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Vous aimez les pommes ? Moi aussi, mais bientôt je ne trouverai plus les variétés
locales et riches en vitamines qui me plaisent. Nos grands-parents avaient le choix entre
plus de 1000 variétés de pommes belges. Aujourd’hui au supermarché on en trouve 5,
peut-être 6 ?
Autre exemple : il existe plus de 140.000 variétés de riz. Elles ont été créées en 10.000
ans par l’échange de semences entre fermiers partout dans le monde. Les voyez-vous
dans votre assiette ?
En 40 ans, la diversité de nos toutes nos espèces cultivées a chuté. Or, pour manger
‘5 fruits et légumes par jour’ nous devons manger varié. Il est donc primordial de
conserver la diversité de toutes nos semences agricoles.
Eh bien, ma recherche s’intéresse aux mécanismes internationaux qui réglementent :
1. la conservation des variétés de plantes agricoles, 2. leur utilisation et 3. leur échange.
Plus précisément, j’étudie les problèmes juridiques liés à leur utilisation.
Pour vous expliquer mon analyse, je vais vous raconter l’histoire d’un grain de riz,
appelé Oryza. Il y a bien longtemps, Oryza passait librement de rizière en rizière et de
pays en pays. Il se mélangeait avec les variétés locales pour s’adapter aux conditions
climatiques et au goût des populations rencontrées. Oryza était un BIEN PUBLIC,
accessible et utilisable par tous.
Mais ça, c’était avant !
A partir des années 50, les nouvelles technologies dans l’agro-industrie ont permis aux
multinationales de s’approprier Oryza, notamment par les brevets. Oryza devient un
BIEN PRIVE, accessible uniquement sur le marché globalisé, bien trop cher pour les
petits paysans.
Les paysans dénoncent cette appropriation d’un bien public en bien privé comme de la
BIOPIRATERIE. Alors qu’ils ont développé, conservé et utilisé les semences pendant
des millénaires, ils doivent aujourd’hui les racheter chaque année à des multinationales.
Ils n’ont plus le droit de semer le produit de leurs propres récoltes.
Pour rétablir un équilibre dans l’accès aux semences, un traité international a été
négocié en 2004 au sein de l’ONU. Son objectif : recréer un espace d’échange pour
toutes les espèces cultivées. Une sorte de panier commun, dans lequel chaque acteur
peut prendre et utiliser les semences agricoles selon des règles équitables et durables.
Mais voilà, le traité ne fonctionne pas. Pourquoi ? Je constate qu’il y a un déséquilibre
juridique entre la reconnaissance du droit des brevets et la non-reconnaissance du droit
des agriculteurs. Pas de bol, ce n’est vraiment pas de bol pour le riz : entre les
multinationales et les petits fermiers : ça ne colle pas !
Je propose de considérer les semences non plus comme un bien public ou privé mais
comme un BIEN COMMUN, géré collectivement. Ceci pour mettre droit des brevets et
droit des agriculteurs au même niveau. Car c’est en permettant aux agriculteurs
d’utiliser les semences, qu’on favorise leur conservation. On sauvegarde ainsi la
diversité des aliments que l’on trouve dans notre assiette.
Alors, cox ou reinette peu importe, mais mangez des pommes !
Caricature par Jacques Sondron, 28 mai 2015

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  • 2. Eh bien, ma recherche s’intéresse aux mécanismes internationaux qui réglementent : 1. la conservation des variétés de plantes agricoles, 2. leur utilisation et 3. leur échange. Plus précisément, j’étudie les problèmes juridiques liés à leur utilisation. Pour vous expliquer mon analyse, je vais vous raconter l’histoire d’un grain de riz, appelé Oryza. Il y a bien longtemps, Oryza passait librement de rizière en rizière et de pays en pays. Il se mélangeait avec les variétés locales pour s’adapter aux conditions climatiques et au goût des populations rencontrées. Oryza était un BIEN PUBLIC, accessible et utilisable par tous. Mais ça, c’était avant ! A partir des années 50, les nouvelles technologies dans l’agro-industrie ont permis aux multinationales de s’approprier Oryza, notamment par les brevets. Oryza devient un BIEN PRIVE, accessible uniquement sur le marché globalisé, bien trop cher pour les petits paysans. Les paysans dénoncent cette appropriation d’un bien public en bien privé comme de la BIOPIRATERIE. Alors qu’ils ont développé, conservé et utilisé les semences pendant des millénaires, ils doivent aujourd’hui les racheter chaque année à des multinationales. Ils n’ont plus le droit de semer le produit de leurs propres récoltes. Pour rétablir un équilibre dans l’accès aux semences, un traité international a été négocié en 2004 au sein de l’ONU. Son objectif : recréer un espace d’échange pour toutes les espèces cultivées. Une sorte de panier commun, dans lequel chaque acteur peut prendre et utiliser les semences agricoles selon des règles équitables et durables. Mais voilà, le traité ne fonctionne pas. Pourquoi ? Je constate qu’il y a un déséquilibre juridique entre la reconnaissance du droit des brevets et la non-reconnaissance du droit des agriculteurs. Pas de bol, ce n’est vraiment pas de bol pour le riz : entre les multinationales et les petits fermiers : ça ne colle pas ! Je propose de considérer les semences non plus comme un bien public ou privé mais comme un BIEN COMMUN, géré collectivement. Ceci pour mettre droit des brevets et droit des agriculteurs au même niveau. Car c’est en permettant aux agriculteurs d’utiliser les semences, qu’on favorise leur conservation. On sauvegarde ainsi la diversité des aliments que l’on trouve dans notre assiette. Alors, cox ou reinette peu importe, mais mangez des pommes !
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