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Dossier n°1 – Philippe Migault – 5 janvier 2023 –
Budget des Armées
Budget des armées : la France reste loin du compte
Philippe Migault
Institut Brennus.
Le tragique conflit russo-ukrainien aura eu du moins le mérite de délier les langues en portant à
l’intention du grand public des faits connus de tous les experts, mais systématiquement niés ou
minorés par les gouvernement successifs.
L’armée française n’est plus une force ayant les capacités de peser en Europe. Faute d’effectifs et de
systèmes d’armes suffisants, elle ne serait pas capable de tenir plus que quelques jours un front de 80
kilomètres seulement dans le cadre d’un conflit de haute intensité similaire à celui qui oppose Russes
et Ukrainiens.1
Nous ne sommes plus capables de faire face à certaines puissances que dans le cadre
d’une coalition intégrant les moyens américains.
Le mythe du couple franco-allemand s’effondre. Même les médias commencent à relever la volonté
allemande de faire cavalier seul en matière d’énergie et de défense.2
Les notions d’Europe de la
défense et d’Europe puissance si chères à la France, mais à elle seule, semblent aujourd’hui
condamnées, compte tenu de l’influence retrouvée des Etats-Unis via l’OTAN sur le Vieux continent.
Inutile cependant de désespérer. D’abord parce qui allait sans dire va mieux en le disant et que les
débats portant sur notre défense nationale n’en seront que plus clairs. Ensuite parce que la France
peut rebondir. Elle dispose de capacités, de savoir-faire et de savoir-être uniques au sein de l’UE, aussi
bien du point de vue de ses forces armées que de celui de son appareil militaro-industriel. Le
paradigme actuel, marqué en Europe par un repli de chacun sur ses propres intérêts, peut être une
occasion à saisir pour rebâtir une armée plus puissante, plus performante encore, adossée à une
industrie de défense renforçant son leadership technologique tout en suscitant de très nombreux
emplois hautement qualifiés, atout majeur dans le cadre de la volonté générale de réindustrialisation
du pays. La France doit simplement conjuguer un volontarisme politique strictement centré sur la
poursuite de ses intérêts nationaux et une stratégie de redressement claire.
Elle doit en premier lieu déterminer quelles sont les menaces.
Identifier ensuite, d’une part les forces dont nous disposons afin de les conjurer, d’autre part les failles
dont un adversaire peut jouer.
Définir, enfin, les moyens humains, matériels, financiers, les savoir-faire et les savoir-être, dont nous
avons besoin pour combler nos lacunes, restaurer notre influence et notre crédibilité.
Quelles menaces ?
Les différents textes officiels (loi de programmation militaire, revue nationale stratégique…)
énumèrent trois menaces principales.
La première, la plus grave, à laquelle nous sommes confrontés depuis près d’une quarantaine d’années
est le terrorisme islamiste. Près de 300 morts, hommes, femmes, enfants, plus de 1 600 blessés : Celui-
ci a fait plus de victimes, provoqué plus de drames au cœur de notre sanctuaire national qu’aucun
1
https://www.valeursactuelles.com/societe/en-cas-de-conflit-majeur-larmee-francaise-ne-pourrait-tenir-que-
80-km-de-front-seulement
2
https://www.france24.com/fr/europe/20221020-%C3%A9nergie-avion-de-combat-bouclier-antimissile-le-
couple-franco-allemand-dans-la-tourmente
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Budget des Armées
autre adversaire potentiel. A ces victimes, il faut ajouter les dizaines de soldats français tombés au
Sahel ou en Afghanistan contre le même ennemi. Le chef de l’Etat l’a dit : Nous sommes en guerre. Or,
cette guerre est d’autant plus grave qu’elle nous est livrée sur notre propre sol par des individus qui
se prétendent nos compatriotes, recrutés par des idéologues contre lesquels nous refusons de sévir,
financés par des trafics et une grande criminalité contre lesquels nous perdons plus de batailles que
nous n’en gagnons, le tout dans des « quartiers sensibles », cultivant le « séparatisme », dans lesquels
nous n’osons plus intervenir de peur de provoquer. Si nous persistons à ne pas frapper fort dans les
milieux où se recrutent ces terroristes, on ne peut exclure à moyen terme la guerre la plus sanglante
qui puisse se concevoir, celle que se livreraient les « communautés » sur notre sol.
La seconde menace, plus méconnue, provient elle aussi du Dar al-Islam, mais dans un cadre
interétatique, cette fois. Il s’agit de la perspective d’une crise nous opposant à une puissance hostile
hors du cadre européen. Les documents officiels français, dont un excellent rapport de la commission
de défense de l’Assemblée nationale,3
rappellent que la Méditerranée est un espace de tensions sans
cesse croissantes, au sein duquel certains « Etats puissances » investissent lourdement dans leur
appareil de défense, tout en entretenant des relations fréquemment tendues avec la France.
Français et Turcs sont passés à deux doigts de l’affrontement naval au large des côtes libyennes en juin
2020, Libye où les forces turques disposent de bases4
alors qu’Ankara développe des systèmes de
missiles balistiques qui pourraient constituer à terme une menace pour le sud de l’Europe.5
Paris a su
éviter un incident armé. Mais la France n’en a pas moins signé en octobre 2021 un accord de défense
avec Athènes visant clairement la Turquie.
L’Algérie, avec laquelle la France a tenté de signer un traité d’amitié sans y parvenir, ce qui en dit long
sur l’hostilité de la junte d’Alger, a pour sa part multiplié les achats d’armements massifs ces dernières
années. Avec ses six sous-marins russes de type Kilo, tous à même de mettre en œuvre des missiles de
croisière à longue portée6
de type Kalibr, plus ses bombardiers Sukhoï-24M2, eux aussi équipés de
missiles sol-air, de moindre portée, l’Algérie dispose des capacités de frapper le sud de la France depuis
ses eaux territoriales, ou au terme d’un temps de vol très bref. Alger s’efforce simultanément de
constituer une bulle A2/AD (Anti Access/Area Denial) visant à dissuader toute attaque aérienne ou
navale contre son territoire. Pour l’heure les forces armées françaises demeurent supérieures à leurs
homologues algériennes. Mais le rythme des investissements consentis par les autorités algériennes
est tel qu’il pourrait leur permettre à moyen terme de challenger la France en Méditerranée
occidentale si celle-ci ne se donne pas les moyens de conserver sa suprématie.
La troisième menace, l’hypothèse d’un conflit de haute intensité nous opposant à une puissance
majeure, Russie ou Chine, est dans tous les esprits. Elle est pourtant la moins probable.
D’une part parce que le mécanisme de la dissuasion nucléaire joue entre nous et ces puissances.
D’autre part parce que Russes et Chinois ne constituent pas pour la France une menace imminente en
dépit de l’alarmisme général.
3
« Rapport d’information sur les enjeux de défense en Méditerranée », Jean-Jacques Ferrara et Philippe-Michel
Kleisbauer, Commission de défense de l’Assemblée nationale, 17 février 2022.
https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_def/l15b5052_rapport-information
4
https://information.tv5monde.com/afrique/geopolitique-la-turquie-suit-son-plan-en-libye-389372
5
https://www.middleeasteye.net/fr/actu-et-enquetes/turquie-missile-balistique-courte-portee-devoile-
accidentellement-secret
6
https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/algerie/la-capacite-militaire-de-l-algerie-lui-permettrait-de-
bloquer-l-acces-au-detroit-de-gibraltar_4977273.html
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Dossier n°1 – Philippe Migault – 5 janvier 2023 –
Budget des Armées
L’armée russe, pour l’heure, a échoué en Ukraine. En dix mois, elle s’est avérée incapable de vaincre
son homologue, certes portée à bout de bras par les capacités de renseignement, les conseillers
militaires et les livraisons de matériels occidentaux, mais émanant d’une nation très sensiblement
inférieure du point de vue démographique, économique et financier. Nous ne sommes pas confrontés
à la résurrection de l’URSS, dont les milliers de chars et d’avions de combat stationnaient à deux étapes
du tour de France de Strasbourg. Nous assistons au raidissement d’une puissance régionale, dont les
forces sont tenues en échec sur les rives du Dniepr, à près de 2 000 kilomètres de l’Alsace, avec, entre
elles et nous, une Alliance Atlantique qui se proclame régulièrement « l’Alliance militaire la plus
puissance de tous les temps », et que la Russie prend bien garde de défier depuis février 2022.
Le ministère français de la défense évoque des défis plus lointains en Asie. Lesquels ? En quoi nos
intérêts nationaux seraient-ils menacés dans le Pacifique si Taïwan, que nous reconnaissons comme
partie intégrante du territoire chinois,7
venait à tomber ? Nos liaisons maritimes ? Rien ne démontre
que le conflit achevé, elles seraient interrompues en mer de Chine. Les appétits chinois sur notre ZEE
et nos territoires du Pacifique ? Il y a près de 6 800 kilomètres d’océan -plus que l’Atlantique- entre les
rives est de Taïwan et la Nouvelle-Calédonie -à laquelle nous sommes tellement attachés que nous
avons organisés trois référendums d’autodétermination depuis 2018- 7 700 kilomètres jusqu’à Wallis
et Futuna, 10 000 jusqu’à la Polynésie française. Difficile pour Pékin de prétendre que ces zones aient
jamais appartenu historiquement à sa sphère d’influence, comme elle le soutient vis-à-vis d’autres
Etats en mers de Chine et du Japon. Qu’est-ce qui pourrait justifier une guerre entre nous et la Chine,
dans cette zone ne faisant pas partie du champ d’action de l’OTAN ? On imagine mal Pékin attaquer
les Etats-Unis, ce qui justifierait la mise en œuvre de l’article 5 de l’Alliance.
Forces et faiblesses
D’autres menaces existent : cyberattaques, agressions par des armes chimiques ou bactériologiques
par un Etat ou un groupe terroriste bien organisé, pillage des ressources de notre ZEE, trafics d’êtres
humains, d’armes ou de substances illicites.
Mais les moyens militaires permettant de les combattre sont les mêmes que ceux qui sont destinés à
faire face aux périls évoqués supra, soit une combinaison correspondant aux cinq grandes fonctions
stratégiques structurant notre politique de défense telles qu’énoncées par la loi de programmation
militaire (LPM) 2019-20258
:
• Connaissance et anticipation.
• Prévention
• Dissuasion
• Intervention
• Protection
Parce que la protection du sanctuaire national et de la Nation est la vocation première de l’Etat, qui
s’est doté dans ce but d’un outil de dissuasion, les volets protection et dissuasion sont logiquement
indissociables et prioritaires.
7
https://www.vie-publique.fr/discours/133004-communique-conjoint-franco-chinois-en-date-du-12-janvier-
1994-sur-le-r
8
https://www.defense.gouv.fr/sites/default/files/ministere-armees/JOE_20180714_0161_0001_LPM2019-
2025.pdf
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Budget des Armées
Des atouts précieux
La dissuasion française reste et restera crédible à long terme. Les développements du MSBS9
M-51.3,
du SNLE 3G10
, de l’ASN4G11
, du SCAF12
ou du Rafale13
permettront à la France de rester au sommet de
l’art lorsqu’ils entreront en service à l’horizon 2035. A cette date nous ferons à notre tour notre entrée
dans le club des puissances détentrices de missiles air-sol hypersoniques. Aboutissement des
programmes Prométhée, Camosis et V-Max, l’ASN4G devrait flirter avec les mach 8 tout en étant
hypermanoeuvrant. De quoi percer les défenses les plus solides, tout en frappant en stand-off. A lui
seul, notre outil de dissuasion devrait théoriquement décourager toute agression étatique sur nos
intérêts vitaux.
Cela ne signifie pas que la fonction protection de nos forces armées ne comporte pas des failles. Si une
invasion de notre territoire semble exclue par des moyens militaires, celle de frappes conventionnelles
visant nos villes ou nos infrastructures critiques ne l’est pas, notamment sur notre flanc sud. Or « la
défense sol-air paraît clairement sous-dimensionnée à l’ère de la prolifération des missiles de croisière,
balistiques et hypersoniques chez les principaux compétiteurs stratégiques »14
, souligne un trio
d’officiers ayant récemment rédigé une étude sur le manque criant de « masse » dont souffrent les
armées françaises. L’Algérie, dont nous avons déjà souligné qu’elle dispose de missiles de croisière
Kalibr, possède aussi des missiles balistiques modernes Iskander-E15
de conception russe, qui, s’ils ne
sont pas en mesure d’atteindre le territoire national, démontrent la volonté d’Alger de doter son
armée des matériels les plus modernes et les plus puissants auxquels elle puisse avoir accès sur le
marché.
Face à cette menace en gestation, nous disposons de systèmes sol-air SAMP/T Mamba, disposant
d’une capacité d’interception de missiles de croisière et balistiques rustiques. Ces systèmes, qui
devraient à moyen terme mettre en œuvre un nouvel engin, le missile Aster 30 B1NT, capables
d’intercepter des missiles balistiques de 1 300 à 1 500 kilomètres de portée, ont les performances
suffisantes pour faire face au type de vecteurs qui seraient tirés depuis le sud de la Méditerranée dans
les prochaines décennies. Ils ne sont toutefois pas assez nombreux pour protéger les infrastructures
critiques du sud de la France face à une salve importante de missiles de croisière qui saturerait nos
capacités de défense. Ils ne sont pas non plus suffisamment performants pour faire face demain aux
missiles hypersoniques que développent Russes et Chinois, armes qui ne manqueront sans doute pas
d’être disponibles, à plus ou moins long terme, sur le marché export.
Le terrorisme, enfin, parvient régulièrement à frapper sur notre sol depuis près de quarante ans. Les
armées interviennent dans ce cadre à travers les missions de la gendarmerie, bien sûr, mais aussi via
le dispositif Sentinelle. Celle-ci, cependant, pénalise durablement nos forces terrestres. L’objectif de
Sentinelle, 7 000 hommes patrouillant dans nos rues aussi longtemps que la situation sécuritaire
9
Missile Mer-Sol Balistique Stratégique
10
Sous-marin Nucléaire Lanceur d’Engins de 3ème
Génération
11
Air Sol Nucléaire de 4ème
Génération
12
Système de Combat Aérien du Futur
13
http://www.opex360.com/2022/08/13/en-cas-dechec-du-scaf-la-france-pourrait-miser-sur-des-evolutions-
successives-du-rafale-selon-m-barre/
14
« La masse dans les armées françaises, un défi pour la haute intensité », Raphaël Briant, Jean-Baptiste Florant,
Michel Pesqueur, IFRI , juin 2021.
https://pdfslide.fr/download/link/la-masse-dans-les-armes-franaises-un-dfi-pour-la-haute-
15
« Rapport d’information sur les enjeux de défense en Méditerranée », Jean-Jacques Ferrara et Philippe-Michel
Kleisbauer, op. cit.
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Dossier n°1 – Philippe Migault – 5 janvier 2023 –
Budget des Armées
l’exige, voire 10 000 pendant un mois, démotive nos hommes, qui se sentent, à juste titre, inutiles :
Entre 2017 et 2020, les hommes de Sentinelle ont été sollicités sur un peu plus de 18 000 évènements.
Six avaient un lien avec une action terroriste, 0,03%.16
Il faut y mettre fin, quitte à consentir une
montée en puissance des unités de police et de gendarmerie. Plus que des hommes en armes dans nos
rues, rassurant les populations mais peu efficaces face à un groupe terroriste bien organisé, c’est d’une
fonction Connaissance et Anticipation efficace dont nous avons besoin. C’est avant tout la mission des
services de renseignement.
Dans ce domaine, la France consent les efforts nécessaires à une montée en puissance continue de ses
capacités. Elle se dotera d’ici 2025 de moyens de renseignement d’origine électromagnétique (ROEM)
et optiques complémentaires à ceux qu’elle possède déjà, qui lui permettront de disposer de données
nombreuses et d’une analyse plus rapide et aisée grâce au recours à l’intelligence artificielle (IA) pour
la gestion de data. A ces moyens techniques, nous consentons un effort supplémentaire en termes de
renseignement humain. Sur les 6 000 créations d’emplois prévues dans le cadre de la LMP 2019-2025,
le quart, 1 500 postes, est dévolu à la fonction renseignement, tandis que 1 500 autres sont destinés à
la cyberguerre, aussi bien dans son volet défensif (prévenir les agressions informatiques par des
groupes terroristes, criminels ou des acteurs étatiques), qu’offensif (pénétration des systèmes
adverses, vol de données…). DGSE, DRM, DRSD, DGSI, TRACFIN : Cette communauté du
renseignement, associée à des moyens d’intervention exceptionnels (service action, forces spéciales,
GIGN, RAID) conjugue «capacités de connaissance et d’anticipation » d’une part, « prévention » de
l’autre, en traitant les menaces en amont, ou en élaborant les parades qui permettront d’en empêcher
la concrétisation.
Une dissuasion high-tech, crédible à long terme, des capacités de renseignement figurant parmi les
meilleures au monde, la France, malgré certaines lacunes, est aujourd’hui bien protégée. C’est sur le
segment de ses capacités d’intervention que ses faiblesses sont manifestes.
Guerre du Golfe, Kosovo, Afghanistan, Mali…Depuis une trentaine d’années les opérations extérieures
françaises ont donné à nos forces une expertise reconnue de tous en matière d’opérations coups de
poing interarmes et interarmées, conjuguant moyens aériens (avions et hélicoptères de combat),
terrestres (forces spéciales et troupes régulières, blindés et artillerie), voire navals (frappes mer-terre,
renseignement). Si à l’instar des autres armées occidentales les troupes françaises, fortes d’un
professionnalisme et de valeurs exemplaires, mais aussi de matériels fréquemment excellents, ne
gagnent pas toujours leurs guerres, elles gagnent leurs batailles.
Mais ce qui est vrai aujourd’hui, face à des adversaires dépassés technologiquement, ne possédant
fréquemment pas de marine ou d’aviation susceptibles de donner la moindre réplique, ou face à des
groupes armés tel l’Etat Islamique inférieurs en nombre et ne disposant que de quelques moyens
lourds, ne le sera plus demain si nous sommes confrontés à des Etats qui, depuis des décennies,
s’arment frénétiquement alors que la France et l’Europe désarmaient.
De dramatiques faiblesses.
Le conflit russo-ukrainien vient de nous rappeler ce qu’est une guerre de haute intensité,
majoritairement terrestre, entre puissances disposant d’effectifs conséquents, de nombreux moyens
lourds, d’industrie de défense performantes en capacité de fournir des armes approchant, par leur
16
« L’opération Sentinelle. Observations définitives », Cour des Comptes, 14 juin 2022.
https://www.ccomptes.fr/system/files/2022-09/20220912-S2022-1439-operation-sentinelle_0.pdf
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Dossier n°1 – Philippe Migault – 5 janvier 2023 –
Budget des Armées
technologie, celles de l’adversaire. Un cas de figure auquel les armées françaises n’ont plus été
confrontées depuis 1945.
Or nos forces terrestres, réduites depuis trente ans à des missions de corps expéditionnaire, sont les
laissées pour compte des armées françaises. Elles disposent bien entendu de certains systèmes
d’armes extrêmement performants. Le Leclerc semble avoir davantage convaincu les Etats arabes du
Golfe au Yémen17
que le Léopard-2 n’a convaincu en Syrie. Quant à la valeur combattive des soldats,
elle n’est plus à souligner. Volontiers railleurs, Britanniques et Américains ne tarissent pas d’éloges vis-
à-vis d’eux depuis qu’ils ont combattu à leurs côtés en Afghanistan. Mais la qualité de nos régiments
d’élite, de nos forces spéciales, de nos blindés, de nos hélicoptères de combat ou de notre artillerie,
ne peut pallier à la taille liliputienne de notre armée de terre. 77 000 hommes pour la force d’action
terrestre (FOT) : Nous n’avons jamais eu d’aussi faibles effectifs depuis Louis XVI.
Certes ces maigres capacités savent combiner au mieux leurs ressources et leurs moyens pour générer,
malgré leur faiblesse, une puissance de feu susceptible de mettre à mal l’adversaire le plus dur et le
plus aguerri. La « révolution numérique », mettant en réseau senseurs et effecteurs des fantassins, des
véhicules et des hélicoptères, au sein d’un système centralisant l’ensemble des données et gérant de
manière optimale les ressources au combat en temps réel grâce à l’Intelligence Artificielle (IA), permet
peu à peu à nos hommes d’évoluer dans un cadre de « combat collaboratif », démultiplicateur
d’efficacité. Vitesse d’exécution accrue, choix de la meilleure munition, au meilleur emplacement, en
fonction de la menace identifiée… L’IA permet non seulement de frapper au plus juste, mais aussi
d’économiser les moyens en tenant en permanence le compte du stock de munitions, de carburant,
en attendant, très bientôt, de prendre littéralement le pouls et la tension des hommes afin de
connaître l’état de stress et d’épuisement des troupes. Comme aiment à le répéter les ingénieurs,
smart is beautiful. Sans doute. Mais big is better. Parce que notre seule technologie ne nous permet
plus de l’emporter aisément contre un adversaire plus nombreux et ayant progressé du point de vue
matériel, il nous faut revenir à un modèle d’armée puissant, basé sur des unités robustes disposant
d’un arsenal conséquent de moyens lourds. Dieu est de nouveau du côté des gros bataillons. Le
ministère de la défense affirme en être conscient. Pourtant les faits le contredisent.
Nous possédions 1 350 chars de combat à la chute de l’URSS. Nous en conservons 200.
L’artillerie française a longtemps été parmi les plus réputées, compte tenu de l’excellence et du
nombre de ses tubes. Après avoir fait cadeau de 18 canons automoteurs Caesar aux Ukrainiens, soit
don de 25% de notre artillerie, minorant sensiblement le maigre potentiel de nos forces,18
il nous reste
moins d’une centaine de pièces de 155 mm, dont à peu près une soixantaine opérationnelle, et nous
ambitionnons d’en posséder 109 en 2025 !
Nous avions engagé 11 000 hommes lors de l’opération Tempête du Désert en Irak en 1991. Un chiffre
que nous jugions si misérable, que nous avons décidé de professionnaliser nos armées afin d’être en
mesure de disposer en permanence de nombreux professionnels aisément déployables sur court
préavis. Trente-cinq ans après, nous souhaitons à l’horizon 2025 être en mesure d’engager 15 000
hommes, soit deux brigades interarmes, avec 140 chars, 130 blindés Jaguar, 800 VBCI, 48 canons de
155 mm et 64 hélicoptères dans le cadre d’une coalition : A peine mieux que la division Daguet. A cette
aune, la professionnalisation était-elle pertinente ?
La question peut d’autant plus se poser que nous pouvions compter, avant la fin de la conscription, sur
plusieurs centaines de milliers de réservistes pour venir renforcer nos unités professionnelles en cas
17
http://www.opex360.com/2016/03/14/au-yemen-le-char-leclerc-fait-forte-impression/
18
https://www.europe1.fr/international/absolument-pour-le-general-christophe-gomart-la-france-se-
desarme-en-armant-lukraine-4157488
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Dossier n°1 – Philippe Migault – 5 janvier 2023 –
Budget des Armées
de menace majeure. Nous ne les avons plus. Nous ne cessons de les regretter. Plus de matériels,
presque plus d’hommes, etc… : En cas de guerre en Europe, nous serions d’autant plus quantité
négligeable que l’adversaire serait quasiment à notre niveau technologiquement, voire supérieur dans
certains domaines.
La problématique est quasiment la même au sein de notre armée de l’air. Celle-ci met en œuvre des
matériels exceptionnels, les Rafale, qui illustrent la capacité de la France à faire mieux seule, si
nécessaire, que dans le cadre d’une coopération européenne mal conçue, telle celle qui a donné
naissance à l’Eurofighter…19
Mais ces appareils risquent à l’avenir d’être confrontés à des avions de
conception russe de plus en plus performants et à des défenses sol-air multicouches de plus en plus
impénétrables. La supériorité technologique dont ils disposent demeure, mais dans une moindre
mesure. Elle ne leur permet plus de compenser leur faiblesse numérique. D’autant qu’ils ne sont déjà
pas assez nombreux pour faire face à toutes les missions envisagées par la LPM.
Lorsque l’Union Soviétique s’est sabordée en décembre 1991, la France possédait –armée de l’air et
aéronavale confondues- 686 avions de combat. Nous n’en avons plus que 254. Et alors que ce chiffre
alarme les plus hauts responsables militaires20
, le modèle d’armées 2030 prévoit que nous n’en ayons
plus que 225 à l’horizon 2030, 185 pour l’armée de l’air, 40 pour la marine. Une nouvelle diminution
drastique qui n’a rien de logique si nous sommes réellement confrontés à une menace de conflit de
haute intensité avec une puissance majeure.
D’autant que le tableau est en trompe l’œil. D’ores et déjà, il est clair que l’armée de l’air n’alignera
pas 185 avions de chasse polyvalents dans les années qui viennent, tout simplement parce qu’elle
continuera à mettre en œuvre des « Mirage 2000-5 et les Mirage 2000D, qui ne sont pourtant pas
polyvalents, (mais qui) se sont vu attribuer des coefficients de polyvalence afin d’atteindre cet
objectif. »21
Le ministère de la défense, toutefois, ne semble pas alarmé non plus par cette question. Non
seulement il maintient sa cible de 225 appareils pour 2030, mais il minore sciemment le potentiel de
combat de l’armée de l’air au moment où nous écrivons ces lignes, puisqu’il a prélevé 24 Rafale
équipant les escadrilles de l’armée de l’air afin d’honorer au plus vite les contrats remportés en Grèce
(12 appareils) et en Croatie (12 appareils). De toute évidence les succès commerciaux –dont nous
n’avons cependant que des raisons de nous réjouir- priment sur l’efficacité de nos forces et la rigueur
budgétaire. « En raison de l’écart de prix entre les appareils neufs et ceux qui sont vendus d’occasion,
le remplacement des avions ainsi prélevés crée un besoin de ressources budgétaires non programmées
pour garantir que, conformément à la LPM, l’armée de l’air dispose de 129 Rafale en 2025. Le maintien
d’un format de l’ordre de 250 avions de combat (en incluant ceux de l’aéronautique navale) en
dépend », s’inquiète la Cour des comptes.22
Or ce chiffre ce 253 avions de combat en 2025, 225 en 2030, est totalement insuffisant dans
l’hypothèse où nous devrions affronter une armée de l’air puissante seuls, ou en coalition. La loi de
19
Longtemps raillé par la presse et par les « experts », qui annonçaient il y a trente ans le Rafale comme « le
dernier round » de Dassault Aviation, l’avion de combat français a enregistré aujourd’hui 285 commandes à
l’export, contre 151 pour l’Eurofighter. Son potentiel de combat, multirôles, ne cesse d’évoluer alors que
l’Eurofighter reste essentiellement cantonné à des missions de supériorité aérienne et accuse un retard
technologique permanent (radar AESA…)
20
https://rmc.bfmtv.com/actualites/politique/il-faut-passer-commande-il-y-a-urgence-le-general-pierre-de-
villiers-alerte-sur-l-armement-francais_AV-202212190408.html
21
« La masse dans les armées françaises, un défi pour la haute intensité », Raphaël Briant, Jean-Baptiste Florant,
Michel Pesqueur, op. cit.
22
« La loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 et les capacités des armées », rapport de la Cour des
Comptes, mai 2022, op. cit.
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Budget des Armées
programmation militaire stipule que nous soyons en mesure de mettre 45 avions seulement (sur 253)
au service d’une alliance engagée dans un conflit majeur. Ce chiffre, 45 appareils, est en soi pathétique
pour une ancienne grande puissance comme la nôtre. Mais il n’est même pas réaliste : « Dans les
premiers temps d’une opération de haute intensité, où le rythme des sorties quotidiennes peut aller
jusqu’à 2,8 vols par avion, un taux d’attrition initial de 1 % par mission verrait le format d’une flotte se
réduire de moitié au bout de 24 jours. Avec une attrition initiale de 5 %, cette situation pourrait être
atteinte après seulement cinq jours. L’armée de l’Air française, dont les contrats opérationnels actuels
prévoient le déploiement de 45 avions dans le cadre d’une opération de coercition majeure, verrait
nécessairement son poids au sein d’une coalition limité par le retour de l’attrition. Deuxièmement, si
les avions peuvent être remplacés ou réparés, ce n’est pas le cas des équipages dont la formation et
l’acquisition d’expérience s’inscrivent dans le temps long et ne permettraient pas de compenser le
tempo des pertes de la guerre aérienne moderne.»23
Plus assez d’avions, plus assez de pilotes, pas assez
non plus de munitions de précisions, le Roi est nu. High tech, ultra-expérimentée, notre aviation de
combat est un poids léger souple, agile, qui peut frapper vite, fort et loin, pendant quelques jours. Mais
elle serait sans doute détruite si elle devait affronter un poids lourd durant plus de quelques semaines.
Tout au plus sommes-nous encore capables de combattre avec vaillance, et de figurer honorablement
dans le cadre d’une coalition dont le gros des moyens d’appui (transport aérien, ravitaillement en vol,
renseignement…) serait fourni par les Etats-Unis.
Notre marine est aussi en situation difficile. La montée en puissance des flottes de combat au sud et à
l’est de la Méditerranée (mais aussi dans la zone Indo-Pacifique), est un vrai sujet de préoccupation.
Certes notre flotte fait l’objet d’investissements conséquents, mais très loin d’être suffisants dans le
cadre de la LPM 2019-2025. « Si le maintien de la trajectoire de la programmation doit permettre de
régénérer la Marine et de maintenir une structure de force dans son périmètre actuel, il demeure sous-
dimensionné au regard d’un contexte de sécurité maritime plus dégradé et du défi de la haute
intensité »,24
relève l’IFRI.
Le constat est particulièrement alarmant sur le segment des grands bâtiments de combat.
Cheville ouvrière traditionnelle de la flotte, les frégates ne sont plus assez nombreuses aujourd’hui au
sein de nos escadres. Alors que l’Etat-major de la marine demande depuis des années à disposer de 18
frégates de premier rang25
au lieu des 15 envisagées depuis 201326
, il doit composer aujourd’hui avec
10 à 11 frégates de ce type seulement, l’objectif des 15 bâtiments de premier rang devant être de
nouveau atteint à l’horizon 2030…27
Et cette lacune ne semble guère préoccuper nos décideurs politiques. Alors qu’une remontée en
puissance s’impose, ceux-ci ne la conçoivent que dans une certaine mesure et à un train de sénateurs.
La première frégate de défense et d’intervention (FDI) vient d’être mise à l’eau à Lorient.28
Navire bien
plus léger que nos frégates multi-missions (FREMM) ou que nos frégates de défense antiaérienne
23
« La masse dans les armées françaises, un défi pour la haute intensité », Raphaël Briant, Jean-Baptiste Florant,
Michel Pesqueur, op. cit.
24
« La masse dans les armées françaises, un défi pour la haute intensité », Raphaël Briant, Jean-Baptiste Florant,
Michel Pesqueur, op. cit.
25
C’est-à-dire des bâtiments puissants et lourdement armés, que l’on pourrait qualifier de destroyers.
26
https://www.meretmarine.com/fr/defense/la-marine-nationale-demande-le-retour-a-18-fregates-de-
premier-rang
27
« La loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 et les capacités des armées », rapport de la Cour des
Comptes, mai 2022.
https://www.ccomptes.fr/system/files/2022-05/20220511-rapport-bilan-loi-programmation-militaire.pdf
28
https://www.meretmarine.com/fr/defense/la-premiere-fdi-mise-a-l-eau-mais-pas-encore-sortie-de-sa-
forme-de-construction
Institut Brennus –
Dossier n°1 – Philippe Migault – 5 janvier 2023 –
Budget des Armées
(FDA), il peut difficilement prétendre à l’appellation de frégate de premier rang. Et non seulement le
compte n’y est pas tout à fait du point de vue de la puissance de la plateforme, mais les deux premières
FDI construites n’équiperont pas la Marine nationale mais notre allié grec. Une décision « qui retardera
la pleine réalisation du format à 15 frégates de premier rang prévu à l’horizon 2030 par la LPM, pour
l’instant tenu grâce à des frégates de type La Fayette, dont les capacités opérationnelles sont moindres
que celles des FDI », s’inquiète la Cour des Comptes.29
Les cinq navires de la classe La Fayette (FLF),
considérés par le ministère de la défense comme des frégates de premier rang, sont en effet très loin
de pouvoir prétendre à une telle dénomination. Bâtiments certes modernes et furtifs, ils ne sont pas
en mesure de rivaliser avec les frégates que mettent aujourd’hui en service Russes, Chinois, ou Turcs.
Alors qu’ils devaient initialement recevoir 12 missiles anti-aériens Aster, qui leur auraient procuré une
survivabilité accrue dans le cadre d’un conflit de haute intensité, ils n’en ont pas été dotés pour des
questions budgétaires. Certes, trois des FLF ont fait l’objet d’un programme de modernisation, portant
sur l’intégration d’une nouvelle version du missile antinavires Exocet (le Block-3C), permettant une
élongation des capacités de frappe antinavires et contre des cibles côtières de 72 à 180 km. Les 24
missiles anti-aériens Crotale, frappés d’obsolescence, ont de surcroît été remplacés. Mais pas par les
Aster initialement prévus. Au lieu de ces derniers, les FLF « modernisées » ont été équipées de deux
Sadral d’occasion, prélevés sur d’anciens bâtiments retirés du service, systèmes mettant en œuvre 12
missiles Mistral M3, certes très performants, mais n’autorisant que la mise en place d’une bulle de
protection rapprochée autour du navire alors que les Aster proposaient une solution d’interception de
la menace à plus longue distance et à plus haute altitude.
Sous-dimensionnée, mal équipée pour une entrée en premier sur des théâtres d’opération non-
permissifs, comme une bulle A2/AD, notre flotte de surface est par ailleurs mal armée pour réduire au
silence les défenses d’un tel dispositif. « Pour contraindre un adversaire, c’est-à-dire modifier son
comportement voire faire plier sa volonté, encore faut-il être en mesure d’exercer un effet suffisant.
Cet effet a été obtenu, par exemple, lors de l’opération Odyssey Dawn en Libye en 2011, où les forces
navales américaines ont « ouvert le théâtre » en tirant dès les premières heures quelque 110 missiles
de croisière de type BGM-109 Tomahawk, à partir de frégates et de sous-marins nucléaires d’attaque.
À cet égard, il est permis de s’interroger sur la capacité de la Marine française à produire de tels effets,
alors même que le niveau de ses stocks de munitions est bas et que ses capacités embarquées à les tirer
sont limitées. Alors que les FREMM sont pourvues du système de lancement vertical Sylver A-70,
pouvant emporter jusqu’à 16 MdCN30
, soit deux salves de huit missiles, il n’est pas inintéressant de les
comparer aux 32 VLS du destroyer chinois Type-052D, d’un tonnage et d’une maturité technologique à
peu près similaires. Cette problématique de la « compétition de salve » est d’autant plus importante
qu’un conflit de haute intensité, même réduit dans le temps, serait très consommateur en munitions.
Outre le MdCN, la Marine nationale dispose de munitions très performantes comme les missiles
surface-air Aster 15 et 30, les missiles Exocet mer-mer 40 block 3/3c, ou encore les torpilles Artémis.
Mais l’effet de masse ne peut être atteint que par une quantité de munitions suffisante », détaille
l’IFRI.31
Mal protégée, insuffisamment armée, la flotte de surface française est aussi actuellement
confrontée à une baisse de ses capacités de ravitaillement à la mer, limitant ses capacités de
déploiement à longue distance. Le retrait de 50% des pétroliers-ravitailleurs de la classe Meuse, alors
que le premier des quatre nouveaux bâtiments ravitailleurs de force (BRF), n’entrera en service qu’en
29
« La loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 et les capacités des armées », rapport de la Cour des
Comptes, mai 2022, op. cit.
30
Missile de Croisière Naval
31
« La masse dans les armées françaises, un défi pour la haute intensité », Raphaël Briant, Jean-Baptiste Florant,
Michel Pesqueur, op. cit.
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Dossier n°1 – Philippe Migault – 5 janvier 2023 –
Budget des Armées
2023, a creusé un vide capacitaire qui ne sera comblé qu’en 2029, faute d’avoir anticipé cette transition
en mettant en place un tuilage efficace.
La sous-marinade accuse aussi des lacunes, strictement quantitatives, elles. La nouvelle classe de SNA32
Suffren a débuté sa mise en service, dotant la France de submersibles aux capacités exceptionnelles,
que possèdent seulement trois autres marines au monde. Mais il n’y aura pas plus de six Suffren au
total. Or la Marine nationale répète depuis des décennies que six SNA ne suffisent pas compte tenu de
la multiplicité des missions qui leur sont confiées. Escorte du groupe aéronaval, appui aux SNLE,
projection de puissance vers la terre ou lutte antinavires, renseignement à proximité immédiate des
côtes adverses, opérations spéciales… Ces bâtiments exceptionnels sont sans cesse sollicités, alors que
leur taux de disponibilité opérationnelle n’est pas bon33
. L’incendie qui a partiellement endommagé le
SNA La Perle en juin 2020 a démontré par l’absurde ce que la Marine affirmait depuis longtemps, à
savoir qu’il suffisait qu’un seul SNA soit indisponible pour que toute l’organisation de la sous-marinade
française soit affectée. Pour que celle-ci ne connaisse plus de tels mécomptes il faudrait sans doute,
compte tenu également des périodes d’indisponibilité des navires pour entretien, huit Suffren au lieu
de six. Le surcoût serait sans doute non négligeable, mais la construction de deux unités
supplémentaires devrait permettre d’une part de réaliser des économies d’échelle et offrirait, d’autre
part, une capacité de frappe accrue à longue distance à notre flotte.
Quels moyens pour demain ?
Les failles identifiées, il faut les combler, fonction par fonction.
En matière de protection de notre territoire national, mais aussi de nos forces déployées en
opérations, vis-à-vis de la menace des armes hypersoniques et de la prolifération des missiles
balistiques, il nous faut développer de nouveaux matériels capables d’interception à des altitudes et
des vitesses plus élevées (supérieures à mach 5), contre des missiles hypermanoeuvrants.
MBDA, qui vient d’être écarté par la Commission européenne du projet de lutte anti-missiles
hypersoniques European Hypersonic Defence Interceptor (EU HYDEF) au profit d’industriels espagnol
et allemand ayant des compétences très inférieures34
, pourrait poursuivre ses efforts en la matière
dans un cadre franco-italien (le groupe est détenu à 37,5% par Airbus, 37,5% par BAE Systems et 25%
par l’Italien Leonardo), la France et l’Italie disposant déjà toutes deux du système anti-missiles
européen le plus performant, le Mamba, et étant en première ligne face à une menace balistique qui
se préciserait au Maghreb. MBDA a envisagé par le passé la mise au point d’un intercepteur Aster Block
II, associé à un radar de poursuite et de conduite de tir GS 1500 Thales, qui aurait permis de traiter la
menace de missiles balistiques « rustiques » d’une portée de 3 000 kilomètres. Laissé dans les cartons,
il pourrait être pertinent de le réexaminer. Contre l’hypersonique, la France doit par ailleurs envisager
le recours à des armes à énergie dirigée (lasers…), sur lesquelles plusieurs puissances investissent
lourdement. Nous disposons en la matière de nombreuses briques technologiques, telle l’entreprise
CILAS, récemment rachetée par MBDA et Safran35
qui ne demandent qu’à être utilisées.
32
Sous-marin Nucléaire d’Attaque
33
https://www.usinenouvelle.com/article/naval-group-assurera-l-entretien-des-sous-marins-de-la-marine-
nationale.N1126229
34
http://www.opex360.com/2022/10/05/mbda-conteste-sa-mise-a-lecart-du-projet-europeen-dintercepteur-
de-missiles-hypersoniques/
35
https://www.usinenouvelle.com/article/safran-et-mbda-mettent-la-main-sur-la-pepite-des-lasers-cilas-au-
grand-dam-de-lumibird.N2063252
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Dossier n°1 – Philippe Migault – 5 janvier 2023 –
Budget des Armées
La protection de nos intérêts, c’est aussi celle de nos outre-mers. La LPM fait un effort, mais il n’est
pas suffisant. Il faut sensiblement rehausser le nombre des matériels, patrouilleurs, avions de
patrouille maritime (PATMAR), satellites, qui nous permettront de sauvegarder les ressources de notre
ZEE de ceux qui en pillent quasi-impunément les ressources halieutiques, ou dont les trafics criminels
en tous genres transitent par nos eaux. Peut-être, aussi, pourrions-nous placer une frégate de premier
rang dans l’océan Indien et une autre dans le Pacifique, afin d’y réaffirmer clairement notre présence
et exercer un effet dissuasif vis-à-vis de certaines puissances régionales.
Nous avons évoqué les efforts consentis sur les fonctions connaissance, anticipation et prévention,
avec la montée en puissance constante de nos capacités de renseignement et d’action. Manquent
cependant dans le dispositif des moyens de reconnaissance et de frappe dronisés accrus, notamment
des appareils de type MALE (Medium Altitude Long Endurance), engins sur lesquels la France et ses
partenaires industriels européens viennent de se mettre en ordre de bataille pour lancer un
programme, mais avec un tel retard36
qu’ils dépendront sans doute longtemps encore d’achats sur
étagère aux Etats-Unis ou en Israël.
C’est sur le volet Intervention que les efforts les plus conséquents sont nécessaires.
Comment redonner à nos forces terrestres une capacité à durer dans un conflit de haute
intensité ?
Il faut bien entendu développer les possibilités que nous donne le combat collaboratif. Mais il faut que
celui-ci puisse engager plus d’hommes, de matériels, de régiments d’artillerie, de cavalerie,
d’infanterie et constituer les stocks de munitions de tous types qui leur seront nécessaires pour
soutenir un affrontement long.
Les hommes ne manquent pas. Il ne faut sans doute pas compter sur les réservistes : L’enthousiasme
de beaucoup d’entre eux s’étiole rapidement lorsqu’ils constatent que servir leur pays consiste
essentiellement à remplir les missions ingrates de surveillance de site, ou les tâches administratives,
afin de permettre aux unités d’active de se concentrer sur leur cœur de métier, le combat.
Paradoxalement, nous aurions sans doute plus de volontaires si une perspective d’être éventuellement
engagés au feu s’offrait. L’aventure, comme le patriotisme, demeurent de puissants stimulants parmi
une part non négligeable de notre jeunesse.
Cette fougue revigorante, il faut l’utiliser pour recruter davantage de professionnels de tous grades.
Lorsque nous avons décidé d’accroître les effectifs de la FOT dans la foulée des attentats de novembre
2015, nous avons attiré sans difficultés plusieurs dizaines de milliers de militaires d’active
supplémentaires en trois ans, qui ont permis une montée en puissance de plus de 14% des troupes. Si
la France est menacée, un effort similaire -et au-delà- peut être consenti pour ramener la FOT vers un
seuil de 90 000 hommes qui nous donnerait plus de marges de manœuvre. Mais la gageure est ensuite
de conserver ceux qui ont choisi de s’engager sous l’uniforme. Or la fidélisation des personnels est un
vrai souci. Lorsque l’on a signé en rêvant de Mali, ou d’Afghanistan, on déchante vite lorsqu’il faut
dormir des semaines durant sur des lits de camp, dans des locaux de banlieue sans chaleur, afin de
jouer les plantons dans le cadre de l’opération Sentinelle. Que celle-ci prenne fin et non seulement la
FOT retrouvera instantanément des effectifs lui permettant de s’investir plus facilement et
36
http://www.opex360.com/2022/02/25/le-contrat-pour-le-developpement-et-la-production-du-drone-male-
europeen-a-ete-notifie-a-airbus/
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Dossier n°1 – Philippe Migault – 5 janvier 2023 –
Budget des Armées
massivement en opérations extérieures, mais pourra aussi renouer avec un seuil d’entraînement loin
d’être satisfaisant, à l’instar des autres armées.
Il faudra plusieurs années pour redresser la barre en termes de matériels. Mais il ne faudra pas non
plus se tromper d’objectif. Si l’on observe les armées de terre ouest européennes, française,
britannique, allemande, italienne… aucune ne surpasse les autres en termes de puissance de feu. Ce
qui démontre que, contrairement aux discours officiels, la perspective d’un affrontement terrestre
majeur avec la Russie n’est guère prise au sérieux. La tentation pourrait dès lors être de nous aligner
sur le mieux disant quantitativement parmi nos partenaires.
Nous disposons du plus grand nombre d’hélicoptères de combat et de manœuvre, même si leur taux
de disponibilité opérationnelle minore cet atout. En termes de blindés médians (AMX-10RC, Jaguar),
nous sommes également leaders. Nous faisons peu ou prou jeu égal sur le segment des obusiers
automoteurs de 155 mm. Nous pourrions envisager d’aligner notre nombre de chars sur celui prévus
en 2025 par l’Allemagne, soit 328 chars au lieu de 200, et accroître sensiblement le potentiel de notre
artillerie en portant le nombre de nos lance-roquette multiples (LRM), dont nous avons vu l’effet
dévastateur en Ukraine, à une quarantaine37
au lieu de 13 (dont nous nous préparons à donner une
partie aux Ukrainiens). L’augmentation ne serait pas gigantesque (en 1986 la France envisageait
initialement d’acheter 1 400 chars Leclerc) mais nous placerait au meilleur niveau parmi les Etats les
plus riches d’Europe occidentale, et représenterait tout de même une progression de près de deux
tiers de notre parc de chars et le triplement de celui de nos LRM. De quoi rehausser significativement
notre capacité de résistance face à un adversaire.
Conserver la supériorité aérienne
Face à des adversaires potentiels ayant fait de la mise en échec des aviations occidentales une priorité,
nous devons réagir.
Nous pouvons, en premier lieu, réviser le nombre d’avions de combat prévus à l’horizon 2030. Aussi
dérisoire que cela puisse paraître, 253 avions aujourd’hui valent mieux que 225.
Nous disposons d’un atout industriel majeur dans ce cadre. La Team Rafale, c’est-à-dire Dassault
Aviation, Thales, Safran, MBDA, confrontée au succès croissant de l’avion à l’export, s’organise pour
accroître ses cadences de production et être en mesure à court terme de produire trois avions par
mois. 253 avions au lieu de 225, cela représente un peu plus de neuf mois de production. Certes, cela
a un coût. Mais plus les séries produites sont importantes, plus le prix d’acquisition de l’appareil est
censé baisser. Avec plus de 477 Rafale commandés au total à ce jour, série en cours sans doute, on est
en droit d’attendre un geste des industriels, aussi bien en ce qui concerne les coûts d’acquisition que
ceux de possession. De surcroît la chaîne Rafale, qui génère 7 000 emplois hautement qualifiés en
France au sein de 500 entreprises, peut être un relai de croissance important pour un Etat qui cherche
à se réindustrialiser. « Un Rafale commandé en plus représente cent emplois supplémentaires »38
,
souligne-t-on fréquemment. Sachant qu’un nouvel emploi industriel suscite 3 à 5 emplois dans les
services associés,39
le jeu du réarmement en vaut la chandelle, a fortiori si le programme franco-
allemand du SCAF ne va pas à son terme et qu’il nous faut développer seuls, encore, un Rafale F5, F6
37
Soit le nombre de LRM en possession du Royaume-Uni qui envisage, pour sa part, d’en doubler le nombre dans
les années à venir. La Bundeswehr, elle, possède plus de 150 LRM…
38
https://www.lepoint.fr/economie/les-commandes-de-rafale-rejouissent-dassault-aviation-thales-et-safran-
04-03-2022-2467014_28.php#11
39
https://centre-val-de-loire.dreets.gouv.fr/Un-emploi-industriel-genere-de-3-a
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Dossier n°1 – Philippe Migault – 5 janvier 2023 –
Budget des Armées
ou F7, perspective qu’envisageait sereinement en août dernier Joël Barre, ancien Délégué Général
pour l’Armement.40
On peut aussi imaginer afin d’accroître, non pas la masse des avions de combat polyvalents mais la
capacité opérationnelle, de recourir davantage à des drones de combat pour certaines missions, MALE
ou UCAV. Avec toutefois cette limite qu’un loyal wingman n’évolue pas à vitesse supersonique, n’est
pas ravitaillable en vol et peut, même s’il n’est pas piloté, coûter aussi cher qu’un Rafale pour les UCAV
les plus performants.
L’option d’un recours restreint pour certaines missions d’appui-feu au sol à des avions légers dédiés,
tel l’A-29 Super Tucano brésilien, très peu onéreux, pourrait s’envisager. Certes elle impliquerait la
mise en place d’une chaîne logistique dédiée. Mais pour le prix d’un Rafale, on peut acquérir prêt d’une
dizaine d’appareils de ce type, d’un coût unitaire de quelques 10 millions de dollars, sans leur
armement. La possession de quelques escadrilles d’avions de cette gamme, particulièrement précieux
compte tenu de leur rusticité sur les théâtres d’opération africains, pourrait permettre à la France de
concentrer ses Rafale sur les missions les plus exigeantes.
Le retour vers une armée de masse, ce peut donc être le recours à des matériels « bas de gamme», ce
que les combats entre Russes et Ukrainiens démontrent. Pourquoi la France n’investirait-elle pas
d’ailleurs, elle aussi, dans des munitions rôdeuses, ou « drones suicides », conjuguant capacité de
destruction et très faibles coûts ? Dans la bataille d’attrition que sont les conflits de haute intensité,
l’essentiel n’est sans doute pas d’avoir les armements les plus performants, produits par les meilleurs
polytechniciens, mais des matériels qui remplissent leur mission, à savoir user l’adversaire en
sauvegardant les équipages et en épargnant le potentiel des matériels les plus précieux.
Restaurer nos capacités navales
Nous avons évoqué supra la nécessité de protéger nos approches maritimes et notre ZEE en
renouvelant notre aviation de patrouille maritime, accroissant le nombre de patrouilleurs,
prépositionnant peut-être deux frégates de premier rang outre-mer. Dans le cadre d’une intervention,
a fortiori dans le cadre d’une guerre face à une puissance majeure, il nous faut cependant des moyens
plus lourds. Dix-huit frégates de premier rang au lieu de 15 en 2030, deux SNA supplémentaires au-
delà de cet horizon, l’effort demandé régulièrement par la marine pour tenir ses engagements ne
semble pas démesuré.
Certes des voix soulignent, à juste titre, qu’il serait quasi-impossible de commander deux SNA
supplémentaires sans impacter le programme SNLE3G, dont il faudrait nécessairement détourner des
ressources.41
C’est oublier que mis en chantier en 2023, le premier SNLE3G n’entrera en service qu’en
2035, le quatrième et dernier bâtiment de la classe ne devant rejoindre la flotte qu’en 2050, tandis
que le sixième SNA de la classe Suffren sera livré en 2029. 2029-2050… Il serait étonnant que des
entreprises aussi performantes que NavalGroup ou Technicatome ne parviennent pas à produire deux
SNA supplémentaires sur cette tranche de 21 ans. A fortiori si des investissements supplémentaires
permettent d’accorder à la marine et à ses partenaires industriels les ressources nécessaires en termes
d’hommes et de moyens pour y parvenir.
40
http://www.opex360.com/2022/08/13/en-cas-dechec-du-scaf-la-france-pourrait-miser-sur-des-evolutions-
successives-du-rafale-selon-m-barre/
41
http://www.opex360.com/2022/11/07/marine-nationale-augmenter-le-nombre-de-sous-marins-nucleaires-
est-un-defi-insurmontable/
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Dossier n°1 – Philippe Migault – 5 janvier 2023 –
Budget des Armées
Evidemment, de telles mesures, évoquées comme de simples pistes de réflexion, nécessiteraient un
investissement élevé, tant en termes de masse salariale que de coûts d’acquisition et de possession
des matériels. La France envisage d’élever son budget de la défense à la hauteur de 2% de son PIB en
2025 (le plancher réclamé par les Etats-Unis envers leurs partenaires de l’OTAN). Cela ne suffira sans
doute pas pour remettre à niveau des forces qui ont autant souffert de l’encaissement des
« dividendes de la paix » chers à Laurent Fabius. Il nous faudra aller au-delà. Certains évoquent déjà la
nécessité de faire de ces 2% un minimum garanti afin de mener à bien la modernisation et la remontée
en puissance des armées.42
D’autres, plus ambitieux, ou plus réalistes, estiment que nous ne
parviendrons pas à redresser la barre sans remonter au niveau des 3 points de PIB.43
Ce chiffre, régulièrement évoqué par divers acteurs, économistes, experts militaires, personnels
politiques, peut faire hurler dans le contexte économique actuel. Mais rappelons qu’entre 1980 et
1985, alors que l’inflation en France variait entre 13,6 et 5,8% (contre 5,5% prévus en 2023)44
, et que
le chômage explosait, François Mitterrand maintînt systématiquement un budget de la défense
supérieur à 3,5% du PIB.
Rappelons aussi, nous l’avons évoqué précédemment, qu’investir dans nos armées, c’est investir dans
notre Base Industrielle et Technologique de Défense (BITD). Cela revient à créer des milliers d’emplois
industriels hautement qualifiés, et trois à cinq fois plus de postes dans les services associés. « La
défense, c’est la première raison d’être de l’Etat. Il n’y saurait manquer sans se détruire lui-même »,
rappelait le général de Gaulle en 1946, lors de son fameux discours de Bayeux. C’est aussi un relai de
croissance et, pour une Nation qui parle sans cesse de se réindustrialiser, un puissant levier d’action.
A cette aune Bercy, qui ne souhaite pas investir plus de 377 milliards d’euros dans la défense sur les
sept prochaines années, pourrait se laisser infléchir et, sinon s’aligner, du moins s’approcher des
demandes du ministère des armées (400 à 410 milliards d’euros), ou de l’EMA (430), chiffres qui
restent bien en deçà de cette cible des 3%.
42
http://www.opex360.com/2022/11/09/budget-de-la-defense-lobjectif-des-2-du-pib-pourrait-etre-un-
plancher/
43
https://www.ifrap.org/etat-et-collectivites/les-besoins-de-nos-armees-reclament-un-budget-de-la-defense-
3-du-pib
44
https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/12/18/inflation-en-france-le-pic-est-attendu-debut-
2023_6154917_3234.html

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  • 1. Institut Brennus – Dossier n°1 – Philippe Migault – 5 janvier 2023 – Budget des Armées Budget des armées : la France reste loin du compte Philippe Migault Institut Brennus. Le tragique conflit russo-ukrainien aura eu du moins le mérite de délier les langues en portant à l’intention du grand public des faits connus de tous les experts, mais systématiquement niés ou minorés par les gouvernement successifs. L’armée française n’est plus une force ayant les capacités de peser en Europe. Faute d’effectifs et de systèmes d’armes suffisants, elle ne serait pas capable de tenir plus que quelques jours un front de 80 kilomètres seulement dans le cadre d’un conflit de haute intensité similaire à celui qui oppose Russes et Ukrainiens.1 Nous ne sommes plus capables de faire face à certaines puissances que dans le cadre d’une coalition intégrant les moyens américains. Le mythe du couple franco-allemand s’effondre. Même les médias commencent à relever la volonté allemande de faire cavalier seul en matière d’énergie et de défense.2 Les notions d’Europe de la défense et d’Europe puissance si chères à la France, mais à elle seule, semblent aujourd’hui condamnées, compte tenu de l’influence retrouvée des Etats-Unis via l’OTAN sur le Vieux continent. Inutile cependant de désespérer. D’abord parce qui allait sans dire va mieux en le disant et que les débats portant sur notre défense nationale n’en seront que plus clairs. Ensuite parce que la France peut rebondir. Elle dispose de capacités, de savoir-faire et de savoir-être uniques au sein de l’UE, aussi bien du point de vue de ses forces armées que de celui de son appareil militaro-industriel. Le paradigme actuel, marqué en Europe par un repli de chacun sur ses propres intérêts, peut être une occasion à saisir pour rebâtir une armée plus puissante, plus performante encore, adossée à une industrie de défense renforçant son leadership technologique tout en suscitant de très nombreux emplois hautement qualifiés, atout majeur dans le cadre de la volonté générale de réindustrialisation du pays. La France doit simplement conjuguer un volontarisme politique strictement centré sur la poursuite de ses intérêts nationaux et une stratégie de redressement claire. Elle doit en premier lieu déterminer quelles sont les menaces. Identifier ensuite, d’une part les forces dont nous disposons afin de les conjurer, d’autre part les failles dont un adversaire peut jouer. Définir, enfin, les moyens humains, matériels, financiers, les savoir-faire et les savoir-être, dont nous avons besoin pour combler nos lacunes, restaurer notre influence et notre crédibilité. Quelles menaces ? Les différents textes officiels (loi de programmation militaire, revue nationale stratégique…) énumèrent trois menaces principales. La première, la plus grave, à laquelle nous sommes confrontés depuis près d’une quarantaine d’années est le terrorisme islamiste. Près de 300 morts, hommes, femmes, enfants, plus de 1 600 blessés : Celui- ci a fait plus de victimes, provoqué plus de drames au cœur de notre sanctuaire national qu’aucun 1 https://www.valeursactuelles.com/societe/en-cas-de-conflit-majeur-larmee-francaise-ne-pourrait-tenir-que- 80-km-de-front-seulement 2 https://www.france24.com/fr/europe/20221020-%C3%A9nergie-avion-de-combat-bouclier-antimissile-le- couple-franco-allemand-dans-la-tourmente
  • 2. Institut Brennus – Dossier n°1 – Philippe Migault – 5 janvier 2023 – Budget des Armées autre adversaire potentiel. A ces victimes, il faut ajouter les dizaines de soldats français tombés au Sahel ou en Afghanistan contre le même ennemi. Le chef de l’Etat l’a dit : Nous sommes en guerre. Or, cette guerre est d’autant plus grave qu’elle nous est livrée sur notre propre sol par des individus qui se prétendent nos compatriotes, recrutés par des idéologues contre lesquels nous refusons de sévir, financés par des trafics et une grande criminalité contre lesquels nous perdons plus de batailles que nous n’en gagnons, le tout dans des « quartiers sensibles », cultivant le « séparatisme », dans lesquels nous n’osons plus intervenir de peur de provoquer. Si nous persistons à ne pas frapper fort dans les milieux où se recrutent ces terroristes, on ne peut exclure à moyen terme la guerre la plus sanglante qui puisse se concevoir, celle que se livreraient les « communautés » sur notre sol. La seconde menace, plus méconnue, provient elle aussi du Dar al-Islam, mais dans un cadre interétatique, cette fois. Il s’agit de la perspective d’une crise nous opposant à une puissance hostile hors du cadre européen. Les documents officiels français, dont un excellent rapport de la commission de défense de l’Assemblée nationale,3 rappellent que la Méditerranée est un espace de tensions sans cesse croissantes, au sein duquel certains « Etats puissances » investissent lourdement dans leur appareil de défense, tout en entretenant des relations fréquemment tendues avec la France. Français et Turcs sont passés à deux doigts de l’affrontement naval au large des côtes libyennes en juin 2020, Libye où les forces turques disposent de bases4 alors qu’Ankara développe des systèmes de missiles balistiques qui pourraient constituer à terme une menace pour le sud de l’Europe.5 Paris a su éviter un incident armé. Mais la France n’en a pas moins signé en octobre 2021 un accord de défense avec Athènes visant clairement la Turquie. L’Algérie, avec laquelle la France a tenté de signer un traité d’amitié sans y parvenir, ce qui en dit long sur l’hostilité de la junte d’Alger, a pour sa part multiplié les achats d’armements massifs ces dernières années. Avec ses six sous-marins russes de type Kilo, tous à même de mettre en œuvre des missiles de croisière à longue portée6 de type Kalibr, plus ses bombardiers Sukhoï-24M2, eux aussi équipés de missiles sol-air, de moindre portée, l’Algérie dispose des capacités de frapper le sud de la France depuis ses eaux territoriales, ou au terme d’un temps de vol très bref. Alger s’efforce simultanément de constituer une bulle A2/AD (Anti Access/Area Denial) visant à dissuader toute attaque aérienne ou navale contre son territoire. Pour l’heure les forces armées françaises demeurent supérieures à leurs homologues algériennes. Mais le rythme des investissements consentis par les autorités algériennes est tel qu’il pourrait leur permettre à moyen terme de challenger la France en Méditerranée occidentale si celle-ci ne se donne pas les moyens de conserver sa suprématie. La troisième menace, l’hypothèse d’un conflit de haute intensité nous opposant à une puissance majeure, Russie ou Chine, est dans tous les esprits. Elle est pourtant la moins probable. D’une part parce que le mécanisme de la dissuasion nucléaire joue entre nous et ces puissances. D’autre part parce que Russes et Chinois ne constituent pas pour la France une menace imminente en dépit de l’alarmisme général. 3 « Rapport d’information sur les enjeux de défense en Méditerranée », Jean-Jacques Ferrara et Philippe-Michel Kleisbauer, Commission de défense de l’Assemblée nationale, 17 février 2022. https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_def/l15b5052_rapport-information 4 https://information.tv5monde.com/afrique/geopolitique-la-turquie-suit-son-plan-en-libye-389372 5 https://www.middleeasteye.net/fr/actu-et-enquetes/turquie-missile-balistique-courte-portee-devoile- accidentellement-secret 6 https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/algerie/la-capacite-militaire-de-l-algerie-lui-permettrait-de- bloquer-l-acces-au-detroit-de-gibraltar_4977273.html
  • 3. Institut Brennus – Dossier n°1 – Philippe Migault – 5 janvier 2023 – Budget des Armées L’armée russe, pour l’heure, a échoué en Ukraine. En dix mois, elle s’est avérée incapable de vaincre son homologue, certes portée à bout de bras par les capacités de renseignement, les conseillers militaires et les livraisons de matériels occidentaux, mais émanant d’une nation très sensiblement inférieure du point de vue démographique, économique et financier. Nous ne sommes pas confrontés à la résurrection de l’URSS, dont les milliers de chars et d’avions de combat stationnaient à deux étapes du tour de France de Strasbourg. Nous assistons au raidissement d’une puissance régionale, dont les forces sont tenues en échec sur les rives du Dniepr, à près de 2 000 kilomètres de l’Alsace, avec, entre elles et nous, une Alliance Atlantique qui se proclame régulièrement « l’Alliance militaire la plus puissance de tous les temps », et que la Russie prend bien garde de défier depuis février 2022. Le ministère français de la défense évoque des défis plus lointains en Asie. Lesquels ? En quoi nos intérêts nationaux seraient-ils menacés dans le Pacifique si Taïwan, que nous reconnaissons comme partie intégrante du territoire chinois,7 venait à tomber ? Nos liaisons maritimes ? Rien ne démontre que le conflit achevé, elles seraient interrompues en mer de Chine. Les appétits chinois sur notre ZEE et nos territoires du Pacifique ? Il y a près de 6 800 kilomètres d’océan -plus que l’Atlantique- entre les rives est de Taïwan et la Nouvelle-Calédonie -à laquelle nous sommes tellement attachés que nous avons organisés trois référendums d’autodétermination depuis 2018- 7 700 kilomètres jusqu’à Wallis et Futuna, 10 000 jusqu’à la Polynésie française. Difficile pour Pékin de prétendre que ces zones aient jamais appartenu historiquement à sa sphère d’influence, comme elle le soutient vis-à-vis d’autres Etats en mers de Chine et du Japon. Qu’est-ce qui pourrait justifier une guerre entre nous et la Chine, dans cette zone ne faisant pas partie du champ d’action de l’OTAN ? On imagine mal Pékin attaquer les Etats-Unis, ce qui justifierait la mise en œuvre de l’article 5 de l’Alliance. Forces et faiblesses D’autres menaces existent : cyberattaques, agressions par des armes chimiques ou bactériologiques par un Etat ou un groupe terroriste bien organisé, pillage des ressources de notre ZEE, trafics d’êtres humains, d’armes ou de substances illicites. Mais les moyens militaires permettant de les combattre sont les mêmes que ceux qui sont destinés à faire face aux périls évoqués supra, soit une combinaison correspondant aux cinq grandes fonctions stratégiques structurant notre politique de défense telles qu’énoncées par la loi de programmation militaire (LPM) 2019-20258 : • Connaissance et anticipation. • Prévention • Dissuasion • Intervention • Protection Parce que la protection du sanctuaire national et de la Nation est la vocation première de l’Etat, qui s’est doté dans ce but d’un outil de dissuasion, les volets protection et dissuasion sont logiquement indissociables et prioritaires. 7 https://www.vie-publique.fr/discours/133004-communique-conjoint-franco-chinois-en-date-du-12-janvier- 1994-sur-le-r 8 https://www.defense.gouv.fr/sites/default/files/ministere-armees/JOE_20180714_0161_0001_LPM2019- 2025.pdf
  • 4. Institut Brennus – Dossier n°1 – Philippe Migault – 5 janvier 2023 – Budget des Armées Des atouts précieux La dissuasion française reste et restera crédible à long terme. Les développements du MSBS9 M-51.3, du SNLE 3G10 , de l’ASN4G11 , du SCAF12 ou du Rafale13 permettront à la France de rester au sommet de l’art lorsqu’ils entreront en service à l’horizon 2035. A cette date nous ferons à notre tour notre entrée dans le club des puissances détentrices de missiles air-sol hypersoniques. Aboutissement des programmes Prométhée, Camosis et V-Max, l’ASN4G devrait flirter avec les mach 8 tout en étant hypermanoeuvrant. De quoi percer les défenses les plus solides, tout en frappant en stand-off. A lui seul, notre outil de dissuasion devrait théoriquement décourager toute agression étatique sur nos intérêts vitaux. Cela ne signifie pas que la fonction protection de nos forces armées ne comporte pas des failles. Si une invasion de notre territoire semble exclue par des moyens militaires, celle de frappes conventionnelles visant nos villes ou nos infrastructures critiques ne l’est pas, notamment sur notre flanc sud. Or « la défense sol-air paraît clairement sous-dimensionnée à l’ère de la prolifération des missiles de croisière, balistiques et hypersoniques chez les principaux compétiteurs stratégiques »14 , souligne un trio d’officiers ayant récemment rédigé une étude sur le manque criant de « masse » dont souffrent les armées françaises. L’Algérie, dont nous avons déjà souligné qu’elle dispose de missiles de croisière Kalibr, possède aussi des missiles balistiques modernes Iskander-E15 de conception russe, qui, s’ils ne sont pas en mesure d’atteindre le territoire national, démontrent la volonté d’Alger de doter son armée des matériels les plus modernes et les plus puissants auxquels elle puisse avoir accès sur le marché. Face à cette menace en gestation, nous disposons de systèmes sol-air SAMP/T Mamba, disposant d’une capacité d’interception de missiles de croisière et balistiques rustiques. Ces systèmes, qui devraient à moyen terme mettre en œuvre un nouvel engin, le missile Aster 30 B1NT, capables d’intercepter des missiles balistiques de 1 300 à 1 500 kilomètres de portée, ont les performances suffisantes pour faire face au type de vecteurs qui seraient tirés depuis le sud de la Méditerranée dans les prochaines décennies. Ils ne sont toutefois pas assez nombreux pour protéger les infrastructures critiques du sud de la France face à une salve importante de missiles de croisière qui saturerait nos capacités de défense. Ils ne sont pas non plus suffisamment performants pour faire face demain aux missiles hypersoniques que développent Russes et Chinois, armes qui ne manqueront sans doute pas d’être disponibles, à plus ou moins long terme, sur le marché export. Le terrorisme, enfin, parvient régulièrement à frapper sur notre sol depuis près de quarante ans. Les armées interviennent dans ce cadre à travers les missions de la gendarmerie, bien sûr, mais aussi via le dispositif Sentinelle. Celle-ci, cependant, pénalise durablement nos forces terrestres. L’objectif de Sentinelle, 7 000 hommes patrouillant dans nos rues aussi longtemps que la situation sécuritaire 9 Missile Mer-Sol Balistique Stratégique 10 Sous-marin Nucléaire Lanceur d’Engins de 3ème Génération 11 Air Sol Nucléaire de 4ème Génération 12 Système de Combat Aérien du Futur 13 http://www.opex360.com/2022/08/13/en-cas-dechec-du-scaf-la-france-pourrait-miser-sur-des-evolutions- successives-du-rafale-selon-m-barre/ 14 « La masse dans les armées françaises, un défi pour la haute intensité », Raphaël Briant, Jean-Baptiste Florant, Michel Pesqueur, IFRI , juin 2021. https://pdfslide.fr/download/link/la-masse-dans-les-armes-franaises-un-dfi-pour-la-haute- 15 « Rapport d’information sur les enjeux de défense en Méditerranée », Jean-Jacques Ferrara et Philippe-Michel Kleisbauer, op. cit.
  • 5. Institut Brennus – Dossier n°1 – Philippe Migault – 5 janvier 2023 – Budget des Armées l’exige, voire 10 000 pendant un mois, démotive nos hommes, qui se sentent, à juste titre, inutiles : Entre 2017 et 2020, les hommes de Sentinelle ont été sollicités sur un peu plus de 18 000 évènements. Six avaient un lien avec une action terroriste, 0,03%.16 Il faut y mettre fin, quitte à consentir une montée en puissance des unités de police et de gendarmerie. Plus que des hommes en armes dans nos rues, rassurant les populations mais peu efficaces face à un groupe terroriste bien organisé, c’est d’une fonction Connaissance et Anticipation efficace dont nous avons besoin. C’est avant tout la mission des services de renseignement. Dans ce domaine, la France consent les efforts nécessaires à une montée en puissance continue de ses capacités. Elle se dotera d’ici 2025 de moyens de renseignement d’origine électromagnétique (ROEM) et optiques complémentaires à ceux qu’elle possède déjà, qui lui permettront de disposer de données nombreuses et d’une analyse plus rapide et aisée grâce au recours à l’intelligence artificielle (IA) pour la gestion de data. A ces moyens techniques, nous consentons un effort supplémentaire en termes de renseignement humain. Sur les 6 000 créations d’emplois prévues dans le cadre de la LMP 2019-2025, le quart, 1 500 postes, est dévolu à la fonction renseignement, tandis que 1 500 autres sont destinés à la cyberguerre, aussi bien dans son volet défensif (prévenir les agressions informatiques par des groupes terroristes, criminels ou des acteurs étatiques), qu’offensif (pénétration des systèmes adverses, vol de données…). DGSE, DRM, DRSD, DGSI, TRACFIN : Cette communauté du renseignement, associée à des moyens d’intervention exceptionnels (service action, forces spéciales, GIGN, RAID) conjugue «capacités de connaissance et d’anticipation » d’une part, « prévention » de l’autre, en traitant les menaces en amont, ou en élaborant les parades qui permettront d’en empêcher la concrétisation. Une dissuasion high-tech, crédible à long terme, des capacités de renseignement figurant parmi les meilleures au monde, la France, malgré certaines lacunes, est aujourd’hui bien protégée. C’est sur le segment de ses capacités d’intervention que ses faiblesses sont manifestes. Guerre du Golfe, Kosovo, Afghanistan, Mali…Depuis une trentaine d’années les opérations extérieures françaises ont donné à nos forces une expertise reconnue de tous en matière d’opérations coups de poing interarmes et interarmées, conjuguant moyens aériens (avions et hélicoptères de combat), terrestres (forces spéciales et troupes régulières, blindés et artillerie), voire navals (frappes mer-terre, renseignement). Si à l’instar des autres armées occidentales les troupes françaises, fortes d’un professionnalisme et de valeurs exemplaires, mais aussi de matériels fréquemment excellents, ne gagnent pas toujours leurs guerres, elles gagnent leurs batailles. Mais ce qui est vrai aujourd’hui, face à des adversaires dépassés technologiquement, ne possédant fréquemment pas de marine ou d’aviation susceptibles de donner la moindre réplique, ou face à des groupes armés tel l’Etat Islamique inférieurs en nombre et ne disposant que de quelques moyens lourds, ne le sera plus demain si nous sommes confrontés à des Etats qui, depuis des décennies, s’arment frénétiquement alors que la France et l’Europe désarmaient. De dramatiques faiblesses. Le conflit russo-ukrainien vient de nous rappeler ce qu’est une guerre de haute intensité, majoritairement terrestre, entre puissances disposant d’effectifs conséquents, de nombreux moyens lourds, d’industrie de défense performantes en capacité de fournir des armes approchant, par leur 16 « L’opération Sentinelle. Observations définitives », Cour des Comptes, 14 juin 2022. https://www.ccomptes.fr/system/files/2022-09/20220912-S2022-1439-operation-sentinelle_0.pdf
  • 6. Institut Brennus – Dossier n°1 – Philippe Migault – 5 janvier 2023 – Budget des Armées technologie, celles de l’adversaire. Un cas de figure auquel les armées françaises n’ont plus été confrontées depuis 1945. Or nos forces terrestres, réduites depuis trente ans à des missions de corps expéditionnaire, sont les laissées pour compte des armées françaises. Elles disposent bien entendu de certains systèmes d’armes extrêmement performants. Le Leclerc semble avoir davantage convaincu les Etats arabes du Golfe au Yémen17 que le Léopard-2 n’a convaincu en Syrie. Quant à la valeur combattive des soldats, elle n’est plus à souligner. Volontiers railleurs, Britanniques et Américains ne tarissent pas d’éloges vis- à-vis d’eux depuis qu’ils ont combattu à leurs côtés en Afghanistan. Mais la qualité de nos régiments d’élite, de nos forces spéciales, de nos blindés, de nos hélicoptères de combat ou de notre artillerie, ne peut pallier à la taille liliputienne de notre armée de terre. 77 000 hommes pour la force d’action terrestre (FOT) : Nous n’avons jamais eu d’aussi faibles effectifs depuis Louis XVI. Certes ces maigres capacités savent combiner au mieux leurs ressources et leurs moyens pour générer, malgré leur faiblesse, une puissance de feu susceptible de mettre à mal l’adversaire le plus dur et le plus aguerri. La « révolution numérique », mettant en réseau senseurs et effecteurs des fantassins, des véhicules et des hélicoptères, au sein d’un système centralisant l’ensemble des données et gérant de manière optimale les ressources au combat en temps réel grâce à l’Intelligence Artificielle (IA), permet peu à peu à nos hommes d’évoluer dans un cadre de « combat collaboratif », démultiplicateur d’efficacité. Vitesse d’exécution accrue, choix de la meilleure munition, au meilleur emplacement, en fonction de la menace identifiée… L’IA permet non seulement de frapper au plus juste, mais aussi d’économiser les moyens en tenant en permanence le compte du stock de munitions, de carburant, en attendant, très bientôt, de prendre littéralement le pouls et la tension des hommes afin de connaître l’état de stress et d’épuisement des troupes. Comme aiment à le répéter les ingénieurs, smart is beautiful. Sans doute. Mais big is better. Parce que notre seule technologie ne nous permet plus de l’emporter aisément contre un adversaire plus nombreux et ayant progressé du point de vue matériel, il nous faut revenir à un modèle d’armée puissant, basé sur des unités robustes disposant d’un arsenal conséquent de moyens lourds. Dieu est de nouveau du côté des gros bataillons. Le ministère de la défense affirme en être conscient. Pourtant les faits le contredisent. Nous possédions 1 350 chars de combat à la chute de l’URSS. Nous en conservons 200. L’artillerie française a longtemps été parmi les plus réputées, compte tenu de l’excellence et du nombre de ses tubes. Après avoir fait cadeau de 18 canons automoteurs Caesar aux Ukrainiens, soit don de 25% de notre artillerie, minorant sensiblement le maigre potentiel de nos forces,18 il nous reste moins d’une centaine de pièces de 155 mm, dont à peu près une soixantaine opérationnelle, et nous ambitionnons d’en posséder 109 en 2025 ! Nous avions engagé 11 000 hommes lors de l’opération Tempête du Désert en Irak en 1991. Un chiffre que nous jugions si misérable, que nous avons décidé de professionnaliser nos armées afin d’être en mesure de disposer en permanence de nombreux professionnels aisément déployables sur court préavis. Trente-cinq ans après, nous souhaitons à l’horizon 2025 être en mesure d’engager 15 000 hommes, soit deux brigades interarmes, avec 140 chars, 130 blindés Jaguar, 800 VBCI, 48 canons de 155 mm et 64 hélicoptères dans le cadre d’une coalition : A peine mieux que la division Daguet. A cette aune, la professionnalisation était-elle pertinente ? La question peut d’autant plus se poser que nous pouvions compter, avant la fin de la conscription, sur plusieurs centaines de milliers de réservistes pour venir renforcer nos unités professionnelles en cas 17 http://www.opex360.com/2016/03/14/au-yemen-le-char-leclerc-fait-forte-impression/ 18 https://www.europe1.fr/international/absolument-pour-le-general-christophe-gomart-la-france-se- desarme-en-armant-lukraine-4157488
  • 7. Institut Brennus – Dossier n°1 – Philippe Migault – 5 janvier 2023 – Budget des Armées de menace majeure. Nous ne les avons plus. Nous ne cessons de les regretter. Plus de matériels, presque plus d’hommes, etc… : En cas de guerre en Europe, nous serions d’autant plus quantité négligeable que l’adversaire serait quasiment à notre niveau technologiquement, voire supérieur dans certains domaines. La problématique est quasiment la même au sein de notre armée de l’air. Celle-ci met en œuvre des matériels exceptionnels, les Rafale, qui illustrent la capacité de la France à faire mieux seule, si nécessaire, que dans le cadre d’une coopération européenne mal conçue, telle celle qui a donné naissance à l’Eurofighter…19 Mais ces appareils risquent à l’avenir d’être confrontés à des avions de conception russe de plus en plus performants et à des défenses sol-air multicouches de plus en plus impénétrables. La supériorité technologique dont ils disposent demeure, mais dans une moindre mesure. Elle ne leur permet plus de compenser leur faiblesse numérique. D’autant qu’ils ne sont déjà pas assez nombreux pour faire face à toutes les missions envisagées par la LPM. Lorsque l’Union Soviétique s’est sabordée en décembre 1991, la France possédait –armée de l’air et aéronavale confondues- 686 avions de combat. Nous n’en avons plus que 254. Et alors que ce chiffre alarme les plus hauts responsables militaires20 , le modèle d’armées 2030 prévoit que nous n’en ayons plus que 225 à l’horizon 2030, 185 pour l’armée de l’air, 40 pour la marine. Une nouvelle diminution drastique qui n’a rien de logique si nous sommes réellement confrontés à une menace de conflit de haute intensité avec une puissance majeure. D’autant que le tableau est en trompe l’œil. D’ores et déjà, il est clair que l’armée de l’air n’alignera pas 185 avions de chasse polyvalents dans les années qui viennent, tout simplement parce qu’elle continuera à mettre en œuvre des « Mirage 2000-5 et les Mirage 2000D, qui ne sont pourtant pas polyvalents, (mais qui) se sont vu attribuer des coefficients de polyvalence afin d’atteindre cet objectif. »21 Le ministère de la défense, toutefois, ne semble pas alarmé non plus par cette question. Non seulement il maintient sa cible de 225 appareils pour 2030, mais il minore sciemment le potentiel de combat de l’armée de l’air au moment où nous écrivons ces lignes, puisqu’il a prélevé 24 Rafale équipant les escadrilles de l’armée de l’air afin d’honorer au plus vite les contrats remportés en Grèce (12 appareils) et en Croatie (12 appareils). De toute évidence les succès commerciaux –dont nous n’avons cependant que des raisons de nous réjouir- priment sur l’efficacité de nos forces et la rigueur budgétaire. « En raison de l’écart de prix entre les appareils neufs et ceux qui sont vendus d’occasion, le remplacement des avions ainsi prélevés crée un besoin de ressources budgétaires non programmées pour garantir que, conformément à la LPM, l’armée de l’air dispose de 129 Rafale en 2025. Le maintien d’un format de l’ordre de 250 avions de combat (en incluant ceux de l’aéronautique navale) en dépend », s’inquiète la Cour des comptes.22 Or ce chiffre ce 253 avions de combat en 2025, 225 en 2030, est totalement insuffisant dans l’hypothèse où nous devrions affronter une armée de l’air puissante seuls, ou en coalition. La loi de 19 Longtemps raillé par la presse et par les « experts », qui annonçaient il y a trente ans le Rafale comme « le dernier round » de Dassault Aviation, l’avion de combat français a enregistré aujourd’hui 285 commandes à l’export, contre 151 pour l’Eurofighter. Son potentiel de combat, multirôles, ne cesse d’évoluer alors que l’Eurofighter reste essentiellement cantonné à des missions de supériorité aérienne et accuse un retard technologique permanent (radar AESA…) 20 https://rmc.bfmtv.com/actualites/politique/il-faut-passer-commande-il-y-a-urgence-le-general-pierre-de- villiers-alerte-sur-l-armement-francais_AV-202212190408.html 21 « La masse dans les armées françaises, un défi pour la haute intensité », Raphaël Briant, Jean-Baptiste Florant, Michel Pesqueur, op. cit. 22 « La loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 et les capacités des armées », rapport de la Cour des Comptes, mai 2022, op. cit.
  • 8. Institut Brennus – Dossier n°1 – Philippe Migault – 5 janvier 2023 – Budget des Armées programmation militaire stipule que nous soyons en mesure de mettre 45 avions seulement (sur 253) au service d’une alliance engagée dans un conflit majeur. Ce chiffre, 45 appareils, est en soi pathétique pour une ancienne grande puissance comme la nôtre. Mais il n’est même pas réaliste : « Dans les premiers temps d’une opération de haute intensité, où le rythme des sorties quotidiennes peut aller jusqu’à 2,8 vols par avion, un taux d’attrition initial de 1 % par mission verrait le format d’une flotte se réduire de moitié au bout de 24 jours. Avec une attrition initiale de 5 %, cette situation pourrait être atteinte après seulement cinq jours. L’armée de l’Air française, dont les contrats opérationnels actuels prévoient le déploiement de 45 avions dans le cadre d’une opération de coercition majeure, verrait nécessairement son poids au sein d’une coalition limité par le retour de l’attrition. Deuxièmement, si les avions peuvent être remplacés ou réparés, ce n’est pas le cas des équipages dont la formation et l’acquisition d’expérience s’inscrivent dans le temps long et ne permettraient pas de compenser le tempo des pertes de la guerre aérienne moderne.»23 Plus assez d’avions, plus assez de pilotes, pas assez non plus de munitions de précisions, le Roi est nu. High tech, ultra-expérimentée, notre aviation de combat est un poids léger souple, agile, qui peut frapper vite, fort et loin, pendant quelques jours. Mais elle serait sans doute détruite si elle devait affronter un poids lourd durant plus de quelques semaines. Tout au plus sommes-nous encore capables de combattre avec vaillance, et de figurer honorablement dans le cadre d’une coalition dont le gros des moyens d’appui (transport aérien, ravitaillement en vol, renseignement…) serait fourni par les Etats-Unis. Notre marine est aussi en situation difficile. La montée en puissance des flottes de combat au sud et à l’est de la Méditerranée (mais aussi dans la zone Indo-Pacifique), est un vrai sujet de préoccupation. Certes notre flotte fait l’objet d’investissements conséquents, mais très loin d’être suffisants dans le cadre de la LPM 2019-2025. « Si le maintien de la trajectoire de la programmation doit permettre de régénérer la Marine et de maintenir une structure de force dans son périmètre actuel, il demeure sous- dimensionné au regard d’un contexte de sécurité maritime plus dégradé et du défi de la haute intensité »,24 relève l’IFRI. Le constat est particulièrement alarmant sur le segment des grands bâtiments de combat. Cheville ouvrière traditionnelle de la flotte, les frégates ne sont plus assez nombreuses aujourd’hui au sein de nos escadres. Alors que l’Etat-major de la marine demande depuis des années à disposer de 18 frégates de premier rang25 au lieu des 15 envisagées depuis 201326 , il doit composer aujourd’hui avec 10 à 11 frégates de ce type seulement, l’objectif des 15 bâtiments de premier rang devant être de nouveau atteint à l’horizon 2030…27 Et cette lacune ne semble guère préoccuper nos décideurs politiques. Alors qu’une remontée en puissance s’impose, ceux-ci ne la conçoivent que dans une certaine mesure et à un train de sénateurs. La première frégate de défense et d’intervention (FDI) vient d’être mise à l’eau à Lorient.28 Navire bien plus léger que nos frégates multi-missions (FREMM) ou que nos frégates de défense antiaérienne 23 « La masse dans les armées françaises, un défi pour la haute intensité », Raphaël Briant, Jean-Baptiste Florant, Michel Pesqueur, op. cit. 24 « La masse dans les armées françaises, un défi pour la haute intensité », Raphaël Briant, Jean-Baptiste Florant, Michel Pesqueur, op. cit. 25 C’est-à-dire des bâtiments puissants et lourdement armés, que l’on pourrait qualifier de destroyers. 26 https://www.meretmarine.com/fr/defense/la-marine-nationale-demande-le-retour-a-18-fregates-de- premier-rang 27 « La loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 et les capacités des armées », rapport de la Cour des Comptes, mai 2022. https://www.ccomptes.fr/system/files/2022-05/20220511-rapport-bilan-loi-programmation-militaire.pdf 28 https://www.meretmarine.com/fr/defense/la-premiere-fdi-mise-a-l-eau-mais-pas-encore-sortie-de-sa- forme-de-construction
  • 9. Institut Brennus – Dossier n°1 – Philippe Migault – 5 janvier 2023 – Budget des Armées (FDA), il peut difficilement prétendre à l’appellation de frégate de premier rang. Et non seulement le compte n’y est pas tout à fait du point de vue de la puissance de la plateforme, mais les deux premières FDI construites n’équiperont pas la Marine nationale mais notre allié grec. Une décision « qui retardera la pleine réalisation du format à 15 frégates de premier rang prévu à l’horizon 2030 par la LPM, pour l’instant tenu grâce à des frégates de type La Fayette, dont les capacités opérationnelles sont moindres que celles des FDI », s’inquiète la Cour des Comptes.29 Les cinq navires de la classe La Fayette (FLF), considérés par le ministère de la défense comme des frégates de premier rang, sont en effet très loin de pouvoir prétendre à une telle dénomination. Bâtiments certes modernes et furtifs, ils ne sont pas en mesure de rivaliser avec les frégates que mettent aujourd’hui en service Russes, Chinois, ou Turcs. Alors qu’ils devaient initialement recevoir 12 missiles anti-aériens Aster, qui leur auraient procuré une survivabilité accrue dans le cadre d’un conflit de haute intensité, ils n’en ont pas été dotés pour des questions budgétaires. Certes, trois des FLF ont fait l’objet d’un programme de modernisation, portant sur l’intégration d’une nouvelle version du missile antinavires Exocet (le Block-3C), permettant une élongation des capacités de frappe antinavires et contre des cibles côtières de 72 à 180 km. Les 24 missiles anti-aériens Crotale, frappés d’obsolescence, ont de surcroît été remplacés. Mais pas par les Aster initialement prévus. Au lieu de ces derniers, les FLF « modernisées » ont été équipées de deux Sadral d’occasion, prélevés sur d’anciens bâtiments retirés du service, systèmes mettant en œuvre 12 missiles Mistral M3, certes très performants, mais n’autorisant que la mise en place d’une bulle de protection rapprochée autour du navire alors que les Aster proposaient une solution d’interception de la menace à plus longue distance et à plus haute altitude. Sous-dimensionnée, mal équipée pour une entrée en premier sur des théâtres d’opération non- permissifs, comme une bulle A2/AD, notre flotte de surface est par ailleurs mal armée pour réduire au silence les défenses d’un tel dispositif. « Pour contraindre un adversaire, c’est-à-dire modifier son comportement voire faire plier sa volonté, encore faut-il être en mesure d’exercer un effet suffisant. Cet effet a été obtenu, par exemple, lors de l’opération Odyssey Dawn en Libye en 2011, où les forces navales américaines ont « ouvert le théâtre » en tirant dès les premières heures quelque 110 missiles de croisière de type BGM-109 Tomahawk, à partir de frégates et de sous-marins nucléaires d’attaque. À cet égard, il est permis de s’interroger sur la capacité de la Marine française à produire de tels effets, alors même que le niveau de ses stocks de munitions est bas et que ses capacités embarquées à les tirer sont limitées. Alors que les FREMM sont pourvues du système de lancement vertical Sylver A-70, pouvant emporter jusqu’à 16 MdCN30 , soit deux salves de huit missiles, il n’est pas inintéressant de les comparer aux 32 VLS du destroyer chinois Type-052D, d’un tonnage et d’une maturité technologique à peu près similaires. Cette problématique de la « compétition de salve » est d’autant plus importante qu’un conflit de haute intensité, même réduit dans le temps, serait très consommateur en munitions. Outre le MdCN, la Marine nationale dispose de munitions très performantes comme les missiles surface-air Aster 15 et 30, les missiles Exocet mer-mer 40 block 3/3c, ou encore les torpilles Artémis. Mais l’effet de masse ne peut être atteint que par une quantité de munitions suffisante », détaille l’IFRI.31 Mal protégée, insuffisamment armée, la flotte de surface française est aussi actuellement confrontée à une baisse de ses capacités de ravitaillement à la mer, limitant ses capacités de déploiement à longue distance. Le retrait de 50% des pétroliers-ravitailleurs de la classe Meuse, alors que le premier des quatre nouveaux bâtiments ravitailleurs de force (BRF), n’entrera en service qu’en 29 « La loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 et les capacités des armées », rapport de la Cour des Comptes, mai 2022, op. cit. 30 Missile de Croisière Naval 31 « La masse dans les armées françaises, un défi pour la haute intensité », Raphaël Briant, Jean-Baptiste Florant, Michel Pesqueur, op. cit.
  • 10. Institut Brennus – Dossier n°1 – Philippe Migault – 5 janvier 2023 – Budget des Armées 2023, a creusé un vide capacitaire qui ne sera comblé qu’en 2029, faute d’avoir anticipé cette transition en mettant en place un tuilage efficace. La sous-marinade accuse aussi des lacunes, strictement quantitatives, elles. La nouvelle classe de SNA32 Suffren a débuté sa mise en service, dotant la France de submersibles aux capacités exceptionnelles, que possèdent seulement trois autres marines au monde. Mais il n’y aura pas plus de six Suffren au total. Or la Marine nationale répète depuis des décennies que six SNA ne suffisent pas compte tenu de la multiplicité des missions qui leur sont confiées. Escorte du groupe aéronaval, appui aux SNLE, projection de puissance vers la terre ou lutte antinavires, renseignement à proximité immédiate des côtes adverses, opérations spéciales… Ces bâtiments exceptionnels sont sans cesse sollicités, alors que leur taux de disponibilité opérationnelle n’est pas bon33 . L’incendie qui a partiellement endommagé le SNA La Perle en juin 2020 a démontré par l’absurde ce que la Marine affirmait depuis longtemps, à savoir qu’il suffisait qu’un seul SNA soit indisponible pour que toute l’organisation de la sous-marinade française soit affectée. Pour que celle-ci ne connaisse plus de tels mécomptes il faudrait sans doute, compte tenu également des périodes d’indisponibilité des navires pour entretien, huit Suffren au lieu de six. Le surcoût serait sans doute non négligeable, mais la construction de deux unités supplémentaires devrait permettre d’une part de réaliser des économies d’échelle et offrirait, d’autre part, une capacité de frappe accrue à longue distance à notre flotte. Quels moyens pour demain ? Les failles identifiées, il faut les combler, fonction par fonction. En matière de protection de notre territoire national, mais aussi de nos forces déployées en opérations, vis-à-vis de la menace des armes hypersoniques et de la prolifération des missiles balistiques, il nous faut développer de nouveaux matériels capables d’interception à des altitudes et des vitesses plus élevées (supérieures à mach 5), contre des missiles hypermanoeuvrants. MBDA, qui vient d’être écarté par la Commission européenne du projet de lutte anti-missiles hypersoniques European Hypersonic Defence Interceptor (EU HYDEF) au profit d’industriels espagnol et allemand ayant des compétences très inférieures34 , pourrait poursuivre ses efforts en la matière dans un cadre franco-italien (le groupe est détenu à 37,5% par Airbus, 37,5% par BAE Systems et 25% par l’Italien Leonardo), la France et l’Italie disposant déjà toutes deux du système anti-missiles européen le plus performant, le Mamba, et étant en première ligne face à une menace balistique qui se préciserait au Maghreb. MBDA a envisagé par le passé la mise au point d’un intercepteur Aster Block II, associé à un radar de poursuite et de conduite de tir GS 1500 Thales, qui aurait permis de traiter la menace de missiles balistiques « rustiques » d’une portée de 3 000 kilomètres. Laissé dans les cartons, il pourrait être pertinent de le réexaminer. Contre l’hypersonique, la France doit par ailleurs envisager le recours à des armes à énergie dirigée (lasers…), sur lesquelles plusieurs puissances investissent lourdement. Nous disposons en la matière de nombreuses briques technologiques, telle l’entreprise CILAS, récemment rachetée par MBDA et Safran35 qui ne demandent qu’à être utilisées. 32 Sous-marin Nucléaire d’Attaque 33 https://www.usinenouvelle.com/article/naval-group-assurera-l-entretien-des-sous-marins-de-la-marine- nationale.N1126229 34 http://www.opex360.com/2022/10/05/mbda-conteste-sa-mise-a-lecart-du-projet-europeen-dintercepteur- de-missiles-hypersoniques/ 35 https://www.usinenouvelle.com/article/safran-et-mbda-mettent-la-main-sur-la-pepite-des-lasers-cilas-au- grand-dam-de-lumibird.N2063252
  • 11. Institut Brennus – Dossier n°1 – Philippe Migault – 5 janvier 2023 – Budget des Armées La protection de nos intérêts, c’est aussi celle de nos outre-mers. La LPM fait un effort, mais il n’est pas suffisant. Il faut sensiblement rehausser le nombre des matériels, patrouilleurs, avions de patrouille maritime (PATMAR), satellites, qui nous permettront de sauvegarder les ressources de notre ZEE de ceux qui en pillent quasi-impunément les ressources halieutiques, ou dont les trafics criminels en tous genres transitent par nos eaux. Peut-être, aussi, pourrions-nous placer une frégate de premier rang dans l’océan Indien et une autre dans le Pacifique, afin d’y réaffirmer clairement notre présence et exercer un effet dissuasif vis-à-vis de certaines puissances régionales. Nous avons évoqué les efforts consentis sur les fonctions connaissance, anticipation et prévention, avec la montée en puissance constante de nos capacités de renseignement et d’action. Manquent cependant dans le dispositif des moyens de reconnaissance et de frappe dronisés accrus, notamment des appareils de type MALE (Medium Altitude Long Endurance), engins sur lesquels la France et ses partenaires industriels européens viennent de se mettre en ordre de bataille pour lancer un programme, mais avec un tel retard36 qu’ils dépendront sans doute longtemps encore d’achats sur étagère aux Etats-Unis ou en Israël. C’est sur le volet Intervention que les efforts les plus conséquents sont nécessaires. Comment redonner à nos forces terrestres une capacité à durer dans un conflit de haute intensité ? Il faut bien entendu développer les possibilités que nous donne le combat collaboratif. Mais il faut que celui-ci puisse engager plus d’hommes, de matériels, de régiments d’artillerie, de cavalerie, d’infanterie et constituer les stocks de munitions de tous types qui leur seront nécessaires pour soutenir un affrontement long. Les hommes ne manquent pas. Il ne faut sans doute pas compter sur les réservistes : L’enthousiasme de beaucoup d’entre eux s’étiole rapidement lorsqu’ils constatent que servir leur pays consiste essentiellement à remplir les missions ingrates de surveillance de site, ou les tâches administratives, afin de permettre aux unités d’active de se concentrer sur leur cœur de métier, le combat. Paradoxalement, nous aurions sans doute plus de volontaires si une perspective d’être éventuellement engagés au feu s’offrait. L’aventure, comme le patriotisme, demeurent de puissants stimulants parmi une part non négligeable de notre jeunesse. Cette fougue revigorante, il faut l’utiliser pour recruter davantage de professionnels de tous grades. Lorsque nous avons décidé d’accroître les effectifs de la FOT dans la foulée des attentats de novembre 2015, nous avons attiré sans difficultés plusieurs dizaines de milliers de militaires d’active supplémentaires en trois ans, qui ont permis une montée en puissance de plus de 14% des troupes. Si la France est menacée, un effort similaire -et au-delà- peut être consenti pour ramener la FOT vers un seuil de 90 000 hommes qui nous donnerait plus de marges de manœuvre. Mais la gageure est ensuite de conserver ceux qui ont choisi de s’engager sous l’uniforme. Or la fidélisation des personnels est un vrai souci. Lorsque l’on a signé en rêvant de Mali, ou d’Afghanistan, on déchante vite lorsqu’il faut dormir des semaines durant sur des lits de camp, dans des locaux de banlieue sans chaleur, afin de jouer les plantons dans le cadre de l’opération Sentinelle. Que celle-ci prenne fin et non seulement la FOT retrouvera instantanément des effectifs lui permettant de s’investir plus facilement et 36 http://www.opex360.com/2022/02/25/le-contrat-pour-le-developpement-et-la-production-du-drone-male- europeen-a-ete-notifie-a-airbus/
  • 12. Institut Brennus – Dossier n°1 – Philippe Migault – 5 janvier 2023 – Budget des Armées massivement en opérations extérieures, mais pourra aussi renouer avec un seuil d’entraînement loin d’être satisfaisant, à l’instar des autres armées. Il faudra plusieurs années pour redresser la barre en termes de matériels. Mais il ne faudra pas non plus se tromper d’objectif. Si l’on observe les armées de terre ouest européennes, française, britannique, allemande, italienne… aucune ne surpasse les autres en termes de puissance de feu. Ce qui démontre que, contrairement aux discours officiels, la perspective d’un affrontement terrestre majeur avec la Russie n’est guère prise au sérieux. La tentation pourrait dès lors être de nous aligner sur le mieux disant quantitativement parmi nos partenaires. Nous disposons du plus grand nombre d’hélicoptères de combat et de manœuvre, même si leur taux de disponibilité opérationnelle minore cet atout. En termes de blindés médians (AMX-10RC, Jaguar), nous sommes également leaders. Nous faisons peu ou prou jeu égal sur le segment des obusiers automoteurs de 155 mm. Nous pourrions envisager d’aligner notre nombre de chars sur celui prévus en 2025 par l’Allemagne, soit 328 chars au lieu de 200, et accroître sensiblement le potentiel de notre artillerie en portant le nombre de nos lance-roquette multiples (LRM), dont nous avons vu l’effet dévastateur en Ukraine, à une quarantaine37 au lieu de 13 (dont nous nous préparons à donner une partie aux Ukrainiens). L’augmentation ne serait pas gigantesque (en 1986 la France envisageait initialement d’acheter 1 400 chars Leclerc) mais nous placerait au meilleur niveau parmi les Etats les plus riches d’Europe occidentale, et représenterait tout de même une progression de près de deux tiers de notre parc de chars et le triplement de celui de nos LRM. De quoi rehausser significativement notre capacité de résistance face à un adversaire. Conserver la supériorité aérienne Face à des adversaires potentiels ayant fait de la mise en échec des aviations occidentales une priorité, nous devons réagir. Nous pouvons, en premier lieu, réviser le nombre d’avions de combat prévus à l’horizon 2030. Aussi dérisoire que cela puisse paraître, 253 avions aujourd’hui valent mieux que 225. Nous disposons d’un atout industriel majeur dans ce cadre. La Team Rafale, c’est-à-dire Dassault Aviation, Thales, Safran, MBDA, confrontée au succès croissant de l’avion à l’export, s’organise pour accroître ses cadences de production et être en mesure à court terme de produire trois avions par mois. 253 avions au lieu de 225, cela représente un peu plus de neuf mois de production. Certes, cela a un coût. Mais plus les séries produites sont importantes, plus le prix d’acquisition de l’appareil est censé baisser. Avec plus de 477 Rafale commandés au total à ce jour, série en cours sans doute, on est en droit d’attendre un geste des industriels, aussi bien en ce qui concerne les coûts d’acquisition que ceux de possession. De surcroît la chaîne Rafale, qui génère 7 000 emplois hautement qualifiés en France au sein de 500 entreprises, peut être un relai de croissance important pour un Etat qui cherche à se réindustrialiser. « Un Rafale commandé en plus représente cent emplois supplémentaires »38 , souligne-t-on fréquemment. Sachant qu’un nouvel emploi industriel suscite 3 à 5 emplois dans les services associés,39 le jeu du réarmement en vaut la chandelle, a fortiori si le programme franco- allemand du SCAF ne va pas à son terme et qu’il nous faut développer seuls, encore, un Rafale F5, F6 37 Soit le nombre de LRM en possession du Royaume-Uni qui envisage, pour sa part, d’en doubler le nombre dans les années à venir. La Bundeswehr, elle, possède plus de 150 LRM… 38 https://www.lepoint.fr/economie/les-commandes-de-rafale-rejouissent-dassault-aviation-thales-et-safran- 04-03-2022-2467014_28.php#11 39 https://centre-val-de-loire.dreets.gouv.fr/Un-emploi-industriel-genere-de-3-a
  • 13. Institut Brennus – Dossier n°1 – Philippe Migault – 5 janvier 2023 – Budget des Armées ou F7, perspective qu’envisageait sereinement en août dernier Joël Barre, ancien Délégué Général pour l’Armement.40 On peut aussi imaginer afin d’accroître, non pas la masse des avions de combat polyvalents mais la capacité opérationnelle, de recourir davantage à des drones de combat pour certaines missions, MALE ou UCAV. Avec toutefois cette limite qu’un loyal wingman n’évolue pas à vitesse supersonique, n’est pas ravitaillable en vol et peut, même s’il n’est pas piloté, coûter aussi cher qu’un Rafale pour les UCAV les plus performants. L’option d’un recours restreint pour certaines missions d’appui-feu au sol à des avions légers dédiés, tel l’A-29 Super Tucano brésilien, très peu onéreux, pourrait s’envisager. Certes elle impliquerait la mise en place d’une chaîne logistique dédiée. Mais pour le prix d’un Rafale, on peut acquérir prêt d’une dizaine d’appareils de ce type, d’un coût unitaire de quelques 10 millions de dollars, sans leur armement. La possession de quelques escadrilles d’avions de cette gamme, particulièrement précieux compte tenu de leur rusticité sur les théâtres d’opération africains, pourrait permettre à la France de concentrer ses Rafale sur les missions les plus exigeantes. Le retour vers une armée de masse, ce peut donc être le recours à des matériels « bas de gamme», ce que les combats entre Russes et Ukrainiens démontrent. Pourquoi la France n’investirait-elle pas d’ailleurs, elle aussi, dans des munitions rôdeuses, ou « drones suicides », conjuguant capacité de destruction et très faibles coûts ? Dans la bataille d’attrition que sont les conflits de haute intensité, l’essentiel n’est sans doute pas d’avoir les armements les plus performants, produits par les meilleurs polytechniciens, mais des matériels qui remplissent leur mission, à savoir user l’adversaire en sauvegardant les équipages et en épargnant le potentiel des matériels les plus précieux. Restaurer nos capacités navales Nous avons évoqué supra la nécessité de protéger nos approches maritimes et notre ZEE en renouvelant notre aviation de patrouille maritime, accroissant le nombre de patrouilleurs, prépositionnant peut-être deux frégates de premier rang outre-mer. Dans le cadre d’une intervention, a fortiori dans le cadre d’une guerre face à une puissance majeure, il nous faut cependant des moyens plus lourds. Dix-huit frégates de premier rang au lieu de 15 en 2030, deux SNA supplémentaires au- delà de cet horizon, l’effort demandé régulièrement par la marine pour tenir ses engagements ne semble pas démesuré. Certes des voix soulignent, à juste titre, qu’il serait quasi-impossible de commander deux SNA supplémentaires sans impacter le programme SNLE3G, dont il faudrait nécessairement détourner des ressources.41 C’est oublier que mis en chantier en 2023, le premier SNLE3G n’entrera en service qu’en 2035, le quatrième et dernier bâtiment de la classe ne devant rejoindre la flotte qu’en 2050, tandis que le sixième SNA de la classe Suffren sera livré en 2029. 2029-2050… Il serait étonnant que des entreprises aussi performantes que NavalGroup ou Technicatome ne parviennent pas à produire deux SNA supplémentaires sur cette tranche de 21 ans. A fortiori si des investissements supplémentaires permettent d’accorder à la marine et à ses partenaires industriels les ressources nécessaires en termes d’hommes et de moyens pour y parvenir. 40 http://www.opex360.com/2022/08/13/en-cas-dechec-du-scaf-la-france-pourrait-miser-sur-des-evolutions- successives-du-rafale-selon-m-barre/ 41 http://www.opex360.com/2022/11/07/marine-nationale-augmenter-le-nombre-de-sous-marins-nucleaires- est-un-defi-insurmontable/
  • 14. Institut Brennus – Dossier n°1 – Philippe Migault – 5 janvier 2023 – Budget des Armées Evidemment, de telles mesures, évoquées comme de simples pistes de réflexion, nécessiteraient un investissement élevé, tant en termes de masse salariale que de coûts d’acquisition et de possession des matériels. La France envisage d’élever son budget de la défense à la hauteur de 2% de son PIB en 2025 (le plancher réclamé par les Etats-Unis envers leurs partenaires de l’OTAN). Cela ne suffira sans doute pas pour remettre à niveau des forces qui ont autant souffert de l’encaissement des « dividendes de la paix » chers à Laurent Fabius. Il nous faudra aller au-delà. Certains évoquent déjà la nécessité de faire de ces 2% un minimum garanti afin de mener à bien la modernisation et la remontée en puissance des armées.42 D’autres, plus ambitieux, ou plus réalistes, estiment que nous ne parviendrons pas à redresser la barre sans remonter au niveau des 3 points de PIB.43 Ce chiffre, régulièrement évoqué par divers acteurs, économistes, experts militaires, personnels politiques, peut faire hurler dans le contexte économique actuel. Mais rappelons qu’entre 1980 et 1985, alors que l’inflation en France variait entre 13,6 et 5,8% (contre 5,5% prévus en 2023)44 , et que le chômage explosait, François Mitterrand maintînt systématiquement un budget de la défense supérieur à 3,5% du PIB. Rappelons aussi, nous l’avons évoqué précédemment, qu’investir dans nos armées, c’est investir dans notre Base Industrielle et Technologique de Défense (BITD). Cela revient à créer des milliers d’emplois industriels hautement qualifiés, et trois à cinq fois plus de postes dans les services associés. « La défense, c’est la première raison d’être de l’Etat. Il n’y saurait manquer sans se détruire lui-même », rappelait le général de Gaulle en 1946, lors de son fameux discours de Bayeux. C’est aussi un relai de croissance et, pour une Nation qui parle sans cesse de se réindustrialiser, un puissant levier d’action. A cette aune Bercy, qui ne souhaite pas investir plus de 377 milliards d’euros dans la défense sur les sept prochaines années, pourrait se laisser infléchir et, sinon s’aligner, du moins s’approcher des demandes du ministère des armées (400 à 410 milliards d’euros), ou de l’EMA (430), chiffres qui restent bien en deçà de cette cible des 3%. 42 http://www.opex360.com/2022/11/09/budget-de-la-defense-lobjectif-des-2-du-pib-pourrait-etre-un- plancher/ 43 https://www.ifrap.org/etat-et-collectivites/les-besoins-de-nos-armees-reclament-un-budget-de-la-defense- 3-du-pib 44 https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/12/18/inflation-en-france-le-pic-est-attendu-debut- 2023_6154917_3234.html