Extrait livre: Dépistage du cancer du sein-La grande illusion. Pourquoi il peut faire plus du mal que du bien, pourquoi il faut changer notre regard sur la maladie, Dr. Bernard Duperray
Depuis 2004, les autorités sanitaires invitent toutes les
femmes (de 50 ans à 74 ans) à effectuer une
mammographie tous les 2 ans. Objectif : diagnostiquer les
cancers du sein précocement afin de réduire la mortalité
ainsi que la lourdeur des traitements.
Après quinze ans de dépistage, le constat est sans appel :
le cancer du sein est diagnostiqué de plus en plus tôt, on
découvre des tumeurs de plus en plus petites et pourtant
le dépistage n’a réduit ni la mortalité, ni le nombre de formes avancées, ni la lourdeur des traitements. Le dépistage ne permet pas de moins mourir du cancer du sein.
Dr Bernard Duperray, auteur de ce livre est médecin radiologue spécialiste du cancer du sein, retraité après quarante et un an de pratique à l'hôpital Saint-Antoine à Paris. Il enseigne à l'université Paris-Descartes.
Préface par Dr. Cécile Bour, présidente de l’association Cancer Rose , www.cancer-rose.fr , " Chaque femme devrait lire ce livre et l'offrir à son médecin ! "
Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé rassemblés en association.
Des médecins indépendants, ainsi qu’un docteur en toxicologie ont créé le site d’information www.cancer-rose.fr pour vous faire connaître les données scientifiques les plus objectives et les plus récentes sur le dépistage de masse du cancer du sein.
En décryptant et vulgarisant les études scientifiques les plus récentes, publiées dans les plus grandes revues médicales internationales, en analysant la controverse et en en proposant une analyse sociale et féminine, notre objectif est d’informer les femmes concernées par le dépistage de masse afin de les aider dans leur choix et de mettre à disposition des médecins intéressés des outils d’information indépendants.
Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflits d’intérêt, sans subvention.
Journée des femmes : des inégalités dans l'information médicale
Semelhante a Extrait livre: Dépistage du cancer du sein-La grande illusion. Pourquoi il peut faire plus du mal que du bien, pourquoi il faut changer notre regard sur la maladie, Dr. Bernard Duperray
Semelhante a Extrait livre: Dépistage du cancer du sein-La grande illusion. Pourquoi il peut faire plus du mal que du bien, pourquoi il faut changer notre regard sur la maladie, Dr. Bernard Duperray (20)
Extrait livre: Dépistage du cancer du sein-La grande illusion. Pourquoi il peut faire plus du mal que du bien, pourquoi il faut changer notre regard sur la maladie, Dr. Bernard Duperray
1. DrBernardDUPERRAY
www.thierrysouccar.com
Prix 19,90 € TTC France
ISBN 978-2-36549-337-6
”“
Chaque femme devrait lire ce livre
et l’offrir à son médecin !
Dr Cécile Bour, présidente de l’association Cancer Rose
Dépister pour mieux guérir est un leurre. Telle est la conviction de
nombreux scientifiques, et le Dr Bernard Duperray explique brillamment
pourquoi dans ce livre.
Avec le dépistage, le cancer du sein est diagnostiqué de plus en plus tôt,
on découvre des tumeurs de plus en plus petites et pourtant cette action
de prévention n’a fait baisser ni la mortalité ni le nombre de cancers
avancés. Comment expliquer ce paradoxe ?
Après plus de quarante ans consacrés au diagnostic du cancer du sein, le
Dr Duperray montre qu’en réalité, plus on cherche, plus on trouve, et
quelquefois des cancers qu’il aurait mieux valu ignorer. Contrairement à ce
que le public a été amené à croire, le dépistage de masse organisé est non
seulement inutile mais délétère.
Toutefois, l’arbre ne doit pas masquer la forêt. Critiquer le dépistage par
mammographie est stérile si l’on ne tire pas les conséquences de son
échec. Dans cet ouvrage écrit pour les femmes et les soignants, le
Dr Duperray pose un autre regard sur la maladie et questionne : qu’est-ce
qu’un cancer ? Quelle est sa définition ? À partir de quand est-on malade ?
Où est la maladie mortelle et où est l’anodine qu’il ne faut pas détecter ?
Nous sommes devant un casse-tête, celui de comprendre de nouveaux
paradigmes d’une maladie loin d’être maîtrisée... Tout est à découvrir.
Le Dr Bernard Duperray est médecin radiologue, spécialiste du cancer du sein,
retraité après quarante-et-un ans de pratique à l’hôpital Saint-Antoine à Paris.
Il enseigne à l’université Paris-Descartes.
Le Dr Cécile Bour est médecin radiologue dans la région de Metz. Elle préside
l’association Cancer Rose qui milite pour que les femmes aient accès à une infor-
mation indépendante et loyale.
Dr Bernard DUPERRAY
Préface du Dr Cécile Bour,
de l’association Cancer Rose
DUSEIN
LAGRANDE
ILLUSIONPourquoi il peut faire plus de mal que de bien
Pourquoi il faut changer notre regard sur la maladie
DÉPISTAGEDUCANCERDUSEINLAGRANDEILLUSION
2. 5
Préface
L
a cellule cancéreuse autant que la tumeur clinique sont des
intruses, des ennemies, des délinquantes qu’il faut extraire à tout
prix, et vite. Le jargon militaire en vogue quand il s’agit de cancer exige en
retour une attitude de contre-attaque et une action forte du corps médical ;
aussi on combat la maladie, on a un arsenal thérapeutique, on lutte contre
le cancer.
Maislapatienten’estpasuneguerrièreauxordresd’uncommandement
supérieur que serait le médecin. Elle n’est pas une cancer-survivor, une
héroïne rescapée d’une maladie tueuse, elle n’est pas non plus en reddition
si elle succombe.
Nos sociétés, véritables cités de la peur, engendrent des hordes
apeurées de survivantes qui attendent, entre deux tests de dépistage
angoissants, leur tour d’être une cancéreuse, presque comme une fatalité
inéluctable. L’indignité des slogans assénés aux femmes comme « chaque
jour compte », « le cancer frappe à toutes les portes », ou « le dépistage
précoce sauve la vie », au sophisme indigent, entraîne parmi le corps
social une surreprésentation du risque de contracter un cancer du sein,
une surestimation du bénéfice du dépistage organisé du cancer du sein
avec une sous-estimation, voire même un recel volontaire des risques
3. 6
DÉPISTAGE DU CANCER DU SEIN : LA GRANDE ILLUSION
et inconvénients du dépistage systématique, pourtant massifs, comme
nous l’apprennent maintenant des données scientifiques récentes et
mondiales.
Il nous faut un autre regard.
Il nous faut d’autres plans, non-guerriers, pour aider une femme à
intégrer le cancer dans sa biographie médicale, de façon dédramatisée
et réaliste.
Il nous faut une autre voie.
Il nous faut une autre voix.
Et elle est ici, dans ce livre.
Bernard Duperray nous propose enfin avec cet ouvrage d’autres
modèles de cancérologie, qui nous sortent de l’archétype du cancer avançant,
inarrêtable, comme un corps d’armée expansionniste en terrain conquis.
Il nous dévoile d’autres standards de l’histoire naturelle du cancer qui
permettent de relativiser le concept de « perte de chance » pour les femmes.
Non, ne pas se faire dépister n’est pas synonyme de perte de chance. Trouver
un cancer au stade symptomatique n’est pas non plus synonyme de perte de
chance. Ce concept de « perte de chance » culpabilise la femme et terrorise
le médecin. Il ne repose en réalité sur aucun argument valable.
Pour mourir d’un cancer il ne suffit pas d’avoir un cancer.
Toute cellule cancéreuse ne fait pas de nous un cancéreux.
Tout cancer n’est pas indispensable à débusquer.
Il nous faut enfin ce regard apaisé et serein sur les lieux, si on ne veut
pas aboutir à une médecine liberticide pour les femmes par enrôlement de
4. 7
PRÉFACE
leurs seins et de leur esprit dans un cérémonial macabre de contrôles sans
fin, irréfléchis, aliénants, traquant des non-malades sans bénéfice avéré.
C’est ce qu’effectue cet ouvrage salutaire, rectifiant les croyances tous
azimuts sur le sein, son cancer et surtout son dépistage, inopérant au bout
de trois décennies de pratique, dont les femmes sont les premières victimes.
C’est une remise en perspective des liens qui unissent temps,
dimensions et évolutions tumorales.
Lorsque la médecine elle-même produit de la maladie comme le fait
le dépistage du cancer du sein, sans bienfait pour les femmes, il est temps
pour nous de plonger dans la lecture éclairante de ce livre, qui aidera tout
le monde à déjouer les injonctions à dépister, qui insufflera au praticien le
pouvoir de dédramatiser la consultation, qui fera découvrir aux femmes qu’un
cancer du sein n’est pas toujours la pire des choses qu’elle peut rencontrer
dans sa vie de femme.
Docteur Cécile Bour, radiologue
Présidente de l’association Cancer Rose
5. Sommaire
Préface 5
Introduction 11
Comment ce livre est né 14
Le dépistage est une erreur mais… 16
« D’abord ne pas nuire » 17
Ce que vous allez trouver dans ce livre 18
1• Une brève histoire du cancer du sein 21
De l’Antiquité au début du xixe
siècle 23
Un traitement chirurgical d’une étonnante violence 26
xixe
siècle : avènement de l’histologie 28
1894 : le triomphe de Halsted 30
La théorie de Halsted 35
xxe
siècle : développement de la mammographie 36
Les années 1970 : l’idée d’un dépistage progresse 39
2• Les débuts du dépistage : la grande illusion 43
Le diagnostic préopératoire par le radiologue devient
incontournable 45
1989 : Feu vert au dépistage organisé 46
L’étude HIP et l’étude des Deux Comtés 50
Lancement d’une campagne nationale de dépistage
dans dix départements 52
3• Chronique d’un échec programmé 55
Des sénologues tirent la sonnette d’alarme 56
La mammographie : un examen à démystifier 59
6. Ce qu’il ressort du dépistage dans les départements pilotes 72
Une dynamique des tumeurs inattendue 74
Quand la théorie s’effondre 86
4• Le dépistage à la française 95
Le test de dépistage est dévoyé 97
Lancement d’Octobre rose 102
2015 : la concertation citoyenne ou comment sauver le dépistage 103
5• La grande désillusion 107
Le dépistage réduit-il la mortalité ? 108
Le dépistage diminue-t-il le nombre de formes avancées ? 119
Le dépistage a-t-il permis de faire reculer
les mastectomies totales ? 122
Une flambée des cancers in situ sans diminution
des cancers invasifs 127
Le cancer du sein reste en tête des cancers mortels 133
6• Un invité surprise : le surdiagnostic 147
Épidémie ou surdiagnostic lié à l’activité de dépistage ? 149
Que sont ces cancers qui ne tuent pas ? 153
Le surdiagnostic qu’est-ce que c’est ? 156
Le surdiagnostic mystifie les femmes 161
Le surdiagnostic mystifie les médecins 161
Quelle est l’ampleur du surdiagnostic ? 165
7• Le surdiagnostic pipe les dés 175
8• Les effets indésirables du dépistage 183
Un surtraitement intolérable 185
Des mammographies qui ne sont pas sans danger 187
Pendant ce temps la désinformation est à l’œuvre 188
Premières victimes de cette désinformation : les femmes 198
Quel avenir pour la mammographie ? 199
7. 9• Le débat autour du dépistage 203
Quatre interprétations des résultats du dépistage 204
Débat autour de la baisse de la mortalité par cancer du sein 207
10• Un autre regard sur la maladie 217
Le monde caché du cancer du sein 219
Cancer : un même mot pour deux réalités 221
Réduire la maladie à la tumeur et à son image est une erreur 222
Quand et comment débute la maladie mortelle 223
Une maladie qui n’évolue pas obligatoirement par étapes
successives 226
11• Séparer le vrai du faux 239
Conclusion 245
Il est urgent de tirer les enseignements du surdiagnostic 248
Que conseiller aux femmes ? 249
La cancérologie est à l’aube d’une ère nouvelle 250
Retour à Hippocrate 250
Annexes 253
Annexe 1 à 3 – Cas cliniques 254
Annexe 4 – L’étude MyPeBs 257
Annexe 5 – Mémo : les 10 questions à poser à votre médecin 263
Pour aller plus loin 264
Références 268
8. Introduction
« Le monde est dangereux à vivre ! Non pas tant
à cause de ceux qui font le mal,
mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire. »
Einstein
9. 12
DÉPISTAGE DU CANCER DU SEIN : LA GRANDE ILLUSION
Q
uand j’ai commencé ma carrière professionnelle en 1971,
l’émergence de la mammographie faisait naître un immense
espoir, celui d’intervenir sur le cancer du sein avant qu’il ne soit trop
tard. Pour les radiologues encore peu nombreux à l’époque à se consacrer
à la mammographie, elle semblait pleine de promesses. Le cancer était
identifiable sur une image et assimilé à cette image. Débuter comme
radiologue dans ce contexte et contribuer au développement d’une
nouvelle technique diagnostique était très enthousiasmant. J’ai eu cette
chance.
En l’espace de quarante ans, j’ai croisé des milliers de femmes, j’ai
été témoin de milliers de destins qui ont marqué ma vie. Le radiologue a un
rôle particulier auprès des patientes. Il est souvent le premier interlocuteur
d’une femme qui prend conscience à cet instant que sa vie est peut-être en
train de basculer. Il doit prendre en charge sa détresse et faire preuve d’une
profonde empathie. Le lien qui se noue entre le radiologue et sa patiente
est fréquemment puissant et durable, parfois sur plusieurs décennies. Le
souvenir du premier entretien portant sur son cancer est souvent indélébile
et déterminant pour chacune. Écouter le témoignage des patientes est
l’enseignement le plus précieux, il aide à comprendre la réalité de la maladie
dans sa dynamique.
Mais après avoir lu près de deux cent mille mammographies,
diagnostiqué des milliers de cancers du sein, participé à des dépistages
expérimentaux dans le cadre de l’étude française SU.VI.MAX et dans le
département pilote de l’Oise, je suis passé de l’espoir à la désillusion.
Le dépistage en effet n’a atteint aucun de ses objectifs. Il n’a pas
permis de faire baisser la mortalité. Même si quelques femmes ont pu en
tirer bénéfice individuellement, il n’a pas eu de résultat positif à l’échelle de
la population et il a engendré des effets néfastes.
10. INTRODUCTION
13
Certes l’expérience acquise avec le dépistage améliore les performances
de l’examen clinique et de la lecture des clichés. Mais ce qui aurait pu, associé
aux progrès techniques, être un avantage pour les patientes s’est transformé en
un inconvénient majeur. On diagnostique de plus en plus de petits cancers mais
certainsdecesdiagnostics,commevousleverrez,sontpréjudiciablesauxfemmes.
Les radiologues trahissent avec la pratique du dépistage leur rôle de soignant.
« PLUS ON DÉTECTE TÔT UN CANCER, PLUS LA LÉSION
EST PETITE, MEILLEUR EST LE PRONOSTIC »
La plupart pensent que plus un cancer est diagnostiqué tôt, plus grandes sont
les chances d’en réchapper. Si cette conviction est aussi largement partagée
c’est d’abord parce qu’elle est parfaitement intuitive, mais aussi parce qu’elle
a été assénée par les autorités sanitaires et toutes les organisations, à but
lucratif ou pas, qui font la promotion du dépistage. Elle est si profondément
ancrée dans les esprits que peu de femmes s’interrogent sur l’utilité et les
effets néfastes éventuels du dépistage :
• Quel bénéfice puis-je attendre du dépistage ?
• Pourquoi malgré un dépistage régulier des femmes meurent-elles
encore d’un cancer du sein ?
• Le dépistage a-t-il des inconvénients ?
• Le rapport bénéfices/risques du dépistage est-il favorable ?
Se poser ces questions et les poser à son médecin est loin d’être
saugrenu. C’est au contraire indispensable.
L’objectif de ce livre est d’apporter à ces questions des éléments de
réponse en confrontant les faits cliniques et les études épidémiologiques
accumulées depuis trente ans aux affirmations des autorités de santé qui
justifient des pratiques erronées puisqu’elles sont contredites par les faits.
11. 14
DÉPISTAGE DU CANCER DU SEIN : LA GRANDE ILLUSION
Il s’adresse non seulement aux femmes mais également aux
professionnels de santé.
COMMENT CE LIVRE EST NÉ
Ce livre est le fruit d’une rencontre au début des années 2000 avec un
médecin de santé publique, enseignant chercheur à l’École nationale de
santé publique de Rennes, le docteur Bernard Junod.
Bernard Junod avait pris conscience, à la lecture des résultats des
études épidémiologiques, que le dépistage conduisait à un échec et surtout
qu’il avait un effet délétère majeur : il provoquait l’apparition de cancers
en excès. Quant à moi, ce que je constatais cliniquement ne correspondait
pas à la théorie qui avait servi de justification au dépistage. Dans ma
pratique clinique : « petit » ne signifiait pas forcément diagnostic précoce
et bon pronostic ; « gros » ne signifiait pas forcément diagnostic tardif. C’est
pourquoi, dès 1995, j’ai refusé de participer plus longtemps à un dépistage
que l’on généralisait sans avoir l’assurance qu’il était utile aux femmes.
Par des voies différentes nous étions arrivés aux mêmes conclusions. Les
résultats épidémiologiques accablants pour le dépistage confirmaient mes
observations cliniques.
Nous avons travaillé dix ans ensemble, lui avec la certitude des
chiffres, moi avec celle des cas cliniques accumulés près de trente années,
convaincus l’un et l’autre qu’il fallait remettre en cause notre conception du
cancer.
Ce livre tient également à la volonté d’une femme radiologue, le docteur
Cécile Bour, Présidente de l’association Cancer Rose, de donner aux autres
femmes l’information nécessaire pour qu’elles puissent se soustraire en toute
connaissance de cause au rouleau compresseur aveugle qu’est le dépistage.
12. INTRODUCTION
15
Il est dû aussi et surtout à la volonté d’un éditeur, Thierry Souccar, de
donner un espace d’expression à des faits émergents qui doivent entrer dans
le débat scientifique. Qu’il en soit remercié.
Ce livre n’a pas d’autre ambition que de contribuer à nous sortir
de l’ornière dans laquelle nous a menés dans la plus grande confusion le
dépistage de masse organisé du cancer du sein reposant sur une hypothèse
erronée.
LE CANCER DU SEIN : PREMIER TUEUR DES CANCERS
FÉMININS
Alors qu’on a consacré au cancer du sein beaucoup plus de moyens qu’à
d’autres pathologies, il demeure un problème majeur de santé publique. Il
reste en tête des cancers féminins : il tuait près de 6 000 femmes en 1960 en
France, il en tue près de 12 000 aujourd’hui. Après correction des effets de
la démographie et du vieillissement de la population, le taux de mortalité
standardisé par cancer du sein reste élevé. Il est en 2006 très proche de celui
de 1970 et aujourd’hui sensiblement au même niveau que celui de 1960.
Des femmes porteuses d’une petite lésion au moment du diagnostic
meurent encore de leur cancer du sein quoi qu’on fasse. Avec le dépistage,
les tumeurs diagnostiquées sont de plus en plus petites, de pronostic a
priori meilleur et pourtant on n’observe ni baisse des formes avancées de
cancer ni baisse de mortalité liée au dépistage. Ce paradoxe est un point
essentiel que nous nous sommes efforcés d’expliquer dans les pages qui
vont suivre.
La critique du dépistage dont ce livre est l’écho n’est pas le fait de
quelques individus isolés mais le produit d’une activité internationale
sur le sujet. Des études toujours plus nombreuses et diverses ne cessent
13. 16
DÉPISTAGE DU CANCER DU SEIN : LA GRANDE ILLUSION
de s’étendre à de nouvelles zones géographiques comme l’Australie et le
Brésil. Les travaux les plus récents, dont ceux du professeur Philippe Autier
épidémiologiste, vice-président de l’International Prevention Research
Institute à Lyon, publiés en 2018, confirment l’absence d’effets bénéfiques
du dépistage en particulier sur les formes évoluées de cancer du sein dont le
nombre ne diminue pas, y compris dans les pays où le dépistage a été massif
et prolongé comme aux Pays-Bas.
Ces constatations suggèrent que l’intervention humaine est loin
d’avoir résolu le problème du cancer du sein, qui reste à juste titre pour les
femmes une hantise.
Le cancer fait peur, il obsède. Il effraie par son évolution considérée
comme inéluctable. Tout le monde a en tête le processus inexorable : une
cellule anormale apparaît et entame une multiplication infinie ; la tumeur
se met à grossir localement puis le cancer se dissémine dans le corps, il
colonise divers organes et finit par provoquer le décès.
Cette conception est intuitivement tellement évidente que la remettre
en question paraît une hérésie. Elle conduit à penser que le diagnostic
précoce du cancer (quand la tumeur est encore petite et localisée) permet de
guérir. C’est l’illusion que donne le dépistage.
LE DÉPISTAGE EST UNE ERREUR MAIS…
S’il est source de pathologies et de misères inutiles, il a toutefois un grand
mérite : celui de nous avoir conduits au monde caché des cancers du sein.
Au prix de vies brisées inutilement, le dépistage nous a ouvert fortuitement
un monde beaucoup plus vaste que prévu, un monde qu’on imagine mal. Il a
révélé une face occulte de la maladie en totale contradiction avec ce que l’on
perçoit du cancer depuis toujours.
14. INTRODUCTION
17
En effet, depuis des siècles, deux visions du cancer du sein s’opposent.
Une vision restreinte, à court terme, considère la tumeur comme un
intrus, une greffe dont il faut se débarrasser au plus vite. L’objectif est de
supprimer le signe. Il est assimilé à la maladie et la disparition du signe
à la guérison. Cette manière de voir implique de s’attaquer à la racine du
mal, d’extirper la tumeur par un geste chirurgical le plus large possible, à
réaliser le plus tôt possible. Dans cette conception, la tumeur est au centre
du problème. C’est la théorie qui a toujours prévalu.
Dans une autre vision moins manichéenne, la tumeur n’est pas
autonome et ne résume pas la maladie. Elle se juge sur son évolution
en lien avec la personne. Il ne s’agit pas de s’en débarrasser au plus
vite, il faut d’abord en comprendre toutes les connexions. Retirer le
signe de la maladie ne doit pas nuire. La femme est alors au centre de la
préoccupation.
« D’ABORD NE PAS NUIRE »
Notre analyse s’inscrit dans la tradition hippocratique, reprise par le
professeur Charles Gros, qui était le directeur du service central de radiologie
à Strasbourg et à qui l’on doit d’avoir replacé dès 1963* le cancer du sein dans
une vision élargie de la pathologie mammaire où la femme est au centre de
la préoccupation médicale.
« Ne pas détacher l’organe de celle qui le porte, ni séparer l’organisme
de son milieu et de son histoire ; (…) La maladie ou plutôt sa manifestation
est liée à nos moyens d’information. Dans cette représentation du réel, il ne
faut pas confondre le signe avec le signifié ; l’image physique, radiologique
* Dans son livre Les Maladies du sein (Masson, 1963).
15. 18
DÉPISTAGE DU CANCER DU SEIN : LA GRANDE ILLUSION
ou histologique n’est pas la maladie ; plus nous cherchons à préciser, plus
nos moyens de connaissances modifient l’objet étudié et rétrécissent le
champ d’étude. Plus l’objet est analysé par les appareils, plus la synthèse
du réel demande d’effort, de connaissances, de culture générale. »
Cette orientation méthodologique suivie par Charles Gros suppose
une vision beaucoup plus large de l’histoire naturelle de la maladie, de
nouveaux liens tissés entre tumeur, hôte, environnement et un regard à
différentes échelles, de la cellule anormale à la tumeur en population.
CE QUE VOUS ALLEZ TROUVER DANS CE LIVRE
Cet ouvrage comprend onze chapitres. Les premiers abordent la controverse
du dépistage du cancer du sein sous un angle historique et chronologique
et tentent d’expliquer les raisons de l’échec de cette opération de santé
publique. Le chapitre 6 permet de comprendre pourquoi le nombre de
nouveaux cas de cancer s’envole. Puis nous rapportons les effets néfastes
du dépistage. Les derniers chapitres nous conduisent à imaginer une autre
histoire naturelle de la maladie à la lumière des constatations scientifiques
récentes. Enfin, en annexe, vous trouverez un mémo listant les dix questions
à poser à votre médecin avant de vous faire dépister.
Certains chapitres, techniques, peuvent rebuter. Ils sont
malheureusement un passage obligé compte tenu du sujet hautement
sensible et de la désinformation qui sévit. Les différentes facettes du
dépistage, ses effets bénéfiques attendus, ses effets délétères et leurs
conséquences, devaient être examinés à l’aune des données scientifiques,
en tenant compte des biais qui les entachent.
Pour faciliter la lecture, vous trouverez à la fin de chaque chapitre un
encadré qui résume les principales informations données. Il est tout à fait
16. INTRODUCTION
19
possible de se limiter à la lecture de cet encadré pour les chapitres les plus
techniques.
Il est grand temps de tirer toutes les conséquences des faits observés,
en particulier de l’échec du dépistage, et de contribuer à construire un
schéma de l’histoire naturelle de la maladie plus conforme. C’est ce que très
modestement je me suis efforcé d’ébaucher dans ce livre.
L’expérimentation insensée à grande échelle qu’a été le dépistage
de masse a ouvert un champ nouveau où un aspect jusqu’alors inconnu du
cancer du sein se révèle avec la prise de conscience du surdiagnostic. Cette
constatation qui s’est imposée malgré les réticences médicales a l’effet d’un
tsunami qui balaie les a priori et nécessite de nouveaux paradigmes pour
comprendre la maladie.
17. 72
DÉPISTAGE DU CANCER DU SEIN : LA GRANDE ILLUSION
CE QU’IL RESSORT DU DÉPISTAGE DANS LES
DÉPARTEMENTS PILOTES
Les résultats des expériences de dépistage dans les départements pilotes
montraient déjà que la mammographie limitée à un seul cliché par sein était
un mauvais test de dépistage.
De nombreux faux positifs
La probabilité que la patiente dont le test est positif soit effectivement
malade s’est avérée beaucoup moins élevée que prévu. On s’attendait à
ce que le test ait une valeur prédictive positive (VPP) de 30 %. En réalité
elle était de 7,1 %, c’est-à-dire que sur 100 tests positifs, 93 femmes
sont inquiétées inutilement27
. Ces 93 cas sont ce qu’on appelle des
faux positifs. Même si au cours des vagues successives, la VPP tend à
s’améliorer, elle est au mieux de 13,1 % dans le Bas-Rhin de la 2e
à
la 6e
vague de dépistage. Parmi les femmes qui subissent une biopsie
à la suite d’une mammographie positive, seulement une sur deux
a réellement un cancer (47,9 % en moyenne, de 32,7 à 60 % selon les
départements).
En Grande-Bretagne, le taux de faux positifs du test mammographique
(c’est-à-dire de femmes dont le test est positif alors qu’elles n’ont rien) a
été étudié par le docteur Joann Elmore sur une période de dix ans28
. En effet
dans un programme de dépistage, les tests sont effectués périodiquement.
À chaque fois qu’une femme passe un test, le risque qu’elle reçoive un
diagnostic faussement positif augmente avec le temps. On parle de risque
cumulatif. Elmore a estimé que le risque cumulatif de faux positif après
10 tests est de 49 %. Et pour les femmes qui n’ont pas de cancer du sein, le
risque de subir une biopsie est de 18 %.
18. 73
CHRONIQUE D’UN ÉCHEC PROGRAMMÉ
Des faux négatifs
Comparée à un examen comprenant deux clichés par sein, la mammographie
réduite à un seul cliché méconnait près d’un cancer sur cinq aux dires même
de la Forcomed qui se voulait l’organisme expert chargé de la formation des
radiologues.
Une sensibilité et une spécificité*
plutôt bonnes
en apparence…
En termes de sensibilité et de spécificité, les résultats de la mammographie
paraissent bons au premier abord avec une sensibilité d’environ 90 % et une
spécificité comprise entre 94 % et 97 %. Mais voyons ce que cela signifie
concrètement.
Supposons à titre d’exemple une sensibilité où 90 % des cancers
sont diagnostiqués et une spécificité de 99 %, où seulement 1 % des lésions
diagnostiquées ne sont pas des cancers. Sur 1 000 femmes examinées,
supposons que 4 ont une maladie cancéreuse et 996 n’en ont pas.
Avec une sensibilité à 90 %, on a bien des chances de ne rater aucun
des 4 cancers.
Mais avec une spécificité de 99 %, en concluant à l’absence de cancer, on
obtient 10 erreurs. En effet, si on se trompe une fois sur cent chez les personnes
sans cancer, on reproduit 10 fois cette erreur pour 1 000 femmes examinées. Au
total, on a obtenu 4 diagnostics de vrais cancers et 10 faux positifs29
.
Parallèlement, le dépistage dans les départements pilotes fait
apparaître une baisse considérable du rendement des biopsies mammaires
* Sensible signifie que le test est capable d’identifier les malades et spécifique qu’il est capable
d’identifier les non-malades.
19. 74
DÉPISTAGE DU CANCER DU SEIN : LA GRANDE ILLUSION
puisqu’en moyenne, 70 % des biopsies réalisées pour des images qui ne
s’accompagnaient pas de symptômes cliniques mettaient en évidence des
lésions bénignes30
.
En dépit de toutes ces contreperformances, une bonne nouvelle
semble réjouir tout le monde : le dépistage a permis de mettre en évidence
des lésions infracliniques et un plus grand nombre de petites lésions de moins
de 2 cm, ce qui pouvait paraître un progrès. On a cru alors qu’en augmentant
le nombre de petits cancers diagnostiqués, le dépistage permettrait de
diminuer le nombre des cancers évolués. Or l’expérience a montré qu’il n’en
était rien. Ce nombre est resté stable.
UNE DYNAMIQUE DES TUMEURS INATTENDUE
Avec le dépistage et un diagnostic plus précoce, on pensait pouvoir augmenter
la période pendant laquelle il serait possible de guérir la maladie. Or pour
un grand nombre de cancers, cela ne se produit pas. Certaines tumeurs
surprennent par la rapidité avec laquelle elles se développent.
Premier exemple
L’image de droite montre qu’une tumeur palpable de 2,5 cm s’est constituée
alors qu’une mammographie effectuée sept mois auparavant était normale.
On est loin des dix ans théoriques nécessaires pour arriver au premier
centimètre. Souvent les femmes rapportent que la masse n’est palpable que
depuis quelques semaines, voire quelques jours.
20. 75
CHRONIQUE D’UN ÉCHEC PROGRAMMÉ
Pas de tumeur 7 mois après, tumeur de 2,5 cm
Deuxième exemple d’apparition brutale d’une
tumeur palpable
Il s’agit d’une femme de 29 ans chez qui une masse se constitue brutalement
en quelques heures. Cette patiente décrit l’apparition « dans la nuit du
mercredi au jeudi… » d’un nodule de 3 cm dans son sein gauche.
21. 76
DÉPISTAGE DU CANCER DU SEIN : LA GRANDE ILLUSION
Tumeur de 3 cm apparue brutalement
Le médecin traitant pensant qu’il s’agit probablement d’un kyste, effectue
une ponction dans le but d’évacuer le liquide mais il échoue. La mammographie
effectuée deux jours plus tard montre une
opacité arrondie compatible avec un kyste mais
la formation est solide, comme le confirme
l’échographie. Une microbiopsie est effectuée.
Conclusion : cancer canalaire infiltrant.
Ces deux exemples illustrent ce que
les sénologues observent très fréquemment
dans leur pratique clinique. Ils doivent se rendre à l’évidence : détecter une
grosse lésion ne signifie pas forcément que le diagnostic est tardif. Une petite
Détecter
une grosse lésion
ne signifie pas
que le diagnostic
est tardif.
22. 77
CHRONIQUE D’UN ÉCHEC PROGRAMMÉ
image ou une petite anomalie palpable peut rester longtemps inchangée,
durant des mois, des années. À l’inverse, l’apparition en quelques jours
d’une image étendue ou d’une volumineuse masse palpable n’exclut pas un
diagnostic précoce.
Troisième exemple. Une toute petite lésion
peut s’accompagner de métastases.
Aujourd’hui comme hier, petit ne signifie pas forcément « bon pronostic ».
Une lésion millimétrique au microscope peut être accompagnée de
métastases.
La tumeur est de petite taille et pourtant elle est de mauvais pronostic
puisqu’elle s’accompagne de métastases osseuses diffuses
Sur la photo de gauche, la petite image mammographique (tache
blanche de 5 mm) est considérée comme une petite lésion au développement
23. 78
DÉPISTAGE DU CANCER DU SEIN : LA GRANDE ILLUSION
limité. Elle est pourtant accompagnée de métastases osseuses diffuses
(photo de droite) qui témoignent d’une maladie généralisée. La corrélation
entre la taille de la lésion cancéreuse dans le sein et le pronostic n’est que
relative. À l’extrême, on peut être confronté à des métastases ganglionnaires
axillaires ou sus-claviculaires d’un cancer du sein ou à des métastases
osseuses sans que l’on soit capable, avec les moyens actuels, d’identifier la
tumeur primitive dans le sein.
LE CANCER N’ÉVOLUE PAS DE MANIÈRE LINÉAIRE
Le cancer est une maladie qui effraie par son évolution considérée comme
inéluctable. D’après la théorie de Halsted, une cellule anormale apparaît et
entame une multiplication infinie ; la tumeur se met à grossir localement
puis le cancer se dissémine dans le corps, il colonise divers organes et finit
par provoquer le décès.
Carcinome in situ
Décès
Métastases
Ganglions envahis
Extension locorégionale
Carcinome invasif
Malin
FIGURE 6 : SCHÉMA CLASSIQUE DE L’ÉVOLUTION DU CANCER DU SEIN
24. 79
CHRONIQUE D’UN ÉCHEC PROGRAMMÉ
En réalité les choses ne sont pas aussi simples. Les divers stades de
la maladie ne s’enchaînent pas automatiquement. L’évolution spontanée
d’un cancer du sein (en l’absence de traitements), ce qu’on appelle l’histoire
naturelle de la maladie ne se déroule pas toujours selon le scénario prévu.
Un cancer visible au microscope peut ne jamais
se développer.
En 1997, le professeur de médecine interne Gilbert Welch et le docteur
William Black de la faculté de médecine de Dartmouth (États-Unis) ont
publié une revue d’études autopsiques c’est-à-dire des études menées par
des anatomopathologistes sur des tissus prélevés lors d’autopsies.
Ils ont analysé sept séries d’autopsies de femmes qui n’avaient pas
reçu de diagnostic de cancer du sein de leur vivant. Ils ont trouvé un nombre
étonnamment élevé de cancers du sein. En moyenne, le taux de cancers du
sein invasifs était de 1,3 % (0 à 1,8 %) et celui des cancers in situ était de 8,9 %
(0 à 14,7 %)31
.
Il existerait donc un « réservoir » non négligeable de cancers du sein
qui passent inaperçus. Cela a été confirmé encore très récemment par une
équipe australienne (université de Bond). Les auteurs ont effectué une revue
systématique de treize études réalisées dans dix pays différents, entre 1948
et 2010. Ils ont colligé au total 2 363 autopsies.
Ilsontconstatéqueplusonpoussel’examendestissusaumicroscope,plus
on trouve de cancers in situ et de lésions précancéreuses. La fréquence moyenne
de ces lésions « accidentelles » était de l’ordre de 19,5 % (0,85 % pour les cancers
invasifs + 8,9 % pour les cancers in situ + 9,8 % d’hyperplasie atypique*32
).
* Lésions précancéreuses
25. 80
DÉPISTAGE DU CANCER DU SEIN : LA GRANDE ILLUSION
Ces constatations conduisent à penser que tous les cancers visibles au
microscope n’auront pas forcément d’expression clinique et d’issue fatale.
Une femme peut être porteuse d’un cancer du sein sans ne jamais en ressentir
aucun symptôme et finalement mourir de tout autre chose33
.
Un « gros » cancer peut évoluer pendant des
années et rester sans métastases.
Voici le cas d’une femme de 68 ans qui vient consulter en 2001. Elle présente
une tumeur ulcérée hémorragique intéressant l’ensemble de son sein gauche
(voir annexe 2). Cette femme ayant refusé les traitements, sa lésion évolue
depuis au moins une quinzaine d’années. Aucune métastase n’a été décelée
au cours du bilan.
Un cancer peut régresser spontanément.
Voici l’exemple d’une patiente qui se présente en mars 1987 avec une masse
palpable de 2 cm adhérente à la peau dans le prolongement axillaire du
sein. L’analyse au microscope conclut à un carcinome canalaire infiltrant.
La patiente refuse le traitement consensuel. Lors d’une visite de contrôle
effectuée dix-huit mois plus tard, le nodule est à peine palpable et, sur le
cliché, la tumeur a régressé. Deux ans et demi après, tout a pratiquement
disparu. La patiente est perdue de vue pendant huit ans puis revient avec à
nouveau une masse palpable…
26. 81
CHRONIQUE D’UN ÉCHEC PROGRAMMÉ
Mars 1987
Tumeur de 2 cm
Octobre 1988
Régression
Octobre 1989
Quasi disparition
Janvier 1998
La tumeur réapparaît.
Il n’y a donc pas d’évolution linéaire par étapes dans un ordre
inéluctable.
En 2014, l’article du médecin japonais Eriko Tokunaga (université de
Kyushu) rapporte un cas de régression spontanée chez une patiente de 52 ans
atteinte d’un cancer associé à une métastase ganglionnaire axillaire. La
découverte simultanée d’un diabète grave retarde l’intervention d’un mois.
L’examen des tissus prélevés lors de l’opération chirurgicale révèle la
régression spontanée en montrant une nécrose complète du tissu tumoral
au niveau du sein et des ganglions34
.
D’autres cas cliniques de ce type sont rapportés dans la littérature35 36 37
.
La régression spontanée est considérée comme exceptionnelle. En
réalité, ce qui est exceptionnel, c’est la possibilité de l’observer.
27. 82
DÉPISTAGE DU CANCER DU SEIN : LA GRANDE ILLUSION
Une façon indirecte d’appréhender cette évolution déroutante réside
dans les études de suivi de populations.
Ces études montrent que l’augmentation du nombre de cancers in situ
diagnostiqués et traités n’a pas fait diminuer le nombre de cancers invasifs.
Cela confirme que le développement de la maladie ne suit pas une trajectoire
linéaire continue et prévisible. Il peut exister des régressions de certaines
lésions, des situations figées et des avances par à-coups de la maladie.
Groupe
témoin
Groupe
dépisté
Années de suivi
Écart de
22 %
Première vague
}
Deuxième vague Troisième vague
Dépistage
de prévalence
Pas de dépistage
2 000
2 4 6
1 500
1 000
500
0
Incidencecumulée(pour100000femmes)
FIGURE 7 : INFLUENCE DU DÉPISTAGE SUR L’INCIDENCE CUMULÉE DU CANCER
DU SEIN (ÉTUDE DE L’INSTITUT DE SANTÉ PUBLIQUE D’OSLO, 2008) 38
En 2008, une étude de l’Institut de santé publique d’Oslo va dans
ce sens : près de 120 000 femmes ont été dépistées tous les deux ans par
mammographie. Un groupe contrôle a été constitué avec 110 000 femmes
qui, elles, ont été dépistées une seule fois au bout de six ans. Au lieu du
nombre identique de cancers invasifs attendu dans les deux groupes, on
28. 83
CHRONIQUE D’UN ÉCHEC PROGRAMMÉ
observe 22 % de cancers en moins dans le groupe dépisté une seule fois au
bout de six ans. Cela suggère que, dans le groupe dépisté une seule fois, des
cancers ont spontanément régressé38 39
.
Conclusion
Aujourd’hui nous avons une définition purement histologique du cancer.
Nous déclarons qu’une femme est atteinte d’un cancer du sein lorsque nous
découvrons au microscope la présence dans le sein d’anomalies cellulaires
et architecturales caractéristiques de cancer. L’évolution du cancer du sein tel
qu’ilestdéfiniaujourd’huin’estniinéluctable
ni prévisible. Selon les circonstances et l’outil
de diagnostic utilisé, les cancers détectés ne
seront pas les mêmes, ils pourront avoir une
histoire naturelle et un potentiel évolutif très
différents. Ainsi, la recherche systématique
d’un cancer par dépistage mammographique
révèle un monde que l’examen clinique seul
ne peut soupçonner. Le caractère inattendu
de l’évolution d’un cancer par rapport au
schéma prévu est pour partie lié à son mode de découverte.
L’idée qu’il existerait une longue période durant laquelle la maladie
serait guérissable et qu’on pourrait y accéder par un diagnostic plus précoce
grâce à la mammographie de dépistage est un espoir qui ne s’est pas vérifié car
cette idée ne correspond pas à la réalité pour les cancers qui vont s’exprimer
cliniquement (les cancers évolutifs). Cette longue période n’existe peut-être
que pour des lésions qu’il conviendrait, dans l’intérêt de la patiente, de ne
pas dépister (les « cancers » figés ou d’évolution très lente).
La régression
spontanée est
considérée comme
exceptionnelle. En
réalité, ce qui est
exceptionnel, c’est
la possibilité de
l’observer.
29. DrBernardDUPERRAY
www.thierrysouccar.com
Prix 19,90 € TTC France
ISBN 978-2-36549-337-6
”“
Chaque femme devrait lire ce livre
et l’offrir à son médecin !
Dr Cécile Bour, présidente de l’association Cancer Rose
Dépister pour mieux guérir est un leurre. Telle est la conviction de
nombreux scientifiques, et le Dr Bernard Duperray explique brillamment
pourquoi dans ce livre.
Avec le dépistage, le cancer du sein est diagnostiqué de plus en plus tôt,
on découvre des tumeurs de plus en plus petites et pourtant cette action
de prévention n’a fait baisser ni la mortalité ni le nombre de cancers
avancés. Comment expliquer ce paradoxe ?
Après plus de quarante ans consacrés au diagnostic du cancer du sein, le
Dr Duperray montre qu’en réalité, plus on cherche, plus on trouve, et
quelquefois des cancers qu’il aurait mieux valu ignorer. Contrairement à ce
que le public a été amené à croire, le dépistage de masse organisé est non
seulement inutile mais délétère.
Toutefois, l’arbre ne doit pas masquer la forêt. Critiquer le dépistage par
mammographie est stérile si l’on ne tire pas les conséquences de son
échec. Dans cet ouvrage écrit pour les femmes et les soignants, le
Dr Duperray pose un autre regard sur la maladie et questionne : qu’est-ce
qu’un cancer ? Quelle est sa définition ? À partir de quand est-on malade ?
Où est la maladie mortelle et où est l’anodine qu’il ne faut pas détecter ?
Nous sommes devant un casse-tête, celui de comprendre de nouveaux
paradigmes d’une maladie loin d’être maîtrisée... Tout est à découvrir.
Le Dr Bernard Duperray est médecin radiologue, spécialiste du cancer du sein,
retraité après quarante-et-un ans de pratique à l’hôpital Saint-Antoine à Paris.
Il enseigne à l’université Paris-Descartes.
Le Dr Cécile Bour est médecin radiologue dans la région de Metz. Elle préside
l’association Cancer Rose qui milite pour que les femmes aient accès à une infor-
mation indépendante et loyale.
Dr Bernard DUPERRAY
Préface du Dr Cécile Bour,
de l’association Cancer Rose
DUSEIN
LAGRANDE
ILLUSIONPourquoi il peut faire plus de mal que de bien
Pourquoi il faut changer notre regard sur la maladie
DÉPISTAGEDUCANCERDUSEINLAGRANDEILLUSION
DEPISTAGE DU CANCER DU SEIN,
LA GRANDE ILLUSION
288 pages couleur
Format 14 x 21 cm
19,90 €
ACHETER CE LIVRE