2. Émilie Carles
née Allais (1900-1979), institutrice et écrivaine française. Sa
vie est une succession de joies, de peines, de travaux et d’efforts pour
aider sa famille, protéger son cadre de vie et mener une existence
conforme à son idéal libertaire et pacifiste.
Sa mère meurt en travaillant, foudroyée dans un champ.
Institutrice à Paris, atteinte de tuberculose. Avec Jean Carles, son
compagnon libertaire, pacifiste et libre-penseur, ouvre une auberge.
Leur fille est écrasée par un camion d’un convoi militaire traversant le
village. Dans les années 1970, milite pour la protection de la vallée de
la Clarée menacée par un projet de voie rapide.
Tient à ce que ses élèves développent leurs propres talents,
aiment l’étude et respectent les valeurs morales : solidarité, respect
d’autrui, responsabilité individuelle. Décrit avec enthousiasme son
espoir de voir le monde devenir meilleur et appliquer de nouvelles
valeurs morales. Fait don de son corps à la science.
« Je me suis attaquée au patriarcat, à l'alcoolisme, au
chauvinisme : ils n'avaient fait que trop de ravages. »
3. Amadou Hampâté Bâ
(1900-1991), écrivain et ethnologue malien.
Effectue des enquêtes ethnologiques et recueille les traditions
orales africaines dans le cadre de l’Institut français d'Afrique noire
(IFAN) de Dakar grâce sous l’autorité de Théodore Monod.
Fonde en 1960 l’Institut des sciences humaines à Bamako.
Membre du Conseil exécutif de l’UNESCO de 1962 à 1970.
« Les filles mossis et bambaras, noires comme de l'ébène
sahélien, étaient si élancées et d'une telle grâce qu'en les voyant au
marché on se serait cru à une foire organisée pour un concours de
beauté. »
« En Afrique, quand un vieillard meurt, c'est une bibliothèque qui
brûle. »
«Si vous voulez faire une œuvre durable, soyez patients, soyez
bons, soyez vivables, soyez humain ! »
4. Margarete Buber-Neumann
Née Thüring (1901-1989), militante politique et écrivaine
allemande. Militante communiste, se réfugie à Moscou en 1935 avec son
compagnon Heinz Neumann lors de l’arrivée au pouvoir des nazis.
Arrêtée en 1938 par le NKVD, accusée d'activités contre-
révolution-naires et condamnée à 5 années d'emprisonnement dans un
camp de travail à Karlag, goulag de Karaganda, au Kazakhstan.
En 1940, Staline livre à Hitler les communistes allemands qui
s'étaient réfugiés en Union soviétique : elle fait partie du nombre. Les
nazis l'internent au camp de concentration de Ravensbrück.
Y passe 5 années, se liant d'amitié avec l'ethnologue française
Germaine Tillion et avec la journaliste tchèque Milena Jesenská.
En 1949, témoigne à Paris lors du procès de Victor Kravtchenko, et
établit un parallèle entre camps soviétiques et camps nazis. Combat
jusqu’à sa mort les dictatures.
« Cette force (de résistance), l'individu ne l'a qu'aussi longtemps
qu'il ne sépare pas son destin de celui des autres, qu'il ne perd pas de
vue l'essentiel, qu'il a la conscience profonde d'appartenir à une
communauté. »
5. Paul Amor
(1901-1984), magistrat français né en Algérie. Soupçonné d'avoir
aidé un réseau de la Résistance et arrêté à Laon, s'évade et revient
délivrer 15 camarades menacés de déportation.
Premier directeur de l'Administration pénitentiaire française,
nommé en septembre 1944.
Participe, dès 1945, à l'élaboration d'une importante réforme
pénitentiaire (dite "réforme Amor") dont l'objectif est de placer
l’amendement et le reclassement social du condamné au centre de la
peine privative de liberté.
Magistrat à la Cour de Cassation, siège 8 ans au Conseil
supérieur de la magistrature.
Co-créateur en 1948 de la prison ouverte de Casabianda à
Aléria, en Corse. Les détenus de ce centre de détention de 1 500
hectares travaillent à des activité agricoles et d'élevage. Depuis sa
création, la prison a connu très peu de cas de suicide et d'évasion, et le
taux de récidive y est très faible.
Photo du bas : centre pénitentiaire de Casabianda
6. César Geoffray
(1901-1972), musicien, violoniste, chef de chœur et compositeur
français.
Maître national de chant des Scouts de France de 1942 à 1955.
Un des initiateurs du renouveau du chant choral mixte en France
dans la deuxième moitié du 20ème siècle, fondateur du mouvement
À Cœur Joie, mouvement international de chant choral, et du festival
international des Choralies qui a lieu tous les 3 ans à Vaison-la-
Romaine depuis 1953.
Cette fête du chant choral rassemble quelque 5 000 choristes
venus du monde entier, avec une quarantaine d’ateliers d’une durée de
1 à 9 jours.
«Venez, nous découvrirons la polyphonie, une nourriture dont tous
les êtres ont besoin. Le plaisir de chanter ensemble est incomparable :
par le chant, vous entrerez dans la musique».
7. Nâzim Hikmet
(1901-1963), poète turc. Membre du mouvement indépendantiste
conduit par Mustafa Kemal, puis du Parti communiste clandestin de Turquie.
Condamné en 1938 à 28 ans de prison pour avoir publié un éloge de la
révolte, L’épopée de Sheik Bedrettin, ou le combat d'un paysan contre les
forces de l'Empire ottoman. Libéré en 1949 grâce à l'action d'un comité
international de soutien, formé à Paris par ses camarades Jean-Paul Sartre,
Pablo Picasso et Paul Robeson. Passe en prison, au total, 15 années de sa
vie comme détenu politique. Déchu de sa citoyenneté turque par décision du
Conseil des ministres en juillet 1951. Termine sa vie en exil comme citoyen
polonais, dénonçant le stalinisme. La nationalité turque lui est rendue de
façon posthume en janvier 2009, à la suite d'un conseil des ministres
reconnaissant que « les crimes dont on l'accusait alors ne sont plus
considérés aujourd'hui comme tels.».
Auteur de poésies, pièces de théâtre, romans, récits, contes, lettres
de prison. Une de plus importantes figures de la littérature turque du 20ème
siècle, traduit dans 50 langues.
« Le pays que je préfère est la Terre entière. »
« Si j'étais porte, je m'ouvrirais aux bons je me fermerais aux
méchants. Si j'étais fenêtre, une fenêtre sans rideaux, grande ouverte
je ferais entrer la ville dans ma chambre. Si j'étais verbe, je vous appellerais
au beau, au juste, au vrai. Si j'étais parole, je dirais mon amour tout
doucement. »
8. Gabriel Péri
(1902-1941), journaliste et homme politique français. Emprison-
né 3 mois en 1924 pour "attentat contre la sûreté extérieure et intérieure
de l’État", après avoir dénoncé l'occupation de la Ruhr ordonnée par le
gouvernement de Raymond Poincaré afin de contraindre l’Allemagne à
accélérer les paiements.
Membre du Comité central du ‘Parti communiste français’,
responsable du service de politique étrangère de L'Humanité et député
de Seine-et-Oise. Dénonce les accords de Munich (sept. 1938) qui
marquent la trahison de la France envers la Tchécoslovaquie amputée
des Sudètes par le régime nazi.
Arrêté comme Résistant par la police française. Pierre Pucheu,
le ministre de l’Intérieur du gouvernement de Vichy, lui aurait proposé de
l’aider en échange du désaveu des actes terroristes menés par le PCF
clandestin. Fait donc partie des 92 otages fusillés le 15 décembre 1941
au Mont-Valérien, près de Paris.
« Que mes compatriotes sachent que je vais mourir pour que
vive la France. (...) J'irais dans la même voie si j'avais à recommencer
ma vie. J'ai souvent pensé, cette nuit, à ce que mon cher Paul Vaillant-
Couturier disait avec tant de raison, que le communisme était la
jeunesse du monde et qu'il préparait des lendemains qui chantent. Je
vais préparer tout à l'heure des lendemains qui chantent. »
9. Vercors
Jean Bruller (1902-1991), illustrateur et écrivain français, père
d’origine juive hongroise. Ingénieur ESIEE, dessinateur humoristique.
D’abord pacifiste, entre dans la Résistance.
En 1941, fonde avec Pierre de Lescure les Éditions de Minuit,
maison d'édition clandestine et y publie sa nouvelle Le Silence de la mer
en 1942 sous le pseudonyme de Vercors. À travers l’action des person-
nages, l’officier humaniste allemand Werner von Ebrennac et les
Français qui l’hébergent sans lui adresser la parole, montre que nous
sommes tous humains, que les limites de nos pays ne sont visibles que
sur les cartes que nous dressons. Démissionne de la commission de
l’épuration de l’édition, refuse l’établissement d’une "liste noire" des
auteurs.
En 1960, fait partie des signataires du Manifeste des 121 écrivains
et artistes qui déclarent "le droit à l'insoumission dans la guerre
d'Algérie". Pour protester contre la torture, refuse la Légion d'honneur.
« L'humanité n'est pas un état à subir. C'est une dignité à
conquérir. »
10. André Philip
(1902-1970) homme politique socialiste français, Protestant, docteur
en sciences économiques et avocat.
Fait partie des 80 parlementaires qui refusent de voter les pleins
pouvoirs à Pétain le 10 juillet 1940. Participe à la Résistance au sein du
‘Comité d'action socialiste et de Libération-Sud’. En 1942, rejoint de Gaulle
à Londres. Commissaire au ‘Comité français de la Libération nationale’
d'Alger.
Député du Rhône, ministre de l’Économie, membre de l'Assemblée
consultative du ‘Conseil de l'Europe’, où il préconise la création de la
‘Communauté européenne du Charbon et de l’acier’ (CECA). Battu aux
élections de 1951, entre au ‘Conseil économique et social’, dont il reste
membre jusqu'en 1959.
Critique de la politique algérienne de Guy Mollet, exclu du parti
socialiste SFIO en 1957, rejoint le PSU jusqu'en 1962.
Crée en septembre 1944 la ‘République des jeunes’, association
nationale rassemblant syndicats de salariés et mouvements éducatifs et de
jeunesse. Cette organisation préfigure la création, en 1948, de la
‘Fédération française des Maisons des Jeunes et de la Culture’ dont il
assure la présidence jusqu'en 1968.
11. Günther Anders
(1902-1992), penseur et essayiste allemand, émigré en 1936
aux États-Unis, rentre en Europe en 1950.
Critique de la modernité technique et plus particulièrement de
l’arme et de l’industrie nucléaires.
« Les machines ont pris le pouvoir et risquent de cannibaliser
l’humanité de l’homme. »
« La bombe atomique est moins une arme ou un instrument
que la machine de la toute-puissance. »
« La question n’est plus de savoir comment l’humanité doit
vivre, mais si elle doit ou non continuer à exister. »
« Le philosophe qui ignore la menace absolue de la bombe se
rend coupable d’une cécité morale incompatible avec la tâche qui est
la sienne. »
Voir aussi G.A. dans Nucl.3-1
12. Pierre et Gilberte Brossolette
(1903-1944), journaliste et homme politique socialiste français.
École Normale Supérieure, agrégation d’histoire. Membre de la ‘Ligue
des Droits de l‘Homme’, de la ‘Ligue internationale contre l'antisémitis-
me’, de la ‘Grande Loge de France’ et de la ‘Section française de
l'Internationale ouvrière’ (SFIO). Journaliste, notamment au journal de la
SFIO, Le Populaire et à Radio PTT
Interdit d’enseignement, ouvre avec sa femme Gilberte (née
Bruel, 1905-2004) une librairie qui sert de couverture à leurs activités de
Résistants.
Rédacteur en chef du journal Résistance, membre de plusieurs
réseaux. En avril 1942, représentant de la Résistance, rencontre
Charles de Gaulle à Londres. Promu commandant, travaille pour les
services secrets de "la France libre", le Bureau central de
renseignements et d'action (BCRA). Parachuté trois fois, prend la
parole à 38 reprises au micro de la BBC en remplacement de Maurice
Schumann.
Arrêté près d’Audierne en fév. 1944, torturé avec son ami Émile
Bollaert par la Gestapo à Paris, choisit de se suicider en se jetant par la
fenêtre du 5ème étage le 22 mars 1944, sans avoir parlé.
13. George Orwell
(1903-1950), écrivain anglais.
Engagé contre l'impérialisme britannique, après son engagement
de jeunesse comme représentant des forces de l'ordre colonial en
Birmanie ; pour la justice sociale et le socialisme, après avoir observé
et partagé les conditions d'existence des classes laborieuses à Londres
et à Paris ; contre les totalitarismes nazi et soviétique.
S’installe en 1946 dans une ferme isolée d’une île des Hébrides
intérieures (à l’ouest de l’Écosse) pour expérimenter une vie aussi
autonome que possible.
Se demande dès 1948 ce qu’il adviendra « après 50 ans d’érosion
du sol et de gaspillage des ressources énergétiques de la planète. »
Chroniqueur, critique littéraire et romancier, crée en 1949 dans son
roman 1984 le personnage de Big Brother, figure métaphorique du
régime policier et totalitaire, de la société de la surveillance et de
réduction des libertés.
14. Raoul Follereau
(1903-1977), avocat français, puis journaliste, marqué
par Maurras puis par Charles de Foucauld.
Suite à la rencontre de lépreux, s’engage dans la lutte
contre la lèpre par 1 200 conférences à travers le monde, finance
la construction de villages pour lépreux en Afrique
En 1954, demande en vain aux dirigeants des USA et de
l’URSS l’équivalent financier de deux bombardiers pour vaincre la
lèpre.
En 1964, demande l’équivalent d’un jour de dépenses
militaires par an pour lutter contre la faim, la misère et
l’analphabétisme.
« Un homme, même seul au départ, s’il donne chaque
jour son coup de pioche dans la même direction, même si le
terrain est de roc ou d’argile, il finit toujours par ouvrir un chemin.»
15. Bertrand de Jouvenel
(1903-1987), écrivain et journaliste français, également juriste,
politologue et économiste.
Dans son ouvrage Vers les États-Unis d'Europe, écrit en
1930, prend parti pour la réconciliation franco-allemande.
Rompt avec le Parti Populaire Français (droite nationaliste) en
1938 quand Doriot approuve les accords de Munich.
Avec Gaston Berger, l'un des pionniers et théoriciens de la
prospective en France. Fondateur de la revue Futuribles.
Pionnier de l'écologie politique.
« Les dégradations du capital naturel n’apparaissent nulle
part dans la comptabilité nationale, et cette omission conduit à une
falsification inconsciente de la réalité . (…) Il est possible que, dans
le futur, une part importante de l’activité économique soit consacrée
à rétablir les destructions, faute d’en avoir fait payer immédiatement
les auteurs. »
16. Evguénia Guinzbourg
(1904-1977), écrivaine soviétique. Originaire d’une famille
juive, diplômée de l'université de Kazan, thèse de doctorat en histoire
à Léningrad. Membre, comme son mari Pavel Axionov, du Parti
Communiste. Les Grandes Purges, destinées à éliminer tous ceux qui
auraient pu menacer ou seulement faire de l'ombre à Staline, les
rattrapent au milieu des années 1930.
Inquiétée en 1935, chassée de son poste à l'université puis
exclue du Parti, arrêtée en février 1937. Après de longs mois
d'instruction dans les prisons de Kazan et de Moscou, condamnée en
août 1937 à 10 ans de réclusion en cellule d'isolement puis de
travaux forcés pour « activité trotskiste contre-révolutionnaire ». Écrit
ses mémoires à partir de 1959 sur son expérience des prisons du
NKVD et des camps du Goulag. Réhabilitée en 1855, à la faveur du
relatif "dégel" suivant la mort de Staline.
« Par delà les fenêtres se dressent de grands arbres sombres.
J’entends avec émotion le murmure secret et frais des feuilles. Je
crois l’entendre pour la première fois. Que ce bruissement des feuilles
me touche ! »
17. Jean Zay
(1904-1944), originaire d’une famille juive, avocat et homme
politique français. Député du Loiret et Conseiller général.
Ministre de l'Éducation nationale et des Beaux-Arts dans le
gouvernement du Front Populaire : institue les trois degrés d’ensei-
gnement, l’unification des programmes, la prolongation de l’obligation
scolaire à 14 ans, les classes d’orientation, les activités dirigées, les
enseignements interdisciplinaires, la reconnaissance de l’appren-
tissage, le sport à l’école, les œuvres universitaires.
Crée le CNRS, le Musée national des arts et traditions
populaires, le Musée d’art moderne, la Réunion des théâtres lyriques
nationaux, le Festival de Cannes.
Opposé aux accords de Munich, emprisonné par le gouver-
nement de Vichy. Assassiné par la Milice le 20 juin 1944.
« La République repose avant tout sur le civisme et l'intelligence
des citoyens, c'est-à-dire sur leur éducation intellectuelle et morale. »
« Contre la conservation sociale mais aussi contre les utopies
révolutionnaires, la politique est ce mouvement par lequel l'humanité
s'approfondit et devient en quelque sorte plus digne d'elle-même. »
18. Robert Oppenheimer
(1904 -1967), physicien états-unien d'origine juive.
Directeur scientifique du projet Manhattan, père de la bombe
atomique américaine.
Auteur de thèses concernant la naissance des trous noirs,
confortées par les dernières analyses astronomiques.
À la suite de la défaite des nazis et aux bombardements
atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, considère que ces armes
doivent être contrôlées internationalement et s'oppose au
développement de la bombe à hydrogène.
Suspendu par le président Eisenhower en 1953, mis en cause
par Joseph MacCarthy, homme politique anticommuniste qui mène
une "chasse aux sorcières".
Par la suite, donne des conférences dans le monde entier sur
l'histoire des sciences, sur les questions d'éthique liées au progrès
scientifique et sur les dangers de la course aux armement nucléaires.
../..
19. Robert Oppenheimer
« On savait que le monde ne serait plus pareil. Certains
ont ri, d’autres pleuré, la plupart étaient silencieux.
Je me suis souvenu des écritures hindoues, la Bhagavad-
Gita. Vishnou tente de persuader le prince qu'il devrait faire son
devoir, et pour l'impressionner, prend sa forme aux multiples
bras, et dit: « Maintenant, je suis devenu la Mort, le destructeur
des mondes ».
Je suppose que c'est ce que nous pensions tous, d'une
manière ou d'une autre ».
16 juillet 1945, à Alamogordo (Nouveau Mexique),
après l’explosion de la première bombe atomique
20. Sean MacBride
(1904-1988), avocat et homme politique irlandais.
Crée en 1960 l’association Justice, devenue plus tard Amnesty
International, pour défendre deux étudiants portugais condamnés à 7
ans de prison sous le régime de Salazar car ils demandaient la
liberté d’expression.
En décembre 1972, préside à Paris une conférence pour
l'organisation d'une campagne mondiale pour l'abolition de la torture.
Consacre la fin de sa vie aux problèmes du tiers-monde et du
désarmement. Directeur du Bureau international de la paix à
Genève. Prix Nobel de la paix (1974).
De 1977 à 1980, préside d'une commission internationale,
pour étudier les problèmes de communication. Cette commission,
produit un rapport sur le nouvel ordre mondial de l'information.
« L’opinion publique peut aujourd’hui mettre fin aux guerres,
renverser les dictateurs. Le paysan dans son champ, informé par la
radio, devient citoyen du monde. »
21. Pablo Neruda
Ricardo Eliecer Neftalí Reyes Basoalto (1904-1973), poète,
écrivain, diplomate, homme politique et penseur chilien.
Consul en Espagne révoqué par Franco en 1937, organise le
transport des réfugiés espagnols de la France vers le Chili. Sénateur,
membre du Parti communiste chilien.
Exilé en Europe du temps de la dictature de Gonzalez Videla.
En 1957, président de l'Union des écrivains chiliens.
En 1958 et 1964, soutient la campagne électorale de Salvador
Allende comme candidat à la présidence de la République.
Ambassadeur en France. Prix Nobel de littérature 1971.
Maison saccagée et livres jetés au bûcher après le coup d’État
du général Pinochet en 1973. Décède peu après.
« Je veux vivre dans un pays où il n'y ait pas d'excommuniés.
Je veux vivre dans un monde où les êtres soient seulement humains,
sans autres titres que celui-ci. (…)
Je veux qu'on puisse entrer dans toutes les églises, dans
toutes les imprimeries. Je veux qu'on n'attende plus jamais personne
à la porte d'un hôtel de ville pour l'arrêter, pour l'expulser. Je veux que
tous entrent et sortent en souriant de la mairie ».
Son Canto General a été mis en musique par Mikis Theodorakis
22. Vassili Grossman
(1905-1964), écrivain soviétique né en Ukraine dans une famille
juive non croyante. Études de chimie à Moscou, ingénieur dans une mine
du Donbass. Communiste sincère et convaincu.
Introduit dans la nomenklatura en devenant en 1937 membre de
l'Union des écrivains soviétiques. Journaliste, correspondant de guerre,
suit l'Armée Rouge sur tous les fronts, notamment Stalingrad.
Entre en juillet 1944 dans les camps de Maidanek et de
Treblinka à peine libérés. Premier homme à décrire les camps
d'extermination.
À partir de 1947, dénonce la censure et la répression staliniennes
et l’antisémitisme de l’État soviétique. Constate au quotidien les
mécanismes poussant au silence et à la passivité, à la délation et à la
trahison ainsi qu' à l'exécution des plus sinistres besognes.
La répression sans limite et le meurtre érigés en moyen de
gouvernement provoquent en un tel effroi, que cette violence «cesse
d'être un moyen pour devenir l'objet d'une adoration quasi mystique et
religieuse ».
« La liberté est difficile, elle est parfois le malheur, elle est la vie.»
23. Gareth Jones
(1905-1935), journaliste gallois, lanceur d’alerte. Conseiller aux
affaires étrangères du premier ministre anglais Lloyd George. Premier
journaliste étranger à voyager dans l'avion privé du nouveau chancelier
Adolf Hitler en février 1933.
Dénonce dès 1933 l’Holodomor, l’extermination par la faim de
millions de personnes en Ukraine, orchestrée par Staline pour financer
"le miracle soviétique". Sa vérité, démentie à l’époque par les correspon-
dants en poste à Moscou, parmi lesquels le respecté Walter Duranty du
New York Times, aura bien du mal à s’imposer à une opinion occidentale
qui voit encore dans l’expérience socialiste l’espoir d’une société plus
égalitaire.
Repart en voyage en 1935, au Japon et en Chine, afin de
documenter l'expansionnisme japonais. Alors qu'il traverse la Mongolie-
Intérieure, est enlevé par des brigands et tué par ses ravisseurs dans des
circonstances troubles dans lesquelles il faut peut-être voir la main de la
police politique soviétique (NKVD).
Héros du film de la réalisatrice polonaise Agnieszka Holland
Mister Jones (L’ombre de Staline), sorti en Ukraine en novembre 2019.
Son récit aurait en partie inspiré La ferme des animaux, célèbre fable anti-
totalitariste de George Orwell dans laquelle le fermier est un certain Mr.
Jones.
24. Dag Hammarskjöld
(1905-1961), homme politique suédois. Docteur en droit et
économie politique de l'Université d'Uppsala, Ministre d’État.
Secrétaire général de l’ONU de1953 à 1961 (2 mandats). Parvient
à limiter les conséquences de trois crises internationales majeures : la
guerre de Suez en 1956 et les conflits du Liban et du Laos.
En 1960, quand la guerre civile éclate au Congo, obtient que des
forces de l’ONU y soient envoyées, tandis que lui-même s’efforce de
conduire une médiation entre les belligérants.
Décédé dans un accident d’avion, peut-être un attentat. Prix
Nobel de la paix à titre posthume.
« L’ONU n’a pas été inventée pour promettre au monde le
paradis, mais pour éviter à l’humanité de vivre en enfer. »
« Vous n'en avez pas fait assez, vous n'en avez jamais fait
assez, tant qu'il existe encore une chose à laquelle vous pouvez
contribuer. »
« L'humilité naît de la confiance des autres ».
« À ce qui est passé, merci ! À ce qui adviendra, oui ! »
«Toi que je ne connais pas, mais à qui j'appartiens, Toi ! »
25. Raymond Aron
(1905-1983), philosophe, sociologue, politologue, historien et
journaliste français, issu d’une famille juive.
Résistant, rédacteur à la revue Combat, puis au quotidien Le Figaro,
et, durant ses dernières années, à L'Express. Ses convictions libérales et
atlantistes lui attirent de nombreuses critiques, venant des partisans
gauche comme de droite.
Étudie le totalitarisme, les relations internationales, la guerre.
Favorable à l’indépendance de l’Algérie dès 1957.
Dénonce l'aveuglement et la bienveillance des intellectuels à l'égard
des régimes communistes, mais garde toujours un ton modéré.
« Tout étant désormais activité d'État et toute activité étant soumise à
l'idéologie, une faute commise dans une activité économique ou
professionnelle est simultanément une faute idéologique. D'où une
politisation, une transfiguration idéologique de toutes les fautes possibles
des individus et, en conclusion, une terreur à la fois policière et
idéologique. » ../..
26. Raymond Aron
« On ne peut être en même temps homme d’action et
homme d’études, sans porter atteinte à la dignité de l’un et de
l’autre métier, sans manquer à la vocation de l’un et de l’autre.
Mais on peut prendre des positions politiques en dehors
de l’université, et la possession du savoir objectif, si elle n’est
peut-être pas indispensable, est à coup sûr favorable à une
action raisonnable. »
« On n’a jamais le choix entre le bien et le mal, on a le
choix entre le préférable et le détestable. »
« Je crois que tout est toujours en question, que tout est
toujours à sauver, que rien n’est définitivement acquis et qu’il n’y
aura jamais de repos sur la Terre pour les hommes de bonne
volonté. »
Voir aussi Raymond Aron dans le diaporama Arme nucléaire n° 3-1
27. Pierre Dunoyer de Segonzac
(1906-1968), capitaine de cavalerie, École St Cyr, spécialiste des
blindés. Combat l’armée allemande à la tête d’un escadron de chars
jusqu’à l’armistice.
Après la défaite de 1940, crée ‘l’École de cadres’ d’Uriage, près de
Grenoble, avec l’appui du Secrétariat à la Jeunesse (Georges Lamirand)
du gouvernement Pétain, avec pour objectif l'instauration d'une nouvelle
aristocratie basée sur le sens du service de l'État.
Résiste aux multiples pressions de Vichy pour ménager à son école
une grande autonomie, en fait un lieu de réflexion, vivier de la Résistance*,
et de sauvegarde des Juifs.
Lors de sa dernière conférence à Uriage, prône le ‟devoir de
désobéissance”. Sous le coup d’un mandat d’arrêt en janvier 1943, entre
dans la clandestinité. Après la dissolution de l’École, son équipe essaime
dans de nombreux maquis.
L’École de cadres d’Uriage est souvent considérée comme l’ancêtre
de l’École Nationale d’Administration, créée en 1945.
* avec Joffre Dumazedier, Benigno Cacérès, Paul-Henry Chombart de Lauwe, Hubert
Beuve-Méry, Paul Reuter, Emmanuel Mounier, Yves Robert, Jean-Marie Domenach,
Pierre Chaillet, etc.
28. Denis de Rougemont
(1906-1985), écrivain, philosophe et universitaire suisse.
Études de psychologie et de lettres, directeur littéraire à Paris, lecteur à
l’université de Francfort. Mobilisé en sept. 1939 dans l'armée suisse,
cofondateur de la ‘Ligue du Gothard’, groupe de résistance suisse aux
fascismes.
En 1946, publie à New York les Lettres sur la bombe atomique.
En septembre 1946, publie son premier discours sur l'union de
l'Europe. Engagé en faveur de la construction européenne, prononce fin
août 1947 à Montreux le discours inaugural du premier congrès de
‘l'Union Européenne des Fédéralistes’ (UEF)*, et fait la promotion d'un
‘Centre européen de la culture’ qu’il crée à Genève en 1950.
En mai 1948, lors de la séance de clôture du Congrès de La Haye,
présidé par Winston Churchill, donne lecture du Message aux Euro-
péens, qu'il a été chargé d'écrire pour dégager le sens du congrès.
En 1963, fonde ‘l'Institut universitaire d'études européennes’ (IUEE),
associé à l'Université de Genève, qu'il dirige jusqu'à sa retraite en 1978
et où il enseigne jusqu'à sa mort l'histoire des idées européennes et le
fédéralisme. Partisan d’une « Europe des régions’.
* Conçoit ainsi le fédéralisme : « renoncement à toute hégémonie ;
renoncement à tout esprit de système ; sauvegarde des minorités ; préservation
des qualités propres à chaque entité fédérée ; acceptation de la complexité ».
29. José Figueres Ferrer
(1906-1990), homme d'État costaricien. Étudie dans des universités
au Costa Rica, au Mexique, au Massachusetts Institute of Technology.
Vit aux États-Unis pendant 4 ans, revient dans son pays pour prendre la
direction d'une exploitation agricole. En 1942, critique à la radio le
gouvernement de Calderón, est arrêté, doit s'exiler. Dirige le Partido
Liberación Nacional.
Président du Costa Rica à trois reprises, de 1948 à 1949, de 1953 à
1958 et de 1970 à 1974. En 1949, fait adopter une constitution politique-
ment libérale et avancée, accorde le droit de vote aux femmes et aux
noirs, interdit deux mandats présidentiels immédiatement consécutifs,
nationalise les banques, garantit l’éducation pour tous, etc.
Abolit l'armée en 1949, par mesure de précaution contre le
militarisme qui a constamment contrecarré ou sapé la démocratie en
Amérique centrale : une première historique pour un État indépendant.
Le Costa Rica est surnommé "la Suisse de l'Amérique centrale". Le pays
est aujourd'hui encore sans armée mais compte une "force publique"
destinée au maintien de l'ordre.
Surnommé affectueusement Don Pepe*.
* Pepe, surnom espagnol donné à José
30. Hannah Arendt
(1906-1975). Philosophe, journaliste et militante politique
allemande puis états-unienne, issue d’une famille juive.
Fuit le régime nazi, connaît l’exil à Paris puis à New-York.
Travaille sur les thèmes de la révolution, du totalitarisme, de la
culture, de la modernité et de la tradition, de la liberté, de la vie active
(travail – œuvre – création).
À l’occasion du procès d’Adolf Eichmann à Jérusalem, analyse ce
qui a rendu possible la shoah, l’obéissance servile de fonctionnaires, "la
banalité du mal", et aussi la collaboration de certains Conseils juifs.
Une de ses affirmations principales est que la violence est
impropre à fonder le politique.
Dénonce aussi les excès de l’automatisation et de la production
de masse, la prédominance de l’économique sur le politique.
« C’est dans le vide de la pensée que s’inscrit le mal. »
31. Claus von Stauffenberg
(1907-1944), comte, colonel de la Wehrmacht, figure centrale de la
résistance militaire contre le nazisme. Issu de l’une des familles aristocra-
tiques catholiques les plus anciennes et distinguées du Sud de l’Allema-
gne.
Montre dans un premier temps sa sympathie pour différents
aspects du national-socialisme, comme le nationalisme ou la contestation
du traité de Versailles (1919). Grièvement blessé lors d’un bombardement
allié, demande à reprendre le service armé. Le caractère criminel du
régime, particulièrement la persécution des Juifs, et la volonté de rétablir
un État de droit le poussent à la résistance à dater de 1942.
Alors qu’il est chef d’état-major auprès du commandant de l’Armée
de réserve et de l’intérieur (Ersatzheer), cherche des contacts parmi les
adversaires d'Hitler réunis autour du général Friedrich Olbricht (1888-
1944) et du général de brigade Henning von Tresckow (1901-1944).
Participe à un complot contre le Führer, organisant personnelle-
ment l’attentat du 20 juillet 1944, dans le cadre du coup d'État militaire
avorté, connu aussi sous le nom d’opération ‘Walkyrie’.
L’attentat échoue. Claus von Stauffenberg, Werner von Haeften
(1908-1944), Albrecht Ritter Mertz von Quirnheim (1905-1944) et
Friedrich Olbricht sont fusillés à Berlin le 2I juillet 1944.
32. Germaine Tillion
(1907-2008), ethnologue française. En 1935-36, mène une mission
dans l'Aurès, pour étudier l'ethnie berbère des Chaouis. Chef d’un
mouvement de Résistance pendant la 2ème Guerre Mondiale.
Déportée à Ravensbrück, écrit en cachette une opérette, Le
Verfügbar aux Enfers, où elle mêle des textes relatant avec humour les
dures conditions de détention et des airs populaires tirés du répertoire
lyrique ou populaire.
Pendant la guerre d’Algérie, tente avec le chef du FLN d’Alger de
mettre fin à l’escalade des violences, dénonce la torture.
Enquête ensuite sur les crimes nazis, le Goulag soviétique, la
guerre d’Algérie, l’émancipation des femmes.
« L’homme est fragile, malléable. Rien n’est jamais acquis. Notre
devoir de vigilance doit être absolu. Le mal peut revenir à tout moment,
il couve partout, et nous devons agir au moment où il est encore temps
d’empêcher le pire ».
33. Klaus Samst et Maria Treben
Klaus Samst (18ème siècle), médecin suédois, soigne avec des
remèdes traditionnels. Compose avec son confrère Urban Hjärne
(1641-1724), une formule en réutilisant un ancien médicament créé
par Paracelse (1493-1541) principalement composé d'herbes, la
thériaque de Venise, à laquelle ils ajoutent dix autres herbes
médicinales. Cette formule prend le nom populaire d‘’élixir du Suédois’
ou ‘liqueur du Suédois’ (Swedenbitter, en latin Elixir ad vitam longam).
Cet élixir qui soulage toutes sortes de maux s'utilise aussi bien en
application externe que par ingestion.
Maria Günzel-Treben (1907-1991), herboriste et auteure
autrichienne. Est guérie de la fièvre thyphoïde par des herbes amères
dans un camp de réfugiés en Bavière en 1940. S'intéresse aux
"simples", les plantes ordinaires et communes qui soignent, et
recueille les recettes et les applications traditionnelles de ces plantes.
Devient célèbre grâce à ses livres La Santé par la pharmacie du bon
Dieu (en allemand : Gesundheit aus der Apotheke Gottes), et Les
guérisons de Maria Treben, traduits en plusieurs langues et vendus en
plusieurs millions d'exemplaires. Découvre et contribue à faire
connaître ‘l’élixir du Suédois’.
34. Eugène Claudius-Petit
Eugène Petit (1907-1989), homme politique français. Compagnon
artisan, ébéniste, militant du Sillon. Entre dans la Résistance sous le
pseudonyme de "Claudius", cofondateur du ‘Conseil National de la
Résistance’.
Député de la Loire, participe à de nombreux gouvernements de la
IVe République. Propose un ‘Plan national d’aménagement du territoire’.
Une des figures d'un centrisme moderniste et social. Ami de l’architecte
suisse Le Corbusier, mène une vaste opération de rénovation de sa ville
de Firminy (photo du bas). Dirige la Sonacotra, ‘Société nationale de
construction pour les travailleurs’.
Catholique, très respecté des autres parlementaires. Sa position est
décisive lors du dernier jour du débat sur l'avortement, en déc. 1974 :
« En conclusion, et précisément parce que je n'ai pas laissé au vestiaire
mes convictions spirituelles, je ne peux pas me défaire de la solidarité
qui me lie à la société dans laquelle je vis. Pour obéir à mes exigences,
je suis avec ceux qui souffrent le plus, avec celles qui sont condamnées
le plus, avec celles qui sont méprisées le plus (...) À cause de cela, à
cause de Lui, je prendrai ma part du fardeau. Je lutterai contre tout ce
qui conduit à l'avortement, mais je voterai la loi ».
35. Sebastian Haffner
de son vrai nom, Raimund Pretzel (1907-199), écrivain et journaliste
allemand. Commence sa carrière dans le droit. En 1938, quitte son pays,
jugeant le régime nazi exécrable. Après quelques semaines à Paris, où il
fréquente d'autres Allemands exilés, s'installe en Angleterre, y mène une
vie très précaire.
Avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, l'éditeur
Warburg lui commande un livre où il raconterait son expérience
d'Allemand anti-nazi. Mais la guerre éclate et le manuscrit n'est pas
publié.
Retourne dans son pays en 1954, y mène une carrière de
journaliste et d'historien reconnu. Son manuscrit, retrouvé dans ses
archives après sa mort, est publié en Allemagne en 2000.
« Et pourtant la personne de Hitler son passé, sa façon d’être et de
parler pouvaient être d’abord un handicap... l’homme au putsch grotesque
perpétré dans une brasserie… Son aura personnelle était parfaitement
révulsante pour l’Allemand normal, et pas seulement pour les gens
"sensés" : sa coiffure de souteneur, son élégance tapageuse, son accent
sorti des faubourgs de Vienne, ses discours trop nombreux et trop longs
qu’il accompagnait de gestes désordonnés d’épileptique. »
36. Varlam Chalamov
Varlam Tikhonovitch Chalamov (1907-1982), prisonnier politique
et écrivain soviétique. Ouvrier tanneur, études de droit, journaliste,
essayiste. Entre dans un mouvement trotskiste, et conteste le pouvoir
de Joseph Staline. 2 ans de travaux forcés, travaille à la construction du
combinat chimique de Berezniki.
Arrêté à nouveau en 1937 pour "activité trotskiste contre-
révolutionnaire", condamné et envoyé au Goulag à Djelgala dans la
Kolyma, région à l'extrême-est de l'URSS, au-dessus du cercle polaire
arctique : journées de travail de 16 heures par jour dans les mines d’or,
malnutrition, froid, coups et sévices des gardes et des détenus de droit
commun, manque de sommeil, etc.
Après 1946, devient aide-médecin. Libéré en 1951, travaille
dans une exploitation de tourbe et écrit ses Mémoires. Réhabilité en
1956 après la mort de Staline. Pauvre, affaibli, malade, s'éteint dans un
hôpital psychiatrique moscovite en 1982.
« Nous savions que la mort n'était pas pire que la vie. Nous
comprenions tous que nous ne pourrions survivre que par hasard. »
« Il est extrêmement difficile de fouiller dans les souvenirs d'un
cerveau racorni par la faim. Tout effort de mémoire s'accompagne d'une
douleur lancinante, purement physique. Les recoins de ma mémoire
étaient débarrassés depuis longtemps de déchets inutiles comme la
poésie. »
37. Pierre Mendès France
(1907-1982), homme politique français issu d'une famille de
vieille ascendance judéo-portugaise.
Radical-socialiste, participe à la coalition du Front populaire.
Ministre quelques semaines en 1938 (gouvernement Léon Blum), puis de
1944 à 1945 (gouvernement Charles de Gaulle).
Pendant la 2ème Guerre mondiale, entre dans la Résistance et
rejoint les Forces aériennes françaises libres.
Partisan de l’indépendance de l’Indochine.
Nommé président du Conseil par René Coty en juin 1954, cumule
cette fonction avec celle de ministre des Affaires étrangères. Négocie
l’indépendance de la Tunisie.
Ministre d'État en 1956, démissionne au bout de quelques mois
en raison de son désaccord avec la politique de Guy Mollet menée en
Algérie.
../..
38. Pierre Mendès-France
Partisan d’une Communauté Européenne de Défense, mais
poursuit le programme militaire nucléaire engagé avant lui.
Référence pour la classe politique française, incarne le
symbole d'une conception exigeante de la politique.
« L'heure est venue de substituer aux dogmes du laisser-
faire, laisser-passer, le statut économique de l'avenir, celui de l'État
contre l'argent fort. »
« Il y a pour l’homme politique un devoir primordial de vérité.
Il en coûte parfois de le remplir, mais il est sans prix d’avoir la
conscience nette. (…) L'amour de la démocratie est d'abord un état
d'esprit. »
« La République doit se construire sans cesse car nous la
concevons éternellement révolutionnaire, à l’encontre de l’inégalité,
de l’oppression, de la misère, de la routine, des préjugés,
éternellement inachevée tant qu’il reste des progrès à accomplir. »
39. Josué de Castro
(1908-1973), médecin brésilien, expert en nutrition, géographe,
sociologue, enseignant, écrivain, homme politique. Fondateur de
l'Institut de nutrition de l'université fédérale de Rio de Janeiro.
Son ouvrage Géopolitique de la faim, publié en 1951, éveille la
conscience du monde sur les problèmes de la faim et du sous-
développement. L'utilisation des principes de la géographie et de
l'écologie a apporté une lumière nouvelle dans la complexité du
phénomène de la sous-nutrition : pose le problème de la sous-
alimentation et du sous-développement dans des termes à la fois
physiologiques, écologiques, sociologiques et politiques. Montre le rôle
néfaste de la colonisation et des monocultures. L'ouvrage devient
rapidement un classique des sciences humaines, publié en 26 langues.
Élu en 1952 président du conseil exécutif de l’’Organisation des
Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture’ (FAO)
Après le coup d'État militaire de 1964 au Brésil, est déchu de ses
droits politiques à cause de ses prises de positions politiques, à savoir
notamment le soutien d'une réforme agraire. S’installe en France,
enseigne au ‘Centre universitaire expérimental de Vincennes’ et préside
le ‘Centre international pour le développement’.
40. Jean Bernard
(1908-1994), tailleur de pierre, écrivain, sculpteur, peintre.
Cofondateur de l'Association ouvrière des Compagnons du Devoir du
Tour de France, destinée à la formation et à l'apprentissage de plusieurs
métiers artisanaux suivant les traditions du compagnonnage, dont le
voyage, présente dans 45 pays des 5 continents.
Initiateur de l’Encyclopédie des métiers.
"Le compagnonnage, réseau de transmission des savoirs et des
identités par le métier" a été inscrit en novembre 2010 par l'UNESCO
sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
« Transmettre, c’est une manière d’aimer »
J. Bernard
« Le compagnon reçoit de ses pairs la conscience qu’il n’est que
de passage et qu’il lui appartient de faire de sa vie un beau et bon
passage. »
Yannick Patient, directeur de la Maison de l’outil et de la
pensée ouvrière à Troyes.
41. Rudi Goguel
Rudolf Oskar Goguel (1908-1976), employé de commerce,
résistant alsacien-allemand pendant la période nazie. Membre du Parti
communiste allemand (KPD), arrêté et déporté. Durant sa détention au
camp de travail de Börgermoor dans le pays d’Ems (Basse-Saxe),
compose en 1933 la musique du Chant des marais (Das Moorsoldaten-
lied), dont les paroles sont écrites par 2 de ses codétenus, le mineur
Johann Esser et l'acteur-metteur en scène Wolfgang Langhoff (1901-
1966).
Réemprisonné de 1934 à 1945. En 1964, cofondateur de l'Associa-
tion des déportés du camp de Neuengamme, entre dans le Comité des
résistants antifascistes de la RDA.
Le titre du Moorsoldatenlied évoque les travaux forcés dans les
marécages du camp : extraction de la tourbe à l'aide d'outils
rudimentaires. Le Chant des marais est chanté ensuite en Angleterre, en
Espagne, en Allemagne, en Pologne, et deviendra le chant de tous les
déportés.
« Bruits des pas et bruits des armes, sentinelles jours et nuits.
Et du sang, des cris, des larmes, la mort pour celui qui fuit.
Ô terre de détresse, où nous devons sans cesse, piocher, piocher. »
42. Józef Rotblat
(1908 -2005), physicien polonais.
Le seul scientifique à avoir quitté, pour des raisons morales, le
projet Manhattan et son poste à Los Alamos, avant la destruction
d'Hiroshima en août 1945.
Obtient la nationalité britannique en 1946.
En juillet 1955, tient avec Bertrand Russell une conférence
pour attirer l’attention sur le "manifeste Russell-Einstein" .
Ce manifeste, signé par onze physiciens dont neuf prix Nobel
(Albert Einstein, Frédéric Joliot-Curie, Hideki Yukawa, Max Born,
Linus Pauling, etc.) met en garde contre les dangers de la course
aux armements, et vise à mettre en place un programme de
désarmement nucléaire.
../..
43. Józef Rotblat
En juillet 1957, à la suite de la crise du canal de Suez,
une conférence réunit à Pugwash (Nouvelle Écosse) 22 des
plus hautes sommités concernées par les armes nucléaires,
dont 3 prix Nobel, pour sensibiliser l'humanité aux dangers de la
bombe atomique.
Secrétaire général pendant 14 ans, puis, en 1988,
président du Mouvement Pugwash (Pugwash Conferences on
Science and World Affairs), basé à Londres.
Prix Nobel de la paix 1995.
L'attention de Pugwash s'est aussi développée vers
les problèmes internationaux de développement et
d'environnement.
44. Claude Bourdet
(1909-1996), ingénieur français, entrepreneur, cofondateur du
mouvement ‘Combat’.
Crée en 1942 et développe le réseau ‘Noyautage des administra-
tions publiques’ (NAP) pour les faire fonctionner au service de la
Résistance : Préfectures, Police, Ravitaillement, Électricité, PTT et SNCF.
Le NAP, de 1942 à la Libération, a compté environ 1 500 agents.
C. Bourdet * présente son récit comme l’ "histoire d’un temps ou
nous faisions de la résistance non-violente comme M. Jourdain faisait de
la prose".
Arrêté en mars 1943 par la Gestapo, torturé, déporté à Buchenwald.
Écrivain, journaliste, cofonde en 1950 le journal L’Observateur et en
1960 le ‘Parti socialiste unifié’ (PSU). Dénonce la torture en Algérie.
Cofonde en 1963 avec Jean Rostand le ‘Mouvement contre
l’Armement Atomique’ (MCAA)**
* dans la dédicace à Jean-Marie Muller de son livre L’aventure incertaine
** devenu en 1968 Mouvement pour le Désarmement, la Paix et la Liberté (MDPL).
45. Eugène Ionesco
Né Eugen Ionescu (1909-1994), dramaturge et écrivain roumano-
français. Petite enfance en France, professeur de français en Roumanie,
attaché de presse à l’ambassade de Roumanie à Vichy, passe une grande
partie de sa vie à voyager entre la France et la Roumanie. Représentant
majeur du ‘théâtre de l'absurde’ qu’il préfère qualifier d’"insolite". En 1957,
devient ‘Satrape’ du ‘Collège de Pataphysique’. Membre de l’’Académie
française’ en 1970.
En automne 1959, sa pièce Rhinocéros dépeint une épidémie
imaginaire de "rhinocérite", maladie qui effraie tous les habitants d'une ville
et les transforme bientôt en rhinocéros. Seul Bérenger décide de ne pas
capituler : « Contre tout le monde, je me défendrai ! Je suis le dernier
homme, je le resterai jusqu'au bout ! Je ne capitule pas ! ». Cette
métaphore de la montée des totalitarismes à l'aube de la Seconde Guerre
mondiale aborde les thèmes du conformisme et de la résistance au
pouvoir politique illégitime.
En février 1978, fait partie des membres fondateurs du ‘Comité des
intellectuels pour l'Europe des libertés’. En février 1989, ouvre la session
publique organisée par le Parlement européen au sujet des violations des
droits de l'homme commises par le régime communiste roumain.
46. Jacques Rossi
(1909-2004), né Franz Xaver Heymann d’un architecte germano-
polonais et d’une Française. Études artistiques à Poznam et Cracovie,
devient adhérent du Parti communiste polonais. Parlant 8 langues, est
affecté aux services secrets du Komintern, parcourt l’Europe.
En 1937, alors qu'il est agent de liaison avec les Républicains
espagnols à Valladolid, convoqué à Moscou lors des purges de l'URSS
stalinienne, condamné à 8 ans de camp de redressement par le travail
pour espionnage au profit de la France et de la Pologne. Envoyé au
goulag, en ressort en 1958, exilé en Asie centrale, assigné à résidence
à Samarcande jusqu'en 1961.
De 1964 à 1977, chargé de cours en langue et littérature
française à l’université de Varsovie. Après sa retraite, nombreux
séjours en France, au Japon et aux États-Unis, puis se fixe en France
en 1985.
« Comment l'utopie léniniste a-t-elle pu durer si longtemps ? Tout
d'abord grâce à la terreur mise en oeuvre contre le peuple soviétique
lui-même, et aussi grâce au mensonge et au bluff exercés sans limites
et sans vergogne à l'égard du monde entier. »
47. Jean Anouilh
(1910-1987), écrivain et dramaturge français. Entre 1929 et 1930,
Secrétaire général de la ‘Comédie des Champs-Élysées’.
Son œuvre théâtrale commencée en 1932 est abondante et
variée : nombreuses comédies souvent grinçantes, œuvres à la tonalité
dramatique ou tragique.
Traite les thèmes de la révolte contre la richesse et contre le
privilège de la naissance, le refus d'un monde fondé sur l'hypocrisie et le
mensonge, le désir d'absolu, la nostalgie du paradis perdu de l'enfance,
l'impossibilité de l'amour, l'aboutissement dans la mort. . À la Libération,
s’insurge contre l'épuration.
Sa pièce la plus célèbre, Antigone (février 1944), réécriture
moderne de la pièce du dramaturge grec Sophocle (- 495, - 406), affirme la
primauté de l’obligation morale sur les lois injustes du pouvoir politique, au
risque de sa vie.
« Il faut faire ce que l’on peut ! (…)
Nous sommes de ceux qui posent les questions jusqu’au bout. (…)
. Sans la petite Antigone, vous auriez tous été bien tranquilles ».
48. Léon Poliakov
(1910-1997), historien français d’origine russe juive, Résistant.
En 1944, participe à la création du ‘Centre de documentation juive
contemporaine’.
Assiste Edgar Faure, chef de la délégation française au procès de
Nuremberg. Travaux sur la Shoah et sur l'antisémitisme.
Auteur du Bréviaire de la haine. Dans son livre La causalité diabolique
- Essai sur l'origine des persécutions, étudie les principaux groupes
humains qui ont joué le rôle de bouc émissaire dans l'histoire de l'Europe,
en tant que fauteurs d'épidémies, de guerres, de révolutions et autres
désastres :
les jésuites et la papauté pendant la Révolution anglaise; la cour et les
aristocrates, les francs-maçons et les philosophes lors de la Révolution
française; les Juifs tout au long de l'histoire de l'Europe dans un rejet et une
haine qui culminent au 20ème siècle.
« Démoniser, à la fois sur- et sous-humaniser un groupe humain, c’est
le considérer comme un ensemble de comploteurs pervers ou de
conspirateurs, afin de sanctifier toutes les persécutions. »
49. Aguigui Mouna
André Dupont, dit Aguigui Mouna, ou Mouna (1911-1999),
exclu de la Marine pour avoir refusé les avances d'un supérieur, exclu
du Parti communiste français, tient une pension de famille à Nice.
Las de sa vie de ‟caca-pipi-taliste”, commence une carrière
d‘ ‟imprécateur-amuseur”.
Clochard-philosophe libertaire, pacifiste, écologiste avant
l'heure. Souvent à vélo, sillonne les rues de Paris ou la côte d’Azur
pour haranguer les foules, dort chez ses hôtes ou à la belle étoile.
Mène campagne contre le travail des enfants dans le tiers-monde, pour
l’aide aux réfugiés du Chili, etc.
Un des premiers à dénoncer les risques et les retombées
négatives du programme nucléaire français, militaire et civil. Porte une
moitié de moustache et de barbe pour dénoncer un monde radioactif.
Connaît son heure de gloire en mai 68.
On voit en lui à la fois « le dernier amuseur public de Paris »
et « le sage des temps modernes ».
« Le nettoyage à sec : Avec la bombe H, plus de tache ! »
« À votre bombe santé ! »
« Actifs aujourd’hui, ou radioactifs demain »
50. Louis Dumont
(1911-1998), anthropologue français. Mène ses recherches au
‘Musée national des arts et des traditions populaires’, enseigne à l'Institut
d'anthropologie d'Oxford, puis directeur d'études à l'École pratique des
hautes études.
Spécialiste de l'Inde, mais sa réflexion porte également sur les
sociétés occidentales en s'appuyant sur des analyses comparatives. Son
œuvre concerne l'ensemble des domaines des sciences sociales : philo-
sophie, histoire, droit, sciences politiques, sociologie et anthropologie.
Elles lui doivent une nouvelle manière d'appréhender les contours de la
modernité.
Mène une réflexion originale sur l'idéologie et les valeurs propres
aux cultures. Par une analyse comparative, montre une opposition nette
entre les civilisations : la civilisation indienne est caractérisée par une
pensée de la hiérarchie (système de castes) et une approche holiste, la
civilisation occidentale se caractérise par une pensée de l'égalité et une
l'idéologie individualiste.
Réhabilite le pouvoir des idées dans l’explication des conduites
humaines au détriment des déterminations économiques ou même
politiques, jugées secondaires. Les rapports de sens prévalent pour lui
sur les rapports de forces.
51. Jacques Ellul
(1912-1994), sociologue français, théologien protestant.
Professeur d’histoire du droit à Bordeaux.
Son œuvre d’une soixantaine de livres est centrée sur la
notion de liberté : « Exister, c’est résister ».
Ses principales affirmations sont :
- La société moderne sa caractérise par le gigantisme : la
concentration de la production, de la population, de l’État, du
capital.
- La technique n’est plus un moyen destiné à une fin, mais un
phénomène autonome qui échappe de plus en plus au contrôle de
l’homme.
- La sacralisation de la technologie repose sur une idéologie et
une “propagande sociologique”.
Voir aussi J. Ellul in Trombinoscope chercheurs d’alternatives écologiques
52. Aimé Césaire
(1913-2008), poète français, cofondateur en 1941 de la revue
Tropiques et en 1947 de la revue Présence africaine.
Député de la Martinique, maire de Fort de France.
Un des fondateurs du mouvement littéraire de la négritude,
anticolonialiste résolu.
« Je suis de la race de ceux qu’on opprime ».
Ce que le « très distingué, très humaniste, très chrétien
bourgeois du 20ème siècle (…) ne pardonne pas à Hitler, (…), c’est
« d’avoir appliqué à l'Europe des procédés colonialistes dont ne
relevaient jusqu'ici que les arabes d'Algérie, les coolies de l'Inde et
les nègres d'Afrique. »
« Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n'ont point de
bouche, ma voix, la liberté de celles qui s'affaissent au cachot du
désespoir. »
53. Ruben Um Nyobè
surnommé Mpodol ("le porte-parole"), 1913-1948, dirigeant camerou-
nais de l’ethnie bassa. Fonctionnaire dans les finances, puis dans l'adminis-
tration judiciaire. Prend part, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, au
‘Cercle d’études marxistes,’ lancé à Yaoundé par l'instituteur et syndicaliste
français Gaston Donnat, pour lutter dans un même élan contre « le nazisme,
le racisme et le colonialisme. »
Cofonde, avec des syndicalistes de l‘’Union des syndicats confédérés du
Cameroun’ (USCC), le parti politique ’Union des Populations du Cameroun’
(UPC). Opposé à la lutte armée et à la violence, appelant à « ne pas
confondre le peuple de France avec les colonialistes français », incite ses
partisans à ne conduire que des actions pacifiques telles que les boycotts, les
grèves et les manifestations. Jusqu'en 1955, signe de son emprise incontesté
sur l'UPC, aucun colon n'est tué, pas même à l'occasion d'un débordement.
En 1953, les meetings de l'UPC se terminent encore par l'hymne camerounais
et par La Marseillaise.
Les provocations sont telles de la part de la puissance coloniale qu'il
est mis en minorité : l'UPC déclenche la lutte armée fin 1956 pour empêcher la
tenue d'élections truquées.
Abattu par l’armée française dans la forêt alors qu’il était désarmé. Son
cadavre est trainé dans la boue jusqu'au village Liyong, lacéré et défiguré.
54. Robert Jungk
(1913-1994), écrivain et journaliste allemand né dans une
famille juive, naturalisé autrichien.
Fuit le nazisme en 1933 : Paris, Prague, Suisse.
Dans son livre publié en 1954, étudie la fabrication et le
lancement de la bombe atomique à partir du témoignage des
physiciens impliqués dans ce projet.
De 1956 à 1957, mène un travail d'enquêtes à Hiroshima.
Durant les années 1960, travaille avec Bertrand Russell sur des
campagnes anti-nucléaires.
Développe les Ateliers de l’avenir, dans lesquels les personnes
envisagent un futur désirable et les moyens de le réaliser, et
reprennent du pouvoir sur leur existence.
En 1987, crée à Salzburg l’Internationale Bibliothek für
Zukunftsfragen (Bibliothèque internationale du futur). Prix Nobel
alternatif en 1986. ../..
55. Robert Jungk
« Grâce à la mobilisation technologique, la fission nucléaire a
été le saut audacieux dans une toute nouvelle dimension de la
violence. Tout d'abord, il a été dirigé uniquement contre des
adversaires militaires. Aujourd'hui, il met en danger ses propres
citoyens ".
« Les risques de fantasmes de toute-puissance technologique
- en particulier l'ingénierie nucléaire et génétique - menacent notre
avenir. L'avenir est trop important pour être laissé aux intérêts
(souvent auto-proclamés) des experts et des décideurs ».
« Critiquer ce qui n‘est pas acceptable, formuler ses propres
préoccupations puis les mettre en œuvre, voilà la base et la garantie
d'une conception dynamique de la solidarité. »
56. Maurice Grimaud
(1913-2009), haut fonctionnaire français. Licence de lettres,
conseiller diplomatique à la résidence générale du Maroc, commissaire
à l’intérieur à Alger dans le gouvernement de Gaulle-Giraud, directeur
de cabinet à Baden-Baden, préfet des Landes, de Savoie, de la Loire,
directeur général de la ‘Sureté nationale’.
Préfet de Police de Paris de déc. 1966 à avr. 1971, et donc lors
des événements de mai 68. À l'âge de 21 ans, avait été témoin de la
confrontation mortelle entre manifestants et forces de l'ordre en février
1934 sur la place de la Concorde. Souhaite que ces événements ne se
reproduisent pas, fait tout pour éviter un bain de sang lors des
manifestations de mai 1968 : « Frapper un manifestant tombé à terre
c’est se frapper soi-même en apparaissant sous un jour qui atteint
toute la fonction policière (…) Toutes les fois qu’une violence illégitime
est commise contre un manifestant, ce sont des dizaines de ses
camarades qui souhaitent le venger. Cette escalade n’a pas de limite. »
Si plusieurs centaines de blessés sont recensés, aucun mort ne peut
être relié aux événements. En octobre 1968, appuie la dissolution du
groupe ‘Occident’.
Prend en 1977 la défense du droit de Daniel Cohn-Bendit de
rentrer en France
57. Baba Amte
(1914-2008), Murlidhar Devidas Amte, dit Baba ("Papa"), Indien,
formation de juriste.
Militant indépendantiste gandhien. Athée, handicapé du dos.
Fondateur de nombreux centres pour le soin et la dignité des
lépreux, handicapés, chômeurs.
Le plus connu, situé dans un district très pauvre et isolé du
Maharashtra, est Anandwan ("Forêt joyeuse") : 5000 personnes,
université, orphelinat, maternité, fermes bio, écoles et ateliers pour les
aveugles et les sourds, groupe musical.
Sensibilise le public à l'importance de l’autosuffisance, de
l'équilibre écologique et de la préservation de la faune.
« On peut vivre sans doigts, mais pas sans le respect de soi. »
« La force est entre nos mains. »
« Mon handicap est une force que je te donne ! »
« Le bonheur se meurt s’il n’est pas partagé. »
58. Romain Gary
Roman Kacew (1914-1980), né à Vilnius (Lituanie), alors dans
l'Empire russe, de parents juifs ashkénazes.
Arrive avec sa mère en France en 1928. Études de droit.
Soldat, Résistant de ‘la France Libre’, observateur sur bombardier,
Compagnon de la Libération. Diplomate de 1946 à 1961. Écrivain et
romancier à partir de 1945.
Déprimé chronique, se suicide en décembre 1980.
En écrivant plusieurs romans sous le pseudonyme Émile Ajar, est
le seul écrivain à avoir reçu deux fois le prix Goncourt, en 1956 pour Les
Racines du ciel, puis en 1975 pour La Vie devant soi.
Son œuvre littéraire est marquée par un refus opiniâtre de céder
devant la médiocrité humaine. Ses personnages sont souvent en dehors
du système parce que révoltés contre tout ce qui pousse l'homme à des
comportements qui lui font perdre sa dignité. Ils oscillent entre la
souffrance de voir leur monde abîmé, et une lutte pour garder coûte que
coûte l'espérance.
« Je suis un de ces démocrates qui croient que le but de la
démocratie est de faire accéder chaque homme à la noblesse. »
« La réponse, c’est le malheur de la question. »
59. Konstantinos Apostolou Dioxadis
(1914-1975), architecte et urbaniste grec. Fils d’un médecin de
l’ancienne communauté grecque de Stanimaka, en Bulgarie.
Études à Athènes et Charlottenburg (Berlin), ministre de la Recons-
truction après la 2ème Guerre mondiale.
Utilise son expérience de déplacé pour fonder un nouvel art, l’ékistique :
science des implantations humaines de taille et de complexité croissantes,
tendant vers des conurbations régionales.
Travaille pour les agglomérations de Philadelphie (États-Unis), Karachi
et Islamabad (Pakistan), Dacca (Bangladesh).
Sépare les voitures et les habitants, ce qui permet un accès facile et
peu onéreux aux infrastructures de transport et de services publics et une
croissance urbaine et économique graduelle à des coûts modérés, tout en
conservant l'échelle humaine de ses "communautés".
Divise les villes en hameaux distincts à taille humaine, avec marché,
école, mosquée, bains, etc., tous ces lieux publics étant accessibles à pied
depuis les nouvelles habitations.
60. Tensing Norgay
(1914-1986), sherpa népalais d'origine tibétaine. Issu d’une famille
paysanne, 11ème de 13 enfants, dont la plupart sont morts jeunes.
Fait partie, en tant que porteur en haute altitude, des 3 expéditions
britanniques organisées pour escalader le mont Everest à partir de la
face nord tibétaine dans les années 1930. En 1952, prend part à deux
expéditions suisses sur l’Everest menées par Raymond Lambert (1914-
1997).
Le premier homme, avec l’alpiniste et explorateur néo-zélandais
Edmund Hillary (1919-2008), à atteindre le sommet de l‘Everest, en mai
1953, lors d'une expédition britannique dirigée par le général de brigade
John Hunt (1910-1998). Ils sont équipés d'un système classique de
respiration d’oxygène en circuit ouvert.
Après cela, est adulé en Inde et au Népal, et même littéralement
vénéré par certaines personnes qui le prennent pour un incarnation de
Bouddha ou Shiva.
Devient plus tard directeur des opérations sur le terrain pour le
Himalayan Mountaineering Institute à Darjeeling (Inde). En 1978, fonde
la compagnie Tensing Norgay Adventures, qui propose des treks dans
l'Himalaya.
61. Suzanne Masson
(1915-1991), père tué au front, études artistiques à Nancy. Dès
1943, commence à accueillir des enfants. Pendant la 2ème Guerre,
accueille des orphelins dans une maison à Levallois-Perret. Fait des
études d’assistante sociale. En 1945, entourée d'amis de H.E.C dont le
P. Bernard Descamps (1927-2002), crée l'association ‘Notre maison’.
En 1958, fait construire des pavillons pour recevoir des enfants
à Cesson, en Seine-et-Marne. L'inauguration a lieu en 1960. C'est le
premier de la Fondation ‘Mouvement pour les Villages d'Enfants’ (MVE,
qui deviendra ‘Action enfance’ en 2013). Six villages sont créés, ayant
chacun de 8 à 10 maisons familiales sous la responsabilité de mères
éducatrices et de collaboratrices.
À partir de 1977, se rend plusieurs fois par an au Cambodge,
en Pologne, au Liban et au Sénégal pour prendre en charge des enfants
orphelins. En 1981, crée la ‘Fondation Salve’, organisme d'aide
internationale pour les enfants victimes de guerre, qui permet à des
jeunes de vivre dans un cadre familial et de poursuivre des études
grâce à des bourses.
62. Hu Yaobang
(1915-1989); homme politique chinois. Secrétaire du Comité
central de la ‘Ligue de la jeunesse communiste chinoise’ (1952-1967).
Écarté du pouvoir et placé en résidence surveillées pendant la
‘Révolution culturelle’ (1966-1976) . Secrétaire général du ‘Parti
communiste’ de 1980 à 1987. Fait réhabiliter des milliers de Chinois
persécutés pendant la ‘Révolution culturelle’, les victimes décédées
étant aussi réhabilitées à titre posthume. Fait une autocritique de la
politique chinoise au Tibet, où il a prône une autonomie et proclame la
respect de la liberté de croyance.
En 1987, limogé de ses fonctions à la tête du Parti à la suite de
manifestations étudiantes qu'il avait sans doute soutenues dans leurs
revendications démocratiques.
Son histoire et ses idées subissent une chape de silence en
Chine, où le Parti fait tout pour qu'on parle le moins possible de cet
encombrant personnage.
Apprécié par le Dalaï-lama et par Liu Xiaobo, considéré par le
sinologue Jean-Philippe Béja comme « un partisan du socialisme à
visage humain qui croyait au socialisme, mais qui était prêt à discuter
avec ceux qui n'y croyaient pas ».
63. Joffre Dumazedier
(1915-2002), sociologue français. Études de linguistique. Dès
1935, étudiant, anime des cours du soir pour ses anciens ‟copains de la
communale” opprimés par l'injustice sociale. Chercheur-militant,
entreprend une longue réflexion pour comprendre les difficultés
d'apprentissage des publics défavorisés.
Résistant dans le Vercors. Cofonde avec Benigno Cacérès, en
1944, le mouvement d’éducation populaire ‘Peuple et culture’.
Pionnier de la sociologie du loisir et l’auteur le plus éminent en la
matière depuis son ouvrage Vers une civilisation du loisir ? (1962).
Affirme que le loisir de masse doit s’intégrer dans une démocratie
culturelle exigeant une politique globale et préalable d’éducation et
d’information.
Travaille sur l'auto-formation. Après une longue expérimentation,
après la 2ème G. M., invente une méthode socio-pédagogique de
simplification du travail intellectuel, l’entraînement mental, qui
« s’applique à libérer l’individu du poids de la société et à réduire l’écart
entre le mode de pensée des travailleurs manuels et celui des
travailleurs intellectuels ». ■