développement de l’agriculture, de l’industrie, du commerce et des autres secteurs économiques. Par le biais
  • 26. 26 d’une stratégie qui coordonne les secteurs privé et public et encourage la participation du peuple, nous pouvons améliorer l’agriculture, l’industrie, le commerce et les services sociaux. Aujourd’hui, notre économie est complètement détruite et il faudra de terribles efforts et beaucoup de ressources pour la relancer et la développer. Nous avons besoin de mesures appropriées à chaque secteur de notre économie, des mesures qui fonctionnent et qui sont orientées sur les résultats, des mesures qui encouragent l’initiative privée, la concurrence et les investissements, des mesures qui encouragent le peuple à participer, et des mesures qui font la promotion de l’acquisition de connaissances et de compétences et qui accroissent la productivité. Sans une économie développée, nous ne pourrons faire de l’Érythrée une terre de justice et de prospérité. Par conséquent, nos objectifs sont les suivants : o Construire progressivement une forte économie nationale, s’appuyant sur des services agricoles, industriels, commerciaux et autres appropriés, une économie qui satisfasse les besoins de notre peuple, développe nos propres ressources, rende possible l’utilisation responsable de l’environnement naturel et des ressources et soit orientée vers un libre marché. o Tendre à appuyer la stratégie érythréenne du développement économique sur la justice sociale et la démocratie économique. o Élaborer et appliquer des plans afin de relancer et développer notre économie qui a été détruite par une longue guerre, et réhabiliter ces sections de notre population dont les existences ont été perturbées par la guerre, en leur donnant la possibilité de trouver la place qui leur revient au sein de l’économie. o Assurer la mise en place d’un gouvernement qui jouera un rôle significatif dans la création des conditions permettant la construction d’une économie forte, donnera la priorité à l’intérêt national, sera libre de la corruption et évitera le cercle vicieux de l’endettement (deux problèmes chroniques qui prévalent dans de nombreux pays). o Encourager le développement d’un secteur privé dynamique, compétitif et confiant en lui-même, guidé par des connaissances et des compétences modernes, et qui pourra jouer un rôle décisif dans l’économie de l’Érythrée. o Développer une stratégie économique qui mettra l’accent sur la pleine participation du peuple et sur le développement des ressources internes. o Encourager et consolider la coopération économique internationale et les investissements internationaux, en reconnaissant en même temps l’importance de l’autosuffisance (le fait de compter avant tout sur soi-même).
  • 27. 27 3.Développement d’une culture nationale Une culture nationale constitue le fondement d’une économie développée et d’un système politique moderne. Aucune société n’est devenue moderne sans développer sa culture. La culture que nous avons développée durant la révolution a été d’une grande contribution à l’indépendance et à la paix que connaît actuellement l’Érythrée. En surmontant tous les sentiments sectaires et toute dissension, nous avons développé une culture nationale plus riche et plus unifiée en sélectionnant ce qu’il y avait de mieux dans les diverses cultures du pays. Si nous ne nous étions pas lancés dans le développement d’une culture nationale unifiée, notre lutte aurait perdu la direction qu’elle avait choisie et elle se serait désintégrée. La culture que nous avons développée durant la révolution était caractérise par l’autosuffisance, la confiance en soi, la détermination, l’amour du pays et du peuple, l’ingéniosité et l’inventivité, l’héroïsme et l’esprit de sacrifice. Voilà toute une série de qualités qui ont défini le caractère de chaque combattant et, sans elles, nous n’aurions jamais connu le succès. La nouvelle harmonisation de la culture, qui a débuté au cours de la révolution, s’est développée via un processus d’adoption et de rejet. Du riche héritage culturel du peuple de l’Érythrée, nous avons adopté et favorisé les aspects positifs et utiles, tout en rejetant les aspects mauvais et nuisibles. Via le même processus, nous avons également repris de bons éléments d’autres cultures. Le même processus doit se poursuivre, maintenant. Nous devons comprendre pleinement et rechercher le riche héritage culturel de notre peuple, et l’enrichir de façon sélective. En respectant et en préservant notre propre héritage culturel, nous serons à même de participer au développement de la culture internationale. Une société qui ne respecte pas son propre patrimoine culturel est une société en faillite. Dans tous ses exemples, le colonialisme a toujours tenté de détruire l’identité des peuples précédemment colonisés en les spoliant de leur culture. Même après la fin du colonialisme et l’indépendance, au lieu de tendre à ressusciter l’héritage culturel supprimé par le colonialisme, les nouvelles classes dirigeantes – et c’est particulièrement vrai dans plusieurs pays africains – ont dénigré cet héritage et ont choisi d’imiter servilement les cultures occidentales. Il en est résulté que les pays de ces dirigeants sont devenus les victimes d’une grande pauvreté et arriération sur le plan culturel. Ce genre de choix nihiliste ne peut qu’aboutir à une impasse.
  • 28. 28 Par ailleurs, les pays est-asiatiques qui ont préservé et développé leur héritage culturel et leur identité et qui ont fondamentalement adopté les seuls aspects utiles et nécessaires de la culture occidentale, ont établi avec succès des sociétés socioéconomiquement développées. Par conséquent, nous, les Érythréens, devons préserver un équilibre culturel. Nous observons depuis les expériences d’autres peuples que perdre son propre équilibre culturel équivaut à trahir ses racines culturelles et historiques et que c’est une voie sûre vers l’appauvrissement culturel. Sans recourir à l’imitation servile et l’adoration de la culture étrangère, en préservant notre identité culturelle, nous devrions construire notre propre culture sur les fondements que nous avons installés lors de notre lutte révolutionnaire. Nous devons tendre infatigablement à faire de l’Érythrée un pays où la culture peut s’épanouir. L’art, y compris la musique, la littérature et les arts visuels, devrait se développer librement, assumer un caractère national, mais tout en bénéficiant des riches expériences d’autres peuples. Il faudrait se montrer prudent, de sorte que des aspects de notre héritage, tels que l’amour de la famille et du peuple, le sens de la communauté et de la coopération, ne soient pas érodés par l’individualisme et l’égoïsme au nom de la modernisation. En outre, la commémoration de nos martyrs en tant qu’expression de ce que nous leur devons et expression du nationalisme, devrait être considérée comme une partie intégrante de la culture et de l’identité érythréennes, qu’il convient de transmettre d’une génération à l’autre. Toutefois, nous devrions garder à l’esprit que tout cela devrait s’accomplir par le biais d’une approche constructive, positive et créative, plutôt que via un protectionnisme négatif et une préservation stérile. Par conséquent, nos objectifs culturels sont les suivants : o Développer une nouvelle culture érythréenne qui bâtira sur la culture développée au cours de la lutte de libération en préservant et favorisant l’héritage culturel de notre peuple, en cueillant les fruits de la culture internationale, en nous appuyant sur l’histoire et la diversité culturelle du peuple érythréen. o Développer une culture démocratique qui rejettera toute dissension, tous les sentiments arriérés et mesquins ainsi que le chauvinisme et qui aboutira au développement de la technologie, de la science et des arts. o Faire de l’héritage culturel de notre peuple la base de notre culture nationale en adoptant les aspects positifs et utiles, mais en rejetant les aspects néfastes et régressifs. o Adopter des cultures d’autres peuples ces aspects mêmes qui sont agréables à nos conditions culturelles et qui peuvent aboutir à notre développement culturel ; établir et renforcer la
  • 29. 29 coopération culturelle avec d’autres peuples en s’appuyant sur l’égalité et le respect mutuel. o S’assurer que l’héritage culturel, les coutumes et les langues de l’Érythrée sont étudiées et développées de façon appropriée en vue d’enrichir notre culture. o Faire en sorte que les anciens artefacts historiques du peuple de l’Érythrée soient et soigneusement préservés. o Faire en sorte que la commémoration de nos martyrs, en tant que manifestation de notre nationalisme et de notre héritage, soit transmise aux futures générations avec un sentiment d’honneur de de respect. o Faire en sorte que les artefacts de notre lutte de libération, en tant qu’héritage historique du peuple érythréen, soient préservés et étudiés de façon à pouvoir être transmis aux générations futures. o S’efforcer de préserver et développer la culture que nous avons développée au cours de notre lutte de libération, et qui a grandement contribué à notre succès : l’autosuffisance, le patriotisme, l’amour du peuple et de la vérité, l’égalité des genres, la détermination, le désir de justice, l’engagement au travail, etc. o Tendre à créer une vie culturelle forte et progressiste afin d’empêcher l’imitation aveugle de la culture étrangère au nom de la modernité et éviter de souffler servilement avec le vent d’où qu’il vienne. o Donner la possibilité au nouvel Érythréen de présenter des caractéristiques équilibrées sur le plan culturel. 4.Distribution équitable des services sociaux En Érythrée, l’éducation, la santé et d’autres services ne sont pas encore développés. La majeure partie de notre peuple ne bénéficie pas de services sociaux. Quand ils sont disponibles, ces services sont limités aux villes et aux zones qui les entourent. Par conséquent, en Érythrée, le problème des faibles niveaux des services sociaux est encore aggravé par l’inégalité de la distribution. L’éducation est la base du développement. Assurer l’égalité dans les opportunités d’enseignement signifie donc assurer l’égalité dans les opportunités de développement. Nous devons propager largement l’éducation de sorte que notre peuple puisse se libérer de l’ignorance, acquérir des connaissances et des compétences par des moyens divers et favoriser leur capacité de production de façon à pouvoir construire leur pays. L’éducation est un droit fondamental pour tout Érythréen(ne). Par conséquent, nous devons propager l’éducation dans les zones rurales du pays où, jusqu’à présent, les possibilités éducatives ont été rares. Nous devons bâtir un système éducatif avancé qui servira l’unité nationale et le développement et dotera le peuple de connaissances et
  • 30. 30 de compétences. Sans le développement de l’éducation, nous ne pourrons pas construire notre pays ni ne pourrons stimuler la démocratie et la justice. Notre atout le plus important, ce sont nos ressources humaines. Par conséquent, nous devons accorder une grande priorité à leur développement. L’éducation formelle est une manière de procéder. En outre, toutes les institutions gouvernementales et non gouvernementales doivent fournir un enseignement et des formations de façon permanente. Il convient d’exercer des efforts continus afin de développer les connaissances et compétences dans toutes les couches de la société. Les services de santé constituent un autre droit fondamental. Tous les Érythréens, qu’ils habitent dans les zones rurales ou dans les villes, ont droit à des services de soins de santé élémentaires. Nous devons distribuer équitablement dans tout le pays les services de soins de santé. Diffuser une éducation santé et donner la priorité à la prévention sont des aspects importants du service. Notre peuple devrait également recevoir une distribution équitable de l’eau, de toits où se loger, d’équipements sanitaires et de services de communication. Fournir des services sociaux et les rendre fonctionnels peut coûter très cher. Même si le gouvernement doit endosser la responsabilité première de la distribution équitable des services sociaux dans chaque région du pays, le peuple devrait y contribuer en apportant sa part via les organisations communautaires et le secteur privé. Par conséquent, voici nos objectifs : o Faire en sorte que le peuple érythréen reçoive une distribution équitable et appropriée des services sociaux. o Développer les opportunités éducatives qui servent l’unité nationale et le développement, guidées par un système éducatif national efficace. o Éradiquer l’analphabétisme en Érythrée. o Encourager l’expansion de l’enseignement secondaire, supérieur et professionnel et la poursuite de l’enseignement et des formations fournis par les institutions gouvernementales et non gouvernementales. o Assurer une distribution équitable et appropriée des services de soins de santé élémentaires. o Faire en sorte que le peuple puisse disposer d’eau, de logements, d’équipements sanitaires et de services de communication.
  • 31. 31 o Encourager la participation des communautés locales et du secteur privé de sorte que les services sociaux puissent opérer efficacement et être largement distribués. 5.Respect de l’égalité des droits Nous tendons à faire de l’Érythrée un pays de justice et d’égalité où la dignité et les droits humains fondamentaux sont respectés. En Érythrée, les droits sociaux des femmes, des travailleurs, des enfants, des réfugiés, des handicapés et autres personnes méritant de l’aide, doivent être respectés. La question des femmes est une question sociale majeure. Une société qui ne respecte pas les droits et l’égalité des femmes ne peut être une société véritablement libérée. Au cours des années de lutte, de grands changements eurent lieu, pour les femmes érythréennes. Considérée comme une créature faible et passive, de moindre valeur que l’homme, la femme érythréenne se transforma en une formidable combattante au moment où sa force jadis opprimée eut enfin la possibilité de s’exprimer. Notre révolution n’aurait pu être menée à bien sans la participation des femmes. Même si les changements dans les conditions des femmes érythréennes jusqu’à présent constituent un pas de géant, ils ne suffisent toujours pas. Les femmes érythréennes ne se sont pas encore libérées de l’oppression patriarcale. Il leur faut encore progresser sur le plan de l’enseignement et de la science et elles doivent prendre la place qui leur revient dans la société. Les femmes érythréennes doivent poursuivre la trajectoire qu’elles ont entamée durant la révolution sous le slogan « Égalité via une participation égale au travail », et ce, jusqu’à ce qu’elles y soient arrivées. En s’organisant, elles doivent lutter pour les droits de toutes les femmes, particulièrement pour les droits de la majorité pauvre tant dans les zones rurales que dans les zones urbaines. Elles doivent acquérir de l’éducation et c’est ainsi qu’elles pourront changer fondamentalement leurs conditions de vie et devenir productives et autosuffisantes. En Érythrée, il n’y aura aucun poste exclusivement réservé aux hommes et tous pourront être occupés par des femmes. Le rôle des femmes dans la société et dans la famille devrait bénéficier d’une plus grande reconnaissance. L’Érythrée ne peut se moderniser sans la pleine participation des femmes érythréennes, comme cela s’est vu durant la lutte d’indépendance. La solidarité entre les femmes et les hommes, qui a opéré des miracles pendant la lutte, devrait devenir la base de la nouvelle Érythrée. L’Érythrée doit être un pays où les deux genres vivent en égalité, en harmonie et dans la prospérité. Notre lutte de libération s’est également appuyée sur le soutien des travailleurs, des fermiers et des bergers. Le soutien de ces groupes sociaux a été décisif. Pour se développer économiquement, l’Érythrée doit être un pays où les travailleurs vivent et travaillent en paix avec des
  • 32. 32 droits garantis. En améliorant leurs connaissances et compétences et en favorisant en permanence leur productivité, ils devraient être confiants en leurs talents respectifs. Les travailleurs devraient être habilités aux droits à l’emploi, à des congés, à l’éducation et à des normes minimales. Ils doivent être encouragés à établir des associations syndicales qui protégeraient leurs droits. Les fermiers et les bergers devraient également se voir octroyer l’assistance nécessaire pour les mettre en mesure d’acquérir des méthodes modernes d’agriculture et d’élevage de bétail, et d’accroître leur productivité. Ils doivent être encouragés à s’organiser en sociétés coopératives de façon à pouvoir améliorer leur niveau de vie, protéger leurs droits et exprimer leurs besoins. L’Érythrée devrait tendre à réduire la mortalité infantile et à soigner mieux ses enfants. Les enfants des martyrs, qui sont des dizaines de milliers et qui ont été privés de l’amour de leurs parents, à l’instar d’autres orphelins, doivent bénéficier d’une éducation et de soins appropriés. En Érythrée, les droits des enfants à l’éducation, la santé, l’amour, la sécurité, le jeu et la dignité humaine doivent être respectés. Nous devons créer les conditions dans lesquelles les handicapés, les vétérans de la lutte de libération, les familles des combattant et des martyrs, de même que les réfugiés et les personnes déplacées, peuvent être réhabilités, devenir autosuffisants et jouer leur rôle à part entière dans le développement du pays. Par conséquent, voici nos objectifs en vue de l’égalité des droits : o Honorer les droits sociaux fondamentaux en Érythrée. o Respecter l’égalité des femmes. o Tendre à la participation égale des femmes dans tous les domaines, et encourager les femmes à protéger leurs droits en s’organisant. o Respecter les droits des travailleurs et les encourager à développer des associations syndicales qui protégeront leurs droits. o Soutenir les fermiers et les bergers pour qu’ils améliorent leurs conditions de vie, protègent leurs droits et expriment leurs problèmes via associations et coopératives. o Garantir que les droits des enfants soient sauvegardés. o Fournir une éducation et des soins appropriés aux enfants des martyrs et autres orphelins. o Créer les conditions dans lesquelles les vétérans et les personnes handicapées, les familles des combattants et des martyrs, ainsi que les réfugiés et les personnes déplacées pourront être réhabilités, devenir autosuffisants et contribuer au développement du pays.
  • 33. 33 6.Garantie de la sécurité et de la défense nationales Nous avons été victorieux parce que nous avons mis sur pied une armée populaire enracinée dans le peuple : une armée qui avait des liens puissants avec le peuple, qui participait à sa vie quotidienne ; une armée qui était politiquement consciente de ses objectifs ; une armée productive dévouée à la cause. L’armée populaire était entièrement composée de volontaires et n’était pas une arme de métier. Ici, maintenant, nous devons instaurer une arme nationale avec l’armée populaire comme noyau. Il est essentiel d’établir une solide force de défense qui sauvegardera l’indépendance et la souveraineté, et défendra le pays contre ses ennemis. Il est également nécessaire d’établir des institutions de sécurité et de police qui maintiendront la sécurité et préserveront la paix et la stabilité. Notre doctrine concernant la sécurité et la défense nationales doit être orientée vers le peuple. Du fait que la sécurité que nous désirons n’est pas tant la sécurité du pays que celle du peuple, ce dernier devrait participer à l’effort. Par conséquent, nous devons instaurer une armée nationale, des institutions de sécurité et de police qui fonctionneront en étroite coopération avec le peuple. Comme l’ont prouvé les expériences de plusieurs pays, quand les forces de sécurité et de défense sont isolées du peuple et deviennent des instruments de crainte et de terreur, il en résulte des dégâts incommensurables. Ce genre d’armée et d’institutions sécuritaires deviennent les instruments du petit nombre de personnes qui détiennent la richesse et le pouvoir et elles servent des intérêts étrangers plutôt que des intérêts domestiques. Finalement, de tels pays deviennent les victimes de coups d’État et de juntes militaires et des maux qu’on leur associe généralement. Notre armée et nos institutions de sécurité doivent servir le peuple et l’intérêt national, protéger la société, opérer en conformité avec la loi, être responsables et ouvertes. L’armée, la sécurité et la police, conformément à l’héritage positif de l’armée populaire, doivent servir le peuple, être guidées par la constitution nationale, participer à la production et à la résolution des problèmes sociaux, elles doivent être conscientes et dévouées, doivent être hautement compétentes et disposer de capacités organisationnelles. Par conséquent, voici nos objectifs en matière de sécurité : ° Faire en sorte que notre doctrine concernant la sécurité et la défense nationales soit orientée vers le peuple et ait une base nationale.
  • 34. 34 ° Instaurer une armée et des institutions de sécurité et de police qui soient appropriées et qui servent les intérêts publics et nationaux, qui, en outre, puissent rendre des comptes et fonctionner ouvertement tout en étant liées par une constitution nationale. ° Faire en sorte que l’armée et les institutions sécuritaires, poursuivant la saine tradition de l’armée populaire, soient fortes, dévouées et productives et guidées par l’amour envers le peuple et le pays, et qu’elles respectent la loi et l’ordre. ° Faire en sorte que l’armée et les forces sécuritaires acquièrent les compétences et les capacités organisationnelles nécessaires pour accomplir correctement leurs tâches. 7.Instauration de la coopération régionale et internationale Notre politique étrangère, en tant qu’extension de notre politique intérieure, devrait s’appuyer sur la préservation de notre intérêt national, œuvrer dans l’intérêt de la paix et de la stabilité dans notre région et dans le monde et favoriser la coopération dans tous les domaines avec tous les gouvernements et peuples. Bref, notre politique étrangère est celle de la paix et du non-alignement. Primo, nous devons instaurer des relations de bons voisinage et pacifiques avec nos voisins et les pays de notre région, relations qui s’appuieront sur l’intérêt mutuel et sur la coopération réciproque. Les problèmes relatifs à la paix et à la stabilité ne peuvent être confinés à l’intérieur de nos frontières. Afin de sauvegarder la paix et l’harmonie que nous avons acquises à l’issue d’une longue lutte, il est essentiel que nous tendions vers la paix et la stabilité au niveau régional comme au niveau mondial, et ce, même si nos capacités sont limitées. Le développement économique et culturel ne peut être réalisé si nous restons isolés des pays qui nous entourent et de la communauté internationale. Instaurer une coopération active et complète avec nos voisins et dans le monde entier est important pour notre développement économique et culturel. Par conséquent, notre politique étrangère doit promouvoir la coopération économique et sociale entre l’Érythrée et tous les autres pays. L’Érythrée doit tendre à la paix et au progrès humain, à la coopération internationale et à la bonne entente entre tous les peuples. Elle devrait contribuer selon sa part à favoriser les bonnes relations de fraternité, d’égalité et de coopération, pas simplement entre gouvernements, mais aussi, et c’est plus important, entre peuples. En tant que membre souverain et indépendant de la communauté internationale, l’Érythrée est devenue membre d’organisations régionales et internationales. L’Érythrée défendra les lois et les chartes internationales et jouera un
  • 35. 35 rôle actif au sein de la communauté internationale et de ses organisations. Par conséquent, voici quels sont nos objectifs régionaux et internationaux : o Suivre une politique étrangère de paix et de non-alignement, s’appuyant sur l’indépendance et l’intérêt national. o Initier avec nos voisins et les régions qui nous entourent l’instauration de relations avec tous les pays, quels que soient leurs systèmes politiques et économiques, relations qui s’appuieront sur l’indépendance, le respect de l’intégrité territoriale et de la dignité nationale, la non-agression, la non- ingérence dans les affaires internes, l’égalité et l’intérêt mutuel. o Bâtir une amitié avec tous les peuples, quelles que soient les différences historiques et culturelles, une amitié qui s’appuie sur la fraternité universelle, l’égalité, la paix et la bonne entente. o Tendre à la paix et à la stabilité tant au niveau mondial qu’au niveau régional. o Développer une coopération économique et culturelle avec tous les pays afin d’accélérer le développement économique et social de notre pays. o Nous conformer à toutes les lois internationales et à tous les traités dont l’Érythrée est signataire. III. Les principes organisationnels Si nous voulons parvenir à atteindre nos objectifs, quel genre de structures organisationnelles et de principes organisationnels le Front devrait-il avoir ? La réponse détaillée à cette question devrait être laissée à la constitution, mais les idées fondamentales sont les suivantes : 1.Un mouvement à base large Étant donné les objectifs extensifs du Front et la structure de notre société, étant donné l’absence de toute expérience positive d’un système multipartite dans le pays, le Front, comme à l’époque de la lutte de libération, devrait autant que possible avoir une base large, représentant tous les Érythréens patriotes qui ont à cœur le bien-être de l’Érythrée et de son peuple. Le Front ne devrait être représentatif d’aucune classe sociale en particulier, ni ne devrait avoir une base étroite ne représentant que ceux qui sont politiquement engagés. Le Front devrait autoriser le droit de former des partis politiques nationaux et, une fois qu’ils seront formés, il doit être préparé à s’engager dans une concurrence pacifique. Dans un même temps, sur le plan de l’organisation et de la procédure, le Front doit tendre à attirer et recruter activement tous les citoyens qui sont intéressés par l’unité, la