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1 de 74
Série ‘Vers une politique de sécurité et de paix au XXIème siècle’
1 – Sous-série ‘Les armes nucléaires’
Diaporama n° 3
3 – Dates et figures
de la résistance à l’arme nucléaire
De 1942 à 1968
Étienne Godinot 18.07.2022
1942 : Premiers refus de participer au ‘projet Manhattan’ de bombe atomique états-unienne
1968 : Date de signature du Traité de Non-Prolifération
Abolir l’arme nucléaire : Un ensemble de huit diaporamas
1 - La dissuasion nucléaire : inefficacité et dangers
2 - Pour un désarmement nucléaire de la France dans le cadre du TIAN
3 - Figures de la résistance à l’arme nucléaire - 1942-1968
4 - Figures de la résistance à l’arme nucléaire - de 1969 à 1999
5 - Figures de la résistance à l’arme nucléaire - depuis 2000
6 - Quelques personnalités qui ont remis ou remettent en cause la dissuasion
nucléaire ou se posent des questions à son sujet
7 - La position de l’Église catholique et des Églises chrétiennes sur l’arme nucléaire :
évolution depuis 1963
8 - Les combats non-violents pour le désarmement nucléaire en France depuis 1945
Rappel : ce diaporama fait partie de la série
1 - ‘Abolir l’arme nucléaire’ qui fait elle-même
partie de la série ‘Vers une politique de sécurité
et de paix au XXIème siècle’ sur irnc.org
1942 : Lise Meitner
(1878-1968), physicienne autrichienne. Étudie la physique à l’univer-
sité de Vienne avec Ludwig Boltzmann. Après son doctorat, rejoint en
1907 le physicien Max Planck et le chimiste Otto Hahn. Mène des travaux
sur la radioactivité et la physique nucléaire. En 1912, collabore avec Otto
Hahn au Kaiser Wilhelm Institut für Chemie à Berlin (mais avec le statut
d'invitée, sans salaire…)
En 1934, implique les deux chimistes Otto Hahn et Fritz
Strassmann dans le "projet uranium", un programme de recherche qui
mènera, 4 ans plus tard, à la découverte de la fission nucléaire. Supervise
la construction d'un accélérateur de particules.
Contrainte de fuir l'Allemagne en 1938 et de s’exiler en Suède à
cause de ses ascendances juives, poursuit sa collaboration avec Otto
Hahn par correspondance et le rencontre à Copenhague. Joue un rôle
majeur dans la découverte de la fission nucléaire, dont elle fournit en
1939 avec son neveu Otto Frisch la première explication théorique.
Refuse l'offre de participer au projet Manhattan et de mettre au
point une bombe atomique, et souhaite même publiquement son échec.
Naturalisée suédoise en 1949, s’installe en Angleterre en 1960.
Photo du bas : Lise Meitner et Otto Hahn
1942 - Albert Baez
(1912-2007), physicien états-unien né au Mexique (son père est
un pasteur méthodiste). Diplômes en mathématiques des universités de
Drew (1933) et de Syracuse (1935). Épouse la fille d'un prêtre épisco-
palien, le couple fait partie de Quakers et aura 3 enfants, dont la
chanteuse Joan Baez.
Refuse de travailler au ‘projet Manhattan’ destiné à créer la
bombe atomique à Los Alamos.
En 1948, co-invente avec Paul Kirkpatrick , le microscope à
réflexion X pour l'examen des cellules vivantes (photo du haut). Doctorat en
physique à Stanford en 1950. Apporte d'importantes contributions au
développement des microscopes à rayons X et plus tard des télescopes
à rayons X.
Alors que la guerre froide s'intensifie dans les années 1950, est
très demandé pour la course aux armements en plein essor. Refuse des
postes lucratifs dans l'industrie de la défense, se consacre à des pro-
grammes d’éducation avec l’UNESCO et à l'humanitaire. Crée le dépar-
tement et le laboratoire de physique à l'université de Bagdad. En 1959,
accepte un poste de professeur au MIT et déménage sa famille dans la
région de Boston.
Après sa retraite, président de Vivamos Mejor -USA, organisa-
tion d’aide aux villages pauvres du Mexique.
1943 : Franco Rasetti
(1901-2001), scientifique italien, physicien, devenu ensuite
paléontologue et botaniste. En 1930, occupe la chaire de spectrogra-
phie à l'université de Rome La Sapienza dans le célèbre institut de Via
Panisperna. Fait partie des scientifiques précurseurs dans l'étude des
neutrons et occupe un rôle prépondérant dans les recherches de Fermi
concernant la radioactivité induite par le bombardement de neutrons. À
partir de 1934, participe à la découverte de la radioactivité artificielle du
fluor et de l'aluminium qui se révélera déterminante dans l'élaboration de
la bombe atomique. Sa brillance et son sens éthique le font nommer à
‘l’Académie pontificale des sciences’ en 1936, et ce bien qu’il soit athée.
En 1939, l'arrivée au pouvoir du fascisme le pousse, comme ses
collègues Enrico Fermi, Emilio Segre, Bruno Pontecorvo, à quitter
l'Italie. Arrive à Québec en août 1939, choisit l’Université Laval face à de
nombreuses universités américaines prestigieuses, car il refuse de
participer à l’effort de guerre, dont il considère que c’est une aventure
stupide ("una cosa idiota"). Découvre avec Enrico Fermi la clé de la
fission nucléaire, mais contrairement à beaucoup de ses collègues,
refuse pour des raisons morales de travailler au ‘projet Manhattan’ dans
le laboratoire de Montréal dirigé par Hans von Alban (1908-1964) où
sont embauchés des "réfugiés scientifiques" britanniques et européens.
Fin 1944 : Józef Rotblat
(1908 -2005), physicien polonais.
Le seul scientifique à avoir quitté fin 1944*, pour des raisons
morales, le ‘projet Manhattan’ et son poste au centre d’expérimen-
tation de Los Alamos (Nouveau Mexique), avant la destruction
d'Hiroshima en août 1945.
Obtient la nationalité britannique en 1946.
En juillet 1955, tient avec Bertrand Russell une conférence
pour attirer l’attention sur le "manifeste Russell-Einstein".
Ce manifeste, signé par onze physiciens dont neuf prix Nobel
(Albert Einstein, Frédéric Joliot-Curie, Hideki Yukawa, Max Born,
Linus Pauling, etc.) met en garde contre les dangers de la course
aux armements, et vise à mettre en place un programme de
désarmement nucléaire.
* À la fin de l’année 1944, Rotblat est informé par Niels Bohr et James Chadwick
que les Allemands ont abandonné tout projet de fabrication d’une bombe atomique. En
outre, les propos que tient en privé le général Groves lui font conclure que le projet
Manhattan vise surtout à établir la prééminence des États-Unis sur son rival pressenti pour
l’après-guerre : l’Union soviétique. Dès lors, Rotblat décide de quitter Los Alamos et de
regagner Londres, ce qui ne se fera pas sans difficultés, car il est soupçonné
d’espionnage au profit de l’Union soviétique.
Józef Rotblat
En juillet 1957, à la suite de la crise du canal de Suez, une
conférence réunit à Pugwash (Nouvelle Écosse) 22 des plus
hautes sommités concernées par les armes nucléaires, dont 3
prix Nobel, pour sensibiliser l'humanité aux dangers de la bombe
atomique.
Secrétaire général pendant 14 ans, puis, en 1988,
président du ‘Mouvement Pugwash’ (Pugwash Conferences on
Science and World Affairs), basé à Londres. Prix Nobel de la
paix 1995.
L'attention de Pugwash s'est aussi développée vers les
problèmes internationaux de développement et
d'environnement.
1945 : Albert Einstein
(1879-1955), physicien théoricien allemand d’origine juive. Quitte
l’Allemagne nazie en 1933. Le 2 août 1939, sous la pression d'Eugen
Wigner et de Leo Szilard, physiciens anti-nazis venus d'Allemagne, rédige
pour Roosevelt une lettre qui contribue à enclencher le ‘projet Manhattan’.
Est écarté du programme de développement des premières bombes
nucléaires parce que le FBI et les autorités militaires américaines le
soupçonnent à juste titre de ne vouloir la bombe que pour une seule
raison : ne pas permettre à Hitler de terroriser le monde entier avec sa
propre bombe.
En début 1945, comprend que les États-Unis vont réaliser la première
bombe atomique de l’histoire, et écrit une nouvelle fois à Roosevelt pour lui
demander d’y renoncer.
Le 6 août 1945, il travaille lorsqu’un général états-unien lui apporte
un télex informant de l’explosion d’Hiroshima. Il prend sa tête dans ses
mains, reste silencieux quelques instant, puis dit : « Les vieux Chinois
avaient raison : on n’a pas le droit de faire n’importe quoi … »*
* « The Old Chinese were right. One cannot do anything… »
Photo du haut : Albert Einstein et Leo Szilard ../..
Albert Einstein
Le 9 août 1945, critique la décision par le président
Truman du bombardement nucléaire d’Hiroshima et Nagasaki et
déclare : "Je pourrais me brûler les doigts d'avoir écrit cette
lettre (du 2 août 1939) à Roosevelt" . En novembre 1945, publie
un cri d’alarme contre les dangers de la bombe atomique.
Après la guerre, milite pour un désarmement atomique
mondial, jusqu’au seuil de sa mort, où il confesse à Linus
Pauling : « J’ai fait une grande erreur dans ma vie, quand j’ai
signé cette lettre (du 2 août 1939). »
Pour combattre la militarisation de la science, demande
aux intellectuels de recourir « à la méthode révolutionnaire de
non-coopération au sens où l’entendait Gandhi », dussent-ils
« se préparer à la prison, à la ruine et au sacrifice de leur bien-
être personnel. »
Photos : - Lettre d’Einstein à Roosevelt en août 1939
- Albert Einstein et Robert Oppenheimer vers 1950
Albert Einstein
« La puissance déchaînée de l’atome a tout changé, sauf nos
modes de pensée, et nous glissons ainsi vers une catastrophe sans
précédent. Au bout du chemin se profile de plus en plus distincte-
ment le spectre de l’anéantissement général. »
« Les nations ne résoudront jamais leurs différends dans un
climat de haine ou de suspicion, ni sous la menace des bombes à
hydrogène. Préparer le public à accepter la guerre nucléaire, avec
son cortège d’horreurs, est un crime contre l’humanité qui ne peut
que fragiliser le monde. Libérons-nous donc de ce climat délétère.
Tentons de nous comprendre les uns les autres. Car, dans la guerre
moderne, il n’y a pas de vainqueur. »
« Gandhi incarne le plus grand génie politique de notre
civilisation. »*
* Einstein avait écrit en 1931 à Gandhi : « Vous avez montré à travers vos œuvres,
qu'il est possible de réussir sans violence même avec ceux qui n'ont pas abandonné la
méthode de la violence. Nous pouvons espérer que votre exemple se répandra au-delà des
frontières de votre pays, et aidera à établir une autorité internationale, respectée de tous, qui
prendra des décisions et remplacera les conflits guerriers ».
Albert Einstein
Juste avant sa mort (18 avril 1955), signe le célèbre
‘Manifeste pour la paix Russell-Einstein’, adopté par 11 intellectuels
et scientifiques de premier plan, dont voici un extrait :
« Il nous faut apprendre à penser d'une façon nouvelle. Il
nous faut apprendre à nous demander non pas de quelle façon
assurer la victoire militaire du groupe auquel vont nos préférences,
car cela n'est plus possible, mais comment empêcher un
affrontement militaire dont l'issue ne peut qu'être désastreuse pour
tous les protagonistes. (…)
Tel est donc, dans sa terrifiante simplicité, l'implacable
dilemme que nous vous soumettons : allons-nous mettre fin à la
race humaine, ou l'humanité renoncera-t-elle à la guerre ? "
1945 : Takashi Nagaï
(1908-1951), médecin radiologue et écrivain japonais. Durant ses
études de médecine, entreprend un voyage spirituel le menant du
shintoïsme à l'athéisme, puis au catholicisme. Se fait baptiser sous le
nom de Paul Miki, l’un des 26 crucifiés de Nagasaki pendant la persécu-
tion de 1597.
Lors du bombardement de Nagasaki le 9 août 1945, sa femme
Midori est calcinée, son hôpital est détruit. Blessé à l’artère temporale
droite, mais se joint au reste du personnel médical survivant pour soigner
les victimes.
Gravement atteint par une leucémie, fait construire une petite
cabane avec des morceaux de sa vieille maison et s’y installe avec ses
deux enfants en plein "désert nucléaire". Pendant 6 ans, lutte avec foi et
abandon contre sa leucémie, consacrant son temps à écrire et à encou-
rager ses nombreux visiteurs..
En 1948, utilise les 50 000 yens versés par Kyushu Times pour
planter 1 000 plants de cerisiers dans le quartier d'Urakami afin de
transformer cette terre dévastée en ‘Colline en Fleurs’. Son livre Les
Cloches de Nagasaki (1949) décrit son expérience de survivant du
bombardement atomique*.
* La publication du livre est d'abord refusée par les forces états-uniennes d'occupation du
Japon, jusqu'à ce qu'une annexe soit ajoutée qui décrit les atrocités japonaises aux Philippines.
Juin 1945 : James Franck
(1882-1964), physicien allemand d’origine juive, colauréat avec
Gustav Ludwig Hertz du prix Nobel de physique de 1925 "pour leur
découverte des lois régissant la collision d'un électron sur un atome".
Quitte son poste en Allemagne en avril 1933 et poursuit ses
recherches aux États-Unis, d'abord à Baltimore et ensuite à Chicago,
après une année au Danemark.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, participe au projet
Manhattan (photo du bas) comme directeur du Comité sur les problèmes
politiques et sociaux posés par la bombe atomique.
En juin 1945, remet aux dirigeants américains un rapport dans
lequel il affirme que « si les Etats-Unis devaient être les premiers à
déchaîner ce nouveau moyen de destruction aveugle sur l’humanité, (…)
ils précipiteraient la course aux armements et nuiraient aux chances
d’arriver à un accord international sur le contrôle de ces armes dans
l’avenir. »
Juge tout à fait inopportun l’emploi d’armes atomiques contre le
Japon et propose, en vain, de faire la démonstration au-dessus d’une
zone désertique inhabitée.
Juillet 1945 : William Daniel Leahy
(1875-1959), amiral états-unien, chef d’état-major du président
Franklin Roosevelt, puis du président Harry Truman (photo du bas).
Tente jusqu'au bout de s'opposer à l'utilisation de la bombe
atomique contre le Japon. Indique à Truman qu’il n’accepte pas l’idée de
recourir à une arme de destruction massive contre les populations
civiles. Estime que les avantages militaires possibles « risquent d’être
contrebalancés par la vague d’horreur et de répulsion qui se répandra
sur le reste du monde. »
« Mon sentiment intime était qu’en l’employant les premiers, nous
allions adopter une morale semblable à celle des barbares de l’âge des
ténèbres. On ne m’a pas appris à faire la guerre de cette façon, et les
guerres ne se remportent pas en massacrant des femmes et des
enfants. (…)
L’emploi de cette arme barbare sur Hiroshima et Nagasaki ne nous
apporta aucune assistance matérielle dans notre guerre contre le Japon.
Les Japonais étaient déjà vaincus et prêts à capituler à la suite du blocus
naval et de la réussite des bombardements conventionnels. »
Août 1945 : Albert Camus
(1913-1960), écrivain, philosophe, romancier, dramaturge
français, journaliste militant engagé dans la Résistance et dans les
combats moraux de l'après-guerre.
Le 8 août 1945, deux jours après l’explosion de la bombe
atomique sur Hiroshima, un jour avant qu’une seconde bombe ne soit
lancée sur Nagasaki, écrit dans Combat :
« La civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré
de sauvagerie. (…)
Déjà, on ne respirait pas facilement dans un monde torturé. Voici
qu’une angoisse nouvelle nous est proposée, qui a toutes les chances
d’être définitive. (…)
Devant les perspectives terrifiantes qui s’ouvrent à l’humanité,
nous percevons encore mieux que la paix est le seul combat qui vaille
d’être mené. Ce n’est plus une prière, mais un ordre qui doit monter
des peuples vers les gouvernements, l’ordre de choisir définitivement
entre l’enfer et la raison ».
Août 1945 : Norman Cousins
(1915 -1990), journaliste politique états-unien atteint par une
maladie inflammatoire de la colonne vertébrale, professeur à la faculté
de médecine de Los Angeles (Californie) sur l’interaction entre le
psychisme et le corps, essayiste.
Dénonce en août 1945 le crime de guerre d’Hiroshima.
Dans les années 1950, fait soigner aux États-Unis 25 jeunes filles
japonaises victimes du bombardement d’ Hiroshima.
Dans les années 1960, ambassadeur officieux entre le Saint-
Siège, le Kremlin et la Maison Blanche, aide à la rédaction du traité
américano-soviétique d'interdiction des essais nucléaires.
Fondateur en 1974 et coprésident du Planetary Citizens for the
World We Chose, mouvement américain d’action pour la paix et pour
une gouvernance mondiale.
(Après Hiroshima) « Tout ce que les êtres humains ont réalisé, en
termes de civilisation, semblait tout à coup n’avoir aucune valeur parce
qu'il n'y avait maintenant aucun mécanisme par lequel ils pouvaient
prévoir un avenir raisonnablement sûr. »
Août 1945 : Mohandas Gandhi
(1869 -1948), dirigeant politique indien, guide spirituel et
leader du mouvement pour l’indépendance de l’Inde.
Initiateur de la non-violence politique dans l’histoire.
Lorsqu’il apprend que la ville de Hiroshima subit une bombe
atomique, Gandhi ne laissa apparaître aucune émotion mais il dit
« L'humanité court à son suicide si le monde n'adopte pas la
non-violence. »
Il dira aussi
« J’affirme que celui qui a inventé la bombe atomique a
commis la plus grande faute dans le domaine de la science. »
Voir un diaporama complet sur Gandhi dans le
trombinoscope de la non-violence
1946 : Robert Oppenheimer
(1904 -1967), physicien états-unien d'origine juive. Directeur
scientifique du projet Manhattan, père de la bombe atomique
américaine. Auteur de thèses concernant la naissance des trous
noirs, confortées par les dernières analyses astronomiques.
À la suite de la défaite des nazis et aux bombardements
atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, considère que ces armes
doivent être contrôlées internationalement et s'oppose au dévelop-
pement de la bombe à hydrogène.
Rédigé au printemps 1946, le rapport Acheson-Lilienthal propose un
contrôle des installations nucléaires, leur exploitation sous l'autorité d'une entité
internationale, la réduction graduelle des capacités de fabrication des bombes
atomiques et le partage public des connaissances accumulées. Tous les usages
non militaires demeureront sous le contrôle des pays. L'idée d'avoir recours à
une autorité internationale pour le contrôle de la technologie atomique émane
d'Oppenheimer.
Bouleversé par le refus d'une entente, Oppenheimer demande à
rencontrer le président des États-Unis. Introduit par le sous-secrétaire d'État
Dean Acheson, il déclare : « Monsieur le Président, j'ai du sang sur les mains. »
Truman balaie cette remarque avec désinvolture et, une fois le physicien parti,
ordonne à Acheson de ne plus jamais le ramener devant lui : « Après tout, il a
simplement fabriqué la bombe, c'est moi qui ai donné l'ordre de l'utiliser. »
Robert Oppenheimer
Suspendu par le président Eisenhower en 1953, mis en
cause par l’hystérique anticommuniste Joseph MacCarthy.
Par la suite, donne des conférences dans le monde entier
sur l'histoire des sciences, sur les questions d'éthique liées au
progrès scientifique et sur les dangers de la course aux
armement nucléaires.
« On savait que le monde ne serait plus pareil. Certains
ont ri, d’autres pleuré, la plupart étaient silencieux.
Je me suis souvenu des écritures hindoues, la Bhagavad-
Gita. Vishnou tente de persuader le prince qu'il devrait faire son
devoir, et pour l'impressionner, prend sa forme aux multiples
bras, et dit: « Maintenant, je suis devenu la Mort, le destructeur
des mondes ».
Je suppose que c'est ce que nous pensions tous, d'une
manière ou d'une autre ».
Photos : - 16 juillet 1945, à Alamogordo (Nouveau Mexique), après l’explosion
de la première bombe atomique
- Sculpture indienne représentant Vishnou
1946 : Georges Bernanos
(1888-1948), écrivain français. Catholique fervent, monarchiste
passionné, rompt ensuite avec Maurras et ‘L’Action Française’ en 1932.
Fustige un patriotisme perverti qui humilie l'ennemi allemand dans
la défaite de 1918, s’engage contre la dictature de Franco en Espagne.
Installé au Brésil, soutient la France Libre en 1940. Écoeuré par
l’épuration.
Dans les dernières années de sa vie, dénonce l'inconséquence de
l'homme face aux progrès techniques effrénés qu'il ne pourra maîtriser,
les perversions du capitalisme industriel.
Ne cesse de protester particulièrement contre la bombe atomique
et contre « la civilisation de la bombe atomique ».
« À un monde de violence et d’injustice, au monde de la bombe
atomique, on ne saurait déjà plus rien opposer que la révolte des
consciences, du plus grand nombre de consciences possible .»
« La barbarie polytechnique menaçante n’a plus devant elle que
des consciences » (octobre 1946)
1946 : Denis de Rougemont
(1906-1985), écrivain, philosophe et universitaire suisse. Études de
psychologie et de lettres, directeur littéraire à Paris, lecteur à l’université
de Francfort. Mobilisé en sept. 1939 dans l'armée suisse, cofondateur de
la ‘Ligue du Gothard’, groupe de résistance suisse aux fascismes.
Très marqué par les bombardements d’Hiroshima et Nagasaki, il
publie en 1946 à New York les Lettres sur la bombe atomique : « Quel
est le sens de la vie si elle finit demain ? Qu'est-ce que cette mort de
l'homme causée par son génie ? Pourquoi l'intelligence conduit-elle au
suicide ? ». La Bombe, poursuit-il, ne laisse plus comme seul choix à
l’humanité que de se délivrer non des nations, mais des États-nations
tournés vers la guerre, en poussant les hommes à se fédérer. Pour
accomplir cette "révolution", qui implique la création d’un gouvernement
et d’une fédération mondiale, il ne place aucun espoir dans les dirigeants
des grandes puissances d’après-guerre, dont l’existence et l’action,
toutes entières tournées vers leurs propres nations, se trouvent de fait
dépassées par l’ampleur de la tâche.
Engagé dès 1946 en faveur de la construction européenne, il
prononce fin août 1947 à Montreux le discours inaugural du premier
congrès de ‘l'Union Européenne des Fédéralistes’ (UEF)*, crée à Genève
en 1950 le ‘Centre européen de la culture’, fonde en 1963 ‘l'Institut
universitaire d'études européennes’ (IUEE).
Janvier 1947 : Emmanuel Mounier
(1905-1950), philosophe français, fondateur en 1932 de la revue
Esprit et du courant personnaliste.
Prend contact avec le mouvement de Résistance ‘Combat’,
tandis que la revue est interdite en août 1941.
Participe à la réconciliation franco-allemande, crée en 1948 le
‘Comité français d’échanges avec l’Allemagne nouvelle’.
Après Hiroshima, exprime en janvier 1947 son émotion devant
« une photographie, on ne peut plus banale et cependant hallucinante,
la plus bouleversante qui soit venue d’Hiroshima : Deux marches, un
petit mur. (…)
Un homme était assis sur les marches. Il a été volatilisé. Mais
comme son corps, le temps de se réduire en fumée, il a fait écran au
rayonnement atomique, son ombre est restée imprimée sur le trottoir.
Une forme indécise, une ombre d’homme, la trace obsédante d’une
terrifiante absence, un reproche physique à la folie de l’esprit. (…)
Désormais, le nihilisme n’est plus la plus tapageuse des
philosophies. Il est armé. »
1947 : Robert Sarrazac
Robert Soulage (1913-2006). Constate, fin 1942, que des jeunes
hommes prennent le maquis pour éviter le ‘Service du Travail Obligatoire’
(STO). Instruit ces jeunes maquisards pour en faire des combattants,
prend le nom de Sarrazac (du nom d'une commune de Dordogne), crée le
‘Service national des écoles de cadres des maquis-écoles’, et appelle ses
anciens amis officiers à quitter Vichy. En mars 1943, son réseau devient
‘Périclès’, créé des maquis école et des maquis d'accueil. Est arrêté en
janvier 1944, torturé, s'enfuit, reprend ses activités de résistance, et
continue à organiser les maquis. Henri Frenay devenu ministre l'appelle à
son cabinet. Il est alors le lieutenant-colonel Lagarde. Quand il quitte ses
hommes, il laisse un régiment de 1 300 hommes formés au combat. Il
participe ensuite à la Libération, en profitant de parachutages d'armes.
En 1947, fonde avec deux amis, le ‘Centre de recherches et
d'expression mondialiste » et initie un réseau d'une vingtaine de
camarades, le ‘Front humain des Citoyens du Monde’. En 1950, à son
initiative, Cahors, chef-lieu du département du Lot, rebaptisé Cahors
Mundi, se déclare ville citoyenne du monde. Ce mouvement a impliqué un
millier de territoires, donnant naissance à un ‘Conseil Mondial pour la
mondialisation’ dont le siège se trouve … au Japon à Hiroshima.
1947 : Charlie Chaplin
On connait l’acteur et réalisateur Charles Spencer Chaplin (1889-
1977) comme homme engagé, fin critique social du capitalisme (Les
Temps modernes, 1936) et de la dictature (Le Dictateur, 1940).
Son film Monsieur Verdoux (1947) lui est inspiré par Orson Wells
en 1941, mais il est réalisé après les bombardements de populations
civiles pendant la 2ème Guerre mondiale (Coventry, Dresde, Hiroshima,
Nagasaki). Chaplin utilise une histoire pour établir une comparaison
satirique entre assassinat privé et assassinat par l’autorité publique. Il y
joue le rôle d’un tueur en série qui, comme Landru, finit sur la guillotine.
Monsieur Verdoux, employé de banque réduit au chômage par la crise
économique, fait la chasse aux riches veuves et les assassine pour
s'approprier leur fortune.
Lors de son procès, Verdoux déclare : « Quant à l’assassinat
collectif, le monde ne l’encourage-t-il pas ? Ne construit-il pas des
armes de destruction dans le seul but d’assassiner en masse ? »
Et devant un journaliste venu l’interroger dans sa cellule, Verdoux se
défend de ses crimes : « Guerres, conflits, toujours les affaires. Un
meurtre fait un bandit, des millions, un héros. Le nombre sanctifie. »
Interrogé par le FBI, Chaplin déclare :« Je suis citoyen du monde et j’ai
horreur qu’on me dise qui je dois tuer et pour quoi je dois mourir, tout cela au nom
du patriotisme. »
1948 : Shuntaro Hida
(1917-2017), médecin japonais. En 1944, est affecté à l’hôpital
militaire d’Hiroshima. Le 6 août 1945, échappe au premier bombardement
atomique de l'histoire, car il a été appelé la veille en urgence à aller soigner
un petit garçon à Hesaka, village situé à 7 kilomètres d'Hiroshima et abrité
de l'explosion atomique de Little Boy grâce au relief. Au cinéaste Marc
Petitjean, il confiera : « Il y eut un éclair fulgurant, puis, le toit a été balayé
et je me suis senti voler à travers la maison. J’ai vu le plafond s’ouvrir sous
mes yeux et j’ai été propulsé contre le mur. »
Fait partie des premiers à arriver à Hiroshima et à tenter de secourir
les survivants, se trouve impuissant face à la désolation et au mal alors
inconnu qui ronge les survivants. En 1948, s'inscrit au ‘Parti communiste
japonais’, et devient un ardent militant du désarmement nucléaire. Dénonce
le sort des survivants du bombardement atomique, appelés Hibakushas,
doublement abandonnés par les États-Unis qui n'assument pas leur acte,
et par la société japonaise qui les discrimine. Se dévoue à soigner les plus
démunis, à être à l'écoute des victimes et à défendre les droits des
Hibakushas.
En 2011, utilise son expérience pour aider les victimes de l'accident
nucléaire de Fukushima.
Mars 1950 : Frédéric Joliot-Curie
(1900-1958), physicien et chimiste français. Prix Nobel de chimie
en 1935 avec son épouse Irène Joliot-Curie "en reconnaissance de leur
synthèse de nouveaux éléments radioactifs". S'engage dans la Résistance
en juin 1941.
En 1945, participe à la fondation du ‘Commissariat à l'énergie
atomique’ (CEA). Membre du ‘Parti communiste français’ depuis 1942.
Président du ‘Conseil Mondial de la Paix’ de 1949 à 1958. Dans ce
cadre, lance le 19 mars 1950 l'Appel de Stockholm visant à l'interdiction de
la bombe atomique.
Relevé pour cette raison de ses fonctions de Haut-commissaire du
CEA. Fait partie en juillet 1955 des signataires du ‘Manifeste Russell-
Einstein’.
« Les avertissements n'ont pas manqué de la part des plus grands
savants et spécialistes de la stratégie militaire. Aucun d'entre eux ne va
jusqu'à affirmer que le pire est certain. Ce qu'ils affirment, c'est que le pire
est possible et que nul ne peut dire qu'il ne se produira pas ».
(Manifeste Russell-Einstein).
Mars 1950 : Lucie Aubrac
(née Lucie Bernard, 1912-2007), Résistante française, avec
son mari Raymond Samuel, à l’occupation allemande et au régime de
Vichy pendant la 2ème guerre mondiale. Membre du noyau de
‘Libération-Sud’ puis de ‘l’Armée secrète’. En 1943, organise à
plusieurs reprises des évasions à Lyon : son mari, des résistants. En
juillet 1944, participe à la mise en place des Comités de libération
dans les zones libérées.
Lucie manifeste à Stockholm en mars 1950 contre l’arme
atomique. Raymond s’engage à la fin de sa vie en faveur du peuple
palestinien.
Les époux signent en 2004, pour la commémoration du 60ème
anniversaire du programme du ‘Conseil national de la Résistance’ du
15 mars 1944, un appel aux jeunes générations à réagir devant la
remise en cause du « socle des conquêtes sociales de la Libération »
et « à faire vivre et retransmettre l'héritage de la Résistance et ses
idéaux toujours actuels de démocratie économique, sociale et
culturelle ».
Mars 1950 : Garry Davis
(1921-2013), militant mondialiste états-unien. Pilote des forces
aériennes de l'armée des États-Unis durant la Seconde Guerre mondiale.
Son avion est abattu et il se retrouve en Allemagne sous les ruines.
Bouleversé par cette vision d'horreur, il imagine la création d'un mouvement
mondialiste.
En mai 1848, installé en France, rend son passeport à l’ambassade
américaine et se proclame "citoyen du monde".
En novembre 1948, en lien avec Robert Sarrazac, interrompt une
séance de l’Assemblée générale de l’ONU au Palais de Chaillot pour
demander la création d’une autorité mondiale (“a world governement”).
Parmi ses soutiens le plus célèbres, Albert Einstein, André Gide,
Albert Camus, Jean-Paul Sartre, André Breton, l’abbé Pierre.
Avec les ‘Partisans de la Paix’, lance en mars 1950 l’’Appel de
Stockholm’ pour l’interdiction de l’arme atomique et milite pour l’objection de
conscience.
Mars 1950 : Thomas Mann
(1875-1955) écrivain allemand. Marqué par la maladie et la mort de
ses proches et par la menace de guerre qu'il perçoit dans la crise franco-
allemande de 1911.
Lauréat du prix Nobel de littérature en 1929. Adversaire résolu du
nazisme, émigre en 1933 en Suisse puis aux États-Unis, est déchu de la
nationalité allemande en 1936. Durant les années de guerre, lance par la
BBC des appels aux Allemands leur demandant de s’opposer à Hitler en
fidélité à Goethe et Schiller. Se réinstalle en Suisse en 1952 pour ne pas
avoir à choisir entre l’Allemagne de l’Ouest ou de l’Est. Passionné de
musique, de médecine, de psychanalyse.
Comme son frère aîné Heinrich (1971-1950), ne cesse de lutter pour
la défense des valeurs mises en péril par les différents "ismes" (capita-
lisme, communisme, fascisme, nazisme) et les idéologies radicales.
En mars 1950, signe l’appel de Stockholm lancé par le ‘Conseil
mondial de la paix’
« Nous exigeons l'interdiction absolue de l'arme atomique, arme
d'épouvante et d'extermination massive des populations.
Nous exigeons l'établissement d'un rigoureux contrôle international pour
assurer l'application de cette mesure d'interdiction. »
1950 : William Edward Burghardt Du Bois
(1868-1963), sociologue, historien, militant pour les droits civiques,
éditorialiste et écrivain états-unien. Origines haïtiennes et françaises.
Études à Harvard et à Berlin. Premier Afro-américain à obtenir un doctorat
(en philosophie) à Harvard. Professeur et chef du département de
sociologie à l’université d’Atlanta
Cofondateur en 1909 de la National Association for the Advancement
of Colored People (NAACP), fondateur et directeur de son mensuel The
Crisis. Milite contre le racisme et la discrimination raciale, contre
l’impérialisme et le colonialisme, pour le panafricanisme.
En 1950, élu président du nouveau Peace Information Center (PIC)
dont l'objectif est de faire connaître aux États-Unis l'appel de Stockholm (19
mars 1950), pétition du "Conseil mondial de la paix" demandant aux
gouvernements "l’interdiction absolue de l’arme atomique ».
1950 : Claude Eatherly
(1918-1978), officier de l’armée états-unienne pendant la
Seconde Guerre mondiale. Pilote d’un avion de reconnaissance météo,
le Straight Flush qui assiste le largage de la bombe atomique sur
Hiroshima au Japon, le 6 août 1945.
Profondément traumatisé, devient dépressif, alcoolique,
délinquant, essaye en 1950 et à une autre reprise de mettre fin à ses
jours avant d’être finalement interné dans un hôpital psychiatrique.
En 1961 est publiée sa correspondance avec le philosophe
Günther Anders.
« Quand on fait du tort à un seul être humain – je ne parle pas
de tuer – il est difficile, bien que l’acte reste bien délimité, de s’en
consoler. Mais dans votre cas, il y a autre chose. Vous avez eu le
malheur d’avoir éteint 200 000 vies. Où trouverait-on la puissance de
souffrance correspondant à 200 000 êtres humains ? Vous en êtes
incapable, nous le sommes, tout le monde en est incapable ! Quel que
soit l’effort que vous fassiez, votre douleur et votre repentir ne seront
jamais à la mesure de ce fait. » Lettre de G. Anders à C. E.
1954 : Robert Jungk
(1913-1994), écrivain et journaliste allemand né dans une
famille juive, naturalisé autrichien.
Fuit le nazisme en 1933 : Paris, Prague, Suisse.
Dans son livre publié en 1954, étudie la fabrication et le
lancement de la bombe atomique à partir du témoignage des
physiciens impliqués dans ce projet.
De 1956 à 1957, mène un travail d'enquêtes à Hiroshima.
Durant les années 1960, s’engage avec Bertrand Russell dans
des campagnes anti-nucléaires.
« Grâce à la mobilisation technologique, la fission nucléaire a
été le saut audacieux dans une toute nouvelle dimension de la
violence. Tout d'abord, il a été dirigé uniquement contre des
adversaires militaires. Aujourd'hui, il met en danger ses propres
citoyens ".
1954 : Sadako Sasaki
(1943-1955), fillette japonaise. Lors de l’explosion de la
bombe atomique à Hiroshima, est âgée de 2 ans et se trouve à 2
kilomètres du lieu de l'explosion. Alors que la plupart de ses voisins
sont tués, n’est pas blessée ou ne semble pas l'être. Se lance dans
la course à pied de compétition.
En 1954, après des vertiges et une grande faiblesse, lui est
diagnostiquée une leucémie (cancer des cellules sanguines). Sa
meilleure amie, Chizuko, lui raconte l'ancienne légende japonaise
des mille grues et lui apporte un origami. Selon elle, quiconque
confectionne mille grues en origami voit un vœu exaucé.
Confectionne au total 644 grues de papier. Meurt en octobre
1955 à l'âge de 12 ans. Ses amis et sa classe finissent de plier les
1000 grues et continuent cette activité afin de collecter de l'argent en
provenance des écoles japonaises pour construire une statue en
l'honneur de Sadako et de tous les enfants frappés par la bombe.
Tous les ans, des enfants du monde entier plient des grues
et les envoient à Hiroshima. Les origamis sont disposés autour de la
statue. La grue en papier est devenue un symbole international de la
paix.
1954 : Albert Schweitzer
(1875-1965), philosophe et médecin alsacien, musicien organiste,
théologien protestant. En 1915 lui sont révélées l’idée et éthique du
respect de la vie, inspiré des religions de l’Inde. Fonde en 1913 l’hôpital
de Lambaréné au Gabon. Prix Nobel de la paix (1952).
Dénonce à partir de 1954 le danger de l’arme atomique et des essais
nucléaires. Écrit à ce sujet au président Eisenhower en 1957. En janvier
1958, fait partie des 9 236 savants qui demandent à l’ONU la fin des
essais nucléaires. En octobre 1962, pendant la crise de Cuba, écrit à ce
sujet au président John F. Kennedy et au secrétaire d’État à la Défense
Robert Mac Namara.
« Le temps travaille pour ceux qui veulent supprimer les armes
atomiques. » (lettre à Norman Cousins en octobre 1962)
1955 : Boris Vian
(1920-1959), écrivain français, ingénieur de l‘’École
centrale’, poète, parolier, chanteur, critique, trompettiste de jazz,
scénariste, traducteur, conférencier, acteur et peintre.
Grand travailleur, pessimiste, hanté par la mort, adore
l’absurde, le jeu et la fête. Inventeur de machines imaginaires et de
mots devenus courants de nos jours.
Dans son roman J’irai cracher sur vos tombes, dénonce
le racisme anti-Noirs aux Etats-Unis. Dans sa chanson Le
déserteur, composée en 1954, s’insurge contre la guerre
d’Indochine.
Sa chanson La java des bombes atomiques, composée
en 1955, dénonce les armes nucléaires en pleine guerre froide
entre les États-Unis et l’Union soviétique.
« Voilà des mois et des années / Que j'essaye d'augmenter
La portée de ma bombe / Et je ne me suis pas rendu compte
Que la seule chose qui compte / C'est l'endroit où ce qu'elle
tombe. »
Nâzim Hikmet (1955)
et Julos Beaucarne (2011)
N. M (1901-1963), poète turc. Membre du mouvement indépendan-
tiste conduit par Mustafa Kemal à Ankara, puis du Parti communiste
clandestin de Turquie. Passe en prison, au total, 15 années de sa vie comme
détenu politique. Déchu de sa citoyenneté turque par décision du Conseil
des ministres en juillet 1951. Termine sa vie en exil comme citoyen polonais.
La nationalité turque lui est rendue de façon posthume en janvier 2009, à la
suite d'un conseil des ministres reconnaissant que « les crimes dont on
l'accusait alors ne sont plus considérés aujourd'hui comme tels.».
Auteur de poésies, pièces de théâtre, romans, récits, contes, lettres
de prison. Une de plus importantes figures de la littérature turque du 20ème
siècle, traduit dans 50 langues. Son poème Que les nuages ne tuent pas les
hommes (1955) est introduit et chanté en 2011 par Julos Beaucarne, poète,
conteur et chanteur belge (1936-2021).
« Harold est venu frapper à la fenêtre, on ne lui aurait pas ouvert mais il
insista. Maman lui ouvrit. Il raconta qu'une bombe extraordinaire venait de
détruire une ville entière au Japon.
Celles qui font de nous des hommes sont les mères
Elles vont devant nous comme clarté des cieux
Aux mères ne devez-vous point d'être sur terre ?
Alors, ayez pitié des mères, beaux messieurs,
Que les nuages ne tuent pas les hommes. »
1955 : Jules Moch
(1893-1985), homme politique français. Ministre socialiste des
travaux publics et des transports, s'oppose en septembre 1938 aux
accords de Munich. Officier de marine, demande à être mobilisable
malgré ses 45 ans. Supervise la démagnétisation de la flotte (pour éviter
les mines magnétiques). Le 10 juillet 1940, fait partie des 80 parlemen-
taires qui votent contre les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Surveillé
par Vichy, arrêté en septembre 1940 et libéré au début de 1941.
Entre dans la Résistance, participe à ‘X-Libre’, un groupe de
résistants de Polytechnique, et crée le ‘Mouvement 1793’, qui se livre à
des sabotages dans l'Aude et l'Ardèche. Demande son transfert à
Londres pour être intégré dans les ‘Forces navales françaises libres’,
effectue au nom du général de Gaulle des missions au Liban et en
Afrique noire.
Ministre sous la IVème République, est leader de la ‘Ligue
nationale contre la force de frappe’, et écrit La Folie des hommes (au
sujet de la bombe atomique, préface d’Albert Einstein, 1955), En retard
d'une paix (1958), Non à la force de frappe (1963).
Estime la force de frappe française ruineuse, inefficace et
dangereuse.
Avril 1957 : Otto Hahn
(1879-1968), chimiste allemand, un des fondateurs de la chimie
nucléaire. Études de chimie et minéralogie à Munich, Marbourg,
Londres. À Montréal, découvre le thorium C et le radioactinium. En
collaboration avec Lise Meitner et Fritz Strassmann, à l'Institut de
chimie de l'université de Berlin, découvre le mésothorium I et II,
l’ionium, le protactinium, met en évidence l'isomérie nucléaire.
Reste en Allemagne pendant la dictature nazie tout en étant
opposé au national-socialisme et à la persécution des Juifs. Lauréat du
prix Nobel de chimie de 1944 pour la découverte de la fission nucléaire
(le rôle de Lise Meitner étant totalement passé sous silence…).
Après la guerre, devient un militant contre l'utilisation des armes
nucléaires et met ses compatriotes en garde contre toute utilisation
inhumaine des découvertes scientifiques. Fait notamment partie en
avril 1957 des signataires du manifeste des Göttinger Achtzehn* ("les
18 de Göttingen", photo du bas), s'opposant à la décision du chancelier
Konrad Adenauer et du ministre fédéral de la défense Franz-Josef
Strauß d'équiper l'armée ouest-allemande, la Bundeswehr, d'armes
nucléaires tactiques.
* * chercheurs de premier ordre et membres d'institutions publiques de recherche sur
l'énergie et la technologie nucléaire en Allemagne de l'Ouest à cette époque.
Fin des années 1950 : Barry Commoner
(1917-2012), biologiste états-unien, professeur de physiologie
des plantes pendant 34 ans à l'Université Washington.
À la fin des années 1950, suite à ses travaux sur la présence de
strontium-90 radioactif dans les dents de lait des enfants, s'engage
dans la lutte contre les essais nucléaires.
Brave le “secret défense”, le silence de l’establishment
scientifique et les mensonges flagrants de l’Administration fédérale.
Dénonce - avec le chimiste Linus Pauling - la folie de la course
aux armements nucléaires, et aussi, très concrètement, le désastre
écologique et sanitaire des retombées radioactives des essais
nucléaires, preuves scientifiques et épidémiologiques à l’appui.
Un des authentiques pères fondateurs de l’écologie politique.
1957 : la Campaign for Nuclear
Disarmament (CND)
‘Campagne pour le désarmement nucléaire’, créée en 1957
par John Collins (1905-1982, image du milieu), Bertrand Russell, Peggy
Duff (1910-1980, image du bas) et autres, est une organisation qui prône le
désar-mement nucléaire unilatéral par le Royaume-Uni, le désarmement
nucléaire international et une réglementation internationale plus stricte des
armements par le biais d'accords tels que le Traité de non-prolifération
nucléaire (TNP). Elle s'oppose à une action militaire pouvant entraîner
l'utilisation d'armes nucléaires, chimi-ques ou biologiques et à la construction
de centrales nucléaires au Royaume-Uni.
Entre 1958 et 1965, pendant le week-end de Pâques, CND organise
‘la marche d'Aldermaston’ depuis l'Atomic Weapons Research Establishment
près de Aldermaston jusqu’à Trafalgar Square à Londres. 60 000 personnes
participent à la marche de 1959 et 150 000 aux marches de 1961 et 1962.
Aujourd’hui, CND fait campagne contre le missile Trident.
Le symbole et logo adopté par CND, conçu en 1958 par Gerald Holtom,
est devenu le symbole international de la paix. Il est basé sur les
symboles sémaphores pour "N" et "D"
1957 : Jean Lurçat
(1892-1966), peintre, céramiste et créateur de tapisserie
français. Associé aux combats de la Résistance. Nommé au Comité
départemental de libération du Lot, dirige l'hebdomadaire Liberté, à
Cahors et la revue Les Étoiles du Quercy.
À partir de 1957, fait tisser à Aubusson les dix pièces de son
Chant du Monde, aujourd’hui exposées à Angers. Les 4 premières
tentures de la série représentent le danger encouru par les hommes à
cause de la bombe atomique : « La Grande Menace », « L’Homme
d’Hiroshima », « Le Grand Charnier » et « La Fin de tout ».
« La grande menace, c’est la bombe (…) La folie s’est déjà
manifestée à deux reprises… Hiroshima, Nagasaki… L’homme
d’Hiroshima a été brûlé, dépouillé, vidé par la bombe… Mais avec lui,
ce sont toutes nos raisons de vivre qui ont été saccagées. C’est
pourquoi, autour de mon personnage, comme une pluie de ruines,
tombent les fleurs, les livres, la Croix, la Faucille et le Marteau…
La bombe n’épargne aucune idéologie, aucun système. Elle
anéantit toutes les pensées de l’homme, tout le patrimoine culturel
commun… A nouveau, les bibliothèques d’Alexandrie flambent et
s’anéantissent… Mais cette fois, c’est un enlisement général. »
1957-58 : Gustav Heinemann
(1899-1976), homme d'État allemand. Docteur en sciences
politiques et en droit, juriste en entreprise, enseigne aussi le droit civil et
le droit économique à l'Université de Cologne. En 1933, vote pour le
Parti social-démocrate (SPD) pour contrer les nazis. Travaille sur la
‘déclaration de Barmen’, un des actes fondateurs de ‘l'Église confes-
sante’ (Bekennende Kirche), mouvement chrétien antinazi.
Un des membres fondateurs de ‘l’Union chrétienne-démocrate’
(CDU). Maire d'Essen (1946-1949), député au Bundestag de 1947 à
1950. Ministre de la Justice, puis de l’Intérieur. Cofondateur en 1951 de
la Notgemeinschaft für den Frieden Europas (‘Communauté d'urgence
pour la paix en Europe’). En 1952, quitte la CDU en raison de la
poursuite des plans de réarmement. Député au Bundestag dès les
élections de 1957, devient membre du comité directeur du ‘Parti social
démocrate’ (SPD).
En 1957 et 1958, est l'un des principaux adversaires du projet
de Konrad Adenauer et Franz Josef Strauss de doter l'armée allemande
de l'arme nucléaire (photo du bas).
À nouveau ministre fédéral à plusieurs reprises, président de la
République fédérale d'Allemagne (Bundespräsident) entre 1969 et 1974.
Janvier 1958 : Linus Pauling
(1901-1994), chimiste et physicien états-unien. Un des premiers
chimistes quantiques, prix Nobel de chimie en 1954 pour ses travaux
décrivant la nature de la liaison chimique.
Très marqué par les bombardements d’Hiroshima et Nagasaki. En
1946, rejoint le ‘Comité d'urgence des scientifiques atomistes’, dirigé par
Albert Einstein, et dont le but est d'avertir l'opinion publique des dangers
des armes nucléaires.
En janvier 1958, présente avec sa femme à l’ONU une pétition
signée par plus de 9 000 scientifiques et appelant à l'arrêt des essais
nucléaires.
Prix Nobel de la paix en 1962, pour sa campagne contre les essais
nucléaires.
« Linus Pauling, qui depuis 1946 a fait sans cesse campagne non
seulement contre les essais nucléaires, non seulement contre la prolifé-
ration des armes nucléaires, non seulement contre leur utilisation, mais
contre l'usage des guerres comme moyen de résoudre des conflits
internationaux ». Le Comité du prix Nobel
Août 1958 : Günther Anders
(1902-1992), penseur et essayiste allemand, émigré en 1936
aux États-Unis, rentre en Europe en 1950.
Critique de la modernité technique et plus particulièrement de
l’arme et de l’industrie nucléaires.
Son journal L’Homme sur le pont écrit lors de sa visite à
Hiroshima, en août 1958, est d’une virulence terrible contre la bombe,
la guerre, les techniques de destruction modernes. Hors limite reprend
ses lettres au pilote d’un avion d’Hiroshima, Claude Eatherly.
Depuis que la bombe existe, nous sommes devenus "davan-
tage mortels", car nous ne sommes plus seulement en mesure de tuer
des hommes, mais bien l'humanité elle-même. Nous sommes
parfaitement conscients de la possibilité, sinon de l'inéluctabilité du
pire, mais nous consacrons toute notre énergie et notre inventivité à
oublier ce savoir : nous vivons "l'âge de l'incapacité à avoir peur".
« La tâche morale la plus importante aujourd'hui consiste à faire
comprendre aux hommes qu'ils doivent s’inquiéter et qu'ils doivent
ouvertement proclamer leur peur légitime ». ../..
Günther Anders
« Nous sommes déjà parvenus en ce point où ce n’est pas
notre disparition qui serait un miracle, mais notre survie, et même
un miraculum perpetuum, qui devrait se reproduire de jour en jour .
La possibilité que l’humanité s’anéantisse elle-même n’avait pu être
prévue par aucune éthique ».
« La bombe atomique est moins une arme ou un instrument
que la machine de la toute-puissance. »
« La question n’est plus de savoir comment l’humanité doit
vivre, mais si elle doit ou non continuer à exister. »
« Le philosophe qui ignore la menace absolue de la bombe
se rend coupable d’une cécité morale incompatible avec la tâche
qui est la sienne. »
« La guerre par télémeurtre qui vient sera la guerre la plus
dénuée de haine qui ait jamais existé dans l’histoire. (…) Cette
absence de haine sera l’absence de haine la plus inhumaine qui ait
jamais existé. Absence de haine et absence de scrupule ne feront plus
qu’un. »
1958 : Stephen King Hall
(1893-1966), politicien britannique, journaliste et dramaturge.
Officier de marine pendant 20 années de sa vie. Participe au contre-
torpillage des sous-marins allemands pendant la 1ère Guerre mondiale.
Rejoint l'Institut royal des affaires internationales en 1929, après avoir
reçu sa médaille d'or pour sa thèse de 1920 sur la guerre sous-marine.
Siège à la Chambre des Communes de 1939 à 1945. Auteur d’une
quarantaine d’ouvrages, dont 3 de stratégie.
Estime que l’arme nucléaire ouvre une ère nouvelle, et qu’il faut
repenser totalement la défense. Dans Defence in the Nuclear Age (1958),
préconise une politique britannique de désarmement nucléaire unilatéral
et de défense nationale impliquant un certain recours à la force militaire
conventionnelle. Celle-ci doit être complétée par un système de défense
non-violente contre l’agression ou la dictature, ce que l'on appelle
souvent "la défense par résistance civile " ou "défense sociale".
« Il ne faut pas assimiler l’aspect psychologique de notre défense
civile à de la résistance passive, mais le penser plutôt en tant que
véritable offensive lancée contre les esprits des forces d’occupation. »
1958 : Karl Jaspers
(1883-1969), psychiatre et philosophe allemand. Après 1945,
prononce à l'Université de Heidelberg une série de conférences sur la
"culpabilité allemande" face aux crimes du 3ème Reich.
En 1958, montre que le danger de la bombe atomique demeure le
danger suprême, et qu’il est loin d'être évité par cette sorte de pause que
constitue l'équilibre de la peur. Cette menace ne cesse de s'accroître car
la puissance atomique ne cesse de grandir et car, avec la prolifération,
beaucoup d’autres États arriveront infailliblement à l'armement atomique.
Adjure les hommes de prendre conscience du danger et affirme
que la seule issue est "la puissance supra-politique de l’idée morale", le
revirement intérieur qui doit s'opérer à l'intérieur de chacun pour
contraindre les États à devenir raisonnables.
« Si nous n'opérons pas ce revirement, cette conversion, nous
sommes tous condamnés à mort. »
1958 : Andrei Sakharov
(1921-1989), physicien russe. Père de la bombe atomique à
hydrogène soviétique, honoré et gratifié par le régime.
Repenti à partir de 1958, s’efforce de faire annuler les essais
nucléaires atmosphériques. En 1962, prend conscience que le complexe
militaro-industriel est devenu un pouvoir autonome en URSS, et s'en
inquiète : il en a la preuve lorsque deux instituts de recherche atomiques
veulent faire exploser la même bombe, strictement identique sur le plan
technique, pour des raisons liées à la concurrence interne (et non pas
l'émulation) et l'attribution des crédits de fonctionnement
Devient après 1966 défenseur des droits humains contre la
dictature communiste. Tente de faire prendre conscience du danger de la
course aux armements nucléaires, obtient un succès partiel à travers la
signature du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires en 1968.
Avec son épouse Elena Bonner, appelle les pays, notamment les
USA et l’URSS, à résoudre les principaux problèmes mondiaux : faim,
racisme, militarisme, gaspillage des ressources naturelles.
Privé de son travail. Prix Nobel de la paix en 1975.
Assigné à résidence à Gorki de 1980 à 1986.
Élu député en 1989, s’insurge contre la guerre en Afghanistan.
Années 1958 à 1980 : Lanza del Vasto
(1901-1981). Écrivain, poète, artiste, philosophe et militant. En 1936,
passe plusieurs mois près de Gandhi.
Fonde en 1948 en France un ordre spirituel, laborieux et militant,
‘L’Arche’, dont les grands axes sont : respect de la nature, refondation
sociale (autonomie alimentaire, économique et énergétique maximale),
résolution non-violente des conflits, quête spirituelle, dialogue interreli-
gieux. S’introduit avec 82 personnes en avril 1958 dans l’usine de
Marcoule qui fabrique du plutonium à usage militaire. Jeûne 40 jours au
Vatican en 1963, puis en 1965, contre l’arme nucléaire.
« Chaque pièce de la bombe est une merveille de logique,
de savoir, de sagacité, de prévoyance, d’invention, d’adresse constructive :
le tout aboutit à une explosion insensée et désastreuse. »
« Gribouille est cet idiot du village qui, pour se protéger de la pluie,
se mettait dans la mare aux canards. C’est le maître à penser de nos
stratèges, de nos vaillants défenseurs, de nos dirigeants avancés. »
Regardez vos enfants. Vous avez peur qu’ils prennent
froid, qu’ils manquent leur examen. Mais des plaies savantes que leur
préparent les chipoteurs d’atomes, vous n’avez nul souci, n’est-ce pas ! »
Avril 1959 : Alfred Kastler
(1902-1984), né en Alsace sous domination allemande.
Physicien français. Prix Nobel de physique de 1966 pour la décou-
verte et le développement de méthodes optiques servant à étudier la
résonance hertzienne dans les atomes.
Engagements politiques et moraux : hostile à la guerre
d'Algérie (son appartement est plastiqué par l'OAS en 1961), défense
des droits humains, des réfugiés, ‘Ligue Française des Droits de
l'Animal’, ‘Association internationale contre la faim’ (AICF), critique de
l'élevage intensif, etc.
Opposé aux armes nucléaires, vice-président en avril 1959
de la ‘Fédération Française Contre l’Armement Atomique’ (FFCAA)
puis vice-président au printemps 1963 de la ‘Ligue Nationale Contre la
Force de Frappe’ (LNCFF), publie une dizaine d’articles contre les
bombes et les essais nucléaires, principalement dans Le Monde.
« Le renoncement volontaire de la France à l’armement
nucléaire (avant ou après une explosion de prestige), loin de réduire
son influence, lui permettrait au contraire de jouer un rôle important
dans les pourparlers ».
1959 : Émile Guerry
(1891-1969), prélat catholique français. Avocat à Grenoble, brancar-
dier et gazé pendant la 1ère Guerre mondiale.
En 1940, secrétaire de l’’Assemblée des cardinaux et archevêques de
France’. Figure du catholicisme social, cofondateur de l'Institut des ‘Petites
Sœurs des maternités catholiques’. Archevêque de Cambrai de 1952 à
1966.
Secrétaire de la commission permanente de l’’Assemblée des
Cardinaux et Archevêques de France’ (ACA).
En 1959, signe l'appel de la ‘Fédération française contre l'armement
atomique’. Auteur en 1960 d’un texte intitulé « La conscience chrétienne
face à la bombe atomique française ».
Autres évêques ayant pris position contre l’arme nucléaire :
Jacques Guilhem (Laval, photo du bas) en 1964,
cardinal Jean Guyot (Toulouse) en 1970 et 1971,
Pierre Boillon (Verdun) et Guy-Marie Riobé en 1973,
Jacques Gaillot (Évreux) en 1983
1960 : Thomas Merton
(1915-1968), écrivain, moine trappiste et militant social états-
unien. Études à Cambridge et à l’université Columbia à New-York.
Marqué par Dorothy Day. En 1941, entre à l'abbaye trappiste de
Gethsemani au Kentucky. En 1948 paraît son autobiographie, The
Seven Storey Mountain (La Nuit privée d’étoiles), qui connaît un
immense succès. Acteur du dialogue interconvictionnel, notamment
avec le bouddhisme.
Écrit de nombreux livres de spiritualité chrétienne, des poèmes
mais également des essais, notamment sur les questions morales et
éthiques concernant la guerre, l’armement nucléaire et le racisme.
En 1960, en pleine guerre froide, prend position contre la
course états-unienne à l’arme atomique. La parution de son livre est
interdite par deux généraux successifs de l’Ordre : un tel sujet ne
convient pas à un trappiste ! Cet essai circule à Washington, à Rome,
et ailleurs, sous la forme de manuscrits ronéotypés.
En 1961, son poème Original Child Bomb décrit et dénonce le
bombardement d’Hiroshima et de Nagasaki.
En 1964, prêche une retraite sur la protestation non-violente qui
joue un rôle déterminant dans l’engagement de la gauche catholique
contre la guerre du Vietnam.
1961 : Women Strike for Peace
Women Strike for Peace (WSP, « Grève des femmes pour la
paix »), également connu sous le nom de Women for Peace, est un
groupe de militantes pour la paix aux États-Unist fondé en 1961 par
Bella Abzug (avocate, 1920-1998, photo du haut) et Dagmar Wilson
(1916-2011, illustratrice, photo du milieu).
Elles multiplient pour leurs actions différentes formes de pression
légale comprenant des pétitions, des manifestations, des lettres, la
sollicitation des lobbies de masse et des procès. Le groupe participe à
des formes d'action directe illégales et non-violentes qui incluent les sit-
in dans les bureaux du Congrès et la publication de déclarations de fait
de complicité visant à museler les tribunaux.
En 1961, au plus fort de la guerre froide, environ 50 000 femmes
défilent dans 70 villes des États-Unis afin de manifester contre les
essais d'armes nucléaires. Il s'agit de la plus grande manifestation
nationale pour la paix des femmes au cours du 20e siècle.
Parmi les autres actions, près de 1 500 femmes se rassemblent
au pied du Washington Monument, alors que le président John F.
Kennedy brigue la Maison Blanche. La manifestation contribue à la
signature d'un traité d'interdiction des essais nucléaires entre les États-
Unis et l'Union soviétique, deux ans plus tard.
Années 1960 à 1990 :
Théodore Monod
(1902-2000). Philosophe français, naturaliste, professeur et
chercheur au ‘Muséum national d’histoire naturelle’. Parcourt à pied les
déserts africains à la recherche de météorites, fossiles, squelettes,
plantes et minéraux.
Militant non-violent, prend part aux mouvements contre la guerre
d’Algérie, l’apartheid, l’exclusion.
Estime que l’ “ère chrétienne”, ou définie comme telle, s’est
achevée le 5 août 1945 avec le bombardement d’Hiroshima.
« Toutes les bombes sont naturellement répréhensibles et
doivent être supprimées, mais la bombe atomique, c’est diabolique,
inexpiable… »
Photo du haut : Maître Jean-Jacques de Félice, Théodore Monod, le pasteur René Cruse
et Yvon Montigné, le 19 juin 1971, en tête de la marche du Groupe d'action et de résistance à la
militarisation (GARM), de Lyon au Mont-Verdun, contre la force de frappe nucléaire
Théodore Monod
Des années 1960, avec le Mouvement contre l'armement
atomique (MCAA) devenu MDPL (Mouvement pour le désarmement, la
paix et la liberté) jusqu'à son très grand âge, milite contre la force de
frappe nucléaire.
Avec René Dumont, Bernard Clavel, Lanza del Vasto, Jean
Rostand et des dizaines de personnes, signe en février 1968 une lettre
de soutien à ceux qui renvoient leurs livrets militaires pour protester
contre la force de frappe nucléaire. Soutient le Groupe d’action et de
résistance à la militarisation (GARM), initiateur de ce document. En
particulier, en tête de la ‘Marche de la paix’ organisée le 19 juin 1971
par le GARM, il défile, avec des milliers de personnes, de Lyon au
poste de commandement de la force de frappe nucléaire du Mont
Verdun dans les monts du Lyonnais.
En décembre 1981, participe à la création du Comité pour le
désarmement nucléaire en Europe (CODENE).
De 1982 à 1996 (âgé de 94 ans…) , jeûne contre l’arme nucléaire
chaque année pendant 4 jours du 6 au 9 août près du PC de déclen-
chement de l’arme nucléaire de Taverny, avec une pancarte « La
préparation d’un crime est un crime ». (photo ci-contre)
1960 : Jean Rostand
(1894-1977), biologiste, historien des sciences, écrivain,
moraliste.
Alerte l'opinion sur la gravité des problèmes humains que
posent les nouvelles technologies. Milite contre l'armement et contre
l’énergie nucléaires. 1960 ; Protestation contre les premiers essais
nucléaires à Reggane; 1968 : Texte Non à la bombe !, etc.
« Par l’emploi des techniques nucléaires, le Mal vient de
bénéficier d’un brusque avancement. Voilà qu’une mutation géante
marque l’histoire de l’assassinat collectif. Un seuil est franchi ».
Le rôle des Français « est en premier lieu de protester contre
la force atomique française – inutile, absurde, inemployable aussi
bien contre un adversaire plus fort que contre un plus faible,
éminemment dangereuse puisqu’elle nous désigne pour cible,
criminelle et inhumaine puisque sa fonction est de frapper
électivement les populations civiles ;
qui plus est, elle donne aux autres nations le mauvais exemple en
suscitant la malsaine émulation des chauvinismes nucléaires. (…) La
France n’a rien à faire dans la galère atomique ».
Années 1960-2012 : Bernard Boudouresques
(1923-2013), Français, polytechnicien, Résistant, prêtre de la
‘Mission de France’.
Ingénieur au CEA, s'oppose à la construction de bombes
atomiques.
Pendant la guerre d’Algérie, aide le FLN et le ‘réseau Jeanson’,
est arrêté par la ‘Direction de la Surveillance du Territoire’ (DST), service
de renseignements du ministère de l’Intérieur.
Continue ensuite son combat contre la force de dissuasion
nucléaire française, fait partie du ‘Mouvement pour le Désarmement, la
Paix et la Liberté’ (MDPL).
Milite à Amnesty International, à l’ACAT (‘Action des chrétiens
pour l’abolition de la torture’), à l’’Association France-Palestine
Solidarité’ (AFPS) et à Pax Christi.
Signataire en janvier 2012 de l’appel en
faveur du désarmement nucléaire unilatéral de
la France.
Années 1960 : Pablo Casals
Né Pau Casals i Defilló (1876-1973), violoncelliste, chef
d'orchestre et compositeur espagnol. Commence à 23 ans une
carrière internationale. Fuit le régime franquiste en 1939 et s’installe
en France à Prades, centre son activité sur l’organisation d’aide aux
réfugiés catalans et espagnols.
Après guerre, participe à des galas de soutien en faveur du
mouvement pacifiste et antifasciste de son ami Louis Lecoin. Engagé
en faveur de la république et de la liberté, contre les dictatures, en
particulier celle de Franco en Espagne.
Durant les dernières années de sa vie, invité à cela par son ami
Albert Schweitzer, rencontre le Président John F. Kennedy (photo) et,
dans ses discours à l’ONU, proteste contre la course aux armements
nucléaires.
Années 1960 : Georges Rigassi
(1885-1967), journaliste, écrivain et homme politique suisse
vaudois. Étudie à Lausanne, Paris, Vienne et Londres, licence ès
lettres en 1907. Se lance ensuite dans une carrière de journaliste :
‘Agence télégraphique suisse’ (A.T.S.), puis Gazette de Lausanne, dont
il sera rédacteur en chef puis directeur en 1939. Député au Grand
Conseil vaudois.
Dans son article "La menace atomique – Angoisse des
savants et carence spirituelle", écrit :
« Les moyens de dévastation inventés par les savants ont
donné à la guerre une dimension toute nouvelle, sans commune
mesure avec les guerres les plus dévastatrices d’une époque encore
récente. (…)
Le mal qui nous a conduits à l’impasse atomique est la
carence spirituelle du monde moderne, qui nous empêche de voir que
l’emploi de l’arme atomique n’est plus un problème militaire ou
politique, mais un problème de conscience et de morale. (…)
Pour survivre, (l’humanité) doit comprendre la signification
profonde, philosophique et religieuse, d’une évènement à quoi il n’y a
rien de comparable dans l’histoire. Et, pour y parvenir, il faut que
l’humanité change sa manière de penser. »
Années 1960 : Karl Barth
(1886-1968), théologien et pasteur protestant suisse, une des
personnalités majeures de la théologie chrétienne du 20ème siècle.
En 1934, principal auteur de la Déclaration théologique de Barmen,
texte fondamental d'opposition chrétienne à l'idéologie nazie. Hostile aux
accords de Munich (septembre 1938), incite les Tchécoslovaques à prendre
les armes.
À la fin de sa vie, participe à la lutte contre la prolifération des
armements atomiques.
« Les milieux cultivés, de même qu’une grande partie des milieux
ecclésiastiques, se livrent volontiers à de profondes discussions (…), mais
esquivent avec obstination toute décision concrète contre l’armement
atomique. (…)
En plus d’une action générale pour abattre les obstacles idéologiques
et rétablir un climat de confiance, « la résistance pourrait prendre aussi, de
manière concrète, la forme d’une invitation ouverte à l’objection de
conscience dans toutes les unités équipées d’un armement atomique. »
Lettre du 7 janvier 1959 au Congrès européen contre l’armement atomique
Années 1960 : Germain Jousse
(1895-1988), général français. Contribue à la paralysie des
troupes vichystes à Alger en 1942. Dénonce au président Auriol les
erreurs qui ont conduit à la défaite de Dien Bien Phu en Indochine.
Général de corps d’armée, Compagnon de la Libération.
« Les nations atomiques ont accumulé un arsenal suffisant pour
faire sauter plusieurs fois la planète. Que faire autour de cette
poudrière ? En rajouter ou donner l’alarme ? Placer des allumoirs ou
des extincteurs ? Se faire incendiaire ou pompier ? Pour moi, j’ai pris
tout bêtement le parti des pompiers, bien que je sois incendiaire de
carrière. (…)
L’histoire montre que, finalement, la dissuasion, c’est-à-dire la
paix armée, n’a jamais réussi. La menace peut maintenir temporaire-
ment des situations de fait, rendre plus difficile le déclenchement d’un
conflit. Mais cet équilibre ne peut être qu’un sursis.
../..
Germain Jousse
Image : roulette russe : jeu de hasard potentiellement mortel consistant à mettre une cartouche
dans le barillet d'un révolver, à tourner ce dernier de manière aléatoire, puis à pointer le revolver sur
sa tempe avant d'actionner la détente. Si la chambre placée dans l'axe du canon contient une
cartouche, elle sera alors percutée, et le joueur mourra. Par extension, cette expression désigne une
décision importante, voire vitale, prise avec beaucoup de risques.
« Le dogme de la dissuasion, c’est que plus on menace, moins on
est menacé. Or la psychologie nous apprend que la menace de la violence
déclenche un processus psychique aux réactions en chaîne incontrôlables.
On l’a bien vu en 1914 : La Triple Entente et la Triplice, à force de se faire
peur, ont fini par se lancer follement dans la guerre. (…)
On discute, comme s’il s’agissait de choses connues, de stratégie
atomique, flexible, dissuasive, totale… C’est jongler avec les mots en
laissant croire qu’on peut rester maître du tonnerre atomique. (…)
Toutes ces contradictions, les stratèges essayent de les noyer dans
une phraséologie sonore fleurie de néologismes.(…)
La stratégie de la dissuasion consiste à jouer avec le feu pour s’en
protéger sans y toucher ».
Années 1960 : Pouvana'a a Oopa
(1895-1977), charpentier tahitien. Homme politique de Polynésie
française, député en 1949, leader du ‘Rassemblement démocratique des
populations tahitiennes’ (RDPT) et figure emblématique du mouvement
anticolonialiste.
Condamné en 1959 à 15 ans d'exil. Sénateur de 1971 à 1977.
Opposant résolu à l’implantation du ‘Centre d'Expérimentations du
Pacifique’ (CEP) en 1962 et aux essais nucléaires français menés en
Polynésie sur les iles de Mururoa et Fangataufa (46 essais aériens de
1966 à 1974, et 147 essais souterrains de 1975 à 1996).
Parmi les opposants aux essais nucléaires à Mururoa, il faut citer
aussi :
- Bengt Danielsson, anthropologue suédois (1921-1997) et sa
femme Marie-Thérèse, Française (1923-2003), les premiers à informer
l'opinion des dangers des retombées des essais nucléaires. Photo du bas
../..
Pouvana'a a Oopa
Bengt et Marie-Thérèse Danielsson,
Bernard Ista, Oscar Temaru
- Bernard Ista (1934 ?-1998), ingénieur atomiste français.
Photo du haut.
En 1960 entre au centre du Commissariat à l’Énergie
Atomique (CEA) dans l’équipe du professeur Yves Rocard. De 1960
à 1995, filme avec sa caméra Super 8 tous les essais nucléaires
pratiqués en Algérie (19 essais à Reggane et In Eker), puis dans le
Pacifique (193 essais à Mururoa et Fangataufa) et écrit au quotidien
la chronique de ces 35 années. Meurt d’un cancer rare en 1998,
après une longue agonie.
Son témoignage retrace l’aventure de la bombe atomique
française et rend hommage aux 150 000 militaires et civils qui en
furent les acteurs. Un grand nombre d’entre eux souffrent
aujourd’hui de pathologies graves.
- Oscar Temaru (né en 1944), Président de la Polynésie
française de 2004 à 2013. Photo du bas
Années 1960-90 : Aguigui Mouna
André Dupont, dit Aguigui Mouna, ou Mouna (1911-1999),
exclu de la Marine pour avoir refusé les avances d'un supérieur, exclu
du ‘Parti communiste français’, tient une pension de famille à Nice. Las
de sa vie de ‟caca-pipi-taliste”, commence une carrière d‘ ‟imprécateur-
amuseur”.
Clochard-philosophe libertaire, pacifiste, écologiste avant
l'heure. Souvent à vélo, sillonne les rues de Paris ou la côte d’Azur pour
haranguer les foules, dort chez ses hôtes ou à la belle étoile. Mène
campagne contre le travail des enfants dans le tiers-monde, pour l’aide
aux réfugiés du Chili, etc.
Un des premiers à dénoncer les risques et les retombées
négatives du programme nucléaire français, militaire et civil. Porte une
moitié de moustache et de barbe pour dénoncer un monde radioactif.
Connaît son heure de gloire en mai 68.
On a vu en lui à la fois « le dernier amuseur public de Paris »
et « le sage des temps modernes ».
« Le nettoyage à sec : Avec la bombe H, plus de tache ! »
« À votre bombe santé ! »
« Actifs aujourd’hui, ou radioactifs demain »
1962 : Satish Kumar
Indien né en 1936, moine jaïn dans sa jeunesse, disciple gandhien
de Vinoba Bhave.
Entreprend en 1962 avec son ami E. P. Menon, sans argent, un
"pèlerinage pour la paix", une marche à pied de 13 000 kilomètres en 3 ans
contre l’arme nucléaire (Moscou, Paris, Londres, Washington).
Offre un sachet de thé à chacun des dirigeants des 4 puissances
nucléaires avec le message « Quand vous aurez le projet d’appuyer sur le
bouton, arrêtez-vous une minute et buvez une tasse de thé ! ".
Installé en Angleterre depuis 1973. Éditeur du magazine Resurgence
& Ecologist, fondateur et directeur des programmes du Schumacher
College, centre international d’études écologiques.
« La bombe n’est qu’un symptôme, le produit dérivé de la foi aveugle
et absolue que nous avons nourrie pour la science. (…)
Ceux qui s’élèvent contre la bombe sans remettre en question le
rationalisme scientifique, le dualisme, l’individualisme, le consumérisme et
le matérialisme ne verront jamais l’aboutissement de leur combat. »
1962 : L’abbé Pierre
L’abbé Henri Grouès (1912-2007) crée en 1942 un laboratoire
de fabrication de cartes d’identité, cache des réfractaires au ‘Service du
Travail Obligatoire’ dans des fermes. Crée un maquis en Chartreuse
puis dans le Vercors. Recherché, entre en clandestinité, se fait appeler
"abbé Pierre". Arrêté en mai 1944 par la Gestapo, s’évade, est envoyé
jusqu’à début août à Alger sous le nom de "Sir Harry Barlow" pour
travailler auprès de l’Information et des milieux diplomatiques. Finit la
guerre auprès des ‘Forces Françaises Libres’.
Au sortir de la guerre, est membre fondateur, en juin 1947, du
groupe parlementaire fédéraliste français, destiné à promouvoir un
gouvernement supranational pour éviter une troisième guerre mondiale.
Est élu en 1947 vice-président et en 1948 Président du ‘Mouvement
universel pour une confédération mondiale’ (MUCM). Participe en 1952
à la Conférence internationale contre le réarmement et la division de
l’Allemagne, et en juin 1962 à l’Anti Nuclear Arms Convention organisée
par la Gandhi Peace Foundation à New Delhi (photo du bas).
Interrogé sur les essais de la bombe à hydrogène, déclare :
« On a l'impression que lorsqu'un pays a fait une bombe, un autre
aussitôt veut en faire deux... L'interdiction de la course à la bombe
atomique n'est pas une affaire de bonté, elle devrait correspondre à une
explosion générale de bon sens. »
1963 : Claude Bourdet
(1909-1996), ingénieur français, entrepreneur, cofondateur du
mouvement ‘Combat’. Crée en 1942 et développe le réseau ‘Noyautage
des administrations publiques’ (NAP) pour infiltrer les administrations de
l’État français et les faire fonctionner au service de la Résistance : rensei-
gnement de ‘la France libre’, sécurité des Résistants, sabotage "profes-
sionnel", fourniture de faux papiers, préparation de la prise du pouvoir au
moment de la Libération. Les administrations concernées sont notamment
les préfectures, la police, le ravitaillement, l'électricité, les PTT et la SNCF.
Arrêté en mars 1943 par la Gestapo, torturé, déporté à Buchenwald.
‘Compagnon de la Libération’.
Écrivain, journaliste, cofonde en 1950 le journal L’Observateur et en
1960 le ‘Parti socialiste unifié’ (PSU). Dénonce la torture en Algérie.
Cofonde en 1963 avec Jean Rostand le ‘Mouvement contre l’Arme-
ment Atomique’ (MCAA), devenu en 1968 ‘Mouvement pour le Désarme-
ment, la Paix et la Liberté’ (MDPL).
« Il est bien certain, déclare-t-il lors d’un échange à la ‘Revue
Défense nationale’, qu’une grande partie du manque d’intérêt des
citoyens pour les problèmes de défense nationale aujourd’hui, – sauf
peut-être chez certaines élites très informées, – réside dans l’idée que le
fameux "bouton" par lequel le chef de l’État déclenche la guerre nucléaire,
nous garantit tellement bien que ce n’est vraiment plus la peine de se
préoccuper de défense. Ce désintéressement satisfait peut-être certains
"pacifistes". Moi, il ne me satisfait pas. »
1963 : Primo Levi
(1919-1987), Italien d’origine juive, docteur en chimie, un des plus
célèbres survivants de la Shoah.
Emprisonné en 1944 dans le camp de concentration et
d’extermination d’Auschwitz III-Monowitz, libéré par l’Armée Rouge.
Devient écrivain afin de transmettre et expliciter son expérience,
notamment l’horreur de la déshumanisation.
Décrit les Sonderkommandos (équipes spéciales) de prisonniers
chargés de gérer les fours crématoires.
Explique le rôle des kapos, prisonniers sélectionnés pour leur
violence, les hiérarchies à l'intérieur du camp, le « système » de
promotion interne.
Son livre majeur, Se questo è un uomo (‘Si c’est un homme’), écrit
entre décembre 1945 et janvier 1947, publié en 1963 à plus de
100 000 exemplaires, aborde rapidement le risque nucléaire :
« L’apocalypse nucléaire serait bilatérale, instantanée, définitive.
L’horreur serait plus grande, différente, extraordinaire et nouvelle. »
1964 : John Doom
(1936-2016), militant polynésien contre les essais nuclé-
aires français dans le Pacifique. Se présente comme citoyen français "par
accident de l’histoire". Jeune homme, vit dans son pays l’irruption du
monde militaire et colonial dès la fin des années 1950 lorsque le leader
politique local Pouvanaa a Oopa est éliminé par le pouvoir colonial, car
hostile aux essais nucléaires.
Dès 1964, alors jeune diacre de l’Église protestante, s’active pour
dénoncer l’exil en France de son pasteur, est coupable d’avoir osé réclamer
une enquête publique préalable à l’installation du centre d’essais nucléaires
à Moruroa.
Le 2 juillet 1966, lors de l’explosion de la première bombe française
à Moruroa, se trouve sur l’île de Mangareva comme interprète du ministre
de la France d’outre-mer, Pierre Billotte, venu assister de loin à l’événe-
ment. Ce jour-là, les retombées radioactives sur Mangareva sont telles que
la délégation officielle doit s’enfuir précipitamment, laissant une population
locale dans la plus totale ignorance.
En 1971, devient le Secrétaire général de l’Église protestante de
Polynésie. En 1989, appelé à Genève, où il déménage avec son épouse
Tetua, au ‘Conseil œcuménique des Églises’ (COE) ../..
Photo du haut : Aldébaran, le 2 juillet 1966, bombe de 28 kilotonnes testée sur une barge dans
le lagon de Mururoa, et des vents d'ouest-nord-ouest emportent le nuage radioactif de l'explosion
vers Mangareva.
1964 : John Doom
pour y créer le ‘Bureau Pacifique’ du COE. Pendant plus de 10 ans, son
bureau à Genève devint le point de ralliement du combat international
contre les essais nucléaires français dans le cadre de l’organisation
Europe Pacific Solidarity qu’il crée avec Cofondateur en 1974 de
l’Académie tahitienne Fare Vana’a.
Dès la fin des essais à Moruroa en 1996, grâce à ses relations
œcuméniques, une enquête sociologique auprès des anciens travailleurs
polynésiens peut être organisée conjointement par l’association ‘Hiti Tau’
et l’Église protestante maohi. Peu après, c’est à Genève que germe le
projet de fonder en France et en Polynésie des associations de victimes
des essais nucléaires : ‘l’AVEN’ est créée à Lyon en juin 2001 et ‘Moruroa
e tatou’ (‘Moruroa et nous’) à Papeete le 4 juillet suivant.
De retour à Tahiti en 2000, consacre une grande partie de sa vie
de retraité au service de ‘Moruroa e tatou’ et du combat pour la reconnais-
sance des victimes des essais nucléaires. Colloques à Paris, Hiroshima,
Nagasaki, Alger, Papeete se suivent avec de nombreux documentaires sur
les chaînes de télévision françaises et étrangères où il témoigne sur les
conséquences dramatiques des essais nucléaires.
Photo du haut : Madeleen Helmer, Néerlandaise, cofondatrice avec John Doom de la
coordination Europe Pacific Solidarity qu’elle anime pendant 10 ans.
1964 : Stanley Kubrick
(1928-1999), réalisateur, photographe, scénariste et producteur états-
unien. Issu d'une famille juive originaire d'Europe centrale, autodi-dacte,
auteur de 13 longs-métrages en 46 ans de carrière cinématogra-phique.
Son film Docteur Folamour ou : Comment j'ai appris à ne plus m'en
faire et à aimer la bombe (1964), comédie militaire cynique et caustique
(réalisée d'après le thriller 120 minutes pour sauver le monde écrit par
l’Anglais Peter George), choisit l’humour pour souligner les dangers de
l’escalade de l’armement nucléaire.
En pleine guerre froide, un général de l’Armée de l’air états-unienne,
frappé de folie paranoïaque, envoie ses B-52 frapper l’URSS. Le président
des États-Unis commande une réunion d'urgence dans la salle souterraine
de commandement stratégique pour tenter d'éviter une guerre nucléaire. Les
B 52 sont rappelés aux États-Unis ou abattus par les Soviétiques sur indica-
tion des militaires états-uniens, sauf un qui déclenche la guerre nucléaire. Le
docteur Folamour présente alors une solution pour sauver l'espèce
humaine : ne sélectionner que les meilleurs éléments pour les emmener
survivre sous terre, à raison d’un homme pour 10 femmes. Le film se clôture
par un ballet d'explosions nucléaires avec leurs champignons sur un fond de
musique douce
1965 : Romain Gary
Roman Kacew (1914-1980), né à Vilnius (Lituanie), alors dans
l'Empire russe, de parents juifs ashkénazes.
Arrive avec sa mère en France en 1928. Études de droit.
Soldat, Résistant de ‘la France Libre’, observateur sur bombardier,
‘Compagnon de la Libération’. Diplomate de 1946 à 1961. Écrivain et
romancier à partir de 1945.
Déprimé chronique, se suicide en décembre 1980.
Son œuvre littéraire est marquée par un refus opiniâtre de céder
devant la médiocrité humaine. Ses personnages sont souvent en dehors
du système parce que révoltés contre tout ce qui pousse l'homme à des
comportements qui lui font perdre sa dignité. Ils oscillent entre la
souffrance de voir leur monde abîmé, et une lutte pour garder coûte que
coûte l'espérance. Définit l’indignation comme « une des plus sures
sources d’inspiration »
Dans Pour Sganarelle (1965), pense l’avenir d’une humanité
menacée par la puissance absolue de l’arme atomique, par « le dragon
de la bombe H ».
1967 : Arthur Koestler
(1905-1983), romancier, journaliste et essayiste hongrois, naturalisé
britannique. Naît dans une famille juive hongroise, de langue allemande.
Étudie l'ingénierie à l’’École polytechnique de Vienne’, adhère à la cause
sioniste, est journaliste en Palestine. En 1933, à l'arrivée de Hitler au
pouvoir, s'installe à Paris. Couvrant la guerre d'Espagne pour un journal
anglais, emprisonné et condamné à mort par les Franquistes. Durant la
‘drôle de guerre’, arrêté par la police française avec d'autres réfugiés,
interné au stade Roland-Garros puis au camp du Vernet en tant qu'
"étranger indésirable". En 1940, dans Darkness at Noon (Le zéro et l’infini),
dénonce les procès et crimes staliniens et, au-delà de ceux-ci, « les
systèmes clos. » S'engage au cours de l'exode dans la ‘Légion étrangère’,
puis dans les services de propagande de l’armée britannique.
Dans Le cheval et la locomotive (1967), considère que l’humanité a
traversé un moment historique fondamental avec l’invention puis l’utilisation
de la bombe atomique à Hiroshima. Au vu de toutes les horreurs que
l’humanité a traversées, il ne fait aucun doute à ses yeux que l’homme, mu
par « la pulsion de l’autodestruction », court un grand risque d’un jour ou
l’autre mettre fin à son existence en tant qu’espèce.
« Si l'on me demandait quelle est la date la plus importante de
l'histoire et de la préhistoire du genre humain je répondrais sans hésitation
: 6 août 1945. » ■

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Armes nucléaires. — 03. Dates et figures de la résistance à l’arme nucléaire de 1942 à 1968

  • 1. Série ‘Vers une politique de sécurité et de paix au XXIème siècle’ 1 – Sous-série ‘Les armes nucléaires’ Diaporama n° 3 3 – Dates et figures de la résistance à l’arme nucléaire De 1942 à 1968 Étienne Godinot 18.07.2022 1942 : Premiers refus de participer au ‘projet Manhattan’ de bombe atomique états-unienne 1968 : Date de signature du Traité de Non-Prolifération
  • 2. Abolir l’arme nucléaire : Un ensemble de huit diaporamas 1 - La dissuasion nucléaire : inefficacité et dangers 2 - Pour un désarmement nucléaire de la France dans le cadre du TIAN 3 - Figures de la résistance à l’arme nucléaire - 1942-1968 4 - Figures de la résistance à l’arme nucléaire - de 1969 à 1999 5 - Figures de la résistance à l’arme nucléaire - depuis 2000 6 - Quelques personnalités qui ont remis ou remettent en cause la dissuasion nucléaire ou se posent des questions à son sujet 7 - La position de l’Église catholique et des Églises chrétiennes sur l’arme nucléaire : évolution depuis 1963 8 - Les combats non-violents pour le désarmement nucléaire en France depuis 1945 Rappel : ce diaporama fait partie de la série 1 - ‘Abolir l’arme nucléaire’ qui fait elle-même partie de la série ‘Vers une politique de sécurité et de paix au XXIème siècle’ sur irnc.org
  • 3. 1942 : Lise Meitner (1878-1968), physicienne autrichienne. Étudie la physique à l’univer- sité de Vienne avec Ludwig Boltzmann. Après son doctorat, rejoint en 1907 le physicien Max Planck et le chimiste Otto Hahn. Mène des travaux sur la radioactivité et la physique nucléaire. En 1912, collabore avec Otto Hahn au Kaiser Wilhelm Institut für Chemie à Berlin (mais avec le statut d'invitée, sans salaire…) En 1934, implique les deux chimistes Otto Hahn et Fritz Strassmann dans le "projet uranium", un programme de recherche qui mènera, 4 ans plus tard, à la découverte de la fission nucléaire. Supervise la construction d'un accélérateur de particules. Contrainte de fuir l'Allemagne en 1938 et de s’exiler en Suède à cause de ses ascendances juives, poursuit sa collaboration avec Otto Hahn par correspondance et le rencontre à Copenhague. Joue un rôle majeur dans la découverte de la fission nucléaire, dont elle fournit en 1939 avec son neveu Otto Frisch la première explication théorique. Refuse l'offre de participer au projet Manhattan et de mettre au point une bombe atomique, et souhaite même publiquement son échec. Naturalisée suédoise en 1949, s’installe en Angleterre en 1960. Photo du bas : Lise Meitner et Otto Hahn
  • 4. 1942 - Albert Baez (1912-2007), physicien états-unien né au Mexique (son père est un pasteur méthodiste). Diplômes en mathématiques des universités de Drew (1933) et de Syracuse (1935). Épouse la fille d'un prêtre épisco- palien, le couple fait partie de Quakers et aura 3 enfants, dont la chanteuse Joan Baez. Refuse de travailler au ‘projet Manhattan’ destiné à créer la bombe atomique à Los Alamos. En 1948, co-invente avec Paul Kirkpatrick , le microscope à réflexion X pour l'examen des cellules vivantes (photo du haut). Doctorat en physique à Stanford en 1950. Apporte d'importantes contributions au développement des microscopes à rayons X et plus tard des télescopes à rayons X. Alors que la guerre froide s'intensifie dans les années 1950, est très demandé pour la course aux armements en plein essor. Refuse des postes lucratifs dans l'industrie de la défense, se consacre à des pro- grammes d’éducation avec l’UNESCO et à l'humanitaire. Crée le dépar- tement et le laboratoire de physique à l'université de Bagdad. En 1959, accepte un poste de professeur au MIT et déménage sa famille dans la région de Boston. Après sa retraite, président de Vivamos Mejor -USA, organisa- tion d’aide aux villages pauvres du Mexique.
  • 5. 1943 : Franco Rasetti (1901-2001), scientifique italien, physicien, devenu ensuite paléontologue et botaniste. En 1930, occupe la chaire de spectrogra- phie à l'université de Rome La Sapienza dans le célèbre institut de Via Panisperna. Fait partie des scientifiques précurseurs dans l'étude des neutrons et occupe un rôle prépondérant dans les recherches de Fermi concernant la radioactivité induite par le bombardement de neutrons. À partir de 1934, participe à la découverte de la radioactivité artificielle du fluor et de l'aluminium qui se révélera déterminante dans l'élaboration de la bombe atomique. Sa brillance et son sens éthique le font nommer à ‘l’Académie pontificale des sciences’ en 1936, et ce bien qu’il soit athée. En 1939, l'arrivée au pouvoir du fascisme le pousse, comme ses collègues Enrico Fermi, Emilio Segre, Bruno Pontecorvo, à quitter l'Italie. Arrive à Québec en août 1939, choisit l’Université Laval face à de nombreuses universités américaines prestigieuses, car il refuse de participer à l’effort de guerre, dont il considère que c’est une aventure stupide ("una cosa idiota"). Découvre avec Enrico Fermi la clé de la fission nucléaire, mais contrairement à beaucoup de ses collègues, refuse pour des raisons morales de travailler au ‘projet Manhattan’ dans le laboratoire de Montréal dirigé par Hans von Alban (1908-1964) où sont embauchés des "réfugiés scientifiques" britanniques et européens.
  • 6. Fin 1944 : Józef Rotblat (1908 -2005), physicien polonais. Le seul scientifique à avoir quitté fin 1944*, pour des raisons morales, le ‘projet Manhattan’ et son poste au centre d’expérimen- tation de Los Alamos (Nouveau Mexique), avant la destruction d'Hiroshima en août 1945. Obtient la nationalité britannique en 1946. En juillet 1955, tient avec Bertrand Russell une conférence pour attirer l’attention sur le "manifeste Russell-Einstein". Ce manifeste, signé par onze physiciens dont neuf prix Nobel (Albert Einstein, Frédéric Joliot-Curie, Hideki Yukawa, Max Born, Linus Pauling, etc.) met en garde contre les dangers de la course aux armements, et vise à mettre en place un programme de désarmement nucléaire. * À la fin de l’année 1944, Rotblat est informé par Niels Bohr et James Chadwick que les Allemands ont abandonné tout projet de fabrication d’une bombe atomique. En outre, les propos que tient en privé le général Groves lui font conclure que le projet Manhattan vise surtout à établir la prééminence des États-Unis sur son rival pressenti pour l’après-guerre : l’Union soviétique. Dès lors, Rotblat décide de quitter Los Alamos et de regagner Londres, ce qui ne se fera pas sans difficultés, car il est soupçonné d’espionnage au profit de l’Union soviétique.
  • 7. Józef Rotblat En juillet 1957, à la suite de la crise du canal de Suez, une conférence réunit à Pugwash (Nouvelle Écosse) 22 des plus hautes sommités concernées par les armes nucléaires, dont 3 prix Nobel, pour sensibiliser l'humanité aux dangers de la bombe atomique. Secrétaire général pendant 14 ans, puis, en 1988, président du ‘Mouvement Pugwash’ (Pugwash Conferences on Science and World Affairs), basé à Londres. Prix Nobel de la paix 1995. L'attention de Pugwash s'est aussi développée vers les problèmes internationaux de développement et d'environnement.
  • 8. 1945 : Albert Einstein (1879-1955), physicien théoricien allemand d’origine juive. Quitte l’Allemagne nazie en 1933. Le 2 août 1939, sous la pression d'Eugen Wigner et de Leo Szilard, physiciens anti-nazis venus d'Allemagne, rédige pour Roosevelt une lettre qui contribue à enclencher le ‘projet Manhattan’. Est écarté du programme de développement des premières bombes nucléaires parce que le FBI et les autorités militaires américaines le soupçonnent à juste titre de ne vouloir la bombe que pour une seule raison : ne pas permettre à Hitler de terroriser le monde entier avec sa propre bombe. En début 1945, comprend que les États-Unis vont réaliser la première bombe atomique de l’histoire, et écrit une nouvelle fois à Roosevelt pour lui demander d’y renoncer. Le 6 août 1945, il travaille lorsqu’un général états-unien lui apporte un télex informant de l’explosion d’Hiroshima. Il prend sa tête dans ses mains, reste silencieux quelques instant, puis dit : « Les vieux Chinois avaient raison : on n’a pas le droit de faire n’importe quoi … »* * « The Old Chinese were right. One cannot do anything… » Photo du haut : Albert Einstein et Leo Szilard ../..
  • 9. Albert Einstein Le 9 août 1945, critique la décision par le président Truman du bombardement nucléaire d’Hiroshima et Nagasaki et déclare : "Je pourrais me brûler les doigts d'avoir écrit cette lettre (du 2 août 1939) à Roosevelt" . En novembre 1945, publie un cri d’alarme contre les dangers de la bombe atomique. Après la guerre, milite pour un désarmement atomique mondial, jusqu’au seuil de sa mort, où il confesse à Linus Pauling : « J’ai fait une grande erreur dans ma vie, quand j’ai signé cette lettre (du 2 août 1939). » Pour combattre la militarisation de la science, demande aux intellectuels de recourir « à la méthode révolutionnaire de non-coopération au sens où l’entendait Gandhi », dussent-ils « se préparer à la prison, à la ruine et au sacrifice de leur bien- être personnel. » Photos : - Lettre d’Einstein à Roosevelt en août 1939 - Albert Einstein et Robert Oppenheimer vers 1950
  • 10. Albert Einstein « La puissance déchaînée de l’atome a tout changé, sauf nos modes de pensée, et nous glissons ainsi vers une catastrophe sans précédent. Au bout du chemin se profile de plus en plus distincte- ment le spectre de l’anéantissement général. » « Les nations ne résoudront jamais leurs différends dans un climat de haine ou de suspicion, ni sous la menace des bombes à hydrogène. Préparer le public à accepter la guerre nucléaire, avec son cortège d’horreurs, est un crime contre l’humanité qui ne peut que fragiliser le monde. Libérons-nous donc de ce climat délétère. Tentons de nous comprendre les uns les autres. Car, dans la guerre moderne, il n’y a pas de vainqueur. » « Gandhi incarne le plus grand génie politique de notre civilisation. »* * Einstein avait écrit en 1931 à Gandhi : « Vous avez montré à travers vos œuvres, qu'il est possible de réussir sans violence même avec ceux qui n'ont pas abandonné la méthode de la violence. Nous pouvons espérer que votre exemple se répandra au-delà des frontières de votre pays, et aidera à établir une autorité internationale, respectée de tous, qui prendra des décisions et remplacera les conflits guerriers ».
  • 11. Albert Einstein Juste avant sa mort (18 avril 1955), signe le célèbre ‘Manifeste pour la paix Russell-Einstein’, adopté par 11 intellectuels et scientifiques de premier plan, dont voici un extrait : « Il nous faut apprendre à penser d'une façon nouvelle. Il nous faut apprendre à nous demander non pas de quelle façon assurer la victoire militaire du groupe auquel vont nos préférences, car cela n'est plus possible, mais comment empêcher un affrontement militaire dont l'issue ne peut qu'être désastreuse pour tous les protagonistes. (…) Tel est donc, dans sa terrifiante simplicité, l'implacable dilemme que nous vous soumettons : allons-nous mettre fin à la race humaine, ou l'humanité renoncera-t-elle à la guerre ? "
  • 12. 1945 : Takashi Nagaï (1908-1951), médecin radiologue et écrivain japonais. Durant ses études de médecine, entreprend un voyage spirituel le menant du shintoïsme à l'athéisme, puis au catholicisme. Se fait baptiser sous le nom de Paul Miki, l’un des 26 crucifiés de Nagasaki pendant la persécu- tion de 1597. Lors du bombardement de Nagasaki le 9 août 1945, sa femme Midori est calcinée, son hôpital est détruit. Blessé à l’artère temporale droite, mais se joint au reste du personnel médical survivant pour soigner les victimes. Gravement atteint par une leucémie, fait construire une petite cabane avec des morceaux de sa vieille maison et s’y installe avec ses deux enfants en plein "désert nucléaire". Pendant 6 ans, lutte avec foi et abandon contre sa leucémie, consacrant son temps à écrire et à encou- rager ses nombreux visiteurs.. En 1948, utilise les 50 000 yens versés par Kyushu Times pour planter 1 000 plants de cerisiers dans le quartier d'Urakami afin de transformer cette terre dévastée en ‘Colline en Fleurs’. Son livre Les Cloches de Nagasaki (1949) décrit son expérience de survivant du bombardement atomique*. * La publication du livre est d'abord refusée par les forces états-uniennes d'occupation du Japon, jusqu'à ce qu'une annexe soit ajoutée qui décrit les atrocités japonaises aux Philippines.
  • 13. Juin 1945 : James Franck (1882-1964), physicien allemand d’origine juive, colauréat avec Gustav Ludwig Hertz du prix Nobel de physique de 1925 "pour leur découverte des lois régissant la collision d'un électron sur un atome". Quitte son poste en Allemagne en avril 1933 et poursuit ses recherches aux États-Unis, d'abord à Baltimore et ensuite à Chicago, après une année au Danemark. Pendant la Seconde Guerre mondiale, participe au projet Manhattan (photo du bas) comme directeur du Comité sur les problèmes politiques et sociaux posés par la bombe atomique. En juin 1945, remet aux dirigeants américains un rapport dans lequel il affirme que « si les Etats-Unis devaient être les premiers à déchaîner ce nouveau moyen de destruction aveugle sur l’humanité, (…) ils précipiteraient la course aux armements et nuiraient aux chances d’arriver à un accord international sur le contrôle de ces armes dans l’avenir. » Juge tout à fait inopportun l’emploi d’armes atomiques contre le Japon et propose, en vain, de faire la démonstration au-dessus d’une zone désertique inhabitée.
  • 14. Juillet 1945 : William Daniel Leahy (1875-1959), amiral états-unien, chef d’état-major du président Franklin Roosevelt, puis du président Harry Truman (photo du bas). Tente jusqu'au bout de s'opposer à l'utilisation de la bombe atomique contre le Japon. Indique à Truman qu’il n’accepte pas l’idée de recourir à une arme de destruction massive contre les populations civiles. Estime que les avantages militaires possibles « risquent d’être contrebalancés par la vague d’horreur et de répulsion qui se répandra sur le reste du monde. » « Mon sentiment intime était qu’en l’employant les premiers, nous allions adopter une morale semblable à celle des barbares de l’âge des ténèbres. On ne m’a pas appris à faire la guerre de cette façon, et les guerres ne se remportent pas en massacrant des femmes et des enfants. (…) L’emploi de cette arme barbare sur Hiroshima et Nagasaki ne nous apporta aucune assistance matérielle dans notre guerre contre le Japon. Les Japonais étaient déjà vaincus et prêts à capituler à la suite du blocus naval et de la réussite des bombardements conventionnels. »
  • 15. Août 1945 : Albert Camus (1913-1960), écrivain, philosophe, romancier, dramaturge français, journaliste militant engagé dans la Résistance et dans les combats moraux de l'après-guerre. Le 8 août 1945, deux jours après l’explosion de la bombe atomique sur Hiroshima, un jour avant qu’une seconde bombe ne soit lancée sur Nagasaki, écrit dans Combat : « La civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. (…) Déjà, on ne respirait pas facilement dans un monde torturé. Voici qu’une angoisse nouvelle nous est proposée, qui a toutes les chances d’être définitive. (…) Devant les perspectives terrifiantes qui s’ouvrent à l’humanité, nous percevons encore mieux que la paix est le seul combat qui vaille d’être mené. Ce n’est plus une prière, mais un ordre qui doit monter des peuples vers les gouvernements, l’ordre de choisir définitivement entre l’enfer et la raison ».
  • 16. Août 1945 : Norman Cousins (1915 -1990), journaliste politique états-unien atteint par une maladie inflammatoire de la colonne vertébrale, professeur à la faculté de médecine de Los Angeles (Californie) sur l’interaction entre le psychisme et le corps, essayiste. Dénonce en août 1945 le crime de guerre d’Hiroshima. Dans les années 1950, fait soigner aux États-Unis 25 jeunes filles japonaises victimes du bombardement d’ Hiroshima. Dans les années 1960, ambassadeur officieux entre le Saint- Siège, le Kremlin et la Maison Blanche, aide à la rédaction du traité américano-soviétique d'interdiction des essais nucléaires. Fondateur en 1974 et coprésident du Planetary Citizens for the World We Chose, mouvement américain d’action pour la paix et pour une gouvernance mondiale. (Après Hiroshima) « Tout ce que les êtres humains ont réalisé, en termes de civilisation, semblait tout à coup n’avoir aucune valeur parce qu'il n'y avait maintenant aucun mécanisme par lequel ils pouvaient prévoir un avenir raisonnablement sûr. »
  • 17. Août 1945 : Mohandas Gandhi (1869 -1948), dirigeant politique indien, guide spirituel et leader du mouvement pour l’indépendance de l’Inde. Initiateur de la non-violence politique dans l’histoire. Lorsqu’il apprend que la ville de Hiroshima subit une bombe atomique, Gandhi ne laissa apparaître aucune émotion mais il dit « L'humanité court à son suicide si le monde n'adopte pas la non-violence. » Il dira aussi « J’affirme que celui qui a inventé la bombe atomique a commis la plus grande faute dans le domaine de la science. » Voir un diaporama complet sur Gandhi dans le trombinoscope de la non-violence
  • 18. 1946 : Robert Oppenheimer (1904 -1967), physicien états-unien d'origine juive. Directeur scientifique du projet Manhattan, père de la bombe atomique américaine. Auteur de thèses concernant la naissance des trous noirs, confortées par les dernières analyses astronomiques. À la suite de la défaite des nazis et aux bombardements atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, considère que ces armes doivent être contrôlées internationalement et s'oppose au dévelop- pement de la bombe à hydrogène. Rédigé au printemps 1946, le rapport Acheson-Lilienthal propose un contrôle des installations nucléaires, leur exploitation sous l'autorité d'une entité internationale, la réduction graduelle des capacités de fabrication des bombes atomiques et le partage public des connaissances accumulées. Tous les usages non militaires demeureront sous le contrôle des pays. L'idée d'avoir recours à une autorité internationale pour le contrôle de la technologie atomique émane d'Oppenheimer. Bouleversé par le refus d'une entente, Oppenheimer demande à rencontrer le président des États-Unis. Introduit par le sous-secrétaire d'État Dean Acheson, il déclare : « Monsieur le Président, j'ai du sang sur les mains. » Truman balaie cette remarque avec désinvolture et, une fois le physicien parti, ordonne à Acheson de ne plus jamais le ramener devant lui : « Après tout, il a simplement fabriqué la bombe, c'est moi qui ai donné l'ordre de l'utiliser. »
  • 19. Robert Oppenheimer Suspendu par le président Eisenhower en 1953, mis en cause par l’hystérique anticommuniste Joseph MacCarthy. Par la suite, donne des conférences dans le monde entier sur l'histoire des sciences, sur les questions d'éthique liées au progrès scientifique et sur les dangers de la course aux armement nucléaires. « On savait que le monde ne serait plus pareil. Certains ont ri, d’autres pleuré, la plupart étaient silencieux. Je me suis souvenu des écritures hindoues, la Bhagavad- Gita. Vishnou tente de persuader le prince qu'il devrait faire son devoir, et pour l'impressionner, prend sa forme aux multiples bras, et dit: « Maintenant, je suis devenu la Mort, le destructeur des mondes ». Je suppose que c'est ce que nous pensions tous, d'une manière ou d'une autre ». Photos : - 16 juillet 1945, à Alamogordo (Nouveau Mexique), après l’explosion de la première bombe atomique - Sculpture indienne représentant Vishnou
  • 20. 1946 : Georges Bernanos (1888-1948), écrivain français. Catholique fervent, monarchiste passionné, rompt ensuite avec Maurras et ‘L’Action Française’ en 1932. Fustige un patriotisme perverti qui humilie l'ennemi allemand dans la défaite de 1918, s’engage contre la dictature de Franco en Espagne. Installé au Brésil, soutient la France Libre en 1940. Écoeuré par l’épuration. Dans les dernières années de sa vie, dénonce l'inconséquence de l'homme face aux progrès techniques effrénés qu'il ne pourra maîtriser, les perversions du capitalisme industriel. Ne cesse de protester particulièrement contre la bombe atomique et contre « la civilisation de la bombe atomique ». « À un monde de violence et d’injustice, au monde de la bombe atomique, on ne saurait déjà plus rien opposer que la révolte des consciences, du plus grand nombre de consciences possible .» « La barbarie polytechnique menaçante n’a plus devant elle que des consciences » (octobre 1946)
  • 21. 1946 : Denis de Rougemont (1906-1985), écrivain, philosophe et universitaire suisse. Études de psychologie et de lettres, directeur littéraire à Paris, lecteur à l’université de Francfort. Mobilisé en sept. 1939 dans l'armée suisse, cofondateur de la ‘Ligue du Gothard’, groupe de résistance suisse aux fascismes. Très marqué par les bombardements d’Hiroshima et Nagasaki, il publie en 1946 à New York les Lettres sur la bombe atomique : « Quel est le sens de la vie si elle finit demain ? Qu'est-ce que cette mort de l'homme causée par son génie ? Pourquoi l'intelligence conduit-elle au suicide ? ». La Bombe, poursuit-il, ne laisse plus comme seul choix à l’humanité que de se délivrer non des nations, mais des États-nations tournés vers la guerre, en poussant les hommes à se fédérer. Pour accomplir cette "révolution", qui implique la création d’un gouvernement et d’une fédération mondiale, il ne place aucun espoir dans les dirigeants des grandes puissances d’après-guerre, dont l’existence et l’action, toutes entières tournées vers leurs propres nations, se trouvent de fait dépassées par l’ampleur de la tâche. Engagé dès 1946 en faveur de la construction européenne, il prononce fin août 1947 à Montreux le discours inaugural du premier congrès de ‘l'Union Européenne des Fédéralistes’ (UEF)*, crée à Genève en 1950 le ‘Centre européen de la culture’, fonde en 1963 ‘l'Institut universitaire d'études européennes’ (IUEE).
  • 22. Janvier 1947 : Emmanuel Mounier (1905-1950), philosophe français, fondateur en 1932 de la revue Esprit et du courant personnaliste. Prend contact avec le mouvement de Résistance ‘Combat’, tandis que la revue est interdite en août 1941. Participe à la réconciliation franco-allemande, crée en 1948 le ‘Comité français d’échanges avec l’Allemagne nouvelle’. Après Hiroshima, exprime en janvier 1947 son émotion devant « une photographie, on ne peut plus banale et cependant hallucinante, la plus bouleversante qui soit venue d’Hiroshima : Deux marches, un petit mur. (…) Un homme était assis sur les marches. Il a été volatilisé. Mais comme son corps, le temps de se réduire en fumée, il a fait écran au rayonnement atomique, son ombre est restée imprimée sur le trottoir. Une forme indécise, une ombre d’homme, la trace obsédante d’une terrifiante absence, un reproche physique à la folie de l’esprit. (…) Désormais, le nihilisme n’est plus la plus tapageuse des philosophies. Il est armé. »
  • 23. 1947 : Robert Sarrazac Robert Soulage (1913-2006). Constate, fin 1942, que des jeunes hommes prennent le maquis pour éviter le ‘Service du Travail Obligatoire’ (STO). Instruit ces jeunes maquisards pour en faire des combattants, prend le nom de Sarrazac (du nom d'une commune de Dordogne), crée le ‘Service national des écoles de cadres des maquis-écoles’, et appelle ses anciens amis officiers à quitter Vichy. En mars 1943, son réseau devient ‘Périclès’, créé des maquis école et des maquis d'accueil. Est arrêté en janvier 1944, torturé, s'enfuit, reprend ses activités de résistance, et continue à organiser les maquis. Henri Frenay devenu ministre l'appelle à son cabinet. Il est alors le lieutenant-colonel Lagarde. Quand il quitte ses hommes, il laisse un régiment de 1 300 hommes formés au combat. Il participe ensuite à la Libération, en profitant de parachutages d'armes. En 1947, fonde avec deux amis, le ‘Centre de recherches et d'expression mondialiste » et initie un réseau d'une vingtaine de camarades, le ‘Front humain des Citoyens du Monde’. En 1950, à son initiative, Cahors, chef-lieu du département du Lot, rebaptisé Cahors Mundi, se déclare ville citoyenne du monde. Ce mouvement a impliqué un millier de territoires, donnant naissance à un ‘Conseil Mondial pour la mondialisation’ dont le siège se trouve … au Japon à Hiroshima.
  • 24. 1947 : Charlie Chaplin On connait l’acteur et réalisateur Charles Spencer Chaplin (1889- 1977) comme homme engagé, fin critique social du capitalisme (Les Temps modernes, 1936) et de la dictature (Le Dictateur, 1940). Son film Monsieur Verdoux (1947) lui est inspiré par Orson Wells en 1941, mais il est réalisé après les bombardements de populations civiles pendant la 2ème Guerre mondiale (Coventry, Dresde, Hiroshima, Nagasaki). Chaplin utilise une histoire pour établir une comparaison satirique entre assassinat privé et assassinat par l’autorité publique. Il y joue le rôle d’un tueur en série qui, comme Landru, finit sur la guillotine. Monsieur Verdoux, employé de banque réduit au chômage par la crise économique, fait la chasse aux riches veuves et les assassine pour s'approprier leur fortune. Lors de son procès, Verdoux déclare : « Quant à l’assassinat collectif, le monde ne l’encourage-t-il pas ? Ne construit-il pas des armes de destruction dans le seul but d’assassiner en masse ? » Et devant un journaliste venu l’interroger dans sa cellule, Verdoux se défend de ses crimes : « Guerres, conflits, toujours les affaires. Un meurtre fait un bandit, des millions, un héros. Le nombre sanctifie. » Interrogé par le FBI, Chaplin déclare :« Je suis citoyen du monde et j’ai horreur qu’on me dise qui je dois tuer et pour quoi je dois mourir, tout cela au nom du patriotisme. »
  • 25. 1948 : Shuntaro Hida (1917-2017), médecin japonais. En 1944, est affecté à l’hôpital militaire d’Hiroshima. Le 6 août 1945, échappe au premier bombardement atomique de l'histoire, car il a été appelé la veille en urgence à aller soigner un petit garçon à Hesaka, village situé à 7 kilomètres d'Hiroshima et abrité de l'explosion atomique de Little Boy grâce au relief. Au cinéaste Marc Petitjean, il confiera : « Il y eut un éclair fulgurant, puis, le toit a été balayé et je me suis senti voler à travers la maison. J’ai vu le plafond s’ouvrir sous mes yeux et j’ai été propulsé contre le mur. » Fait partie des premiers à arriver à Hiroshima et à tenter de secourir les survivants, se trouve impuissant face à la désolation et au mal alors inconnu qui ronge les survivants. En 1948, s'inscrit au ‘Parti communiste japonais’, et devient un ardent militant du désarmement nucléaire. Dénonce le sort des survivants du bombardement atomique, appelés Hibakushas, doublement abandonnés par les États-Unis qui n'assument pas leur acte, et par la société japonaise qui les discrimine. Se dévoue à soigner les plus démunis, à être à l'écoute des victimes et à défendre les droits des Hibakushas. En 2011, utilise son expérience pour aider les victimes de l'accident nucléaire de Fukushima.
  • 26. Mars 1950 : Frédéric Joliot-Curie (1900-1958), physicien et chimiste français. Prix Nobel de chimie en 1935 avec son épouse Irène Joliot-Curie "en reconnaissance de leur synthèse de nouveaux éléments radioactifs". S'engage dans la Résistance en juin 1941. En 1945, participe à la fondation du ‘Commissariat à l'énergie atomique’ (CEA). Membre du ‘Parti communiste français’ depuis 1942. Président du ‘Conseil Mondial de la Paix’ de 1949 à 1958. Dans ce cadre, lance le 19 mars 1950 l'Appel de Stockholm visant à l'interdiction de la bombe atomique. Relevé pour cette raison de ses fonctions de Haut-commissaire du CEA. Fait partie en juillet 1955 des signataires du ‘Manifeste Russell- Einstein’. « Les avertissements n'ont pas manqué de la part des plus grands savants et spécialistes de la stratégie militaire. Aucun d'entre eux ne va jusqu'à affirmer que le pire est certain. Ce qu'ils affirment, c'est que le pire est possible et que nul ne peut dire qu'il ne se produira pas ». (Manifeste Russell-Einstein).
  • 27. Mars 1950 : Lucie Aubrac (née Lucie Bernard, 1912-2007), Résistante française, avec son mari Raymond Samuel, à l’occupation allemande et au régime de Vichy pendant la 2ème guerre mondiale. Membre du noyau de ‘Libération-Sud’ puis de ‘l’Armée secrète’. En 1943, organise à plusieurs reprises des évasions à Lyon : son mari, des résistants. En juillet 1944, participe à la mise en place des Comités de libération dans les zones libérées. Lucie manifeste à Stockholm en mars 1950 contre l’arme atomique. Raymond s’engage à la fin de sa vie en faveur du peuple palestinien. Les époux signent en 2004, pour la commémoration du 60ème anniversaire du programme du ‘Conseil national de la Résistance’ du 15 mars 1944, un appel aux jeunes générations à réagir devant la remise en cause du « socle des conquêtes sociales de la Libération » et « à faire vivre et retransmettre l'héritage de la Résistance et ses idéaux toujours actuels de démocratie économique, sociale et culturelle ».
  • 28. Mars 1950 : Garry Davis (1921-2013), militant mondialiste états-unien. Pilote des forces aériennes de l'armée des États-Unis durant la Seconde Guerre mondiale. Son avion est abattu et il se retrouve en Allemagne sous les ruines. Bouleversé par cette vision d'horreur, il imagine la création d'un mouvement mondialiste. En mai 1848, installé en France, rend son passeport à l’ambassade américaine et se proclame "citoyen du monde". En novembre 1948, en lien avec Robert Sarrazac, interrompt une séance de l’Assemblée générale de l’ONU au Palais de Chaillot pour demander la création d’une autorité mondiale (“a world governement”). Parmi ses soutiens le plus célèbres, Albert Einstein, André Gide, Albert Camus, Jean-Paul Sartre, André Breton, l’abbé Pierre. Avec les ‘Partisans de la Paix’, lance en mars 1950 l’’Appel de Stockholm’ pour l’interdiction de l’arme atomique et milite pour l’objection de conscience.
  • 29. Mars 1950 : Thomas Mann (1875-1955) écrivain allemand. Marqué par la maladie et la mort de ses proches et par la menace de guerre qu'il perçoit dans la crise franco- allemande de 1911. Lauréat du prix Nobel de littérature en 1929. Adversaire résolu du nazisme, émigre en 1933 en Suisse puis aux États-Unis, est déchu de la nationalité allemande en 1936. Durant les années de guerre, lance par la BBC des appels aux Allemands leur demandant de s’opposer à Hitler en fidélité à Goethe et Schiller. Se réinstalle en Suisse en 1952 pour ne pas avoir à choisir entre l’Allemagne de l’Ouest ou de l’Est. Passionné de musique, de médecine, de psychanalyse. Comme son frère aîné Heinrich (1971-1950), ne cesse de lutter pour la défense des valeurs mises en péril par les différents "ismes" (capita- lisme, communisme, fascisme, nazisme) et les idéologies radicales. En mars 1950, signe l’appel de Stockholm lancé par le ‘Conseil mondial de la paix’ « Nous exigeons l'interdiction absolue de l'arme atomique, arme d'épouvante et d'extermination massive des populations. Nous exigeons l'établissement d'un rigoureux contrôle international pour assurer l'application de cette mesure d'interdiction. »
  • 30. 1950 : William Edward Burghardt Du Bois (1868-1963), sociologue, historien, militant pour les droits civiques, éditorialiste et écrivain états-unien. Origines haïtiennes et françaises. Études à Harvard et à Berlin. Premier Afro-américain à obtenir un doctorat (en philosophie) à Harvard. Professeur et chef du département de sociologie à l’université d’Atlanta Cofondateur en 1909 de la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP), fondateur et directeur de son mensuel The Crisis. Milite contre le racisme et la discrimination raciale, contre l’impérialisme et le colonialisme, pour le panafricanisme. En 1950, élu président du nouveau Peace Information Center (PIC) dont l'objectif est de faire connaître aux États-Unis l'appel de Stockholm (19 mars 1950), pétition du "Conseil mondial de la paix" demandant aux gouvernements "l’interdiction absolue de l’arme atomique ».
  • 31. 1950 : Claude Eatherly (1918-1978), officier de l’armée états-unienne pendant la Seconde Guerre mondiale. Pilote d’un avion de reconnaissance météo, le Straight Flush qui assiste le largage de la bombe atomique sur Hiroshima au Japon, le 6 août 1945. Profondément traumatisé, devient dépressif, alcoolique, délinquant, essaye en 1950 et à une autre reprise de mettre fin à ses jours avant d’être finalement interné dans un hôpital psychiatrique. En 1961 est publiée sa correspondance avec le philosophe Günther Anders. « Quand on fait du tort à un seul être humain – je ne parle pas de tuer – il est difficile, bien que l’acte reste bien délimité, de s’en consoler. Mais dans votre cas, il y a autre chose. Vous avez eu le malheur d’avoir éteint 200 000 vies. Où trouverait-on la puissance de souffrance correspondant à 200 000 êtres humains ? Vous en êtes incapable, nous le sommes, tout le monde en est incapable ! Quel que soit l’effort que vous fassiez, votre douleur et votre repentir ne seront jamais à la mesure de ce fait. » Lettre de G. Anders à C. E.
  • 32. 1954 : Robert Jungk (1913-1994), écrivain et journaliste allemand né dans une famille juive, naturalisé autrichien. Fuit le nazisme en 1933 : Paris, Prague, Suisse. Dans son livre publié en 1954, étudie la fabrication et le lancement de la bombe atomique à partir du témoignage des physiciens impliqués dans ce projet. De 1956 à 1957, mène un travail d'enquêtes à Hiroshima. Durant les années 1960, s’engage avec Bertrand Russell dans des campagnes anti-nucléaires. « Grâce à la mobilisation technologique, la fission nucléaire a été le saut audacieux dans une toute nouvelle dimension de la violence. Tout d'abord, il a été dirigé uniquement contre des adversaires militaires. Aujourd'hui, il met en danger ses propres citoyens ".
  • 33. 1954 : Sadako Sasaki (1943-1955), fillette japonaise. Lors de l’explosion de la bombe atomique à Hiroshima, est âgée de 2 ans et se trouve à 2 kilomètres du lieu de l'explosion. Alors que la plupart de ses voisins sont tués, n’est pas blessée ou ne semble pas l'être. Se lance dans la course à pied de compétition. En 1954, après des vertiges et une grande faiblesse, lui est diagnostiquée une leucémie (cancer des cellules sanguines). Sa meilleure amie, Chizuko, lui raconte l'ancienne légende japonaise des mille grues et lui apporte un origami. Selon elle, quiconque confectionne mille grues en origami voit un vœu exaucé. Confectionne au total 644 grues de papier. Meurt en octobre 1955 à l'âge de 12 ans. Ses amis et sa classe finissent de plier les 1000 grues et continuent cette activité afin de collecter de l'argent en provenance des écoles japonaises pour construire une statue en l'honneur de Sadako et de tous les enfants frappés par la bombe. Tous les ans, des enfants du monde entier plient des grues et les envoient à Hiroshima. Les origamis sont disposés autour de la statue. La grue en papier est devenue un symbole international de la paix.
  • 34. 1954 : Albert Schweitzer (1875-1965), philosophe et médecin alsacien, musicien organiste, théologien protestant. En 1915 lui sont révélées l’idée et éthique du respect de la vie, inspiré des religions de l’Inde. Fonde en 1913 l’hôpital de Lambaréné au Gabon. Prix Nobel de la paix (1952). Dénonce à partir de 1954 le danger de l’arme atomique et des essais nucléaires. Écrit à ce sujet au président Eisenhower en 1957. En janvier 1958, fait partie des 9 236 savants qui demandent à l’ONU la fin des essais nucléaires. En octobre 1962, pendant la crise de Cuba, écrit à ce sujet au président John F. Kennedy et au secrétaire d’État à la Défense Robert Mac Namara. « Le temps travaille pour ceux qui veulent supprimer les armes atomiques. » (lettre à Norman Cousins en octobre 1962)
  • 35. 1955 : Boris Vian (1920-1959), écrivain français, ingénieur de l‘’École centrale’, poète, parolier, chanteur, critique, trompettiste de jazz, scénariste, traducteur, conférencier, acteur et peintre. Grand travailleur, pessimiste, hanté par la mort, adore l’absurde, le jeu et la fête. Inventeur de machines imaginaires et de mots devenus courants de nos jours. Dans son roman J’irai cracher sur vos tombes, dénonce le racisme anti-Noirs aux Etats-Unis. Dans sa chanson Le déserteur, composée en 1954, s’insurge contre la guerre d’Indochine. Sa chanson La java des bombes atomiques, composée en 1955, dénonce les armes nucléaires en pleine guerre froide entre les États-Unis et l’Union soviétique. « Voilà des mois et des années / Que j'essaye d'augmenter La portée de ma bombe / Et je ne me suis pas rendu compte Que la seule chose qui compte / C'est l'endroit où ce qu'elle tombe. »
  • 36. Nâzim Hikmet (1955) et Julos Beaucarne (2011) N. M (1901-1963), poète turc. Membre du mouvement indépendan- tiste conduit par Mustafa Kemal à Ankara, puis du Parti communiste clandestin de Turquie. Passe en prison, au total, 15 années de sa vie comme détenu politique. Déchu de sa citoyenneté turque par décision du Conseil des ministres en juillet 1951. Termine sa vie en exil comme citoyen polonais. La nationalité turque lui est rendue de façon posthume en janvier 2009, à la suite d'un conseil des ministres reconnaissant que « les crimes dont on l'accusait alors ne sont plus considérés aujourd'hui comme tels.». Auteur de poésies, pièces de théâtre, romans, récits, contes, lettres de prison. Une de plus importantes figures de la littérature turque du 20ème siècle, traduit dans 50 langues. Son poème Que les nuages ne tuent pas les hommes (1955) est introduit et chanté en 2011 par Julos Beaucarne, poète, conteur et chanteur belge (1936-2021). « Harold est venu frapper à la fenêtre, on ne lui aurait pas ouvert mais il insista. Maman lui ouvrit. Il raconta qu'une bombe extraordinaire venait de détruire une ville entière au Japon. Celles qui font de nous des hommes sont les mères Elles vont devant nous comme clarté des cieux Aux mères ne devez-vous point d'être sur terre ? Alors, ayez pitié des mères, beaux messieurs, Que les nuages ne tuent pas les hommes. »
  • 37. 1955 : Jules Moch (1893-1985), homme politique français. Ministre socialiste des travaux publics et des transports, s'oppose en septembre 1938 aux accords de Munich. Officier de marine, demande à être mobilisable malgré ses 45 ans. Supervise la démagnétisation de la flotte (pour éviter les mines magnétiques). Le 10 juillet 1940, fait partie des 80 parlemen- taires qui votent contre les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Surveillé par Vichy, arrêté en septembre 1940 et libéré au début de 1941. Entre dans la Résistance, participe à ‘X-Libre’, un groupe de résistants de Polytechnique, et crée le ‘Mouvement 1793’, qui se livre à des sabotages dans l'Aude et l'Ardèche. Demande son transfert à Londres pour être intégré dans les ‘Forces navales françaises libres’, effectue au nom du général de Gaulle des missions au Liban et en Afrique noire. Ministre sous la IVème République, est leader de la ‘Ligue nationale contre la force de frappe’, et écrit La Folie des hommes (au sujet de la bombe atomique, préface d’Albert Einstein, 1955), En retard d'une paix (1958), Non à la force de frappe (1963). Estime la force de frappe française ruineuse, inefficace et dangereuse.
  • 38. Avril 1957 : Otto Hahn (1879-1968), chimiste allemand, un des fondateurs de la chimie nucléaire. Études de chimie et minéralogie à Munich, Marbourg, Londres. À Montréal, découvre le thorium C et le radioactinium. En collaboration avec Lise Meitner et Fritz Strassmann, à l'Institut de chimie de l'université de Berlin, découvre le mésothorium I et II, l’ionium, le protactinium, met en évidence l'isomérie nucléaire. Reste en Allemagne pendant la dictature nazie tout en étant opposé au national-socialisme et à la persécution des Juifs. Lauréat du prix Nobel de chimie de 1944 pour la découverte de la fission nucléaire (le rôle de Lise Meitner étant totalement passé sous silence…). Après la guerre, devient un militant contre l'utilisation des armes nucléaires et met ses compatriotes en garde contre toute utilisation inhumaine des découvertes scientifiques. Fait notamment partie en avril 1957 des signataires du manifeste des Göttinger Achtzehn* ("les 18 de Göttingen", photo du bas), s'opposant à la décision du chancelier Konrad Adenauer et du ministre fédéral de la défense Franz-Josef Strauß d'équiper l'armée ouest-allemande, la Bundeswehr, d'armes nucléaires tactiques. * * chercheurs de premier ordre et membres d'institutions publiques de recherche sur l'énergie et la technologie nucléaire en Allemagne de l'Ouest à cette époque.
  • 39. Fin des années 1950 : Barry Commoner (1917-2012), biologiste états-unien, professeur de physiologie des plantes pendant 34 ans à l'Université Washington. À la fin des années 1950, suite à ses travaux sur la présence de strontium-90 radioactif dans les dents de lait des enfants, s'engage dans la lutte contre les essais nucléaires. Brave le “secret défense”, le silence de l’establishment scientifique et les mensonges flagrants de l’Administration fédérale. Dénonce - avec le chimiste Linus Pauling - la folie de la course aux armements nucléaires, et aussi, très concrètement, le désastre écologique et sanitaire des retombées radioactives des essais nucléaires, preuves scientifiques et épidémiologiques à l’appui. Un des authentiques pères fondateurs de l’écologie politique.
  • 40. 1957 : la Campaign for Nuclear Disarmament (CND) ‘Campagne pour le désarmement nucléaire’, créée en 1957 par John Collins (1905-1982, image du milieu), Bertrand Russell, Peggy Duff (1910-1980, image du bas) et autres, est une organisation qui prône le désar-mement nucléaire unilatéral par le Royaume-Uni, le désarmement nucléaire international et une réglementation internationale plus stricte des armements par le biais d'accords tels que le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP). Elle s'oppose à une action militaire pouvant entraîner l'utilisation d'armes nucléaires, chimi-ques ou biologiques et à la construction de centrales nucléaires au Royaume-Uni. Entre 1958 et 1965, pendant le week-end de Pâques, CND organise ‘la marche d'Aldermaston’ depuis l'Atomic Weapons Research Establishment près de Aldermaston jusqu’à Trafalgar Square à Londres. 60 000 personnes participent à la marche de 1959 et 150 000 aux marches de 1961 et 1962. Aujourd’hui, CND fait campagne contre le missile Trident. Le symbole et logo adopté par CND, conçu en 1958 par Gerald Holtom, est devenu le symbole international de la paix. Il est basé sur les symboles sémaphores pour "N" et "D"
  • 41. 1957 : Jean Lurçat (1892-1966), peintre, céramiste et créateur de tapisserie français. Associé aux combats de la Résistance. Nommé au Comité départemental de libération du Lot, dirige l'hebdomadaire Liberté, à Cahors et la revue Les Étoiles du Quercy. À partir de 1957, fait tisser à Aubusson les dix pièces de son Chant du Monde, aujourd’hui exposées à Angers. Les 4 premières tentures de la série représentent le danger encouru par les hommes à cause de la bombe atomique : « La Grande Menace », « L’Homme d’Hiroshima », « Le Grand Charnier » et « La Fin de tout ». « La grande menace, c’est la bombe (…) La folie s’est déjà manifestée à deux reprises… Hiroshima, Nagasaki… L’homme d’Hiroshima a été brûlé, dépouillé, vidé par la bombe… Mais avec lui, ce sont toutes nos raisons de vivre qui ont été saccagées. C’est pourquoi, autour de mon personnage, comme une pluie de ruines, tombent les fleurs, les livres, la Croix, la Faucille et le Marteau… La bombe n’épargne aucune idéologie, aucun système. Elle anéantit toutes les pensées de l’homme, tout le patrimoine culturel commun… A nouveau, les bibliothèques d’Alexandrie flambent et s’anéantissent… Mais cette fois, c’est un enlisement général. »
  • 42. 1957-58 : Gustav Heinemann (1899-1976), homme d'État allemand. Docteur en sciences politiques et en droit, juriste en entreprise, enseigne aussi le droit civil et le droit économique à l'Université de Cologne. En 1933, vote pour le Parti social-démocrate (SPD) pour contrer les nazis. Travaille sur la ‘déclaration de Barmen’, un des actes fondateurs de ‘l'Église confes- sante’ (Bekennende Kirche), mouvement chrétien antinazi. Un des membres fondateurs de ‘l’Union chrétienne-démocrate’ (CDU). Maire d'Essen (1946-1949), député au Bundestag de 1947 à 1950. Ministre de la Justice, puis de l’Intérieur. Cofondateur en 1951 de la Notgemeinschaft für den Frieden Europas (‘Communauté d'urgence pour la paix en Europe’). En 1952, quitte la CDU en raison de la poursuite des plans de réarmement. Député au Bundestag dès les élections de 1957, devient membre du comité directeur du ‘Parti social démocrate’ (SPD). En 1957 et 1958, est l'un des principaux adversaires du projet de Konrad Adenauer et Franz Josef Strauss de doter l'armée allemande de l'arme nucléaire (photo du bas). À nouveau ministre fédéral à plusieurs reprises, président de la République fédérale d'Allemagne (Bundespräsident) entre 1969 et 1974.
  • 43. Janvier 1958 : Linus Pauling (1901-1994), chimiste et physicien états-unien. Un des premiers chimistes quantiques, prix Nobel de chimie en 1954 pour ses travaux décrivant la nature de la liaison chimique. Très marqué par les bombardements d’Hiroshima et Nagasaki. En 1946, rejoint le ‘Comité d'urgence des scientifiques atomistes’, dirigé par Albert Einstein, et dont le but est d'avertir l'opinion publique des dangers des armes nucléaires. En janvier 1958, présente avec sa femme à l’ONU une pétition signée par plus de 9 000 scientifiques et appelant à l'arrêt des essais nucléaires. Prix Nobel de la paix en 1962, pour sa campagne contre les essais nucléaires. « Linus Pauling, qui depuis 1946 a fait sans cesse campagne non seulement contre les essais nucléaires, non seulement contre la prolifé- ration des armes nucléaires, non seulement contre leur utilisation, mais contre l'usage des guerres comme moyen de résoudre des conflits internationaux ». Le Comité du prix Nobel
  • 44. Août 1958 : Günther Anders (1902-1992), penseur et essayiste allemand, émigré en 1936 aux États-Unis, rentre en Europe en 1950. Critique de la modernité technique et plus particulièrement de l’arme et de l’industrie nucléaires. Son journal L’Homme sur le pont écrit lors de sa visite à Hiroshima, en août 1958, est d’une virulence terrible contre la bombe, la guerre, les techniques de destruction modernes. Hors limite reprend ses lettres au pilote d’un avion d’Hiroshima, Claude Eatherly. Depuis que la bombe existe, nous sommes devenus "davan- tage mortels", car nous ne sommes plus seulement en mesure de tuer des hommes, mais bien l'humanité elle-même. Nous sommes parfaitement conscients de la possibilité, sinon de l'inéluctabilité du pire, mais nous consacrons toute notre énergie et notre inventivité à oublier ce savoir : nous vivons "l'âge de l'incapacité à avoir peur". « La tâche morale la plus importante aujourd'hui consiste à faire comprendre aux hommes qu'ils doivent s’inquiéter et qu'ils doivent ouvertement proclamer leur peur légitime ». ../..
  • 45. Günther Anders « Nous sommes déjà parvenus en ce point où ce n’est pas notre disparition qui serait un miracle, mais notre survie, et même un miraculum perpetuum, qui devrait se reproduire de jour en jour . La possibilité que l’humanité s’anéantisse elle-même n’avait pu être prévue par aucune éthique ». « La bombe atomique est moins une arme ou un instrument que la machine de la toute-puissance. » « La question n’est plus de savoir comment l’humanité doit vivre, mais si elle doit ou non continuer à exister. » « Le philosophe qui ignore la menace absolue de la bombe se rend coupable d’une cécité morale incompatible avec la tâche qui est la sienne. » « La guerre par télémeurtre qui vient sera la guerre la plus dénuée de haine qui ait jamais existé dans l’histoire. (…) Cette absence de haine sera l’absence de haine la plus inhumaine qui ait jamais existé. Absence de haine et absence de scrupule ne feront plus qu’un. »
  • 46. 1958 : Stephen King Hall (1893-1966), politicien britannique, journaliste et dramaturge. Officier de marine pendant 20 années de sa vie. Participe au contre- torpillage des sous-marins allemands pendant la 1ère Guerre mondiale. Rejoint l'Institut royal des affaires internationales en 1929, après avoir reçu sa médaille d'or pour sa thèse de 1920 sur la guerre sous-marine. Siège à la Chambre des Communes de 1939 à 1945. Auteur d’une quarantaine d’ouvrages, dont 3 de stratégie. Estime que l’arme nucléaire ouvre une ère nouvelle, et qu’il faut repenser totalement la défense. Dans Defence in the Nuclear Age (1958), préconise une politique britannique de désarmement nucléaire unilatéral et de défense nationale impliquant un certain recours à la force militaire conventionnelle. Celle-ci doit être complétée par un système de défense non-violente contre l’agression ou la dictature, ce que l'on appelle souvent "la défense par résistance civile " ou "défense sociale". « Il ne faut pas assimiler l’aspect psychologique de notre défense civile à de la résistance passive, mais le penser plutôt en tant que véritable offensive lancée contre les esprits des forces d’occupation. »
  • 47. 1958 : Karl Jaspers (1883-1969), psychiatre et philosophe allemand. Après 1945, prononce à l'Université de Heidelberg une série de conférences sur la "culpabilité allemande" face aux crimes du 3ème Reich. En 1958, montre que le danger de la bombe atomique demeure le danger suprême, et qu’il est loin d'être évité par cette sorte de pause que constitue l'équilibre de la peur. Cette menace ne cesse de s'accroître car la puissance atomique ne cesse de grandir et car, avec la prolifération, beaucoup d’autres États arriveront infailliblement à l'armement atomique. Adjure les hommes de prendre conscience du danger et affirme que la seule issue est "la puissance supra-politique de l’idée morale", le revirement intérieur qui doit s'opérer à l'intérieur de chacun pour contraindre les États à devenir raisonnables. « Si nous n'opérons pas ce revirement, cette conversion, nous sommes tous condamnés à mort. »
  • 48. 1958 : Andrei Sakharov (1921-1989), physicien russe. Père de la bombe atomique à hydrogène soviétique, honoré et gratifié par le régime. Repenti à partir de 1958, s’efforce de faire annuler les essais nucléaires atmosphériques. En 1962, prend conscience que le complexe militaro-industriel est devenu un pouvoir autonome en URSS, et s'en inquiète : il en a la preuve lorsque deux instituts de recherche atomiques veulent faire exploser la même bombe, strictement identique sur le plan technique, pour des raisons liées à la concurrence interne (et non pas l'émulation) et l'attribution des crédits de fonctionnement Devient après 1966 défenseur des droits humains contre la dictature communiste. Tente de faire prendre conscience du danger de la course aux armements nucléaires, obtient un succès partiel à travers la signature du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires en 1968. Avec son épouse Elena Bonner, appelle les pays, notamment les USA et l’URSS, à résoudre les principaux problèmes mondiaux : faim, racisme, militarisme, gaspillage des ressources naturelles. Privé de son travail. Prix Nobel de la paix en 1975. Assigné à résidence à Gorki de 1980 à 1986. Élu député en 1989, s’insurge contre la guerre en Afghanistan.
  • 49. Années 1958 à 1980 : Lanza del Vasto (1901-1981). Écrivain, poète, artiste, philosophe et militant. En 1936, passe plusieurs mois près de Gandhi. Fonde en 1948 en France un ordre spirituel, laborieux et militant, ‘L’Arche’, dont les grands axes sont : respect de la nature, refondation sociale (autonomie alimentaire, économique et énergétique maximale), résolution non-violente des conflits, quête spirituelle, dialogue interreli- gieux. S’introduit avec 82 personnes en avril 1958 dans l’usine de Marcoule qui fabrique du plutonium à usage militaire. Jeûne 40 jours au Vatican en 1963, puis en 1965, contre l’arme nucléaire. « Chaque pièce de la bombe est une merveille de logique, de savoir, de sagacité, de prévoyance, d’invention, d’adresse constructive : le tout aboutit à une explosion insensée et désastreuse. » « Gribouille est cet idiot du village qui, pour se protéger de la pluie, se mettait dans la mare aux canards. C’est le maître à penser de nos stratèges, de nos vaillants défenseurs, de nos dirigeants avancés. » Regardez vos enfants. Vous avez peur qu’ils prennent froid, qu’ils manquent leur examen. Mais des plaies savantes que leur préparent les chipoteurs d’atomes, vous n’avez nul souci, n’est-ce pas ! »
  • 50. Avril 1959 : Alfred Kastler (1902-1984), né en Alsace sous domination allemande. Physicien français. Prix Nobel de physique de 1966 pour la décou- verte et le développement de méthodes optiques servant à étudier la résonance hertzienne dans les atomes. Engagements politiques et moraux : hostile à la guerre d'Algérie (son appartement est plastiqué par l'OAS en 1961), défense des droits humains, des réfugiés, ‘Ligue Française des Droits de l'Animal’, ‘Association internationale contre la faim’ (AICF), critique de l'élevage intensif, etc. Opposé aux armes nucléaires, vice-président en avril 1959 de la ‘Fédération Française Contre l’Armement Atomique’ (FFCAA) puis vice-président au printemps 1963 de la ‘Ligue Nationale Contre la Force de Frappe’ (LNCFF), publie une dizaine d’articles contre les bombes et les essais nucléaires, principalement dans Le Monde. « Le renoncement volontaire de la France à l’armement nucléaire (avant ou après une explosion de prestige), loin de réduire son influence, lui permettrait au contraire de jouer un rôle important dans les pourparlers ».
  • 51. 1959 : Émile Guerry (1891-1969), prélat catholique français. Avocat à Grenoble, brancar- dier et gazé pendant la 1ère Guerre mondiale. En 1940, secrétaire de l’’Assemblée des cardinaux et archevêques de France’. Figure du catholicisme social, cofondateur de l'Institut des ‘Petites Sœurs des maternités catholiques’. Archevêque de Cambrai de 1952 à 1966. Secrétaire de la commission permanente de l’’Assemblée des Cardinaux et Archevêques de France’ (ACA). En 1959, signe l'appel de la ‘Fédération française contre l'armement atomique’. Auteur en 1960 d’un texte intitulé « La conscience chrétienne face à la bombe atomique française ». Autres évêques ayant pris position contre l’arme nucléaire : Jacques Guilhem (Laval, photo du bas) en 1964, cardinal Jean Guyot (Toulouse) en 1970 et 1971, Pierre Boillon (Verdun) et Guy-Marie Riobé en 1973, Jacques Gaillot (Évreux) en 1983
  • 52. 1960 : Thomas Merton (1915-1968), écrivain, moine trappiste et militant social états- unien. Études à Cambridge et à l’université Columbia à New-York. Marqué par Dorothy Day. En 1941, entre à l'abbaye trappiste de Gethsemani au Kentucky. En 1948 paraît son autobiographie, The Seven Storey Mountain (La Nuit privée d’étoiles), qui connaît un immense succès. Acteur du dialogue interconvictionnel, notamment avec le bouddhisme. Écrit de nombreux livres de spiritualité chrétienne, des poèmes mais également des essais, notamment sur les questions morales et éthiques concernant la guerre, l’armement nucléaire et le racisme. En 1960, en pleine guerre froide, prend position contre la course états-unienne à l’arme atomique. La parution de son livre est interdite par deux généraux successifs de l’Ordre : un tel sujet ne convient pas à un trappiste ! Cet essai circule à Washington, à Rome, et ailleurs, sous la forme de manuscrits ronéotypés. En 1961, son poème Original Child Bomb décrit et dénonce le bombardement d’Hiroshima et de Nagasaki. En 1964, prêche une retraite sur la protestation non-violente qui joue un rôle déterminant dans l’engagement de la gauche catholique contre la guerre du Vietnam.
  • 53. 1961 : Women Strike for Peace Women Strike for Peace (WSP, « Grève des femmes pour la paix »), également connu sous le nom de Women for Peace, est un groupe de militantes pour la paix aux États-Unist fondé en 1961 par Bella Abzug (avocate, 1920-1998, photo du haut) et Dagmar Wilson (1916-2011, illustratrice, photo du milieu). Elles multiplient pour leurs actions différentes formes de pression légale comprenant des pétitions, des manifestations, des lettres, la sollicitation des lobbies de masse et des procès. Le groupe participe à des formes d'action directe illégales et non-violentes qui incluent les sit- in dans les bureaux du Congrès et la publication de déclarations de fait de complicité visant à museler les tribunaux. En 1961, au plus fort de la guerre froide, environ 50 000 femmes défilent dans 70 villes des États-Unis afin de manifester contre les essais d'armes nucléaires. Il s'agit de la plus grande manifestation nationale pour la paix des femmes au cours du 20e siècle. Parmi les autres actions, près de 1 500 femmes se rassemblent au pied du Washington Monument, alors que le président John F. Kennedy brigue la Maison Blanche. La manifestation contribue à la signature d'un traité d'interdiction des essais nucléaires entre les États- Unis et l'Union soviétique, deux ans plus tard.
  • 54. Années 1960 à 1990 : Théodore Monod (1902-2000). Philosophe français, naturaliste, professeur et chercheur au ‘Muséum national d’histoire naturelle’. Parcourt à pied les déserts africains à la recherche de météorites, fossiles, squelettes, plantes et minéraux. Militant non-violent, prend part aux mouvements contre la guerre d’Algérie, l’apartheid, l’exclusion. Estime que l’ “ère chrétienne”, ou définie comme telle, s’est achevée le 5 août 1945 avec le bombardement d’Hiroshima. « Toutes les bombes sont naturellement répréhensibles et doivent être supprimées, mais la bombe atomique, c’est diabolique, inexpiable… » Photo du haut : Maître Jean-Jacques de Félice, Théodore Monod, le pasteur René Cruse et Yvon Montigné, le 19 juin 1971, en tête de la marche du Groupe d'action et de résistance à la militarisation (GARM), de Lyon au Mont-Verdun, contre la force de frappe nucléaire
  • 55. Théodore Monod Des années 1960, avec le Mouvement contre l'armement atomique (MCAA) devenu MDPL (Mouvement pour le désarmement, la paix et la liberté) jusqu'à son très grand âge, milite contre la force de frappe nucléaire. Avec René Dumont, Bernard Clavel, Lanza del Vasto, Jean Rostand et des dizaines de personnes, signe en février 1968 une lettre de soutien à ceux qui renvoient leurs livrets militaires pour protester contre la force de frappe nucléaire. Soutient le Groupe d’action et de résistance à la militarisation (GARM), initiateur de ce document. En particulier, en tête de la ‘Marche de la paix’ organisée le 19 juin 1971 par le GARM, il défile, avec des milliers de personnes, de Lyon au poste de commandement de la force de frappe nucléaire du Mont Verdun dans les monts du Lyonnais. En décembre 1981, participe à la création du Comité pour le désarmement nucléaire en Europe (CODENE). De 1982 à 1996 (âgé de 94 ans…) , jeûne contre l’arme nucléaire chaque année pendant 4 jours du 6 au 9 août près du PC de déclen- chement de l’arme nucléaire de Taverny, avec une pancarte « La préparation d’un crime est un crime ». (photo ci-contre)
  • 56. 1960 : Jean Rostand (1894-1977), biologiste, historien des sciences, écrivain, moraliste. Alerte l'opinion sur la gravité des problèmes humains que posent les nouvelles technologies. Milite contre l'armement et contre l’énergie nucléaires. 1960 ; Protestation contre les premiers essais nucléaires à Reggane; 1968 : Texte Non à la bombe !, etc. « Par l’emploi des techniques nucléaires, le Mal vient de bénéficier d’un brusque avancement. Voilà qu’une mutation géante marque l’histoire de l’assassinat collectif. Un seuil est franchi ». Le rôle des Français « est en premier lieu de protester contre la force atomique française – inutile, absurde, inemployable aussi bien contre un adversaire plus fort que contre un plus faible, éminemment dangereuse puisqu’elle nous désigne pour cible, criminelle et inhumaine puisque sa fonction est de frapper électivement les populations civiles ; qui plus est, elle donne aux autres nations le mauvais exemple en suscitant la malsaine émulation des chauvinismes nucléaires. (…) La France n’a rien à faire dans la galère atomique ».
  • 57. Années 1960-2012 : Bernard Boudouresques (1923-2013), Français, polytechnicien, Résistant, prêtre de la ‘Mission de France’. Ingénieur au CEA, s'oppose à la construction de bombes atomiques. Pendant la guerre d’Algérie, aide le FLN et le ‘réseau Jeanson’, est arrêté par la ‘Direction de la Surveillance du Territoire’ (DST), service de renseignements du ministère de l’Intérieur. Continue ensuite son combat contre la force de dissuasion nucléaire française, fait partie du ‘Mouvement pour le Désarmement, la Paix et la Liberté’ (MDPL). Milite à Amnesty International, à l’ACAT (‘Action des chrétiens pour l’abolition de la torture’), à l’’Association France-Palestine Solidarité’ (AFPS) et à Pax Christi. Signataire en janvier 2012 de l’appel en faveur du désarmement nucléaire unilatéral de la France.
  • 58. Années 1960 : Pablo Casals Né Pau Casals i Defilló (1876-1973), violoncelliste, chef d'orchestre et compositeur espagnol. Commence à 23 ans une carrière internationale. Fuit le régime franquiste en 1939 et s’installe en France à Prades, centre son activité sur l’organisation d’aide aux réfugiés catalans et espagnols. Après guerre, participe à des galas de soutien en faveur du mouvement pacifiste et antifasciste de son ami Louis Lecoin. Engagé en faveur de la république et de la liberté, contre les dictatures, en particulier celle de Franco en Espagne. Durant les dernières années de sa vie, invité à cela par son ami Albert Schweitzer, rencontre le Président John F. Kennedy (photo) et, dans ses discours à l’ONU, proteste contre la course aux armements nucléaires.
  • 59. Années 1960 : Georges Rigassi (1885-1967), journaliste, écrivain et homme politique suisse vaudois. Étudie à Lausanne, Paris, Vienne et Londres, licence ès lettres en 1907. Se lance ensuite dans une carrière de journaliste : ‘Agence télégraphique suisse’ (A.T.S.), puis Gazette de Lausanne, dont il sera rédacteur en chef puis directeur en 1939. Député au Grand Conseil vaudois. Dans son article "La menace atomique – Angoisse des savants et carence spirituelle", écrit : « Les moyens de dévastation inventés par les savants ont donné à la guerre une dimension toute nouvelle, sans commune mesure avec les guerres les plus dévastatrices d’une époque encore récente. (…) Le mal qui nous a conduits à l’impasse atomique est la carence spirituelle du monde moderne, qui nous empêche de voir que l’emploi de l’arme atomique n’est plus un problème militaire ou politique, mais un problème de conscience et de morale. (…) Pour survivre, (l’humanité) doit comprendre la signification profonde, philosophique et religieuse, d’une évènement à quoi il n’y a rien de comparable dans l’histoire. Et, pour y parvenir, il faut que l’humanité change sa manière de penser. »
  • 60. Années 1960 : Karl Barth (1886-1968), théologien et pasteur protestant suisse, une des personnalités majeures de la théologie chrétienne du 20ème siècle. En 1934, principal auteur de la Déclaration théologique de Barmen, texte fondamental d'opposition chrétienne à l'idéologie nazie. Hostile aux accords de Munich (septembre 1938), incite les Tchécoslovaques à prendre les armes. À la fin de sa vie, participe à la lutte contre la prolifération des armements atomiques. « Les milieux cultivés, de même qu’une grande partie des milieux ecclésiastiques, se livrent volontiers à de profondes discussions (…), mais esquivent avec obstination toute décision concrète contre l’armement atomique. (…) En plus d’une action générale pour abattre les obstacles idéologiques et rétablir un climat de confiance, « la résistance pourrait prendre aussi, de manière concrète, la forme d’une invitation ouverte à l’objection de conscience dans toutes les unités équipées d’un armement atomique. » Lettre du 7 janvier 1959 au Congrès européen contre l’armement atomique
  • 61. Années 1960 : Germain Jousse (1895-1988), général français. Contribue à la paralysie des troupes vichystes à Alger en 1942. Dénonce au président Auriol les erreurs qui ont conduit à la défaite de Dien Bien Phu en Indochine. Général de corps d’armée, Compagnon de la Libération. « Les nations atomiques ont accumulé un arsenal suffisant pour faire sauter plusieurs fois la planète. Que faire autour de cette poudrière ? En rajouter ou donner l’alarme ? Placer des allumoirs ou des extincteurs ? Se faire incendiaire ou pompier ? Pour moi, j’ai pris tout bêtement le parti des pompiers, bien que je sois incendiaire de carrière. (…) L’histoire montre que, finalement, la dissuasion, c’est-à-dire la paix armée, n’a jamais réussi. La menace peut maintenir temporaire- ment des situations de fait, rendre plus difficile le déclenchement d’un conflit. Mais cet équilibre ne peut être qu’un sursis. ../..
  • 62. Germain Jousse Image : roulette russe : jeu de hasard potentiellement mortel consistant à mettre une cartouche dans le barillet d'un révolver, à tourner ce dernier de manière aléatoire, puis à pointer le revolver sur sa tempe avant d'actionner la détente. Si la chambre placée dans l'axe du canon contient une cartouche, elle sera alors percutée, et le joueur mourra. Par extension, cette expression désigne une décision importante, voire vitale, prise avec beaucoup de risques. « Le dogme de la dissuasion, c’est que plus on menace, moins on est menacé. Or la psychologie nous apprend que la menace de la violence déclenche un processus psychique aux réactions en chaîne incontrôlables. On l’a bien vu en 1914 : La Triple Entente et la Triplice, à force de se faire peur, ont fini par se lancer follement dans la guerre. (…) On discute, comme s’il s’agissait de choses connues, de stratégie atomique, flexible, dissuasive, totale… C’est jongler avec les mots en laissant croire qu’on peut rester maître du tonnerre atomique. (…) Toutes ces contradictions, les stratèges essayent de les noyer dans une phraséologie sonore fleurie de néologismes.(…) La stratégie de la dissuasion consiste à jouer avec le feu pour s’en protéger sans y toucher ».
  • 63. Années 1960 : Pouvana'a a Oopa (1895-1977), charpentier tahitien. Homme politique de Polynésie française, député en 1949, leader du ‘Rassemblement démocratique des populations tahitiennes’ (RDPT) et figure emblématique du mouvement anticolonialiste. Condamné en 1959 à 15 ans d'exil. Sénateur de 1971 à 1977. Opposant résolu à l’implantation du ‘Centre d'Expérimentations du Pacifique’ (CEP) en 1962 et aux essais nucléaires français menés en Polynésie sur les iles de Mururoa et Fangataufa (46 essais aériens de 1966 à 1974, et 147 essais souterrains de 1975 à 1996). Parmi les opposants aux essais nucléaires à Mururoa, il faut citer aussi : - Bengt Danielsson, anthropologue suédois (1921-1997) et sa femme Marie-Thérèse, Française (1923-2003), les premiers à informer l'opinion des dangers des retombées des essais nucléaires. Photo du bas ../..
  • 64. Pouvana'a a Oopa Bengt et Marie-Thérèse Danielsson, Bernard Ista, Oscar Temaru - Bernard Ista (1934 ?-1998), ingénieur atomiste français. Photo du haut. En 1960 entre au centre du Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA) dans l’équipe du professeur Yves Rocard. De 1960 à 1995, filme avec sa caméra Super 8 tous les essais nucléaires pratiqués en Algérie (19 essais à Reggane et In Eker), puis dans le Pacifique (193 essais à Mururoa et Fangataufa) et écrit au quotidien la chronique de ces 35 années. Meurt d’un cancer rare en 1998, après une longue agonie. Son témoignage retrace l’aventure de la bombe atomique française et rend hommage aux 150 000 militaires et civils qui en furent les acteurs. Un grand nombre d’entre eux souffrent aujourd’hui de pathologies graves. - Oscar Temaru (né en 1944), Président de la Polynésie française de 2004 à 2013. Photo du bas
  • 65. Années 1960-90 : Aguigui Mouna André Dupont, dit Aguigui Mouna, ou Mouna (1911-1999), exclu de la Marine pour avoir refusé les avances d'un supérieur, exclu du ‘Parti communiste français’, tient une pension de famille à Nice. Las de sa vie de ‟caca-pipi-taliste”, commence une carrière d‘ ‟imprécateur- amuseur”. Clochard-philosophe libertaire, pacifiste, écologiste avant l'heure. Souvent à vélo, sillonne les rues de Paris ou la côte d’Azur pour haranguer les foules, dort chez ses hôtes ou à la belle étoile. Mène campagne contre le travail des enfants dans le tiers-monde, pour l’aide aux réfugiés du Chili, etc. Un des premiers à dénoncer les risques et les retombées négatives du programme nucléaire français, militaire et civil. Porte une moitié de moustache et de barbe pour dénoncer un monde radioactif. Connaît son heure de gloire en mai 68. On a vu en lui à la fois « le dernier amuseur public de Paris » et « le sage des temps modernes ». « Le nettoyage à sec : Avec la bombe H, plus de tache ! » « À votre bombe santé ! » « Actifs aujourd’hui, ou radioactifs demain »
  • 66. 1962 : Satish Kumar Indien né en 1936, moine jaïn dans sa jeunesse, disciple gandhien de Vinoba Bhave. Entreprend en 1962 avec son ami E. P. Menon, sans argent, un "pèlerinage pour la paix", une marche à pied de 13 000 kilomètres en 3 ans contre l’arme nucléaire (Moscou, Paris, Londres, Washington). Offre un sachet de thé à chacun des dirigeants des 4 puissances nucléaires avec le message « Quand vous aurez le projet d’appuyer sur le bouton, arrêtez-vous une minute et buvez une tasse de thé ! ". Installé en Angleterre depuis 1973. Éditeur du magazine Resurgence & Ecologist, fondateur et directeur des programmes du Schumacher College, centre international d’études écologiques. « La bombe n’est qu’un symptôme, le produit dérivé de la foi aveugle et absolue que nous avons nourrie pour la science. (…) Ceux qui s’élèvent contre la bombe sans remettre en question le rationalisme scientifique, le dualisme, l’individualisme, le consumérisme et le matérialisme ne verront jamais l’aboutissement de leur combat. »
  • 67. 1962 : L’abbé Pierre L’abbé Henri Grouès (1912-2007) crée en 1942 un laboratoire de fabrication de cartes d’identité, cache des réfractaires au ‘Service du Travail Obligatoire’ dans des fermes. Crée un maquis en Chartreuse puis dans le Vercors. Recherché, entre en clandestinité, se fait appeler "abbé Pierre". Arrêté en mai 1944 par la Gestapo, s’évade, est envoyé jusqu’à début août à Alger sous le nom de "Sir Harry Barlow" pour travailler auprès de l’Information et des milieux diplomatiques. Finit la guerre auprès des ‘Forces Françaises Libres’. Au sortir de la guerre, est membre fondateur, en juin 1947, du groupe parlementaire fédéraliste français, destiné à promouvoir un gouvernement supranational pour éviter une troisième guerre mondiale. Est élu en 1947 vice-président et en 1948 Président du ‘Mouvement universel pour une confédération mondiale’ (MUCM). Participe en 1952 à la Conférence internationale contre le réarmement et la division de l’Allemagne, et en juin 1962 à l’Anti Nuclear Arms Convention organisée par la Gandhi Peace Foundation à New Delhi (photo du bas). Interrogé sur les essais de la bombe à hydrogène, déclare : « On a l'impression que lorsqu'un pays a fait une bombe, un autre aussitôt veut en faire deux... L'interdiction de la course à la bombe atomique n'est pas une affaire de bonté, elle devrait correspondre à une explosion générale de bon sens. »
  • 68. 1963 : Claude Bourdet (1909-1996), ingénieur français, entrepreneur, cofondateur du mouvement ‘Combat’. Crée en 1942 et développe le réseau ‘Noyautage des administrations publiques’ (NAP) pour infiltrer les administrations de l’État français et les faire fonctionner au service de la Résistance : rensei- gnement de ‘la France libre’, sécurité des Résistants, sabotage "profes- sionnel", fourniture de faux papiers, préparation de la prise du pouvoir au moment de la Libération. Les administrations concernées sont notamment les préfectures, la police, le ravitaillement, l'électricité, les PTT et la SNCF. Arrêté en mars 1943 par la Gestapo, torturé, déporté à Buchenwald. ‘Compagnon de la Libération’. Écrivain, journaliste, cofonde en 1950 le journal L’Observateur et en 1960 le ‘Parti socialiste unifié’ (PSU). Dénonce la torture en Algérie. Cofonde en 1963 avec Jean Rostand le ‘Mouvement contre l’Arme- ment Atomique’ (MCAA), devenu en 1968 ‘Mouvement pour le Désarme- ment, la Paix et la Liberté’ (MDPL). « Il est bien certain, déclare-t-il lors d’un échange à la ‘Revue Défense nationale’, qu’une grande partie du manque d’intérêt des citoyens pour les problèmes de défense nationale aujourd’hui, – sauf peut-être chez certaines élites très informées, – réside dans l’idée que le fameux "bouton" par lequel le chef de l’État déclenche la guerre nucléaire, nous garantit tellement bien que ce n’est vraiment plus la peine de se préoccuper de défense. Ce désintéressement satisfait peut-être certains "pacifistes". Moi, il ne me satisfait pas. »
  • 69. 1963 : Primo Levi (1919-1987), Italien d’origine juive, docteur en chimie, un des plus célèbres survivants de la Shoah. Emprisonné en 1944 dans le camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz III-Monowitz, libéré par l’Armée Rouge. Devient écrivain afin de transmettre et expliciter son expérience, notamment l’horreur de la déshumanisation. Décrit les Sonderkommandos (équipes spéciales) de prisonniers chargés de gérer les fours crématoires. Explique le rôle des kapos, prisonniers sélectionnés pour leur violence, les hiérarchies à l'intérieur du camp, le « système » de promotion interne. Son livre majeur, Se questo è un uomo (‘Si c’est un homme’), écrit entre décembre 1945 et janvier 1947, publié en 1963 à plus de 100 000 exemplaires, aborde rapidement le risque nucléaire : « L’apocalypse nucléaire serait bilatérale, instantanée, définitive. L’horreur serait plus grande, différente, extraordinaire et nouvelle. »
  • 70. 1964 : John Doom (1936-2016), militant polynésien contre les essais nuclé- aires français dans le Pacifique. Se présente comme citoyen français "par accident de l’histoire". Jeune homme, vit dans son pays l’irruption du monde militaire et colonial dès la fin des années 1950 lorsque le leader politique local Pouvanaa a Oopa est éliminé par le pouvoir colonial, car hostile aux essais nucléaires. Dès 1964, alors jeune diacre de l’Église protestante, s’active pour dénoncer l’exil en France de son pasteur, est coupable d’avoir osé réclamer une enquête publique préalable à l’installation du centre d’essais nucléaires à Moruroa. Le 2 juillet 1966, lors de l’explosion de la première bombe française à Moruroa, se trouve sur l’île de Mangareva comme interprète du ministre de la France d’outre-mer, Pierre Billotte, venu assister de loin à l’événe- ment. Ce jour-là, les retombées radioactives sur Mangareva sont telles que la délégation officielle doit s’enfuir précipitamment, laissant une population locale dans la plus totale ignorance. En 1971, devient le Secrétaire général de l’Église protestante de Polynésie. En 1989, appelé à Genève, où il déménage avec son épouse Tetua, au ‘Conseil œcuménique des Églises’ (COE) ../.. Photo du haut : Aldébaran, le 2 juillet 1966, bombe de 28 kilotonnes testée sur une barge dans le lagon de Mururoa, et des vents d'ouest-nord-ouest emportent le nuage radioactif de l'explosion vers Mangareva.
  • 71. 1964 : John Doom pour y créer le ‘Bureau Pacifique’ du COE. Pendant plus de 10 ans, son bureau à Genève devint le point de ralliement du combat international contre les essais nucléaires français dans le cadre de l’organisation Europe Pacific Solidarity qu’il crée avec Cofondateur en 1974 de l’Académie tahitienne Fare Vana’a. Dès la fin des essais à Moruroa en 1996, grâce à ses relations œcuméniques, une enquête sociologique auprès des anciens travailleurs polynésiens peut être organisée conjointement par l’association ‘Hiti Tau’ et l’Église protestante maohi. Peu après, c’est à Genève que germe le projet de fonder en France et en Polynésie des associations de victimes des essais nucléaires : ‘l’AVEN’ est créée à Lyon en juin 2001 et ‘Moruroa e tatou’ (‘Moruroa et nous’) à Papeete le 4 juillet suivant. De retour à Tahiti en 2000, consacre une grande partie de sa vie de retraité au service de ‘Moruroa e tatou’ et du combat pour la reconnais- sance des victimes des essais nucléaires. Colloques à Paris, Hiroshima, Nagasaki, Alger, Papeete se suivent avec de nombreux documentaires sur les chaînes de télévision françaises et étrangères où il témoigne sur les conséquences dramatiques des essais nucléaires. Photo du haut : Madeleen Helmer, Néerlandaise, cofondatrice avec John Doom de la coordination Europe Pacific Solidarity qu’elle anime pendant 10 ans.
  • 72. 1964 : Stanley Kubrick (1928-1999), réalisateur, photographe, scénariste et producteur états- unien. Issu d'une famille juive originaire d'Europe centrale, autodi-dacte, auteur de 13 longs-métrages en 46 ans de carrière cinématogra-phique. Son film Docteur Folamour ou : Comment j'ai appris à ne plus m'en faire et à aimer la bombe (1964), comédie militaire cynique et caustique (réalisée d'après le thriller 120 minutes pour sauver le monde écrit par l’Anglais Peter George), choisit l’humour pour souligner les dangers de l’escalade de l’armement nucléaire. En pleine guerre froide, un général de l’Armée de l’air états-unienne, frappé de folie paranoïaque, envoie ses B-52 frapper l’URSS. Le président des États-Unis commande une réunion d'urgence dans la salle souterraine de commandement stratégique pour tenter d'éviter une guerre nucléaire. Les B 52 sont rappelés aux États-Unis ou abattus par les Soviétiques sur indica- tion des militaires états-uniens, sauf un qui déclenche la guerre nucléaire. Le docteur Folamour présente alors une solution pour sauver l'espèce humaine : ne sélectionner que les meilleurs éléments pour les emmener survivre sous terre, à raison d’un homme pour 10 femmes. Le film se clôture par un ballet d'explosions nucléaires avec leurs champignons sur un fond de musique douce
  • 73. 1965 : Romain Gary Roman Kacew (1914-1980), né à Vilnius (Lituanie), alors dans l'Empire russe, de parents juifs ashkénazes. Arrive avec sa mère en France en 1928. Études de droit. Soldat, Résistant de ‘la France Libre’, observateur sur bombardier, ‘Compagnon de la Libération’. Diplomate de 1946 à 1961. Écrivain et romancier à partir de 1945. Déprimé chronique, se suicide en décembre 1980. Son œuvre littéraire est marquée par un refus opiniâtre de céder devant la médiocrité humaine. Ses personnages sont souvent en dehors du système parce que révoltés contre tout ce qui pousse l'homme à des comportements qui lui font perdre sa dignité. Ils oscillent entre la souffrance de voir leur monde abîmé, et une lutte pour garder coûte que coûte l'espérance. Définit l’indignation comme « une des plus sures sources d’inspiration » Dans Pour Sganarelle (1965), pense l’avenir d’une humanité menacée par la puissance absolue de l’arme atomique, par « le dragon de la bombe H ».
  • 74. 1967 : Arthur Koestler (1905-1983), romancier, journaliste et essayiste hongrois, naturalisé britannique. Naît dans une famille juive hongroise, de langue allemande. Étudie l'ingénierie à l’’École polytechnique de Vienne’, adhère à la cause sioniste, est journaliste en Palestine. En 1933, à l'arrivée de Hitler au pouvoir, s'installe à Paris. Couvrant la guerre d'Espagne pour un journal anglais, emprisonné et condamné à mort par les Franquistes. Durant la ‘drôle de guerre’, arrêté par la police française avec d'autres réfugiés, interné au stade Roland-Garros puis au camp du Vernet en tant qu' "étranger indésirable". En 1940, dans Darkness at Noon (Le zéro et l’infini), dénonce les procès et crimes staliniens et, au-delà de ceux-ci, « les systèmes clos. » S'engage au cours de l'exode dans la ‘Légion étrangère’, puis dans les services de propagande de l’armée britannique. Dans Le cheval et la locomotive (1967), considère que l’humanité a traversé un moment historique fondamental avec l’invention puis l’utilisation de la bombe atomique à Hiroshima. Au vu de toutes les horreurs que l’humanité a traversées, il ne fait aucun doute à ses yeux que l’homme, mu par « la pulsion de l’autodestruction », court un grand risque d’un jour ou l’autre mettre fin à son existence en tant qu’espèce. « Si l'on me demandait quelle est la date la plus importante de l'histoire et de la préhistoire du genre humain je répondrais sans hésitation : 6 août 1945. » ■