2. Questions à discuter en classe
Quelle est la différence entre la vérité et la réalité?
Quel est le contraire de la vérité ?
3. Théories de la vérité
La vérité est souvent présentée comme un idéal de correspondance
exacte entre les mots (langage) et les choses (le réel, la réalité) : est-
ce possible? Oui pour « positivistes », non pour « constructivistes »
• Position positiviste (ambition scientifique classique): trouver un
langage qui décrirait le monde tel qu’il est « en lui-même », hors de
tout point de vue ancré dans une culture, dans l’histoire. Il y a une
vérité qu’on peut « découvrir » à l’aide de la méthode scientifique.
• Position constructiviste: les discours qui prétendent décrire la
vérité font toujours partie des médiations du langage et de la culture:
ils restent une production humaine ancrée dans l’histoire et
l’espace. Ce sont des énoncés, au même titre que des vers de poésie
ou des paragraphes de romans, qui obéissent à des conventions et à
une rhétorique. Ils font partie de la « construction sociale de la
réalité ».
4. La science
Pour les positivistes : elle seule permet d’avoir accès à la
vérité, car elle ne souffre d’aucun biais. Son langage doit être
« épuré » de tout ce qui est local et culturel. Elle est neutre.
Pour les constructivistes :
La science est un savoir humain parmi bien d’autres, mais qui a
des prétentions universelles et qui bénéficie de ressources
énormes et d’un prestige social très élevé : l’expertocratie
(même si on découvre actuellement les points faibles des
scientifiques).
Un fait scientifique est un artefact (fabriqué par l’humain) pour
rendre compte de manière très précise d’un aspect de la réalité
qui intéresse son auteur (le/la chercheur-e).
5. Construction sociale/maquillage de
la réalité
À la base de la communication, il y a des médiations
entre un humain et ses sensations puis ses idées (les mettre en mots)
entre les humains (échanger)
entre les humains et leur environnement (décrire, analyser)
Ces médiations sont comme le positionnement de la caméra lors
d’un tournage : la façon dont elles montrent ou décrivent le réel est
toujours déjà en même temps une interprétation, un message
(Merida).
L’effet Rashomon (film de Kurosawa)
L’euthanasie: façon de se débarrasser de bouches inutiles ou
sollicitude envers ceux qui veulent mourir dignement
La notion de performance : se dépasser ou écraser les autres
Toutes ces médiations, ces énoncés reliés entre eux, ces « discours »
« construisent la réalité » qui n’est pas immédiatement accessible en elle-
même.
La construction sociale de la réalité est le processus langagier ou
discursif par lequel les humains recouvrent le monde de leurs mots, de
leurs explications, de leurs croyances, de leurs images etc.; c’est la base
de la socialisation, ce qu’une personne doit apprendre quand elle voyage
ou émigre.
6. Vérité et pouvoir
Identifier un discours, un ensemble d’énoncés, comme étant LA
vérité unique ou faire croire au public que sa vérité EST la réalité,
c’est une forme d’exercice du pouvoir.
« Gouverner, c’est faire croire » (Machiavel)… À notre époque, il
faut avoir l’air de dire le vrai pour être cru et suivi : le pouvoir de
véridiction (Foucault), de dire le vrai.
Jean-Jacques Rousseau : « Le premier qui, ayant enclos un terrain,
s'avisa de dire : Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples
pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de
crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d'horreurs n'eût
point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou
comblant le fossé, eût crié à ses semblables : Gardez-vous d'écouter
cet imposteur ; vous êtes perdus, si vous oubliez que les fruits sont à
tous, et que la terre n'est à personne" (Discours sur l'origine et les
fondements de l’inégalité parmi les hommes, 1754).
7. Vérité et objectivité, exactitude
L’objectivité n’est pas la vérité : elle se construit de manière
intersubjective, au croisement des regards et des points de vue.
Notion de véracité, d’exactitude. Mais on reste toujours dans le
langage, dans l’humain, donc dans la communication.
Maquiller le réel (constante de la communication) = exprimer un
point de vue sur le réel.
Défi pour l’éthique journalistique : rendre compte objectivement et
équitablement de tous les points de vue et des faits (la réalité).
Défi pour les relations publiques et la publicité : travailler sur les
« angles » de prise de vue, sans mentir
Ça se complique quand la référence est le savoir scientifique ou
l’expertise : concept de « maladie mentale » et idée que la dépression
est un problème biologique qui nécessite un traitement médicamenté.
8. Mensonge et erreur
Mensonge = induire autrui en erreur volontairement
Puisque c’est un acte conscient et voulu, il doit être soumis à
la réflexion morale comme tout acte, toute décision: souci
des conséquences, etc.
Un réflexe de survie? Daisy et Elsa
Des zones d’ombre et de lumière : qui tranche? Quelle vérité
s’impose?
Pour Foucault, l’aveu et la confession ont pour but de produire
une vérité qui sert de base à l’identité. Choisir une vérité parmi
celles d’une identité plurielle, c’est ce qui permet de se mentir
à soi-même.
La question des changements climatiques et du « scepticisme »
Le mensonge politique : de la Commission Charbonneau au
nazisme et autres régimes totalitaires
9. Nazisme et propagande
Fin de la première guerre mondiale, traité de Versailles: les
Allemands vaincus sont humiliés et doivent payer un lourd
montant de réparations. Crise économique ravageuse en 1930.
Désir d’une figure paternante, sécurisante, exaltante qui propose
un idéal pour se sortir de l’humiliation et de la crise : Hitler
Sa stratégie : identifier un bouc émissaire et le détruire pour
« compenser » l’humiliation : nécessité de créer une rhétorique
raciste convaincante en mobilisant les médias
Théorie du Grand mensonge (Mein Kampf)
Singularité de ce génocide: mettre au service de la destruction une
organisation solide et efficace, performante: la bureaucratie du
génocide (Modernity and the Holocaust, Z. Bauman)
EXPOSÉ
10. Mensonge et politique : contre la
démocratie et les libertés
Dans le contexte totalitaire, propagande = outil de « relations
publiques » et de « publicité » pour fasciner les foules et éteindre
leur esprit critique, leur entendement.
Tous les moyens de relations publiques et de publicité sont
mobilisés, mais pour une fin immorale: discours, slogans, films,
art, etc.
• Texte de Koyré, 1943 (Le grand mensonge) : le mensonge
comme outil politique pour « endormir » les citoyens et leur
esprit critique
• Exemples récents: les armes de destruction massive en Irak.
D’autres exemples?
• Les mensonges finissent souvent par se faire démasquer
• Importance politique du journalisme pour démasquer les
mensonges.
• Exemple des radios de paix en Afrique
11. Bilan: La fin et les moyens
• La fin (finalité, objectifs, buts) et les moyens: un vieux débat
moral, mais typique de la réflexion éthique : la fin justifie-t-
elle les moyens? (questionnement de type déontologique)
• Inversons la question : des moyens moralement corrects
deviennent-ils immoraux s’ils sont destinés à une fin
immorale?
• Autre perspective (conséquentialiste): Est-il immoral
d’ignorer ou de ne pas se soucier des effets produire par les
moyens que nous choisissons pour réaliser une finalité
« bonne » ?
• Encore une fois, la question des limites est posée : quels
moyens sont acceptables pour quelle finalité?
12. Quelques repères pour la pensée
Toujours refuser de séparer la question de la finalité et
celle des moyens (par exemple refuser de ne débattre
que de la finalité, puis réfléchir aux moyens ensuite).
Un moyen n’est qu’un moyen: il prend tout son sens social et
moral quand il est associé à une finalité.
Analyser très soigneusement la finalité d’une action : qui la
définit? Qui définit les critères ou les valeurs à l’origine de la
finalité? Quel pourrait être l’impact de cette finalité sur le bien
commun? Quels moyens seraient acceptables pour la réaliser?
Ajuster les moyens à la finalité, et non l’inverse = ne pas
imposer une finalité parce qu’un moyen la rend
possible
Tuskegee et la syphilis
Notas do Editor
Mensonge de Bush sur les armes de destruction massive