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Trace d’existence
                          Ismael Mundaray




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Trace d’existence
                               Ismael Mundaray
                                     Fondation Clément
                                     18 janvier > 3 mars 2013


                                     Textes de Lise Brossard et Eduardo Planchart Licea

                                     Photos de Claudia Mundaray et Ismael Mundaray




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Penumbra con Silla y Zapatos Rojos, acrylique sur toile, 200 x 200 cm, 2009
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Trace d’existence
                                                                                          Eduardo Planchart Licea
                                                                                          L’horizon, avec sa chromatique évanescente, sépare la terre du ciel
                                                                                          et nous transporte sur le terrain du mythe, vers des ruptures avec
                                                                                          le temps où les forces célestes et telluriques, humaines et divines
                                                                                          fusionnent entre elles, où la dualité jour/nuit, actif/passif donne
                                                                                          l’impression de disparaître. De cette optique, Ismael Mundaray
                                                                                          imagine et peint la diversité dont les traces de l’existence sont
                                                                                          imprégnées. Une vision minimaliste qui dématérialise l’accessoire :
                                                                                          murs, portes, toits… afin de nous faire pénétrer dans notre véri-
                                                                                          table foyer : le cosmos. L’artiste crée des espaces et des temps de
                                                                                          poésie visuelle. Ces révélations se heurtent à des sentiments qui
                                                                                          vont du sublime à l’apparemment insignifiant. C’est ce que nous
                                                                                          voyons sur la toile intitulée Présence et absence, 2010 où un sac
                                                                                          nous est présenté tel un déchet intégré dans un paysage éthéré ;
                                                                                          en contrepartie, en raison du contexte pictural, ce sac devient le
                                                                                          signe d’un objet courant, humanisé par le contact quotidien de son
                                                                                          propriétaire absent.

                                                                                          De cette façon, il cache ses énigmes dans des plis et se confronte,
                                                                                          au loin, à l’horizon où nous entrevoyons un groupe d’arbres qui
                                                                                          expriment le pouvoir de la Nature. Ce sera par conséquent la trace
                                                                                          d’une absence que l’Art va transformer au moment où il défie le
                                                                                          spectateur d’assumer ce sac comme le sac de n’importe lequel
                                                                                          d’entre nous, de par le caractère archétypal de la composition.

                                                                                          Un épisode propre à la mythologie préhispanique est la rébel-
                                                                                          lion des objets, narrée dans le Popol-Vuh, lorsque les pierres à
                                                                                          broyer et les sièges sont malmenés par leurs créateurs, moment où
                                                                                          l’humanité manque de considération envers son entourage
                                                                                          culturel. L’ethnographie du quotidien fait ressortir une façon d’être,
                                                                                          où peu d’objets échappent à ce rapport d’aliénation qu’Hegel
                                                                                          appellerait « la conscience malheureuse » ou « la conscience scin-
  Mirando al horizonte VII (Regardant l’horizon), acrylique sur toile, 56 x 66 cm, 2010
                                                                                          dée » ; c’est le manque de rationalité lié à la cohabitation, propre aux
                                                                                                                                                                        3



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cultures traditionnelles qui existent dans une conception du temps,     vie en tant que signal émotionnel, vie qui se transforme en un
       cyclique et non linéaire.                                               présent éternel lorsque l’artiste, prend à son compte à travers
                                                                               l’histoire de la peinture, les réussites des impressionnistes et
       L’artiste transmet cette atmosphère à la série Présence et              post impressionnistes et les couleurs osées telles que celles des
       absence lorsqu’il incorpore à son langage des objets qui se meu-        peintres fauves, dans l’objectif de créer de nouveaux langages
       vent dans cette dialectique et lorsqu’il projette quelque chose         expressifs.
       au-delà d’eux-mêmes : des traces d’existence.
                                                                               C’est une quête sans relâche pour transformer la peinture en émo-
       Les rares figures humaines de ces tableaux se trouvent de dos, et        tion, une émotion qui résonne dans l’Être. On se trouve face à
       sont associées à l’objet qu’elles « spiritualisent » dans un train-     l’impression spirituelle d’où se dégage l’ambiance de mystère
       train quotidien. Tel est le cas dans le tableau Rousse en silence,      perçue dans ses toiles ; celles-ci transmettent une sensation de
       2009 où l’on voit un fauteuil entre des horizons, et où apparaît        transcendance, présente dans les tableaux de Mark Rothko par
       une femme ; de même pour quelques récipients que l’on saisit            les variations de formes simples lévitant dans des espaces et
       délicatement lors des rituels de la vie quotidienne et qui possè-       temps chromatiques.
       dent un sens spécial dans la vie de l’artiste, tel que nous le voyons
       dans Autoportrait, 2009.                                                De même, s’extériorise-t-elle dans l’esprit de la photographie
                                                                               nord américaine du nouveau paysagisme, qui tente de faire un
       Mundaray, propose dans ces séries, la nécessité de racheter             contre poids émotionnel à l’omniprésence de la violence et à
       notre sensibilité afin de générer une relation d’harmonie avec           l’accélération des rythmes de vie ; la photographie Moonrise,
       le cosmos dans un ici et maintenant. Il propose aussi de rejeter        Hernández, New Mexico, 1941 en est l’exemple même. Cette
       cette façon d’être et d’agir qui, ne concevant pas de liens d’iden-     image, prise avec un grand angle, a permis de créer des fran-
       tité avec l’univers et ses cycles, a transformé la planète en une       ges de nuées horizontales baignant la pleine lune qui illumine le
       immense benne à ordures où tout devient remplaçable, êtres              cimetière d’un petit village.
       humains inclus.
                                                                               Voici une proposition qui transmet, à travers couches de couleurs
       De là, le manque d’amour et de pitié -au sens rousseauiste- qui         et coulures, d’impénétrables profondeurs sous la forme d’échos
       domine la civilisation occidentale, le succès des discours ségré-       et de fonds d’objets, surlignés et peints.
       gationnistes , la haine et la justice, comprise comme relations de      Des résonances émotionnelles de la mémoire et du rêve …
       pouvoir interactif ; tout cela parce qu’on a prétendu imposer aux       S’établit alors chez l’artiste un changement de cap dans son
       autres un temps mathématique, mesurable, contrôlable, un temps          langage esthétique ; il n’est pas devant la quête de l’essence de
       qui s’oppose aux rythmes cosmiques dans lequel les secondes,            la trace de l’homme sauvage mais face à une ethnographie du
       minutes et heures sont dépourvues de sens ; surtout devant les          quotidien ; face à des fauteuils, récipients, souliers, chaussons
       échelles de l’espace et du temps qui laissent entrevoir, dans les       qui se trouvent entre des temps et des espaces intériorisés... ainsi
       cycles de l’univers ou lors de la naissance et la mort d’une étoile,    génère-t-il un processus de rapprochement vers l’humanisation
       un système planétaire. Ce sont des réalités qui se conjuguent et        apportée par chaque objet.
       le tout s’exprime dans ces horizons intemporels.
       Chacune des toiles de ces séries présente des traces des présen-        Ce n’est pas la rencontre kantienne de la chose en soi, tendant à
       ces et absences qui confrontent le spectateur aux rythmes de la         l’isolement de l’objet et sa perception dans l’espace et le temps

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en tant qu’a priori, mais, nous sommes face à la réalité empi-                de coups de pinceau ocre mettent en relief la surface, véhiculant
       rique et concrète où l’on se repose, on rêve, on souffre et on rit            l’idée de sabliers, lesquels matérialisent la temporalité ; ainsi se
       dans un espace temps intégré à la réalité.                                    confrontent le jour et la nuit avec leurs cycles. On est devant la
                                                                                     nuit de l’âme et face à la réalité physique du jour. À travers cette
       La toile Absence et présence, 2009, représentant un fauteuil                  figure de style, le concepteur exprime les divers plans de l’exis-
       rouge jouxtant trois récipients, projette de la joie, par la force            tence et leurs connexions dans notre psychisme.
       de sa couleur, deux textures de rouge. C’est le lieu de repos                 Dans les horizons et leurs dégradés chromatiques, ainsi que
       de n’importe qui et, en même temps, une présence qui est une                  dans les dégradés des cieux sombres, s’entrecroisent des fran-
       absence. Cela nous mène vers l’autre, vers ces intervalles exis-              ges de bleus créant des nocturnes pleins d’énigmes, diffusant la
       tentiels d’isolement dans lesquels le sujet se meut dans toute                sensation d’univers spirituels, des dimensions parmi lesquelles
       sa globalité, comme ceux qui, très à l’aise, s’affalent dans les              se trouvent à l’affut nos rêves et nos cauchemars.
       couches d’un confortable fauteuil tout en jouissant de leurs uni-
       vers intérieurs. Dans chacune de ces toiles, nous retrouvons la               Dans la toile Pénombre avec chaise et soulier rouge, 2009,
       tension entre « présence » et « absence ». Ce sont des objets qui             un triangle visuel domine la composition : le fauteuil en bois
       se meuvent sur des plans de solitude poétique, loin du surréa-                avec coussin, une paire de souliers rouges à talon aiguille et la
       lisme ; ces objets ne cherchent pas à créer des liens inconscients            pleine lune à l’horizon. L’éclat de ses reflets dématérialise la
       ou liés à des rêveries mais à nous confronter à des dimensions en             terre et la transforment en aquosité. Temps et espace suspendus.
       rapport avec eux-mêmes et que le temps et l’espace ignorent.                  Des éléments esthétiques seront recréés dans l’imagination du
       Tout imprégné de cette passion, l’artiste joue avec la couleur.               spectateur, n’importe quel récit insolite peut se concrétiser par
       L’œuvre se transforme en jouissance chromatique allant des                    l’ambiance picturale et fantomatique.
       jaunes terre jusqu’aux divers tons de gris, des dégradés qui
       génèrent un discours visuel inquiétant.                                       Ces scènes énigmatiques sont accentuées par les contrastes de
                                                                                     couleur allant des bleus foncés et clairs vers des traits couleur
       Des années durant, l’artiste s’est consacré à observer notre                  lilas, entrecoupés de coups de pinceau ocre, créant ainsi la notion
       Orénoque et ses peuples et cultures, créant ainsi une des                     de transformation associée au temps. Le mouvement puissant,
       œuvres les plus solides au Venezuela en rapport avec cette                    que l’œuvre transmet, est renforcé par des tracés horizontaux
       thématique ; en effet, son regard est allé à la rencontre de l’an-            qui font que les objets composites se trouvent dans des atmos-
       cestral. Durant cette étape, l’artiste créateur prend en compte la            phères d’une solitude poignante ; ces tracés dématérialisent et
       contemporanéité, sa culture matérielle dans un contexte lié à un              spiritualisent les objets de la vie de tous les jours.
       espace et un temps spécifiques, les vécus de l’humanité actuelle               Le soulier devient un thème récurent, tel la présence d’un aban-
       face à des réalités luttant entre elles : la matière et l’esprit, l’être et   don, ou celle de quelqu’un qui a laissé la trace de son existence.
       le néant. La peinture en tant que telle se transforme en thème dans           Nous sommes face à des créations poético-picturales qui se
       le but de générer une tension entre l’objet et les climats émotion-           réfèrent à un élément millénaire de l’humanité.
       nels. Les coulures, provenant de la trace laissée par l’acrylique
       sur la toile, prennent l’apparence de stalactites éthérées et nous            C’est ainsi que les chaussures rouges de sport que nous retrou-
       transmettent la conception de la temporalité tellurique.                      vons dans le tableau Présence absence pleine lune, 2010, devient
                                                                                     le centre de la composition à côté de la pleine lune, mi cachée
       Dans l’œuvre Le jour et la nuit, 2009, les trois céramique cerclées           par des nuées sur la partie supérieure et par des arbres fanto-

                                                                                                                                                               5



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matiques dont les troncs sont entourés de halos chromatiques           Dans la toile Regardant l’horizon, 2011, le bleu d’un fauteuil
       transmettant une mystérieuse apparence. Dans ce contexte on            peint de dos, domine avec suprématie les jaunes des paysa-
       se croirait devant les chaussures d’un voyageur contemporain,          ges et des horizons incandescents. Au fond, trois céramiques
       d’un Hermès citadin.                                                   placées dans une composition triangulaire s’intègrent à l’horizon ;
                                                                              elles sont surlignées de rouge dans une œuvre à format horizon-
       Dans Regardant l’horizon, 2010, une paire de souliers noirs de         tal qui exprime les rêveries du personnage absent auquel s’ajou-
       femme, placée au niveau de l’angle inférieur du tableau, se trans-     tent quelques éléments humanisés par leur quotidien.
       forme en centre visuel ; ceci est une beauté imprégnée de silence,
       d’absence, de plans de réalité superposés. L’axe visuel souliers-      « Voici comment se développe l’ensemble de mon œuvre :
       lune s’unit en une ligne imaginaire qui les met symboliquement         une ligne coupe la toile en deux parties. Une barre noire et en
       en relation. Nous pourrions nous trouver devant un être humain         dessous un monde clair et sablonneux, ocre, habité par des fan-
       désincarné qui se repose, et les fragments objectaux expriment         tômes. Ces quelques objets abandonnés çà et là par on ne sait
       une présence, du fait que la pleine lune est par excellence le sym-    qui, sont en effet des fantômes. De plus, un jour, il advint que
       bole de la féminité et des cycles de fertilité à travers lesquels se   quelqu’un bute dans ces récipients… » Ismael Mundaray, 2011.
       génère la vie. Nous nous trouvons face à l’éternel féminin et les
       mythes qui l’entourent, dilués dans des horizons.                      Nous sommes face à des horizons poétisés ; entre traces d’exis-
                                                                              tence et d’absence qui nous mènent à recréer les instants
       Pour Kandinsky, le bleu génère des mouvements d’éloignement            éternels de nos vies, où le temps et l’espace se brisent, laissant le
       et de rapprochement qui mènent l’homme près de la pureté et            passage à notre propre globalité du quotidien à laquelle Ismael
       l’infinitude. Nous retrouvons ces interprétations dans Présence         Mundaray nous confronte dans chacune de ces œuvres.
       et absence, 2010, où la composition a pour dominante des sou-
       liers bleus à hauts talons. La couleur bleue est la plus profonde
       des toutes les couleurs, et dans la Nature elle est associée au
       vide, par exemple le bleu du ciel, des eaux, de l’intérieur d’un
       diamant. Le bleu dématérialise, rend les formes et les fonds
       picturaux plus légers et spirituels.

       Se situer dans les tons de bleu équivaut à passer de l’autre côté
       du miroir. Tel qu’on le montre dans une multitude de mythes et
       contes de fées où l’on part à la recherche de l’oiseau bleu ; on
       retrouve ces souliers dans d’autres toiles de l’artiste, mais dans
       ce contexte-ci, ils sont un symbole d’extase amoureux, d’autant
       plus que nous observons à leur base une ligne ocre qui vire
       presque au rouge, couleur de la passion. Des couleurs qui,
       une fois combinées, expriment la hiérogamie. Ainsi, Jean
       Chevalier nous rappelle que Gengis Khan, grand fondateur de la
       dynastie mongole, est né de l’union du loup bleu et de la biche
       jaune fauve.

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Presencia y Ausencia en Claro de Luna, acrylique sur toile, 200 x 200 cm, 2009
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« le cosmos, pour nous qui vivons
       sur la Terre, se manifeste à travers un
       ensemble d’éléments récurrents, le ciel
       et la terre et par une ligne qui les unie et
       les divise à la fois, à savoir, l’horizon.
       Enfin, il existe cette alternance entre le
       jour et la nuit, le jeu des ombres et les
       formes vives et lumineuses, la présence
       et l’absence, une alternance qui donne
       un rythme à notre vie et la conditionne
       en même temps. ». Ismael Mundaray




       Esperando, Buscando el Horizonte, acrylique sur toile, 200 x 300 cm, 2012


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Presencia y Ausencia de Día, acrylique sur toile, 100 x 100 cm, 2011
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« comment placer un objet dans un espace qui est à la fois plein
        de ciel et vide de tout ?... Pourquoi la sensation la plus pure se
        manifeste-t-elle pendant ces moments où la solitude fondamentale
        rencontre le silence du ciel ? Pourquoi la perception est-elle
        toujours tourmentée par le spectre de l’invisible ? ». Ismael Mundaray




      Clair de lune X, acrylique sur toile, 75 x 90 cm, 2008   Mirando el crepusculo desde el sofà, acrylique sur toile, 56 x 66 cm, 2012
                                                                                                                                                      11



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Babouche, acrylique sur toile, 200 x 200 cm, 2009   Escarpins bleus en claro de Luna, acrylique sur toile, 200 x 200 cm, 2009
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Presencia y ausencia II, acrylique sur toile, 56 x 66 cm, 2012
                                                                                                           13



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Tostadora, acrylique sur toile, 68 x 68 cm, 2008   La plancha, acrylique sur toile, 68 x 68 cm, 2008




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Nivea, acrylique sur toile, 68 x 68 cm, 2008   La ducha, acrylique sur toile, 68 x 68 cm, 2008




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Page précédente : (à gauche) Claro de Luna con Sillones y Bolws, acrylique sur toile, 200 x 200 cm, 2009 / (à droite) Clair de Lune X, acrylique sur toile, 200 x 200 cm, 2006




  Recipientes en el Horizon_thé (bolws), acrylique sur toile, 100 x 100 cm, 2010              Rempli de Soleil, acrylique sur toile, 200 x 200 cm, 2012
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CAT_Mundaray_36p.indd Sec1:18                                                                                                                                                 9/01/13 10:38:19
L’Attente, acrylique sur toile, 100 x 100 cm, 2012
                                                                                               19



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« le temps, l’espace, la présence et l’absence, le
       silence, l’existence, les traces de l’Être dans son
       environnement quotidien ».                                             Ismael Mundaray




  Recipients en Clair de Lune X, acrylique sur toile, 200 x 200 cm, 2012   Clair de lune VIII, acrylique sur toile, 100 x 100 cm, 2012
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CAT_Mundaray_36p.indd Sec1:20                                                                                                            9/01/13 10:38:27
La pluie est finie III, acrylique sur toile, 100 x 100 cm, 2012
                                                                                                           21



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Sillón Mirando al Horizonte III, acrylique sur toile, 100 x 100 cm, 2012
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CAT_Mundaray_36p.indd Sec1:22                                                     9/01/13 10:38:36
Le temps, le territoire
                                et l'espace
                                Lise Brossard



                                        « Quand cet ailleurs est naturel, quand il ne se loge
                                        pas dans les maisons du passé, il est immense. Et
                                        la rêverie est, pourrait-on dire, contemplation pre-
                                        mière ». G. Bachelard, Poétique de l’espace1



                                Clair de Lune, Pleine Lune, Clair de Jour, autant de titres qui
                                instaurent un rapport au temps et à la lumière naturelle de la lune
                                et du soleil.
                                La lumière qui préside à la couleur semble, ces dernières années,
                                être au cœur des recherches d'Ismael Mundaray. En effet, après
                                avoir exploré les rives de l’Orénoque pour élaborer Projecto inoco2,
                                puis effectué une Traversée3 symbolique des rives de l’Orénoque
                                aux rives de la Seine où son regard et sa patte puisaient dans un
                                auttre répertoire pour se greffer sur le territoire du fleuve pari-
                                sien, Ismael Mundaray poursuit son travail dans la matière sous
                                les auspices d’une lumière de clair de Lune, de pleine Lune et
                                de clair de Jour. Quelques objets, dont nous parlerons plus loin,
                                habitent certaines toiles, témoins isolés des origines et fidèles
                                compagnons du voyage.




                                                                                                         23



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Si le système de la série fonctionne, le même se retrouve sans          dans les villes, à la fois plus anonymes et plus intimes, ceux qui
       répétitions. Les déclinaisons amènent à des charnières, des pi-         partagent notre quotidien d’occidentaux.
       vots, des points d’orgue qui sont autant de repères d’une pensée        Les paires de chaussures, de femme ou d’homme, font aussi par-
       en évolution permanente, une pensée de peintre dans la couleur,         tie de ce monde de l’intime. Elles protègent, montrent, cachent
       dans la matière, dans la lumière et dans l’espace du tableau. Un        et révèlent un corps, une présence. Chaussures à la fois neuves
       souffle parcourt l’espace d’une toile à l’autre ainsi qu’un silence      et portées, de sport, de ville ou plus sophistiquées, toutes ren-
       plus ou moins habité, une durée s’installe et avec elle, le temps       voient à l’individu qui les a portées ou les portera. Chaussures
       lui aussi est questionné, interrogé, convoqué.                          et robes sont apparues avec la « Traversée », objets d’une civi-
                                                                               lisation occidentale, parures présentes dans les vitrines du bord
                                                                               de la Seine ou deuxième peau ? Dans les robes portées par les
       Le temps dans l’immuable des objets.                                    mannequins de bois sans tête ou à petite boule, le corps de la
                                                                               femme est là. Cette présence féminine parcourt d’autres toiles
       Des objets, et de leur présence dans le rapport au temps.               dans les escarpins et autres petites chaussures. Entre désincar-
       On peut classer ces objets en plusieurs catégories : des objets         nation et incarnation, une femme hante, traverse, habite mais ne
       « artisanaux » (récipient – écuelle, bol –, théière), des objets ma-    semble pas s’arrêter dans cet univers.
       nufacturés (fauteuil, sac, robe, chaussure, serviette, grille-pain,     Tout semble être de l’ordre du passage, du transitoire, suspendu
       boîte de crème Nivéa, pomme de douche), tous sont liés à la pré-        au temps donné par l’ombre portée. Un temps éphémère, durée
       sence de l’homme (l’artiste, nous, vous, moi ?).                        du passage de la lune ou du déplacement du soleil ? Quelqu’un
       Il y a les objets façonnés par l’homme : les récipients en terre de     est passé, va passer ? Les sacs, les chaussures, les bols, les fau-
       différentes tailles. Sont-ils des souvenirs du territoire du fleuve,     teuils sont posés, en attente. C’est peut-être en cela que le terme
       celui des amérindiens ? Groupés par deux, trois ou quatre. Sont-        de nomade s’impose.
       ils l’image du couple, de la famille ou de la convivialité offerte      Tous ces objets, mis en scène, semblent bien être le témoin d’une
       en partage ? Dialogue entre un initié et son maître, ou l’échange       présence humaine, impalpable et forte.
       dans un être-là qui n’est plus mais pourrait l’être ?                   L’Homme est là, entre deux espaces, entre deux mondes, on se-
       Le fauteuil, presque omniprésent de la « Traversée » jusqu’à            rait tenté de dire entre deux cultures (amérindienne et occiden-
       aujourd’hui, toujours vide, est étrangement énigmatique. Bien           tale), l’artiste en intègre les multiples facettes pour atteindre
       sûr, il invite le spectateur à prendre place. Quelle place4 ? À pren-   l’intemporel, instaurant un ordre entre rêve et apparition, entre
       dre la place de celui qui l’occupait, celle de l’artiste, celle d’un    merveilleux et réalité tangible.
       autre ou de soi-même. Prendre une place dans le tableau ? Le fau-
       teuil est une invitation au repos, à la contemplation, à la médita-
       tion ? Considéré comme un refuge momentanément abandonné                De l’espace nomade à l’immensité.
       où nombreux sont tentés de s’y poser pour un moment de rêve-
       rie, les yeux errants sur ces horizons sereins. Le petit air désuet,    Il s’agit bien d’un entre-deux, de passage, rien n’est figé, les ob-
       patiné par le corps, de ces fauteuils en cuir posés devant et dans      jets se déplacent, l’espace demeure. Espace de transit, escale du
       ces vastes horizons, orientés face au spectateur ou face à l’hori-      voyageur dans lequel le regard est à la fois dans et au-dessus.
       zon, participe à cette invitation de s’y asseoir à son tour.            Au-dessus par rapport au point de vue adopté sur les objets re-
       Et puis, il y a les objets « manufacturés », ceux que l’on trouve       présentés en plongée. L’artiste organise aussi un contraste dans
                                                                               l’échelle des objets isolés et en dialogue. Nous sommes le plus

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souvent invités à les appréhender dans leurs moindres détails ce        Peut-on émettre l’hypothèse qu’en travaillant la lumière « am-
       qui augmente l’impression d’immensité. Bachelard confirme                biante » par des jeux classiques de contrastes (au sens où une
       cette sensation lorsqu’il affirme que c’est le minutieux, le détail      forme claire se travaille sur une zone sombre et vice versa) c’est
       qui fait paraître l’espace plus grand.                                  tout l’espace de la toile qui va être perturbé ? L’espace devient
       Ce point de vue conforte peut-être cette impression de sérénité         multiple, la continuité est suggérée dans l’éloignement quand
       car le spectateur est invité à voir de haut, même lorsque l’hori-       l’espace littéral s’affirme dans le rapprochement ; de même le re-
       zon est placé très haut dans la toile, et que le peintre ne réserve     gard oscille d’une hauteur d’homme (sur les récipients, les sacs,
       au ciel qu’une infime place, le spectateur n’est jamais étouffé,         les chaussures) au vol d’oiseau déployant l’espace au-delà des
       l’air circule, l’espace respire dans le temps de la couleur.            limites du tableau (sur les territoires indéfinis, les horizons, les
                                                                               silhouettes d’arbres).
                                                                               Par ailleurs, la confrontation de ces étendues aux objets fait co-
       Entre paysage et nature morte.                                          habiter paysage et nature morte. Le paysage n’est plus là pour
                                                                               évoquer un lieu particulier connu ou reconnu, familier ou pit-
       Mundaray s’affirme dans ces toiles en peintre, s’inscrivant et           toresque. Il n’est pas là non plus pour valoriser le monde rural.
       renouvelant la tradition occidentale. Ce qui le rattache à cette        Peut-on alors l’envisager comme un territoire au sens d’un lieu
       tradition est à la fois de l’ordre du « métier », du savoir-faire, et   que l’artiste s’approprie ? Territoire multiple où l’on retrouve
       des genres : le paysage et la nature morte.                             le Fleuve, les Llanos (la région des grandes plaines) par l’éten-
       S’il maîtrise son « métier », c’est bien dans l’art de structurer       due, les couleurs et l’impression d’élément fluide souvent aux
       son support par un ensemble de matières complexes laissant ap-          premiers plans.
       paraître des surfaces grumeleuses, lisses, plissées, gaufrées, de       Le fleuve de l’origine sur lequel sont venus se greffer d’autres
       manière très subtile au service d’une couleur faite de transparen-      lieux à travers les silhouettes d’arbres (cuji, saman, etc.), les
       ces mates et de coulures savamment maîtrisées. C’est en colo-           objets trouvés dans les vitrines ou abandonnés par un voyageur
       riste accompli que Mundaray superpose teintes et nuances pour           distrait (Esperando, Buscando el Horizonte, 2012, Tres Reci-
       traquer les éclairages particuliers des soirs de pleine lune. Les       pientes en Claro de Dia, 2011, Recipientes en el Horizon-thé
       cieux s’assombrissent dans des anthracites lumineux et denses ;         (bolws), 2010, etc.).
       les espaces aux tons ocrés, limoneux où vert olive, gris colorés,       Objets qui nous ramènent à la nature morte, une nature morte
       jaune de Naples, blancs sablonneux, terre d’ocre ou de Sienne           revisitée par le plaisir retrouvé du dessin dans la peinture. Cette
       se déploient en larges touches. La pâte est souvent aquarellée          rencontre entre dessin et peinture est inaugurée, ou tout du moins,
       dans les premiers plans où les coulures verticales trouvent par-        exaltée dans cette série. Le signe pictural associé au « Projet
       fois leur écho dans des effets similaires sous la ligne d’horizon.      Orénoque » a fait place à une pratique qui peut paraître plus
       Elle est le plus souvent couvrante dans la plénitude de la toile,       classique, celle du dessin au pinceau dans la précision des objets.
       habitée par des surfaces colorées subliminales indéfinissables           On sent une certaine jubilation à faire apparaître le détail précis,
       qui sont comme des altérations exaltantes pour l’harmonie co-           minutieux qui va donner à l’objet une certaine personnalité :
       lorée ou l’espace suggéré. Ce jeu savant de teintes et de matiè-        détail des coutures apparentes pour souligner un dossier de fau-
       res contribue à « creuser » l’espace de la toile lorsqu’on s’en         teuil, jeu d’ombre et de lumière sur une lanière ou une pointe
       éloigne, comme à affirmer sa planéité lorsqu’on s’en approche.           de chaussure, sur la couture d’un mocassin, le roulotté d’une
       Espace fugace, mouvant qui absorbe le regard dans une sensa-            boucle de lacet, etc. Cette qualité du rendu dans une touche
       tion de légèreté.                                                       presque hyperréaliste représente une jolie prouesse sur ces sur-

                                                                                                                                                        25



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faces préparées, et donne aux objets une dimension à la limite du      chaque tableau : « Comment la répétition changerait-elle
       surnaturel. L’éclairage lunaire, a giorno, serait-on tenté de dire,    quelque chose dans le cas ou dans l’élément qui se répète,
       exalte les couleurs en petites touches de teintes saturées à leur      puisqu’elle implique en droit une parfaite indépendance de
       plus haut degré d’intensité (rouge vif, bleu indigo ou jaune d’or)     chaque présentation ? »5.
       sur les objets. De même, cet éclairage amène l’artiste à renforcer
       les formes dans leurs ombres portées jusqu’à leur conférer une         Silencio (Presencia y Ausencia) I de 2002 est une toile de dimen-
       présence « métaphysique », en référence à G. De Chirico ou à G.        sion moyenne, 100 x 100 cm assez emblématique de l’univers
       Morandi. Chaque objet a son histoire, il est posé là, à une place      d’Ismael Mundaray où les éléments se répètent « dans une par-
       que lui assigne l’artiste, dans un dialogue muet qui s’installe        faite indépendance ». Trois éléments sont en présence. Au pre-
       entre eux, et au-delà, circule entre eux et le spectateur. Chaque      mier plan, à droite un mannequin revêtu d’une robe bleue puis,
       tableau s’offre alors comme un petit poème japonais que l’on           légèrement décalée et orientée vers la droite, une paire d’escar-
       nomme haïku. Tout semble en place pour un moment de poésie             pins bleue, plus loin sur la gauche, un fauteuil blanc, vide, aux
       où l’aspect fugitif et immuable des choses est dit.                    accoudoirs en bois cintré. Ces trois éléments se détachent sur
                                                                              fond imprécis. Les bandes horizontales dans des tonalités de
       Les règles du haïku sont précises : il évoque plus qu’il ne décrit     sable où les balayages de gris résonnent sur des ocres clairs
       une situation en tercet de 5, 7 et 9 pieds (en français) ; si l’hu-    ne laissent paraître aucune frontière entre ciel et terre. La robe
       mour et les figures de style sont utilisés avec mesure, le haïku        comme moulée sur un corps féminin encore là révèle une impro-
       doit contenir un kigo, c’est-à-dire une référence à la nature ou       bable présence. Ces trois objets tournés les uns vers les autres
       à une saison ; « pleine lune », « printemps », « plein soleil », si-   entâment un étrange dialogue suggéré dans le titre de la série
       tuent un moment dans le temps et de ce fait, constituent un ex-        Présence et Absence. S’agit-il de cette « inquiétante étrangeté »
       cellent kigo.                                                          révélée par Freud6 que l’on retrouve dans les mannequins mis en
       Le haïku fonctionne sur la juxtaposition de l’immuable et de           scène par Giorgio De Chirico ou Alberto Savinio ? « Etrangeté »
       l’éphémère, sur l’art du détail (choix de l’anodin, du banal, frag-    sans doute, tout y est décontectualisé ! mais, « inquiétante » fait
       ment de vie, souvenir, etc.).                                          écho à un domaine encore plus subjectif où l’angoisse est souvent
       Les mots ainsi livrés au lecteur le laissent libre d’en choisir le     au rendez-vous. Empruntons alors une autre voie pour l’interpré-
       sens, il en est de même pour les peintures de Mundaray. Une            tation « Objets inanimés avez-vous donc une âme ? »7, Lamar-
       paire de baskets rouges, un écran d’arbres, la lune murmure =          tine bien sûr, mais l’apparition de cette mise en scène, renforcée
       Zapatos Goma Rojos Cl de Luna, 2009. Pour les suivants, il ap-         par le halo qui nimbe la silhouette féminine nous renvoie davan-
       patient à chacun de leur choisir une fin : Un arbre (cuji), le plein    tage au réalisme magique de Garcia Marquez. C’est un territoire
       soleil, trois récipients, … = Cuji en pleno sol con reciepientes       de nulle part qui participe aussi bien du songe que de la rêverie
       XI, 2012.                                                              amoureuse ou nostalgique de la femme et de la solitude face au
                                                                              souvenir ou au désir. Lieu abandonné de nos rêves ?
       Un petit fauteuil rouge dans le lointain, trois récipients auréolés
       de rouge, une présence rouge, qui bouge ? = L’Attente, 2012
       On pourrait ainsi continuer ce petit inventaire à la Prévert,
       énumérant les bols, les fauteuils, les robes, les arbres invitant
       le spectateur à compléter le haïku au gré de sa rêverie. Repre-
       nons cette interrogation de G. Deleuze pour nous réinventer dans

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Tres Recipientes en Claro de Día, acrylique sur toile, 100 x 100 cm, 2011
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Renouvellement du paysage ?
       Pour Ismael Mundaray, c’est à Paris ou à Caracas, dans l’antre           Où Mundaray portera-t-il ses pas ? Infatigable poète du dépla-
       de l’atelier que le paysage se vide de tout objet, seul l’arbre de-      cement de quel ailleurs sera la prochaine série ?
       meure ou plutôt reconquiert l’espace de la toile. De la série Jour
       de Printemps, Paris 2009-2012 à Cuji en Pleno Sol III, 2012 ou           1 G. Bachelard, La poétique de l’espace, éd. Quadrige/Presses Universitaires de
                                                                                France, 5e éd. 1992, p. 168.
       encore La Fin de la Pluie, Paris 2012. Les verts s’acidulent, se         2 « Projet Orénoque », exposition du 15 au 30 octobre 1998 au Palais des Congrés
       réchauffent, pour donner vie à de multiples frondaisons s’organi-        de Madiana, Schœlcher, Martinique, qui présentait huit années de recherches sur cette
                                                                                thématique.
       sant entre masses colorées et rythmes graphiques des troncs dans
                                                                                3 « Traversée », exposition en 2003, villa Chanteclerc, Fort-de-France, Martinique.
       la série Printemps, 2012. Recipientes en el Horizonte, 2012 est          4 « Qui va à la chasse perd sa place… » dit la comptine.
       emblématique d’un passage entre deux séries, les récipients sont         5 G. Deleuze, Différence et répétition, éd. Epiméthée/PUF, 1968, p. 96.
       encore là, au premier plan, ils ne sont plus que deux et la pa-          6 Sigmund Freud, L’inquiétante étrangeté et autres essais, Paris, Folio essais, 1985.
                                                                                7 Lamartine, « Objets inanimés avez-vous donc une âme ? Qui s’attache à notre âme
       lette a complètement changé. Les couleurs sont plus franches,            et la force d’aimer ? » Milly ou la terre natale, 1826.
       les verts plus saturés, au loin une haie d’arbres crée franchement       8 G. Bachelard, op. cit., p. 172.
       une frontière entre ciel et terre.
       Le paysage s’émancipe, au fil des siècles pour devenir un genre
       autonome dans la peinture occidentale. Il sert souvent de prétexte
       à l’artiste pour s’affirmer dans un rapport presque démiurgique
       avec la Nature comme chez les Romantiques allemands ou an-
       glais. Au milieu du XIXe c’est encore une autre histoire. Chez Is-
       mael Mundaray l’affirmation de soi est sans doute présente, mais
       au-delà il s’agit davantage d’exprimer un rapport au territoire,
       de retrouver ces vastes étendues qui ont clôturé son regard vers
       l’infini, là où le ciel, la terre et l’eau se rejoignent. Il semble que
       le pinceau à la main, l’œil rivé dans la couleur, inlassablement
       Ismael Mundaray cherche à retrouver ces rencontres éphémères,
       mouvantes, changeantes entre ciel et terre limoneuse.
       Tierra Arada, 2012, A Pleno Sol, 2012, Jour de Printemps VI,
       2012. Pour conclure cette déambulation contemplative, rejoi-
       gnons Bachelard qui formule ceci : « Dans de telles rêveries qui
       s’emparent de l’homme méditant, les détails s’effacent, le pit-
       toresque se décolore, l’heure ne sonne plus et l’espace s’étend
       sans limite »8.
       L’aérien est toujours là, dans la fluidité de la touche et l’évanes-
       cence des couleurs, mais l’ailleurs est autre ? Dans l’effacement
       se profile peut-être le passage à quelque chose d’autre, d’indéfi-
       nissable, encore en gestation.


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« l’énigme de nos vies, le jour et
                                                         la nuit, l’horizon et l’apparition de
                                                               la lune et du soleil, celui de la
                                                        perception tracée par ces lignes qui
                                                          s’étirent devant le regard, celui de
                                                        nous sentir libres et prisonniers à la
                                                        fois telle une maison sans mur, tout
                                                      comme mon cœur inconnu et secret. »
                                                                                                             Ismael Mundaray




      La Fin de la Pluie, acrylique sur toile, 200 x 200 cm, 2012       La pluie est finie IV, acrylique sur toile, 100 x 100 cm, 2012
                                                                                                                                                  29



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Cují en Pleno Sol Con Recipientes XI, acrylique sur toile, 200 x 200 cm, 2012   A Pleno Sol, acrylique sur toile, 100 x 100 cm, 2012
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CAT_Mundaray_36p.indd Sec1:30                                                                                                            9/01/13 10:38:50
Cuji en Pleno Sol III, acrylique sur toile, 200 x 300 cm, 2012




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Ismael Mundaray
       Né en 1952 à Caripito, état de Monagas, au Venezuela. Sa vie,                Expositions individuelles (sélection) :
       un tant soit peu nomade par les changements de résidence de la               2011 Le Jour et la Nuit, Madiana Palais des Congrès, Schœlcher
       famille, est marquée par différents lieux où il réside, spécialement              Le Jour et la Nuit, Allegro Galerie, Panamá
                                                                                    2010 Il est mort le soleil, L’atelier Z, Centre culturel C. Peugeot, Paris
       près de la grande rivière Orénoque et des communautés indigènes              2009 Présence et Absence, Heart Galerie Paris, Hot Art Fair, Bâle
       du Delta. Cet impact apparaîtra plus tard dans son œuvre plastique.               Clair de lune, Galerie T&T, Basse-Terre
       Depuis l’enfance, il a montré un clair penchant pour l’art, mais il          2008 Paysages de la mémoire, Allegro Galeria, Panamá
       fait des études d’ingénierie à l’Université centrale du Venezuela,
       études qu’il abandonne avant de présenter sa thèse. Il commence à            Expositions Collectives (sélection) :
                                                                                    2012 Origenes, Fundation BBVA Provincial, Caracas
       étudier et à pratiquer des techniques graphiques et de là il s’orien-             Figurations Caribéennes 2 ème Édition, Palais des sports
       te vers la peinture, à laquelle il consacre depuis tout son temps.                et de la Culture, Gosier
       Mundaray a toujours été préoccupé par des sujets de l’actualité              2010 Rêves Lucides, Allegro Galerie, Panamá
       nationale, il a traité des thèmes qui vont du cacao en passant par           2009 Soleil D’eau, Alegro Galerie, Panamá
       le syncrétisme religieux, la légende des peuples, jusqu’aux cosmo-
                                                                                    Foires nationales et internationales (sélection) :
       gonies et la vie domestique de différentes communautés indigènes             2012 FIA, Foire Latino-américaine d’Art, présenté par
       vénézuéliennes. Son œuvre s’insère dans des langages picturaux                    la Galerie Dimaca, Caracas
       contemporains qui le place parmi les plus importants créateurs               2010 Hot Art Fair présenté par Heart Galerie, Bâle
       vénézuéliens.                                                                2006 Art Rotterdam présenté par la Galerie Latinart
                                                                                         Holland Art Fair présenté par Galerie Latinart
                                                                                         Art Dubai présenté par la Galerie Latinart
       Parcours (sélection) :                                                            Galerie Kaj Forsblom, Francfort, Allemagne
        1976 Il fait ses études à la faculté d’ingénierie, université centrale du        FIA, Foire Latino-américaine d’art présenté par
        Venezuela, Caracas.                                                              la Galerie Sin Limite, Edo. Táchira, Venezuela
        1987 - 1989 et 1992 - 1993 Il travail en tant qu’enseignant au dépar-
        tement d’art de l’École régionale d’arts plastiques de la Martinique,
        Fort-de-France.




                                                                                    Remerciements à Bernard Hayot et la Fondation Clément,
                                                                                    Famille Bruère-Dawson, Marc Rozas, Richard-Viktor Sainsily
                                                                                    Cayol et Lise Brossard.

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« Voici comment se développe l’ensemble de mon œuvre : une
                                ligne coupe la toile en deux parties. Une barre noire et en
                                dessous un monde clair et sablonneux, ocre, habité par des
                                fantômes. Ces quelques objets abandonnés çà et là par on ne
                                sait qui, sont en effet des fantômes. De plus, un jour, il advint
                                que quelqu’un bute dans ces récipients … » Ismael Mundaray




                                                                                                         33



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Catalogue publié par la Fondation Clément
       à l’occasion de l’exposition Trace d’existence
       d’Ismael Mundaray du 18 janvier au 3 mars 2013


       Fondation d’entreprise de GBH, la Fondation Clément mène
       des actions de mécénat en faveur des arts et du patrimoine
       culturel dans la Caraïbe.
       Elle soutient la création contemporaine avec l’organisation
       d’expositions à l’Habitation Clément, la constitution d’une
       collection d’œuvres représentatives de la création caribéenne
       des dernières décennies et la co-édition de monographies
       sur les artistes martiniquais. Elle gère aussi d’importantes




                                                                                           Conception graphique : studio Hexode - Huellas de existencias, acrylique sur toile, 200 x 400 cm, 2012
       collections documentaires réunissant des archives privées,
       une bibliothèque sur l’histoire de la Caraïbe et des fonds
       iconographiques. Enfin, elle contribue à la protection du
       patrimoine créole avec la mise en valeur de l’architecture
       traditionnelle.




       www.fondation-clement.org                  Habitation Clément
                                                  Le François - Martinique
       www.facebook.com/fondationclement          Tél. : 05 96 54 75 51



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  • 3. Trace d’existence Ismael Mundaray Fondation Clément 18 janvier > 3 mars 2013 Textes de Lise Brossard et Eduardo Planchart Licea Photos de Claudia Mundaray et Ismael Mundaray CAT_Mundaray_36p.indd Sec1:1 9/01/13 10:37:45
  • 4. Penumbra con Silla y Zapatos Rojos, acrylique sur toile, 200 x 200 cm, 2009 2 CAT_Mundaray_36p.indd Sec1:2 9/01/13 10:37:48
  • 5. Trace d’existence Eduardo Planchart Licea L’horizon, avec sa chromatique évanescente, sépare la terre du ciel et nous transporte sur le terrain du mythe, vers des ruptures avec le temps où les forces célestes et telluriques, humaines et divines fusionnent entre elles, où la dualité jour/nuit, actif/passif donne l’impression de disparaître. De cette optique, Ismael Mundaray imagine et peint la diversité dont les traces de l’existence sont imprégnées. Une vision minimaliste qui dématérialise l’accessoire : murs, portes, toits… afin de nous faire pénétrer dans notre véri- table foyer : le cosmos. L’artiste crée des espaces et des temps de poésie visuelle. Ces révélations se heurtent à des sentiments qui vont du sublime à l’apparemment insignifiant. C’est ce que nous voyons sur la toile intitulée Présence et absence, 2010 où un sac nous est présenté tel un déchet intégré dans un paysage éthéré ; en contrepartie, en raison du contexte pictural, ce sac devient le signe d’un objet courant, humanisé par le contact quotidien de son propriétaire absent. De cette façon, il cache ses énigmes dans des plis et se confronte, au loin, à l’horizon où nous entrevoyons un groupe d’arbres qui expriment le pouvoir de la Nature. Ce sera par conséquent la trace d’une absence que l’Art va transformer au moment où il défie le spectateur d’assumer ce sac comme le sac de n’importe lequel d’entre nous, de par le caractère archétypal de la composition. Un épisode propre à la mythologie préhispanique est la rébel- lion des objets, narrée dans le Popol-Vuh, lorsque les pierres à broyer et les sièges sont malmenés par leurs créateurs, moment où l’humanité manque de considération envers son entourage culturel. L’ethnographie du quotidien fait ressortir une façon d’être, où peu d’objets échappent à ce rapport d’aliénation qu’Hegel appellerait « la conscience malheureuse » ou « la conscience scin- Mirando al horizonte VII (Regardant l’horizon), acrylique sur toile, 56 x 66 cm, 2010 dée » ; c’est le manque de rationalité lié à la cohabitation, propre aux 3 CAT_Mundaray_36p.indd Sec1:3 9/01/13 10:37:49
  • 6. cultures traditionnelles qui existent dans une conception du temps, vie en tant que signal émotionnel, vie qui se transforme en un cyclique et non linéaire. présent éternel lorsque l’artiste, prend à son compte à travers l’histoire de la peinture, les réussites des impressionnistes et L’artiste transmet cette atmosphère à la série Présence et post impressionnistes et les couleurs osées telles que celles des absence lorsqu’il incorpore à son langage des objets qui se meu- peintres fauves, dans l’objectif de créer de nouveaux langages vent dans cette dialectique et lorsqu’il projette quelque chose expressifs. au-delà d’eux-mêmes : des traces d’existence. C’est une quête sans relâche pour transformer la peinture en émo- Les rares figures humaines de ces tableaux se trouvent de dos, et tion, une émotion qui résonne dans l’Être. On se trouve face à sont associées à l’objet qu’elles « spiritualisent » dans un train- l’impression spirituelle d’où se dégage l’ambiance de mystère train quotidien. Tel est le cas dans le tableau Rousse en silence, perçue dans ses toiles ; celles-ci transmettent une sensation de 2009 où l’on voit un fauteuil entre des horizons, et où apparaît transcendance, présente dans les tableaux de Mark Rothko par une femme ; de même pour quelques récipients que l’on saisit les variations de formes simples lévitant dans des espaces et délicatement lors des rituels de la vie quotidienne et qui possè- temps chromatiques. dent un sens spécial dans la vie de l’artiste, tel que nous le voyons dans Autoportrait, 2009. De même, s’extériorise-t-elle dans l’esprit de la photographie nord américaine du nouveau paysagisme, qui tente de faire un Mundaray, propose dans ces séries, la nécessité de racheter contre poids émotionnel à l’omniprésence de la violence et à notre sensibilité afin de générer une relation d’harmonie avec l’accélération des rythmes de vie ; la photographie Moonrise, le cosmos dans un ici et maintenant. Il propose aussi de rejeter Hernández, New Mexico, 1941 en est l’exemple même. Cette cette façon d’être et d’agir qui, ne concevant pas de liens d’iden- image, prise avec un grand angle, a permis de créer des fran- tité avec l’univers et ses cycles, a transformé la planète en une ges de nuées horizontales baignant la pleine lune qui illumine le immense benne à ordures où tout devient remplaçable, êtres cimetière d’un petit village. humains inclus. Voici une proposition qui transmet, à travers couches de couleurs De là, le manque d’amour et de pitié -au sens rousseauiste- qui et coulures, d’impénétrables profondeurs sous la forme d’échos domine la civilisation occidentale, le succès des discours ségré- et de fonds d’objets, surlignés et peints. gationnistes , la haine et la justice, comprise comme relations de Des résonances émotionnelles de la mémoire et du rêve … pouvoir interactif ; tout cela parce qu’on a prétendu imposer aux S’établit alors chez l’artiste un changement de cap dans son autres un temps mathématique, mesurable, contrôlable, un temps langage esthétique ; il n’est pas devant la quête de l’essence de qui s’oppose aux rythmes cosmiques dans lequel les secondes, la trace de l’homme sauvage mais face à une ethnographie du minutes et heures sont dépourvues de sens ; surtout devant les quotidien ; face à des fauteuils, récipients, souliers, chaussons échelles de l’espace et du temps qui laissent entrevoir, dans les qui se trouvent entre des temps et des espaces intériorisés... ainsi cycles de l’univers ou lors de la naissance et la mort d’une étoile, génère-t-il un processus de rapprochement vers l’humanisation un système planétaire. Ce sont des réalités qui se conjuguent et apportée par chaque objet. le tout s’exprime dans ces horizons intemporels. Chacune des toiles de ces séries présente des traces des présen- Ce n’est pas la rencontre kantienne de la chose en soi, tendant à ces et absences qui confrontent le spectateur aux rythmes de la l’isolement de l’objet et sa perception dans l’espace et le temps 4 CAT_Mundaray_36p.indd Sec1:4 9/01/13 10:37:51
  • 7. en tant qu’a priori, mais, nous sommes face à la réalité empi- de coups de pinceau ocre mettent en relief la surface, véhiculant rique et concrète où l’on se repose, on rêve, on souffre et on rit l’idée de sabliers, lesquels matérialisent la temporalité ; ainsi se dans un espace temps intégré à la réalité. confrontent le jour et la nuit avec leurs cycles. On est devant la nuit de l’âme et face à la réalité physique du jour. À travers cette La toile Absence et présence, 2009, représentant un fauteuil figure de style, le concepteur exprime les divers plans de l’exis- rouge jouxtant trois récipients, projette de la joie, par la force tence et leurs connexions dans notre psychisme. de sa couleur, deux textures de rouge. C’est le lieu de repos Dans les horizons et leurs dégradés chromatiques, ainsi que de n’importe qui et, en même temps, une présence qui est une dans les dégradés des cieux sombres, s’entrecroisent des fran- absence. Cela nous mène vers l’autre, vers ces intervalles exis- ges de bleus créant des nocturnes pleins d’énigmes, diffusant la tentiels d’isolement dans lesquels le sujet se meut dans toute sensation d’univers spirituels, des dimensions parmi lesquelles sa globalité, comme ceux qui, très à l’aise, s’affalent dans les se trouvent à l’affut nos rêves et nos cauchemars. couches d’un confortable fauteuil tout en jouissant de leurs uni- vers intérieurs. Dans chacune de ces toiles, nous retrouvons la Dans la toile Pénombre avec chaise et soulier rouge, 2009, tension entre « présence » et « absence ». Ce sont des objets qui un triangle visuel domine la composition : le fauteuil en bois se meuvent sur des plans de solitude poétique, loin du surréa- avec coussin, une paire de souliers rouges à talon aiguille et la lisme ; ces objets ne cherchent pas à créer des liens inconscients pleine lune à l’horizon. L’éclat de ses reflets dématérialise la ou liés à des rêveries mais à nous confronter à des dimensions en terre et la transforment en aquosité. Temps et espace suspendus. rapport avec eux-mêmes et que le temps et l’espace ignorent. Des éléments esthétiques seront recréés dans l’imagination du Tout imprégné de cette passion, l’artiste joue avec la couleur. spectateur, n’importe quel récit insolite peut se concrétiser par L’œuvre se transforme en jouissance chromatique allant des l’ambiance picturale et fantomatique. jaunes terre jusqu’aux divers tons de gris, des dégradés qui génèrent un discours visuel inquiétant. Ces scènes énigmatiques sont accentuées par les contrastes de couleur allant des bleus foncés et clairs vers des traits couleur Des années durant, l’artiste s’est consacré à observer notre lilas, entrecoupés de coups de pinceau ocre, créant ainsi la notion Orénoque et ses peuples et cultures, créant ainsi une des de transformation associée au temps. Le mouvement puissant, œuvres les plus solides au Venezuela en rapport avec cette que l’œuvre transmet, est renforcé par des tracés horizontaux thématique ; en effet, son regard est allé à la rencontre de l’an- qui font que les objets composites se trouvent dans des atmos- cestral. Durant cette étape, l’artiste créateur prend en compte la phères d’une solitude poignante ; ces tracés dématérialisent et contemporanéité, sa culture matérielle dans un contexte lié à un spiritualisent les objets de la vie de tous les jours. espace et un temps spécifiques, les vécus de l’humanité actuelle Le soulier devient un thème récurent, tel la présence d’un aban- face à des réalités luttant entre elles : la matière et l’esprit, l’être et don, ou celle de quelqu’un qui a laissé la trace de son existence. le néant. La peinture en tant que telle se transforme en thème dans Nous sommes face à des créations poético-picturales qui se le but de générer une tension entre l’objet et les climats émotion- réfèrent à un élément millénaire de l’humanité. nels. Les coulures, provenant de la trace laissée par l’acrylique sur la toile, prennent l’apparence de stalactites éthérées et nous C’est ainsi que les chaussures rouges de sport que nous retrou- transmettent la conception de la temporalité tellurique. vons dans le tableau Présence absence pleine lune, 2010, devient le centre de la composition à côté de la pleine lune, mi cachée Dans l’œuvre Le jour et la nuit, 2009, les trois céramique cerclées par des nuées sur la partie supérieure et par des arbres fanto- 5 CAT_Mundaray_36p.indd Sec1:5 9/01/13 10:37:51
  • 8. matiques dont les troncs sont entourés de halos chromatiques Dans la toile Regardant l’horizon, 2011, le bleu d’un fauteuil transmettant une mystérieuse apparence. Dans ce contexte on peint de dos, domine avec suprématie les jaunes des paysa- se croirait devant les chaussures d’un voyageur contemporain, ges et des horizons incandescents. Au fond, trois céramiques d’un Hermès citadin. placées dans une composition triangulaire s’intègrent à l’horizon ; elles sont surlignées de rouge dans une œuvre à format horizon- Dans Regardant l’horizon, 2010, une paire de souliers noirs de tal qui exprime les rêveries du personnage absent auquel s’ajou- femme, placée au niveau de l’angle inférieur du tableau, se trans- tent quelques éléments humanisés par leur quotidien. forme en centre visuel ; ceci est une beauté imprégnée de silence, d’absence, de plans de réalité superposés. L’axe visuel souliers- « Voici comment se développe l’ensemble de mon œuvre : lune s’unit en une ligne imaginaire qui les met symboliquement une ligne coupe la toile en deux parties. Une barre noire et en en relation. Nous pourrions nous trouver devant un être humain dessous un monde clair et sablonneux, ocre, habité par des fan- désincarné qui se repose, et les fragments objectaux expriment tômes. Ces quelques objets abandonnés çà et là par on ne sait une présence, du fait que la pleine lune est par excellence le sym- qui, sont en effet des fantômes. De plus, un jour, il advint que bole de la féminité et des cycles de fertilité à travers lesquels se quelqu’un bute dans ces récipients… » Ismael Mundaray, 2011. génère la vie. Nous nous trouvons face à l’éternel féminin et les mythes qui l’entourent, dilués dans des horizons. Nous sommes face à des horizons poétisés ; entre traces d’exis- tence et d’absence qui nous mènent à recréer les instants Pour Kandinsky, le bleu génère des mouvements d’éloignement éternels de nos vies, où le temps et l’espace se brisent, laissant le et de rapprochement qui mènent l’homme près de la pureté et passage à notre propre globalité du quotidien à laquelle Ismael l’infinitude. Nous retrouvons ces interprétations dans Présence Mundaray nous confronte dans chacune de ces œuvres. et absence, 2010, où la composition a pour dominante des sou- liers bleus à hauts talons. La couleur bleue est la plus profonde des toutes les couleurs, et dans la Nature elle est associée au vide, par exemple le bleu du ciel, des eaux, de l’intérieur d’un diamant. Le bleu dématérialise, rend les formes et les fonds picturaux plus légers et spirituels. Se situer dans les tons de bleu équivaut à passer de l’autre côté du miroir. Tel qu’on le montre dans une multitude de mythes et contes de fées où l’on part à la recherche de l’oiseau bleu ; on retrouve ces souliers dans d’autres toiles de l’artiste, mais dans ce contexte-ci, ils sont un symbole d’extase amoureux, d’autant plus que nous observons à leur base une ligne ocre qui vire presque au rouge, couleur de la passion. Des couleurs qui, une fois combinées, expriment la hiérogamie. Ainsi, Jean Chevalier nous rappelle que Gengis Khan, grand fondateur de la dynastie mongole, est né de l’union du loup bleu et de la biche jaune fauve. 6 CAT_Mundaray_36p.indd Sec1:6 9/01/13 10:37:51
  • 9. Presencia y Ausencia en Claro de Luna, acrylique sur toile, 200 x 200 cm, 2009 7 CAT_Mundaray_36p.indd Sec1:7 9/01/13 10:37:51
  • 10. « le cosmos, pour nous qui vivons sur la Terre, se manifeste à travers un ensemble d’éléments récurrents, le ciel et la terre et par une ligne qui les unie et les divise à la fois, à savoir, l’horizon. Enfin, il existe cette alternance entre le jour et la nuit, le jeu des ombres et les formes vives et lumineuses, la présence et l’absence, une alternance qui donne un rythme à notre vie et la conditionne en même temps. ». Ismael Mundaray Esperando, Buscando el Horizonte, acrylique sur toile, 200 x 300 cm, 2012 8 CAT_Mundaray_36p.indd Sec1:8 9/01/13 10:37:52
  • 11. 9 CAT_Mundaray_36p.indd Sec1:9 9/01/13 10:37:55
  • 12. Presencia y Ausencia de Día, acrylique sur toile, 100 x 100 cm, 2011 10 CAT_Mundaray_36p.indd Sec1:10 9/01/13 10:37:56
  • 13. « comment placer un objet dans un espace qui est à la fois plein de ciel et vide de tout ?... Pourquoi la sensation la plus pure se manifeste-t-elle pendant ces moments où la solitude fondamentale rencontre le silence du ciel ? Pourquoi la perception est-elle toujours tourmentée par le spectre de l’invisible ? ». Ismael Mundaray Clair de lune X, acrylique sur toile, 75 x 90 cm, 2008 Mirando el crepusculo desde el sofà, acrylique sur toile, 56 x 66 cm, 2012 11 CAT_Mundaray_36p.indd Sec1:11 9/01/13 10:37:57
  • 14. Babouche, acrylique sur toile, 200 x 200 cm, 2009 Escarpins bleus en claro de Luna, acrylique sur toile, 200 x 200 cm, 2009 12 CAT_Mundaray_36p.indd Sec1:12 9/01/13 10:38:01
  • 15. Presencia y ausencia II, acrylique sur toile, 56 x 66 cm, 2012 13 CAT_Mundaray_36p.indd Sec1:13 9/01/13 10:38:05
  • 16. Tostadora, acrylique sur toile, 68 x 68 cm, 2008 La plancha, acrylique sur toile, 68 x 68 cm, 2008 14 CAT_Mundaray_36p.indd Sec1:14 9/01/13 10:38:06
  • 17. Nivea, acrylique sur toile, 68 x 68 cm, 2008 La ducha, acrylique sur toile, 68 x 68 cm, 2008 15 CAT_Mundaray_36p.indd Sec1:15 9/01/13 10:38:09
  • 20. Page précédente : (à gauche) Claro de Luna con Sillones y Bolws, acrylique sur toile, 200 x 200 cm, 2009 / (à droite) Clair de Lune X, acrylique sur toile, 200 x 200 cm, 2006 Recipientes en el Horizon_thé (bolws), acrylique sur toile, 100 x 100 cm, 2010 Rempli de Soleil, acrylique sur toile, 200 x 200 cm, 2012 18 CAT_Mundaray_36p.indd Sec1:18 9/01/13 10:38:19
  • 21. L’Attente, acrylique sur toile, 100 x 100 cm, 2012 19 CAT_Mundaray_36p.indd Sec1:19 9/01/13 10:38:24
  • 22. « le temps, l’espace, la présence et l’absence, le silence, l’existence, les traces de l’Être dans son environnement quotidien ». Ismael Mundaray Recipients en Clair de Lune X, acrylique sur toile, 200 x 200 cm, 2012 Clair de lune VIII, acrylique sur toile, 100 x 100 cm, 2012 20 CAT_Mundaray_36p.indd Sec1:20 9/01/13 10:38:27
  • 23. La pluie est finie III, acrylique sur toile, 100 x 100 cm, 2012 21 CAT_Mundaray_36p.indd Sec1:21 9/01/13 10:38:34
  • 24. Sillón Mirando al Horizonte III, acrylique sur toile, 100 x 100 cm, 2012 22 CAT_Mundaray_36p.indd Sec1:22 9/01/13 10:38:36
  • 25. Le temps, le territoire et l'espace Lise Brossard « Quand cet ailleurs est naturel, quand il ne se loge pas dans les maisons du passé, il est immense. Et la rêverie est, pourrait-on dire, contemplation pre- mière ». G. Bachelard, Poétique de l’espace1 Clair de Lune, Pleine Lune, Clair de Jour, autant de titres qui instaurent un rapport au temps et à la lumière naturelle de la lune et du soleil. La lumière qui préside à la couleur semble, ces dernières années, être au cœur des recherches d'Ismael Mundaray. En effet, après avoir exploré les rives de l’Orénoque pour élaborer Projecto inoco2, puis effectué une Traversée3 symbolique des rives de l’Orénoque aux rives de la Seine où son regard et sa patte puisaient dans un auttre répertoire pour se greffer sur le territoire du fleuve pari- sien, Ismael Mundaray poursuit son travail dans la matière sous les auspices d’une lumière de clair de Lune, de pleine Lune et de clair de Jour. Quelques objets, dont nous parlerons plus loin, habitent certaines toiles, témoins isolés des origines et fidèles compagnons du voyage. 23 CAT_Mundaray_36p.indd Sec1:23 9/01/13 10:38:39
  • 26. Si le système de la série fonctionne, le même se retrouve sans dans les villes, à la fois plus anonymes et plus intimes, ceux qui répétitions. Les déclinaisons amènent à des charnières, des pi- partagent notre quotidien d’occidentaux. vots, des points d’orgue qui sont autant de repères d’une pensée Les paires de chaussures, de femme ou d’homme, font aussi par- en évolution permanente, une pensée de peintre dans la couleur, tie de ce monde de l’intime. Elles protègent, montrent, cachent dans la matière, dans la lumière et dans l’espace du tableau. Un et révèlent un corps, une présence. Chaussures à la fois neuves souffle parcourt l’espace d’une toile à l’autre ainsi qu’un silence et portées, de sport, de ville ou plus sophistiquées, toutes ren- plus ou moins habité, une durée s’installe et avec elle, le temps voient à l’individu qui les a portées ou les portera. Chaussures lui aussi est questionné, interrogé, convoqué. et robes sont apparues avec la « Traversée », objets d’une civi- lisation occidentale, parures présentes dans les vitrines du bord de la Seine ou deuxième peau ? Dans les robes portées par les Le temps dans l’immuable des objets. mannequins de bois sans tête ou à petite boule, le corps de la femme est là. Cette présence féminine parcourt d’autres toiles Des objets, et de leur présence dans le rapport au temps. dans les escarpins et autres petites chaussures. Entre désincar- On peut classer ces objets en plusieurs catégories : des objets nation et incarnation, une femme hante, traverse, habite mais ne « artisanaux » (récipient – écuelle, bol –, théière), des objets ma- semble pas s’arrêter dans cet univers. nufacturés (fauteuil, sac, robe, chaussure, serviette, grille-pain, Tout semble être de l’ordre du passage, du transitoire, suspendu boîte de crème Nivéa, pomme de douche), tous sont liés à la pré- au temps donné par l’ombre portée. Un temps éphémère, durée sence de l’homme (l’artiste, nous, vous, moi ?). du passage de la lune ou du déplacement du soleil ? Quelqu’un Il y a les objets façonnés par l’homme : les récipients en terre de est passé, va passer ? Les sacs, les chaussures, les bols, les fau- différentes tailles. Sont-ils des souvenirs du territoire du fleuve, teuils sont posés, en attente. C’est peut-être en cela que le terme celui des amérindiens ? Groupés par deux, trois ou quatre. Sont- de nomade s’impose. ils l’image du couple, de la famille ou de la convivialité offerte Tous ces objets, mis en scène, semblent bien être le témoin d’une en partage ? Dialogue entre un initié et son maître, ou l’échange présence humaine, impalpable et forte. dans un être-là qui n’est plus mais pourrait l’être ? L’Homme est là, entre deux espaces, entre deux mondes, on se- Le fauteuil, presque omniprésent de la « Traversée » jusqu’à rait tenté de dire entre deux cultures (amérindienne et occiden- aujourd’hui, toujours vide, est étrangement énigmatique. Bien tale), l’artiste en intègre les multiples facettes pour atteindre sûr, il invite le spectateur à prendre place. Quelle place4 ? À pren- l’intemporel, instaurant un ordre entre rêve et apparition, entre dre la place de celui qui l’occupait, celle de l’artiste, celle d’un merveilleux et réalité tangible. autre ou de soi-même. Prendre une place dans le tableau ? Le fau- teuil est une invitation au repos, à la contemplation, à la médita- tion ? Considéré comme un refuge momentanément abandonné De l’espace nomade à l’immensité. où nombreux sont tentés de s’y poser pour un moment de rêve- rie, les yeux errants sur ces horizons sereins. Le petit air désuet, Il s’agit bien d’un entre-deux, de passage, rien n’est figé, les ob- patiné par le corps, de ces fauteuils en cuir posés devant et dans jets se déplacent, l’espace demeure. Espace de transit, escale du ces vastes horizons, orientés face au spectateur ou face à l’hori- voyageur dans lequel le regard est à la fois dans et au-dessus. zon, participe à cette invitation de s’y asseoir à son tour. Au-dessus par rapport au point de vue adopté sur les objets re- Et puis, il y a les objets « manufacturés », ceux que l’on trouve présentés en plongée. L’artiste organise aussi un contraste dans l’échelle des objets isolés et en dialogue. Nous sommes le plus 24 CAT_Mundaray_36p.indd Sec1:24 9/01/13 10:38:39
  • 27. souvent invités à les appréhender dans leurs moindres détails ce Peut-on émettre l’hypothèse qu’en travaillant la lumière « am- qui augmente l’impression d’immensité. Bachelard confirme biante » par des jeux classiques de contrastes (au sens où une cette sensation lorsqu’il affirme que c’est le minutieux, le détail forme claire se travaille sur une zone sombre et vice versa) c’est qui fait paraître l’espace plus grand. tout l’espace de la toile qui va être perturbé ? L’espace devient Ce point de vue conforte peut-être cette impression de sérénité multiple, la continuité est suggérée dans l’éloignement quand car le spectateur est invité à voir de haut, même lorsque l’hori- l’espace littéral s’affirme dans le rapprochement ; de même le re- zon est placé très haut dans la toile, et que le peintre ne réserve gard oscille d’une hauteur d’homme (sur les récipients, les sacs, au ciel qu’une infime place, le spectateur n’est jamais étouffé, les chaussures) au vol d’oiseau déployant l’espace au-delà des l’air circule, l’espace respire dans le temps de la couleur. limites du tableau (sur les territoires indéfinis, les horizons, les silhouettes d’arbres). Par ailleurs, la confrontation de ces étendues aux objets fait co- Entre paysage et nature morte. habiter paysage et nature morte. Le paysage n’est plus là pour évoquer un lieu particulier connu ou reconnu, familier ou pit- Mundaray s’affirme dans ces toiles en peintre, s’inscrivant et toresque. Il n’est pas là non plus pour valoriser le monde rural. renouvelant la tradition occidentale. Ce qui le rattache à cette Peut-on alors l’envisager comme un territoire au sens d’un lieu tradition est à la fois de l’ordre du « métier », du savoir-faire, et que l’artiste s’approprie ? Territoire multiple où l’on retrouve des genres : le paysage et la nature morte. le Fleuve, les Llanos (la région des grandes plaines) par l’éten- S’il maîtrise son « métier », c’est bien dans l’art de structurer due, les couleurs et l’impression d’élément fluide souvent aux son support par un ensemble de matières complexes laissant ap- premiers plans. paraître des surfaces grumeleuses, lisses, plissées, gaufrées, de Le fleuve de l’origine sur lequel sont venus se greffer d’autres manière très subtile au service d’une couleur faite de transparen- lieux à travers les silhouettes d’arbres (cuji, saman, etc.), les ces mates et de coulures savamment maîtrisées. C’est en colo- objets trouvés dans les vitrines ou abandonnés par un voyageur riste accompli que Mundaray superpose teintes et nuances pour distrait (Esperando, Buscando el Horizonte, 2012, Tres Reci- traquer les éclairages particuliers des soirs de pleine lune. Les pientes en Claro de Dia, 2011, Recipientes en el Horizon-thé cieux s’assombrissent dans des anthracites lumineux et denses ; (bolws), 2010, etc.). les espaces aux tons ocrés, limoneux où vert olive, gris colorés, Objets qui nous ramènent à la nature morte, une nature morte jaune de Naples, blancs sablonneux, terre d’ocre ou de Sienne revisitée par le plaisir retrouvé du dessin dans la peinture. Cette se déploient en larges touches. La pâte est souvent aquarellée rencontre entre dessin et peinture est inaugurée, ou tout du moins, dans les premiers plans où les coulures verticales trouvent par- exaltée dans cette série. Le signe pictural associé au « Projet fois leur écho dans des effets similaires sous la ligne d’horizon. Orénoque » a fait place à une pratique qui peut paraître plus Elle est le plus souvent couvrante dans la plénitude de la toile, classique, celle du dessin au pinceau dans la précision des objets. habitée par des surfaces colorées subliminales indéfinissables On sent une certaine jubilation à faire apparaître le détail précis, qui sont comme des altérations exaltantes pour l’harmonie co- minutieux qui va donner à l’objet une certaine personnalité : lorée ou l’espace suggéré. Ce jeu savant de teintes et de matiè- détail des coutures apparentes pour souligner un dossier de fau- res contribue à « creuser » l’espace de la toile lorsqu’on s’en teuil, jeu d’ombre et de lumière sur une lanière ou une pointe éloigne, comme à affirmer sa planéité lorsqu’on s’en approche. de chaussure, sur la couture d’un mocassin, le roulotté d’une Espace fugace, mouvant qui absorbe le regard dans une sensa- boucle de lacet, etc. Cette qualité du rendu dans une touche tion de légèreté. presque hyperréaliste représente une jolie prouesse sur ces sur- 25 CAT_Mundaray_36p.indd Sec1:25 9/01/13 10:38:39
  • 28. faces préparées, et donne aux objets une dimension à la limite du chaque tableau : « Comment la répétition changerait-elle surnaturel. L’éclairage lunaire, a giorno, serait-on tenté de dire, quelque chose dans le cas ou dans l’élément qui se répète, exalte les couleurs en petites touches de teintes saturées à leur puisqu’elle implique en droit une parfaite indépendance de plus haut degré d’intensité (rouge vif, bleu indigo ou jaune d’or) chaque présentation ? »5. sur les objets. De même, cet éclairage amène l’artiste à renforcer les formes dans leurs ombres portées jusqu’à leur conférer une Silencio (Presencia y Ausencia) I de 2002 est une toile de dimen- présence « métaphysique », en référence à G. De Chirico ou à G. sion moyenne, 100 x 100 cm assez emblématique de l’univers Morandi. Chaque objet a son histoire, il est posé là, à une place d’Ismael Mundaray où les éléments se répètent « dans une par- que lui assigne l’artiste, dans un dialogue muet qui s’installe faite indépendance ». Trois éléments sont en présence. Au pre- entre eux, et au-delà, circule entre eux et le spectateur. Chaque mier plan, à droite un mannequin revêtu d’une robe bleue puis, tableau s’offre alors comme un petit poème japonais que l’on légèrement décalée et orientée vers la droite, une paire d’escar- nomme haïku. Tout semble en place pour un moment de poésie pins bleue, plus loin sur la gauche, un fauteuil blanc, vide, aux où l’aspect fugitif et immuable des choses est dit. accoudoirs en bois cintré. Ces trois éléments se détachent sur fond imprécis. Les bandes horizontales dans des tonalités de Les règles du haïku sont précises : il évoque plus qu’il ne décrit sable où les balayages de gris résonnent sur des ocres clairs une situation en tercet de 5, 7 et 9 pieds (en français) ; si l’hu- ne laissent paraître aucune frontière entre ciel et terre. La robe mour et les figures de style sont utilisés avec mesure, le haïku comme moulée sur un corps féminin encore là révèle une impro- doit contenir un kigo, c’est-à-dire une référence à la nature ou bable présence. Ces trois objets tournés les uns vers les autres à une saison ; « pleine lune », « printemps », « plein soleil », si- entâment un étrange dialogue suggéré dans le titre de la série tuent un moment dans le temps et de ce fait, constituent un ex- Présence et Absence. S’agit-il de cette « inquiétante étrangeté » cellent kigo. révélée par Freud6 que l’on retrouve dans les mannequins mis en Le haïku fonctionne sur la juxtaposition de l’immuable et de scène par Giorgio De Chirico ou Alberto Savinio ? « Etrangeté » l’éphémère, sur l’art du détail (choix de l’anodin, du banal, frag- sans doute, tout y est décontectualisé ! mais, « inquiétante » fait ment de vie, souvenir, etc.). écho à un domaine encore plus subjectif où l’angoisse est souvent Les mots ainsi livrés au lecteur le laissent libre d’en choisir le au rendez-vous. Empruntons alors une autre voie pour l’interpré- sens, il en est de même pour les peintures de Mundaray. Une tation « Objets inanimés avez-vous donc une âme ? »7, Lamar- paire de baskets rouges, un écran d’arbres, la lune murmure = tine bien sûr, mais l’apparition de cette mise en scène, renforcée Zapatos Goma Rojos Cl de Luna, 2009. Pour les suivants, il ap- par le halo qui nimbe la silhouette féminine nous renvoie davan- patient à chacun de leur choisir une fin : Un arbre (cuji), le plein tage au réalisme magique de Garcia Marquez. C’est un territoire soleil, trois récipients, … = Cuji en pleno sol con reciepientes de nulle part qui participe aussi bien du songe que de la rêverie XI, 2012. amoureuse ou nostalgique de la femme et de la solitude face au souvenir ou au désir. Lieu abandonné de nos rêves ? Un petit fauteuil rouge dans le lointain, trois récipients auréolés de rouge, une présence rouge, qui bouge ? = L’Attente, 2012 On pourrait ainsi continuer ce petit inventaire à la Prévert, énumérant les bols, les fauteuils, les robes, les arbres invitant le spectateur à compléter le haïku au gré de sa rêverie. Repre- nons cette interrogation de G. Deleuze pour nous réinventer dans 26 CAT_Mundaray_36p.indd Sec1:26 9/01/13 10:38:39
  • 29. Tres Recipientes en Claro de Día, acrylique sur toile, 100 x 100 cm, 2011 27 CAT_Mundaray_36p.indd Sec1:27 9/01/13 10:38:39
  • 30. Renouvellement du paysage ? Pour Ismael Mundaray, c’est à Paris ou à Caracas, dans l’antre Où Mundaray portera-t-il ses pas ? Infatigable poète du dépla- de l’atelier que le paysage se vide de tout objet, seul l’arbre de- cement de quel ailleurs sera la prochaine série ? meure ou plutôt reconquiert l’espace de la toile. De la série Jour de Printemps, Paris 2009-2012 à Cuji en Pleno Sol III, 2012 ou 1 G. Bachelard, La poétique de l’espace, éd. Quadrige/Presses Universitaires de France, 5e éd. 1992, p. 168. encore La Fin de la Pluie, Paris 2012. Les verts s’acidulent, se 2 « Projet Orénoque », exposition du 15 au 30 octobre 1998 au Palais des Congrés réchauffent, pour donner vie à de multiples frondaisons s’organi- de Madiana, Schœlcher, Martinique, qui présentait huit années de recherches sur cette thématique. sant entre masses colorées et rythmes graphiques des troncs dans 3 « Traversée », exposition en 2003, villa Chanteclerc, Fort-de-France, Martinique. la série Printemps, 2012. Recipientes en el Horizonte, 2012 est 4 « Qui va à la chasse perd sa place… » dit la comptine. emblématique d’un passage entre deux séries, les récipients sont 5 G. Deleuze, Différence et répétition, éd. Epiméthée/PUF, 1968, p. 96. encore là, au premier plan, ils ne sont plus que deux et la pa- 6 Sigmund Freud, L’inquiétante étrangeté et autres essais, Paris, Folio essais, 1985. 7 Lamartine, « Objets inanimés avez-vous donc une âme ? Qui s’attache à notre âme lette a complètement changé. Les couleurs sont plus franches, et la force d’aimer ? » Milly ou la terre natale, 1826. les verts plus saturés, au loin une haie d’arbres crée franchement 8 G. Bachelard, op. cit., p. 172. une frontière entre ciel et terre. Le paysage s’émancipe, au fil des siècles pour devenir un genre autonome dans la peinture occidentale. Il sert souvent de prétexte à l’artiste pour s’affirmer dans un rapport presque démiurgique avec la Nature comme chez les Romantiques allemands ou an- glais. Au milieu du XIXe c’est encore une autre histoire. Chez Is- mael Mundaray l’affirmation de soi est sans doute présente, mais au-delà il s’agit davantage d’exprimer un rapport au territoire, de retrouver ces vastes étendues qui ont clôturé son regard vers l’infini, là où le ciel, la terre et l’eau se rejoignent. Il semble que le pinceau à la main, l’œil rivé dans la couleur, inlassablement Ismael Mundaray cherche à retrouver ces rencontres éphémères, mouvantes, changeantes entre ciel et terre limoneuse. Tierra Arada, 2012, A Pleno Sol, 2012, Jour de Printemps VI, 2012. Pour conclure cette déambulation contemplative, rejoi- gnons Bachelard qui formule ceci : « Dans de telles rêveries qui s’emparent de l’homme méditant, les détails s’effacent, le pit- toresque se décolore, l’heure ne sonne plus et l’espace s’étend sans limite »8. L’aérien est toujours là, dans la fluidité de la touche et l’évanes- cence des couleurs, mais l’ailleurs est autre ? Dans l’effacement se profile peut-être le passage à quelque chose d’autre, d’indéfi- nissable, encore en gestation. 28 CAT_Mundaray_36p.indd Sec1:28 9/01/13 10:38:43
  • 31. « l’énigme de nos vies, le jour et la nuit, l’horizon et l’apparition de la lune et du soleil, celui de la perception tracée par ces lignes qui s’étirent devant le regard, celui de nous sentir libres et prisonniers à la fois telle une maison sans mur, tout comme mon cœur inconnu et secret. » Ismael Mundaray La Fin de la Pluie, acrylique sur toile, 200 x 200 cm, 2012 La pluie est finie IV, acrylique sur toile, 100 x 100 cm, 2012 29 CAT_Mundaray_36p.indd Sec1:29 9/01/13 10:38:43
  • 32. Cují en Pleno Sol Con Recipientes XI, acrylique sur toile, 200 x 200 cm, 2012 A Pleno Sol, acrylique sur toile, 100 x 100 cm, 2012 30 CAT_Mundaray_36p.indd Sec1:30 9/01/13 10:38:50
  • 33. Cuji en Pleno Sol III, acrylique sur toile, 200 x 300 cm, 2012 31 CAT_Mundaray_36p.indd Sec1:31 9/01/13 10:39:06
  • 34. Ismael Mundaray Né en 1952 à Caripito, état de Monagas, au Venezuela. Sa vie, Expositions individuelles (sélection) : un tant soit peu nomade par les changements de résidence de la 2011 Le Jour et la Nuit, Madiana Palais des Congrès, Schœlcher famille, est marquée par différents lieux où il réside, spécialement Le Jour et la Nuit, Allegro Galerie, Panamá 2010 Il est mort le soleil, L’atelier Z, Centre culturel C. Peugeot, Paris près de la grande rivière Orénoque et des communautés indigènes 2009 Présence et Absence, Heart Galerie Paris, Hot Art Fair, Bâle du Delta. Cet impact apparaîtra plus tard dans son œuvre plastique. Clair de lune, Galerie T&T, Basse-Terre Depuis l’enfance, il a montré un clair penchant pour l’art, mais il 2008 Paysages de la mémoire, Allegro Galeria, Panamá fait des études d’ingénierie à l’Université centrale du Venezuela, études qu’il abandonne avant de présenter sa thèse. Il commence à Expositions Collectives (sélection) : 2012 Origenes, Fundation BBVA Provincial, Caracas étudier et à pratiquer des techniques graphiques et de là il s’orien- Figurations Caribéennes 2 ème Édition, Palais des sports te vers la peinture, à laquelle il consacre depuis tout son temps. et de la Culture, Gosier Mundaray a toujours été préoccupé par des sujets de l’actualité 2010 Rêves Lucides, Allegro Galerie, Panamá nationale, il a traité des thèmes qui vont du cacao en passant par 2009 Soleil D’eau, Alegro Galerie, Panamá le syncrétisme religieux, la légende des peuples, jusqu’aux cosmo- Foires nationales et internationales (sélection) : gonies et la vie domestique de différentes communautés indigènes 2012 FIA, Foire Latino-américaine d’Art, présenté par vénézuéliennes. Son œuvre s’insère dans des langages picturaux la Galerie Dimaca, Caracas contemporains qui le place parmi les plus importants créateurs 2010 Hot Art Fair présenté par Heart Galerie, Bâle vénézuéliens. 2006 Art Rotterdam présenté par la Galerie Latinart Holland Art Fair présenté par Galerie Latinart Art Dubai présenté par la Galerie Latinart Parcours (sélection) : Galerie Kaj Forsblom, Francfort, Allemagne 1976 Il fait ses études à la faculté d’ingénierie, université centrale du FIA, Foire Latino-américaine d’art présenté par Venezuela, Caracas. la Galerie Sin Limite, Edo. Táchira, Venezuela 1987 - 1989 et 1992 - 1993 Il travail en tant qu’enseignant au dépar- tement d’art de l’École régionale d’arts plastiques de la Martinique, Fort-de-France. Remerciements à Bernard Hayot et la Fondation Clément, Famille Bruère-Dawson, Marc Rozas, Richard-Viktor Sainsily Cayol et Lise Brossard. 32 CAT_Mundaray_36p.indd Sec1:32 9/01/13 10:39:08
  • 35. « Voici comment se développe l’ensemble de mon œuvre : une ligne coupe la toile en deux parties. Une barre noire et en dessous un monde clair et sablonneux, ocre, habité par des fantômes. Ces quelques objets abandonnés çà et là par on ne sait qui, sont en effet des fantômes. De plus, un jour, il advint que quelqu’un bute dans ces récipients … » Ismael Mundaray 33 CAT_Mundaray_36p.indd Sec1:33 9/01/13 10:39:14
  • 36. Catalogue publié par la Fondation Clément à l’occasion de l’exposition Trace d’existence d’Ismael Mundaray du 18 janvier au 3 mars 2013 Fondation d’entreprise de GBH, la Fondation Clément mène des actions de mécénat en faveur des arts et du patrimoine culturel dans la Caraïbe. Elle soutient la création contemporaine avec l’organisation d’expositions à l’Habitation Clément, la constitution d’une collection d’œuvres représentatives de la création caribéenne des dernières décennies et la co-édition de monographies sur les artistes martiniquais. Elle gère aussi d’importantes Conception graphique : studio Hexode - Huellas de existencias, acrylique sur toile, 200 x 400 cm, 2012 collections documentaires réunissant des archives privées, une bibliothèque sur l’histoire de la Caraïbe et des fonds iconographiques. Enfin, elle contribue à la protection du patrimoine créole avec la mise en valeur de l’architecture traditionnelle. www.fondation-clement.org Habitation Clément Le François - Martinique www.facebook.com/fondationclement Tél. : 05 96 54 75 51 CAT_Mundaray_36p.indd Sec1:34 9/01/13 10:39:21